MASI
CR 2007/22 (traduction)
CR 2007/22 (translation)
Jeudi 8 novembre à 10 heures
Thursday 8 November at 10 a.m.12 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est
ouverte et je donne la parole à M. Bundy.
M. BUNDY : Merci beaucoup Monsieur le président.
L’EXERCICE CONTINU PAR S INGAPOUR DE L ’AUTORITÉ ÉTATIQUE SUR P EDRA BRANCA
DEPUIS 1851 JUSQU ’À MAINTENANT
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, comme toujours, c’est pour moi un privilège de
me présenter devant vous et c’est aussi un honneur de représenter Singa pour dans cette affaire
importante. Puis-je aussi saisir cette occasion podire à toutes les personnes ici présentes qui
célèbrent aujourd’hui la fête hindoue du Dipava li que mes collègues et moi-même leur souhaitons
nos meilleurs vŒux ?
Introduction
1. M. Brownlie a exposé hier les origines du titre de Singapour sur Pedra Bra⎯ un titre
qui découle de l’occupation et de la possession lé gales de l’île par la Grande-Bretagne, le
prédécesseur de Singapour, pendant la période alla nt de 1847-1851. Il me revient ce matin de
parler de l’exercice de l’autorité étatique apr ès 1851, par lequel Singapour a confirmé et maintenu
le titre qu’elle avait acquis précédemment.
2. Singapour a incontestablement produit, dans ses pièces de procédure, une quantité
impressionnante de preuves documentaires remontant aux époques pertinentes, qui mettent en
évidence la vaste gamme des ac tivités souveraines qu’elle a accom plies sur PedraBranca. Ces
activités représentent un comportement qui fut assumé à titre de souverain et qui a été observé sans
discontinuer pendant plus de centcinquanteans, ju squ’à maintenant. Pendant presque toute cette
période ⎯ en fait, pendant cent trente ans, à compter de 1847 et jusqu’en 1979, c’est-à-dire lorsque
la Malaisie a pour la prem ière fois formulé une revendication sur PedraBranca ⎯ la Malaisie ne
s’est absolument pas opposée à la conduite de Singa pour. Non seulement la Malaisie n’a jamais
protesté contre aucune des activités menées par Singapour durant cette longue période, mais elle ne
s’est jamais livrée sur l’île à quelque activité concurrente que ce soit. - 2 -
3. L’inactivité totale de la Malaisie à l’ég ard de PedraBranca est tout simplement le
corolaire de l’exercice constant par Singapour de son autorité souveraine sur l’île. Les deux
13
éléments concordent parfaitement. Il y a eu à partir de 1847 un flux régulier d’activités menées par
Singapour, alors que la Malaisie n’a absolument rien fait. M. Pellet et Mme Malintoppi aborderont
tout à l’heure la conduite de la Malaisie, et M.Pellet examinera demain la déclaration de
non-revendication de la propriété de l’île faite par celle-ci en 1953. Mon propos, ce matin, est
d’examiner la portée, au double plan du droit et des faits, du comportement observé de longue date
par Singapour à l’égard de Pedra Branca et de ses eaux territoriales.
4. Pour commencer, je ne peux manquer de rappe ler ce que la Malaisie avait à dire, au sujet
de la conduite étatique à l’égard d’un territoire en litige, lors de la procédure orale en l’affaire
Indonésie/Malaisie, qui concernait deux autres petites îles de la région, PulauLigitan et
Pulau Sipadan. Le conseil de la Malaisie s’est ainsi exprimé :
[Diapositive.]
«[J]e dois tout d’abord souligner encore une fois un fait historique fondamental
et inéluctable. C’est la Malaisie qui a maintenant la possession de ces îles, elles sont
soumises à son contrôle et à son administration et elles l’ont été à tous les moments
déterminants pendant plus d’un siècle et demi. Il n’y a pas une ombre de
manifestation concrète de l’au torité de l’Etat indonésien sur les îles. L’Indonésie est
en réalité dans la position d’un demandeu r qui essaie d’évincer l’Etat possesseur du
territoire qu’il possède de longue date.» (CR 2002/30, p. 30, par. 12 (Lauterpacht).)
5. A tout prendre, cette déclaration s’applique avec plus de force encore à la présente espèce
où Singapour a apporté la preuve à la fois d’un titre préalable découlant des activités menées par la
Grande-Bretagne dans la période 1847-1851, et d’actes souverains confirmant ce titre qui sont bien
plus intensifs que les exemples clairsemés d’effectivités présentés par la Malaisie dans l’affaire
Ligitan-Sipadan. Par conséquent, si nous modifions le libellé de l’argument avancé par la Malaisie
dans l’affaire Ligitan-Sipadan pour l’adapter à la présente espèce, nous obtenons une description
fidèle de la situation dans laque lle se trouvent les Parties dans cette instance. En paraphrasant, je
m’exprimerais comme suit. Je dois tout d’abord souligner encore une fois un fait historique
fondamental et inéluctable. C’est Singapour qui a maintenant la possession de ces îles,
PedraBranca, Middle Rocks et SouthLedge, e lles sont soumises à son contrôle et à son
administration et elles l’ont été à tous les moment s déterminants pendant plus d’un siècle et demi. - 3 -
Il n’y a pas une ombre de manifestation concrète de l’autorité de l’Etat malaisien sur les îles. La
Malaisie est en réalité dans la position d’un demandeur qui essaie d’évincer l’Etat possesseur du
territoire qu’il possède de longue date. Telle est la situation dans cette affaire.
14 [Sur la diapositive, «Singapour» remplace à présen t «la Malaisie» et «Malaisien» et «Malaisie»
remplacent «Indonésien» et «Indonésie».]
1. La vaste portée de l’administration et du contrôle assumés par Si ngapour et la longue
période au cours de laquelle ce comportement a été observé
6. J’ai mentionné précédemment que l’administration et le contrôle de Pedra Branca étaient
exercés depuis longtemps par Singapour et de f açon incontestée. Outre les activités mentionnées
par M.Brownlie, l’histoire se poursuit en 1951, après la prise de possession de l’île et la
construction du phare Horsburgh par les Britanniques.
a) Les avis aux navigateurs publiés depuis Singapour à partir de 1851
7. En septembre de cette année, le gouverneur des Etablissements des détroits, c’est-à-dire le
plus éminent représentant de l’autorité brita nnique à Singapour, émit un avis aux navigateurs
annonçant que le phare avait été érigé sur Pedr aBranca (MS, annexe56). D’autres avis aux
navigateurs furent émis depuis Singapour dans les années qui suivirent. C’est également en 1851
que du personnel supplémentaire, venant de Singapour, s’installa sur l’île.
8. La Malaisie prétend que les avis aux navigateurs ne sont pas pertinents au regard des
questions de souveraineté. C’est peut-être la positi on de la Malaisie à présent, mais ce ne l’était
pas il y a cinq ans lorsque celle-ci a comparu devant la Cour en l’affaire Indonésie/Malaisie. Dans
cette affaire, la Malaisie a expressément invoqué la construction des phares sans gardien qu’elle
avait installés sur les deux îles en litige, et sa notifi cation par la voie d’avis aux navigateurs, faisant
en outre valoir que ces actions traduisaient simple ment son autorité souveraine, laquelle n’avait
jamais été contestée par l’Indonésie (RM, p. 75). Il semble que la cohérence ait ses limites pour la
Malaisie lorsque des questions territoriales sont en jeu.
b) Le déploiement du pavillon de la marine de Singapour sur Pedra Branca
9. C’est aussi au cours de ce tte même période, soit à partir de 1851, que le pavillon de la
marine britannique commença à flotter sur le phare . Par la suite, le pavillon britannique fut - 4 -
remplacé par celui de Singapour mais le drapeau a été déployé sans interruption pendant plus de
cent cinquante ans, au su et au vu de tous, et il constitue une manifestation évidente de la
souveraineté.
15 10. La Malaisie est sensible à ce fait, et à juste titre étant donné les conséquences
importantes que comportent de telles actions en tant que preuve de la souveraineté, comme il a été
établi dans des affaires comme celle de l’arbitrage relatif à l’ Ile de Palmas ou celle du Temple
(2 RSA 829, p8.70, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. haïlande), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 30). C’est pourquoi la Malaisie est bien forcée d’affirmer, en s’en plaignant,
que le drapeau était petit et difficile à identifier, et qu’il n’était par conséquent pas déployé au vu et
au su de tous, d’une façon propre à appeler une réaction.
11. La Malaisie se tient très nettement sur la défensive en avançant de tels arguments qui
sont singulièrement peu convaincants si l’on pre nd en considération les autres aspects de sa
conduite. Comment peut-elle, par exemple, laisser entendre qu’elle ignorait la présence du pavillon
de Singapour sur Pedra Branca et tenter en même temps de faire comprendre à la Cour qu’elle
effectuait périodiquement des patrouilles dans les eaux autour de l’île et que même l’un des
officiers de sa marine débarqua sur Pedra Branca et gambada sur ses rochers en 1962, à en croire sa
déclaration sous serment ? Si la Malaisie n’a pas remarqué le drapeau ou n’a pas compris ce qu’il
impliquait, cela met tout simplement en évidence son manque total d’intérêt pour Pedra Branca. Si
au contraire elle savait que le drapeau était là et si elle estimait réellement avoir la souveraineté sur
l’île, alors elle aurait dû réagir.
12. Permettez-moi de m’attarder un instant sur cette question. Comme le montrent les
éléments de preuve versés au dossier, la Malaisie savait assurément comment s’opposer au
déploiement du pavillon de la marine de Singapour lorsqu’elle considérait que cela avait lieu sur
son territoire. Je fais ici allusion à un incident qui s’est produit au sujet de Pulau Pisang, une autre
île de la région où se trouve un phare.
[Projeter sur l’écran la carte montrant Pedra Branca et Pulau Pisang.]
13. Pulau Pisang, que la Cour peut voir sur la carte projetée à l’écran, est une petite île qui
appartient incontestablement à la Malaisie. Néanmoins, aux termes d’un accord datant de 1885,
qui fut ultérieurement confirmé par un contrat signé en 1900 ⎯ et ce contrat a été déposé avec les - 5 -
pièces (MM, annexe 89; CMS, annexe 24) ⎯, le souverain du Johor péninsulaire accorda à
Singapour le droit d’exploiter et d’entretenir un phare sur Pulau Pisang. Jusqu’en 1968, Singapour
a déployé le pavillon de sa marine sur le phare de Pulau Pisang.
14. En 1968, la Malaisie adressa une prot estation diplomatique à Singapour au sujet du
pavillon et elle lui demanda de donner l’instructio n d’abaisser le drapeau dès que possible. Ces
16 démarches de la Malaisie faisaient suite à une plainte que le ministère malaisien des affaires
étrangères avait reçue de la section locale d’un mouvement politique malaisien au sujet du
déploiement du drapeau de Singapour sur le territoire national.
15. Singapour respecta la demande de la Malais ie et abaissa le drapeau à Pulau Pisang. Ce
qu’il convient toutefois de noter, c’est que la Malaisie ne fit absolument aucune demande
comparable au sujet du même drapeau que Singapour déployait à Pedra Branca. La Malaisie ne fit
à l’époque pas même une allusion pour inciter Singapour à abaisser de même le drapeau à Pedra
Branca au motif que l’île lui appartenait.
16. J’aborderai dans un exposé ultérieur les autres différences fondamentales entre la façon
d’agir de la Malaisie à l’égard d’îles où étaient situés des phares et dont elle était souveraine,
comme c’est le cas de Pulau Pisang, et son comportement à l’égard d’îles où Singapour était
souveraine, comme c’est le cas de Pedra Branca. Aux fins de mon présent exposé, je noterai
simplement que la seule explication possible à l’ incohérence de la Malaisie, c’est que celle-ci
n’estimait pas avoir la souveraineté sur Pedra Branca. Eût-elle pensé différemment, il ne fait aucun
doute qu’elle aurait, et aurait dû, faire une démarche diplomatique comparable à propos du drapeau
de Singapour déployé sur Pedra Branca. Bien évidemment, comme l’exposera M.Pellet tout à
l’heure, l’inaction de la Ma laisie concordait parfaitement avec le fait que celle-ci avait
précédemment confirmé, en 1953, qu’elle ne revendiquait pas la propriété de Pedra Branca.
c) Activités législatives concernant Pedra Branca
17. Permettez-moi d’en venir maintenant aux mesures législatives adoptées par la
Grande-Bretagne concernant PedraBranca. Dès lo rs que de telles activités touchent au territoire
précisément en litige, elles sont incontestablement de toute pr emière importance pour attester
l’administration et le contrôle. Ainsi que la Cour permanente l’a indiqué en l’affaire du Groënland - 6 -
oriental, «[l]a législation est l’une des formes les plus frappantes de l’exercice du pouvoir
souverain» (Statut juridique du Groënland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n o53, p. 48).
18. En 1852, soit peu après que la Grande -Bretagne eut acquis la souveraineté sur
PedraBranca, le gouvernement de l’Inde adoptait la loi n oVI de 1852, laquelle concernait
spécifiquement PedraBranca. Les passages pertinen ts de ce texte, que vous trouverez également
dans le dossier des juges sous l’onglet 31, disposaient :
[Diapositive.]
17 «1. Le phare susmentionné situé sur Pe dra Branca portera l’appellation «phare
Horsburgh», et ledit phare ainsi que les dépendances s’y rattachant ou occupées pour
ses besoins, et l’ensemble des installations, appareils et équipements y afférents lui
appartenant, deviendront la propriété plei ne et entière de la Compagnie des Indes
orientales et de ses successeurs.»
[Diapositive.]
L’article IV de la loi disposait que :
«4. L’administration et le contrôle du dit «phare Horsburgh», s’appliquant aussi
à son gardien et à l’ensemble des installations y afférentes, sont conférés par les
présentes au gouverneur des Etablissements des détroits.» (MS, annexe 59.)
19. Un certain nombre de points importants méritent d’être évoqués s’agissant de cette loi.
20. Premièrement, ainsi qu’il est clairement précisé dans ce texte, il portait expressément sur
Pedra Branca et le phare situé sur l’île. Autrement dit, il visait spécifiquement le territoire en litige.
21. Deuxièmement, la loi de 1852 était cl airement un acte souverain. Adoptée par le
gouvernement de l’Inde, elle conférait à la Compa gnie des Indes orientales et à ses successeurs la
propriété du phare et de toutes les dépendances occ upées pour ses besoins, et lui confiait la gestion
et le contrôle de toutes les installations y affé rentes. Ainsi que Singapour l’a montré, les travaux
publics importants qu’elle a réalisés sur Pedra Br anca concernaient en réalité l’ensemble de l’île,
tout comme les activités menées par la Couronne britannique entre 1847 et 1851 que M. Brownlie a
exposées hier.
22. Troisièmement, bien que la Malaisie fasse une timide tent ative pour prétendre que la loi
de 1852 ne ressortissait que du droit privé, tel n’est cl airement pas le cas. Il s’agissait en effet d’un
texte promulgué par le gouvernement de l’Inde, lequel n’avait aucune au torité pour adopter une
législation extraterritoriale. De plus, ainsi que le juge Huber l’a indiqué en l’affaire de l’ Ile de - 7 -
Palmas au sujet de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales ⎯ le pendant de la Compagnie
britannique des Indes orientales ⎯, les actes de cette dernière étaient entièrement assimilés aux
actes de l’Etat lui-même (RDGIP, t. XLII, p. 186).
23. Quatrièmement, la loi de 1852 ne fa isait mention d’aucune sorte de contrat
synallagmatique ou d’autorisation dont la Malais ie soutient pourtant qu’ils auraient été accordés
par le souverain du Johor pour la construction du phare Horsburgh. Si un tel document avait existé
⎯ et Singapour a démontré que tel n’était pas le cas ⎯, il aurait immanquablement été évoqué. De
la même manière, ni le Johor ni la Malaisie n’ont jamais réagi à la loi de 1852 ou protesté contre
elle.
18 24. Toutes les considérations qui précèdent conduisent à voir dans la loi de 1852 un exemple
classique d’activité étatique menée à titre de souverain sur le territoire même qui est aujourd’hui en
litige.
25. Dans le courant de l’année 1852, un nouveau phare flottant fut installé par la Compagnie
des Indes orientales sur un banc de sable immergé appelé 2,5Fathom Bank. Ce phare fut par la
suite remplacé par une installation fixe sur une formation située à proximité et appelée «One
Fathom Bank». Une carte montre à l’écran son emplacement.
[Diapositive.]
[Carte montrant l’emplacement du phare 2,5 Fathom Bank.]
26. La Malaisie a soutenu dans son contre-mémoire, sans l’étayer d’aucun élément de
preuve, que ce phare avait été installé avec l’ autorisation du souverain malais local (CMM,
p. 155) ⎯ c’est là une affirmation erronée. Aucune autorisation de la sorte n’a été accordée à la
Compagnie des Indes orientales, ce qui, d’ailleur s, se comprend parfaitement si l’on se souvient
que le phare était situé à quelque 15milles marins de la côte continentale, en haute mer, sur un
banc de sable immergé non susceptible d’appropriation.
