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CR 2007/23 (traduction)

CR 2007/23 (translation)

Vendredi 9 novembre 2007 à 10 heures

Friday 9 November 2007 at 10 a.m. - 2 -

12 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est

ouverte. Avant de donner la parole à M. Bundy, j’ai voudrais vous informer que le juge Owada,

pour des raisons qu’il m’a dûment communiquées, ne pourra pas siéger ce matin. Monsieur Bundy,

vous avez la parole.

M. BUNDY : Merci, Monsieur le président.

L E SYSTÈME DES PHARES DES DÉTROITS

12 a) Monsieur le président, Messieurs de la Cour, à l’audience d’hier matin, j’ai commencé

à parler du système des phares des détroits, qui regroupait un certain nombre de phares de la

région. Mon point de départ était le fondement juridique de l’installation de chacun d’entre eux.

12 b) Comme je l’ai expliqué hier, lorsque les Britanniques souhaitaient construire un phare

sur un territoire appartenant à un souverain malaislocal, ainsi que ce fut le cas au capRachado

en 1860 et à Pulau Pisang en 1886, ils concluaient par écrit un accord spécifique à cette fin. Vous

trouverez l’accord et les documents relatifs au phare du capRachado sous l’onglet39 de votre

dossier, et le contrat conclu avec le sultan de Johor pour le phare de Pulau Pisang sous l’onglet 40.

12 c) Par contre, lorsque des feux étaient installés par les Britanniques soit en haute mer,

comme le feu de One-Fathom Bank construit en 1852, soit sur un territoire qui n’appartenait pas à

un souverain malais, comme le phare de Pedra Branca, cela se faisait sans convention écrite.

12 d) Je vais maintenant reprendre la chronologie des phares que j’ai commencée hier.

13. En 1900, année de la conclusion du c ontrat relatif au phare de PulauPisang, le

gouvernement des Etablissements des détroits à Si ngapour envisagea également de construire un

phare sur l’île de Pulau Aur, dont vous voyez l’emplacement sur la carte projetée à l’écran

[diapositive indiquant Pulau Aur].

14. A cette fin, le 20février1900, l’adjo int de l’administrateur du gouvernement des

Etablissements des détroits adressa au sultan de Johor une lettre lui demandant si, compte tenu du

fait que Pulau Aur était située dans le territoire du Johor, le sultan souhaitait y ériger lui-même un
13

phare et, dans le cas contraire, s’il autoriserait le gouvernement des Etablissements des détroits à le

faire (CMS, annexe 24). - 3 -

15. Le sultan de Johor répondit le 25avril1900 en disant que le Johor ne souhaitait pas

construire un phare sur Pulau Aur, mais que lu i-même serait disposé à céder au gouvernement des

Etablissements de détroits un terrain pour l’ouvrage envisagé. Le sultan poursuivait en indiquant

que les dispositions relatives à ce phare seraient celles qui avaient été adoptées pour le phare de

Pulau Pisang ⎯ à savoir, la cession par le sultan d’une pa rcelle de terrain suffisante pour servir les

besoins d’un phare ainsi que d’une voie privée y conduisant.

16. En fin de compte, le gouvernement des Et ablissements des détroits renonça à construire

le phare. Néanmoins, cet épisode est intéressant pour plusieurs raisons. Premièrement, il confirme

une fois de plus que la pratique des autorités de Singapour était de demander une permission écrite

lorsqu’elles souhaitaient construire un phare situé sur un territoire appartenant au souverain local.

Par opposition, comme l’a expliqué M. Pellet, la Couronne britannique n’a jamais demandé

l’autorisation du sultan pour construire le phare de Pedra Branca. Deuxièmement, au sujet du

phare sur PulauAur, le sultan a répondu qu’il était prêt à accepter les dispositions qui existaient

déjà pour le phare sur Pulau Pisang, au sujet duquel av ait été conclu un contrat écrit. Le fait que le

sultan n’ait pas, à cette occasion, mentionné qu’il avait accepté des dispositions analogues pour le

phare de Pedra Branca est une nouvelle confirmation de l’inexiste nce de telles dispositions pour

Pedra Branca.

