MUSA
CR 2008/17 (traduction)
CR 2008/17 (translation)
Vendredi 20 juin 2008 à 16 h 30
Friday 20 June 2008 at 4.30 p.m. - 2 -
8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour se réunit cet après-midi pour entendre le
second tour de plaidoiries des Etats-Unis d’Améri que relativement à la demande en indication de
mesures conservatoires déposée par le Mexique. Je donne la parole à l’agent des Etats-Unis,
M. Bellinger.
M. BELLINGER :
Conclusion
1. Merci encore, Madame le président, Messi eurs de la Cour. Nous en arrivons à la
conclusion de nos exposés sur ces questions.
2. Nous avons, hier, présenté l’argumentati on des Etats-Unis sur le fond. Comme nous
l’avons indiqué, les Etats-Unis souscrivent à l’interprétation demandée par le Mexique, selon
laquelle, en particulier, l’arrêt Avena leur impose une «obligation de résultat». Il n’existe donc
aucune contestation «sur le sens ou la portée» de cet arrêt. Dès lors, il n’existe aucun fondement
pour que la Cour connaisse de la demande, et elle n’a pas compétence prima facie pour indiquer
des mesures conservatoires. En effet, la demande du Mexique n’étant pas une demande en
interprétation, mais une demande visant à ce que la Cour veille à ce que l’arrêt Avena soit exécuté,
cette dernière devrait rejeter la demande du Mexique.
Pe3r. ettezmaoiintena nt de répondre à quelques point s soulevés par le Mexique ce
matin.
A.L’existence d’une contestation est néces saire aux fins de l’indication de mesures
conservatoires
4. Ce matin, le Mexique a concédé que la Cour devait s’assurer de sa compétence prima
facie relativement à une demande ayant trait au fond avant de pouvoir indiquer des mesures
conservatoires dans le cadre de ladite demande. Comme les Etats-Unis l’ont expliqué hier, le
Mexique n’a toutefois pas respecté cette logique. Il a formulé sa demande au fond en se prévalant
de l’article60 du Statut de la Cour. Par c onséquent, il lui faut démontrer que sa demande en
interprétation est susceptible d’entrer dans les prévisions de cet article afin de remplir les
conditions d’une compétence prima facie. - 3 -
5. Or, le Mexique n’en a rien fait. Etant donné qu’il n’existe aucune contestation entre lui et
les Etats-Unis quant à l’interprétation de l’arrêt Avena ⎯arrêt qu’il avait sollicité de la présente
Cour ⎯ sa demande en interprétation ne saurait entrer dans les prévisions de l’article 60. Il ressort
du libellé de cet article qu’il ne confère compéten ce à la Cour que lorsqu’ existe une contestation
sur la portée ou le sens d’un arrêt qu’elle a rendu. Le Mexique n’ayant pas ⎯ainsi que je
9
l’expliquerai dans un instant ⎯ démontré l’existence d’une contestation de cette nature, l’article 60
ne saurait fonder la compétence de la Cour à l’ égard à sa demande en interprétation. Or, en
l’absence d’une telle base de compétence, la Cour ne devrait pas examiner les autres éléments
présentés par le Mexique, mais rejeter sa demande en indication de mesures conservatoires.
6. Ce matin, le Mexique a laissé entendre que la Cour ne devrait pas, à ce stade, se demander
si sa Demande en interprétation établit comme il se doit l’existence d’une contestation sur le sens
ou la portée de l’arrêt Avena.
7. Ce faisant, le Mexique méconnaît la jurisp rudence de la Cour. En effet, l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires qu’elle a rendue en l’affaire de la Licéité de l’emploi de la
force opposant la Yougoslavie à la Belgique atteste qu’en réalité, la Cour, lorsqu’elle examine la
question de sa compétence prima facie, ne considère pas nécessairement comme vraies toutes les
allégations des parties. En ladite affaire, la Cour a ainsi fait observer que «la caractéristique
essentielle du génocide est la destruction intenti onnelle d’un «groupe national, ethnique, racial ou
religieux»» ( Licéité de l’emploi de la force (Yougosla vie c.Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 138, par. 40). La Yougoslavie alléguait que
les actes de la Belgique avaient eu pour effet «de soumettre intentionnellement un groupe ethnique
à des conditions devant entraîner sa destru ction physique totale ou partielle» ( ibid., p. 125, par. 2 ;
p.136, par.34). La Cour a toutefois jugé qu’«il n’appara[issai]t pas au présent stade de la
procédure que les bombardements qui constituent l’ objet de la requête yougoslave «comport[aient]
effectivement l’élément d’intentionnalité, dirigé contre un groupe comme tel, que requiert la
disposition sus-citée»» ( ibid., par.40). Sur ce fondement, elle a estimé que la convention sur le
génocide ne saurait «constituer…une base sur laquelle [s]a compétence pourrait prima facie être
fondée dans le cas d’espèce» ( ibid., par.41). Autrement dit, la Cour ne s’est pas contentée de - 4 -
considérer comme vraies toutes les allégations formulées lorsqu’elle a examiné la question de
savoir si elle avait ou non compétence prima facie.
