BHY
CR 2006/25 (traduction)
CR 2006/25 (translation)
Jeudi 23 mars 2006 à 15 heures
Thursday 23 March 2006 at 3 p.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre la
déposition du prochain témoin appelé pa r la Bosnie-Herzégovine, M. Vitomir Popovi ć. A présent,
le témoin peut être conduit dans la salle d’audien ce et l’interprète peut prendre place à l’endroit
indiqué.
J’invite M. Popovi ć à prendre l’engagement solennel prévu pour les témoins, tel qu’il est
prescrit à l’alinéa a) de l’article 64 du Règlement de la Cour.
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je déclare solennellement, en tout honneur et en
toute conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Le PRESIDENT : Merci. Je rappelle au témo in qu’il doit marquer régulièrement une pause
pour permettre l’interprétation consécutive. Je donne à présent la parole à M. Brownlie pour qu’il
procède à son interrogatoire.
M. BROWNLIE : Merci, Madame le président. Monsieur Popović, je vous suggère, lorsque
vous répondrez aux questions et que vous vous adresser ez à la Cour en général, de ne pas vous
tourner vers les conseils. Je vous prie de bien vouloir faire votre déposition devant la Cour.
POMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je m’appelle Vitomir Popović et je suis né en 1956
à Bistrica, dans la municipalité de Banja Luka. J’ai fait mon droit à la faculté de Banja Luka
en 1980. J’ai obtenu mon doctorat à la faculté de droit de Belgrade en 1991. De 1996 à la fin de
l’année 2003, j’ai été juge et membre de la Co mmission des droits de l’homme de la chambre des
droits de l’homme de Bosnie-Her zégovine. De1997 à2002, j’ai été juge et vice-président de la
Cour constitutionnelle de Bosnie -Herzégovine. Depuis février2004, je suis l’un des trois
médiateurs de Bosnie-Herzégovine chargés des affaires de dro its de l’homme. L’Assemblée
parlementaire de Bosnie-Herzégovine m’a élu à cette fonction par un vote à la majorité des
deux tiers. J’enseigne aussi le droit commercial international à la faculté de droit de Banja Luka.
Du 20janvier1993 au 18août1994, j’ai ét é vice-premier ministre de la Republika Srpska,
chargé des affaires intérieures. Ma tâche principale consista it à coordonner les activités de
plusieurs ministères, notamment ceux de la justice, de l’éducation, de la science et de la culture, et
des affaires cultuelles. En outre, en ma qualité de professeur de droit international, j’ai aussi - 3 -
beaucoup travaillé à l’harmonisation de la légi slation de la Republika Srpska avec celle de
21 l’Unioneuropéenne. Pendant la durée de mes f onctions et par la suite, le Gouvernement de la
Republika Srpska prenait ses décisions et les mettait en Œuvre en toute indépendance. Et il
collaborait avec d’autres gouvernements et instituti ons. J’estime que, au cours de cette période,
nous avons contrôlé autant que possible la situation globale, y comp ris les conditions de la guerre,
et pris les dispositions qui s’imposaient pour protéger notre territoire, notre peuple et notre armée.
Le gouvernement entretenait des relations de partenariat avec les Gouvernements de la
Serbie-et-Monténégro, de la République de la Krajina serbe, de l’Herceg-Bosna et de la République
autonome de Bosnie occidentale. L’aide human itaire que nous fournissaient plusieurs pays, par
exemple la Yougoslavie, la Russie, la Grèce, l’Allemagne et les Etats-Unis ⎯ surtout des produits
alimentaires et des médicaments ⎯, revêtait une importance particulière. Cette aide était fournie et
distribuée par des organisations humanitaires gouvernementales et non gouvernementales. Tous les
membres du gouvernement suivaient de près chacune des initiatives de paix. Pour nous qui étions
au gouvernement, le plan de paix Vance-Owen a eu une importance considérable. L’Assemblée de
la Republika Srpska mit tout d’abord le plan aux voix lors d’une session qui s’est tenue à Bijeljina
à la fin du mois de mars 1993. L’ancien ministre des affaires étrangères de la République fédérale
de Yougoslavie, M.VladislavJovanovi ć, assistait également à cette session. M.Jovanovi ć
présenta une demande formulée conjointement par SlobodanMilošević, MomirBulatovi ć et
Dobrica Cosić tendant à ce que le plan Vance-Owen soit accepté. Comme la majorité des députés
