Traduction

Document Number
120-20070315-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
120-20070315-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non-Corrigé Traduction

Uncorrected Translation

NH

CR 2007/09 (traduction)

CR 2007/09 (translation)

Jeudi 15 mars 2007 à 10 heures

Thursday 15 March 2007 at 10 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. M. Sands, vous avez la parole.

M. SANDS : Je vous remercie. Madame le président, Messieurs les membres du Tribunal…

Le PRESIDENT : Du Tribunal ? Sommes-nous membres du Tribunal ?

M. SANDS : Je vous prie de bien vouloir m’excu ser. J’ai écrit ce mot par erreur et j’espère

que vous voudrez bien me pardonner.

LE COMPORTEMENT DES P ARTIES ,DEUXIEME PARTIE — LE 15EPARALLELE

I. Introduction

1. Madame le président, Messieurs les juges, j’ai étudié mardi les effectivités que le

Honduras fait valoir pour étayer sa prétention de souveraineté sur les îles qui se trouvent au nord

du 15eparallèle. J’examinerai aujourd’hui une autr e question étroitement liée à la première: le

e
comportement des Parties reconnaissant et admettant le 15 parallèle comme la ligne qui délimite

leurs espaces maritimes. J’emploie l’expression «étroitement liée» car il apparaîtra que le

comportement relativement aux îles et le comporte ment concernant la frontière maritime sont

étroitement, voire intimement liés. Nombre des actes manifestant la souveraineté sur les îles

e
constituent également un comportement par lequel le 15 parallèle est reconnu comme la frontière.

Cela s’applique particulièrement aux actes afférents à l’exploration pétrolière, comme l’installation

de l’antenne sur BabelCay, qui fut placée en ve rtu de la concession octroyée à UnionOil par le

Honduras en 1967. Cela vaut également pour les pe rmis de pêche, qui fournissaient aux pêcheurs

la justification commerciale leur permettant de s’installer sur SavannaCay ainsi que sur d’autres
e
îles et cayes et d’entreprendre des activit és halieutiques pouvant s’étendre jusqu’au 15arallèle

mais pas plus au sud.

2. Mon exposé de ce matin porte essentielleme nt sur le comportement du Honduras et sur

celui du Nicaragua, surtout en ce qui co ncerne leurs deux éléments principaux ⎯ les concessions

pétrolières et les pêcheries ⎯, même si je dirai également un mot des patrouilles navales. Je

résumerai brièvement les arguments que nous avons présentés dans nos pièces écrites, avant

d’examiner à nouveau en détail les éléments de preuve concrets soumis à la Cour. - 3 -

3. Le comportement des Parties démontre selon nous qu’il existait entre elles un accord

e
tacite, suivant lequel le 15 parallèle a longtemps été considér é comme la ligne qui délimitait les

espaces maritimes. Dès le début des années cinquante, tout au long des années soixante et jusque

dans les années soixante-dix, voir e encore après, on ne trouve aucune ambiguïté dans la pratique

suivie par l’une et l’autre parties en matière d’octroi des concessions pétrolières. En ce qui

concerne celles-ci, le comportement des Parties est tout à fait clair: les deux côtés ont considéré

11 le 15e parallèle comme la ligne délimitant leurs zon es respectives de souveraineté et d’exercice de

la juridiction. Aucun élément présenté à la Cour n’indique que le Honduras ait jamais octroyé de

concession s’étendant au sud du 15 e parallèle ou que le Nicaragua ait jamais octroyé de concessions

s’étendant au nord de ce parallèle . Jeudi dernier, M. Remiro Brotóns a fait sortir d’un chapeau ce

que nous avons pensé être l’idée plutôt originale de la concession pétrolière illimitée ; l’idée de la

concession pétrolière sans limite. Il a fait réfé rence à des concessions dont la limite nord était

«ouverte et indéfinie» 1. De notre côté, nous avons discuté de ce que signifie le terme «indéfinie», à

savoir, signifie-t-il «illimitée» ou «non définie»? Ce n’est pas essentiel ici, mais il nous semble

que la seule chose qui soit ouverte et indéfinie ou illimitée, dans cette a ffaire, est l’aptitude du

Nicaragua à faire apparaître comme par magie de nouveaux arguments juridiques. Tout le monde

dans cette salle sait qu’une concession pétrolière illimitée, cela n’existe pas. Je montrerai que

toutes les concessions du Nicaragua dans la zone considérée ⎯ toutes sans exception ⎯ s’étendent

e
jusqu’au 15 parallèle précisément et pas plus au nord. La pratique a été absolument constante.

M.RemiroBrotóns a également suggéré que les limites de ces concessions ne tenaient à rien

d’autre qu’aux intérêts des sociétés pétroliè res privées. La vérité est que toutes les

concessions ⎯toutes sans exception ⎯ ont été octroyées en connaissance du comportement de

l’autre Partie. L’existence de réserves ou de protest ations n’est pas démontrée. Et on peut dire

exactement la même chose en ce qui concerne l es permis et concessions de pêche qui ont été

délivrés. Le Honduras a présenté plusieurs perm is, ainsi que ces documents que l’on appelle des

bitácoras, qui montrent l’importance du 15 eparallèle. Le Nicaragua n’en a fourni aucun. Pas de

législation. Pas de permis. Pas de bitácoras. Le Nicaragua n’a rien fourni pour montrer que des

1CR 2007/4, p. 25, par. 38. - 4 -

droits de pêche furent accordés, ne serait-ce qu’une fois, au-delà du 15 eparallèle; il n’a rien

apporté sous forme documentaire. Il est étrange qu’un Etat qui fait valoir des droits au nord

du 15eparallèle ne soit pas en mesure de produi re, concernant cette zone, un seul document

contemporain sur une période de cinquante ans.

4. Les manifestations pertinentes, sous forme écrite, de comportement dans la zone située au

nord du 15 eparallèle sont exclusivement honduriennes. La Cour aura noté que le Nicaragua n’a

fait état, dans son mémoire, ni de concessions pétro lières ni de permis de pêche. La raison est à

présent évidente: il n’y avait apparemment rien de tel qui puisse étayer son dossier. Et il n’en a

pas présenté dans sa réplique. Je tiens à ce que les choses soient claires également en ce qui

12 concerne la nature de notre dossier au regard du droit, sujet dont M.Dupuy a parlé hier et pour

lequel je renverrai simplement à ses arguments. Nous n’affirmons pas que les concessions, les

puits de pétrole et les permis de pêche doivent être considérés en eux-mêmes comme des

circonstances pertinentes justifiant d’ajuster ou de modifier une ligne de délimitation provisoire;

cela ne suffit pas. En revanche, comme l’a indiqué la Cour dans son arrêt de 2002 en l’affaire de la

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, «l’existence d’un accord exprès ou

tacite entre les parties sur l’emplacement de le urs concessions pétrolières respectives peut indiquer

un consensus sur les espaces maritimes auxquels elles ont droit» (Frontière terrestre et maritime

entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, par. 304). Dans

cette affaire, la Cour a conclu qu’il n’y av ait ni consensus ni accord tacite. Mais les

faits ⎯ comme dans d’autres affaires telles que celle du Golfe du Maine ⎯, étaient assez différents

de ceux de la présente espèce. Il n’y avait, dans celles-ci, aucun exemple qui ressembla aux

deuxconcessions pétrolières CocoMarina oc troyées respectivement par le Honduras et le

Nicaragua au nord et au sud du 15 parallèle. Et, en l’affaire du Plateau continental

(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), la pratique commune dont les Parties ont fait état a été suivie

sur une période passablement plus courte et pas de façon aussi constante. Ces concessions, au nord

et au sud d15 parallèle, traduisent une réalité géologique qui ⎯ dans le cas de

Coco Marina ⎯s’étend des deux côtés de la frontière , reconnue de manière consensuelle, - 5 -

du 15 parallèle. Pour reprendre les termes employés par la Cour, elles «indique[nt] un consensus»

et le Nicaragua s’est nettement tenu sur la défe nsive, dans ses pièces écrites, en ce qui concerne

Coco Marina 2.

II. Les concessions pétrolières

5. Passons aux concessions pétrolières. Ell es mettent en évidence un accord parfait entre les

Parties quant à l’emplacement de leurs frontières septentrionale et méridi onale dans ce domaine.

3
M. Remiro Brotóns vous a montré sept planches au cours de sa plaidoirie de la semaine dernière .

Toutes ont été préparées pour les besoins de ces audiences; aucune n’est contemporaine des

concessions dont il est question. Vous pouvez en voir un exemple à l’écran (figure 1) ; il s’agit de

la planche ARB2/2, sur laquelle est indiqué, en bleu, ce qui serait les concessions UnionII,

Union III et Union IV. Aucune limite septentrionale n’est indiquée sur cette carte quelle que soit la

concession. Le message qu’elle est censée transmette est que le Nicaragua a octroyé des

e
13 concessions qui s’étendaient ou auraient peut-être pu s’étendre au nord du 15 parallèle ⎯ la ligne

rouge que nous avons ajoutée indique où il se tr ouve. La planche ARB2/2, comme chacune des

sixautres que M.RemiroBrotóns et quelques uns de ses collègues ont présentées, est

manifestement inexacte. Ce n’est pas une repr ésentation exacte des faits ou des preuves soumis à

la Cour. En revanche, le conseil du Nicara gua ne vous a pas montré les planches que le

Gouvernement de cet Etat a lui-mê me établies avant que cette affair e ne vienne devant la Cour, à

savoir avant que la requête ne soit déposée. Or, celles-ci indiquent tout autre chose.

6. Sur l’écran (figure 2), vous pouvez voir à présent une carte intitulée Mapa de Concesiones

Petroleras (DH, planche 32). Celle-ci fut établie en mars 1969, non pas par le Honduras, non pas

par un conseil, non pas par une société privée, mais par la direction générale des ressources

naturelles du ministère nicaraguayen de l’économie, de l’industrie et du commerce. Il s’agit d’une

carte officielle, d’une carte qui fait autorité, d’une manifestation d’autorité publique. Que

2
Voir RN, par. 5.26.
3Dossier des juges, en date du 8 mars 2007, déposé par le Nicaragua, planches ARB2/1à ARB2/7. - 6 -

e
montre-t-elle ? Elle montre que les concessions Union II, II et IV suivaient le 15 parallèle. Elle ne

reproduit pas de concessions illimitées. Vous ne pouvez pas trouver bien plus fiable que cette

carte.

7. A l’écran (figure3), apparaît maintenant un passage d’un rapport publié par un autre

4
organe gouvernemental du Nicaragua, l’ Instituto Nicaragüense de Energía , en juin1994 ⎯ soit

vingt-cinq ans plus tard. Cet institut est un organi sme public chargé de réglementer et de contrôler

le secteur de l’énergie au Nicaragua. Ce rappor t présente les concessions pétrolières disponibles

en1986. Et, à nouveau, vous verrez que la lim ite septentrionale suit la frontière du 15 eparallèle,

comme elle le faisait vingt-cinq ans plus tôt, en 1969; ce rapport ne fait apparaître aucune

extension ni aucune concession disponible au nord du 15 e parallèle ⎯ il n’indique pas non plus que

le Nicaragua aurait réservé des droits lui permettant d’étendre une concession au nord

du 15 e parallèle. Il n’y a pas ici de concessions illi mitées. Et vous pouvez voir, en gros plan, la

e
zone de Coco Marina très clairement indiquée. Elle s’étend au nord et au sud du 15 parallèle mais

rien ne laisse entendre que la zone située au nord est disponible.

8. Vous voyez à présent sur l’écran (figure 4), un extrait du rapport publié par l’ Instituto

5
Nicaragüense de Energía en juin 1995 . C’est l’année d’après mais il montre les concessions

pétrolières disponibles en 1995, c’est-à-dire l’année de la publication du rapport. Les couleurs ont

changé mais la ligne reste la même. Il est en effet étrange qu’un Etat qui estime avoir la

14 souveraineté sur les îles situées au nord du 15 e parallèle et des droits souverains sur les espaces

maritimes correspondants n’avait toujours pas, en 1995, octroyé de concessions pétrolière dans ces

zones, ni manifesté sa souveraineté sur celles- ci, ni indiqué que ces zones étaient en litige ou

faisaient l’objet de réserves. La pratique nicaraguayenne en 1995 était la même qu’en 1969. Vous

avez devant vous la preuve de trois décennies de pratique constante.

9. Pourquoi le conseil du Nicaragua ne vous a-t-il pas montré ces planches établies par le

Gouvernement du Nicaragua lui-même? Nous avan çons respectueusement qu’il n’existe qu’une

seule réponse à cette question.

4
DH, planche 33, p. 1.
5 DH, planche 33, p. 2. - 7 -

10. Il convient à présent d’examiner les concessions de manière un peu plus détaillée. Je

vais essayer de procéder de manière systématique et juste. Premièrement, nous étudierons les

concessions octroyées par le Honduras, où le 15 eparallèle est assimilé à la frontière méridionale.

e
Deuxièmement, nous examinerons celles qui ont été octroyées par le Nicaragua, où le 15 parallèle

est considéré comme la frontière septentrionale. Troisièmement, nous observerons les concessions

qui ont été octroyées en association, conjointement ou en collaboration par les

deux gouvernements, où un champ pétrolifère ou gazier potentiel chevauche le 15 e parallèle. Il est

très difficile de concevoir beaucoup d’act es gouvernementaux capables de mieux indiquer

l’existence d’un accord quant à l’emplacement d’une frontière maritime que l’octroi simultané de

e
concessions publiques pour un champ pétrolifère qui chevauche le 15 parallèle.

e
11. Si vous le voulez bien, prenons tout d’abord la zone située au nord du 15 parallèle.

En 1955, le Honduras commença à accorder des concessi ons pétrolières dans cette zone. En 1980,

pas moins de vingt et une concessions avaient été octroyées: c’est là un grand nombre de

concessions. Chacune a été identifiée dans le contre-mémoire du Honduras 6. Une copie de chaque

acte de concession a été fournie à la Cour et au Nicaragua. La Cour ne dispose d’aucun élément

attestant que le Nicaragua ait jamais contesté l’une quelconque de ces vingtetune concessions.

Des informations sur chacune d’elles ont été publiées dans La Gaceta du Honduras, qui est le

journal officiel. Toutes les informations pertin entes sont depuis longtemps librement accessibles

au public. Dans ses écritures, le Nicaragua ne prétendait pas ne pas avoir connaissance de ces

concessions. Or, il semble maintenant avoir cha ngé son fusil d’épaule. Encore une fois.

M.RemiroBrotóns a soutenu que le Nicaragua ne pouvait pas avoir connaissance de toutes ces

concessions 7. Si je puis me permettre, voilà une affi rmation des plus étonnantes, et qui ne repose

15 sur aucun élément de preuve. Les informations pertinentes étaient accessibles au public. Qu’il

nous soit permis de rappele r que, dans son arrêt de 1951 en l’affaire des Pêcheries, la Cour rejeta

l’argument du Gouvernement du Royaume-Uni selon le quel le système de délimitation norvégien

lui était inconnu. La Cour re leva que le Royaume-Uni était une puissance maritime, un Etat

riverain de la mer en question ⎯ la mer du Nord ⎯ qui était hautement intéressé aux pêcheries de

6
CMH, par. 6.24 à 6.28 et annexes correspondantes.
7CR 2007/4, p. 34, par. 76-77. - 8 -

cette région. «[L]e Royaume-Uni n’a[vait] pu ignor er le décret [norvégien] de 1869», a estimé la

Cour, avant d’ajouter qu’«[i]l n’a[vait] pu davantage, le connaissant, se méprendre sur la portée de

ses termes» ( Pêcheries (Royaume-Uni c.Norvège), arrêt, C.I.J.Recueil1951 , p.139) ⎯ je dis

bien, se méprendre sur la portée de ses termes. De notre point de vue, le Nicaragua n’a pu ignorer

l’existence des concessions pétrolières ni se méprendre sur leurs termes, en particulier pendant une

période aussi longue que celle qui nous occupe dans la présente affaire.

12. Le Nicaragua n’a pas explicité son argum ent relatif au défaut de connaissance. Son

conseil s’est référé à un passage figurant au para graphe48 de l’arrêt re ndu par la Cour dans

l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) 8. Mais

ce passage n’aide le Nicaragua en rien. Dans cette affaire-là, l’Indonésie prétendait qu’une carte

jointe à un mémorandum explicatif qui avait ét é adressé aux Britanniques par les Néerlandais

faisait partie d’un accord au sens de la convention de Vienne de1969 sur le droit des traités, et,

pour des raisons fort compréhensibles, la Cour n’avait pas retenu cet argument. Ce n’est pas

l’argument que nous avançons en l’espèce. Nous soutenons simplement que, pendant une très

longue période, après que le Nicaragua eut mis en Œuvre l’arrêt rendu par la Cour en1960, le

Honduras a adopté une ligne de conduite dont le Ni caragua avait connaissance mais qu’il n’a pas

contestée. Compte tenu de la pratique que le Nicaragua a lui-même suivie en matière de

concessions pétrolières, force est de considérer son silence comme l’expression d’un consentement

aux actes du Honduras. Ce silence traduit, à tout le moins, un accord tacite auquel le Nicaragua a

sinon apporté son soutien actif, du moins acquiescé. Notre argument ne va pas plus loin.