8. De la même manière, en la présente esp èce, il ne suffit pas que le Mexique prétende
qu’une contestation existe sur l’interprétation de l’arrêt Avena. La Cour doit disposer de certains
éléments attestant le bien-fondé de l’allégation. Ainsi que M.Thessin l’a fait observer hier, si de
simples allégations suffisaient à satisfaire au critère de la compétence prima facie, celui-ci ne serait
qu’une coquille vide, et toute partie pourrait y satisfaire par le simple talent de ses plaideurs. Il en
faut plus pour invoquer les «pouvoirs exceptionnels» que détient la Cour d’indiquer des mesures
conservatoires.
10 9. Cependant, même en laissant de côté les questions relatives à la compétence prima facie,
le Mexique ne satisfait pas aux autres conditions régissant l’indication de mesures conservatoires.
A l’appui de sa thèse selon laquelle il remplit ces conditions, le Mexique s outient qu’il existe
actuellement des droits en litige sur lesquels la Cour se prononcera ultérieurement. Lorsque,
comme c’est le cas en la présente espèce, il n’existe aucun droit en litige, aucune des conditions
régissant l’indication de mesures conservatoires ne saurait être remplie.
10. Dès lors que les Etats-Unis convie nnent que les personnes visées au point9 du
paragraphe 153 de la décision rendue en l’affaire Avena doivent bénéficier d’un réexamen et d’une
revision, il n’existe actuellement aucun droit «en litige» dans l’instance principale. C’est en cela
que la présente espèce se distingue ⎯et ce point est important ⎯ c’est en cela que la présente
espèce se distingue des affaires antérieures fondées sur la convention de Vienne, affaires dans
lesquelles il existait de véritables différends relatifs aux questions soulevées au fond par les
demandeurs. Je reviendrai sur ce point plus tard.
11. En ce qui concerne la question du préj udice irréparable causé aux droits qui forment
l’objet du différend, le Mexique s’est contenté d’ affirmer que l’application de la peine de mort
porterait préjudice aux intérêts de ses ressortissa nts. Or, comme nous l’avons précisé hier, nous
avons tout à fait conscience de la gravité que revêtent les affaires qui touchent à la peine de mort.
Dans son analyse, le Mexique a cependant fait bien peu de cas de l’autre versant de la condition du
préjudice irréparable, à savoir que les droits deva nt être sauvegardés doivent former l’objet d’un
différend dans le cadre d’une demande au fond . Là encore, attendu qu’il n’existe aucune - 5 -
contestation sur les questions à l’égard desque lles le Mexique demande une interprétation, il
n’existe aucun droit en litige qui puisse former l’objet d’un différend.
B. Il n’existe aucune contestation
12. A l’appui de sa thèse selon laquelle une contestation existe bel et bien, le Mexique
affirme que l’Etat du Texas ⎯voire un seul juge de cet Etat ⎯ fait une interprétation de l’arrêt
rendu par la présente Cour en l’affaire Avena différente de la sienne. Selon lui, cela suffit à fonder
une demande en vertu de l’ar ticle60 puisque «les actes du Texas engagent la responsabilité
internationale des Etats-Unis» 1. Sur ce point, le Mexique fait cependant l’amalgame entre deux
catégories de principes du droit international. Le premier est le droit de la responsabilité de l’Etat,
en vertu duquel un Etat est responsable des actes de ses organes politiques. Ceux-ci comprennent
2
les autorités fédérales, étatiques et locales . Le second principe, en revanche, a trait à la question
de savoir qui a compétence pour s’exprimer au nom de l’Etat.