17. A la lumière de ces faits, la différence de traitement juridique entre, d’une part, les

phares du cap Rachado et de Pulau Pisang et celui qu’il était proposé de construire sur Pulau Aur,

tous situés en territoire malaisien et donc faisant l’objet de contrats écrits accordant à Singapour le

droit de construire et d’entretenir les phares situés sur ses îles, et, d’autre part, le phare de

PedraBranca, situé en territoire singapourien et ne faisant donc pas l’objet d’un tel contrat, cette

différence, ce contraste ne pourrait apparaître plus clairement. Dans les cas où Singapour

construisit et géra un phare situé en territoire malaisien, une convention expresse fut conclue en ce

sens. Au contraire, dans les cas où les autorit és de Singapour construisirent et exploitèrent un

14 phare sur un territoire ne relevant pas de la souve raineté d’un prince malais, un tel contrat n’était

pas nécessaire et il n’en existe aucun.

18. Et cette absence totale d’autorisation des activités britanniques menées sur Pedra Branca

entre 1847 et 1851, activités qui aboutirent à la construction du phare du Pedra Branca, constitue la - 4 -

faille fondamentale dans la thèse de la Malaisie. La vérité pure et simple est que celle-ci n’a pas

été en mesure de produire, au sujet du phare de PedraBranca, de convention écrite analogue à

celles qu’elle avait conclues pour les phares du cap Rachado et de Pulau Pisang, et celle qui était

envisagée pour Pulau Aur. L’explication évidente de cette lacune flagrante est que ni la Malaisie,

ni le Johor son prédécesseur n’ont jamais cons idéré Pedra Branca comme relevant de leur

souveraineté.

19. C’est aussi cette absence de convention écrite relative au phare sur PedraBranca qui

distingue le cas présent des exemples tirés de la pratique en matière de phares dans d’autres régions

du monde, que la Malaisie a invoqués dans ses écritures. La thèse de la Malaisie est que les phares

sont fréquemment construits et entretenus par une entité qui ne possède pas la souveraineté sur le

territoire sur lequel ils se trouvent, et que Pedra Branca n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette

pratique. Permettez-moi toutefois d’examiner le s sources qu’invoque la Malaisie à l’appui de cet

argument.

20. Comme je l’ai déjà indiqué hier dans mon premier exposé, la Malaisie elle-même

concède que la construction et l’entretien des phares incombent normalement à l’Etat sur le

territoire duquel ils sont situés. Il est aussi intéressant de noter que l’une des sources qu’invoque la

Malaisie, l’opinion individuelle du j uge vanEysinga dans l’affaire des Phares de 1937, insiste

exactement sur le même point, à savoir que «l’a dministration des phares est une matière qui, pour

la plupart des Etats, appartient à leur compétence exclusive».

21. Il est vrai que le juge vanEysinga ajoutait dans son opinion individuelle que, dans

certains cas, l’Etat sur le territoire duquel un phare devait fonctionner n’était pas à même de

15 pourvoir à l’administration de ce phare sur son terr itoire et que «[l]a conséquence de cet état de

choses [pouvait] être que les puissances maritimes s’accord[ai]ent avec l’Etat territorial en vue du

fonctionnement d’un phare» ( Phares en Crète et à Samos, arrêt, 1937, C.P.J.I. sérieA/B n o 71 ,

p. 24).

[Diapositive.]

22. Et c’est précisément ce qui s’est passé dans le cas des phares du cap Rachado et de

Pulau Pisang, et dans celui du projet de phare su r Pulau Aur. Les parties ont conclu un accord ou

prévu qu’elles devraient le faire. C’est aussi ce qui s’est produit dans les autres exemples cités par

la Malaisie dans ses écritures. - 5 -

23. Prenons la situation du phare du cap Spartel, construit et entretenu par une commission

internationale sur le territoire marocain. La Malaisie s’est référée dans ses écritures à la convention

du 31mai1865 relative au capSpartel mais, bizarre ment, elle n’a pas fourni le texte de cet

instrument, que Singapour a donc joint en annexe 18 à sa réplique et que vous trouverez aussi dans

le dossier d’audience sous l’onglet 41. Comme Singapour l’a souligné dans sa réplique, lorsque

l’on examine les dispositions de la convention, on voit très bien que le sultan du Maroc, sur le

territoire duquel était situé le phare, avait expressément consenti à la construction de celui-ci par les

autres parties contractantes. La convention contient en effet cette importante disposition, qui figure

à l’article1: «Il est bien entendu qu’une telle délégation n’entraîne aucune atteinte aux droits

propres et à la souveraineté du sultan, dont le drap eau sera seul hissé sur la tour du phare.» (RS,

annexe 11.)