27. Deux ans plus tard fut adoptée la loi n o XIII de 1854, qui abrogeait celle de 1852 (MS,
annexe 62). La loi de 1854 dispo sait elle aussi que la propriété du phare situé sur Pedra Branca et
de toutes les dépendances s’y rattachant ou o ccupées pour ses besoins était conférée à la
Compagnie des Indes orientales et à ses successeurs. - 8 -
28. En revanche, la loi de 1854 ne prévoyait nullement de conférer à la Compagnie des Indes
orientales la propriété du phare 2,5 Fathom Ba nk pour le compte de la Couronne britannique,
contrairement à ce qui était le cas du phare situ é sur PedraBranca, où la souveraineté avait été
établie. S’agissant du phare 2,5 Fathom Bank, la loi de 1854 disposait seulement que sa «gestion et
son contrôle» ⎯et rien de plus ⎯ étaient confiés au gouverneur d es Etablissements des détroits,
dès lors que le banc de sable sur lequel ce phare était situé n’était pas susceptible d’appropriation ni
placé sous souveraineté britannique. Ce point illustre , une fois encore, le caractère souverain des
lois de 1852 et de 1854 s’agissant de Pedra Branca.
d) Le fait que Singapour ait, de manière continue, pourvu en personnel, entretenu et modernisé
le phare situé sur Pedra Branca, et qu’elle ait construit d’autres installations sur l’île
29. Tout au long de la période allant de 1851 à nos jours, seule Singapour a pourvu en
personnel, entretenu et modernisé le phare situé sur Pedra Branca ; c’est, de même, elle et elle seule
19 qui a construit d’autres installations sur l’île et r éalisé sur celle-ci des travaux publics. Tout cela a
été pleinement documenté dans les écritures de Si ngapour. La Malaisie, en revanche, est restée
totalement inactive à l’égard de l’île.
30. Permettez-moi de donner à la Cour une idée des différents types d’activités menées par
Singapour sur Pedra Branca depuis 1851.
31. En 1853, puis de nouveau en 1902, les autorités de Singapour ont décidé de faire
procéder à l’agrandissement de la jetée de PedraBranca et à la construction d’un débarcadère sur
l’île (MS, annexes70, 74 et 75). Ces travaux ont été réalisés dans le cadre d’un appel d’offres
publié à l’époque dans la Straits Settlements Government Gazette, les offres correspondantes
devant être soumises au bureau du secrétaire colonial à Singapour. Il s’agissait là clairement
d’actes de nature souveraine accomplis par des représentants du gouvernement de Singapour. En
dépit de leur caractère public, les actes de Singapour n’ont pas suscité la moindre réaction de la part
de la Malaisie.
32. La Malaisie n’a pas non plus réagi lorsque Singapour a installé sur l’île des réflecteurs
radar, des radiobalises, une nouvelle salle pour les groupes électrogènes, des logements plus
spacieux pour le personnel, des bossoirs, des pa nneaux solaires et d’autres équipements, ni
lorsqu’elle y a installé, en 1977, du matériel de communication militaire. Tous ces actes étaient par - 9 -
essence des actes de nature souveraine accomplis sur place, et ils l’ont été de manière régulière tant
avant 1953 ⎯ année où la Malaisie a renoncé à la propriété de Pedra Branca ⎯ qu’après.
33. Tout au long de cette période ⎯c’est-à-dire pendant plus de cent cinquante ans ⎯,
Singapour a pourvu le phare en personnel et en a assu ré le ravitaillement. Les premiers projets de
dotation en personnel de PedraBranca remontent à 1851, et furent approuvés par le gouverneur
Butterworth, lequel approuva également les dépe nses afférentes aux coûts salariaux du personnel
basé sur l’île; en fonction des besoins, les effectifs présents sur PedraBranca étaient
périodiquement complétés par du personnel chargé de l’entretien et des réparations. En revanche,
il est frappant de constater qu’aucun ressortissant de la Malaisie, ni de ses prédécesseurs, n’a
jamais été basé sur Pedra Branca, que ce soit avant 1851 ou après.
e) L’exercice par Singapour de la juridiction et du contrôle sur Pedra Branca
34. Il est normal qu’un Etat réglemente les séjours d’étrangers sur son territoire, et Singapour
n’a pas échappé à la règle pour ce qui concerne Pedra Branca. Ce point aussi a été abondamment
20 étayé dans les écritures de Singapour, qui comportent, parmi d’autres éléments de preuve, copie des
journaux de bord tenus par le personnel de Singapour basé sur l’île, dans lesquels sont recensées les
nombreuses visites et les autres activités réglementées par Singapour sur Pedra Branca (MS,
annexe 87).
35. Ce qui est particulièrement intéressant à cet égard, c’est que le contrôle par Singapour de
l’accès à PedraBranca concernait tout autant les ressortissants malaisiens que ceux d’Etats tiers.
Deux incidents ⎯qui attestent non seulement l’exercice par Singapour de l’administration et du
contrôle sur l’île, mais également la reconnai ssance de cet état de fait par la Malaisie ⎯ sont
particulièrement éloquents à ce propos.
36. Le premier s’est produit en mars1974, lorsqu’un certain nombre de fonctionnaires
malaisiens ont demandé à Singapour l’autorisation de se rendre à Pedra Branca dans le cadre d’une
étude menée par une équipe internationale sur les marées. Afin d’obtenir l’autorisation nécessaire
de la part des ministres de son gouvernemen t, Singapour demanda à la Malaisie de lui
communiquer les noms et les numéros de passeports des personnes concernées, et de lui indiquer la
durée prévue de leur séjour sur l’île (MS, anne xe 120). Voilà une nouvelle preuve que Singapour - 10 -
agissait en qualité de souverain à l’égard de l’île. La Malaisie s’est dûment conformée à la
demande de Singapour. C’est d’ailleurs un officier de la marine malaisienne qui a fourni les
informations en question, confirmant en outre que le personnel malaisien qui se rendrait sur l’île
serait accompagné par un représentant de Singapour (MS, annexe 122). Les intéressés ont donc été
autorisés à se rendre et à séjourner à PedraBranca. Jamais la Malaisie n’a laissé entendre que
Pedra Branca lui appartenait et que les représentants malaisiens avaient, par conséquent, le droit de
se rendre sur l’île sans obtenir l’autorisation de Singapour.
37. Cet événement intervenu en 1974 peut être rapproché, par contraste, d’un autre épisode,
qui s’est produit quatre ans plus tard, en 1978, lorsque deux représentants du service topographique
de la Malaisie se présentèrent sans prévenir su r Pedra Branca, prétendant y effectuer de nouveaux
relevés. Le gardien de phare singapourien leur ayant signifié qu’ils ne pouvaient pas rester sans
avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’auto rité portuaire de Singapour, les représentants
malaisiens quittèrent l’île (MS, annexe 136 ; RS, annexe 51).
38. Ces incidents témoignent de deux réalités fondamentales. La première est que Singapour
agissait à titre de souverain en contrôlant l’accès à PedraBranca, et la seconde ⎯ qu’atteste de
manière particulièrement claire le fait que la Malaisie a, en 1974, accepté de demander
l’autorisation de Singapour pour se rendre sur l’île ⎯ est que la Malaisie a reconnu le droit de
21 Singapour d’exercer un tel contrôle réglementaire. Le comportement de la Malaisie à l’époque est
en contradiction flagrante avec la position qu’e lle adopte en la présente instance, à savoir son
affirmation selon laquelle elle jouissait d’un titre historique sur Pedra Branca.
39. Singapour n’a bien évidemment jamais fait de discrimination s’agissant d’examiner des
demandes de séjour sur Pedra Branca. Dans ses écrit ures, elle a également fourni des informations
pour illustrer le fait que, lorsque des ressortissants d’Etats tiers souhaitaient se rendre sur l’île, que
ce soit pour des projets de recherche scientifique ou d’autres motifs, ils leur fallait obtenir son
autorisation préalable, autorisation que, d’ailleurs, elle leur accordait. Sur ce point, je prie
respectueusement la Cour de bien vouloir se ré férer aux éléments de preuve que Singapour a
produits dans les annexes 117 et 151-154 de son mémoire.
40. Dans le même temps, outre le personne l de la marine singapourienne qui y menait
fréquemment des opérations, un certain nombre de hauts représentants de Singapour se sont rendus - 11 -
en visite officielle à PedraBranca. Parmi eux, le ministre des communications, le ministre de
l’intérieur, un membre du Parlement, ainsi que des représentants de la police et de l’armée
⎯ toutes ces visites étant documentées et recensées dans le registre que Singapour a communiqué.
(MS, annexe 87.) Il s’agissait là de visites ty piquement rendues par un souverain sur son territoire,
et aucune autorisation n’a jamais été demandée à la Malaisie, laquelle n’a jamais protesté. En tant
que telles, les activités en question illustrent unefois encore le fait que Singapour s’est toujours
considérée comme détenant la souveraineté sur l’île et comportée en conséquence.
f) L’utilisation par Singapour de Pedra Branca pour la collecte de données météorologiques
41. Une autre activité gouvernementale pour laquelle Singapour a toujours utilisé Pedra
Branca est la collecte de données météorologiques. La Malaisie peut prétendre qu’il s’agit là d’une
activité courante menée en de nombreux phares, cela ne diminue en rien le caractère souverain de
ces activités menées sur le territoire singapourien. Ainsi que Singapour l’a démontré, elle n’a,
depuis 1851, jamais cessé de collecter des données météorologiques sur Pedra Branca.
42. Mais ce n’est pas tout : je souhaiterais a ppeler l’attention de la Cour sur un autre aspect
important de cet élément de la conduite des Parti es, à savoir la manière dont la Malaisie elle-même
évoque ces activités dans les publications officielles émanant de son propre gouvernement.
43. La Cour se souviendra de sa lecture des pièces de procédure que, même à l’époque où les
22 observations météorologiques étaient effectuées à une échelle pan-malaise, le service
météorologique malais était scindé en une division de Singapour et une division de la Fédération de
Malaya. Le fait que ce service météorologique collectait les données sur une base territoriale est
significatif.
44. Permettez-moi de projeter à l’écran quelques extraits du Sommaire des observations
météorologiques publié par le service météor ologique malais pour l’année 1959 ⎯ extraits qui
figurent également sous l’onglet32 de votre dossi er (RS, annexe28). La Cour constatera tout
d’abord que le service météorologique faisait état de vingt-neuf stations pluviométriques situées «à
Singapour», en plus des quarante-troisstations a uxiliaires situées dans la Fédération de Malaya.
Autrement dit, dans les rapports officiels de la Fédération, les stations de collecte était présentées
en fonction du territoire dont elles relevaient. [Diapositive.] - 12 -
45. Les vingt-neufstations situées «à Singa pour» figurent toutes dans ce rapport, dont la
page pertinente apparaît maintena nt à l’écran. [Reproduction de la page189 de la réplique de
Singapour, annexe 28 «Stations pluviométriques de Singapour», le phare Horsburgh étant surligné].
Le phare Horsburgh est expressément mentionné parmi les vingt-neuf stations situées à Singapour ,
les vingt-huit autres stations figurant sur la liste étant, de la même manière, incontestablement
situées sur le territoire de Singapour.
46. Comme la Cour le sait, Singapour fusionna avec la Fédération de Malaya en 1963, avant
de devenir indépendante deux ans plus tard, en1965. En 1966, le Sommaire des observations
météorologiques fut donc publié conjointement par les services météorologi ques de la Malaisie et
de Singapour. Comme vous pouvez le voir à l’écran [diapositive: RS, annexe35], le Sommaire
pour l’année 1966 ⎯ qui figure également dans votre dossi er afin que vous puissiez l’examiner à
votre convenance ⎯ continuait de faire figurer la sta tion du phare Horsburgh de Pedra Branca
parmi les stations situées «à Singapour». Un an plus tard, en 1967, lorsque Singapour et la
Malaisie commencèrent à établir des rapports météorologiques séparés, la Malaisie cessa de faire
figurer les stations situées à Singapour, y compris celle de Pedra Branca (RS, annexe 36).
47. Permettez-moi d’insister de nouveau sur le fait que c’est une publication officielle du
Gouvernement de la Malaisie qui présentait la station météorologique du phare Horsburgh de Pedra
Branca comme située «à Singapour». Le fait que la Malaisie reconnaisse ainsi la souveraineté de
Singapour sur Pedra Branca est particulièrement pertinent et tout à fait conforme aux cartes établies
à l’époque par l’Institut cartographique offici el de la Malaisie, cartes que MmeMalintoppi
23 examinera demain. Pour résumer, les info rmations relatives à la collecte de données
météorologiques correspondent bien ⎯ correspondent parfaitement ⎯ à la ligne de conduite
générale qui se dessine si nettement et qui dém ontre que Singapour détenait la souveraineté sur
Pedra Branca et que la Malaisie reconnaissait cette souveraineté.
g) Singapour n’a pas cessé d’assurer l’administratio n et le contrôle de l’île après la «date
critique»
48. Je me suis, jusqu’à présent, intéressé a ux actes officiels de nature gouvernementale
accomplis par Singapour sur PedraBranca elle-mêm e, en démontrant qu’ils étaient notables ⎯ et
même assez remarquables ⎯ tant par leur ampleur que par le ur portée, dans la mesure où ils - 13 -
portaient sur des travaux publics, en rapport ou non avec le phare, et résultaient naturellement du
fait que Singapour détenait la souveraineté sur l’île. J’ai également évoqué, à dessein, des
événements qui se sont produits bien avant que la Malaisie ne revendique pour la première fois et
indirectement l’île en 1979-1980 par la publication de sa carte de 1979. Autrement dit, j’ai, jusqu’à
présent, intentionnellement omis ⎯dans le souci de circonscrire toute controverse ⎯ de
m’intéresser aux effectivités singapouriennes relativ ement à Pedra Branca après la «date critique»,
c’est-à-dire celle à laquelle la Malaisie a formulé sa première revendication. Ainsi que je l’ai, je
l’espère, démontré, entre 1851 et 1979, Singapour déploya un nombre très important d’activités
étatiques, et ce de manière constante.
49. Cependant, cela n’amoindrit en rien l’effet juridique de l’administration et du contrôle
continu de PedraBranca par Singapour après 1979 ⎯administration et contrôle qui se sont
poursuivis jusqu’à aujourd’hui. Ainsi que la C our l’a si clairement indiqué en l’affaire
Indonésie/Malaisie, les actes effectués après qu’un différent s’est cristallisé entre les Parties seront
pris en considération pour autant qu’ils constituent «la continuation normale d’activités antérieures
et … qu’[ils] n’aient pas été [entrepris] en vue d’ améliorer la position juridique des Parties qui les
invoquent» (C.I.J. Recueil 2002, par. 135, citant l’affaire de la Palena).
50. S’agissant de PedraBranca, il apparaît clairement que Singapour a continué
d’administrer l’île après que la Malaisie eut formulé sa revendication tardive en 1979, et ce de la
manière dont elle l’administrait avant cette date. La conduite de Singapour ne changea pas d’un
iota, et aucune des activités effectuées par elle sur Pedra Branca après 1979 n’est en rapport avec le
différend. Il s’agissait simplement ⎯ pour reprendre les termes de la Cour ⎯ de la «continuation
normale d’activités antérieures» accomplies par Singapour.
51. Par exemple, comme cela est exposé au ch apitre 4 de sa réplique, Singapour continua à
pourvoir en personnel, entretenir et moderniser les installations situées sur PedraBranca, tout
24
comme elle l’avait fait auparavant. Elle modern isa le matériel de communication et le système
d’éclairage, améliora l’accès à l’île en construisan t une aire d’atterrissage pour hélicoptère en plus
du quai de débarquement et de la jetée qui existait depuis plus de cent ans. Elle effectua des études
topographiques détaillées de PedraBranca ainsi qu’une étude bathymétrique de ses eaux
environnantes, y compris Middle Rocks. Par aille urs, Singapour continua de mener les enquêtes - 14 -
relatives aux incidents de navigation se produisant dans les environs de Pedra Branca et d’exercer
sa juridiction relativement aux accidents survenant sur l’île et dans ses eaux territoriales.
52. Singapour continua également d’accomplir des activités réglementaires relativement à
l’île. C’est ainsi que, en 1991, elle adopta un décret sur les sites protégés (n o10), aux termes
duquel un certain nombre de lieux situés à Singapour, y compris PedraBranca ⎯ qui est
nommément désignée dans le décret ⎯, furent classés «sites protégés»; ce décret disposait
également qu’une autorisation des autorités portu aires de Singapour était nécessaire pour se rendre
en ces lieux (MS, annexe 178). Ce texte était tout à fait conforme au contrôle de l’accès de Pedra
Branca dont j’ai parlé, contrôle que Singapour a toujours exercé; il ne s’agissait que de la
continuation normale d’activités antérieures.
53. Singapour continua également d’étudier la possibilité de gagner des terres sur les
étendues d’eau autour de PedraBranca afin d’ agrandir ses installations, et des appels d’offres
publics furent lancés à cette fin en 1978. Bien que le projet ait finalement été suspendu, il s’agit-là
d’un exemple supplémentaire du fait que Singapour ag issait à titre de souverain sur l’île, sans que
la Malaisie ne réagisse.
54. La Malaisie allègue que ces activités ⎯ postérieures à 1979 ⎯ étaient destinées à servir
la cause de Singapour et qu’elles furent entrep rises après que cette dernière eut commencé à
préparer sa revendication sur PedraBranca. Mais Singapour n’a aucunement entrepris de
«préparer» une revendication. En 1979, le titre de Singapour sur PedraBranca, ainsi que le fait
qu’elle en assurait l’administration et le contrôle, étaient des réalités depuis plus d’un siècle. C’est
la Malaisie qui a formulé une revendication tardive sur PedraBranca à la fin des années
soixante-dix. En outre, comme Singapour l’a illustré et démontré dans sa réplique, elle avait,
dès 1972, activement étudié des projets visant à gagn er des terres sur les ét endues d’eau autour de
l’île, soit bien avant que la Malaisie ne formule sa revendication en publiant sa carte en 1979 (RS,
annexe 42).