11 13. Bien entendu, les Etats-Unis reconnaissent qu’ils sont responsables en droit international
des actes de leurs subdivisions po litiques. Cependant, cela ne revien t pas à dire que les prises de
position d’une juridiction d’Etat devraient être attr ibuées aux Etats-Unis afin de déterminer si une
contestation oppose ce pays au Mexique au sujet du sens et de la portée de l’arrêt Avena . Comme
le montre clairement un commentaire relatif au projet d’articles sur la responsabilité des Etats pour
fait internationalement illicite, la question de savoir qui est habilité à se prononcer au nom d’un
Etat «se distingue de celle de savoir si le comportement de cette personne ou entité est attribuable à
l’Etat» 3.
14. Il ressort tout aussi clairement de l’affaire du Golfe du Maine, qui avait été portée devant
la Cour, que celle-ci attribuera un effet juridique uniquement aux déclarations d’autorités habilitées
à se prononcer au nom de l’Etat qu’elles représen tent. Ainsi, pour déterminer s’il existe une
contestation opposant les Etats-Unis au Mexique, la Cour doit considérer les déclarations faites par
1
CR 2008/16, p. 9, par. 3 (Hernández).
2
Voir l’article 4 des projets d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.
Projets d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, paragraphe 5 du commentaire
relatif à l’article 20. - 6 -
des autorités habilitées à prendre la parole au nom des Etats-Unis sur le plan international. Les
représentants des Etats n’ont pas ce pouvoir.
15. La Constitution des Etats-Unis attribue la responsabilité des relati ons internationales au
4
gouvernement fédéral et non a ux gouvernements des Etats . La Cour suprême a déclaré
expressément que «la responsabilité de l’ensemble des relations internationales du pays…[ne
relevait] pas des pouvoirs exécutifs des Etats» 5. Dans le domaine des relations internationales, les
Etats-Unis parlent d’une seule voix par l’intermédiaire du pouvoir exécutif, et non par celui des
Etats, des autorités locales ou du Congrès. Les décl arations et actes des représentants des Etats sur
un sujet donné ne représentent si mplement pas la position des Etats-Unis à cet égard, même si
ceux-ci devraient clairement en assumer la resp onsabilité en application du principe de la
responsabilité des Etats pour les actes internationalement illicites accomplis par ces autorités.
16. La position contradictoire du Mexique a des implications époustouflantes. Les vues
exprimées par un gouvernement, voire un représentant , local pourraient-elles engager tout un pays
dans le cadre d’autres affaires également ? Si une ville ou une province d’un pays donné déclarait
qu’un traité devrait être interpré té d’une certaine manière, cette prise de position pourrait-elle être
considérée comme point de départ d’un différend avec un autre pays quant au sens de ce traité,
relevant de la compétence de la Cour? Bi en entendu, le débat pourrait porter sur d’autres
12 questions que l’interprétation des traités. Des villes ou des provinces données pourraient tout aussi
bien avoir leurs propres opinions sur la manièr e d’interpréter un arrêt de la Cour. Cela
justifierait-t-il une demande en interprétation sur le fondement de l’ar ticle 60 ? Quel impact aurait
une telle éventualité sur la règle fondamentale de l’article60 qui veut que les arrêts de la Cour
soient «définitifs et sans recours» ?
C. Réponse à la question du juge Bennouna
17. Il semble à présent opportun de répondre à la question que le juge Bennouna a posée hier
après-midi, à propos des vues du Congrès américain sur l’arrêt Avena. Le Congrès n’a pas, en
réalité, adopté de législation sur la question, je ne peux donc concrètement vous rapporter le point
4
Voir article 1, section 8, article 2, section 2, Hines c. Davidowitz, 312 U.S. 52, 63 (1941).
5
Affaire intitulée «Chinese Exclusion», 130 U.S. 581, 606 (1889). - 7 -
de vue du «Congrès» en tant que tel. Les memb res du Congrès peuvent avoi r, bien entendu, des
points de vue personnels, mais c’est là toute autr e question. Il convient cependant de noter que
⎯ même en supposant qu’un grand nombre de membres du Congrès estiment à titre individuel que
l’arrêt Avena a force obligatoire en droit international ⎯ cela ne signifie pas nécessairement que le
Congrès puisse adopter une législation sur ce point. Le Congrès est un organe politique, et un vaste
ensemble de facteurs peut influer sur les acte s de ses membres. Sans doute, entre autres, le
Congrès doit-il faire face à l’urgence d’autres questions législatives, s
es membres doivent-ils, pour
des raisons politiques, s’intéresser particulièrement à certains dossi ers, ou encore faut-il répondre
aux préoccupations de différents membres particulièrement attachés à telle ou telle cause ; ainsi, il
se pourrait même que des mesures largement appu yées ne puissent être adoptées, le Congrès étant
occupé à promouvoir d’autres parties de son programme législatif.