[Diapositive.]

24. Je n’ai pas besoin de redire qu’aucune convention de ce genre n’existe en ce qui

concerne le phare sur Pedra Branca. De plus, je rappellerai aussi que c’est le pavillon, le drapeau

de Singapour, et non le drapeau malaisien, qui a touj ours flotté sur l’île depuis la construction du

phare. C’est un autre élément qui distingue le phare de Pedra Branca du feu du cap Spartel, et qui

enlève à l’exemple de ce dernier toute utilité pour la Malaisie.

25. On peut faire la même observation au sujet de la référence de la Malaisie au phare du

cap Race à Terre-Neuve. Comme Singapour l’a expliqué dans sa réplique, non seulement ce phare

était administré par la Grande-Bretagne avec l’au torisation de Terre-Neuve, mais en outre il ne

16 s’agissait pas d’une opération internationale, puisque Terre-Neuve ét ait déjà une colonie

britannique, et relevait donc déjà de la souveraineté du Royaume-Uni, à l’époque où les

dispositions ont été prises.

26. L’exemple invoqué par la Malaisie de la pratique relative aux phares de la mer Rouge, en

litige dans l’arbitrage Erythrée/Yémen, n’appuie pas non plus sa position. Comme le Tribunal

arbitral l’a relevé dans la première phase de cet arbitrage, le fonctionnement des phares de la

merRouge faisait l’objet d’un accord spécifique entre les puissances coloniales concernées ⎯ la

Grande-Bretagne et l’Italie ⎯ qui était sans préjudice de toute question de souveraineté. Il n’existe

pas de tel accord dans la présente espèce. - 6 -

27. En réalité, bien sûr, chaque situation doit être appréciée en fonction des faits. En

l’espèce, le dossier montre que les autorités br itanniques ont demandé et obtenu l’autorisation des

souverains malais locaux pour établir des phares sur les territoires appartenant à ces souverains

⎯par exemple au capRachado, à PulauPisang et pour le projet de phare sur PulauAur ⎯ mais

qu’elles ne l’ont pas fait dans le cas du phare sur Pedra Branca. La Malaisie ne saurait trouver dans

ces faits aucune confirmation de ses arguments.

2. La pertinence de différentes propositions relatives au financement des phares des détroits.

28. Monsieur le président, j’aimerais à présen t examiner la manière dont les phares de la

région ont été financés et la signification qu’il convient d’attribuer à la conduite de la Malaisie à cet

égard.

29. A l’origine, une fois mis en service, le phare de Pedra Branca, puis d’autres phares de la

région, furent financés par les droits de péage dont devaient s’acquitter les navires qui empruntaient

le détroit de Singapour. Après 1912, ces droits de péage furent abolis et les Etats concernés

supportèrent conjointement les coûts relatifs aux phares. Jusqu’à cette date donc, le financement

proprement dit de l’exploitation des phares dans la région était «neutre» du point de vue de la

souveraineté.

30. Deux événements importants se produisire nt cependant après 1912, faisant ressortir de

façon tout à fait frappante la manière dont la Malaisie percevait la question de la souveraineté en

rapport avec le financement des phares de la région.

31. Le premier de ces événements eut lieu en 1913, après l’abolition des droits de péage

prélevés sur les navires en application de la loi de 1854. En juillet 1913, le secrétaire principal du

17 gouvernement des Etats malais fédérés déposa devant le Conseil fédéral une motion visant à ouvrir

un crédit de quelque 20000dollars pour couvrir les coûts de l’entretien des phares. Ce qui est

significatif dans cet épisode, c’est que la proposition du secrétaire principal ne prévoyait le

financement d’une partie des coûts que pour l’entretien du phare de One Fathom Bank, au large de

la côte de Selangor, et celui du cap Rachado, sur la côte continentale de la Malaisie. Cette

proposition fut expliquée de la manière suivante ⎯ces indications sont fournies par la Partie

malaisienne : - 7 -

[Diapositive]

«Je pense que chaque pays a l’obligation sur le plan international de supporter
les frais de l’entretien de tous les phares considérés comme nécessaires sur ses côtes,
et je pense que nous ne ferions certainem ent pas notre devoir si nous n’offrions pas
d’entretenir ces deux phares très utiles.» (MM, annexe 65.)