13. Qu’a-t-il tacitement accepté? C’est ce qui est illustré par la figure projetée à l’écran

(figure5). Il s’agit là d’une version en grand format de la planche numéro11 figurant dans le

contre-mémoire hondurien. Cette planche montre les concessions, qui ont toutes été accordées

16 depuis1955. Elle est tirée d’une carte in itialement produite en1977 par une organisation

dénommée Petroconsultants, compte tenu de la carte officielle d es concessions pétrolières du

8
CR 2007/4, p. 33, par. 75. - 9 -

Honduras. La planche désigne les blocs selon trois catégories. Les premiers, en vert clair, sont les

blocs qui sont conservés à titre de réserve nationale ; les deuxièmes, en vert plus foncé, sont ceux

qui sont disponibles et les troisièmes, en mauve, sont les blocs utilisés.

Le PRESIDENT: M.Sands, pourriez-vous nous aider à trouver cette carte, ou figure, dans

nos dossiers ? Il se peut que nous ne l’ayons pas.

M.SANDS: Il devrait s’agir de la carte numéro5. Je suis désolé. Le numéro devrait être

indiqué dans l’angle du bas à droite ⎯ carte numéro 5 (PS2-5).

Le PRESIDENT: Voilà, la carte numéro5 est maintenant projetée derrière vous ⎯ autre

chose apparaissait avant. Voulez-vous recommenc er cette partie de votre exposé pour que nous

puissions mieux vous suivre ?

M. SANDS : Oui, je vous remercie. La première carte que j’ai montrée était en fait la carte

générale, et celle-ci concerne plus précisément la zone qui nous intéresse. Ce que vous pouvez voir

sur cette carte, qui date de 1977, ce sont les concessions présentées de trois couleurs différentes : le

vert clair pour les blocs conservés à titre de rése rve nationale, le vert plus foncé pour les blocs

disponibles ⎯ceux qui n’ont pas encore été attribués ⎯et le mauve pour les blocs utilisés. La

limite des blocs utilisés, ainsi que celle des blo cs conservés à titre de réserve nationale, suivent

exactement le 15 e parallèle. La carte montre clairement que les îles du Honduras se trouvent dans

certains de ces blocs, comme je l’ai expliqué av ant-hier. Et cela confirme, selon nous, l’intention

souveraine et les actes de souveraineté du Honduras sur ces îles. Le Nicaragua n’a jamais protesté

contre les concessions honduriennes. Il ne s’est r éservé aucun droit à leur égard. Il n’a pas

contesté les concessions qui englobaient le territoir e insulaire de Palo de Campeche, ainsi que les

e
autres îles situées au nord du 15 parallèle, que la Constitution de 1957 désignait expressément

comme appartenant au Honduras.

14. Ces concessions honduriennes ont été accordées sur la base du principe que

e
le 15 parallèle constituait la frontiè re méridionale en mer. Dans les actes de concession - 10 -

9
17 honduriens, la ligne située par 14°59'08" est expressément désignée comme limite méridionale .

M.RemiroBrotóns a déclaré à la Cour qu’aucun d es textes désignant cette limite «ne précisai[t]

une quelconque relation avec la frontière maritime des Parties» 10. Je ne puis avoir mal entendu, car

il l’a déclaré non pas à une, mais à deuxrepr ises: «aucune des concessions honduriennes ne

11
précise que sa limite sud coïncide avec la frontière maritime avec le Nicaragua» . L’éminent

agent du Nicaragua l’a également affirmé : «les concessions honduriennes ne comportaient aucune

12
indication selon laquelle leur limite méridionale coïncidait avec la limite maritime du Nicaragua» .

Je crains que ces déclarations ne soient inexactes du point de vue des faits. A l’écran figure un

exemple d’acte de concession hondur ien qui désigne expressément le 15 e parallèle en tant que

13
limite méridionale et frontière avec le Nicaragua (figure6) . Il s’agit de la concession accordée

par le Honduras en1967 à la société «Pure Oil Company of Honduras Inc.» ⎯la concession dite

«Coco Marina» ⎯à des fins de prospection et d’explo itation pétrolière da ns le lot ou bloc

numéro8, c’est-à-dire la zone qui englobe les îl es. Ce texte fut publié le 17avril1967 dans La

Gaceta du Honduras. Et je tiens à donner lecture des extraits pertinents: vous pouvez suivre les

limites de la concession sur la carte qui est projetée. Il s’agit bien entendu du bloc

«Coco Marina» ⎯ je cite le texte :

«se diriger ensuite vers l’est jusqu’au méri dien 82°10'de longitude ouest; se diriger
ensuite vers le sud jusqu’à la frontière ma ritime entre le Honduras et le Nicaragua; se
diriger ensuite vers l’ouest le long de cette frontière jusqu’au point où elle coupe la

côte dans l’embouchure du fleuve Wanks Co co ou Segovia qui sert de limite naturelle
entre le Honduras et le Nicaragua; suivre ensu ite le littoral vers le nord-ouest jusqu’à

l’endroit où celui-ci rejoint le méridien 83° 10'de longitude ouest (qui correspond au
point de départ) afin de circonscrire une zone d’une superficie de
deux cent quinze mille et quatre hectares quatre-vingt-dix (215 004,90 hectares)».

9Attestation de décret relatif à une concession pétroliè re octroyée à la société Pure Oil Company of Honduras
Inc., publié au journal officiel du Honduras n9.140 du 17avril1967, CMH, vol.2, annexe192; voir également les

décisions portant prorogation de ladite co ncession, CMH, vol.2, annexes 197 et 200; attestation de décret relatif à une
concession oétrolière octroyée à la société Signal Exploration (Honduras) Company, pub lié au journal officiel du
Honduras n 19.111 du 9 mars 1967, CMH, vol. 2, annexe 108 (parallèle 15°00'); attestation de décret relatif à une
concession pétrolière octroyée à la société Texaco Caribbean Inc., publié au jour nal officiel du Honduras n23.233
du 17 octobre 1980, CMH, vol. 2, annexe 114 (parallèle 15° 00') ; attestation de décret relatif à une concession pétrolière
octroyée à la société Lloyd Honduras Inc. , publié au journal officiel du Honduras19.668 du 11 janvier 1969, CMH,
vol.2, annexe 194 (parallèle 15°00'); attestation de décret rela tif à une concession pétroliè re octroyée à la société
o
Texaco Carribbean Inc., publié au journal officiel du Honduras n22.313 du 4octobre1977, CMH, vol.2, annexe201
(parallèle 15° 00').
10CR 2007/4, p. 34, par. 78.

11Ibid., p. 27, par. 48.

12CR 2007/1 (figure 6), p. 42, par. 94 B).
13
Pour un autre exemple d’une telle concession, voir CMH, vol. 2, annexe 107. - 11 -

18 Voilà donc un acte de concession qui mentionne à trois reprises ⎯ rien de moins ⎯ la frontière

entre les deux pays. Nous invitons la Cour à lir e tous les éléments fondamentaux avec grand soin,

comme à son habitude, et à se faire sa propre idée sur ces concessions. Nous sommes bien

conscients qu’il s’agit là d’une tâche très laborieu se qui demande beaucoup de temps, mais elle est

nécessaire et importante dans le cadre d’une affaire telle que celle qui nous occupe ici.

15. Le Nicaragua a adopté une approche simila ire pour traiter les dépositions de témoins.

Son conseil a expliqué que le Nicaragua «a [vait] renoncé à se lancer dans un concours

14
d’affidavits» . Eh bien, c’est son droit. Toutefois, ces dépositions ont été soumises à la Cour en

tant qu’éléments de preuve, elles ont été faites s ous serment et elles n’ont pas été contredites par

des éléments de preuve émanant du Nicaragua. Toutes les dépositions de témoins tiennent donc, en

tant qu’éléments de preuve non réfutés. Permettez-moi de prendre un exemple: celui de la
15
déposition de M. Rafael Leonardo CallejasRomero, qui figure à l’annexe247 . Il ne s’agit pas

16
d’une personne comme une autre, contrairemen t à la manière dont le Nicaragua l’a présenté .

De1972 à1980, l’intéressé fut sous-secrétaire d’Et at et secrétaire d’Etat au ministère hondurien

des ressources naturelles, précisé ment à l’époque à laquelle les c oncessions pétrolières furent

accordées. Puis il devint président du Honduras. Ainsi qu’il l’a déclaré dans sa déposition, les

concessions pétrolières furent accordées sur la base de ce qui était à ses yeux une conception

partagée tant par le Honduras que pa r le Nicaragua, à savoir que le 15 eparallèle constituait

l’emplacement de la frontière maritime entre les deux Etats. Voilà un élément de poids. Il n’a pas

été réfuté devant la Cour. Le Nicaragua a-t-il produit quelque témoignage de son propre ministre

de l’époque pour infirmer la déclaration de M. Callejas Romero ? La réponse est non.

16. Qu’en est-il des concessions nicaraguayennes ? Dans son mémoire, le Nicaragua a brillé

par son silence sur ce point. Quiconque lirait ce document ne soupçonnerait pas une seconde que la

moindre activité pétrolière ait jamais eu lieu au sud du 15 eparallèle, pas plus qu’il ne soupçonnerait

e
la moindre activité de pêche au sud du 15 parallèle, ni même aucune autre activité, si ce n’est les

activités traditionnelles des Indiens MiskitosZam bos qui sont évoquées au paragraphe15 du

14CR 2007/4, p. 35, par. 81.
15
DH, vol. 2, annexe 247.
16CR 2007/4, p. 35, par. 80. - 12 -

chapitre II du mémoire. Ce silence est évocateur. Le fait est que le Nicaragua n’a jamais accordé

e
de concession pétrolière dans une quelconque zone située au nord du 15 parallèle, et il n’a cherché

à le faire à aucun moment. Il ne prétend pas l’avoir jamais fait. Le Nicaragua n’a soumis à la Cour

aucun élément de preuve pour démontrer qu’il a it un jour traité toute zone située au nord

du 15 eparallèle comme un lieu où il était ne fût-ce qu’habilité à accorder la moindre concession
19

pétrolière. Les deux rapports de l’Instituto Nicar agüense de Energía que j’ai évoqués le montrent

très clairement 17.

17. C’est au Honduras qu’il revient finaleme nt de présenter les preuves des concessions

pétrolières du Nicaragua. Elles sont indiquées sur la planche n o12 du contre-mémoire du

Honduras, que vous voyez maintenant à l’écran, à grande échelle. Cette planche montre les

o
concessions octroyées par le Nicaragua, le documentPS2-7 (figure n 7) devrait maintenant

apparaître, octroyées par le Nicaragua à des fins d’exploration ou d’exploitation pétrolières et

gazières sur le territoire du Nicaragua, en1979, sur la base d’un autre résumé préparé par

Petroconsultants. En couleur crème figurent les co ncessions portant sur des droits pétroliers; en

orange clair, les zones dans lesquelles des licences de renouvellement ont été accordées ; en orange

foncé, les zones où il y a eu renonciation à ces dro its; et en rose, les zones faisant l’objet de

demandes en cours. Comme la planche précédente de1969 établie par le gouvernement, que je

vous ai déjà présentée, cette planche montre clai rement que le Nicaragua n’a jamais été au nord

e
du 15 parallèle. Tous les éléments sont concordant s : 69, 77, 86, 95. Les concessions pétrolières

du Nicaragua sont toutes situées au sud du 15 parallèle. Le Nicaragua n’a pas contesté

l’exactitude de cette planche. Et nous affirmons qu’il ne le peut pas: les preuves présentées à la

Cour ne font aucun doute.

18. Ces concessions semblent avoir posé quelques problèmes au conseil du Nicaragua.

Plusieurs concessions nicaraguayennes désignent explicitement le 15 eparallèle comme limite

17DH, par.4.27-4.28. Les rapports de l’Instituto Nicaragüense de Energí a figurent dans la duplique, vol.2,
annexe 255. - 13 -

18
septentrionale . Le conseil du Nicaragua a donc été c ontraint d’improviser une argumentation qui

e
nous a paru très intéressante. M. Remiro Brotóns a dit à la Cour que les références au 15 parallèle

dans les concessions du Nicaragua (ainsi que cell es du Honduras) «suggèrent que les dispositions

19
concernant ces concessions furent préparées dans les bureaux des entreprises concessionnaires» .

Lorsqu’il a dit cela, j’ai cru que je l’avais peut -être mal compris, puisqu’il semblait dire que les

limites des concessions ne relevaient pas de la responsabilité du Nicaragua. Mais il a ensuite
20

affirmé que les compagnies pétrolières qui avai ent sollicité les concessions «pouvaient définir à

discrétion les limites de l’aire prétendue là où elles le considéraient opportun… L’administration

nicaraguayenne accorda donc les concessions sollicitées.» 20 C’est une déclaration absolument

remarquable. Elle semble signifier que les comp agnies pétrolières pouvaient agir à leur guise. La

réalité est assez différente, comme le montrent les preuves. Je vous renvoie au rapport de1994

établi par l’Instituto Nicaragüense de Energía qui montre bien que la réalité est tout autre. A

l’annexe255, page6, il indique que «toutes les activités d’explor ation pétrolière au Nicaragua

de1958 à1981 ont été réglementées par «la lo i générale sur l’exploration des ressources

naturelles» et par «la loi spéciale sur l’ exploration et l’exploitation pétrolières» 21. Il n’indique

absolument pas que les compagnies pétrolières sont libres de venir au Nicaragua et de choisir le

lieu de leurs concessions, de choisir elles-mêmes les coordonnées, et même d’avoir des concessions

pétrolières illimitées.

18 Voir par exemple, certification du décret concernant l’octroi d’une concession pétrolière à Western Caribbean
Petroleum Company, journal officiel du Nicaragua n o117 du 29mai1967, CMH, vol.2, annexe203; certification du
décret concernant l’octroi d’une concession pétrolière à Western Caribbean Petroleum Company et Occidental of
o
Nicaragua, Inc., journal officiel du Nicaragua n161 du 18juillet1968, CMH, vol.2, annexe 115-116 ; certification du
décret concernant l’octroi d’une concession péorolière à Western Caribbean Petroleum Company et Occidental of
Nicaragua, Inc., journal officiel du Nicaragua n272 du 28novembre1974, CMH, vol.2, annexe117; certification du
décret concernant l’octroi d’une concession pétrolière à M obil Exploration Corporation, journal officiel du Nicaragua
n 202 du 4 septembre 1968, CMH, vol. 2, annexe 202 ; certification du décret concernant l’octroi d’une concession
pétrolière à Western Caribbean Petroleum Company, journal officiel du Nicaragua n 259 du 14 novembre 1975, CMH,
vol. 2, annexe 206. Certaines de ces concessions ont été renouvelées par la suite.

19 CR 2007/4, p. 27, par. 47.

20 Ibid., p. 27, par. 50.
21
Rapport INE, juin 1994, DH, vol. 2, annexe 255, p. 6. - 14 -

19. Vous pouvez voir maintenant à l’écran (figure n o8) une copie de passages pertinents

extraits de La Gacetta du Nicaragua, du 4septembre1968, qui montre l’octroi de la concession

pétrolière Mobil Uno à Mobil Exploration Corporation en 1966 22. Il y est également question de la

zone Coco Marina dans la partie pertinente, et il est dit :

«La description des limites commence à partir du point situé à l’intersection du
méridien 82° 15' de longitude ouest et du parallèle 14° 59' 8" de latitude nord … pour
se diriger ensuite vers l’est le long du para llèle 14°59'8"de latitude nord, sur une

distance d’environ 38km, jusqu’à son intersection avec le méridien 81°54'de
longitude ouest.»

Pour se diriger ensuite vers le nord. Le 15 eparallèle marque la limite septentrionale. L’octroi de

cette concession a été publié dans La Gaceta et adopté par la voie d’un décret présidentiel; vous

pouvez vous reporter au décret et suivre le processus de décision interne du Gouvernement du

Nicaragua. Il n’est donc pas douteux que l’octroi d’une concession pétrolière relève exclusivement

de l’autorité souveraine de l’Etat. Et cela inclut la fixation des limites de la concession et, en

e
l’occurrence, le choix précisément du 15 parallèle. C’est un acte du Nicaragua, Etat souverain, et

non celui d’une autre personne.

23
20. Le Honduras a présenté dans son contre-mémoire un grand nombre d’éléments de

preuve concernant les concessions pétrolières du Ni caragua, et les preuves parlent d’elles-mêmes.

Les concessions pétrolières du Nicaragua confir ment l’existence d’un accord tacite entre les

Parties, pacifiquement appliqué en tant que te l pendant près de deux décennies, jusqu’en1979,
21

lorsque le Nicaragua, unilatéralement, jugea oppor tun de modifier sa pratique. A ce moment-là,

dix-huit concessions avaient été octroyées par le Nicaragua, ce qui donne au total

trente-neufconcessions. Sur les dix-huitconcessions octroyées par le Nicaragua dans la zone en

question, neuf désignent explicitement le 15 eparallèle comme limite septentrionale: six parmi

celles-ci sont des concessions initiales et trois s ont des renouvellements de concessions initiales.