n’était pas satisfaite de certaines des solutions pré vues dans le plan de paix, notamment en ce qui
concernait les territoires qui devaient revenir à la Republika Srpska, il fut décidé de soumettre le
plan à un référendum en Republika Srpska. Après a voir été constamment incité à accepter le plan,
à l’initiative de l’ancien premier minist re grec, M. Mitsotakis, Radovan Karadžić accepta de signer
le plan de paix à Athènes le 1 emai1993, à condition que l’Assemblée de la Republika Srpska
l’approuve. L’Assemblée s’est réunie les 5 et 6 ma i 1993 pour examiner cette question. Compte
tenu de l’importance de celle-ci, le président de la Republika Srpska et tous les membres du
gouvernement étaient également présents. Il y avai t aussi des invités particuliers: le premier
ministre grec, ConstantinMitsotakis, le préside nt de la République fé dérale de Yougoslavie,
Dobrica Cosić, le président de la République de Serbie, Slobodan Miloševi ć, le président du - 4 -
Monténégro, Momir Bulatovi ć, le président de la chambre des citoyens de l’Assemblée de la
République fédérale de Y ougoslavie, Radoman Božovi ć, le président de la chambre des
républiques de la République fédéra le de Yougoslavie, Milos Radulovi ć, et le président de
32 l’Assemblée de la République de Serbie, Zoran Lili ć. Le discours d’ouverture fut prononcé par le
président de la Républi que, M.Radovan Karadži ć, qui expliqua qu’il avait signé le plan
Vance-Owen sous certaines réserves et que la décision définitive revenait à l’Assemblée nationale,
avant de souligner énergiquement que l’acceptation ou le rejet de ce plan aurait des répercussions
considérables. Après le discours du président de la République, M. Radovan Karadžić, certains des
invités particuliers ⎯ MMC . onstantin Mitsotakis, DobricCosić, SlobodanMilošević et
Momir Bulatović ⎯ se sont également adressés à l’Assembl ée et ont fortement incité les députés à
accepter le plan. Cependant, au cours du débat, les députés firent valoir que le plan était
inacceptable, qu’il n’offrait aux Serbes que 44 % du territoire alors que les Serbes étaient
majoritaires sur 64% du territoire et que, sur les dix centres industriels dans lesquels 70% des
actifs de la Bosnie-Herzégovine étaient concentrés, un seul, en l’occurrence Banja Luka, resterait
en Republika Srpska. Sur les soixante-cinq députés présents à l’Assemblée lors du vote,
cinquanteetun votèrent pour la proposition tendant à rejeter le plan et à mettre en Œuvre la
décision prise par le Parlement à Bijeljina le 25 avril 1993, selon laquelle la décision à prendre au
sujet du plan Vance-Owen devait être soumise à un référendum qui fut fixé aux 15 et 16 mai 1993.
Deux députés ont voté contre la proposition de rejet et douze se sont abstenus.
A la suite de cette session du Parlement, leconseil des ministres tint sa soixante-neuvième
réunion. L’un des points principaux de l’ordre du jour portait sur un accord relatif au mode de
travail du Gouvernement de la Republika Srps ka quand ce dernier se trouverait dans des
circonstances exceptionnelles. A l’issue d’un long débat auquel presque tous les ministres prirent
part, on a estimé que la situation en Republika Srps ka était des plus complexes et se dégraderait
davantage en raison du rejet du plan Vance-Owen par l’Assemblée nationale. L’éventualité d’un
bombardement de la Republika Srpska ayan t été également évoquée au cours du débat
parlementaire, il fallait prendre une série de mesur es et d’initiatives pour prévenir toute panique et
toute perte de contrôle, et procéder en même temps à tous les préparatifs nécessaires en vue
d’organiser la résistance sous les formes qu’elle pourrait prendre et de protéger la population et les - 5 -
biens. Il fut convenu d’organiser l’activité du gouvernement de manière à lui permettre de
continuer de fonctionner sur tout le territoire de la République dans toutes les situations. A cette
fin, les ministres furent chargés de prendre d es mesures au nom du gouvernement dans certaines
43 régions et municipalités pour assurer le respect de la législation et le fonctionnement des pouvoirs
publics. C’est moi qui fus désigné pour coordonner ces activités dans la région de la Krajina.
Chacun des ministères reçut pour instruction d’él aborer un programme de mesures et d’activités
dans son secteur respectif.