18. En tout état de cause, je dois répéter que ⎯ en vertu de la Constitution des Etats-Unis ⎯
c’est le pouvoir exécutif, sous la direction du prési dent et du secrétaire d’Etat, et non le Congrès,
qui prend position avec autorité pour les Etats-Unis sur le plan international. Cette question s’est
posée dans une affaire célèbre, dans laquelle la C our suprême a confirmé que le président était «le
seul organe de la nation dans ses relations extérieures, et son seul représentant auprès des nations
6
étrangères» ⎯ le président, pas le Congrès.
19. L’idée que le pouvoir exécutif soit le porte-parole du gouvernement est bien entendu
conforme à la pratique internationale selon laquelle les chefs d’Etat et le
s ministres des affaires
étrangères ont la charge de représenter les Etats et de présenter leurs vues. C’est sans aucun doute
13 sur cette base que s’entretiennent les relations inte rnationales. Cela correspond à la pratique des
Etats en ce concerne la négociation et la conclusion des traités, la représentation des
gouvernements au sein d’organisations et de réunions internationales, l’ouverture et de la fermeture
d’ambassades et, de fait, la représentation des pays devant la Cour. Ce sont les ministères des
affaires étrangères ainsi que les ambassades, sous le contrôle de ces derniers ⎯ et non les
municipalités ou les parlements ⎯ qui, pour la communauté intern ationale, représentent avec
autorité les vues des Etats dans le monde.
6
Etats-Unis c. Curtiss-Wright Export Corp., 299 U.S. 304 (1936). - 8 -
D. Les mesures prises par les Etats-Unis corresp ondent à leur position selon laquelle l’arrêt
Avena impose une obligation de résultat
20. Les Etats-Unis se sont, devant cette Cour, pleinement associés aux vues du Mexique
selon lesquelles l’arrêt Avena impose une «obligation de résultat». Le Mexique prétend néanmoins
déceler l’existence d’un véritable différend sur l’interprétation de l’arrêt dans sa correspondance
diplomatique échangée avec les Etats-Unis. Mais ce tte correspondance ne révèle rien de tel. Il est
vrai que les Etats-Unis ont évoqué avec le Mexi que des mesures qui pourraient les amener à une
solution pratique. Mais les Etats-Unis n’ont jamais laissé entendre qu’une quelconque mesure
pourrait en elle-même remplir les obligations qui leur incombent en vertu de l’arrêt Avena.
21. Dans la mesure où le Mexique laisse entendre que les Etats-Unis devraient ou auraient dû
prendre certaines mesures pour mettre en Œuvre l’arrêt Avena, il ne s’agit pas d’une contestation
sur la portée ou le sens de cet arrêt, il s’agit d’autre chose.
L’2r.rêt Avena énonce en des termes très clairs que les Etats-Unis doivent s’acquitter de
l’obligation de réexamen et de revision «par les moyens de leur choix». Point final. Une demande
tendant à ce que la Cour impose aux Etats-Un is des mesures additionnelles ou particulières
reviendrait à lui faire réécrire cet arrêt, non à l’interpréter.
23. Ce matin, le Mexique a, à plusieurs reprises, mentionné diverses mesures qu’il
souhaiterait voir les Etats-Unis prendre, ceux-ci ne les ayant, selon lui, pas prises. Le Mexique a
déclaré que «[n]i le pouvoir exécutif du Texas, ni la législature du Texas, ni le pouvoir exé
cutif
7
fédéral, ni la législature fédérale» n’ont pris les mesures particulières demandées par le Mexique.
14 24. Eh bien, nous comprenons que le Mexi que veuille que le Congrès des Etats-Unis
promulgue une loi donnant effet à l’arrêt Avena, que le Texas applique cette loi, que le gouverneur
du Texas et la commission des grâces et des libertés conditionnelles du Texas accordent à
M.Medellín un sursis afin de permettre à ladite loi d’être promulguée. Mais on ne saurait tout
simplement prétendre que toute omission, de la pa rt de ces organes, de prendre des mesures aussi
précises que celles-ci reflète l’existence d’une contestation juridique quant à l’interprétation de
l’arrêt Avena.