Dans ses écritures, et la semaine dernière encore , le Nicaragua n’a donné aucune explication du

choix de cette ligne, outre le fait qu’elle mar que la limite septentrionale des concessions, alors

qu’elle n’était pas reconnue comme limite septentrionale de la fr ontière maritime. Toutes les

concessions ont été approuvées par des décrets présidentiels du Nicaragua, dûment publiés dans La

22
CMH, vol. 2, annexe 202.
23Voir par exemple, CMH, par. 6.27-6.28 ainsi que les annexes correspondantes 115-118 et 202-215. - 15 -

Gaceta ; c’est ainsi que nous avons pu nous les procurer . En 1976 encore, le Nicaragua continuait

d’octroyer des concessions et de renouveler des concessions existantes délimitées explicitement par

référence au 15 parallèle . 24

21. Sur les neufs décrets nicaraguayens qui ne font pas exp licitement référence

e
au 15 parallèle, cinq ont trait à la prorogation ou au renouvellement de concessions antérieures qui,

elles, s’y référaient. Dès lors, seuls quatredécrets ⎯ sur dix-huit ⎯ ne font pas explicitement

e
référence au 15 parallèle. M.RemiroBrotóns vous a d it que ces concessions avaient une limite

25
nord «ouverte et indéfinie» . Avec tout le respect que je lui dois, cela est faux. En effet, aucune

compagnie pétrolière n’accepterait une concession su r une zone qui n’aurait pas été définie avec

précision. Nous aimons tous avoir des certitudes, mais les compagnies pétrolières, elles, doivent en

avoir lorsqu’elles investissent des sommes très importantes dans des projets de cette nature. Ainsi,

les quatreconcessions indiquaient bien des limites, et ce par le biais de superficies. Les

quatreconcessions sont: la concession octroyée à la société PureOil en1968 pour les zones

nommées «PureII», «PureIII» et «PureIV» 26; la concession octroyée à la société Union Oil

en1972 pour les zones dénommées «U nionII», «UnionIII» et «UnionIV» ⎯ d’une superficie

27
identique à celle des concessions octroyées à PureOil ; la concession octroyée à la société

UnionOil en1974 pour la zone dénommée «UnionV» 28, et la concession octroyée à UnionOil

29
22 en1975 pour la zone «UnionVI» . Dans chaque cas, le décret présidentiel indiquait avec

précision, et de manière publique, la superficie de la concession. Il est dès lors très facile d’en

calculer les limites, et c’est ce que nous avons fait dans la duplique 30. Vous pouvez voir ce que

cela donne sur la planche34 de la duplique, laque lle va apparaître à l’écran. La planche34A

(figure 9) montre la zone «Union III» ⎯ elle est là, en jaune, avec les chiffres I, II, III et IV ⎯ et

sa superficie est de 192 800 hectares. La limite nord est précisément située sur le 15 e parallèle. La

24
Résolution concernant le renouvellement de la concession pétrolière à Western Caribbean Petroleum Company
et à Occidental of Nicaragua, Inc., Journal officiel du Nicaragua n 140 du 23 juin 1976, CMH, vol. 2, annexe 205.
25
CR 2007/4, p. 25, par. 38.
26
CMH, vol. 2, annexe 207.
27Ibid., vol. 2, annexe 208.

28Ibid., vol. 2, annexe 210.

29Ibid., vol. 2, annexe 211.
30
DH, par. 4.31 et suiv. - 16 -

planche34B (figure10) montre la concession «Uni onIV», d’une superficie de 192800hectares.

e
La limite nord est située sur le 15 parallèle. La planche 34C (figure 11) représente la concession

«UnionV», d’une superficie de 65500 hectares. La limite nord est le 15 eparallèle. La

planche 34D (figure 12) représente la concession «Union VI», d’une superficie de 350 000 hectares

et, une fois encore, la limite nord est le 15eparallèle. La planche suivante, 34E (figure 13), fait la

synthèse des précédentes et représente l’ensemble des concessions. Vous pouvez voir, à droite, que

les concessions Union III et IV s’étendent un peu plus au nord que les concessions Union V et VI,

mais c’est simplement parce que l’erreur co mmise par la commission en1962, à laquelle le

Nicaragua a fait référence la semaine dernière, n’a pas été corrigée. Nous avons souhaité tester la

précision de nos calculs afin de nous assurer qu’ils étaient justes, et nous l’avons fait en comparant

leur résultat, que vous venez de voir, avec celui du calcul du Gouvernement nicaraguayen, figurant

sur la carte de 1969 intitulée Mapa de Concesiones Petroleras, carte que j’ai montrée au début de

mon intervention et que vous voyez maintenant à l’écran (figure14). Sur cette carte de1969, on

constate également que les concessions UnionV et VI ne s’étendent pas tout à fait aussi loin au

e
nord, n’atteignant pas le 15 parallèle. Nous avons procédé à une comparaison en superposant la

carte de1969 à la nôtre. On constate alors (figure15) que les résultats sont identiques.

Comparons-les maintenant à ce que M.RemiroBr otóns vous a montré la semaine dernière: vous

verrez les concessions de la carte de1969 et de la planche34E, telles que le Nicaragua les a

exposées jeudi dernier : il s’agit de la carte ARB2/4 (figure 16). C’est bien différent de ce qui s’est

effectivement produit. La thèse selon laquelle Un ionII, III etIV se seraient d’une quelconque

manière déplacées vers le nord —ou pourraient se déplacer vers le nord— n’est que pure

invention. Nous avons bon espoir que la Cour fo ndera sa décision sur les éléments de preuve, et

non sur autre chose.

22. Au cas où un doute subsisterait quant à la pratique constante des deux Etats ⎯ et l’on

voit mal comment tel pourrait être le cas ⎯ la nature nous est venue en aide en créant un gisement

pétrolier potentiel à cheval sur le 15 eparallèle. Ce gisement est connu sous le nom de champ
23

pétrolifère Coco Marina. Apparaît maintenant à l’ écran la planche 35 (figure 17) de la duplique du

Honduras, laquelle montre l’em placement de Coco Marina ⎯on voit également la très faible

distance qui le sépare de Bobel Cay, à savoir 5, 735milles. Le Nicaragua et le Honduras ont - 17 -

conjointement autorisé la prospection de ce gisement pétrolier dans le cadre d’un projet dénommé

Operación Conjunta Coco Marina . Deuxconcessions ont été octroyées. L’une l’a été par le

Honduras ⎯ zone 8 ⎯ à la société Union Oil of Honduras, au nord 31. L’autre l’a été par le

Nicaragua ⎯concession dénommée «Union III» ⎯ à une société sŒur, Union Oil of Central

America ⎯au sud. Ce projet est né d’une initiativ e privée des sociétés, mais était évidemment

subordonnée à une autorisation gouvernementale . Et c’est précisément ce qu’ont fait les

deux Gouvernements ⎯les Gouvernements du Honduras et du Nicaragua l’ont approuvée. Les

frais d’exploitation étaient pris en charge à part égale par les Parties.

23. Un puits a été foré en 1969 du côté hondur ien, à un point situé par 15° de latitude nord

et 82° 43' 30" de longitude ouest, mais afin de prospecter les deux concessions. La société Union

Oil of Honduras a communiqué au ministère hon durien des ressources naturelles l’emplacement

exact du puits. Elle a précisé que cet emplacement avait été conditionné par des études sismiques.

Dans son rapport, la société Union Oil of H onduras a expressément indiqué que les points retenus

pour le forage du puits pétrolier avaient été fixés à cet endroit «en vue de prospecter la structure

commune qui a été définie par l’étude sismique et qui couvre les zones de concession au Honduras

et au Nicaragua » 32⎯j’insiste sur les «zones de concession au Honduras et au Nicaragua ». Le

Gouvernement du Honduras a rédigé un avis sur ce tte question, confirmant que la frontière

maritime avec le Nicaragua était située par 14° 59'8", que toutes les concessions octroyées par le

Honduras s’étendaient jusqu’à cette limite et que les informations relatives aux activités au nord de

cette frontière devaient être notifi ées exclusivement au Gouvernement hondurien 33. Or, nous ne

disposons d’aucun des documents qui ont vrai semblablement été établis par la partie

nicaraguayenne. Il incombait au Nicaragua de les produire, mais nous n’y avons pas accès et ils

n’ont pas été présentés à la Cour. Il est, toutefois, clair que le projet commun Coco Marina

confirme l’existence d’un accord tacite, voire plus. Je ne sache pas qu’un arrangement analogue ait

jamais été présenté dans une affaire portée devant la Cour, montrant des actes de convergence aussi

24 précis sur une si longue période. Si Coco Marina n’est pas l’expression d’un accord tacite, je vois

31
Voir CMH, par. 6.28 et DH, par. 5.13, ainsi que les annexes correspondant es. Voir les concessions octroyées
aux sociétés Pure Oil et Union Oil, CMH, vol. II, annexe 207-208.
32
Voir CMH, vol. 2, annexe 110.
33Voir l’avis de la commission d’étude inter-Etats hondurienne [non datée], CMH, vol. II, annexe 109. - 18 -

mal ce qui pourrait l’être. Cet arrangement ré duit à néant, selon nous, la contestation par le

Nicaragua de la souveraineté du Honduras et de s es droits souverains dans la zone située au nord

du 15 parallèle.

24. Cela dit, le Nicaragua n’a pour sa part rien présenté pour contester cet élément de preuve.

On voit d’ailleurs mal comment il aurait pu le faire. Qu’a dit le conseil du Nicaragua à ce sujet ?

Eh bien, il a dit que si c’était un projet conjoint, «c ’[était] un projet conjoint des filiales de l’Union

Oil et non du Nicaragua et du Honduras» 3. Une fois encore, nous est imons qu’il s’agit là d’une

e
interprétation étrange des concessions octroyées de part et d’autre du 15 parallèle par nos

deux Etats. Le Nicaragua va plus loin et s’en prend à la qualité de notre élément de preuve, sans

pour autant en présenter d’autre. Il s’en prend particulièrement, par exemple, à l’avis auquel je

viens de faire référence ― l’avis de la commission d’étude Inte r-Etats hondurienne. Celui-ci n’est

pas daté, c’est vrai, mais il fait expressément référe nce au projet Coco Marina. Il a été joint en

annexe109 au contre-mémoire et se passe de comme ntaire. Cet avis confirme clairement que le

Honduras considérait le 15 eparallèle comme la «frontière maritime avec la République du

[Nicaragua]» et recommandait que les concessions octroyées par le Honduras à la société Union

Oil of Honduras «s’étend[ent] ju squ’à cette limite dans la zo ne maritime limitrophe, de sorte

qu’aucune zone intermédiaire ne s ubsiste entre cette limite et la limite fixée pour l’octroi de

concessions par le Gouvernement nicaraguayen» 35. C’est précisément ce qui s’est produit; le

Nicaragua a octroyé une concession jusqu’à ce parallèle. L’avis ajoute que : «[t]out forage effectué

par l’Union Oil Company of Honduras … au nord du parallèle … doit être notifié exclusivement au

Gouvernement du Honduras». C’est précisément ce qui s’est produit. Madame le président,

Messieurs de la Cour, si le Nicaragua disposa it d’un quelconque élément de preuve documentaire

venant contredire ce document, il n’y a guère de d oute qu’il l’aurait produit. Or, aucun élément de

preuve n’a été présenté.

25. Un autre aspect doit être évoqué. Ces activités relatives à Coco Marina étaient

étroitement liées aux îles. Comme vous vous en souviendrez certainement, j’ai indiqué mardi que

c’était cette même société, Union Oil of Honduras, qui avait participé à la construction de l’antenne

34
Voir CR 2007/4, p. 30, par. 58.
35Voir l’avis de la commission d’étude inter-Etats [non daté], CMH, vol. 2, annexe 109. - 19 -

25 sur Bobel Cay. Et vous avez vu des documents da tant de1975 qui l’expliquaient. Bobel Cay est

située à moins de 6 milles marins de la concession pétrolière Coco Marina. Ce territoire insulaire a

été utilisé dans le cadre des activités de prospection. Les éléments de preuve sont irréfutables. Par

conséquent, les activités liées à la prospection pétrolière côté hondurien sont très étroitement liées à

la souveraineté hondurienne sur les îles.

26. Madame le président, j’en viens ainsi à ma conclusion sur les concessions pétrolières.

Les concessions octroyées par le Nicaragua et le Honduras sont sans ambiguïté et ne suscitent pas

le moindre doute. La planche 13 du contre-mémoire apparaît à l’écran (figure 18). Elle récapitule

les précédentes et montre toutes les concessi ons pétrolières honduriennes et nicaraguayennes

en1977 et1979, respectivement, l’une d’entre e lles étant fondée sur la date critique erronée

de1977. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’un Mondrian, mais la précision des lignes est

vraiment frappante, particulièrement le long du 15 e parallèle représenté en rouge. Et il n’y a à cela

e
aucune exception. Le Nicaragua n’est jamais allé au nord du 15 parallèle, et n’a jamais réservé

son droit de le faire.

III. Pêche

27. J’en viens maintenant à la seconde manifestation d’activité hondurienne au voisinage des

îles et dans les zones maritimes qui confirme que les Parties considéraient l’une et l’autre

le 15 parallèle comme marquant leur frontière maritime : la conduite du Honduras dans le domaine

de la pêche. M.Dupuy a déjà exposé les critèr es juridiques pertinents aux fins de la prise en

considération de cette conduite.

28. Vous voyez sur votre écran une carte représentant les zones de pêche du Honduras

(figure 19). Gorda Bank ―qui se trouve dans la partie la plus claire, en bas, au centre, de cette

partie en forme de disque ― est situé juste au nord-est des îles sur lesquelles le Honduras exerce sa

souveraineté. La partie la pl us méridionale de Gorda Bank est à quelque quarantemiles tant de

Palo de Campeche que de Savanna Cay.

36
29. Ainsi que le Honduras l’a indiqué dans ses écritures , les Etats tiers et les organisations

internationales admettent depuis plus de soixante ans que la zone de pêche située immédiatement

36
Voir, par exemple, le CMH, par. 6.29 et suiv., et les annexes correspondantes. - 20 -

e
au nord du 15 parallèle et autour des cayes relève de la juridiction hondurienne. La division de la

pêche et de la faune du ministère du territoire (D epartment of the Interior) des Etats-Unis a ainsi

37
26 consacré aux ressources halieutiques du Honduras un rapport dans lequel se trouvait décrite la

zone de pêche potentielle au large de la côte caraï be de ce pays. Le Nicaragua reproche certes à ce

document de ne pas mentionner les îles en cause. Et c’est vrai: il traitait de pêche. Ce qu’il

mentionne, ce sont donc les bancs. Et entre autr es bancs du secteur, il cite «Gorda Bank, Rosalind

Bank, Serranilla Bank et Thunder Knoll…» (figure 20). Ce document date de 1943, et la zone en

question y est traitée comme hondurienne.

30. En1971, l’Organisation des NationsUni es pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

publia quant à elle une étude biologique sur ce rtains crustacés des Caraïbes occidentales,

s’appuyant sur les travaux d’une équipe scientifi que qui effectua à cet effet trois missions de

recherche en mer au Honduras, et une au Nicaragua . L’étude de1971 indique que les recherches

furent menées, au Honduras, dans un secteur situé en tre les parallèles 15° 00' et 16° 00' de latitude

nord, et au Nicaragua, dans la zone située entr e les parallèles 13° 50' et 14° 15' de latitude

nord ⎯bien au sud, donc, du 15 e parallèle . Dans les annéesquatre-vingt, la FAO, en

collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque

interaméricaine de développeme nt, finança d’autres études sur les ressources halieutiques du

Honduras, dont certaines précisément dans la zone revendiquée aujourd’hui par le Nicaragua. Ces

études furent réalisées à l’initiative du Gouvernement hondurien, qui cherchait à obtenir un soutien

financier pour évaluer ces ressources au nord du Honduras, en particulier autour des bancs de pêche

de Rosalinda et Thunder Knoll et des récifs de Media Luna ⎯ Half-Moon reefs ⎯, lesquels étaient

39
expressément mentionnés dans le document .