Les prédictions du gouvernement se révélèrent fondées car le même jour, le 6mai1993, la
République fédérale de Yougoslavie prit des sanct ions contre la Republika Srpska. Toutes les
formes antérieures d’association et de coopération prirent fin et il fut interdit à tous les ministres et
députés de pénétrer sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie. Toutes les formes
d’aide économique prirent également fin. Les marchandises à destination de la Republika Srpska
qui ne faisaient que transiter par la République fédérale de Yougoslavie étaient elles-mêmes saisies.
Le traitement des blessés dans les centres de soin et de rééducation fut assuré mais avec difficulté
et la coopération humanitaire fut dans une large mesure suspendue, rendant ainsi encore plus
difficile et complexe la situation générale en Republika Srpska.
Chaque membre et organe du gouvernement — y compris à l’échelon local — qui était
conscient de ses compétences et de ses prérogatives se devait de chercher un moyen de sortir de
cette situation. Nous avons re nforcé la coopération avec le Gouv ernement de Herceg-Bosna et
celui de la République autonome de Bosnie occide ntale, ainsi qu’avec la diaspora et plusieurs
organisations humanitaires gouvernementales et non gouvernementales étrangères. La coopération
avec le Gouvernement de Herceg-Bosna et celui de la République autonome de Bosnie occidentale
revêtait une importance particulière . En ma qualité de vice-premie r ministre, je pris part aux
discussions entre les représentants des Gouvernemen ts de la Herceg-Bosna et de la République
autonome de Bosnie occidentale. Grâce à cette coopération, nous avons obtenu 10000tonnes de
produits pétroliers, permettant ainsi à notre population d’achever les semailles d’automne et de
printemps, et au peuple et à l’armée de la Republika Srpska d’être ravitaillés en produits
alimentaires. La coopération établie avec le G ouvernement de Herceg-Bosna et le Gouvernement
de la République autonome de Bosnie occidentale n’ était pas confidentielle. Les medias étaient au - 6 -
courant de ces échanges et les ont fait connaîtreau public. A l’époque, en sus de la coopération
avec les entités que j’ai évoquées ⎯ l’entité croate d’Herceg-Bosna et l’entité bosniaque de la
République autonome de Bosnie occidentale ⎯, nous nous sommes attachés autant que possible à
développer d’autres formes de c oopération économique, particulièrement dans le domaine des
investissements à l’étranger. Nous avons aussi été étroitement associés à l’exécution de plusieurs
54 projets d’organisations non gouvernementales et d’autres organisations spécialisées en matière
d’aide dans les situations difficiles, comme ce lle à laquelle nous faisions face. En ce qui me
concerne, je me suis beaucoup consacré à la mise en Œuvre d’un projet de l’ONG danoise Caritas
visant à agrandir le centre médical de Banja Luka. Le projet fut mené à bien et l’hôpital a soigné
tous ceux qui en avaient besoin, indépendamment de leur origine ethnique ou de leur confession
religieuse.
Merci, Madame le président.
Le PRESIDENT : Merci. Monsieur Brownlie ?
M. BROWNLIE: Madame le préside nt, je tiens à remercier M. Popovi ć de sa déposition
devant la Cour. J’ai juste une question à lui po ser. Il a évoqué le plan Vance-Owen. Aurait-il
l’amabilité de dire à la Cour ce qu’il sait du plan de paix concernant le groupe de contact ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Immédiatement après le rejet du plan Vance-Owen,
la communauté internationale s’est employée à étab lir un nouveau plan de paix, mieux connu sous
le nom de «plan du groupe de contact». Etai ent notamment membres du groupe de contact les
Etats-Unis, l’Allemagne, la France et la Russie. Le plan a été présenté à la population de la
Republika Srpska en juillet1994. Il a été soumis pour approbation à l’Assemblée nationale de la
Republika Srpska les 18 et 19juillet1994. Le di scours d’ouverture lors de cette session a été
prononcé par le président de l’Assemblée nationale qui a déclaré que, la veille, il avait discuté du
plan avec les dirigeants de la République fédérale de Yougoslavie et que ceux-ci lui avaient
suggéré de l’accepter.