Les termes «ces deux phares» visent celui de One Fathom Bank et celui du cap Rachado sur la côte

continentale de la Malaisie.

32. Il est évident qu’à ce moment là, aux yeux du secrétaire principal, le phare de

PedraBranca ne se trouvait pas en te rritoire malais et ne relevait pas de sa juridiction. Il n’était

donc pas proposé que les Etats malais fédérés c ontribuent aussi au financement des dépenses

d’entretien du phare de Pedra Branca ou assument ce financement. La proposition se limitait aux

phares de One Fathom Bank et du cap Rachado.

33. La Malaisie s’inquiète, à juste titre, des conséquences négatives de cette proposition de

financement pour le titre historique qu’elle préte nd avoir sur Pedra Branca. Elle tente donc, dans

ses écritures, de trouver une explication convai ncante au fait que Pedra Branca n’est pas

mentionnée dans la proposition du secrétaire pr incipal de 1913, en soutenant que le phare

Horsburgh ⎯ celui qui est situé sur Pedra Branca ⎯ et le phare de Pulau Pisang se trouvaient sur

le territoire du Johor et que celui-ci, à l’époque, ne faisait pas partie des Etats malais fédérés.

Toujours dans ses écritures, la Malaisie affirme ensuite qu’il n’est pas certain que le Johor ait

jamais proposé individuellement de contribuer à l’entretien du phare, pas plus sur Pedra Branca que

sur Pulau Pisang.

34. Mais les faits sont clairs, ils sont très clairs et ils sont étayés par les pièces. Comme

Singapour l’a montré dans son mémoire documents à l’appui, au mois de septembre1952, le

directeur de la marine de la Fédération de Ma laya, qui à l’époque comprenait le Johor, écrivit au

Master Attendant de Singapour précisément pour lui proposer d’assumer la responsabilité du phare

de Pulau Pisang, mais sans faire la même proposition au sujet du phare Horsburgh de Pedra Branca.

18 Le passage pertinent de la lettre du directeur de la marine mérite d’être cité. Vous le trouverez sous

l’onglet 42 du dossier de plaidoiries. Le directeur ⎯ le directeur de la marine de la Fédération ⎯ y

déclarait ce qui suit :

[Diapositive.] - 8 -

«J’ai l’honneur de me référer à la question de l’entretien du phare de
PulauPisang pour dire que, comme il est pr oche de la côte de la Fédération, il
semblerait approprié qu’il soit à la charge du gouvernement, et de proposer que nous

en assumions la responsabilité tout comme nous avons assumé celle de
Pulau Merambong.» (MS, annexe 89.)

[Diapositive.]

Simplement à titre d’illustration, la Cour peut voir, sur la carte projetée à l’écran, l’emplacement du

phare de Pulau Merambong, qui se trouvait manifestement aussi en territoire malaisien. Nous

avons donc ici une propos ition de financement faite en 1952 par les autorités compétentes de la

Malaisie continentale, comprenant le Johor, prop osition dans laquelle il était question du phare de

Pulau Pisang, mais nullement de celui de Pedra Branca.

35. Une fois encore, la conduite de la Malaisie montre clairement que, de son point de vue,

elle ne possédait pas sa souveraineté sur Pedra Branca. Comment, sinon, pourrait-elle expliquer

pourquoi elle a proposé de financer des phares qui se trouvaient sur son territoire, au cap Rachado

et à Pulau Pisang, ou juste au large de ses côt es, sur One Fathom Bank —qui, rappelons-le, ne

relevait pas de la Couronne britannique selon la loi de 1854 ; comment la Malaisie a-t-elle pu faire

des propositions de financement pour ces phares-là sans faire d’offre semblable pour celui de

Pedra Branca ? L’absence de titre malaisien sur Pe dra Branca est également confirmée par le fait

que sa proposition d’assumer la responsabilité du phare de Pulau Pisang qui se trouvait sur son

territoire ⎯ mais pas, je le répète, celle du phare de Pedra Branca ⎯ a été faite en 1952, juste un an

avant sa déclaration de non-revendication de prop riété sur PedraBranca, qui sera examinée par