31. Les preuves que le Honduras exerçait son au torité en matière de pêche dans la zone

e
située au nord du 15 parallèle sont, même pour cette époque ⎯1943, 1971, début des

années quatre-vingt ⎯, absolument catégoriques et le Nicaragua n’a produit aucun élément

attestant le contraire : le Honduras a autorisé des ac tivités de pêche dans les eaux délimitées au sud

37
CMH, vol. 2, annexe 162.
38Marcel Giudicelli, Exploration et simulation de pêche commerciale dans l’ouest de la mer des Caraïbes . R/V

«Canopus», mai-novembre 1970, CCDO-FAO-PNUD, San Salvador, 1971, CMH, vol. 2, annexe 163.
39CMH, vol. 2, annexe 161. - 21 -

e
par le 15 parallèle, sans que le Nicaragua élève de protestation ni d’objection. Le Honduras en a

apporté des preuves documentaires, preuves qui s ont, pour certaines, antérieures à la date de

mai 1977, artificiellement retenue comme critique par le Nicaragua. Parmi les éléments de preuve

produits par le Honduras figurent des licences et des bitácoras, ainsi que de nombreuses

dépositions de témoins. Et le Nicaragua ne peut, d’après nous, se contenter d’alléguer que ces

27 dépositions de pêcheurs ont été «soigneusement choisi[e]s» 4. L’éminent agent du Nicaragua et

son conseil doivent encore le démontrer, et ils n’en ont rien fait.

32. De même, l’allégation de l’éminent ag ent selon laquelle «toutes les activités qui se

41
rapportent à cette zone, clairement définie, [auraient] eu lieu après1977» n’est pas fondée .

L’affirmation selon laquelle tous les documents pr oduits par le Honduras à titre de preuves, en ce

qui concerne la pêche, auraient trait à des «activit és qui ont eu lieu pour la première fois après» la

date que le Nicaragua tient pour critique ne l’est pas non plus, et pas davantage celle selon laquelle

les éléments de preuve produits «ne contien[drai ent] aucune référence précise à une zone maritime

42
clairement identifiable» . Une fois de plus, ces allégations sont tout simplement dépourvues de

fondement, ainsi que le montrent les éléments de preuve soumis à la Cour . Le document projeté

maintenant à l’écran (figure 21) en fournit une bonne illustration. Il s’agit d’un arrêté du ministère

hondurien des ressources naturelles, destiné à une société de pêche hondurienne, qui proroge

d’un an ⎯et j’insiste sur ce mot, proroger ⎯ une licence de pêche provisoire, initialement

octroyée le 16 décembre 1974. Cet arrêté est daté du 7 janvier 1977 ⎯ et il est donc bien antérieur

à la prétendue date critique avancée par le Nicaragua . La sixième clause dé finit les limites de la

zone de pêche. Elle indique à cet effet des c oordonnées bien précises. Pour ne pas être accusé de

lecture sélective, je citerai tout le passage. Il se lit ainsi :

«De 88° de longitude ouest et 15° 44' de latitude nord ; de 85° 87' de longitude
ouest et 18°01' de latitude nord; de 84°02' de longitude ouest et 18°58' de latitude
nord; de 80°38' de longitude ouest et 16°30' de latitude nor d; de 83°09' de
43
longitude ouest et 15° de latitude nord.»

40 CR 2007/1, p. 41, par. 90 i).
41
CR 2007/1, p. 35, par. 66.
42 CR 2007/1, p. 34, par. 65.

43 La traduction française est réalisée à partir d’une version corrigée des c oordonnées de la concession de pêche
indiquées à l’annexe 258. - 22 -

Et j’appelle votre attention sur la signature qui figure au bas de l’arrêté. C’est celle de

M. Rafael Leonardo Callejas ⎯le sous-secrétaire d’Etat puis secrétaire d’Etat au ministère

hondurien des ressources naturelles, l’auteur de la dé position que je vous ai citée. Il s’agit donc là

d’éléments de preuve documentaire d’époque, qui viennent corroborer ce que ce monsieur affirme

dans sa déposition à propos de l’utilisation du 15 e parallèle pour marquer la frontière méridionale.

A présent, vous êtes peut-être curieux de savoir à quoi peut bien correspondre cette délimitation.

Alors, avec un peu de chance, vous voyez maintenant apparaître à l’écran les limites de la zone de

pêche définies par cet arrêté (figure22), et vous pourrez constater que la li gne qui en délimite la

e
partie la plus méridionale suit précisément le 15 parallèle. Cette zone de pêche englobe toutes les

28 îles et tous les récifs aujourd’hui en cause. L’ arrêté date de janvier1977, et proroge un texte

équivalent adopté en 1974. Donc, lorsqu’il affirme qu’il n’existe, en matière de licences de pêche,

aucun élément de preuve antérieu r à la date qu’il présente comme critique, et renvoie, à cet égard,

expressément à la zone en question, le Nicaragua ⎯et je le dis avec tout le respect que je lui

dois ⎯ formule tout simplement une contrevérité.

33. Le Nicaragua peut-il nous présenter le moi ndre document équivalent publié par ses soins
e
concernant une zone située au nord du 15 parallèle? Il semblerait que non. Le Nicaragua n’a

soumis à la Cour aucun document d’époque ⎯ pas un seul ⎯ établissant qu’il ait jamais appliqué

sa législation en matière de pêche, ou veillé à son respect, dans des zones situées au nord du

15 eparallèle, et j’insiste sur la notion de document d’époque. Si le Nicaragua avait octroyé la

e
moindre autorisation de pêcher au nord du 15 parallèle, pourquoi n’en a-t-il pas fourni la preuve à

la Cour ? La réponse s’impose à l’esprit : parce qu’il n’en a jamais délivré.

34. Le fait est que la prat ique du Honduras en matière d’octroi de licences et de bitácoras

dans cette zone est déjà ancienne, et a été cons tante. En témoignent des documents écrits, les

dépositions de témoins versées au dossier et la reconnaissance d’Etats tiers et d’organisations

internationales.

35. Il y a bien un document qui montre que le Nicaragua a cherché à s’introduire au nord

e
du 15 parallèle ⎯ mais il montre justement que le Nicara gua a été contraint de reconnaître que ce

parallèle constituait bel et bien la limite septentrionale de ses zones de pêche.

Le17novembre1986, bien après la date cr itique retenue par le Nicaragua, l’organisme - 23 -

nicaraguayen chargé des questions de pêche (INPESCA) accorda à M.Ramon Sánchez Borba

e 44
l’autorisation de pêcher le homard, dans une zone qui se prolongeait au nord du 15 parallèle . Ce

document ne fut pas publié, mais lorsqu’il fut porté à l’attention des autorités honduriennes,

celles-ci réagirent très fermement et aux plus hauts échelons du gouvernement. Le 20 mars 1987,

le ministre hondurien des affaires étrangères ⎯ pas moins ! ⎯ adressa à son homologue une note

de protestation que vous voyez projetée à l’écran (fi gure 23). Le paragraphe 3 de cette note se lit

comme suit: «Le contrat précité est en contradic tion avec la frontière maritime qui existe depuis

45
toujours entre le Honduras et le Nicaragua. Ce lle-ci est fixée au parallèle de14°56'09"» ⎯ il

s’agit là d’une erreur, qui s’est à l’évidence glissée dans la lettre. Comment le Nicaragua réagit-il ?

Il n’éleva pas d’objection. Il n’émit pas de réserve de droits. Et comment donc? Il modifia le

contrat. Par un acte daté du 7 avril 1987, l’INPESCA modifia le contrat. Le texte modifié apparaît

29 à l’écran (figure24): la sixième clause, qui fixe les limites de la zone de pêche, a été reformulée

comme suit : «Le secteur de pêche attribué à chaque bateau de pêche est déterminé par l’INPESCA

dans des zones situées au sud du 15 e parallèle.» Il s’agit là de preuves relativement éclatantes, et la

Cour relèvera que le Nicaragua n’émit nulle part de réserve de droit. Le Nicaragua a-t-il jamais,

quant à lui, objecté par écrit à un quelconque acte de souveraineté ―sous forme d’octroi de

e
licences ― accompli par le Honduras au nord du 15 parallèle ? Il semblerait que non.

36. Madame le président, je vous prie sincèr ement de bien vouloir m’excuser d’entrer dans

des considérations aussi fastidieuses, mais nous te nons vraiment à porter à l’attention de la Cour

des éléments de preuve concrets, afin qu’elle puisse apprécier, par elle-même, leur contenu

réel ⎯ et non s’en tenir à celui que le Nicaragua leur prête. Le Nicaragua ne dispose, quant à lui,

d’aucun élément de preuve. Aussi multiplie-t-il, pour créer un rideau de fumée qui masquerait ce

vide, les préoccupations sur la qualité et le bien -fondé des moyens produits par le Honduras. Or, il

suffit de regarder ceux-ci de près, de les exam iner par le menu, pour constater que le Honduras a

produit des preuves, et qu’il l’a fait avec discernement et en toute intégrité. Nous soutenons très

respectueusement que nous n’avons rien dit que n’ étayent les éléments de preuve. Nous sommes

conscients des limites que présente l’exercice pour les deuxEtats ⎯des pays en développement

44
DH, par. 5.37.
45CMH, vol. 2, annexe 123. - 24 -

qui ne disposent peut-être pas des meilleurs systèmes d’archivage dont on puisse rêver. Mais, étant

donné le caractère inhospitalier de la zone en qu estion, nous soutenons qu’il ne saurait faire de

doute que les éléments de preuve s oumis à la Cour militent de mani ère décisive en faveur de la

thèse du Honduras.

37. Le Nicaragua a recours à un autre pr océdé lorsqu’il évoque les dépositions de

témoins ―l’art de la raillerie. M.RemiroBrotóns s’est ainsi, à propos de la déposition de

M.SantosCalderón Morales, déclaré stupéfié que celui-ci ait pu avoir connaissance de l’arrêt

rendu par la Cour en 1960 4. Il est vrai que M. Calderón n’est pas professeur de droit international,

mais on ne saurait assurément lui en tenir rigue ur. En1978, M.Calderón était maire de la

municipalité de RamonVilleda Morales au cap Gr aciasaDios, et il n’est donc pas totalement

ignorant des communautés de pêcheurs qui exercen t leurs activités dans la zone ou des différends

territoriaux. Et il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il ait entendu parler de l’arrêt de la Cour de 1960 ou

de la sentence arbitrale de1906. Quiconque s’ est rendu dans cette région aura saisi l’importance

qu’y revêt cette sentence, ainsi que l’arrêt de la Cour qui en a permis l’exécution. L’arrêt rendu par

la Cour en1960 a amené le Nicaragua à se retirer de grandes parties de territoires terrestres. Or,

nombreuses sont les décisions de la Cour bien connues dans les zones sur lesquelles ils ont une

30 incidence. Un autre arrêt, qui remonte aux années quatre-vingt, reste d’ailleurs très présent dans les

mémoires, au Nicaragua. Je me souviens d’avoir, voici bien des années, lu un livre de l’écrivain

britannique Salman Rushdie, publié en 1989 : il s’intitule Le sourire du jaguar, et porte le sous-titre

47
de Un voyage au Nicaragua . J’avais alors été frappé par les nombreux passages évoquant le

retentissement qu’avait eu l’arrêt rendu par la Cour, dans les annéesquatre-vingt, pour les

Nicaraguayens. Cet ouvrage montrait très clairement que l es arrêts de la Cour peuvent imprégner

très profondément — et imprègnent en effet très profondément ― la conscience publique. Et c’est

là un gage de l’autorité de la Cour.

38. Le conseil du Nicaragua n’a pas non plus ménagé ses railleries à propos de la déposition

de DanielSantos Solabarrieta Armayo. Celui-ci a fait état d’activités de pêche dans les eaux

situées autour des cayes entre1958 et1974, qu’il av ait été autorisé à exercer en vertu de licences

46
CR 2007/4, p. 41, par. 102.
47
Salman Rushdie, Le sourire du jaguar : Un voyage au Nicaragua, Plon, septembre 1999. - 25 -

48
octroyées par les autorités honduriennes . M. Armayo a déposé à Guanaja en juillet 2001. C’était

un octogénaire ⎯un homme âgé. En l’absence du moindre élément de preuve, qu’est-ce qui

justifie les mots extrêmement durs qu’a eus à son encontre le conseil du Nicaragua ? Daniel Santos

Solabarrieta Armayo et bien d’autres étaient b asés à Guanaja. Ils partaient pour de longues

expéditions de pêche autour des îles, expéditions qui les menèrent à Savanna, Bobel et Media Luna.

Quiconque prend la peine de lire la déposition de M.Armayo c onstatera qu’il s’agit d’un homme

instruit. Il est né en Espagne, a étudié en Fr ance, et est venu au Honduras en tant que réfugié

politique. Les éléments qu’il avance n’ont pas ét é contestés par le Nicaragua. En relisant sa

déposition ⎯elle figure à l’annexe82 ⎯, ce que j’ai fait après la plaidoirie du Nicaragua, il m’a

paru évident qu’elle ne contient rien qui puisse donner à penser que son auteur serait autre chose

qu’un homme intègre et sensé. M.Armayo décl are que, lorsqu’il s’est rendu sur les cayes, voici

une quarantaine d’années, celles-ci n’étaient pas habitées. S’il avait été manipulé, pourquoi

aurait-il tenu ce propos? Si nous choisissions so igneusement nos éléments de preuve, pourquoi

aurions-nous retenu cette déposition ? Les faits qu’il avance n’ont pas été démentis ⎯ ce monsieur

a indiqué qu’il était détenteur de licences de pêche ⎯ et ils sont parfaitement clairs, le Honduras

s’en tient à ce qui est dit. En l’absence de preuve du contraire, il n’est aucune raison de douter de

l’intégrité de M.Armayo. Les railleries, Mada me le président, ne sauraient se substituer à des

preuves concrètes.

31 39. La zone de pêche en question est repr ésentée sur la planche 14 du contre-mémoire du

Honduras (figure25). Il s’agit d’une zone à laque lle s’applique la législation hondurienne en

49
matière de conservation d es ressources halieutiques . Des dépositions de témoins et d’autres

éléments de preuve montrent que le Honduras a ré glementé les activités de pêche dans la zone des

décennies durant. Ces dépositions concordent av ec les termes de la Constitution du Honduras

de 1957, qui mentionne expressément une caye de la zone — Palo de Campeche — comme faisant

48
CR 2007/4, p. 42, par. 105 ; CMH, vol. 2, annexe 82.
49
Ainsi, un arrêté adopté en2000 par le ministère de l’agricultuee et de l’élev age et la direction générale de la
pêche dispose que tout navire de pêche trouvé en train de pêcher au nord du 15llèle dans les oimites de la juridiction
maritime du Hooduras sera désarmé et privé de son permis de pêche. Voir l’annexe «E» de l’arrêté n 06-2000 de l’ordre
d’opérations n 21-2000, CMH, vol.2, annexe142. Cet arrêté co mprend une carte qui mont re clairement que ses
dispositions s’appliquent aux eaux environna nt les cayes, ainsi qu’aux bancs de pêch e de la région. L’arrêté en proroge
un précédent, remontant à1999, et est fondé sur l’artic340 de la Constitution du Honduras, l’article116 de la loi
générale sur l’administration publique et l’article 43 de la loi sur la pêche. - 26 -

partie du Honduras. Pas moins de vingt-huit dépos itions de témoins ont tété soumises à la Cour.

Ces dépositions, émanant de hauts fonctionnaires et de pêcheurs, attestent la réglementation 50 des

activités de pêche par le Honduras; elles sont confirmées par des éléments de preuve

documentaires de l’époque. Toutes ces dépositions de témoins, à l’excep tion de quatre —dans

certains cas— font état du rôle des cayes dans l es activités de pêche autorisées par le Honduras.

Dans sa réplique, le Nicaragua a ignoré la plupa rt de ces dépositions de témoins, qui restent non

contestées. Ces témoignages particulièrement proba nts confirment le rôle que le Honduras a, de

longue date, joué dans la réglementation des activités de pêch e autour des îles et dans les eaux

s’étendant jusqu’au 15 eparallèle.

32 40. Un de ces témoignages figure à l’annexe 84 du contre-mémoire du Honduras. Il s’agit de

la déclaration de RobertGough, un pêcheur hondurien qui dit qu’entre 1980 et 1983, il a pêché

dans les eaux du Nicaragua, au sud du 15 eparallèle, avec un permis déliv ré par les autorités de ce

e
pays. Au nord du 15 parallèle, il obtenait des permis de pêche délivrés par le ministère hondurien

des ressources naturelles. Il confirme que quand les pêcheurs se rendaient au sud du 15 eparallèle,

leurs bateaux étaient saisis par les autor ités nicaraguayennes. Néanmoins, il affirme

catégoriquement que toutes les fois où ils allaient pêcher, ils ne rencontraient jamais de bateaux de

pêche ou de patrouilles nicaraguayens au nord du 15 e parallèle .1

41. Le Honduras a également présenté à la Cour des éléments de preuve confirmant que

lorsque les pêcheurs ne respectent pas les conditions des licences ou des concessions ou que

52
celles-ci ont expiré, les autorités hondurie nnes prennent les mesures qui s’imposent . Ces

déclarations n’ont pas été contestées par le Nicaragua.