A la suite d’un débat au sein de l’Assemblée nationale de la Republika Srpska, le plan a été
rejeté. Les députés ont soutenu que, à l’instar du plan antérieur, le nouveau plan ne tenait pas non
plus compte des intérêts de la Republika Srpska car, sur le territoire de la Fédération de - 7 -
Bosnie-Herzégovine délimité par ce nouveau plan à la fin du mois de mars en vertu de l’accord de
Washington, il y aurait encore des villes qui, à ce tte époque, se trouvaient en Republika Srpska. Il
s’agissait surtout de secteurs relevant de municipalités qui se trouvaient à l’époque en
Republika Srpska ⎯ les municipalités de Klju č, Sanski Most et Prijedor et aussi celles de Brod et
Šamac. Le plan ne prévoyait aucune jonction entre les parties occidentale et orientale de la
65 Republika Srpska, à part un couloir de 4kilomètres de large. Le plan n’offrait à la Republika
Srpska que 46% du territoire, alors qu’elle en contrôlait 67%. Après le rejet du plan, la
République fédérale de Yougoslavie a imposé un em bargo total sur la Republika Srpska. Des
observateurs internationaux ont été placés à la frontière et toutes les formes d’assistance et de
coopération ont été remises en question, voire suspendues.
J’ai été membre du gouvernement jusqu’au 18 août 1994, après quoi j’ai retrouvé ma carrière
d’universitaire. Mais je sais que cet embar go total imposé par la Ré publique fédérale de
Yougoslavie est resté en vigueur jusqu’à la signature des accords de paix de Dayton le
14 décembre 1995.
M. BROWNLIE: Merci beaucoup. Madame le président, ainsi s’achève l’interrogatoire
principal du témoin. Merci.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Brownlie. Madame Korner, vous avez la parole.
Mme KORNER: Merci, Madame le président. Monsieur Popovi ć, vous soutenez
qu’absolument aucune aide n’a été reçue de la République fédérale de Yougoslavie après le rejet du
plan Vance-Owen ?
POMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Après le rejet du plan Vance-Owen, le 6 mai 1993,
la Republika Srpska a fait l’objet d’un blocus. Tous les contacts économiques entre les entreprises
de la Republika Srpska et celles de la République fédérale de Yougoslavie ont été réduits au strict
minimum, ainsi que toute forme d’aide humanitaire. Immédiatement après que des sanctions ont
été décidées, soit quelques jours plus tard⎯et je parle là d’une expérience personnelle ⎯ les
blessés qui se trouvaient au poste frontière de Raja, où à d’autres postes frontière, ont été renvoyés
chez eux. - 8 -
Mme KORNER : Je suis désolée de vous interrompre, mais je ne dispose que d’un temps très
limité pour vous interroger. Puis-je vous de mander très simplement: voulez-vous dire que vous
n’avez reçu aucune aide financière de la République fédérale de Yougoslavie après le début du
mois de mai 1993 ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : A ma connaissance, nous n’avons reçu aucune aide
financière et l’aide humanitaire a été réduite au strict minimum. Là encore je dis ce que je sais
personnellement, nous n’avons en réa lité jamais reçu la moindre aide financière de la République
fédérale de Yougoslavie
76 Mme KORNER : Donc, d’après vous, le fait que le s militaires soient payés par le biais des
e e
30 et 40 centres du personnel de Serb⎯centres mis en place, il convient de la préciser, en
novembre 1993 ⎯ ne constitue pas une aide financière.
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Absolument pas. Nous entretenions, comme je l’ai
dit, des relations de partenariat. Le Gouvernem ent de la Republika Srpska faisait de son mieux
pour payer les membres de sa propre armée et de sa propre police, et il se p⎯ c’est une
possibilité ⎯ que certains officiers de l’ex-JNA restés en Bosnie aient reçu une partie de leur solde
par ce biais. Je ne suis toutefois pas en mesure de dire si cela fut le cas ou non. Je ne dirigeais pas
le ministère de la défense et aucune inform ation en ce sens n’a été donnée lors d’une quelconque
session du gouvernement.
Mme KORNER: Je voudrais, si vous me le pe rmettez, changer quelque peu de sujet,
pendant que l’on essuie ce que j’ai renversLe 7avril1993, votre gouvernement a adopté la
décision relative à la création de la commission du droit international, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Oui.
Mme KORNER : Et vous avez été nommé président de la commission ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Oui.
Mme KORNER: Et la décision a été signée par le premier ministre, M.Luć. C’est bien
cela, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Sans doute, puisque le premier ministre signait les
décisions.
Mme KORNER : Quelle était la mission de cette commission ? - 9 -
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Cette commission a été créée afin de permettre la
mise en Œuvre pleine et entière du droit internationa l sur le territoire de la Republika Srpska. Elle
répondait également, dans une certaine mesure, à l’obligation de mise en Œuvre des dispositions de
la convention européenne des droits de l’hom me. L’une des mesures proposée au gouvernement
pour adoption était, s’agissant des officiers de l’ ancienne JNA et des membres de l’ancienne JNA
ayant quitté le territoire de la Republika Srpska, de leur permettre d’avoir librement accès à leurs
biens. Ou, plus précisément, de pouvoir accéder librement aux logements pour lesquels ils avaient
obtenu un contrat de location de l’ancienne JNA.