M. Pellet dans quelques minutes.

3. La conduite de la Malaisie à l’égard de Pulau Pisang et Pedra Branca

36. Après avoir examiné les éléments du système des phares des détroits qui détruisent la

thèse de la Malaisie, j’aimerais à présent conclu re cette partie de l’ exposé de Singapour en

rappelant un certain nombre de différences fondame ntales que l’on relève dans la conduite des

Parties à l’égard de Pulau Pisang, sur laquelle la Malaisie détenait le titre, et à l’égard de

Pedra Branca, où le titre était détenu par Singapour. Comme la Cour pou rra, je pense, le constater,

19 ces différences sont très éloquentes. Elles montrent toutes que la Malaisie reconnaissait qu’elle ne

détenait aucun droit souverain sur Pedra Branca. - 9 -

37. Premièrement, nous avons un contrat, dont les termes sont très clairs, par lequel le

dirigeant malais local autorisait Singapour à constr uire le phare et à en assurer l’entretien en

territoire malaisien, à Pulau Pisang. Nous n’avons aucun contrat du même type en ce qui concerne

Pedra Branca ⎯ c’est une différence fondamentale.

38. Deuxièmement, comme je l’ai indiqué hier, la Malaisie a exigé que Singapour baisse son

pavillon sur Pulau Pisang, parce que l’on aurait pu en déduire que l’île appartenait à Singapour.

Elle n’a pas formulé la même demande au suje t du pavillon singapourien absolument identique

déployé sur Pedra Branca.

39. Troisièmement, Singapour exerçait un contrôle continu sur l’accès à Pedra Branca et,

comme je l’ai souligné hier, les fonctionnaires malaisiens demandaient même aux autorités de

Singapour l’autorisation de se rendre sur l’île. Si ngapour n’exerçait aucun contrôle de ce type sur

l’accès à Pulau Pisang puisque celle-ci se trouvait en territoire malaisien et que les ressortissants

malaisiens pouvaient s’y rendre librement.

40. Quatrièmement, les fonctionnaires du gouvernement de Singapour se rendaient

fréquemment sur Pedra Branca dans le cadre normal de leurs activités: toutes ces visites sont

attestées par des documents, notamment le registre du phare de Pedra Branca. A l’inverse, lorsque

des fonctionnaires de Singapour se rendaient sur Pulau Pisang, ce qu’ils ne faisaient que très

rarement, ils étaient invités à se munir de leur pa sseport et de leurs documents de voyage car ils se

rendaient en territoire malaisien.

41. Cinquièmement, Singapour était seule à délivrer aux ressortissants d’Etats tiers

l’autorisation de se rendre sur Pedra Branca et d’e ffectuer des levés ou recherches scientifiques sur

l’île et dans ses eaux territoriales. Singapour ne faisait pas de même en ce qui concerne

Pulau Pisang, puisque celle-ci ne se trouvait pas sur le territoire singapourien.

42. Sixièmement, Singapour recueillait régulièrement des données météorologiques sur

Pedra Branca, mais pas sur Pulau Pisang, et les publications météorologiques officielles de la

Malaisie présentaient la station de Pedra Branca comme faisant partie de Singapour.

43. Septièmement, la Malaisie a publié toute une série de cartes officielles présentant Pedra

Branca comme faisant partie de Singapour. Comme Mme Malintoppi le montrera ensuite, cette

même série de cartes malaisiennes n’a jamais présenté Pulau Pisang comme faisant partie de

Singapour, alors même que celle-ci assurait l’entretien du phare de Pulau Pisang. - 10 -

20 44. Huitièmement, Singapour a installé sur Pedra Branca du matériel de communication

militaire et d’autres installations sans rapport avec le phare, elle a pleinement utilisé l’île, comme

vous pouvez le constater sur la photographie, et elle y a entrepris divers travaux publics. Elle n’a

pas mené d’activités similaires sur Pulau Pisang. Singapour a aussi expressément défini un secteur

de patrouille navale au voisinage de Pedra Br anca, mais n’a pas fait de même autour de

Pulau Pisang, puisque celle-ci faisait partie de la Malaisie.