55. En résumé, Singapour n’avait guère b esoin de fabriquer de nouvelles effectivités
relativement à Pedra Branca après 1979. Avant la na issance de la revendication de la Malaisie, les
Britanniques avaient pris légalement possession de l’île entre 1847 et 1851, et y avaient réalisé
d’importants travaux publics, comme l’a indiqué M.Brownlie hier. Les Néerlandais avaient - 15 -
25 reconnu la souveraineté de la Grande-Bretagne sur l’île en 1850 et, en 1979, cela faisait cent
trenteans que Singapour accomplissait ⎯sans se heurter à la moindre opposition ⎯ tout un
ensemble d’activités étatiques sur l’île. L’administration et le contrôle de Pedra Branca par
Singapour se sont simplement poursuivis par la suite, et continuent aujourd’hui.
h) Patrouilles navales effectuées par Singapour auto ur de Pedra Branca et enquêtes menées
par elle relativement aux incidents de navigation survenus dans les eaux territoriales de
Pedra Branca
56. Il n’est sans doute guère surprenant que Singapour ait également exercé sa juridiction sur
ses eaux territoriales entourant Pedra Branca. Permettez-moi de rappeler brièvement les activités
effectuées par Singapour à cet égard.
57. Premièrement, elle a démontré qu’ellee ffectuait couramment des patrouilles navales au
sein d’un périmètre donné à proximité immédiate d es côtes de Pedra Branca. [Merci de bien
vouloir projeter la carte du périmètre de patrouilleF5.] Comme la Cour peut le voir sur la carte
projetée à l’écran ⎯laquelle figure également dans le dossier des juges, sous l’onglet33 ⎯
Singapour, contrairement à la Mala isie, délimita spécifiquement un périmètre de patrouille navale
⎯ la zone F5 ⎯ situé juste au nord de Pedra Branca, dans le Middle Channel. Ce périmètre fut
défini en 1975, bien avant que la Malaisie ne revendique pour la première fois Pedra Branca. Et
pourtant, jusqu’en 2003 ⎯soit il y a à peine quatre ans et vingt-huit ans après la création du
périmètre de patrouille par Singapour ⎯ jamais la Malaisie ne protesta contre les activités navales
effectuées par Singapour.
58. Deuxièmement, Singapour a fourni des élém ents attestant que, lorsque des représentants
officiels singapouriens de haut rang se rendaient sur Pedra Branca ⎯tels que le ministre d’Etat
chargé des communications, qui s’y rendit en 1974 et en 1976 ⎯, ils étaient escortés par des
patrouilleurs sans que cela ne suscite de réaction de la Malaisie. De la même manière, c’est la
marine de Singapour qui évacua les pêcheurs singa pouriens échoués qui avaient cherché refuge sur
Pedra Branca, qui évacua en 1975 un entrepreneur qui s’était blessé sur l’île alors qu’il installait un
nouvel équipement et qui mena, en 1980, les opérations de recherche et sauvetage lors de la noyade
accidentelle de marins singapouriens chargés d’entretenir le matériel militaire de communication
sur l’île. De même, en 1977, c’est la police maritime singapourienne qui arraisonna une petite - 16 -
embarcation indonésienne impliquée dans le vol de bateaux de pêche singapouriens croisant à
quelque milles à peine de Pedra Branca, dans ses eaux territoriales (RS, annexe 45, 48, 50 et 55).
Toutes ces activités ⎯dont les références figureront dans le CR ⎯ sont pleinement documentées
dans les pièces de procédure écrite.
26 59. Troisièmement, contrairement à la Malais ie, Singapour se chargea également d’enquêter
sur les naufrages survenus dans les eaux territori ales de Pedra Branca, et ce en vertu des pouvoirs
conférés par la législation si ngapourienne, laquelle était app licable précisément parce que
PedraBranca faisait partie du territoire de Singapour. Dans ses écritures, Singapour a fourni des
éléments étayant de nombreux événem ents de ce type survenus entre 1920 ⎯année où un navire
néerlandais s’échoua à quelque 1, 5mille au nord de PedraBranca ⎯ et 1963 ⎯année où une
enquête fut également menée par Singapour sur un incident impliquant un cargo britannique, puis
plus récemment en 1979, 1985, 1 986, 1992, 1996, 2003 et 2005. Les lieux où se sont produits ces
incidents sont représentés sur la carte projetée à l’ écran, laquelle figure dans le dossier des juges,
sous l’onglet34 [diapositive: encart n o10 en vis-à-vis de la p.160 de la RS]. Si Singapour a
exercé sa juridiction relativement à ces incidents, c’ est parce qu’ils se sont produits au large de ses
côtes ⎯ autrement dit, dans les eaux situées au large de Pedra Branca. Ce n’est qu’après l’incident
de2003 que la Malaisie s’est rendu compte des conséquences évidentes de ces actes sur sa
revendication tardive sur Pedra Branca, et qu’elle a commencé à réagir ⎯ en 2003 seulement.
60. Je pourrais continuer sur cette lancée, mais cela n’est guère nécessaire. La Cour trouvera
dans les écritures de Singapour l’ensemble des éléments attestant les activités de celle-ci sur
Pedra Branca. Je me contenterai d’indiquer que les activités que j’ai évoquées ont été accomplies
de longue date et de manière continue, qu’elles étaient publiques et notoires, qu’il s’agissait d’actes
officiels et non d’actes privés, et qu’ elles n’ont suscité aucune opposition de la part de la Malaisie,
au moins jusqu’à une date avancée après la revendication par cette dernière de l’île en 1979.
2. Contexte juridique dans lequel la conduite doit être appréciée
61. Monsieur le président, après avoir examiné le contenu des effectivités ⎯ il s’agit là bien
sûr d’un tour d’horizon, car je n’ai pas fait faireà la Cour une visite déta illée, ni ne lui ai imposé
tous les documents attestant des activités de Singapour ⎯ après avoir, donc, examiné le contenu - 17 -
des effectivités exercées par Singapour sur Pedra Branca et dans ses eaux territoriales, je pense
qu’il n’est peut-être pas inutile à présent de replacer cette conduitede Singapour dans le contexte
juridique pertinent. C’est là, dirais-je, une question extrêmement simple, même si la Malaisie tente
parfois de brouiller les pistes dans ses pièces écrites. Il existe cinq principes de base que je prie
respectueusement la Cour de ne pas perdre de vue lorsqu’elle examinera la portée des effectivités
de Singapour.
27 a) L’exigence d’une intention et d’une volonté d’agir à titre de souverain couplées à une
manifestation effective de cette autorité
62. Le premier de ces principes, véritable point de départ, est celui, bien établi, énoncé par la
Cour permanente dans l’affaire du Groënland oriental , et que la Cour a re pris dans des arrêts
récents ⎯ l’affaire Indonésie/Malaisie et, le mois dernier, l’affaire Nicaragua c.Honduras ⎯,
principe selon lequel
[Diapositive.]
«une prétention de souveraineté fond ée, non pas sur quelque acte ou titre en
particulier, tel qu’un traité de cession, mais simplement sur un exercice continu
d’autorité, implique deux éléments dont l’existence, pour chacun, doit être démontrée :
l’intention et la volonté d’agir en qualité de souverain, et quelque manifestation ou
exercice effectif de cette outorité» (Statut juridique du Groënland oriental, arrêt,
1933, C.P.J.I. série A/B n 53, p. 45-46).
63. En d’autres termes, la Cour le sait bien , un Etat qui revendique un titre sur un territoire
particulier doit démontrer à la fois l’ animus occupandi et le corpus occupandi. Et comme la Cour
l’a observé au paragraphe 72 de l’arrê t rendu le mois dernier en l’affaire Nicaragua c. Honduras :
«L’existence d’un titre souverain peut être déduite de l’exercice effectif sur un territoire donné de
pouvoirs relevant de l’autorité de l’Etat.» ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et
le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt du 8 octobre 2007, par. 72).
64. La conduite de Singapour s’accorde parfaiteme nt avec ces critères juridiques. Ainsi que
M.Brownlie l’a expliqué, le prédécesseur de Singapour ⎯ la Grande-Bretagne ⎯ a manifesté
l’intention d’acquérir la souveraineté sur Pedr a Branca par les actes qu’il a accomplis entre 1847
et1851 et qui, en eux-mêmes, suffisaient à ét ablir le titre territorial de Singapour à l’époque
considérée. Par la suite, comme je l’ai mont ré, Singapour déploya toute une série d’activités
étatiques sur l’île et dans ses eaux territoriales, préservant et confirmant ainsi son titre. Par - 18 -
contraste, la Malaisie n’a même pas rempli l’un ou l’autre de ces critères. Non seulement aucun
élément de preuve ne vient étayer la thèse d’une intention ou d’une volonté de la Malaisie d’agir à
titre de souverain à l’égard de Pe dra Branca, avant 1847 ou après, ma is en outre il n’existe pas la
moindre preuve que la Malaisie ait jamais manifesté une telle autorité sur l’île, sur le sol, sur le
territoire en litige, à quelque moment que ce soit.
28 b) Les activités de Singapour qui confirment et préservent son titre juridique antérieur
65. Voilà qui m’amène au deuxième des principes qui constituent les fondements
juridiques des thèses de Singapour. Ainsi que la Ch ambre de la Cour l’a relevé dans le passage
souvent invoqué de l’affaire du Différend frontalier :
[Diapositive.]
«Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une administration
effective s’ajoute à l’uti possidetis juris, l’«effectivité» n’intervient en réalité que pour
confirmer l’exercice du droit né d’un titre juridique.» ( Différend frontalier (Burkina
Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63.)
66. En la présente affaire, il existe un titre préexistant né d’actes exercés par la
Grande-Bretagne sur Pedra Branca pendant la pé riode comprise entre 1847 et 1851. Par la suite,
Singapour exerça continument et largement son au torité souveraine sur l’île. Singapour se fonde
sur sa conduite postérieure à 1851 dans le but non d’ établir un titre juridique sur le territoire en
litige ⎯titre qui était déjà établi en 1851 ⎯, mais de démontrer que ce dernier a été préservé et
confirmé par une série d’activités concrètes sur le terrain pendant plus de cent cinquante ans.
67. Quoi qu’il en soit, même si le titre sur Pe dra Branca n’était pas enco re clairement établi
en 1851 ⎯ce qui n’est pas le cas, comme M.Brownlie l’a montré, mais admettons que ce le
soit — le titre continuerait de revenir aujourd’hui à Singapour en vertu de sa conduite étatique sur
l’île dans les années qui suivirent. Ainsi que la Chambre l’a observé dans l’affaire du Différend
frontalier : «Dans l’éventualité où l’«eff ectivité» ne coexiste avec aucun titre juridique, elle doit
inévitablement être prise en considération.» ( Différend frontalier (Burkina Faso/République du
Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 587, par. 63.)
68. Dans pareil cas, la Cour serait confront ée au même genre de situation qu’elle a dû
affronter dans les affaires des Minquiers et des Ecréhous, Indonésie/Malaisie et, récemment, dans
l’affaire Nicaragua c. Honduras ⎯ et que le Tribunal arbitral a affronté lors de la phase consacrée - 19 -
à la souveraineté en l’affaire Erythrée/Yémen ⎯, dans lesquelles la ques tion de la souveraineté a
été tranchée en déterminant quelle était la partie dont le titre était clairement attesté par des actes
accomplis sur le territoire en litige à titre de souverain. En la présente espèce, et si l’on écarte un
instant le titre préexistant de Singapour étab li par la Couronne britannique entre 1847 et1851,
Singapour n’a pas seulement exercé une très gr ande majorité d’actes administratifs sur Pedra
Branca, mais elle les a tous exercés. De fait, ni la Malaisie ni son prédécesseur, le Johor, n’ont
jamais agi en qualité de souverain à l’égard de Pedra Branca.
29 69. Cela m’amène à un argument connexe soulevé par la Malaisie dans ses pièces écrites. La
Malaisie tente d’inverser l’ordre des choses en affirmant que Singapour doit prouver, par ses actes
accomplis sur Pedra Branca, que sa conduite a en quelque sorte déplacé un titre malaisien antérieur.
Cet argument se fonde essentiellement sur la noti on de prescription qui n’a aucun rôle à jouer en
l’espèce. En fait, comme mon collègue M. Pellet l’a montré, la Malaisie n’a pas produit la moindre
preuve du fait qu’elle possédait un titre historique sur Pedra Branca avant 1847 ou, d’ailleurs, à tout
moment ultérieur. Partant, la conduite de Singapour n’a déplacé aucun titre préexistant.
70. Cela étant, il est intéressant de rappeler, une fois encore, la manière dont la Malaisie a
modifié son argumentation depuis qu’elle a comparu devant cette Cour il y a cinq ans en l’affaire
Indonésie/Malaisie. S’agissant de sa propre conduite dans cette affaire ⎯de la conduite de la
Malaisie, donc ⎯ le conseil malaisien avait alors soutenu, à l’audience, qu’«[u]n titre fondé sur un
exercice pacifique et continu de l’autorité étati que l’emporterait en droit international sur un titre
d’acquisition de la souveraineté non suivie d’un exercice effectif de l’autorité étatique»
(CR 2002/30, p. 35-36, par. 22). Telle était l’argumentation de la Malaisie il y a cinq ans.
71. Ainsi, même selon la thèse de la Malaisie, et si l’on acceptait, pour les seuls besoins de
l’argumentation, que la Malaisie puisse prouver d’une façon ou d’une autre qu’elle détenait un titre
historique sur l’île, Singapour conserverait la s ouveraineté sur Pedra Branca puisqu’elle a exercé
des actes continus de souveraineté sur l’île alor s même que la Malaisie n’en a pas exercés, pour
reprendre la thèse avancée par la Malaisie elle-même en l’affaire Indonésie/Malaisie.
Heureusement toutefois, la Cour n’a besoin ni de se livrer à ce raisonnement spéculatif ni de
s’engager dans la voie controversée du titre par pres cription. Singapour a montré l’existence d’un - 20 -
titre né des activités de la Couronne britannique en tre 1847 et 1851, de même qu’elle a démontré
avoir préservé ce titre sur le terrain depuis lors. La Malaisie, elle, n’a rien démontré.
c) La portée de la conduite étatique sur un territoire est fonction de la nature du territoire en
question
72. Le troisième principe juridique qui mérite d’être mentionné à ce stade prévoit que pour
établir ou préserver un titre juridique, le degré d’au torité de l’Etat sur un territoire donné est
fonction de la nature de ce territoire et doit êtreadapté à celle-ci. Ce principe a été consacré tant
30
par cette Cour que par sa devanc ière, ainsi que par les tribunaux arbitraux dans les sentences
rendues en l’affaire de l’Ile de Palmas et en l’affaire Erythrée/Yémen.
73. Pedra Branca est une île importante ⎯pour Singapour au moins, c’est une île très
importante ⎯, qui s’est trouvée au cŒur d’une série importante et bien documentée d’actes
administratifs accomplis par Singapour à partir de 1851.
74. Comme je l’ai dit, ces activités concer nent bien entendu la dotation en personnel,
l’entretien et l’amélioration, jusqu’à nos jours, du phare co nstruit par la Grande-Bretagne
entre1847 et 1851. Toutefois, comme Singapour l’a également démontré dans ses pièces écrites,
l’exercice de la souveraineté sur Pedra Branca ne s’est pas limité à ce s seules activités liées au
phare. Sur cette île se sont également exercées de nombreuses autres activités officielles qui ne lui
étaient pas rattachées, que j’ai abordées et qui sont documentées; l’île abrite un certain nombre
d’autres installations et a été pleinement explo itée, comme la Cour peut en juger d’après la
photographie actuellement projetée à l’écran [dia positive]. Lorsque l’on examine l’ensemble des
éléments de preuve concernant l’administration de l’île par Singapour, l’on ne peut qu’être frappé
par l’ampleur ⎯ le caractère systématique ⎯ des travaux publics entrepris par Singapour sur cette
parcelle de territoire. Ainsi, non seulement la conduite souveraine de Singapour sur Pedra Branca
s’est-elle exercée en rapport avec la nature du territoire en question, mais encore dépasse-t-elle
largement les attentes suscitées par celui-ci compte tenu de ses caractéristiques.
d) Singapour se fonde exclusivement sur sa co nduite officielle, non sur les activités de
personnes physiques à titre privé
75. Le quatrième élément juridique caractérisant la conduite de Singapour est le fait qu’elle
se fonde exclusivement sur des actes officiels accomplis par elle su r Pedra Branca. Ainsi que la - 21 -
Cour l’a maintes fois relevé par le passé, notamment dans Qatar c. Bahreïn et Indonésie/Malaisie,
la question juridiquement pertinente en matière de contestation de souveraineté consiste à
déterminer les actes officiels en trepris à titre gouvernemental et non à titre privé. Contrairement à
la Malaisie, qui a été contrainte d’invoquer les déclarations de pêcheurs privés qui auraient pêché
dans les eaux entourant Pedra Branca, tous les exemples de la conduite de Singapour cités dans ses
pièces écrites revêtent un caractère officiel et gouvern emental, ce qui souligne la nature souveraine
31 de cette conduite ⎯ conduite attestant de l’exercice et de la manifestation d’actes administratifs et
de contrôle sur Pedra Branca, ainsi que dans ses eaux territoriales, à titre de souverain.
e) La conduite officielle de Singapour a été spécifique à Pedra Branca
76. Le cinquième principe juridique sur lequel est fondée la conduite de Singapour est que,
afin d’être juridiquement pertinente, la condu ite en question doit spécifiquement se rapporter au
territoire en litige. Là encore, comme la Cour l’a déclaré en l’affaire Indonésie/Malaisie et rappelé
au paragraphe 174 de l’arrêt rendu récemment en l’affaire Nicaragua c. Honduras :
[Diapositive.]
«La Cour relève enfin qu’elle ne peut tenir compte de ces activités en tant que
manifestation pertinente d’autorité que dans la mesure où il ne fait aucun doute
qu’elles sont en relation spécifique avec les îles en litige prises comme telles.»
(Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 682-683, par. 136.)
En relation spécifique avec les îles.
77. Contrairement à la Malaisie, qui ne peut citer aucun exemple d’autorité étatique exercée
sur Pedra Branca elle-même, Singapour invoque d es actes officiels qui se rapportent de manière
irréfutable au territoire en cause. Permettez-moi de développer ce point très brièvement.
78. Prenons la législation des Parties ⎯ d’une part, un texte législatif tel que l’ordonnance de
la Malaisie sur l’état d’urgence de1969, qui fi xe essentiellement la largeur des eaux territoriales
malaises, et d’autre part la législation adoptée par Singapour et son prédécesseur, la
Grande-Bretagne. Alors que l’ ordonnance de la Malaisie de 1969 ne fait pas mention de
PedraBranca et pose ainsi la question de savoir à quel territoire elle se rapporte, la législation
pertinente de la Grande-Bretagne et de Singapour, y compris les lois de 1852 et 1854 ainsi que le
décret sur les sites protégés de 1991, fait expresséme nt état de Pedra Branca. Viennent ensuite les - 22 -
éléments de preuve soumis par Singapour concernant la dotation en personnel, l’entretien et
l’amélioration du phare et d’autres installations, éléments qui se rapportent également à Pedra
Branca, laquelle est nommément désignée dans les textes pertinents. Puis l’exercice, lui aussi
spécifique à Pedra Branca, d’une compétence juri dictionnelle de Singapour à l’égard de personnes
en visite sur l’île, parmi lesquelles des représentant s malaisiens. Pour citer d’autres éléments, le
pavillon de la marine singapourienne a flotté sur l’île proprement dite pendant cent cinquanteans
sans que la Malaisie ne réagisse. Elle av ait pourtant réagi vigoureusement lorsque ce même
32 pavillon avait été hissé sur PulauPisang. Lors de visites de membres des forces armées du
gouvernement ou de l’administration de Singapour sur l’île de Pedra Branca, cette destination était
clairement indiquée. Les demandes d’autori sation concernant des activités de recherche
scientifique et autres soumises à Singapour par des tiers se référaient pareillement à l’île elle-même
et à ses eaux territoriales. Quant aux enquêtes visant des décès accidentels et des incidents de
navigation, elles furent également menées sur PedraBranca ou dans ses eaux territoriales. La
collecte de données météorologiques pertinentes a été présentée comme émanant de Pedra Branca,
décrite par les documents malaisiens officiels comme étant située «à Singapour».
79. En résumé, il n’est pas douteux que les élém ents de preuve de l’administration et du
contrôle exercés par Singapour sont en rela tion spécifique avec le territoire en litige
⎯ Pedra Branca. Les preuves versées au dossier se rattachent à des activités concrètes menées sur
le terrain, non à des affirmations confuses et généralisées établissant, comme le fait la Malaisie, une
prétendue juridiction à l’égard de zones non défi nies. Ces actes ne laissent aucun doute sur
l’identité de la Partie qui se considérait comme souveraine à l’égard de Pedra Branca et agissait
comme telle.
3. Les arguments de la Malaisie sur la conduite mis en perspective
80. Ayant exposé le contexte factuel et ju ridique dans lequel s’inscrit la conduite de
Singapour sur Pedra Branca, j’en viens maintenant aux arguments que la Ma laisie a avancés dans
ses écritures dans une tentative d’explication visant à écarter cette conduite. Ce ne sera
manifestement pas chose aisée pour elle, étant donné que Singap
our a constamment administré
Pedra Branca alors que la Malaisie y a été totalement inactive. En fait, comme MmeMalintoppi - 23 -
l’exposera dans la suite de la matinée, l’un des aspects frappants de cette affaire est l’absence totale
⎯ je dis bien totale ⎯ d’activités malaisiennes concurrentes sur l’île.
81. Nonobstant cela, la Malaisie a affirmé dans sa réplique que la conduite de Singapour était
«secondaire» par rapport à la question du titre et que Singapour se prévalait de ce qu’elle a appelé
des «actes de conduite isolés en omettant complètement d’examiner si ces actes s’inscrivaient dans
une série d’actes courants relevant de l’administration du phare Horsburgh ou s’ils correspondaient
à des manifestations de l’exercice d’une souveraineté» (RM, p. 148).
82. Pour répondre à ces arguments, il est t out d’abord nécessaire de rappeler une nouvelle
fois le contexte juridique.
33 83. Comme je l’ai expliqué, les actes que la Grande-Bretagne et Singapour ont accomplis sur
Pedra Branca et dans les eaux territoriales de l’ île après 1851 ont manifestement été accomplis en
qualité de souverain. Ces actes étaient clairement fondés sur le fait que Singapour détenait le titre
sur Pedra Branca en raison de la prise de possession légale de l’île interve nue de 1847 à 1851, que
M.Brownlie a relatée. En d’autres termes, ils constituaient une manifestation continue d’autorité
étatique sur le territoire en cause et, en tant que tels, la confirmation et le maintien du titre
préexistant de Singapour.
84. Dans ces conditions, l’importance de la conduite de Singapour n’a rien de «secondaire»,
contrairement à ce que la Malaisie voudrait faire accroire à la C our. Cette conduite montre que
Singapour a constamment et activement maintenu et exercé son titre préexistant. Or, même dans
les affaires dans lesquelles il n’y avait aucun titre préexistant, ce qui n’est pas le cas ici, Singapour
ayant démontré l’existence d’un tel titre, même dans ces affaires donc, la question de savoir
laquelle des parties à un différend territorial pouvait démontrer avoir accompli des effectivités sur
le territoire concerné a été traitée par la Cour , et par les tribunaux arbitraux, comme un élément
déterminant pour trancher les questions relatives au titre en litige. Il suffit pour s’en rendre compte
de se reporter aux affaires récemment examinées par la Cour dans lesquelles la souveraineté sur de
petites îles était en cause ⎯ l’affaire Qatar c. Bahreïn, dans laquelle la souveraineté sur la petite île
de Qit’at Jaradah était contestée, l’affaire Indonésie/Malaisie qui concernait les deux petites îles de
Ligitan et Sipadan et, récemment, l’affaire Nicaragua c. Honduras concernant une série de petites
îles situées au large de la côte continentale. Aucune de ces affaires ne faisait intervenir un titre - 24 -
préexistant comme celui que nous avons ici dans le cas des activités britanniques de 1847 à 1851.
Et, dans aucune de ces affaires ⎯ Qatar c. Bahreïn, Indonésie/Malaisie et Nicaragua c. Honduras,
et l’on peut d’ailleurs remonter aussi jusqu’à l’affaire Minquiers et Ecréhous ⎯ je dis bien dans
aucune de ces affaires, il n’existait non plus un large éventail d’activités étatiques accomplies sur le
territoire en cause qui soit d’une manière ou d’une autre comparable aux activités de Singapour sur
Pedra Branca. Néanmoins, dans toutes ces affair es, la Cour a déterminé la souveraineté en se
fondant sur le fait de savoir quelle partie pouvait démontrer qu’elle avait accompli des actes
administratifs sur le territoire contes té. D’ailleurs, dans les affaires Qatar c.Bahreïn et
Indonésie/Malaisie, la Cour a également conclu que «[l]a construction d’aides à la
navigation…peut être juridique pertinente dans le cas de très petites îles» (Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J.Recueil 2001 ,
p. 100, par. 197).
34 85. Dans la présente affaire, il ne s’agit pas simplement de la construction d’aides à la
navigation sur Pedra Branca. Tant pendant la période allant de 1847 à 1851, lorsque la
Grande-Bretagne prit possession de l’île, que par la suite, lorsque ce titre fut maintenu et confirmé,
les actes accomplis sur Pedra Branca étaient, comme je l’ai montré, très variés par leur nature et
s’étendaient effectivement à l’ensemble de l’île, y compris ses eaux territoriales. Il ne s’agissait
pas, pour reprendre l’expression de la Malaisie, de simples activités liées aux phares.
86. Cela étant, qu’elle fû t ou non liée aux phares, la c onduite de Singapour constituait
précisément le type de comportement souverain qu’adopterait tout Etat détenteur d’un titre sur un
territoire ayant les caractéristiques de Pedra Branca. En taxant ces activités d’«élément ordinaire
de la gestion d’un phare», la Malaisie ne commet pas seulement une erreur ; elle n’établit d’aucune
façon que les activités en question ne relevaient pas de l’exercice normal des prérogatives
souveraines qui sont celles des Etats côtiers, y comp ris Singapour, sur les parties de leur territoire
où des phares sont situés. En fait, la Malaisie l’a bien reconnu dans s on propre contre-mémoire,
lorsqu’elle a déclaré [diapositive]: «La construction et l’administration des phares [étaient]
généralement l’affaire de l’Etat sur le territoire duquel le phare était construit» (CMM, p. 103).
87. En bref, l’administration du phare par Singapour, ainsi que les activités non liées aux
phares menées par Singapour sur Pedra Branca, traduisaient un exercice normal de la souveraineté - 25 -
qu’elle avait acquise à partir de 1851. Contrairem ent à ce qu’affirme la Malaisie, la conduite et les
activités de Singapour n’avaient rien d’isolé. Et ant donné la nature du territoire concerné, elles
s’inscrivaient en fait dans le cad re d’une ligne de conduite étati que remarquablement constante,
comprenant une grande variété d’actes d’administration et de contrôle accomplis pendant une
longue période. Je soulignerai là encore que, tout au long de cette période, la Malaisie n’a jamais
contesté le droit de Singapour d’exercer son autorité sur l’île, pas plus qu’elle n’a jamais formulé
elle-même de revendication ni accompli le moindre acte concurrent.
88. Ce qui est isolé, en revanche, ce sont les exemples hétéroclites et totalement insignifiants
de conduite singapourienne que la Malaisie a tenté de glaner pour étayer son allégation selon
laquelle Singapour ne s’estimait pas souveraine sur l’île.
89. La Malaisie se réfère tout d’abord à l’ accord de 1927 relatif aux eaux territoriales des
Etablissements des détroits et du Johor, dont il a ét é question mardi. Lu attentivement, cet accord
concerne la rétrocession au Johor de certaines petit es îles situées dans le voisinage immédiat de
l’île principale de Singapour. Il n’avait pas pour objet de traiter de Pedra Branca, n’en traitait pas
et n’a aucune pertinence aux fins de la présente affaire.
35 90. Ensuite, la Malaisie cherche refuge dans l’ordre en conseil de1946, dans lequel
l’Etablissement de Singapour fut défini comme co mprenant l’île de Singapour et ses dépendances,
ainsi que l’ensemble des autres îles et lieux qui étaient alors connus et administrés par Singapour,
et les eaux territoriales de celle-ci. A l’époque de cet ordre de 1946, Pedra Branca était clairement
une «dépendance» de Singapour. En fait, ainsi que M.Brownlie l’a noté hier, Pedra Branca fut
présentée expressément comme telle dès 1850, lors de la cérémonie de pose de la première pierre
du phare Horsburgh. Et Pedra Branca était aussi incontestablement une île administrée par
Singapour, comme je l’ai montré. Donc, loin de conforter la thèse de la Malaisie, l’ordre en conseil
de 1946 cadre parfaitement avec la position de Singapour, tout comme les autres instruments
constitutionnels concernant Singapour, en date de 1951, 1952, 1960 et 1965, que la Malaisie a cités
dans ses écritures. Tous , je dis bien tous mentionnaient Singapour «et ses dépendances» ⎯ ainsi
que les secteurs que Singapour administrait et contrôlait ⎯, une description qui incluait Pedra
Branca. - 26 -
91. C’est également en désespoir de cause que la Malaisie se réfère à deux publications
parues à Singapour qui, selon elle, seraient révéla trices en ce qu’elles n’incluent pas Pedra Branca
parmi les îles singapouriennes. La premiè re de ces publications est une brochure ⎯ ce n’est
vraiment rien de plus qu’une publication pour touristes ⎯ intitulée Singapore Facts and Pictures .
Publiée par le ministère singapourien de la cultu re, elle n’avait rien à voir avec une définition
juridique du territoire de Singapour. Elle ne con cernait pas non plus Pedra Branca, pour la raison
évidente que celle-ci ne comptait aucune infrastructure touristique.
92. Le second jeu de publicati ons comprend deux éditions de l’ Annual Report of the Rural
Board of Singapore , de 1953 ⎯l’année où le Johor déclara expressément ne pas revendiquer le
titre sur Pedra Branca ⎯ et 1956. Là encore, ces publications n’avaient aucun rapport avec Pedra
Branca. Singapour a pleinement expliqué dans ses écritures qu’elles avaient pour objet la revision
des circonscriptions électorales de Singapour qui avai t été menée par le bureau des affaires rurales,
ce qui ne concernait manifestement pas Pedra Branca. La Malaisie elle-même est contrainte de
l’admettre lorsqu’elle reconnaît que le bureau des af faires rurales n’était nullement responsable de
la gestion des phares.
93. C’est également en vain que la Malaisie se fonde sur un passage de l’ouvrage de
J. A. L. Pavitt, First Pharos of the Eastern Seas : Horsburgh Lighthouse, publié en 1966. Pavitt ne
dit rien qui permette de penser que Pedra Bran ca n’appartenait pas à Singapour. L’unique passage
36 sur lequel la Malaisie a tenté de fonder son argument tient en une seule phrase, dans laquelle Pavitt
décrit le phare de Pedra Branca comme une «s tatio[n] plus éloigné[e]» en mer de Chine
méridionale, ce qu’il était du point de vue géographi que. Mais cela ne signifie en aucun cas que
Singapour ne détenait ou n’exerça it pas la souveraineté sur l’île. Et ce qui me semble plus
directement pertinent est la note rédigée pour Pa vitt par l’un de ses assistants un an plus tard,
en1967, note qui figure aussi sous l’onglet35 et dont la partie pertinente apparaît à l’écran;
l’auteur (l’assistant de Pavitt) indique :
«Je n’ai rien à ajouter…sauf pour préciser qu’en plus des eaux entourant
immédiatement Singapour, on m’a informé que les eaux situées dans un rayon de
3 milles du phare Horsburgh (à l’entrée orientale du détroit de Singapour) peuvent être
considérées comme des eaux territoriales de Singapour.» (CMS, annexe 42.) - 27 -
94. De toute évidence, si les eaux situées au tour de Pedra Branca étaient considérées comme
singapouriennes, cela signifiait nécessairement que l’île elle-même appartenait à Singapour. De
manière tout aussi évidente, aucune des bribes ép arses auxquelles la Malaisie se réfère ne fait le
poids face à la conduite étatique de longue date et sans entrave qui a été celle de Singapour sur
Pedra Branca. Et aucune d’elles n’a le moindre rapport avec la propre conduite de la
Malaisie ⎯ou, plus précisément, son absence de conduite ⎯à l’égard de Pedra Branca qui,
comme mes confrères le montreront, s’est traduite notamment par la fameuse déclaration expresse
de non-revendication de Pedra Branca et une série de cartes malaysiennes officielles attribuant
expressément Pedra Branca à Singapour.
Conclusions
95. Monsieur le président, Messieurs de la Cour , je vous ai exposé les éléments de fait et de
droit qui démontrent que Singapour a jusqu’à ce jour maintenu de manière active et continue la
souveraineté qu’elle avait acquise sur Pedra Branca entre 1847 et 1851. Elle l’a fait par des actes
concrets qu’elle a accomplis à titre de souverain su r le terrain. Permettez-moi de dire que les
éléments de preuve sont probants, concordants, et que les faits n’ont pas été réfutés. Ils sont
également conformes au critère énoncé récemment au paragraphe175 de l’arrêt Nicaragua c.
Honduras, à savoir que les éléments pertinents s ont les preuves d’activités souveraines qui
«couvrent une période considérable et présentent un e structure révélant l’intention d’exercer des
fonctions étatiques» ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la
mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras) , arrêt du 8octobre2007). Et tel est le cas de la
conduite de Singapour.
37 96. En dernière analyse, la Malaisie invite la Cour à conclure qu’une partie qui ne peut faire
état d’aucune base à l’appui de son titre sur le territoire contesté ⎯ que ce titre soit dit «historique»
ou autre ⎯, qui n’a jamais accompli aucun acte, absolume nt aucun acte souverain sur le territoire
concerné, qui a laissé son voisin administrer ce de rnier sans entrave pendant cent trente ans sans
protester ni s’opposer, qui a déclaré ne pas revendiquer la propriété du territoire en question dans la
correspondance officielle, et qui a publié une série de cartes officielles situant l’île parmi les
possessions de son voisin ⎯ la Malaisie voudrait faire accroire à la Cour que cette partie détient un - 28 -
meilleur titre que celle qui a établi sa souverain eté territoriale par des actes gouvernementaux
officiels accomplis sur place, puis maintenu ce titre pendant plus d’un siècle et demi au moyen de
toute une série d’actes d’administration et de contrôle constants sur le territoire même qui est en
litige. Cette proposition est, pour dire le moins, manifestement douteuse.
97. Monsieur le président, ainsi s’achève mon e xposé. Je remercie la Cour de son attention
et de sa patience. Le moment serait peut-être bien choisi pour observer notre pause-café, après
laquelle je vous saurais gré de bien vouloir appeler Mme Malintoppi à la barre pour poursuivre les
plaidoiries de Singapour. Je vous remercie.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de prési dent: je vous remercie, MonsieurBundy,
pour votre plaidoirie.
Nous allons à présent observer notre pause habituelle et, dans dix minutes, à la reprise,
j’appellerai Mme Malintoppi à la barre.
L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de présiden:tVeuillez vous asseoir.
Madame Malintoppi, vous avez la parole.