87 Mme KORNER : Avez-vous, vous-même, travaillé pour cette commission ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Oui.
Mme KORNER : Parmi les objectifs qui lui avaient été assignés, y avait-il celui de participer
au travail des organes compétents chargés de pr éparer une réponse dans le cadre du procès intenté
pour génocide prétendument commis par la République fédérale de Yougoslavie ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je ne m’en souviens pas.
Mme KORNER : Madame le président, il s’agit là…
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Mais, si vous me permettez, je sais que l’un des
principaux objectifs de cette commission était de rassembler des informations sur les crimes
commis contre la population serbe et de les présente r à la communauté internationale. D’ailleurs,
une commission spéciale pour les crimes de guerre a été créée à cette fin.
Mme KORNER : Oui, mais pouvons-nous, s’il vous plaît, nous en tenir à la question que je
vous ai posée ? Le procès évoqué est bien la présente affaire, n’est-ce pas?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je vous ai dit que je ne m’en souvenais pas. Je
n’exclus donc aucune hypothèse. Quoi qu’il en soit, ce n’était toutefois pas la mission première de
cette commission.
Mme KORNER : C’est vous qui le dites. Je pense que je peux… Madame le président ⎯ et
c’est le seul document que je souhaite présenttémoin: des copies sont à la disposition de la
Cour et de la Partie adverse. Je pense qu’iltrès important que le témoin le voie. Serait-il
possible de les distribuer ? Le document est à la fois dans sa langue et en anglais. Au dos figure la
version serbe. J’aimerais, Monsieur Popovi ć, que vous regardiez l’article 2. Je ne vous demande - 10 -
pas de le lire à haute voix, mais simplementvous le remettre en mémoire et ensuite de bien
vouloir nous dire ce dont il parle. Il s’agdeuxième mission. Vous avez dû terminer votre
lecture, Monsieur Popovi ć. Dîtes-nous, s’il vous plaît, ne s’agit-il pas de l’affaire dont la Cour
connaît actuellement ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Probablement.
Mme KORNER : Quelle a été votre tâche dans le cadre des préparatifs de l’affaire qui a été
introduite par la Bosnie contre la République fédérale de Yougoslavie ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Vous parlez de l’affaire de 1993 ?
Mme KORNER : Je parle de l’affaire qui a commencé en 1993. Quelle a été votre tâche ?
98 MO.POVI Ć [interprétation du serbe] : A l’époque, nous ne nous sommes pas
particulièrement occupés de cette requête. Il s’agissait simplement d’informer le public, de lui faire
savoir que cet endroit existait bien. Ellejamais été communiquée au Gouvernement de la
Republika Srpska ni à un quelconque autre or gane compétent. Nous nous occupions
principalement des questions dont je viens de parl er, principalement des crimes commis contre la
population serbe sur le territoire de l’ancienne Bosnie-Herzégovine.
Mme KORNER : Pourriez-vous, s’il vous plaît, vous reporter à l’avant-dernière phrase, à la
fin de l’article2, qui commence par «Coopération avec des experts juridiques de la République
fédérale de Yougoslavie». Je vous laisse la lire.
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Oui, bien sûr, cette phrase a du sens, mais comme
je l’ai dit, nous ne nous sommes pas particulièrement intéressés à cette question-là.
Mme KORNER: Donc, quand je vous ai de mandé si vous aviez travaillé pour cette
commission et que vous m’avez répondu «oui», cela signifie que vous n’avez pas travaillé dans le
cadre de cette deuxième mission, ou de l’avant-dernière?
MO.POVI Ć [interprétation du serbe] : A l’époque, non, et comme je l’ai dit
⎯ permettez-moi de rappeler, en passant, que cette décision a été adoptée le 20 mai 1993 ⎯, après
l’épisode du plan Vance-Owen, je me suis personnellement vu refuser, tout comme d’autres
membres de la commission, des ministres, l’accès au territoire de la République fédérale de
Yougoslavie. - 11 -
Mme KORNER: Ça, c’est vous qui le dites, Monsieur Popovi ć, et je me dois d’indiquer
officiellement, au nom de ceux que je représente, que nous le contestons. Merci beaucoup. Vous
pouvez ranger ce document. Je souhaiterais maintennt vous interroger sur une autre partie de
votre vie.