7
CR 2008/16, p. 18, par. 25 (Donavan). - 9 -
25. Selon le Mexique, ces omissions «reflète[nt] l’existence d’une contestation quant au sens
et à la portée de l’arrêt Avena». Cela est faux. Les Etats-Unis ont toujours clairement fait savoir
qu’ils étaient pleinement d’accord av ec le Mexique pour dire que l’arrêt Avena imposait une
obligation de résultat. En conséquence, rien ne ju stifie que la Cour élabore une autre interprétation
à partir de prétendus actes ou omissions particuliers, l esquels reflètent souvent, pour reprendre les
termes de l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Haya de la Torre , «des considérations de nature
pratique ou d’opportunité politique». Il sera it inopportun d’inférer l’existence d’un différend
juridique de tels actes ou omissions.
E. Conclusion
26. Permettez-moi maintenant de vous pr ésenter quelques remarques de conclusion.
J’aimerais faire observer tout d’abord que le Mexique a révisé l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires qu’il demande à la Cour de rendre. Au lieu de demander à la Cour
d’indiquer par une ordonnance de portée générale qu’il ne sera procédé à aucune exécution dans les
cinq cas en question, le Mexique demande à présent que soit rendue une ordonnance portant
indication de ne procéder à aucune exécution da ns lesdits cas à moins et jusqu’à ce que les
intéressés aient pu bénéficier du réexamen et de la revision prévus aux paragraphes 138 à 141 de
l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Avena. Nous saluons cette précision qui a été apportée à la
demande du Mexique.
27. Nous faisons aussi remarquer que le te xte révisé de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires n’ajoute rien à l’obligation déjà imposée aux Etats-Unis au point(9)du
paragraphe 153 de l’arrêt Avena. L’ordonnance proposée ne serait rien d’autre qu’une répétition de
l’obligation d’assurer le réexamen et la revision d es cas en question. Les points sur lesquels elle
pourrait jeter un éclairage supplémentaire — discutable — ne font l’objet d’aucune controverse. Il
va de soi que si l’exécution d’une condamnation à la peine capitale avait lieu dans l’un quelconque
de ces cas sans que l’intéressé ait pu bénéficier du réexamen et de la revision requis, car cela serait
contraire à l’arrêt Avena . En un mot, l’ordonnance redondante demandée par le Mexique ne
servirait à rien. Lorsqu’un arrêt définitif de la Cour énonce clairement les droits respectifs des - 10 -
parties, il n’est pas nécessaire de rendre une ordonnance en indication de mesures conservatoires au
titre de l’article 41 ; cette ordonnance n’a pas lieu d’être.
15 28. Hier, le Mexique a qualifié sa demande en indication de mesures conservatoires de
«classique» et de «simple» et i ndiqué qu’elle n’était pas différente des demandes en indication de
mesures conservatoires présentées dans les précédentes affaires — Avena, LaGrand et Breard —
concernant la convention de Vie nne. Mais ce n’est justement pas le cas. Dans les précédentes
affaires, il y avait une base juridique permettant d’indiquer des mesures conservatoires afin de
maintenir le statu quo en attendant que la Cour parvie nne à régler un problème de «droits
contestés» —à savoir si, à la lumière des demand es introduites en vertu de la convention de
Vienne, lesdits accusés avaient droit au réexamen et à la revision de leurs verdicts de culpabilité et
de leurs peines. En d’autres termes, les mesu res conservatoires indiquées dans ces précédentes
affaires étaient préalables au règlement d’un différend juridique concernant les droits de Mexicains
et nécessaires pour maintenir le statu quo jusqu’audit règlement. La requête actuelle du Mexique
est complètement différente. Ce ne sont plus des «droits contestés» qui sont en cause, étant donné
que la Cour s’est prononcée sur la nature de ces droits dans l’arrêt Avena. Et, comme nous l’avons
bien précisé, «le sens et la portée» de l’arrêt Avena ne font l’objet d’aucune controverse.
29. Il a été question ce matin des motifs qui ont amené le Mexique à introduire la présente
instance. Les Etats-Unis ne contestent en aucune façon ces motifs ; nous comprenons et respectons
les préoccupations graves et profondes du Mexique au sujet de l’exécution de la condamnation à
mort d’un ressortissant mexicain — exécution dont la date a déjà été fixée — et de l’exécution, par
les Etats-Unis, de l’arrêt Avena. En déclarant que le véritable objectif du Mexique en l’instance est
l’exécution de l’arrêt Avena et non son interprétation, nous ne voulons pas dire que cet objectif est
en quelque sorte, et d’une manière générale, fâcheu x. Mais la Cour n’a p as pour rôle d’intervenir
dans l’exécution d’un arrêt.