MmeMALINTOPPI: Monsieur le président, Messieurs de la Cour. C’est pour moi un
honneur et un privilège de me présenter à nouveau devant vous pour représenter Singapour en la
présente instance.
L’ABSENCE D ’EFFECTIVITÉS MALAISIENNES
1. Dans sa première plaidoir ie, mon ami et collègue M.Pelle t a démontré que la Malaisie
n’avait pas pu produire le moindre élément de pr euve établissant l’existence d’un titre originaire
détenu par Johor sur Pedra Branca ou attestant que des actes de souveraineté aient été exercés sur
38 l’île avant 1847. Pour ma part , je montrerai que la Malaisie n’a jamais accompli d’actes
d’administration ou exercé d’autorité ⎯autrement dit, n’a pas eu d’effectivités ⎯ sur
PedraBranca à un moment quelconque après que la Grande-Bretagne eut acquis un titre sur cette
île dans la période 1847-1851. - 29 -
2. Le fait que la Malaisie ne puisse mettre en avant un seul acte d’administration et d’autorité
sur Pedra Branca constitue un vice fondamental dans son argumentation. L’absence d’effectivités
malaisiennes sur PedraBranca contraste aussi de façon frappante avec les actes déployés par la
Couronne britannique pour prendre possession de l’île qui nous ont été exposés par M.Brownlie
hier, et avec les éléments de preuve examinés pl us tôt ce matin par M.Bundy qui démontrent de
quelle manière la Grande-Bretagne et Singapour ont par la suite confirmé et maintenu ce titre par
leurs actes accomplis sur le terrain à titre de souverain.
3. Lorsqu’elle a essayé de surmonter ce problèm e, la Malaisie s’est trouvée confrontée à un
dilemme qui l’a amenée à adopter une approche incohérente et ambigüe dans ses pièces de
procédure écrite.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Madame, puis-je vous demander de
parler un peu plus lentement pour faciliter la tâche des interprètes ?
Mme MALINTOPPI : Certainement.
4. D’un côté, la Malaisie a affirmé dans s on mémoire qu’elle «n’avait nul besoin d’affirmer
activement son titre» sur Pedra Branca car elle pos sédait un prétendu «titre originaire» sur cette île
(MM, par.269, p.117). Elle a ensuite développé cette thèse dans son contre-mémoire en citant
l’arbitrage rendu en l’affaire Meerauge à l’appui de sa proposition selon laquelle sa possession de
Pedra Branca durait depuis si longtemps qu’il était impossible de fournir la preuve d’une situation
différente (CMM, par. 21, p. 13).
5. D’un autre côté, la Malaisie est parfaite ment consciente de l’ampleur des difficultés
auxquelles elle se heurte et du fait que la Cour a toujours exigé des preuves de l’exercice effectif de
la souveraineté sur le terrain pour étayer une prétention à titre de propriété, estimant toujours
nécessaire d’invoquer ce qu’elle appelle des «affirmations de souveraineté» qui constitueraient une
preuve de la position malaisienne selon laquelle Pedra Branca était considérée comme un territoire
malaisien et qui confirmeraient le titre historique de la Malaisie. Comme je le montrerai, en réalité,
les actes en question ⎯que la Malaisie décrit de manière enthousiaste comme «de nombreux
exemples» ⎯ ne sont rien d’autre qu’une poignée d’ épisodes tous dénués de pertinence car ils - 30 -
concernent des questions qui n’ont rien à voir avec une conduite à titre de souverain sur le territoire
en question.
39 6. Dans son mémoire, la Malaisie a menti onné quatre exemples principaux de la conduite
malaisienne qui, selon elle, confirment le bien fondé de sa revendica tion. Il s’agit 1) d’une lettre
interne de 1968 de la marine ma laisienne à laquelle sont jointes deux cartes marines indiquant les
eaux territoriales de la Malaisie; 2) d’un accord pétrolier de 1968 entre le Gouvernement de la
Malaisie et la Continental Oil Company of Malaysia ; 3) de la délimitation de la mer territoriale
dans la zone située autour de Pedra Branca et 4) de l’accord Indonésie-Malaisie de 1969 relatif au
plateau continental (MM, par. 269, p. 117). Dans son contre-mémoire, la Malaisie a regroupé ces
différents éléments sous la rubrique «la pratique de la Malaisie» dans le chapitre intitulé «le
contexte maritime» (CMM, par.55 5-556, p.262-263). La Malais ie a aussi ajouté deux autres
exemples à ceux déjà mentionnés : 1) l’utilisation des eaux autour de Pedra Branca comme zone de
pêche par les pêcheurs du Johor et 2) les patrou illes effectuées dans ces eaux par la marine royale
malaisienne (CMM, par. 515-549, p. 240-260).
7. Avec votre permission, Monsieur le préside nt, je reviendrai sur chacun des éléments sur
lesquels la Malaisie s’est appuyée pour dé montrer qu’aucun d’eux, qu’on les prenne
individuellement ou conjointement, ne peut confirmer l’existen ce d’un titre originaire sur
PedraBranca, même à supposer que ce titre ait existé au départ ce qui ⎯ainsi que Singapour l’a
démontré ⎯ n’est pas le cas.
1. Lettre de promulgation de 1968 du contre-amiral K. Thanabalasingham
et cartes marines jointes
8. Permettez-moi de commencer par la lettre dite «de promulgation» en date du
16juillet1968 du contre-amiral K. Thanabalasingham de la marine royale malaisienne. Ce
document a été soumis par la Malaisie en tant qu’annexe 76 à son mémoire mais les cartes qui y
sont jointes ne sont pas reproduites dans la même annexe ; elles figurent en tant que cartes 20 et 25
dans l’atlas cartographique du mémoire de la Ma laisie. Cette lettre interne et confidentielle ⎯ qui
apparaît maintenant à l’écran ⎯ est ainsi libellée :
«1. Les cartes jointes sur lesquelles fi gurent les limites extérieures des eaux
territoriales malaisiennes et des eaux faisan t l’objet de revendications étrangères en - 31 -
Malaisie occidentale sont promulguées pour l’information des officiers supérieurs et
du commandement.
2. Comme on peut le constater, il y certaines zones dans lesquelles les limites
n’ont jamais été proprement définies ou négociées et les limites promulguées ont été
essentiellement déterminées par stricte application de la convention de Genève
de 1958.
3. Il convient d’accorder une attention rigoureuse aux notes figurant sur
certaines cartes qui sont également reproduites après l’index.»
40 9. Ce document et ses annexes appellent un certain nombre d’observations. Premièrement,
le titre de la lettre est inapproprié : lorsqu’une chose est «promulguée» elle est d’ordinaire rendue
publique et officialisée, mais cette lettre était ⎯ du propre aveu de la Malaisie ⎯ une lettre interne
et confidentielle destinée uniquement «à l’ information des officiers supérieurs et du
commandement». Singapour n’en a jamais eu c onnaissance, ce qui est particulièrement étonnant
étant donné que les occasions n’ont pas manqué au cours des négociations entre les Parties de
soulever ce point. En conséquence, la position qui est exprimée dans cette lettre et reflétée dans les
cartes n’a jamais été avancée par la Malaisie co mme une revendication formelle, et Singapour n’a
jamais eu l’occasion de contester le contenu de la lettre ou de ses annexes.
10. La Malaisie affirme que le fait que ces documents soient des documents internes leur
confère plus «de poids et de véracité». Mais ce t argument tombe à plat. Le seul point qui mérite
d’être souligné est que la lettre du contre-amiral Thanabalasingham est une lettre interne du chef de
la marine malaisienne à ses propres officiers. Au trement dit, il s’agissait là de documents produits
à l’usage interne de la Malaisie qui n’ont jama is été portés à la connaissance de Singapour. A ce
titre, ils représentent tout au plus le point de vue d’un seul service, point de vue qui ne concorde du
reste pas avec la conduite du Gouvernement malaisie n dans son ensemble. Ai nsi que la Cour s’en
souviendra, l’année même où cette lettre a été écrite , en 1968, la Malaisie a demandé à Singapour
de retirer le pavillon singapourien qui était déploy é sur le phare de Pulau Pisang. Mais aucune
demande similaire n’a été formulée concernant Pedra Branca. Comme l’a aussi expliqué Singapour
dans ses pièces de procédure écrite, bien après 1968 la Malaisie a continué à reconnaître la
souveraineté de Singapour sur Pedra Branca à travers les activités de son service de cartographie et
d’autres actes officiels. - 32 -
11. En outre, la «lettre de promulgation» précise que les limites figurant sur les cartes «ont
été essentiellement déterminées par stricte applica tion de la convention de Genève de1958». En
conséquence, ce document représentait tout au pl us une interprétation à usage interne de la
convention de 1958 par la personne qui était alors le chef de la marine malaisienne et rien d’autre.
Comme l’a déclaré le tribunal arbitral dans l’arbitrage Erythrée/Yemen, «les notes de service ne
représentent pas nécessairement le point de vue ou la politique d’un gou vernement et peuvent
n’être que le point de vue pe rsonnel qu’un fonctionnaire s’est senti obligé d’exprimer à un autre
fonctionnaire à ce moment-là» (sentence rendue dans la première étape de la procédure,
9 octobre 1998, p. 28, par. 94).
12. Cela est amplement suffisant pour démont rer que ces documents n’ont aucune valeur
probante en ce qui concerne la prétention de la Malaisie à un titre présumé.
41 13. Quant à l’auteur de la lettre ⎯le contre-amiral Thanabalasingham, puisque tel est
aujourd’hui son titre ⎯, il formule l’observation suivante dans sa déclaration sous serment figurant
à l’annexe 4 du contre-mémoire de la Malaisie :
«Lorsque j’examine cette carte aujourd’hui [carte 25 dans l’atlas de la Malaisie]
et que je lis les notes qui l’accompagnent, tr ente-six ans après avoir publié la lettre de
promulgation, je puis affirmer clairement qu’en1968, nous n’avions aucun doute sur
le fait que Pulau Batu Puteh ⎯ de même que Middle Rocks et South Ledge ⎯ étaient
territoire malaisien.»
14. Dans sa réplique, Singapour a répondu à cette déclaration et a relevé la similitude qui
existait entre cette situation et celle sur laque lle la Cour s’était prononcée en l’affaire des Activités
militaires et paramilitaires . Comme dans cette affaire, le témoignage du contre-amiral
Thanabalasingham est simplement l’expression d’une opinion ou pour reprendre les termes
employés par la Cour «n’est qu’une appréciation personnelle et subjective dont il reste à établir
qu’elle correspond à un fait». Autrement dit, elle ne peut «en constituer une preuve elle-même» et,
ajouterais-je, ne saurait remplacer les élémen ts de preuve contemporains de l’époque ( Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre cel ui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 42, par. 68). Ainsi que l’a déclaré la Cour en l’affaire Congo c.
Ouganda : «La Cour traitera avec prudence les éléments de preuve spécialement établis aux fins de
l’affaire ainsi que ceux provena nt d’une source unique.» (Activités armées sur le territoire du - 33 -
Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda), arrêt, C.I.J.Recueil2005 , p.35,
par. 61.)
15. Cette déclaration a aussi été citée avec des commentaires favorables par la Cour en
l’affaire du Génocide (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), arrêt du 26 février 2007, par. 213).
16. En l’espèce, la déclaration du contre-amiral pèche non seulement par le fait qu’elle ne se
situe pas à l’époque qui nous intéresse puisqu’elle a été faite trente-six ans après les faits sur
lesquels il témoigne, mais qu’elle n’est de surcro ît pas étayée par le contexte factuel de l’époque.
Ainsi que Singapour l’a démontré, il n’y a dans le dossier aucun élément de preuve montrant que la
Malaisie ait jamais exprimé l’in tention d’exercer une souverainet é sur Pedra Branca ou qu’elle ait
jamais accompli un acte quelconque de souverainet é sur l’île elle-même. Ni la lettre de
promulgation de1968 et les cartes jointes ni la déclaration sous serment du contre-amiral
Thanabalasingham ne modifient cette réalité.
42 2. L’accord pétrolier conclu en 1968 entre le Go uvernement de la Malaisie et la Continental
Oil Company of Malaysia
17. La Malaisie invoque également l’octroi, le 16avril1968, d’une concession pétrolière
off-shore à la Continental Oil Company of Malays ia (la «Continental») à l’appui de sa prétendue
conviction que la zone de concession englobait Pedra Branca et constituait en elle-même une
activité étatique qui fut rendue publ ique et ne souleva de la part de Singapour aucune protestation.
J’examinerai ces allégations l’une après l’autre. Pour leur commodité, MM.lesMembres de la
Cour pourront se reporter à la copie de l’accord de concession figurant à l’onglet36 du dossier
d’audiences.
18. La carte projetée à l’écran est une reproduction de la carte 37 de l’atlas cartographique de
la Malaisie, qui représente la zone de concession accordée à la Continental. Elle est également
reproduite à l’onglet 36 du dossier d’audiences. On notera, d’emblée, que Pedra Branca n’y est pas
figurée. Rien de surprenant à cela, puisque l’acco rd pétrolier excluait expressément de la zone de
concession les îles et les frontières internationales «où qu’elles soient établies» (MM, annexe 110,
p.31; voir aussi MM, p.119, par.274) [faire a pparaître la citation à l’écran]. Ainsi que l’a noté
Singapour dans son contre -mémoire, il ne fait pas de doute que cet accord pétrolier était sans - 34 -
préjudice de la question des frontières et de la souveraineté sur les îles situées dans des zones où les
frontières n’avaient pas été fixées d’un commun accord.
19. Dans sa réplique, la Malaisie reproche à Singapour de pass er sous silence le fait que la
«zone indéterminée» située au sud de la concession avait été «précisément identifiée» par l’une des
cartes jointes en annexe à la lettre de promulgati on que j’ai évoquée un peu plus tôt (RM, p.168,
par.356). En d’autres termes, la Malaisie repr oche à Singapour de ne pas interpréter l’accord
pétrolier de1968 à la lumière d’une carte annexée à une correspondance interne malaisienne qui
n’avait pas été publiée et était sans le moindre rapport avec cet accord ! Mais, il n’y a aucun lien
entre la concession et la lettre, et la Malaisie n’essaie pas d’en établir un, si ce n’est par le biais
d’un rapprochement artificiel avec une prétendue «conduite de la Malaisie à l’époque», censée
attester qu’elle était «convaincue de détenir la s ouveraineté sur cette zone». Une revendication de
titre requiert toutefois plus que de vagues présompti ons. La Malaisie doit à tout le moins fournir
quelques preuves d’exercice ou de manifestation de l’autorité étatique à l’égard de Pedra Branca
elle-même. Or, cela, elle ne l’a pas fait.
20. Il convient aussi de noter que les coor données géographiques de la concession ne furent
jamais publiées, comme le reconnaît la Malaisie e lle-même (RM, p.169, pa r.359), et qu’aucune
activité de prospection ne fut menée sur Pedra Branca ou dans ses eaux territoriales. Il est en outre
43 révélateur que, dans ses écritures, la Malaisie ait passé sous silence le fait, établi par Singapour
dans son contre-mémoire, que, quelques années seulement après la signature de l’accord, la
Continental avait renoncé à une grande partie de sa concession et, notamment, à toute la zone située
au voisinage de PedraBranca (CMS, annexe47). Les conséquences de cette renonciation sont
visibles sur la carte projetée derrière moi, que Singapour a fait figurer à l’annexe 47 de son
contre-mémoire et qui est également incluse dans le dossier d’audiences, sous l’onglet36. Dès
lors, contre quoi Singapour aurait-elle dû protester ?
21. Ainsi que l’a rappelé Singapour dans son contre-mémoire (p. 169-170, par.6.86), en
l’affaire relative à la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) , la
Malaisie avait adopté à l’égard de questions anal ogues concernant des con cessions pétrolières une
position très différente de celle qui est la sienne en l’espèce. La Malaisie avait alors fait valoir que
les concessions en cause n’englobaient pas les îles en litige et étaient, partant, sans pertinence pour - 35 -
la détermination de la souveraineté ⎯sans incidence sur celle-ci. La Cour, dans son arrêt, avait
résumé la position de la Malaisie en ces termes :
«La Malaisie fait valoir pour sa part que les concessions pétrolières des années
soixante ne concernaient pas la délimitation territoriale, et que les îles de Ligitan et
Sipadan n’avaient jamais été englobées dans les périmètres ayant fait l’objet de
concessions. Elle ajoute qu’«[a]ucune activité découlant des concessions
indonésiennes n’était en rapport avec les îles».» ( Souveraineté sur Pulau Ligitan et
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 664, par. 78.)
La Cour en avait conclu qu’elle «ne saurait dès lors tirer aucune conclusi on…de la pratique des
Parties en matière d’octroi de concessions pétrolières» (ibid., p. 664, par. 79).
22. Au vu des faits de l’espèce, le même rais onnement s’applique ici en ce qui concerne la
concession accordée à la Continental: on ne peut ti rer de l’octroi de cette concession la moindre
conclusion en ce qui concerne l’attribution de la souveraineté sur Pedra Branca, l’île n’étant pas
englobée dans cette concession. Dans l’accord de concession, il fut reconnu que les frontières
restaient à déterminer, et la compagnie pétrolière renonça à une grande partie de la zone de
concession, qui couvrait notamment les alentours de Pedra Branca, peu après son octroi.
3. Les arguments de la Malaisie fondés sur la largeur de sa mer territoriale
23. J’en viens maintenant aux arguments de la Malaisie fondés sur la largeur de sa mer
44 territoriale à proximité de PedraBranca. A cet ég ard, la Malaisie invoque l’ordonnance sur l’état
d’urgence (pouvoirs essentiels), mentionnée tout à l’heure par M.Bundy, qu’elle prit en1969 à
l’effet de porter la largeur de ses eaux territorial es de 3 à 12 milles marins. Elle tente de montrer
que par ce texte, elle étendit ses eaux territoriales «jusqu’à Pulau Batu Puteh et au-delà» (MM,
p. 123, par. 279 ; RM, p. 169, par. 360). Toutefois, l’ordonnance en question ne fit rien de tel.