50Voir, par exemple, les dépositionsd’Edgar Henry Haylock Arrechavala, CMH, vol.2, annexe74 («pendant

toute la période [trente ans] où j’étais responsable de bateaux de pêche, c’est le Honduras qui réglementait la pêche … les
permis de pêche s’obtenaient à Tegucigalpa.»); de Mari oDomínguez, CMH, vol.2, annexe80 («Je sais que des
Jamaïcains [pêchent à Savanna Cay] au moins depuis que je pêche à South Cay ; ils pêchent avec une licence délivrée par
les autorités honduriennes et prennent uniquement du poisson.»); d’AngelaGr een de Johnson, vol. 2, annexe 77
(«Autant que je sache, les Ja maïcains sont présents sur ces cayes depuis 1972 et ont obtenu des permis de travail des
autorités honduriennes.») ; déposition de Robert Richard Gough, vol. 2, annexe 84 («Les permis de pêche étaient délivrés
par le ministère des ressources naturelle s et c’étaient les autorités honduriqui fournissaient les documents aux
pêcheurs.»).

5Déclaration de Robert Richard Gough, CMH, vol. 2, annexe 84.

5Déclarations de Fabián Flores Ramirez, CMH, Vol. 2, annexe 73; et Ramón Antonio Nell Manister, CMH,
vol. 2, annexe 72. - 27 -

42. Certaines concessions de pêche sont accord ées par décret parlementaire et publiées dans

la Gaceta, le journal officiel du Honduras. Ces con cessions indiquent la zone maritime qu’elles

couvrent , ainsi que les espèces à pêcher et la durée souhaitée de la concession. Des copies de ces

concessions de pêche remontant à 1962 ont été présentées à la Cour 54. Elles n’ont pas été

contestées par le Nicaragua. Un certain nombre de déclarations de témoins confirment que les

termes de ces concessions sont appliqués 55. Ces déclarations n’ont pas été contestées non plus.
33

Leur pertinence au regard de la présente affaire a été mise en cause pour la première fois la semaine

dernière par le conseil du Nicaragua, qui a décl aré qu’une seule des concessions invoquées par le

Honduras dans sa duplique utilisait, co mme point de référence, le 15 e parallèle au-delà du

méridien 80º 5. Cependant, rien ne justifie que toutes ces concessions doivent s’appliquer à toutes

les zones voulues par le conseil du Nicaragua. Un e extension de trois milles en mer ou de7

e
ou12milles le long du 15 parallèle est aussi valable et per tinente aux fins de la reconnaissance

du 15 e parallèle qu’une extension de 40, 60 ou 80 milles. Pour illustrer mon propos, permettez-moi

de vous montrer une représentation graphique de l’extension de deux de ces concessions. Sur

l’écran apparaît la planche38 (figure26) de la duplique du Honduras. Cette planche montre une

concession octroyée à la société de pêche del Mar en 1975 ⎯ bien avant la date critique inventée

53
Voir, par exemple, la zone indiquée dans l’avis de demande de concession de pêche présentée par Hondureña de
Pesca, S. de R.L., publié au Journal officiel du Honduras n 17.611 du 23 février 1962, CMH, vol. 2, annexe 119.

«La zone de pêche s’étendra de la baie de Puerto Cortés à l’embouchure du fleuve
Wanks/Coco/Segovia, en direction nord, dans toute l’étendue de la mer territoriale du Honduras, dans les
fonds marins et le sous-sol du plat eau continental et des autres zones qui relèvent de la souveraineté du
Honduras, conformément aux dispositions de la Constitution de la République.»

Voir aussi la zone indiquée dans l’avis de demande de permis de pêche présentée pa r Alimentos Marinos Hondureños,
S.A., publié au journal officiel du Honduras 22.551 du 17 juillet 1978 ; CMH, Vol. 2, annexe 120 :

«de la baie de Puerto Cortés, dans le dé partement de Cortés, à l’embouchure du fleuve
Wanks/Coco/Segovia, dans la mer territoriale, dans les fonds marins et le sous-sol du plateau continental
et des autres zones maritimes adjacentes de son terr itoire, et ce jusqu’à la limite de profondeur des eaux

permettant l’exploitation des ressources marines, conformément au droit et aux traités internationaux…».
54CMH, vol. 2, annexes 119 et 120. Voir aussi, RH, vol. 2, annexes 256 à 259.

55Voir, entre autres, la déclaration suivante, faite par Edgar Henry Haylock Arrechavala, CMH, vol. 2, annexe 74,

«Nous pêchions… dans la zone s’étendant de Patuca au 15 parallèle et, de là, en direction de la
pleine mer jusqu’au banc de Rosalind. [Notre employeur était] la société Alimentos Marinos… Nos
zones de pêche incluent South Cay, Savanna Cay et Bobel Cay parce qu’il y a des bancs de pêche près de

ces cayes. Les bateaux de pêche vendaient leurs pr ises à Guanaja sauf ceux d’Alimentos Marinos qui
déchargeaient à Puerto Lempira. J’ai commen cé comme capitaine pour Alimentos Marinos puis j’ai
travaillé sur des bateaux de pêche locaux appartenant à des îliens. Ces derniers payaient leurs impôts à
Guanaja, tandis qu’Alimentos Marinos dépendait du receveur de Puerto Lempira.»
56
CR 2007/4, p. 39, par. 97. - 28 -

57
par le Nicaragua ⎯. Comme vous pouvez le voir, ⎯ la ligne en jaune ⎯, la limite méridionale

de la zone où la pêche est autorisée suit le 15 e parallèle jusqu’au méridien 83° de latitude est. De

même, vous voyez également apparaître sur l’écran , la planche39 (figure27) de la duplique du

Honduras, la représentation graphique de la zone de délimitati on d’une concession accordée par le

Honduras à la société Mariscos de Bahía en 1976. Cette concession aussi utilise le 15 eparallèle

58
comme limite méridionale .

43. Outre les permis et concessions, depui s les années soixante-dix, les autorités

59
honduriennes délivrent aux pêcheurs un document appelé bitácora , qui indique la zone de pêche

autorisée. Ce document doit être retourné aux autorités honduriennes avec une indication du

volume de la pêche, des espèces prises et de l’endroit où elles ont été pêchées. Pour que puisse être

localisé cet endroit, la zone en question est quadrillée. Sur la bitácora correspondant à la zone que

le Nicaragua revendique aujourd’hui, le 15 eparallèle constitue la limite méridionale de la zone de

pêche du Honduras. Sur l’écran apparaît la planche 31 (figure28) du contre-mémoire du

Honduras, qui vous a été présentée la semaine dernière par le conseil du Nicaragua. Elle représente
34

deux bitácoras datées de1978 qui montrent clairement que le 15 eparallèle constitue la limite

méridionale de la zone de pêche autorisée, indiquée en rouge. M.Elferink s’est montré

héroïquement inventif dans sa tentative de contester ces éléments de preuve 6. Mais la simple ⎯ et

indéniable ⎯ vérité réside dans le fait que ces élémen ts de preuve confirment que le Honduras

réglementait les activités halieutiques dans les eaux s’étendant au sud jusqu’au 15 eparallèle. Le

Nicaragua n’a quant à lui présenté à la Cour aucune bitácora montrant qu’il ait jamais considéré

e
des eaux situées au nord du 15 parallèle comme des zones de pêche relevant de sa juridiction.

44. Dans sa requête, le Nicaragua n’a pas affirmé avoir appliqué sa législation en matière de

e
pêche ou veillé à son observation da ns la zone située au nord du 15 parallèle. Son mémoire

n’apporte pas de preuve à ce sujet. Ce n’est qu’en réponse au contre-mémoire du Honduras que le

Nicaragua a abordé cette question. Nous disons qu ’il ne l’a pas fait comme il faut, et qu’il n’a pas

57
DH, vol. 2, annexe 256.
58
DH, vol. 2, annexe 259.
5CMH, par. 6.44 et RH, par. 5.18.

6CR 2007/3, p. 40, par. 11. - 29 -

su produire les éléments de preuve requis. Nous ferons trois observations à ce propos.

Premièrement, le Nicaragua se demande si les éléments de preuve produits par le Honduras sont

suffisants et non s’ils sont authentiques. Nous répondons qu’ils sont très largement suffisants.

Deuxièmement, le Nicaragua ne présente aucun élément de preuve montrant qu’il ait jamais émis

de protestation contre les activités halieutiques autorisées par le Honduras, y compris celles qui ont

été publiées dans la Gaceta.

45. Troisièmement, le Nicaragua ne présente pas d’élém ents de preuve documentaires de la

e
période pertinente montrant qu’il ait acco rdé des permis de pêche au nord du 15 °parallèle. Il n’a

pas produit d’éléments de preuve prouvant qu’il ait jamais annoncé la possibilité d’obtenir des

permis pour la zone considérée. Il n’ a présenté aucun journal de bord, aucune bitácora. Il n’a

produit ni permis ni concessions. Aucun élément de preuve. Cela pourrait expliquer pourquoi le

Nicaragua est à présent autant sur la défensive et va jusqu’à affirmer que le fait de délivrer les

permis de pêche et de réglementer ce domaine «n’est pas directement pertinent» 61. Nous faisons

observer que, comme le montre la jurisprudence co nstante de la Cour, cet argument est dépourvu

de fondement 62. Dans l’affaire Qatar c.Bahreïn la Cour cite expressément la délivrance

d'autorisations de poser des pièges à poissons parmi les activités invoquées par Bahreïn à l’appui de

sa revendication de souveraineté ( Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et

Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J.Recueil2001 , p.99 et 100, par.196 et 197). Dans

l’affaire Indonésie/Malaisie, la Cour a déclaré que les activ ités de pêche de personnes privées

35 pouvaient être considérées comme des effectivités quand elles «se fondent sur une réglementation

officielle ou se déroulent sous le contrôle de l’ autorité publique», autrement dit en vertu d’un

permis ou d’une concession octroyés par le gouvernement Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau

Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 683, par. 140). Les éléments de preuve

présentés par le Honduras montrent que les activités de pêche ont été menées sous le contrôle de

l’autorité gouvernementale de ce pays.

61
RN, par. 6.107.
62DH, par. 4.35. - 30 -

46. Tout ce que le Nicaragua a eu à offrir, ce sont les déclarations des cinq témoins que j’ai

citées mardi. Nous les avons examinées minutieus ement: je vous renvoie à notre duplique et à

mon exposé de mardi. Les cinq déclarations sont loin d’être pertinentes. Aucune n’émane d’une

personne représentant ou ayant repr ésenté le gouvernement. Trois d’entre elles ne mentionnent

nullement l’existence de permis de pêche dé livrés par le Nicaragua. Pour ce qui est des

deuxdernières, elles ne s’accompagnent pas d’él éments de preuve ou de documents d’époque ou

autres pouvant étayer même leurs modestes revendi cations. Nous vous invitons donc à lire les

cinqdéclarations de témoins produites par le Nicaragua et à les comparer avec les éléments de

preuve documentaires de la même époque qui ont été présentés par le Honduras. Les différences, il

faut le souligner, en disent très long.

47. Pour récapituler, les éléments de preuve présentés à la Cour montrent très clairement que

depuis de nombreuses décennies, le Honduras a au torisé sans interruption les activités de pêche

dans les zones maritimes situées au nord du 15 e°parallèle et autour des cayes. Il a agi ainsi sans

e
rencontrer de protestation, en vertu d’un accord tacite selon lequel le 15 parallèle était considéré

comme la frontière maritime. En revanche, le Nicaragua n’a présenté aucun élément de preuve

remontant à l’époque pertinente et prouvant qu’ il ait jamais cherché à réglementer les activités

e
halieutiques au nord du 15 parallèle.

IV. Les patrouilles navales

48. J’aborderai, en dernier lieu, la question d es patrouilles navales. J’ai déjà dit en passant

qu’elles veillaient depuis 1976 au respect de la législation du Honduras dans les zones maritimes et

e
insulaires situées au nord du 15 parallèle. La planche 15 du contre-mémoire du Honduras,

actuellement projetée à l’écran (figure 29), montre l’étendue géographiqu e de la zone où le

Honduras effectue des patrouilles navales. Ce s patrouilles remplissent un certain nombre de

fonctions: elles veillent notamment au respect de la législation en matière de pêche et

d’immigration et au maintien de la sécurité au Honduras.

36 49. Le Honduras a présenté à la Cour le témoignage de deux fonctionnaires ⎯ un

fonctionnaire des services d’immigration du Honduras et un contrôleur de port ⎯ qui effectuaient,

en coopération avec la marine hondurienne, des patrouilles vers les cayes pour assurer l’application - 31 -

des lois relatives à l’immigration 63. Il a aussi soumis des preuves documentaires, sous forme de

livres de bord de patrouille et d’autres documents, montrant qu’il effectue des patrouilles dans les

e 64
eaux entourant les cayes, les récifs et les bancs situés dans les zones au nord du 15 parallèle . Le

Honduras a commencé à patrouiller en mer en 1976, ap rès la création de sa marine nationale. Ces

patrouilles ont couramment lieu depuis lors. Depuis 1986, deux patrouilleurs affectés à cette tâche

mènent des opérations régulières, visitant les cayes et les bancs de Rosalinda et de Thunder Knoll.

Ces patrouilles navales inspectent les batea ux de pêche honduriens et leurs captures 65et arrêtent le

66
cas échéant les bateaux qui se livrent illé galement à la pêche ou au commerce . Là encore, il

ressort des éléments de preuve présentés à la C our que les patrouilleurs viennent en aide aux

67
bateaux en détresse et qu’ils dispensent les premiers secours et autres soins médicaux aux marins

blessés 68.

50. Les éléments de preuve soumis indiquent qu’après 1982, ces patrouilles ont également dû

faire face à des incursions sporadiques de bateaux nicaraguayens, notamment des navires militaires,

69
dans les eaux honduriennes . Depuis1995, des patrouilles spéciales ont été mises en place pour

répondre à un triple objectif : elles visent, premièrement, à empêcher que des navires nicaraguayens

ne pénètrent dans les eaux hondur iennes pour harceler ou saisir des bateaux de pêche honduriens ;

63Déclaration de M.Harley SeisionPaulisto, CMH, vol .2, annexe71 et déclaration de M. Fabián Flores

Ramírez, ibid., annexe 73.
64CMH, par. 6.60-6.62 et DH, par. 5.54-5.57 ainsi que les annexes correspondantes.

65Voir, par exemple, le livre de bord de deux bateaux (le Honduras et le Hibueras) patrouillant dans les eaux

autour de plusieurs cayes et bancs, y compris Media Luna, South Cay et Bobel Cay, CMH, vol. 2, annexes 133-136. Voir
également CMH, annexes supplémentaires, annexe 20 à 224.
66 o
o Voir, par exemple, le cas du navire américain Captain Bill arrêté en mai1988 par 16 20' de latitude nord
et 80 09' de longitude ouest avec à son bord 1,5 tonne de homard alors qu’il n’avait aucun permis, rapport de l’escadrille
Atlantique de la base navale de Pu erto Cortés (mai1988), CMH, vol.2, annexe 132 ; voir également le rapport
concernant la capture d’un navire nicaraguayen qui se livrait à des activités illicites au nord du 15e parallèle (15 09' de
o
latitude nord et 82 12' de longitude ouest), ibid., annexe 141.
67Voir, par exemple, le livre de bord du Hibueras, CMH, vol. 2, annexe 130. Voir également le livre de bord du

Hibueras (patrouille du 8janvier1989, où est décrit le sauveta ge de l’équipage d’un bateau de pêche à South Cay),
CMH, annexes supplémentaires, annexe 226.
68
Voir, par exemple, le livre de bord du Hibueras, base navale de Puerto Co rtés (patrouilles des 6, 7
et 8 août 1986 et du 6 mai 1987, faisant état d’un incident à South Cay), CMH, vol. 2, annexe 130.
69
Voir par exemple le livre de bord du Hibueras, aux dates suivantes : 18 septembre 1982 (incident à Bobel Cay),
avril1983 (incident à Bobel Cay), 9septembre1983 (incident à 15 o 02'00" de latitude nord et 82 o30' 00" de longitude
ouest), 6novembre1983 (incident à 15 o01'00" de latitude nord et 82 58'00" de longitude ouest), CMH, vol.2,
annexe129; la note adressée le 21mars 1982 au ministre des affaires étrangères par le commandant en chef des forces

armées honduriennes, concernant un incident survenu à Bobel Cay et Media Luna Cay et impliquant des patrouilleurs
sandinistes, ibid., annexe139; le rapport en date du 9décembre1982 adressé au commandant en chef de la marine
hondurienne, concernant un incident survenu dans les environs de Bobel Cay et impliquant un patrouilleur nicaraguayen,
ibid., annexe 140. Se reporter également aux autres documents déposés en tant qu’annexes supplémentaires. Voir CMH,
p. 122. - 32 -

deuxièmement, à lutter contre le trafic de stupé fiants; et, troisièmement, à veiller à ce que les

bateaux dûment autorisés à pêcher respectent les mesures de protection des ressources halieutiques

37 imposées par le Honduras . Dans sa réplique, le Honduras a présenté des preuves supplémentaires

de patrouilles militaires dans la région 71.

51. En revanche, le Nicaragua n’a soumis aucun élément de preuve convaincant montrant

qu’il ait cherché à faire appliquer sa législation en matière de pêche ou autre dans l’une quelconque

des zones insulaires ou maritimes situées au nord du 15 e parallèle, que ce soit avant ou après 1979.