30. Nos préoccupations, dans la mesure où elles concernent le dépôt d’une requête qui ferait
intervenir la Cour dans ce qui est essentiellement une procédure engagée aux fins de l’exécution de
l’un des ses arrêts, sont fondamentales du point de vue juridique. Cela ne correspondrait pas au
rôle qu’il appartient à la Cour de jouer en ve rtu de son Statut ou de la Charte. Cela ne
correspondrait pas au rôle dévolu à la Cour au sein du système juridique international. Les - 11 -
ramifications de cet état de fait iraient bien au-delà de la présente affaire. La Cour devrait, à notre
avis, refuser d’endosser pareil rôle. C’est ainsi, même si ce qui est demandé ne représente qu’une
reformulation de l’arrêt que la Cour a déjà rendu.
31. Nous comprenons la gravité de la question dont a été saisie la Cour. Nous confirmons
que l’exécution de M. Medellín a été fixée au 5 août. Mais cela ne saurait, à notre sens, donner lieu
à une contestation «quant à la portée ou au sens» de l’arrêt Avena. Il serait manifestement contraire
à l’arrêt Avena de procéder à l’exécution de la peine de M.Medellín sans accorder à celui-ci le
réexamen et la revision requises. Mais cela n’équivaudrait pas à une interprétation erronée de
16
l’arrêt Avena. Et nous sommes en train de faire tout ce qu’il nous est matériellement possible pour
éviter d’en arriver à cette extrémité.
32. Nous continuons donc à travailler avec le Mexique afin d’assurer le réexamen et la
revision desdits accusés Avena. Nous regrettons que tous l es efforts que nous avons déployés
jusqu’ici n’aient pas permis de régler complè tement la question et que cela nous ait à nouveau
conduits devant la Cour. Les Etats-Unis sont profondément attachés aux solides relations qu’ils
entretiennent avec le Mexique. Le Mexique es t l’un de nos plus proches amis et alliés.
Evidemment, les voisins se trouvent parfois en désac cord, et nos relations avec le Mexique ne sont
pas différentes à cet égard. Mais je tiens à préciser que, même si nous ne sommes pas du même
côté de la barre en la présente instance, nous espérons pouvoir continuer à travailler avec nos amis
mexicains pour trouver un moyen concret et efficace d’ obtenir le réexamen et la revision pour les
accusés cités dans l’arrêt Avena.
33. Nous nous employons actuellement à obtenir l’assistance de l’Etat du Texas et à entrer
en pourparlers avec les représentants texans. Nous sommes convaincus que c’est la manière la plus
efficace d’obtenir l’exécution de l’arrêt Avena, ainsi que le réexamen et la revision des cas cités
dans ledit arrêt. Tout cela n’a rien de futile. L’intervention personnelle de la secrétaire d’Etat et de
l’Attorney General, qui ont écrit conjointement au gouverneur du Texas, atteste le sérieux de
l’engagement des Etats-Unis et notre conviction que ces efforts pourront aboutir.
34. Madame le président, Messieurs de la C our, nos conclusions finales sont celles que nous
avons présentées hier. La Cour devrait rejeter la demande en indication de mesures conservatoires
dont l’a saisie le Mexique et rejeter aussi dès maintenant la demande en interprétation du Mexique. - 12 -
35. Je vous remercie de m’avoir accordé votre temps et votre considération. Ce fut un
privilège pour moi de présenter notre point de vue à la Cour. Je vous remercie et vous souhaite une
bonne après-midi.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Bellinger. Les plaidoiries des Etats-Unis sont à présent
terminées, ce qui met un terme à cette série d’audiences. Il me reste à remercier les représentants
des deux Parties pour l’assistance constructive qu’ils ont apportée à la Cour à travers les
observations orales qu’ils ont présentées au cours de ces quatre audiences.
Conformément à la pratique, je prierai les agen ts de bien vouloir rester à la disposition de la
Cour.
17 La Cour rendra son ordonnance sur la demande en indication de mesures conservatoires le
plus tôt possible. La date à laquelle cette ordonnance sera prononcée en séance publique sera
communiquée aux agents des Parties en temps utile.
La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.
L’audience est levée à 16 h 55.
___________
Traduction