45. Neuvièmement, Singapour a mené des enquêt es au sujet des incidents de navigation et

des morts accidentelles survenues sur Pedra Bran ca et dans les eaux territoriales de celle-ci.

Pulau Pisang ne relevait pas de la juridiction de Singapour et celle-ci n’y a mené aucune activité de

ce type.

46. Dixièmement, la Malaisie a fait des propositions concernant le financement et la

responsabilité du phare sur Pulau Pisang. Elle n’a fait aucune proposition similaire en ce qui

concerne le phare de Pedra Branca.

47. Onzièmement, enfin, la Malaisie a expressément affirmé ne pas revendiquer la

«propriété» de Pedra Branca. Singapour, à l’ inverse, n’a manifestement jamais renoncé à

revendiquer la «propriété» de Pedra Branca, et elle n’a jamais revendiqué la souveraineté sur

Pulau Pisang.

*

* *

48. Comme ce dernier point ⎯la déclaration officielle de la Malaisie disant qu’elle ne

revendiquait pas Pedra Branca ⎯ fera l’objet du prochain volet des plaidoiries de Singapour, je

vous prie, Monsieur le président , de bien vouloir donner maintenant la parole à M.Pellet qui

traitera cet aspect important de l’affaire. Merci infiniment.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je vous remercie, Monsieur Bundy,

pour votre exposé. Je donne maintenant la parole à M. Pellet. - 11 -

21 M. PELLET : Je vous remercie infiniment.

JOHOR ’S EXPRESS DISCLAIMER OF ANY
TITLE TO PEDRA B RANCA

1. Mr. President, Members of the Court, while Singapore has presented in detail the

circumstances in which Johor, in 1953, e xpressly disclaimed any title to Pedra Branca 1, Malaysia

2
has been very guarded over this crucial episode . Crucial, I hasten to explain, not because that

disclaimer would provide the basis for Singapore’s title to the island, but because it strikingly

confirms that Malaysia had no claim over Pedra Br anca. I would note in passing, particularly for

the attention of the interpreters, that the Englis h word “disclaimer” is doubtless a better reflection

of the legal realities of the episode in question, but that, unfortunately, there is no exact equivalent

in French.

2. The truth of the matter is that if I were to confine myself to what Malaysia says on the

question in its Reply, these oral pleadings could be very brief: apart from reiterating its previous

positions in the form of mere affirmations ⎯ to which Singapore has already replied ⎯, it confines

itself to seeing “a glaring non sequitur” between, on the one hand, the basis for Singapore’s title to

Pedra Branca ⎯ its taking of possession in 1847 followed by the construction of the lighthouse ⎯

3
and, on the other, its reliance on the 1953 correspondence .

3. It seems to me, Mr. President, to go without saying that there is no contradiction between

these two different but complementary lines of argument submitted by Singapore.

4. As Mr.Brownlie showed the day before yesterday, Great Britain acquired the title to

which Singapore succeeded by its taking of po ssession of Pedra Branca, an uninhabited island and

terra nullius , in 1847 and by constructing the Horsburgh lighthouse on it. Thereafter, it

continuously administered the island à titre de souverain, without the slightest challenge, and

without Malaysia being able to point to any act of administration at all, however insignificant, on

1See MS, Chap. VII, “Johor’s Express Disclaimer of Title to Pedra Branca”, pp. 161-178; CMS, Chap. VII, “The

1953 Correspondence Confirms Singapore’s Title”, pp. 181-199; and RS, Chap. VII, “Malaysi a’s Formal Disclaimer of
Title”, pp. 221-232.
2See MM, Chap.7, Sect.C(iii), “The 1953 Correspondence”, pp.107-110, paras.235-244; CMM, Chap.9,
Sect.C, “The 1953 Correspondence”, pp .235-239, paras.503-514; and RM, Chap.5, Sect.A(vi), “The

1953 Correspondence”, pp. 172-174, paras. 368-370.
3RM, pp. 173-174, para. 370. - 12 -

the part of Johor. This amply suffices to establis h Singapore’s sovereignty over the island; and it
22

is not necessary to ask oneself whether the effectivités, numerous, coherent and diversified, that we

have described could take the place of a title, since they undoubtedly constitute a “peaceful and

4
continuous display of State authority” (Legal Status of Eastern Greenland, Judgment, P.C.I.J.,

Series A/B, No. 53, p.45), particularly convincing in view of the island’s small size and

inhospitable character. Here, they merely confirm Singapore’s title. All these elements bear

witness, to borrow the expression used several times by the Court in the Cameroon v. Nigeria case

on the question of where sovereignty over Bakassi lay ( Land and Maritime Boundary between

Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening), Judgment,

I.C.J. Reports 2002, pp.409-412, paras.213-217), to a “common understanding of the Parties” as

to sovereignty over Pedra Branca.