Le Honduras a présenté de nombreux éléments de pr euve : il a joint en annexe dix-sept documents

officiels militaires 72, six dépositions de témoin 73et plusieurs notes diplomatiques. Quels sont les

éléments sur lesquels le Nicaragua s’appuie? Juste deuxdépositions de témoin. Et même ce

maigre témoignage n’est pas satisfaisant. Sur la base de la première déposition de témoin faite par

M.Arturo Möhrke Vega, le Nicaragua prétend qu ’avant 1977, c’est-à-dire la «date critique» qu’il

invoque, le Honduras n’effectuait p as de patrouilles dans la région 74. Mais sa déposition mérite

d’être lue avec attention. M. Möhrke Vega n’i ndique en fait nulle part la date à laquelle il se

trouvait sur place. Il est tout simplement impossi ble d’établir la date à laquelle les patrouilles

navales nicaraguayennes ont été effectuées dans cette région 75.

76
52. La deuxième déposition invoquée par le Nicaragua est celle de M. Clark Mclean . Il y

décrit les activités de pêche dans les zones où, sel on lui, «des patrouilles nicaraguayennes» étaient

présentes. L’intégralité de sa description des patrouilles alléguées se réduit à ces deuxmots. Le

témoin n’indique aucune date ni aucun endroit précis, ne dit rien qui permette de déterminer si ces

patrouilles empiétaient sur les concessions pétroliè res honduriennes de la région et ne mentionne

pas la pose de l’antenne à Bobel Caye, soit autant d’éléments qui semblent contredire sa déposition.

70 o
Voir l’ordre de mission n 003-95 de la base navale de Puerto Castill a (patrouille de février 1995 à Bobel Cay,
Cabo Falso Cay, cap Gracias a Dios et La Mosquitia), CMH, vol.2, annexe137. Voir également, parmi d’autres, les
annexes 138 et 142.
71
Voir, DH, par. 5.57 et les annexes correspondantes.
72
CMH, vol. 2, annexes 129-145.
73 CMH, vol. 2, annexes 68, 71, 72, 73, 75 et 78.

74 RN, par. 5.4 iv) et 6.65.

75 RN, vol. 2, annexe 23 ; RN, par. 6.110.
76
RN, vol. 2, annexe 22 ; RN, par. 6.110. - 33 -

53. En somme, nous ne demandons pas mieux que la Cour apprécie les éléments de preuve

respectivement présentés par le Honduras et par le Nicaragua en ce qui concerne les patrouilles

navales. Selon nous, la balance ne peut pencher que dans une seule direction.

38 V. Conclusions

54. Madame le président, Messieurs de la Cour, cela m’amène à mes conclusions. La Cour a

devant elle une profusion d’éléments de preuve. Selon nous, les éléments de preuve relatifs aux

concessions pétrolières, aux concessions de pêch e et aux patrouilles navales prêtent de façon

décisive à conclure à l’existence pendant deux décennies d’un accord tacite selon lequel

le 15 parallèle constitue la frontière maritime, mutuellement reconnue en tant que telle par le

Honduras et le Nicaragua. Pris conjointement, t ous ceséléments de preuve témoignent de façon

impressionnante de la souveraineté et de la juridi ction que le Honduras exerce de longue date sur

les eaux situées au nord du 15 eparallèle.

55. Parmi tous ces éléments, il y a en a un que je trouve particulièrement parlant. Il s’agit du

témoignage de M. Bob Ward M acnab Bodden (CMH, annexe 86 ⎯ figure 30). M. Bodden relate

les circonstances dans lesquelles un bateau de pêche immatriculé au Honduras, soupçonné de

pêcher illégalement dans les eaux nicaraguayennes au sud du 15 e parallèle, a été arrêté par une

77
patrouille nicaraguayenne, qui l’a escorté jusqu’à ce parallèle où il fut alors relâché. Cela s’est

produit en 2000, après que le Nicaragua a introduit sa requête dans la présente espèce, et alors que

l’Assemblée nationale à Managua s’apprêtait à ap prouver l’accord de libre échange de l’Amérique

centrale de1998, ce qu’elle a fait au mois de novembre 2000. Ainsi, l’Assemblée nationale du

Nicaragua n’était-elle pas seule à agir en faveur de la revendication hondur ienne. Elle était en

bonne compagnie. Les autorités de Managua, qui ont introduit la présente instance devant la Cour

en décembre1999, ont d’une manière ou d’une au tre oublié d’informer les patrouilles navales

nicaraguayennes de cette affaire.

56. Madame le président, Messieurs de la Cour , avant de conclure, je souhaiterais juste, si

vous me le permettez, m’arrêter sur deux points. Je voudrais tout d’abord corriger une erreur

mineure dans l’exposé que M. Dupuy a prononcé hier . Il a, par inadvertance, mentionné une note

77
Déclaration de M. Bob Ward McNab Bodden, CMH, vol. 2, annexe 86. - 34 -

de 1994 du Nicaragua. Il convient juste de précis er que la note en question avait uniquement trait

aux espaces maritimes ; elle ne mentionnait aucune île, contrairement à ce que M. Dupuy a indiqué
78
par mégarde . Je voudrais par ailleurs exprimer ici, à titre personnel, mes plus vifs remerciements

à l’ensemble de mes co llègues, notamment à Anjolie Singh, membre du barreau indien, et à

Adriana Fabra de l’Université autonome de Barcelone, sans le concours de qui il aurait été difficile

de s’orienter dans la masse des documents con cernant les effectivités et le comportement des

Parties. Rassembler tous ces documents n’a pas toujours été une tâche très aisée, ce que les

39 membres de la Cour ne manqueront certainement pa s de reconnaître. Je tiens donc à exprimer ma

gratitude, en particulier envers l’ensemble de mes collègues honduriens, mais tout particulièrement

envers l’un d’entre eux, M.LuisTorres. Il s’est beaucoup occupé des questions relatives au

comportement des Parties et aux effectivités, mais il est, à ma grande tristesse, décédé dans

l’intervalle écoulé entre la clôture de la procé dure écrite et l’ouverture de la procédure orale.

C’était un homme dévoué et intègre. Nous avions le même âge, c’est pourquoi sa perte me touche

profondément. La grande fierté de la République du Honduras et de sa famille pour sa contribution

à la présente affaire est tout à fait légitime.

57. Madame le président, je vous remercie infi niment de votre bienveillante attention et je

vous invite, peut-être après la pause café, à appeler à la barre M. David Colson.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur Sands. L’audience est suspendue.

L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. M. Colson, nous vous écoutons.

M. COLSON: Merci beaucoup, Madame le prési dent. Madame le président, Messieurs de

la Cour, avant de commencer, je souhaiterais just e dire un mot des intentions de la délégation

hondurienne pour la suite de ses plaidoiries d’aujourd’hui et de demain. Il a été décidé que je serai

le dernier intervenant du Honduras dans le cadre de ce premier tour de plaidoiries. Mon exposé est

assez long, et il me mènera certainement au-delà du temps qui nous est imparti aujourd’hui. Je

78
CR 2007/8, p. 49 et note de bas de page 56. - 35 -

m’efforcerai de le terminer demain, pour l’heure de la pause, je veux dire l’heure à laquelle nous

faisons normalement une pause. Le Greffe et les traducteurs ont reçu une partie de cet exposé. Je

ne l’achèverai pas aujourd’hui, mais le reprendr ai demain, là où nous nous serons arrêtés. Je le

compléterai, et passerai ensuite à d’autres cartes figurant dans votre dossier.

L A LIGNE HONDURIENNE

1. Il me revient de présenter la ligne hondurienne et de démontrer son caractère équitable.

2. Le Honduras et le Nicaragua sont parties à la convention de1982 sur le droit de la mer.

Par conséquent, le droit régissant la présente affaire, la délimitation maritime en la présente affaire,

sont les articles 15, 74 et 83 de cette convention, articles qui ont été examinés par M. Dupuy.

40 3. Rien dans la convention ne se rapporte à des lignes d’attribution de souveraineté — ce que

demande le Nicaragua. Le principe sur lequel re posent la convention et ses articles relatifs à la

délimitation est qu’il faut partir de la souveraineté territoriale su r les côtes, tant continentales

qu’insulaires, pour appliquer ensuite le droit et une méthode de délimitation reposant sur la

souveraineté. L’approche du Nicaragua va à re bours de cette logique, elle n’a aucun fondement

juridique, elle ne repose sur aucun précédent et, dans l’hypothèse où la C our emprunterait la voie

suggérée par le Nicaragua en décidant de tracer une ligne de frontière maritime sans tenir compte

de la souveraineté territoriale, lais sant cette dernière découler de la ligne ainsi tracée, je soutiens

que cela aurait de graves conséquences, dans le monde entier, pour les différends frontaliers

maritimes ou insulaires.

4. S’agissant de l’application à la présente affaire des articles 15, 74 et 83 de la convention

sur le droit de la mer, le Honduras considère que sa ligne est tout à fait conforme à ces dispositions.

Voici pourquoi.

5. Premièrement, la ligne proposée par le Honduras s’étend vers l’est en séparant les îles qui

appartiennent au Honduras de celles qui appartiennent au Nicaragua.

6. Deuxièmement, ainsi que vous venez de l’entendre et que l’a abondamment démontré

M. Sands, la ligne proposée par le Honduras est l’expression d’un modus vivendi tacite qui a duré

près de deux décennies, modus vivendi qui se reflète clairement et indéniablement dans la pratique

pétrolière des Parties. La Cour, avec raison, fait preuve de prudence à l’égard des arguments - 36 -

relatifs à la pratique pétrolière dans les affaidont elle connaît. Néanmoins, elle a indiqué, au

paragraphe304 de son arrêt en l’affaireCameroun c.Nigéria , après avoir passé en revue les

activités pétrolières qui avaient été invoquées devantelle, que, lorsque la pr atique pétrolière est

l’expression d’un modus vivendi, elle est pertinente aux fins de la délimitation. Selon le Honduras,

les faits de la présente espèce font que cette conclusion est applicable.

7. Troisièmement, la ligne proposée par le Honduras suit un parallèle. Les Etats ont très

fréquemment recours aux parallèles et aux méridi ens pour tracer leurs délimitations maritimes,

certainement bien davantage qu’à la méthode de la bissectrice.

8. Quatrièmement, comme nous le verrons demain lorsque nous nous pencherons sur la

question, la ligne du Honduras est une ligne équitable. Elle est plus favorable au Nicaragua que ne

le serait une ligne d’équidistance provisoire.

41 L E FONDEMENT ET LES CARACTERISTIQUES DE LA LIGNE TRADITIONNELLE
REVENDIQUEE PAR LE H ONDURAS

9. Pour commencer l’examen de la ligne hondurie nne, il peut être utile de se pencher sur ses

caractéristiques techniques. J’aborderai ensuite son fondement juridique, historique, géographique,

ainsi que la conduite des Parties. Enfin, dans la seconde partie de cet exposé, nous utiliserons de

nouveau ces facteurs pour démontrer le caractère équitable de la ligne hondurienne.

A. Les caractéristiques techniques de la ligne traditionnelle

10. Commençons donc par l’examen des caractéristiques techniques de la ligne.

1. Point de rencontre entre la frontière terrestre et la mer

11. Dans sa requête, le Nicaragua a prié la Cour de « déterminer le tracé d’une frontière

maritime unique entre les mers territoriales, les portions de plateau continental et les zones

économiques exclusives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras» dans la mer des

Caraïbes.

12. Dans la demande ainsi libellée, il n’est pas question du point de départ. Toutefois,

comme nous l’avons, je pense, tous compris maintenant, lorsqu’une délimitation des mers

territoriales, des plateaux continentaux et des z ones économiques exclusives doit être effectuée, il - 37 -

est nécessaire de déterminer l’emplacement du point de départ. En l’espèce, cette détermination est

rendue difficile par les phénomènes d’accrétion qui se produisent à l’embouchure du fleuve, là où

la frontière terrestre rencontre la mer.

13. Les deux Parties ont proposé des solutions pour régler ce problème. Avant de les

aborder, il peut être utile, comme d’autres l’ont dé jà fait, d’examiner une fois encore la méthode

juridique qui a permis de déterminer que la fron tière terrestre entre le Honduras et le Nicaragua

atteint la mer des Caraïbes à l’embouchure du fleuve Coco.

a) La sentence de 1906

14. Dans les dernières années du XIX esiècle, le Honduras et le Nicaragua s’opposèrent sur

l’emplacement de leur frontière terrestre, se contestant d’importantes parties de territoire. Ils

conclurent finalement le traité de1894, qui établissait une commission mixte et prévoyait le

recours à l’arbitrage en cas d’échec de cette commission. La commission réussit partiellement dans

sa tâche, elle parvint à fixer le tracé de la frontière terrestre depuis le golfe de Fonseca jusqu’à

proximité du Portillo de Teotacacinte. De là à la côte Caraïbe, la ligne restait toutefois litigieuse,
42

et c’est cette portion de la frontière qui fit l’objet de la sentence rendue par le roi d’Espagne

en 1906 — sentence qui, nous le savons, était, à la de mande des Parties, fondée sur le principe de

l’uti possidetis.

15. Le Nicaragua fit valoir, à l’époque, qu’il ét ait fondé à revendiquer une frontière terrestre

rejoignant la mer au cap Camarón. Nous allons maintenant proj eter une carte que vous avez déjà

vue. Elle représente la revendication soumise pa r le Nicaragua au roi d’Espagne (planche9 du

contre-mémoire du Honduras (figure 1)). MG. reenwood a évoqué cette carte, et

M. Sánchez Rodríguez en a utilisé une semblable au cours de son exposé. Elle montre l’étendue du

territoire auquel le Nicaragua est imait avoir droit au titre de l’ uti possidetis. Et, ainsi que vous

pouvez le voir sur cette figure, en bas à droite, la carte reproduit le libellé, ou une partie du libellé,

de la demande soumise par le Nicaragua au roi d’Espagne. Le Nicaragua souhaitait que la frontière

suive «le méridien qui passe par le cap Camar ón…jusqu’à la mer, laissant au Nicaragua - 38 -

SwanIsland». Et vous pouvez voir, en haut de la partie d’un bleu plus foncé, cette SwanIsland

que revendiquait alors le Nicaragua. Le Nicaragua revendiquait une portion importante de la côte

aujourd’hui reconnue comme hondurienne et il revendiquait de même expressément Swan Island.

16. Pourquoi le Nicaragua réclamait-il SwanIsland ―et SwanIsland seulement? Nous

savons bien que cette zone colorée en bleu f oncé englobe bien d’autres îles. Le Nicaragua

nourrissait vraisemblablement aussi des prétenti ons sur toutes ces autres îles situées au nord

du 15e parallèle ―et qui se trouvent dans la partie ombrée sur cette carte ―, mais il ne les

mentionnait pas dans sa demande. Pourquoi cela ? En vertu du principe de l’uti possidetis, ces îles

n’étaient pas terra nullius . Le Nicaragua ne pensait vraise mblablement pas non plus qu’elles

appartenaient au Honduras, puisqu’il revendiquait to ute la côte jusqu’au cap Camarón. Serait-ce

simplement qu’il était admis ―admis à cette époque, et admis du temps de l’Empire

espagnol ―que la souveraineté sur les petit es îles situées au large des côtes ―tout à côté des

côtes ― découlait automatiquement de la souveraineté su r la côte, mais que le Nicaragua avait cité

nommément Swan Island ⎯ la plus grande et la plus éloignée, située à quelque 100 milles marins

de la côte ⎯, afin de ne laisser aucun doute sur l’étendue de sa revendication ?

17. Quoi qu’il en soit, le roi d’Espagne attribua cette côte au Honduras ― cette longue bande

littorale allant du cap Camarón au cap GraciasaDi os, et qui s’étend selon nous sur à peu près

43 130 milles marins. Certes, la sentence du roi d’Espa gne ne mentionne pas les îles, mais, eu égard

au principe de l’ uti possidetis, force est de conclure que la souveraineté sur les îles et la

souveraineté sur la côte au large de laquelle se tr ouvent ces îles ne pourraient être dissociées que si

une disposition expresse dans ce sens figurait dans la sentence.

18. Pour ce qui est de la frontière terrestre, lasentence de 1906 en fixait le point de départ,

sur la côte caraïbe, dans l’embouchure du fle uve Coco. Vous voudrez bien m’excuser de vous

infliger une nouvelle lecture du passage essentiel de la sentence, déjà cité par l’agent du Honduras

lundi dernier, mais il me semble important que nous l’ayons de nouveau bien en tête à ce stade de

la discussion. La sentence se lit comme suit, dans la traduction qu i figure à la page 202 de l’arrêt

de la Cour de 1960 : - 39 -

«Le point extrême limitrophe commun sur la côte atlantique sera l’embouchure

du fleuve Coco, Segovia ou Wanks dans la mer, près du cap GraciasaDios, en
considérant comme embouchure du fleuve ce lle de son bras principal entre Hara et
l’île de san Pío où se trouve ledit cap…»

Et la sentence ― et en fait la phrase ― se poursuit ainsi :

«les îlots ou cayos qui existent dans ledit bras prin cipal avant d’atteindre la barre
restant au Honduras et le Nicaragua conser vant la rive sud de ladite embouchure
principale, l’île de San Pío y comprise, ainsi que de la baie et le village de Cabo de

GraciasaDios et le bras ou estero appelé Gracias qui aboutit à la baie de
Gracias a Dios entre le continent et l’île de San Pío susnommée».