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : D’accord, mais je soutiens très fermement que ce
que j’ai déclaré est vrai.
Mme KORNER : N’est-il pas vrai qu’en 1992, vous étiez membre du parti SDS ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Si, c’est exact.
Mme KORNER : Et en 1992, avez-vous été nommé juge au tribunal de Banja Luka ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Non. J’ai effectivement été juge, mais bien des
années avant. En 1992, j’ai été nommé président du tribunal de Banja Luka. Et, dans ma fonction
de juge, je ne me suis occupé que d’affaires civiles.
Mme KORNER: N’est-il pas vrai , toutefois, Monsieur Popovi ć, qu’au cours de
109
l’année 1992, du fait de décrets émanant notamment de la cellule de crise de la région autonome de
Krajina, tous les juges non serbes ont été démis de leurs fonctions au tribunal ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : A mon avis, ce n’est pas exact. Un certain nombre
de juges d’une autre origine ethnique sont restés en poste et ont travaillé librement au tribunal de
Banja Luka, ainsi d’ailleurs que dans d’autres juridi ctions. Malheureusement, certains sont partis
parce que leur famille était partie. Le principal juge d’instruction, c’était la procédure qui occupait
le plus de monde ⎯je veux dire l’instruction⎯ donc, le principal juge d’instruction était
ZoranLipovac qui était croate. Certains jugessont partis en 1994. Les juges appartenant à
d’autres groupes ethniques ne sont pas les seuavoir quitté le tribunal. Des juges serbes sont
également partis.
Mme KORNER : Pardonnez-moi, il y a deux questi ons. Tout d’abord, si un juge est démis
de ses fonctions, devez-vous, en votre qualité de président du tribunal, donner votre autorisation ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Non.
Mme KORNER: Le président exerce-t-il une quelconque influence quand il est décidé
qu’un juge est démis de ses fonctions ? - 12 -
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Le greffier du tribunal, M. Hilmijać, qui
était bosniaque et qui a travaillé au tribunal jusq u’en 1993 tenait, en fait, un registre de présence
pour toutes les personnes travaillant au tribual, ce qui faisait partie de ses fonctions.
Conformément au droit du travail qui est encore en vigueur aujourd’hui, si une personne ne vient
pas travailler cinq jours de suite, il est mis fin de plein droit à son contrat de travail. Il s’agissait
donc d’un cas de rupture de plein droit du contrat de travail. Compte tenu des besoins ainsi créés,
le président du tribunal avait alors la possibilité de proposer à l’Assemblée nationale la nomination
de nouveaux juges. L’Assemblée disposait tout efois de sa propre commission spéciale pour les
élections à ces postes, laquelle était une sorte de commission du personnel, et le président du
tribunal n’exerçait pas d’influence sur la prise de décision de cette commission.
Mme KORNER : Merci. Juste une dernière qu estion sur ce sujet. Comme vous le dites, un
certain nombre de juges musulmans et croates oété destitués et vous avez déclaré que c’était
parce qu’ils ne s’étaient pas présentés au travail depuis cinq jours. Ai-je bien compris ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Et serbes, et serbes.
20 Mme KORNER: Merci. Je voudrais aborder un autre sujet. Vous étiez à BanjaLuka le
12 mai 1992, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Probablement. Je ne saurais dire. Je ne sais pas ce
qui s’est passé le 12 mai.
Mme KORNER: Avez-vous assisté à la séance de l’Assemblée du peuple serbe qui s’est
tenue le 12mai, au cours de laquelle la VRS a été mise en place et Kać a fait connaître les
six objectifs stratégiques ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je n’étais pas membre du cabinet. Je n’ai pas
assisté à la séance de l’Assemblée parce que je ne faisais pas partie du gouvernement à cette
époque.
Mme KORNER: Quand avez-vous entendu parler pour la première fois des six objectifs
stratégiques ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Je n’ai pas du tout traité ces questions, comme je
l’ai déjà expliqué, et les questions militaires, l’ armée, relevaient exclusivement de la compétence - 13 -
du ministère de la défense. Bien entendu, savais que l’armée de la RepublikaSrpska avait été
créée, probablement au cours de cette séance de l’Assemblée.
Mme KORNER: Non, s’il vous plaît, je vous ai demandé de parler des six objectifs
stratégiques énoncés par Karadžić. Quand en avez-vous pris connaissance pour la première fois ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, pour être franc, je ne me rappelle pas
vraiment ces six objectifs.