5. And indeed the same is true of the 1953 exchanges of corresponden ce: they share that

“common understanding”. And it is not really useful to ask oneself whether, in the absence of any

other title, this correspondence ⎯ and, in particular, the letter from the Acting State Secretary of

5
Johor dated 21September 1953 ⎯ might in itself constitute a territorial title: that title exists

independently of those exchanges of correspondence. They do not replace it, but they confirm it.

[Slide 1: Letter No. SSJ.1120/53/6 dated 21 Septem ber 1953 to the Colonial Secretary, Singapore
from Mr.SethBinSaaid, Acting State Secretary of Johor (MS, Vol.6, Ann.96) (judges’ folder,

tab 43)]

Or, to be more precise, the letter from the St ate Secretary establishes the absence of title on

the part of Johor (and, in consequence, of its successor, Malaysia): “the Johore Government does

not claim ownership of Pedra Branca” and, by the same token, that letter establishes the existence

of the title of Singapore, since no third State has ever voiced the slightest claim to the island.

6. The fact of the matter is that Malaysia does not seriously contest either the course or the

scope of this episode. But it nevertheless seems to us to be sufficiently important and significant to

justify our dwelling on it again for a few moments. Allow me first, Mr.President, briefly to
23

recapitulate the facts.

4
Cf. P.C.A., Island of Palmas, Max Huber, Arbitral Award of 4 April 1928, R.G.D.I1935, pp.164, 177,
185-186, 197-199 and 201.
5
MS, Vol. 6, Ann. 96. - 13 -

I. The 1953 correspondence

7. The whole affair begins with a request dated 23 September 1952 from the Director of

Marine of the Federation of Malaya to the Master Attendant of the Colony of Singapore concerning

6
the position regarding PulauPisang , on which Rodman Bundy has just spoken at length. The

Master Attendant’s reply, dated 29September, re veals, first, that the Land Office was asked to

investigate the matter and, secondly, that the enquiry was extended to Pedra Branca ⎯ which was
7
not mentioned in the letter from the Director of Marine of the Federation . For its part, in a minute

dated 7 October 1952 entitled “Horsburgh Light house”, the Chief Surveyor informs the

Commissioner of Lands of the Colony of Singapore that

“[l]ors des discussions relatives aux eaux territoriales de Singapour, en 1937, il semble
qu’aucune mention n’ait été faite de Hors burgh mais, dans une note du 14/7/52 à la
Surveillance de l’administration des actifs dans CSO.11293/52, j’ai émis l’avis que
8
Singapour devrait revendiquer une limite de 3 milles autour de ce point” .

8. Four months later, on 6February 1953, th e Master Attendant, in a letter to the Colonial

Secretary, expressed concern as to whether any actio n had been taken in response to that proposal.

After citing the minute that I have just read out, he asked: “A la lumière de ce qui précède, puis-je

savoir si une décision a déjà été prise?” 9. It was following this reminder ⎯ concerning which

Malaysia maintains a prudent silence in the present proceedings ⎯ that, on 12June 1953, the

Master Attendant, J. D.Higham, asked the British Adviser at Johor, on behalf of the Colonial

Secretary, for information concerning the legal status of “le rocher appelé Pedra Branca qui se

10
trouve à environ 40 milles de Singapour et sur lequel est situé le phare Horsburgh” . He

stresses ⎯ and this is an important indication ⎯ that: “[l]a question est d’importance pour la

24 délimitation des eaux territoriales de la colonie”. A copy of that letter had been forwarded to the

Chief Secretary of the Federation of Malaya.