Et, plus loin, la sentence indique que la ligne fr ontière délimitant les deux pays «suivra… [le]

thalweg … vers la mer».

19. Projetons à présent une carte ―il s’agit de la carteAP1 utilisée par M.Pellet dans son

exposé du 8 mars (figure 2). Je voudrais faire à son propos deux observations. En premier lieu, on

voit ici un losange qui est supposé figurer le poi nt marquant l’embouchure du fleuve en1906.

Entendez-moi bien, je ne peux pas dire que cette indication soit fausse ⎯ le fait est que je n’en sais

rien. Mais j’aurais tendance à penser que la prétendue démonstration du Nicaragua n’est que pure

conjecture: aucun élément n’étaye sa position. En second lieu, je voudrais simplement appeler

votre attention sur l’île que l’on voit dans l’em bouchure du fleuve. Nous reviendrons en détail,

dans quelques minutes, sur les îles qui se trouvent dans l’embouchure de ce fleuve. La sentence du

roi d’Espagne attribuait au Honduras les îles et les bancs situés dans le bras principal du fleuve.

Ainsi que nous le verrons à partir des images satellite, ces îles sédimentaires ― car il s’agit d’îles

sédimentaires, ce sont en réalité des bancs de sable, qui se forment dans l’embouchure du

fleuve ―, ces îles sédimentaires, donc, se constituent ré gulièrement dans le fleuve, disparaissent

44
non moins régulièrement, et finissent bien souvent par se rattacher à tel ou tel banc, de part ou

d’autre du bras principal du fleuve Coco.

b) L’arrêt de 1960 de la CIJ

20. Nous savons, bien sûr, que le Nicaragua a contesté la sentence de1906 sur différents

points. Le Honduras est finalement parvenu à porte r devant la Cour le différend qui continuait de

l’opposer au Nicaragua (figure 3). Vous voyez ma intenant apparaître à l’écran une carte présentée

par M. Greenwood dans le cadre de son exposé, lundi dernier ― sa carte n 2 (CJG2). Cette carte, - 40 -

produite par le Honduras dans ses écritures, date de1959, mais il nous faut préciser que nous ne

savons pas avec certitude de quand date le levé sur lequel elle repose. Mais regardons cette carte,

et voyons ce que dit la sentence du roi d’Espagne. Vous voyez ici le fleuve, et la grande île

hondurienne de Hara. Vous avez ici l’île de San Pío dévolue au Nicaragua, là le très étroit estuaire

de Gracias, ici la baie de GraciasaDios, et vous pouvez voir aussi la toute petite ville de

Gracias a Dios dans la baie. Vous constatez qu’il y avait des île s dans l’embouchure du fleuve, et

une ligne pointillée figure le thalweg ⎯selon la représentation que s’en faisait alors le

Honduras ⎯, qui passe entre les îles honduriennes et la rive de l’île nicaraguayenne de San Pío.

21. Je voudrais ici m’arrêter un instant sur cette petite ville de Gracias aDios. La semaine

dernière, dans sa plaidoirie d’ouverture, l’agent du Nicaragua l’a qualifiée de port, indiquant en

outre qu’elle se trouvait «à l’embouchure du fleuve Coco» (CR 2007/1, p. 26, par. 37-38).

L’équipe nicaraguayenne avait même préparé une carte indiquant la présence, à l’embouchure du

o
fleuveCoco, d’un port ―un port nicaraguayen (figure n 13). Or, le Honduras n’a pas

connaissance de l’existence d’un port ou d’une ville nicaraguayen à proximité de l’embouchure du

fleuve Coco. Les cartes marines contemporain es ne montrent aucun port nicaraguayen sur le

fleuve Coco. Les cartes de cette zone, par exemple la carte hondurienne de 1959, situent une petite

ville dans la baie de Gracias a Dios. Bien sûr, si le Honduras est dans l’e rreur, le Nicaragua aura

tout loisir, lors de son second tour de plaidoiries, de préciser, preuves à l’appui, où se trouve ce port

nicaraguayen prétendument situé à l’embouchure du fleuve Coco.

22. Entre autres arguments développés devant la Cour voici cinquanteans ⎯et cela fait

même plus de cinquante ans maintenant ⎯, le Nicaragua a soutenu que la sentence de 1906 n’était

pas susceptible d’exécution vu les lacunes, contradi ctions et obscurités qui l’affectaient. A cet
45

égard, il a fait valoir que l’embouchure d’un fle uve, ne constituant pas un point déterminé, ne

pouvait servir de limite commune entre deux Etats.

23. Dans son arrêt de 1960, la Cour a fait observer ceci :

«Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, le dispositif de la sentence [il s’agit de la
sentence du roi d’Espagne] énonce qu’«à pa rtir de l’embouchure du Segovia ou Coco,

la ligne frontière suivra la vaguada ou thalweg de ce fleuve vers l’amont». Il est
évident que, dans ce contexte de la sent ence, on a entendu indiquer que le thalweg - 41 -

constitue la frontière entre les deux Etat s même à l’«embouchure du fleuve». De

l’avis de la Cour, la déterm ination de la frontière à cet endroit ne saurait entraîner
aucune difficulté.» (C.I.J. Recueil 1960, p. 216.)

24. Ainsi, la frontière entre le H onduras et le Nicaragua découlant de l’ uti

possidetis ⎯ déterminée par la sentence de 1906 et confirmée dans l’arrêt de 1960 ⎯ atteint la mer

à l’endroit où le thalweg du fleuve Coco croise la ligne de fermeture de l’embouchure du fleuve.

Les îles et bancs qui se trouvent dans le fleuve appartiennent au Honduras.

2. Les caractéristiques de l’embouchure du Rio Coco

a) Le Rio Coco

25. Comme la Cour le sait, le fleuve Coco draine un vaste territoire à l’intérieur de

l’Amérique centrale. Il charrie donc un volume considérable de sédiments, et se jette dans la mer à

un endroit où les courants côtiers sont relativemen t faibles. Il s’ensuit que l’embouchure du fleuve

change constamment de forme, s’accompagnant de la formation d’îles et de hauts-fonds dans son

embouchure, aux endroits où le fleuve dépose une grande partie de ses sédiments. Je pense que les

Parties sont d’accord sur ce point.

b) La commission mixte de 1962

26. Dans leurs pièces de procédure, les Parties décrivent en détail les travaux de la

commission mixte de1962 79; je n’ai pour ainsi dire rien à y ajouter, sauf ce qui suit. La

commission constata que le fleuve Coco se dévers ait alors dans la mer par trois bras—le bras

septentrional, le bras méridional et le bras oriental — et elle décida que le thalweg se trouvait dans

le bras oriental ⎯celui du centre ⎯ qu’elle appela «BrazodelEste». Au sujet de ce bras, la

commission indique dans son rapport: «[e]t le troi sième bras, qui s’écoule en direction de l’est,

présente généralement une largeur de 160mètres —qui peut cependant atteindre, à certains

80
endroits, 500 mètres — et se jette dans la mer. On a relevé l’absence d’îlots dans ce bras.» Ainsi,

à l’époque où la commission de1962 effectua ses travaux, les îles situées à l’embouchure du
46

fleuve, celles qui figuraient sur la carte hondurienne de 1959, avaient disparu. Et, comme nous le

verrons sur les images satellite, nous pouvons consta ter que c’est ce qui a pu se produire — ce qui

79
MN, vol. II, annexe 1.
80Rapport de la commission mixte des limites, créée pHonduras et le Nicaragua, sur les études menées à

l’embouchure du fleuve Coco, Segovia ou Wanks. Id., p. 19. - 42 -

se produit habituellement—, avec ces îles qui a pparaissent et disparaissent à l’embouchure du

fleuve. Il semblerait que, dans ce cas particulier, entre la fin des années cinquante et le début des

années soixante, les îles que le Honduras ava it relevées à l’embouchure du fleuve se soient

rattachées à la rive nicaraguayenne.

27. Le point considéré par la commission mixte de 1962 comme marquant l’embouchure du

fleuve est le seul point précis établi dans la pra tique des Parties, en application de la sentence

de1906, qui soit pertinent en l’espèce. Examinons un moment la carte qui a été dressée par la

commission mixte de1962. C’est la carte que nous a montrée le professeur Pellet la semaine

dernière sous la référenceAP2.1. Nous allons utiliser notre propr e copie de cette carte (figure4)

parce qu’elle est, à notre avis, un peu plus nette, mais c’est effectivement la carte qui figure dans le

rapport de la commission mixte. Vous y voyez le bras septentrional, relevé par la commission

mixte, appelé «Canal del Norte». Vous voyez le bras méridional, appelé «Canal Roman» par la

commission mixte, et le bras central ou oriental — et, si vous parvenez à déchiffrer les petits

caractères, vous pourrez lire «Brazo del Este». J’ aimerais ici aussi simp lement faire remarquer

qu’il n’existe aucune ville du nom de «Gracias a Dios» sur ce fleuve. Cette ville se trouve ici, dans

la baie de Gracias a Dios, très au sud de l’embouc hure du fleuve, au même endroit que sur la carte

hondurienne de 1959.

3. La pratique des Etats dans des circonstances semblables à celles du Rio Coco

28. Il n’est pas rare que la frontière entre deux Etats suive un fleuve jusqu’à la mer. Il n’est

pas rare non plus que l’embouchure d’un fleuve subisse des phénomènes d’accrétion et d’érosion,

comme c’est le cas dans la présente espèce, ni que d es îles et des hauts-fonds de caractère instable

se forment à son embouchure. Ainsi, bien qu’il soit possible de fixer la position de la frontière en

droit, sa position géographique suivra l’évolu tion de l’embouchure du fleuve. C’est ce qui rend

difficile l’établissement du point de départ des fr ontières maritimes. Pourtant, comme le montre la

pratique des Etats, il y a de nombreuses façons de régler ce problème.

29. Je donnerai simplement trois exemples de la pratique des Etats. - 43 -

47 a) Entre le Mexique et les Etats-Unis

30. L’une des solutions est celle qui a été retenue par le Mexique et les Etats-Unis en raison

du caractère changeant de l’embouchure du RioGrande. Le Nicaragua a cité cet exemple avec

approbation. Dans les négociations qui conduisirent au traité de1970 entre le Mexique et les

Etats-Unis, les parties s’accord èrent sur le fait que l’embouchure du RioGrande se déplaçait du

nord au sud, d’une distance pouvant atteindre 1,5 milles marins en un an. Elles convinrent de

déterminer un point fixe en mer, au large de l’embouchure du fleuve telle qu’elle était à l’époque

des négociations. Elles convinrent aussi qu’à pa rtir du milieu de l’embouchure du fleuve, telle

qu’elle se présente à un moment donné, le premie r tronçon de la ligne de partage des mers

territoriales partirait de ce point mobile—mais ir ait en ligne droite jusqu’au point fixe situé en

mer. Cette technique est exposée à l’article5 du traité conclu en1970 entre le Mexique et les
81
Etats-Unis . J’ai indiqué, dans la version provisoire de mon texte, les références aux volumes des

International Maritime Boundaries Reports de l’ American Society of International Law dans

lesquels on trouvera les traités dont je vais parler.

b) Entre la Chine et le Vietnam

31. Le deuxième exemple que je relèverai est celui de l’accord sur la délimitation des

82
frontières maritimes conclu en 2000 entre la Chine et le Vietnam .

32. Dans ce cas, la frontière terrestre entre la Chine et le Vietnam suit le Beilun jusqu’à la

mer. L’embouchure de ce fleuve pose le même type de problèmes — elle ne cesse de se déplacer

et des hauts-fonds, des bancs de sable plats et des barres sablonneuses s’y forment. Aux termes de

l’accord, la frontière de la mer territoriale est une ligne allant d’un point1 jusqu’à un point7

donné, en passant par les points 2 à 6. Le paragraphe 3 de l’article 3 dispose que, quels que soient

les changements topographiques qui peuvent se produi re, la ligne de délimi tation ne pourra être

modifiée que par accord entre les Parties. Ains i, dans cet exemple de pratique, la frontière

convenue entre les mers territoriales continuera à ser vir de frontière nationale, quels que soient les

81
International Maritime Boundaries, vol. I, rapport 1-5.
82
International Maritime Boundaries, vol. V, rapport 5-25. - 44 -

changements physiques pouvant s’opérer à l’embouc hure du fleuve; cette ligne pourra en fait

servir à délimiter, entre les parties, les îles et l es hauts-fonds découvrants qui pourraient se former

dans les années à venir.

48 c) Entre l’Angola et la Namibie

33. Enfin, je ne présenterai qu’un troisième exemple, tiré de l’accord conclu en 2002 entre la

Namibie et l’Angola. La frontière terrestre y suit le Cunene jusqu’à la mer, et on retrouve le même

problème, celui d’une embouchure fluviale mouvante, dans laquelle se constituent des hauts-fonds,

des bancs de sable et des îles. Les parties convinrent que leur frontière maritime longerait un

parallèle et s’étendrait jusqu’à la limite des 200milles marins. Mais, comme l’embouchure

proprement dite du fleuve pouvait ne pas toujours se trouver à la latitude convenue par les parties,

celles-ci décidèrent d’établir une commission char gée de régler ce problème ; comme les parties à

l’accord sino-vietnamien, ces pays indiquèrent, à l’ar ticleV de leur traité, que, si le parallèle

servant de frontière maritime traversait une île qui se serait formée, il continerait à constituer la

83
frontière entre les deux Etats .

34. Si le Honduras porte ces exemples à l’atten tion de la Cour, c’est pour illustrer certaines

des méthodes que les Etats emploient pour régler le problème des embouchures fluviales

mouvantes. Il n’y a ni bonne ni mauvaise méthode : il faut simplement adopter une technique qui

soit adaptée aux circonstances.

4. Lasituationactuelle

a) Accrétion/érosion

35. Depuis que la commission mixte a délimit é l’embouchure du fleuve Coco, il y a plus de

quaranteans, celle-ci n’a cessé de se modifier et, globalement, elle s’est déplacée vers l’est. De

plus, une formation insulaire instable s’est à pr ésent reformée dans l’ embouchure du fleuve. Les

Parties ont bien entendu des avis très différents. Les écritures du Nicaragua partent du principe

83
International Maritime Boundaries, vol. I, rapport 4-13. - 45 -

qu’il est souverain sur les îles et hauts-fonds situés à l’embouchure du fleuve. Le Nicaragua

n’explique pas pourquoi il va ainsi à l’encontre de la sentence de 1906, qui précise que les îlots et

hauts-fonds situés à l’intérieur du bras principal du fleuve Coco appartiennent au Honduras.

36. Vous pouvez voir à l’écran une figure qui vous a déjà été projetée (figure 5, planche 19

CMH). Plusieurs de mes collègues se sont reportés à cette figure, citée à la fois dans le

contre-mémoire et dans la duplique du Honduras. Elle montre une série de photos satellite de

l’embouchure du fleuve prises au cours de sept années différentes, entre1979 et 2001. Sur cette

série d’images, le point blanc représente le point défini en 1962 par la commission mixte. Je dois

peut-être expliquer que chaque carré du quadrillage correspond à une minute de latitude et à une
49

minute de longitude. En gros, et je dis bien en gros, un non-initié peut se représenter le quadrillage

comme composé de carrés d’unmille de côté. Ces figures, examinées de près, —et je vous les

passerai dans un moment, l’une après l’autre, —montrent comment la nature refaçonne

constamment l’embouchure de ce fleuve. Aucune photo n’est identique à une autre, et chacune

présente des différences importantes par rapport à celle qui la précède dans le temps.

37. Je vous propose maintenant de bien regard er chaque image et, lorsque vous observerez

les formations fluctuantes, je vous invite à ne pas quitter des yeux la ligne du méridien surlignée en

jaune sur cette carte, qui indique 83°08'de longi tude ouest, ainsi que la ligne perpendiculaire

indiquant 15° de latitude nord. Je n’ai aucune rais on particulière, sur le plan juridique, disons, de

les surligner ; je pense simplement que cela vous aide ra, tout au long de la démonstration, à ne pas

perdre de vue ces deux lignes lorsque vous observer ez l’évolution de ces figures. Et à la fin de

cette démonstration, nous ajouterons l’image de 2006 que le Honduras a présentée au cours de ces

audiences.

e
38. En 1979, vous pouvez voir une île en train de se former juste au nord du 15 parallèle de

latitude nord, qui se trouve alors complètement à l’ouest du méridien 83° 08' de longitude ouest.