Mme KORNER: Quand vous étiez au gouvernement en1993, je suppose que vous étiez
tenu de lire le Journal officiel ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : J’ai dit dans mes observations liminaires que
j’avais la charge de certains ministères. Le ministère de la défense, le ministère de l’intérieur ainsi
que toute une série d’autres ministères du domai ne économique ne relevaient pas de ma
compétence. Il y avait au gouvernement un autr e vice-président qui était chargé des affaires
économiques. Ces ministères, ces deux ministères , qui seraient pertinents pour les objectifs dont
vous faites état ne relevaient pas de ses attributions ni, d’ailleurs, de ma compétence.
Mme KORNER : La question simple que je vous ai posée, monsieur, et à laquelle il ne me
semble pas que vous ayez répondu, est la suivant: en votre qualité de vice-premier ministre,
étiez-vous tenu de lire le Journal officiel du gouvernement ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Bon, je vais me répéter afin d’être parfaitement
clair. J’étais tenu par mes obligations de traiter des règlements et des questions qui relevaient
211 exclusivement de mon domaine de compétence. A vrai dire, cela figure noir sur blanc dans la loi
relative au gouvernement.
Mme KORNER : Donc, êtes-vous en train de dire ⎯ c’est juste pour que nous comprenions,
en définitive ⎯ que vous ne saviez pas que Karadži ć avait fixé aux Serbes de Bosnie six objectifs
stratégiques à atteindre ?
PMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : Il y eut beaucoup d’objectifs depuis le tout début
des opérations de guerre jusqu’à fin de la guec’est-à-dire jusqu’à la signature des accords de
Dayton. Mais je n’exclus pas la possibilité que ces six objectifs en aient fait partie, mais je ne m’en
suis pas occupé, je n’ai pas eu affaire à ces objectif s et je n’avais pas non plus l’obligation de m’en
occuper. - 14 -
Mme KORNER : Donc, vous n’avez pas vu la publication ⎯ et c’est la dernière question ⎯
parue dans le Journal officiel du 26 novembre 1993 ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Non.
Mme KORNER : Pendant que vous étiez au gouvern ement, il a été décidé, en août 1994, de
changer les noms de lieux dans des municipalités, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Ces décisions ont été prises en diverses occasions,
dans différents cas, donc si je pouvais savoir à quelle décision précise ou à quelle autorité
particulière vous pensez…
Mme KORNER: Non, ce n’est pas telle ou telle décision qui m’intéresse, mais le concept.
Quel était l’objet de cette opération consistà changer le nom de villages et, d’ailleurs, de
municipalités ?
M. POPOVIĆ [interprétation du serbe] : Si je vous ai posé tout d’abord cette question, c’est
parce que j’ai été personnellement membre du gouernement jusqu’au 18août1994, et donc, je
voulais savoir si vous faisiez allusion à des décisions prises en ce sens avant ou après cette date ?
Mme KORNER: Je veux savoir ⎯vous venez de dire que cela s’est passé en différentes
occasions ⎯; ce que je veux savoir, c’est pourquoi le Gouvernement serbe de Bosnie, justement à
l’époque où vous en faisiez partie, a décidé de changer le nom de villages et de municipalités ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, quand cette
décision a été prise ?
Mme KORNER: Je peux, mais, Monsieur, ma question n’est pas difficile. Je vais
assurément vous dire que cette décision a été prise le 16 août et qu’il s’agissait de changer un nom
d’endroit dans la municipalité de Milići. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
22 PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Voyez-vous, il fut décidé, tant en Republika Srpska
que dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, de changer les noms de lieux qui dataient d’avant la
guerre. Par exemple, une ville de la Fédération qui s’appelait Go rnji Vakuf est devenue Uskoplje.
Je sais que des commissions spéciales réunissant des linguistes et des historiens furent constituées à
cette fin, ou plutôt dans de tels cas, etmmissions ont proposé à l’Assemblée nationale des
changements de noms et de désignations de lieux. Sur le plan pratique, c’est la loi relative à
l’autonomie administrative qui réglementait cette question. Quant à Mili ći, je ne me rappelle pas - 15 -
vraiment ce qui s’est passé pour Milći; Mili ći a toujours été Mći pour autant que je me
souvienne.