24. L’ordonnance n’indique rien d’autre que la méthodologie que la Malaisie entendait
adopter dans le cadre de futures négociations portant sur la délimitation de sa mer territoriale.
Comme on le voit par exemple au paragra phe1 de la section12 de l’ordonnance ⎯ qui figure à
l’annexe 114 du mémoire de Singapour et à l’annexe 111 du mémoire de la Malaisie ⎯, le libellé
reprend pour l’essentiel celui des dispositions de la convention de Genève de1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë. L’ordonnance ne fait pas la moindre référence à Pedra Branca ou à
des questions de souveraineté, et aucune carte officielle englobant les eaux autour de Pedra Branca - 36 -
dans les eaux territoriales malaisiennes ne fut jamais publiée avant, disons, la parution de la carte
de la Malaisie représentant son plateau continental, en 1979.
25. Dans sa réplique, la Malais ie reproche à Singapour de ne pas mentionner le fait que la
section3 de l’ordonnance renvoie expressément à cer tains articles de la convention de Genève
de 1958, en particulier son article 12 (RM, p. 170- 171, par. 362-364). Comme la Cour le sait, cet
article dispose que, sauf accord entre eux, les Etats dont les côtes se font face ou sont limitrophes
ne sont pas en droit d’étendre leur mer territoriale au-delà de la ligne médiane. La Malaisie note en
outre que la section6 de l’ordonnan ce diffère de l’article12 dans la mesure où elle l’habilite, en
cas d’accord conclu avec un autre Etat côtier, à modifier par ordonnance l’étendue de ses eaux
territoriales. Par un prodigieux raccourci logique, la Malaisie affirme ensuite que ce texte vient
étayer la thèse malaisienne selon laquelle Pedra Branca était située dans ses eaux territoriales.
26. Très franchement, il est difficile de suivre le raisonnement de la Malaisie. Même les
références qu’elle fait à la section3 de l’ordonna nce et à la convention de Genève de1958 ne
servent pas les besoins de sa cause. Le tracé d’ une ligne médiane dépend clairement des points de
base que l’on utilise. Or, il ne ressort pas de l’or donnance malaisienne que de tels points de base
étaient situés sur Pedra Branca ni que la Malaisie pos sédait une mer territoriale autour de l’île. Il
n’y a, dans l’ordonnance de1969, aucune référe nce à la souveraineté, ou à Pedra Branca et aux
45 formations adjacentes. L’ordonna nce pourrait avoir été une expression d’ intention de la Malaisie
sur la manière dont elle procéderait aux fins de la délimitation ultérieure de sa mer territoriale.
Mais le fait est que l’ordonnance ne prévoit aucune délimitation, ni ne fait la moindre mention de
Pedra Branca. En bref, l’ordonnance ne contient rien que Singapour aurait pu juger contestable ou
qui aurait pu lui faire éprouver le besoin de protest er. On relèvera, en revanche, que lorsqu’il y a
eu réellement matière à contestation ⎯autrement dit, lorsque la Mala isie a effectivement fini par
publier, en1979, une carte représentant les limites extérieures de ses eaux territoriales et de son
plateau continental, et que ses in tentions sont devenues claires ⎯, Singapour s’est empressée de
protester. - 37 -
4. L’accord Indonésie-Malaisie de 1969 relatif au plateau continental
27. De même, l’accord Indonésie-Malaisie de 1969 sur la délimitation du plateau continental
n’a appelé aucune réaction de la part de Singapour. En tant qu’instrument bilatéral, cet accord était
sans préjudice des droits des Etats tiers. De plus, comme nous pouvons le voir sur
l’agrandissement de la zone pertinente du croquis actuellement projeté à l’écran et figurant sous
l’onglet37 du dossier d’audiences, le tracé de la ligne de délimitation convenue passait bien
en-deçà de Pedra Branca, comme le confirment les coordonnées indiquées à l’article I, section B, et
représentées sur le croquis.
28. Si Pedra Branca avait, en tant que territoir e malaisien, joué le moindre rôle dans cette
délimitation, elle aurait vraisembla blement eu des effets sur celle-ci. Il n’existe pourtant aucune
preuve que Pedra Branca ait été prise en compte . Dès lors, contre quoi Singapour aurait-elle pu
protester ?
5. L’utilisation des eaux autour de Pedra Branca par les pêcheurs du Johor
29. La Malaisie prétend également que les eaux autour de Pedra Branca étaient des zones de
pêche traditionnelles pour les pêcheurs du Johor. Elle a, dans son c ontre-mémoire, produit à
l’appui de cette affirmation les déclarations sous serment de deux pêcheurs locaux (CMM,
annexes 5 et 6) et a ajouté, dans sa réplique, que les Orang Laut pêchaient également dans les eaux
de Pedra Branca (par. 262, p. 132).
30. La première observation que l’on peut faire à cet égard est que ces deux déclarations ne
reflètent que des points de vue personnels et subjectif s sur un certain état de choses. Leur contenu
est, en outre, vague et général : seul l’un des pêcheurs fait explicitement mention de débarquements
sporadiques sur Pedra Branca (CMM, déclaration s ous serment de Saban Bin Ahmad, annexe6)
46 tandis que l’autre se contente de dire, sans donner aucun détail, que l’on savait que les gardiens du
phare hébergeaient de temps à autre les pêcheurs (CMM, déclaration sous serment d’Idris Bin
Yusof, annexe 5, p. 4).
31. Quoi qu’il en soit, les vues exprimées su r les activités des pêcheurs du Johor dans ces
déclarations n’étayent pas la th èse de la Malaisie puisque, mê me à supposer que la description
qu’elles en donnent soit conforme à la réalité, le fait que les pêcheurs du Johor, tout comme ceux
de Singapour et d’autres pays, aient pu de temps à autre utiliser les eaux autour de Pedra Branca - 38 -
comme zones de pêche ne suffit pas en soi à établir ou à confirmer un titre de souveraineté, ce que
la Malaisie reconnaît lorsqu’elle concède au paragraphe 530 de son contre-mémoire que «[c]e sont
des actes de particuliers» qui ne constituent pas une preuve de «conduite à titr e de souverain de la
Malaisie».
32. Ce qui est en revanche frappant, c’est l’ab sence totale de toute preuve de manifestation
de l’activité étatique malaisienne à l’égard de Pe dra Branca, qu’il s’agisse d’une législation sur la
pêche ou d’une réglementation relative aux pêcherie s, ou encore d’activités visant à faire respecter
la loi dans les eaux autour de Pedra Branca. En fait, il n’existe, en l’espèce, aucune activité
pouvant s’apparenter à une forme quelconque de contrôle administra tif ou législatif, pas même le
type de permis délivrés par le Honduras pour des activités liées à la pêche sur les îles en litige en
l’affaire Nicaragua c.Honduras , sur laquelle la Cour s’est récemment prononcée (Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt du 8 octobre 2007, par. 190-198) et dont la Cour a dit qu’ils constituaient «une
manifestation, certes modeste, de l’exercice d’une autorité» ( ibid., par. 196). En résumé, il n’a été
versé au dossier aucun élément prouvant que le Gouvernement malaisien ait exercé la moindre
autorité sur le territoire en litige.
33. A cet égard, l’observation que la Cour a formulée dans l’affaire relative à la Souveraineté
sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie) et a reprise dans l’arrêt qui a été rendu le
mois dernier en l’affaire Nicaragua c.Honduras ( Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la m er des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras) , arrêt du
8 octobre 2007, par. 194) est particulièrement pertinente. Comme l’a d it Cour, «les activités de
personnes privées ne sauraient être considérées comm e des effectivités si elles ne se fondent pas
sur une réglementation officielle ou ne se déroulen t pas sous le contrôle de l’autorité publique»
(Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (In donésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 ,
p. 683, par. 140).
47 34. De même, dans la présente affaire, les activités de nature limitée qui, d’après les
témoignages produits par la Malaisie, auraient ét é récemment menées par des particuliers sont,
même si l’on y ajoute foi, loin de prouver que le Johor ou la Malaisie détenaient un titre. - 39 -
6. Les patrouilles que la marine royale malaisienne aurait effectuées dans les eaux autour de
Pedra Branca
35. Enfin, s’agissant des arguments invoqués par la Malaisie au sujet des patrouilles que des
navires malaisiens auraient effectuées dans l es eaux autour de Pedra Branca, ils n’étayent pas
davantage la thèse de la Malaisie, d’autant plus qu’ils se fondent entièrement sur la déclaration sous
serment du contre-amiral Thanabalasingham (CMM, anne xe 4) qui n’est que le reflet de sa propre
interprétation.
36. Comme le reconnaît la Malaisie, Singapour ne possédait pas de force navale propre
jusqu’en 1975 et n’était donc pas, jusqu’à cette date, en mesure d’effectuer des patrouilles au large
de Pedra Branca de manière autonome (RM, p.250, par.537). La Malais ie reconnaît également
qu’elle a continué «d’être en partie responsable de la défense de [Singapour] en vertu de l’accord
de séparation de1965». Le fait est que, les Pa rties ont, pendant des anné es, continué à coopérer
étroitement pour la défense de leurs côtes, à te l point que leurs activités ont été qualifiées, dans un
communiqué conjoint de juin 1968, d’«inséparables» (voir RS, annexes 37, 38 et 39).
37. Ainsi que l’ont rappelé la Malaisie dans son c ontre-mémoire (CMM, p. 249, par. 536) et
le contre-amiral Thanabalasingham dans sa déclaration (CMM, anne xe4, par.11-15), les navires
de la force navale de Malaya, qui devint par la suite la marine ro yale de Malaya puis la marine
royale malaisienne, ont été basés à Singapour jusq u’en1997, soit pendant presque cinquante ans.
Compte tenu de cette situation, il n’y a rien d’ex traordinaire à ce que des navires malaisiens aient
pu passer à proximité de Pedra Branca lorsqu’ils quittaient ou rejoignaient la base de Singapour, et
rien, dans les documents produits par la Malaisie , ne montre qu’il serait approprié de qualifier ces
passages de «patrouilles» formelles ou qu’ils aien t eu le moindre lien direct avec Pedra Branca et
les formations adjacentes. En résumé, les prétendues «patrouilles» de la Malaisie n’apportent pas
la moindre preuve de la souveraineté malaisie nne sur Pedra Branca elle -même. En revanche,
comme l’a rappelé M.Bundy, la marine de Sing apour a, pendant vingt-huit ans, régulièrement
mené des activités spécifiquement destinées à faire r especter la loi dans des zones prédéterminées
situées au large de Pedra Branca (voir RS, annexe50), et ces activités officielles n’ont,
jusqu’en 2003, suscité aucune protestation de la part de la Malaisie.
48 38. Les souvenirs évoqués par le contre-ami ral Thanabalasingham dans sa déclaration au
sujet de son débarquement sur Pedra Branca en 1962 doivent également être replacés dans ce - 40 -
contexte. Cinq années auparavant, la Fédération de Malaya avait conclu un accord de sécurité avec
la Grande-Bretagne ⎯l’accord de défense anglo-malais du 12octobre1957 ⎯ qui prévoyait la
protection des territoires britanniques en Extrêm e-Orient, y compris Singapour. Même à supposer
que l’épisode relaté par le contre-amiral Thanabalasingham puisse équivaloir à une «patrouille»
dans les eaux autour de Pedra Branca ⎯ ce qu’il est difficile d’accepter ⎯, à l’époque des faits, la
marine royale malaisienne était tenue de protéger les eaux singapouriennes en vertu de l’accord de
défense anglo-malais. Il n’y avait donc rien de particulièrement remarquable dans cet épisode qui
aurait pu, à l’époque, appeler l’attention du gardien du phare et susc iter une protestation de la part
de Singapour. Ce qui est en revanche significa tif, c’est que le contre-amiral Thanabalasingham
n’ait jamais élevé de protestation contre le déploiement du pavillon de Singapour sur Pedra Branca.
Comme M. Bundy l’a rappelé plus tôt, ce pavillon, pas plus que celui, identique en tout point, qui
fut hissé sur le phare de Pulau Pisang, n’aurait pas pu lui éch
apper.
39. Les deux documents relatifs à un levé effect ué en 1967 par un navire de la marine royale
britannique, le HMS Dampier , fournissent un exemple pertinent du manque de spécificité des
éléments de preuve produits par la Malaisie: il s’agit d’une lett re de demande d’autorisation de
levé accompagnée d’une pièce jointe intitulée «Détails des levés effectués en Malaisie occidentale :
de mars à mai 1967» et d’une copie du levé (pièce s 6 et 7 jointes à la déclaration sous serment du
contre-amiral Thanabalasingham).
40. Il n’y a, dans les détails du levé figurant dans la pièce annexée à la lettre, pas la moindre
mention de zones situées à proximité de Pedra Branca. En réalité, les points mentionnés dans ce
document sont situés le long de la côte malaisienne et ne concernent aucune zone marine proche de
Pedra Branca. Il ne s’agit manifestement pas d’ une demande d’autorisation pour effectuer un levé
de la zone autour de l’île, et le fait qu’un navire de la marine royale britannique, le HMS Dampier,
ait, par la suite, effectué un levé des eaux au tour de Pedra Branca ne prouve nullement que
l’autorisation de réaliser ce levé ait été demand ée et obtenue, ni ne prouve quoi que ce soit quant à
la prétention actuelle de la Malaisie à la souveraineté sur cette île. A cette époque, comme la Cour
s’en souviendra, les navires de la flotte britannique qui étaient basés à Singapour traversaient et
contrôlaient régulièrement, dans le cadre de leur mission, les eaux de Singapour. - 41 -
Conclusions
49 41. En conclusion, aucune des activités invoquées par la Malaisie à l’ appui de son prétendu
titre originaire n’équivaut à un acte accompli à titre de souverain sur le territoire en litige lui-même
⎯ à savoir Pedra Branca et les formations adjacentes.
⎯ Ni la lettre, non publiée, de 1968 de M.Thanabalasingham, alors contre-amiral, ni les cartes
qui lui étaient jointes, car il s’agissait de docum ents internes et confidentiels qui ne sont pas
revêtus de l’autorité juridique nécessaire pour fonder un titre ou déplacer celui, souverain, de
Singapour.
⎯ Ni l’accord pétrolier de 1968 conclu entre la Malais ie et la Continental, car aucune conclusion
juridique ne saurait être tirée de l’octroi d’un e concession pétrolière qui excluait expressément
toutes les îles de la zone, qui reconnaissait que les frontières restaient à déterminer, qui ne
donna lieu à aucune activité de prospection et qui fit bien vite l’objet d’une renonciation.
⎯ Ni l’ordonnance de 1969 relative à l’extension de la mer territoriale de la Malaisie, car elle ne
faisait rien de plus qu’énoncer la méthodologie qui serait employée aux fins de futures
délimitations sans préciser quelles étaient les zones considérées par la Malaisie comme
appartenant à sa mer territoriale, et ne faisait aucune mention de Pedra Branca.
⎯ Ni l’accord Indonésie-Malaisie de 1969 relatif au plateau continental, car il était res inter alios
acta en ce qui concerne Singapour et parce que, en tout état de cause, la zone située autour de
Pedra Branca en était exclue.
⎯ Ni les activités sporadiques et non exclusives des pêcheurs du Johor, car elles étaient de nature
entièrement privée et ne furent pas menées au titre de lois ou de règlementations officielles qui
eussent pu représenter une manifestation d’autorité à l’égard de Pedra Branca.
⎯ Ni, enfin, les patrouilles prétendument effectuées dans les eaux situées autour de Pedra Branca
des navires malaisiens : car il n’a pas été prouvé que de telles activités, qui démontreraient que
la Malaisie estimait avoir souveraineté sur Pe draBranca et les formations qui lui sont
associées, ont bel et bien eu lieu. - 42 -
42. En définitive, Monsieur le président, Messi eurs de la Cour, la c onduite de la Malaisie
n’est en rien comparable à celle de Singapour. Singapour a montré que sa souveraineté sur
Pedra Branca avait été établie par la prise de possession de l’île en 1847-1851, et que son titre avait
ensuite été confirmé et maintenu par l’accomplissement systématique, sur le terrain, d’actes
50 officiels à caractère souverain, expessément ou implicitement reconnus ⎯sa conduite en
atteste ⎯ par la Malaisie.
43. La Malaisie, en revanche, ne peut exciper d’activités concurrentes comparables. Celles,
vagues et parcellaires, qu’elle i nvoque à l’appui de sa thèssi minces et peu convaincantes
qu’elles ne sont pas même assimilables à des effectivités sur Pedra Branca, ni ne peuvent, à fortiori,
venir confirmer le moindre titre sur l’île.
44. En dernière instance, la question de sa voir qui détient la souveraineté sur PedraBranca
dépendra de l’appréciation des éléments attestant l’acquisition de la souveraineté et l’exercice de
fonctions étatiques sur place. Et, au vu des faits de l’espèce, la conclusion s’impose : Pedra Branca
relève et a, à toutes les époques considérées, relevé de la souveraineté territoriale de Singapour.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, voilà qui clôt mon exposé. Je vous remercie de
votre attention, et je vous serais reconnaissante de bien vouloir appeler à la barre M. Pellet.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie, Madame
Malintoppi. Je donne maintenant la parole à M. Pellet.