39. Deux ans plus tard, en1981, cette île s’est agrandie —deux ans—, son extrémité

orientale a rejoint désormais le méridien 83° 08' de longitude ouest ; par ailleurs, nous pouvons voir

deux petites formations en train d’apparaître au sud du 15 eparallèle de latitude nord. - 46 -

40. En 1985, la forme de la grande île au nord du 15 parallèle de latitude nord a changé, elle

a changé de forme mais, dans l’ensemble, on pe ut dire que son emplacement est à peu près le

même. Mais on peut dire aussi que les formations situées au sud du 15 eparallèle de latitude nord

sont en train de s’étendre.

41. En 1989, la grande île au nord du 15 eparallèle a de nouveau changé de forme mais, dans

l’ensemble, son emplacement n’a pour ainsi dire pas changé. Mais regardez ce qui s’est passé au

sud. Le littoral continental nicaraguayen s’est dépl acé vers l’est, jusqu’au méridien83°08'. Et,

nous pouvons voir également qu’une nouvelle île est en train de se former à l’est du

méridien 83° 08'.

42. Lorsque nous regardons l’image de 1993, il n’y a pas de changement notable par rapport

à 1989.

e
43. Passons ensuite à1997. Au nord du 15 parallèle, la grande île que l’on pouvait voir

depuis 1979 a disparu. Elle fait partie du Honduras continental. Et nous constatons que la petite île

50 qui se formait à l’est du méridien83°08' s’ est beaucoup étendue, chevauchant maintenant

le 15e parallèle de latitude nord.

44. Si l’on regarde maintenant l’image de 2001, malheureusement, il y a un nuage au-dessus

de l’endroit critique, une ombre le masque, et il n’ est pas possible de distinguer les choses aussi

clairement que nous le voudrions. On peut di re cependant que l’île qui chevauche le 15 e parallèle

de latitude nord s’est agrandie.

45. Passons maintenant à l’image de 2006 four nie par le Nicaragua; que voyons-nous ici?

e
L’île située à cheval sur le 15 parallèle semble s’être étendue, et nous voyons une nouvelle île qui

commence à se former au nord de cette île et à l’est de la pointe de la côte hondurienne.

M.Quéneudec en a parlé hier, lorsqu’il a mont ré l’image satellite de2004 présentée par le

Honduras. Il a montré comment cette petite form ation est apparue en 2004 et vous pouvez voir à

présent, sur cette image de2006, qu’une formation importante est en train d’apparaître à cet

endroit.

46. Tout ce que l’on peut dire, c’est que les Parties ont raison de reconnaître que

l’embouchure du fleuve se modifie. Ce qui n’est pas exact, c’est l’affirmation du Nicaragua selon

laquelle cette embouchure s’ouvre toujours vers le nord ou le nord-est. On ne voit pas comment le - 47 -

Nicaragua pourrait en fournir la preuve au vu d es images prises par satellite sur une période de

presque trente ans. Le fait est que, chaque année, l’embouchure ⎯ il est généralement admis que

l’embouchure d’un fleuve est marquée par les pointes de terre qui avancent dans la

mer ⎯l’embouchure du fleuve se modifie; elle peut faire face à l’est, prendre une direction

légèrement nord-est, puis légèrement sud-est ⎯ mais principalement, elle est orientée vers l’est, et

ses caractéristiques changent, d’année en année.

47. De plus, aucune preuve n’a été soumise à la Cour concernant le thalweg de l’embouchure

du fleuve, aucune preuve concerna nt le thalweg de cette embouchur e quelque part à l’est du point

fixé en1962 par la commission mixte; le Nicar agua n’a pas non plus présenté d’arguments

expliquant pourquoi il aurait la souveraineté sur une île de ce fleuve alors que, selon la sentence

de1906, les îles et hauts-fonds appartiennent au Honduras. Et il semble évident, d’après ces

images satellite, que les îles qui se sont formé es à l’embouchure du fleuve Coco, en raison de

l’accrétion sédimentaire là où le fleuve rejoint la mer, que ces îles ont fini par se rattacher au

continent, des deux côtés du fleuve, au fil des ans ; parfois du côté du Honduras, parfois du côté du

Nicaragua. La particularité essentielle de ces ch angements est que la péninsule formée par le
e
fleuve Coco subit une accrétion vers l’est le long du 15 parallèle de latitude nord; comme

M. Quéneudec l’a souligné hier, l’accrétion est assez symétrique des deux côtés du fleuve Coco, ce
51

qui explique la symétrie de la péninsule du cap Gracias a Dios des deux côtés du fleuve.

48. Considérant les caractéristiques de l’embouchure du fleuve, les deux Parties ont reconnu,

à l’issue de la procédure écrite, qu’il ne serait pas raisonnable de demander à la Cour de régler le

problème de l’instabilité de l’embouchure ⎯ à savoir comment passer du point fixé en 1962 par la

commission mixte à un point situé en mer, qui pourrait servir de point de départ à la délimitation

maritime. A l’issue de la procédure écrite, les Parties étaient tombées d’accord. Elles étaient

convenues qu’à partir du point fixé en1962 par la commission mixte jusqu’à un point qui serait

fixé par votre Cour, au large de l’embouchure, e lles détermineraient elles-mêmes leurs juridictions

respectives dans cette zone. Les Parties n’étaien t bien entendu pas d’accord sur l’emplacement du

point fixe en mer, mais elles étaient disposées à laisser de côté cette question, elles étaient

disposées à s’en remettre à la Cour sur ce point. Mais il semble à présent que le Nicaragua - 48 -

n’accepte plus que les Parties déterminent entre e lles la frontière entre le point fixé par la

commission mixte en 1962 et le point fixe au large qui serait arrêté par la Cour. Apparemment, le

Nicaragua souhaite que la Cour délimite cette frontière. Le Honduras n’accepte pas cette position.

b) La position et les critiques du Nicaragua

49. Avant d’en venir à ce nouveau point de d ésaccord, permettez-moi d’aborder la question

de la position du Nicaragua à l’égard du point de départ fixe en mer. Vous avez maintenant à

l’écran un nouveau document qui figure sous le numéro 6 du dossier des juges. Ce sont les mêmes

huitclichés dont nous avons simplement élargi le champ, la même série de photos satellite, dont

nous avons légèrement élargi le champ de manièr e à pouvoir y faire figurer le point proposé par le

Nicaragua ainsi que celui proposé par le Honduras.

50. La position du Nicaragua, telle qu’elle est présentée au paragraphe 23 du chapitre VII de

son mémoire, semble être la suivante :

«La ligne proposée partirait d’un point s itué dans la direction de cette ligne

médiane à 3 milles marins vers le large de l’embouchure du fleuve Coco, point ayano
les coordonnées géographiques suivantes: 15 01'53’’ de latitude nord et 83 05' 36"
de longitude ouest.» (P. 83.)

51. Nous ajoutons maintenant le point fixe proposé par le Nicaragua. Le Nicaragua se réfère

à ce point au paragraphe10.5 de sa réplique: «c’ est à partir de ce point qu’est tracée une ligne

52 médiane approximative … l’alignement ainsi obtenu coïn cide avec le tracé résultant de l’emploi de

la méthode de la bissectrice» (p. 197).

52. Dès lors, si nous comprenons bien, nous pou vons dire ce qui suit du point fixe situé au

large que propose le Nicaragua :

1. Premièrement, lorsque le Nicaragua l’a dé fini, ce point se trouvait à 3milles marins de

l’embouchure du fleuve ⎯de l’embouchure du fleuve telle qu’elle existait probablement à un

moment donné, qui ne nous a cependant pas été précisé.

2. Deuxièmement, lorsque le Nicaragua l’a défini, ce point se trouvait sur une ligne d’équidistance

ou médiane partant de ce que le Nicaragua a ppelle l’embouchure du fleuve, c’est-à-dire, là

encore, probablement ce qui était, à un certain moment ⎯ non précisé ⎯ l’embouchure, et la

ligne d’équidistance qui en émanait. C’est là un problème fondamental. Il semblerait que le

Nicaragua ait considéré que les îles et bancs en formation dans l’embouchure du fleuve lui - 49 -

appartenaient, ce qui n’est pas le cas. Le roi d’ Espagne, dans sa sentence, a attribué les îles du

fleuve au Honduras. Par conséquent, le Nica ragua ne peut pas utiliser une île hondurienne

située dans l’embouchure du fleuve comme point de base nicaraguayen pour appliquer la

méthode de l’équidistance. Le Nicaragua a donc appliqué la méthode de l’équidistance ou de la

ligne médiane de manière impropre, en prenant des îles honduriennes comme points de base

nicaraguayens.

3. Troisièmement, on nous dit que le point fixe de départ situé en mer que propose le Nicaragua se

trouve coïncider avec la bissectrice proposée par le Nicaragua, mais qu’il résulte aussi de

l’application de la méthode de la ligne médiane ou celle de l’équidistance, et ce alors même que

le Nicaragua allègue que la mé thode de l’équidistance est inapplicable en l’espèce. Son

approche est curieuse : il utilise l’équidistance dans la plus instable des situations et refuse d’en

admettre l’application ailleurs.

53. Le Nicaragua propose donc un point fixe situé au large. Ses coordonnées géographiques

sont précises, nous savons où il se trouve, mais c’est bien là sa seule vertu. Sur quel fondement

repose-t-il? Chacune des Parties a proposé de c hoisir un point fixe situé en mer parce qu’elles

convenaient que l’embouchure du fleuve était mouva nte. Or, le Nicaragua propose à la Cour

d’adopter un point qui a lui-même été déterminé par référence au caractère instable de

l’embouchure du fleuve — à savoir un point situé su r une ligne médiane, à 3 milles marins vers le

large de l’embouchure du fleuve, sur la base de ce qui, selon l’interprétation du Nicaragua,

constituait l’embouchure à un moment indéterminé ; et, comme nous l’avons vu, le Nicaragua

53 semble avoir utilisé une île hondurienne comme point de base pour ses calculs. Quoi qu’il en soit,

si l’on appliquait aujourd’hui la méthode nicaraguayenne, on obtiendrait un point fixe différent. Et

celui-ci serait encore différent l’ année prochaine. En outre, si cette méthode était appliquée

correctement, c’est-à-dire l’île située dans l’embouchure du fleuve étant considérée comme

hondurienne, le point fixe nicaraguayen se trouverait très nettement au sud du 15 e parallèle. Ainsi,

le point fixe proposé par le Nicaragua est fondé en théorie sur la nature mouvante du fleuve, il

repose sur une hypothèse erronée dans l’application de la méthode de l’équidistance, et c’est pur

hasard s’il coïncide avec la bissectrice. - 50 -

c) Les avantages de la position du Honduras

54. Permettez-moi maintenant d’exposer la position du Honduras en ce qui concerne le point

de départ fixe en mer. Le Honduras estime que c’ est aux Parties qu’il incombe de déterminer leurs

juridictions respectives entre le point défini en 1962 par la commission mixte et le point de départ

fixe situé en mer qu’il convient de définir.

55. Dans sa duplique, le Honduras a proposé que ce point de départ fixe soit situé par

14° 59,8' de latitude nord et 83° 05,8' de longitude ouest. Nous avons ajouté à chacune des photos

projetées le point proposé par le Honduras. La Cour peut donc voir l’embouchure du fleuve telle

qu’elle existait dans les années considérées, le poi nt défini par la commission mixte en 1962, ainsi

que les propositions honduriennes et nicaraguayennes quant au point de départ fixe en mer.

56. Le point proposé par le Honduras est situé à 3 milles marins à l’est du point défini par la

commission mixte en 1962. Le Honduras estime qu’ il revient aux Parties de parvenir à un accord

sur les critères de délimitation à appliquer entre le point défini en1962 et le point situé au large

proposé par le Honduras. La position du Honduras pr ésente l’avantage d’être fondée sur un point

convenu et bien déterminé, et non sur une embouchu re de fleuve mouvante, où se forment des îles

et bancs instables. De plus, comme nous pouvons le constater, dans la plupart des cas, le point

hondurien est davantage dans l’a lignement de l’embouchure du fleuve que le point proposé par le

Nicaragua.

57. Pour conclure sur la question du point de départ, il peut être utile d’examiner les

huitconclusions que M. Pellet a présentées le 9ma rs (CR2007/5, p.12-13, par.45), afin de voir

les points sur lesquels les Parties s’accordent et ceux sur lesquels elles divergent.

58. Sa première conclusion est que la terre continue d’avancer rapidement vers la mer. Nous

sommes d’accord sur ce point.

59. Sa deuxième conclusion est que cette avancée se fait en direction est-nord-est. Nous ne

sommes pas d’accord sur ce point-ci. Comme le montrent les images satellite que nous avons

54 présentées, l’accrétion qui se produit de part et d’autre du fleuveCoco est telle que la péninsule

dans son ensemble avance pour ai nsi dire plein est, le long du 15 eparallèle de latitude nord. Le

caractère symétrique de la péninsule ainsi form ée atteste le caractère symétrique de ces dépôts

sédimentaires. - 51 -

60. Sa troisième conclusion est que la se ntence de1906 doit être respectée. Nous sommes

d’accord sur ce point.

61. Sa quatrième conclusion est que le thal weg de l’embouchure du fleuve constitue le point

terminal de la frontière terrestre. Nous so mmes d’accord sur ce point, tout en rappelant que

M. Pellet a reconnu qu’il n’existait aucun élément indiquant l’emplacement du thalweg, si ce n’est

le point défini par la commission mixte de196 2, et que, aux termes de la sentence du roi

d’Espagne, les îles et bancs situés dans le fleuve appartiennent au Honduras.

62. Sa cinquième conclusion est que l’embouc hure du fleuve est mouvante. Sur ce point

encore, nous sommes d’accord.

63. Sa sixième conclusion est que les Parti es sont convenues de limiter les inconvénients

résultant, pour la Cour, de ce point de départ. A cela, nous répondons que c’est aussi ce que nous

pensions jusqu’à ce que le Nicaragua présente, la semaine dernière, une nouvelle position priant la

Cour de s’occuper aussi de la ligne allant du point défini par la commission mixte en 1962 au point

fixe qu’elle doit définir au large.

64. Sa septième conclusion est qu’il devrait y avoir, en mer, un point «neutre» ⎯tel est le

terme qu’il a employé ⎯, d’où devrait partir la délimitation maritime. Nous sommes convenus

qu’il devrait y avoir un point situé en mer ⎯ point que Cour fixera ⎯ servant de point de départ à

la délimitation de la frontière maritime unique. Cependant, ce point n’est pas censé être «neutre»,

il doit servir d’articulation, dans la mesure où il fait le lien entre la délimitation qui doit être

réalisée par les Parties à partir du point défini par la commission mixte en 1962 et la délimitation à

laquelle la Cour procédera en direction du large.

65. Enfin, la huitième conclusion de M.Pe llet a trait à la nouvelle idée du Nicaragua selon

laquelle il incombe aussi à la Cour de définir la manière dont la frontière doit être tracée entre le

point défini par la commission mixte en 1962 et le point fixe situé au large. Le Honduras estime

que cette tâche devrait incomber aux Parties, comme toutes deux l’ont dit dans leurs écritures.

66. En guise de conclusion sur la question du point de départ, j’aimerais vous montrer une

autre carte présentée par le Nicaragua (figure7). Il s’agit d’un document utilisé par M.Brownlie

55 (IB 14) qui montre la version nicaraguayenne d’ une ligne d’équidistance à l’embouchure du fleuve

Coco. Cette thèse est entachée d’une erreur rédhib itoire puisqu’elle part du principe que les îles - 52 -

situées dans l’embouchure du fleuve appartiennent au Nicaragua. Traçons sur cette carte une

courte ligne médiane en nous fondant comme il se doit sur la côté continentale du Nicaragua et l’île

du Honduras. Voici ce que cela donne. Ajoutons maintenant le po int fixe en mer proposé par le

Honduras. A notre sens, cela démontre clairement la supériorité de la proposition hondurienne.

Cela prouve également qu’il serait sag e de laisser les Parties tranch er la question de savoir quelle

direction doit suivre la ligne et comment il co nvient de traiter la question des îles situées dans

l’embouchure du fleuve, c’est-à-dire quel sera son tracé jusqu’au point fixe au large. Les questions

pertinentes liées aux caractéristiques juri diques à l’embouchure du fleuve ainsi qu’aux

caractéristiques techniques ⎯ l’hydrologie et l’emplacement du thalweg ⎯ n’ont pas été abordées

devant la Cour. Il nous semble dès lors qu’il ser ait prudent de laisser les Parties trancher cette

question, comme elles en étaient convenues dans leurs écritures.

Madame le président, j’en suis arrivé à un po int où je pourrais facilement m’interrompre. Si

vous en êtes d’accord, nous pouvons reprendre demain.

Le PRESIDENT : Entendu, nous pouvons nous arrêter maintenant et faire preuve aussi d’une

certaine souplesse demain matin, sur l’heure de la pause ou de la fin de l’audience. Merci,

Monsieur Colson.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 12 h 55.

___________

Document Long Title

Traduction

Links