Mme KORNER : N’était-ce pas en réalité pour éradiquer les noms musulmans et croates de
la région que les Serbes revendiquaient comme la leur ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Non, absolument pas. Quel est le rapport entre les
noms croates et musulmans et la désignation de Mili ći ? Cette loi n’a évidemment pas changé les
noms et prénoms des Croates et des Musulmans,elle changeait seulement le nom de lieux situés
tant dans la Fédération qu’en Re publika Srpska. J’affirme en âme et conscience que pas un seul
nom, prénom ou patronyme, n’a été changé et cela était d’ailleurs impossible.
Le PRESIDENT: Madame Korner, même qua nd j’autorise un certain délai supplémentaire
pour le contrôle de la traduction, vous êtes bientôt à la fin du temps qui vous est imparti.
Mme KORNER : Oui, il ne me reste plus qu’un seul sujet très court.
Le PRESIDENT : Entendu.
Mme KORNER : Monsieur Popović, vous avez reçu des lettres de l’évêque Komarica qui se
plaignait de ce que des églises catholiques étaient dé truites dans des régions dans lesquelles il n’y
avait pas de combat, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : C’est exact.
Mme KORNER : Vous étiez bien responsable de la culture et de la religion, n’est-ce pas ?
PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Oui.
Mme KORNER: Avez-vous pris des mesures quelconques pour protéger les monuments
catholiques, les églises et du reste les catholiques eux-mêmes contre les violences ?
23 PM P.OVI Ć [interprétation du serbe] : Nous avons fait tout ce qu’il était possible de faire,
absolument tout ce que nous pouvions faire à ce sujet.
J’ai rencontré l’évêque Komarica à plusieurs reprises et j’ai participé au programme de
l’organisation danoise Caritas en faveur de nos établissements de soins médicaux à Banja Luka.
Après que Komarica et le représentant de Caritas-Danemark ont signé cet accord, je l’ai en
fait mis en Œuvre. Immédiatement après, j’ai reçu du nonce papal, du Vatican, une haute
distinction honorifique au titre essentiellemenla protection des droits de l’homme et des
libertés individuelles. Cette distinction est dans ma serviette qui est à l’extérieur et je peux vous la - 16 -
montrer. Malheureusement, c’est après que l’armée régulière croate a expulsé quelque
quatre-vingtmilleSerbes des régions de Glamo č, Grahovo, Drvar, Petrovac et quelques autres
endroits que les Croates ont rencontré en fait lplus de problèmes. Cela s’est passé en1995, au
cours de l’année1995, quand je n’étais pas membre du gouvernement. Mais, même si je l’avais
été, je n’aurais pas été à même de faire effectivement quoi que ce soit.
Quatre-vingtmillepersonnes, des réfugiés et des personnes déplacées, rassemblés en une très
longue colonne qui a également été bombardée alors qu’elle se dirigeait…
Mme KORNER : Excusez-moi, puis-je vous inte rrompre ici car nous nous sommes vraiment
écartés du sujet. Vous avez expliqué ce que vous avez fait.
Le PRESIDENT : Veuillez poser votre dernière question.
Mme KORNER : Voici cette question. Avez-vous pris des mesures consistant par exemple à
donner l’ordre à la police de monter la garde auprès des neuf grandes mosquées qui ont été
détruites à Banja Luka en 1993 ?
POMP.OVI Ć [interprétation du serbe] : A cette époque, c’est-à-dire les5 et6mai1993,
j’assistais, comme je l’ai expliqué un peu plus tôt, à une séance de l’Assemblée nationale de la
Republika Srpska à Pale. Dans un premier temps, les représentants des communautés religieuses et
la police ont effectivement monté la garde auprès des différents lieux de culte. Mais il a fallu
envoyer une partie des forces de police sur les champs de bataille et dans les zones où se
déroulaient des opérations de combat, ce qui a réduit l’effectif disponible pour les tâches de
routine, y compris celle qui consistait à monter la garde auprès de ces édifices..
Mme KORNER : Merci.
24 Le PRESIDENT: Je vous remercie. Je de mande à présent à M.Brownlie s’il souhaite
procéder à un nouvel interrogatoire ?
M. BROWNLIE : Il n’y a pas de nouvel interrogatoire, Madame le président.
Le PRESIDENT : Merci Monsieur Brownlie. La Cour va à présent se retirer mais les Parties
et le témoin doivent rester à proximité de la grande salle de justice. Si elle veut poser des questions - 17 -
au témoin, la Cour sera de retour dans la salle da ns les quinze minutes. Dans le cas contraire, elle
ne reviendra pas et le Greffe informera en conséquence les Parties et le public.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 16 h 25.
___________
Traduction