M. PELLET : Merci infiniment, Monsieur le président.
T HE RECOGNITION BY M ALAYSIA OF S INGAPORE ’S
SOVEREIGNTY OVER P EDRA B RANCA
1. Mr. President, Members of the Court, the second⎯ and, I am afraid, not the last⎯
statement I have the honour to present on behalf of Singapore will lead me to return to the various
circumstances in which Malays ia recognized Singapore’s sovereignty over Pedra Branca, both
through positive actions and throu gh its silence. This will be a general review, but I would make
clear at the outset that this morning I shallreferring neither to the maps which also provide - 43 -
evidence of that recognition, as Loretta Malintoppi will show, nor to the Straits Lights System, the
legal significance of which will be established by Rodman Bundy, nor to the extremely important
declaration by which Johor, in 1953, expressly reno unced any claim to Pedra Branca. We shall
return to these particular aspects tomorrow morning. But it is important to bear in mind that all this
51 forms a whole ⎯ a pattern which gives a particularly clear picture of what is at issue ⎯ a pattern
of consistent actions that support each othe r and establish beyond any question that neither
Malaysia, nor its predecessor J ohor, have ever entertained the least doubt concerning Singapore’s
sovereignty over the island that is today claimed by Malaysia, in flagrant contrast with its past
conduct.
2. This being the case, Mr.President, I must confess to being perplexed: throughout our
written pleadings, we dwelt at length on this rec ognition by Malaysia, by action or omission, of
1
Singapore’s sovereignty over Pedra Branca . With the slight exception of a few paragraphs in its
Counter-Memorial 2, Malaysia has consistently taken care not to refute these arguments, despite
their clarity and precision. This “refusal at an obstacle” should no doubt be seen as a further form
of recognition by Malaysia, a “procedural” one on this occasion, of Singapore’s sovereignty.
3. In the circumstances, it may be sufficient , Members of the Court, to refer you to what
Singapore has said on this point in its pleadings. Unfortunately, we thought it impossible to spare
you this presentation completely: to pass over in silence the instances of express or tacit
recognition of Singaporean sovereignty over PedraBranca by Malaysia would result in giving an
incomplete and truncated picture of the case ⎯ since everything is connected, Mr. President:
Singapore took possession of the island (previously terra nullius) during the period 1847-1851;
since then, it has occupied the island uninterr uptedly and carried out numerous and diverse
activities there à titre de souverain;
these effectivités are in striking contrast to the total lack of any official Malaysian presence, as
Loretta Malintoppi has just shown;
1
See in particular: MS, pp.139-154 and p.160; CMS, pp.156-163 or 172-173; or RS, pp.187-213 and
pp. 218-219.
2CMM, p. 92, para. 185, and pp. 227-234, paras. 485-500. - 44 -
however, this “ineffectivité” or lack of “effectivité” is perfectly consistent with both Johor’s
express disclaimer of any title to Pedra Branca in 1953 and the whole series of express or
implicit acts of recognition of Singapore’s sovere ignty, concerning which Malaysia obstinately
refuses to express its views.
52 I. Implicit recognition
4. Mr. President, Malaysia has several times been guilty of “a failure to react in any way, on
an occasion that called for a reaction in order to a ffirm or preserve title in the face of an obvious
rival claim” ( Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports
1962, p.31). It has thus acquiesced in Singapore’s exercise of the prerogatives deriving from its
sovereignty over Pedra Branca. However, according to the terms used by the Chamber of the Court
in the Gulf of Maine case, “acquiescence is equivalent to t acit recognition manifested by unilateral
conduct which the other party may interpret as consent” (Delimitation of the Maritime Boundary in
the Gulf of Maine Area (Canada/United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 305,
para. 130).
5. In fact, as Rodman Bundy has shown, Si ngapore’s activities “à titr e de souverain” have
been constant and continuous, as has, to an equa l degree, the silence kept by Malaysia (and its
predecessor) in the face of these ac tivities: neither Johor nor Malaysia protested against them
before the dispute arose, or even , as a matter of fact, during the ten years that followed publication
of the 1979 map.
6. It was only in 1989 that Malaysia, for the first time, addressed a note to Singapore
protesting against an activity of the latter: this was the erection on Pedra Branca of a radar station
as part of the vessel traffic information system already established on the island 3. Before that,
there was nothing other than a passing remark concerning the denial of access to two officials of
the Survey Department of West Malaysia who landed on Pedra Branca in order to carry out
4
triangulation observations . This remark was made during a discussion which took place in 1978
at the request of a counsellor of the Singapore High Commission in Kuala
Lumpur 5.
3MS, Ann. 164, note EC 60/89 of 14 July 1989.
4
MS, p. 112, para. 6.63; CMM, pp. 204-205, paras. 424-425; RS, pp. 154-155, para. 4.146.
5See CMM, Ann. 45; RS, Ann. 51. - 45 -
7. There was no reaction from Johor, for example, following the adoption of Act No. VI of
6
1852 of the Government of India , which provided for the integration of the Horsburgh lighthouse
53 into the British colonial legislative system 7, or the adoption in 1852 of Act No.XIII 8 , which
strengthened the powers of the Government of India in this regard 9. Mr.Bundy mentioned this
earlier. Nor was there any reaction in 1883, when the jetty was reinforced and a small landing
stage was constructed 10; or in 1902, when the harbour equipment was upgraded 11. Again, there
was no reaction from Malaysia when, in 1977, Si ngapore installed heavy military communications
equipment on the island. However, this activity, a signal manifestation of State authority, required
the intervention, which could not have passed unno ticed, of a military helicopter, not only at the
time of the construction itself, but also after the installation of the relay station for purposes of
12
maintenance . And this silence is made all the more eloquent by the fact that the relay station was
set up two years before the publication of the 1979 map and that it persisted in the ensuing years.
8. The same comment is called for with rega rd to Kuala Lumpur’s silence when, in 1978,
Singapore published an invitation for tende rs to carry out a reclamation project ⎯ or perhaps I
should say a polder-creation project, for after all we are in the Netherlands ⎯ in maritime areas
around Pedra Branca 13: this too was done openly; this too obviously concerns the island itself and
the adjacent waters, and not the lighthouse; and it happened shortly before Malaysia’s first claim
to Pedra Branca ⎯ that is, at a moment when one might have expected it to be particularly careful
to assert its alleged rights.
9. The same is true, for example, of Malaysia’s silence on the occasion of the adoption of the
tripartite statement dated 16November1971 on ma tters relating to the Straits of Malacca and
Singapore 14, or of resolution 375 (X) of the IMCO Assembly dated 14 November 1977 establishing
6See MS, Ann. 59.
7See MS, pp. 94-96, paras. 6.11-6.19; RS, pp. 47-48, para. 3.34, or pp. 132-134, paras. 4.88-4.91.
8
MS, Ann. 62.
9
See MS, pp. 96-98, paras. 6.20-6.22; RS, p. 136, para. 4.97, or p. 196, paras. 6.20-6.21.
10
See MS, p. 99, para. 6.28.
1See MS, p. 100, para. 6.28.
1See MS, pp. 116-118, paras. 6.72-6.75; RS, pp. 204-205, paras. 6.47-6.49.
1See MS, pp. 123-124, paras. 6.88-6.90; RS, pp. 208-210, paras. 6.56-6.60.
14
MS, Ann. 116. - 46 -
a new navigation system in the Straits and, in particular, in the Horsburgh lighthouse area 15.
16
Regardless of what Malaysia has written on the matter , one might reasonably have expected a
54 State anxious to preserve its rights over a maritime area over which it had claims, contradicted by
practice, to take advantage of these opportunities to formulate them. Nothing of the sort happened.
10. More generally, it is revealing that, with the single exception of the 1978 incident, which
I have just mentioned, following the expulsion of two Malaysian surveyors from Pedra Branca, in
no other circumstance did Malaysia, before 1989, protest against any of the very numerous
manifestations of sovereignty by Singapore over Pedra Branca and the surrounding waters and
islets, which Mr. Bundy has just described. Its silence is total, whether concerning:
the many improvements, not only to the Horsburgh lighthouse but also to the island itself 17;
the regulations (which could not be more public) concerning access to Pedra Branca and the
18
administration of the island ;
the Singapore naval patrols in the adjacent waters 19;
the Notices to Mariners and the many measures taken by Singapore with respect to security in the
20
area ; or
the rescues following shipwrecks and other navigational incidents and the ensuing enquiries, or the
21
protection of wrecks ; or
22
the collection of meteorological data .
11. On all these points, the only thing that Malays ia finds to say is this: “Il ne s’agissait pas
d’une conduite à titre de souverain , ce qui, pour reprendre les term es employés par la Cour dans
23
l’affaire du Temple de Préah Vihéar , n’appelait pas de réac tion de la Malaisie.” . But it did,
Mr. President! If only because these are indeed acts of governments ⎯ acts à titre de souverain ⎯
15MS, Ann. 134, see Ann. III.
16
CMM, pp. 233-234, paras. 499-500.
17
MS, pp. 99-102, paras. 6.27-6.34; RS, pp. 139-142, paras. 4.107-4.114.
18
MS, pp. 93-99, paras. 6.10-6.25, pp. 103-104, paras. 6.35-6.40, pp. 109-113, paras. 6.54-6.64; RS, pp. 132-138,
paras. 4.87-4.103, pp. 151-156, paras. 4.138-4.148.
19
MS, pp. 115-116, paras. 6.69-6.71, pp. 156-158, paras. 4.149-4.154.
20MS, pp. 116-118, paras. 6.72-6.75; RS, pp. 138-139, paras. 4.104-4.106, pp. 159-160, paras. 4.155-4.158.
21MS, pp. 118-124, paras. 6.76-6.90; RS, pp. 160-168, paras. 4.159-4.178.
22MS, pp. 105-107, paras. 6.42-6.46; RS, pp. 142-145, paras. 4.115-4.120.
23
CMM, pp. 227-228, para. 485. - 47 -
55 as my colleague and friend Rodman Bundy has so excellently shown. (Furthermore, I note in
passing that when, much more recently, Malaysia tr ied to “shore up its case”, it protested precisely
against the same type of acts as those which it disputes were previously carried out “à titre de
souverain”: for example, against the construction of a radar station 24 or concerning activities
25
connected with maritime incidents around Pedra Branca and naval patrols conducted by the
Singapore Navy around the island 26.) All these activities on the part of Singapore were carried out
in broad daylight and could not escape Malaysia’s attention; they constitute a group of coherent
acts that took place over a period of more than 130years. I can only repeat, it is quite simply
unthinkable that a State anxious to preserve its ri ghts should have shown itself so negligent, all the
less so as Malaysia has shown ⎯ in other circumstances, but with regard to rights genuinely
appertaining to it ⎯ that it was not at all negligent.
12. The contrast between its total, persiste nt negligence concerning its alleged rights over
Pedra Branca and its meticulous affirmation of its (very genuine) rights over Pulau Pisang is indeed
striking.
13. In this regard, one clarification needs to be made at the outset: in their written pleadings,
the two Parties have compared the régime and pract ice relating to the two situations; Malaysia has
27
made much of the similarities in this regard ; Singapore has stressed the differences between the
two 28. In spite of what Malaysia wishes us to believe, the two lines of argument are not
symmetrical: first, Singapore’s arguments concer n not only the lighthouses in question, but also,
and above all, the islands on which they are locat ed, whereas Malaysia attempts to focus attention
exclusively on the lighthouses; secondly, while it is quite evident that the management and
maintenance activities carried out on the two lighthou ses are comparable, what is important are the
Parties’ differences of attitude with regard to the islands on which they are located ⎯ and these
differences are extremely significant.
24MS, Ann. 164.
25
MS, Anns. 202 and 204; CMS, Anns. 57 and 63.
26
MS, Ann. 203.
27MM, p. 106, paras. 232-234, p. 112, para. 250; CMM, pp.145-146, paras. 304-305; RS, pp.155-156,
paras. 319-323.
28MS, pp. 143-145, paras. 7.12-7.17; CMS, pp. 156-158, paras. 6.63-6.66; RS, pp. 200-203, paras. 6.32-6.43. - 48 -
14. First there are the differences, which are glaring, in the way in which the two lighthouses
were established ⎯ one (Pisang) was authorized by Johor, the other (Pedra Branca) was not the
56 subject of any such permission, as I showed yester day. There is also the clear affirmation by
Malaysia of its sovereignty over Pulau Pisang, in striking contrast to the express disclaimer by
Johor of any title to Pedra Branca, as I shall show tomorrow. But these differences also concern, as
29
Singapore has shown :
⎯ the financing of the maintenance of the two lighthouses;
⎯ the control of access to the island;
⎯ including access by the persons responsible for maintaining the lighthouses;
⎯ Singapore’s activities not connected with the lighthouses, which are numerous on Pedra Branca
and in the surrounding waters, but non-existent on Pulau Pisang and in the adjacent territorial
sea; and
30
⎯ last but not least, the flag that flies over each lighthouse .
15. In this connection, Mr. Bundy recalled a moment ago that, in 1968, Malaysia called upon
Singapore to cease flying its own flag over Pisang; it has never objected to its flying over
Pedra Branca ⎯ which has been the case of the British fl ag since the lighthouse was built, and of
the Singaporean flag since its accession to independence. This, Mr.President, is because
Pulau Pisang belongs to Malaysia. Pedra Branca, over which Singapore has continuously acted as
sovereign with no objection from Malaysia, does not be long to it! Of course, the fact that the
lighthouse placed on both the islands was, in bot h cases, operated by Singapore does not change
anything.
16. In vain does Malaysia assert that it was totally unaware of Singapore’s activities on
Pedra Branca and in its immediate neighbourhood, or that it wished to avoid an improbable violent
clash with Singapore. Apart from the fact that these two “defences”, presented in passing in the
31
Malaysian Counter-Memorial , are wholly incompatible with one another, it cannot be accurate
that Malaysia was ignorant of all these activities, ca rried out quite overtly, over a very long period,
29
See ibid.
30
See MM, pp. 142-144, paras. 7.10-7.14; see too pp. 73-74 , para.5.89; RS, pp. 205- 208, paras. 6.50-6.55; see
too pp. 145-150, paras. 4.121-4.137.
31CMM, p. 92, footnote 247. - 49 -
and whereas our opponents also rely on intense ac tivity as sovereign in the territorial sea of Pedra
57 Branca and even on the island itself and, in partic ular, on a constant naval presence in the adjacent
32
waters . But, as Ms Malintoppi has shown, that is an imaginary presence.
17. One can, I think, Mr. President, unhesitatingly transpose the ample, settled and clear case
law of which the Arbitral Tribunal provided a m asterly summary in its Award of 19 October 1981
in the Dubai/Sharjah Border case 33. There would seem to be no purpose in inflicting the task of
reading these again on you, Members of the Court: the passage and the relevant references may be
34
found in our Memorial (Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras:
Nicaragua intervening), Judgment, I.C.J. Reports 1992 , p. 577, para. 364; Territorial Dispute
(Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 35, para. 66; Sovereignty over
Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p.685,
para.148). The inescapable conclusion is that: “ it emerges from this analysis that a State must
react, although using peaceful means, when it consider s that one of its rights is threatened by the
action of another State.” Malaysia has never r eacted to any of the many consistent acts of
sovereignty performed by Singapore on the island a nd in the surrounding waters, and there is no
escaping the fact, to paraphrase the Judgment of the Court in 1951 in the case concerning Fisheries
(United Kingdom v. Norway), “that in respect of a situation wh ich could only be strengthened with
the passage of time, the Government [of Mala ysia] refrained from formulating reservations”
(Judgment, I.C.J. Reports 1951, p. 139). Moreover, I note that it would be bad grace on Malaysia’s
part to dispute this conclusion, at least in the domain of law: for Malaysia itself relies on
Singapore’s silence regarding its alleged acts of sovereignty on the island and surrounding
35
waters . The difference is that the acts concerned ar e the product of its counsel’s imagination, a
fertile imagination to which I am pleased to pa y tribute, as Mr. Bundy has shown, whereas the acts
Singapore can instance are very real . . .
32
Cf. CMM, pp. 234-235, paras. 501-502, and pp. 248-260, paras. 533-549.
33ILR, 1993, pp. 622-624.
34MS, pp.148-150, para.724. See also the Award de livered on 9October1998 by the Arbitral Tribunal
following the first stage of the proceedings between Erithrea and the Republic of Ye(Territorial Sovereignty and
Scope of the Dispute), United Nations, RIAA, Vol. XXII, p. 282, para. 306.
35Cf. MM, p.121, para.278; p.133, para.280; p.124, pa ra.282; RM, p.169, para.359; p.171, paras.364
and 366-367, or p. 175, para. 372. - 50 -
58 II. Express recognition
18. But this goes further, Mr. President. Not content with not reacting when it should have
done to Singapore’s manifestations of sovereignty on the island, Malaysia also recognized that
sovereignty by quite unambiguous acts or failures to act.
[Slide 1: Sketch-map illustrating the delimit ation of the continental shelf under the
1969 Agreement between Indonesia and Malaysia (judges’ folder, tab 37)]
19. Among the latter, I would draw your atten tion, Members of the Court, to the Agreement
concluded by Malaysia with Indonesia in 1969 with a view to the delimitation of the continental
shelf. It is revealing that the Parties to this instrument agreed on the delimitation of their respective
continental shelves, while nevertheless carefu lly refraining from extending that limit to the
approaches to Pedra Branca 36, which showed that Indonesia and Malaysia were clearly aware that
these waters could not be delimited between them. This failure which, obviously, was calculated
and deliberate, is, of course, not without legal significance, as my colleague and friend
LorettaMalintoppi has just shown. The illustrativ e sketch-map at tab37 is again being shown
behind me.
[End of slide 1]
20. The same also applies, a fortiori, to the acts ⎯ positive ones ⎯ by which Malaysia has
clearly expressed its conviction that Singapore exerci sed full sovereignty over the island. This is
the case, in particular, of the requests for permission addressed on several occasions by the
Malaysian authorities to Singapore to enable them to engage in various activities on Pedra Branca
or in the surrounding waters.
21. This is the case, for example, of a 1974 study mission on tides which wished to take
37 38
readings from Pedra Branca . As Singapore’s Reply showed , the request for permission from an
officer in the Malaysian navy did indeed relate to the island itself and not the lighthouse: a request
limited to the lighthouse would not have had much point, since the purpose was
59 “(a) pour réapprovisionner le camp des marées en nourriture et en eau ;
3MS, Vol. 6, Ann. 114 (or MM, Vol. 3, Ann. 111).
37
See MS, pp. 111-112, para. 6.61; CMM, pp. 202-203, paras. 417-418; RS, pp. 188-190, paras. 6.5-6.9.
3See ibid. - 51 -
(b) pour effectuer des réparations urgentes sur le transpondeur ;
(c) pour effectuer une triangulation.” 39
Nor can there by any doubt either about the fact that it was the territorial sovereign on the island
whom the Naval Commander approached and that it was in this capacity that the Singapore Port
Authority acted. A detail in the Commander’s reply to the request for information made by
Singapore leaves us in no doubt about this: “Nous proposons de ne pas exiger de liste des membres
du personnel qui débarquent occasionnellement au phare Horsburgh et chaque débarquement sera
escorté par votre représentant, le débarquement ne durant normalement que quelques heures.” The
English is perhaps not perfect but it is indeed acts by a public authority that are involved.
22. On the same lines is the case of the Pedoman, on which the Parties have dwelt at some
40
length . The Pedoman was a Malaysian government vessel responsible for measuring tides in the
Singapore Strait. As it was preparing to enter th e territorial waters of PedraBranca, the High
Commission of Malaysia sent a note to the Singapore Ministry of Foreign Affairs stating that: “Le
haut Commissariat saurait gré au ministère de l’aider à obtenir l’autorisation, pour le NV Pedoman,
41
de pénétrer, aux fins susmentionnées, dans les eaux territoriales de Singapour.” The context
shows that there could be no doubt that the terr itorial waters in question were those of Pedra
Branca. Permission was granted 42.
[Slide 2: Extract from the sketch-map appended to the letter from the Malaysian High Commission
in Singapore of 26 March 1980, annotated (RS, insert 11)]
23. The same scenario occurred after the publi cation of the 1979 map: it was the case with
the 1980 episode relating to plans for a submarine power cable between Sarawak and Peninsular
Malaysia 43. Malaysia, in its Counter-Memorial ⎯ it did not return to the episode in its Reply ⎯
60 sought to obscure the relevant circumstances as far as possible. These are limited to the following:
39
MS, Ann.122 (Letter from Lieu tenant Commander Mak S.W., KD Perantau, to Hydrographic Department,
Post of Singapore Authority, 22 April 1974).
40
MS, p.112, para.6.62 and pp.152-153, para.7.32; CMM, pp.203-204, paras.420-422; RS, p.191,
paras. 6.10-6.11.
4MM, Ann. 137, Note EC 219/78 of 9 May 1978.
4MS, Ann. 138, Note MFA 115/78 of 12 May 1978.
4MS, pp.153-154, para.7.34; C MM, pp.205-208, paras.426-435; RS, p. 155, para. 4.147 and pp. 192-194,
paras. 6.12-6.16. - 52 -
⎯ on 28January1980, the Malaysian High Commission in Singapore sent a letter to the
Singapore Ministry of Foreign Affairs requesting the approval by the Singapore Government of
a project to install a power cable between Indonesia and Malaysia: “I would appreciate if early
approval could be granted by yo ur Government since the above project will cover also your
territorial waters” 4;
⎯ here again, the territorial waters concerned could only be those of Pedra Branca ⎯ as is shown
very clearly, moreover, by the sketch-map currently on the screen behind me, which was taken
from that appended to the letter of 26Marc h1980 from the Malaysian High Commission in
Singapore giving further details of the project. The letter indicated that this was “the likely
point where the said survey would take place” 45. The intention is clear: it was to illustrate the
route envisaged at the time for the cable and, consequently, for the feasibility work ⎯ the
survey itself;
46
⎯ Singapore’s Ministry of Foreign Affa irs gave its approval on 7June1980 ; and, to my
knowledge, Malaysia did not take exception to the question asked in that same letter, whereby
the Ministry enquired as to the exact route envisag ed in Singapore’s territorial waters: “Etant
donné que les zones envisagées pour l’étude affect eraient les eaux territoriales de Singapour,
les autorités singapouriennes souhaiteraient r ecevoir les coordonnées des zones à étudier
situées dans les eaux territoriales de Singapour”;
⎯ it goes without saying that neither that request fo r additional information, nor the fact that a
different route was finally selected, in any way diminishes the probative nature of the episode;
no more than Malaysia’s belated “repentance”, when, a few days after receiving Singapore’s
protest note concerning the 1979 map 47, it pretended to have realized, finally, that the waters
48
61 affected by the survey (and by th e cable) were entirely Indonesian . That cannot change in
any way the fact that Malaysia had spontaneous ly considered that Singapore’s permission was
44
MS, Ann. 143.
45
MS, Ann. 145.
46MS, Ann.147 (Letter from the Singapore Ministry of Fo reign Affairs to the Malaysian High Commission,
7 June 1980).
47MS, Ann. 144 (Singapore’s Note MFA 30/80, 14 Feb. 1980).
48See CMM, Ann.47 (Letter from the Director Genera l of the Economic Planning Unit, Malaysia, to the
Secretary General of the Ministry of Foreign Affairs, Malaysia, 26 Feb. 1980). - 53 -
necessary, in accordance with previous practice, because the sea in the vicinity of Pedra Branca
was involved.
[End of slide 2]
24. Mr. President, these are only examples, albeit very significant ones: until 1989, neither
Malaysia nor its predecessor, Johor, expressed th e slightest doubt as to Singapore’s sovereignty
over Pedra Branca. Both remained silent as Singapore exercised its prerogatives of public
authority over the island, and Malaysia never fa iled to request authorization from Singapore to
conduct oceanographic or meteorological surveys on PedraBranca or in the adjacent waters.
Those are without a doubt concordant demonstrati ons of Singapore’s sovere ignty. And this is
reminiscent of the Temple of Preah Vihear case, in which a whole range of omissions, silences and
positive acts ⎯ considerably less clear-cut than in the case before us, in my opinion ⎯ were
invoked against Siam, from which the Court deduced that it seemed clear that:
“Siam did not in fact believe she had any title — and this would be wholly consistent
with her attitude all along, and thereafter, to the Annex I map and line — or else she
decided not to assert it, which again means that she accepted the French claim, or
accepted the frontier at Preah Vihear as it was drawn on the map” ( Temple of Preah
Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962 , p.31; see
also pp.32-33 and, for example, Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
(Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 685, para. 148).
25. Furthermore, Mr. President, all the conduct by Malaysia which I have described, whether
it be “positive” acts, omissions, or silence when it should have made its voice heard, represents
only some aspects of a much greater whole; there are others which support such a conclusion in
every way:
⎯ the Straits Lights System, which Mr. Bundy will describe in his next presentation;
⎯ the Malaysian maps, prior to 1979, which Ms Malintoppi will address tomorrow;
62 ⎯ the disclaimer by Johor of any title to Pedra Branca, to which I myself will return briefly.
All these acts point to the same conclusion a nd add further weight to it: until 1979 (and in
practice until 1989), Malaysia continually acted in full awareness that sovereignty over Pedra
Branca belonged to Singapore ⎯ sovereignty which it expressly recognized on many occasions,
moreover.
Members of the Court, I am very grateful for your attention. - 54 -
Nous sommes prêts à nous arrêter maintenant, ou, si vous préférez, M. Bundy est prêt à
entamer sa plaidoirie sur le système de phares des détroits, sur lequel la Malaisie semble impatiente
d'entendre nos vues.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de prési dent : Puis-je savoir combien de temps cela
devrait prendre ?
M. PELLET : La plaidoirie peut être interrompue à tout moment qui vous convienne. Par
conséquent, cela dépend de vous.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je pense qu'il pourrait commencer
maintenant. Merci.
M. PELLET : Je vous remercie infiniment.
M. BUNDY : Merci. Monsieur le président, Messieurs de la Cour.
L E SYSTÈME DES PHARES DU DÉTROIT
Introduction
1. A ce stade du premier tour de plaidoiries de Singapour, il m’incombe d’examiner un autre
élément de la thèse de la Malaisie, à savoir l’importance juridique du système des phares des
détroits qui a été mis en place au fil des ans pour fi nancer et entretenir différents phares situés dans
le détroit de Singapour et celui de Malacca. Mon exposé durera 30 à 35 minutes au total mais je
pense m’interrompre vers 13 heures, si cela convient à la Cour.
2. Dans le cadre des efforts qu’elle dé ploie pour compenser le fait que Singapour a
administré et contrôlé Pedra Branca de 1851 à nos jours, la Malaisie, dans ses écritures, procède à
une description détaillée des dispositions financ ières adoptées pour l’administration d’un certain
63 nombre de phares de la région, y compris celui de Pedra Branca. Son intention, en présentant ces
informations, ressort assez clairement de son contre-mémoire, dans lequel elle écri:t
«L’établissement et l’administration des phares des détroits n’ont pas été considérés comme un
critère déterminant de la souveraineté sur les territoires considérés.» (CMM, par. 298.) - 55 -
3. Sur un certain plan, l’affirmation de la Ma laisie est incontestable. Singapour ne veut pas
dire que le système qui a été mis en place pour financer les opérations du phare après 1851, date à
laquelle il fut mis en service était, en soi, dé terminant pour la question de la souveraineté sur
PedraBranca. Comme Singapour l’a expliqué dans ses écritures et dans ce premier tour de
plaidoiries, elle tire son titre de la prise de po ssession légale de l’île par la Grande-Bretagne
pendant la période allant de 1847-1851, dont a parlé M.Brownlie, et de l’exercice continu par
Singapour de l’autorité souveraine sur l’île depuis cette période, qui a confirmé et maintenu ce titre.
Tout à l’heure, Singapour a également montré co mment la Malaisie a effectivement reconnu la
souveraineté de Singapour et s’est abstenue d’exer cer elle-même des activité s concurrentes sur le
territoire en litige, et comment aucune preuve ne vient appuyer sa prétention extravagante à un
«titre historique» sur Pedra Branca.
4. Néanmoins, la manière dont les Parties se sont occupées des questions relatives à
l’établissement et à l’entretien des phares dans la région apporte un écl airage supplémentaire
important sur la conception qu’elles se faisaient des questions de souveraineté. Comme je le
montrerai ici, les Parties se sont comportées de manière très différente à l’égard des îles comme
PedraBranca, où la souveraineté de Singapour était établie, et à l’égard d’autres îles comme
Pulau Pisang, sur lesquelles c’était la Malaisie qui détenait le titre.
*
* *
64 1. Le cadre juridique des phares de la région
5. Mon point de départ pour l’examen du sy stème des phares des détroits est le cadre
juridique dans lequel les phares en question ont été établis. Pour suivre plus facilement ces
explications, vous trouverez à l’écran, et dans votr e dossier — je pense que vous l’aurez dans le
dossier de demain sous l’onglet38 ⎯une carte montrant les divers phares dont je vais parler.
Voici la carte, vous la trouverez demain dans le dossier d’audience. - 56 -
[Diapositive ⎯ carte représentant le phare Horsburgh sur PedraBranca, le phare de
Pulau Pisang, le phare du cap Rachado, le phare One-Fathom Bank et l’emplacement de Pulau Aur]
6. Dans l’examen de cette question des phares, je demanderai respectueusement à la Cour de
ne pas perdre de vue le point suivant : lorsque l’in tention des Etats de la région était d’autoriser la
construction et la gestion d’un phare par l’une des parties sur une portion de territoire appartenant à
l’autre, ces Etats consignaient expressément ces arrangements par écrit. En revanche, lorsqu’il
n’était pas nécessaire d’obtenir l’autorisation d’un souverain local, parce que le phare se trouvait
soit en haute mer soit sur un territoire n’appartenan t pas à ce souverain, il n’y avait pas d’accord
écrit Je montrerai comment ce principe a été appliq ué dans la pratique en examinant chacun des
phares représentés sur la carte, dans l’ordre de leur construction.
7. En ce qui concerne Pedra Branca, — premier phare construit dans la région — bien que la
Malaisie affirme que les Britanniques ont construit le phare Horsburgh seulement après avoir reçu
l’autorisation du sultan de Johor, M. Pellet a mont ré qu’aucune autorisation de ce genre n’avait été
demandée ou obtenue, ni n’était nécessaire. Aucune autorisation n’était nécessaire puisque
Pedra Branca n’appartenait pas à Johor. Ce que m ontrent les faits, comme l’a dit M. Brownlie, ce
sont les actes officiels qu’a effectués la Couronne britannique pour la prise de possession légale de
l’île en 1847-1851, suivis de la promulgation pa r les autorités britanniques de lois spécifiques
⎯ les lois de 1852 et 1858 dont j’ai parlé tout à l’heure ⎯ concernant Pedra Branca et consacrant
l’appartenance du phare et de ses dépenda nces à la Couronne britannique, ainsi que
l’administration de l’île que Singapour a ultérieu rement exercée, sans rencontrer aucun obstacle,
jusqu’à aujourd’hui.
8. De même, l’installation par la Grande-Bre tagne du deuxième phare mis en service dans la
région en 1852 ⎯le feu flottant de One-Fathom Bank (a ppelé à l’origine 2,5FathomBank mais
65 déplacé par la suite) l’installation de ce feu —ce n’était pas un phare ⎯ ne s’est accompagnée
d’aucune permission et d’aucun acte de cession émanant d’un souverain de la Malaisie
continentale. Comme je l’ai dit dans mon intervention précédente, le feu était situé sur un banc de
sable immergé, bien au-delà des eaux territoriales de la Malaisie continentale, dans la haute mer, et
il n’était donc sous la souveraineté d’aucun Etat ma lais si bien que les Britanniques n’avaient nul
besoin d’une autorisation pour l’installer. - 57 -
9. Cette situation s’est toutefois radicalem ent modifiée lors de la construction par la
Grande-Bretagne du phare suivant ⎯ le phare du Cap Rachado, construit en 1860 sur la côte de la
Malaisie continentale le long du détroit de Malacca, en un lieu également dénommé Tanjuing Tuan.
Vous le voyez sur la carte. Dans ce cas, puisque le territoire sur lequel était situé le phare
appartenait au souverain malais local ⎯ le sultan de Selangore ⎯, le gouverneur des
Etablissements de détroit demanda et reçut l’autorisation écrite du sultan pour utiliser des terrains
sur lesquels construire le phare . Les documents correspondants ét aient joints en annexe62 au
mémoire de la Malaisie et demain, lorsqu’un n ouveau dossier d’audience sera distribué, ils seront
reproduits sous l’onglet39. Ce phare était situé en Malaisie continentale , manifestement sous la
souveraineté du prince malaisien local, et il avait fait l’objet d’une autorisation écrite expresse.
10. La même procédure fut utilisée ensuite pour la construction d’un phare sur l’île de Pulau
Pisang. Comme la Cour le verra sur la carte, Pulau Pisang est une île qui se trouve au large de la
côte malaisienne dans le détroit de Malacca et qui, comme je l’ai déjà dit, a toujours été considérée
comme appartenant au Johor puis à la Malaisie.
11. En 1885, le sultan de Johor et le gouve rneur des Etablissements des détroits à Singapour
conclurent un accord par lequel le premier ⎯ le sultan ⎯ cédait au gouvernement des
Etablissements des détroits une parcelle de terre po ur y construire et y entretenir un phare et une
voie d’accès à celui-ci. Le phare lui-même fut érig é sur Pulau Pisang en 18 86 et, en conformité
avec l’accord de 1885, géré et entretenu par le gouvernement des Etablissements des détroits, puis
par Singapour, laquelle continue encore à le faire. La cession consentie en 1885 par le sultan de
Johor n’avait été consignée par écrit à l’époque, ma is elle a par la suite fait l’objet d’un contrat
exprès écrit, signé le 6octobre1900, entre le su ltan de Johor et le gouverneur de la colonie des
Etablissements des détroits après que le sultan de Johor eut envoyé au gouverneur un rappel en ce
66 sens (CMS, annexe24). Ce qui est frappant ici, c’est que le sultan ne mentionna nullement à
l’époque la nécessité de rédiger un contrat semblable pour le phare sur Pedra Branca: il ne le fit
que pour celui de Pulau Pisang. Cela est enco re une preuve éclatante du fait que Pedra Branca
n’était pas considérée par le sultan comme relevant de la souveraineté du Johor.
12. Demain matin, vous verrez dans vos dossiers ⎯ sous l’onglet 40 ⎯ une copie du contrat
de 1900 relatif à Pulau Pisang, qui fixait de mani ère extrêmement détaillée la portée précise de la - 58 -
cession et les conditions sous lesquelles celle-ci étai t consentie (MM, annexe89). Ainsi donc, si
Singapour a toujours géré le phare de Pulau Pisa ng en conformité avec ce contrat, il était
clairement entendu que le territoire sous-jacent appartenait à la Malaisie. Toutefois, il n’existe pas
de contrat semblable pour le phare de Pedra Branca, car l’île n’appartenait pas au Johor.
M. le président, je pense que ceci constituera it un moment approprié po ur arrêter et aller
déjeuner Je vous remercie de m'avoir accordé ce temps de parole.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie M. Bundy L'audience est
close pour aujourd'hui. Nous nous réunirons demain à 10 heures.
L'audience est levée à 13 h 5.
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Traduction