9. Higham considers that the legal status of Pulau Pisang ⎯ constructed on another island

much larger than the one with which we are concerned ⎯ is “quite clear”: it falls under the

sovereignty of Johor. On the other hand, he is unsure of the status of Pedra Branca, concerning

which he gives a number of items of information, not all of them equally reliable:

6MS, Vol. 6, Ann. 89.

7MS, Vol. 6, Ann. 90.
8
Cited in MS, Vol. 6, Ann. 91.
9
Ibid.
1MS, Vol. 6, Ann. 93. - 14 -

⎯ the first is correct: the island is situated outsi de the limits ceded to the East India Company

11
in1824 (I would stress that Malaysia makes much of this point , but that we do not for a

moment challenge it).

[End of slide 1]

[Slide 2: Extract from a despatch by the Governor of Singapore to the Governor-General in Bengal
dated 28 November 1844 (MS, Ann. 93, App. B) (judges’ folder, tab 44)]

⎯ The second is false: Pedra Branca is not “mentionnée dans la dépêche du gouverneur de

Singapour en date du 28 novembre 1844”. The extract from the despatch in question which is

annexed to the letter is worded thus: “ Ce rocher fait partie des territoires du Rajah de Johore ,

qui a, avec le tamongong, volontairement consenti de le céder gracieusement à la Compagnie

12
des Indes orientales.” It does not include the name Pedra Branca, which was inserted in

handwriting in circumstances that have not been explained, but this insertion is clearly

erroneous; the rock in question (“this Rock”) cannot be Pedra Branca. And, first, for one

obvious reason: the author of the despatch, Butterworth, the Governor of Singapore, indicated

that it illustrated the position of the “Rock therein alluded” ⎯ of the rock of which he was

speaking ⎯ “with reference to Pedra Branca”. Now it is impossible to pinpoint a place’s

location by reference to itself... If you explain to me how to get to the Peace Palace by

saying where it is relative to the Peace Palace, I have no chance of finding it! Admittedly, I am

fairly sure of my way ... It is regrettable that the sketch specifying the position of the rock,

which Butterworth appended to his despatch, seem s to have been lost, but, in any case, as

13
25 Singapore has fairly incontestably shown, th e rock in question could only be Peak Rock .

And I would add that, strange to relate, Malaysia has never produced its copy of Higham’s

letter ⎯ which is a great pity, for reference to the original might perhaps have enabled us to

gain a better understanding of the origin of th e erroneous handwritten insertion, which remains

a mystery.

[End of slide 2 ⎯ back to slide 1]

11
MM, paras. 8, 92, 188, 238; CMM, paras. 39-42, 158.
12
MS, Vol. 6, Ann. 93, App. B.
13See, inter alia, MS, paras.5.40-5.41; CMS, paras.5.48-5.50 . See too MS, Vol.2, Ann.13 and CR2007/21,
p. 31, para. 62 (Pellet). - 15 -

⎯ On the other hand, the third and last item of information given by Higham in his letter of

12June1953 is indisputably correct, even if the conclusion he draws from it is cautiously

vague: “Ce phare fut construit en 1850 par le gouvernement de la colonie, qui en a toujours

assuré l’entretien depuis lors, ce qui, de par l’usage international, confère sans doute à la

colonie certains droits et obligations”; but that cau tion is attributable to the fact that he had no

document at his disposal and could not be sure that none existed; if Singapore’s archives had

been complete, there would have been no need fo r his request (or, moreover, for the Colony’s

whole démarche).

10. What followed is well known:

⎯ the Secretary to the British Adviser, Johor, forwarded the request for clarification to the State

Secretary of Johor, commenting that the State Secretary “souhaitera certainement consulter le

commissaire à l’aménagement du territoire et aux mines, le géomètre en chef et toutes archives

existantes avant de communiquer l’avis du gouvernement de l’Etat au secrétaire principal” 14;

⎯ it is thus after a careful enquiry that the Acting State Secretary replied, on 21 September 1953,

and thus after having allowed himself time to re flect: “J’ai l’honneur … de vous informer que

le gouvernement du Johor ne revendique pas la propriété de Pedra Branca” 15;

⎯ armed with this answer, as laconic as it is unambiguous ⎯ with all due respect to our

Malaysian friends ⎯ the Attorney-General of Singapore considered that, on that basis, “we can

16
claim Pedra Branca as Singapore territory” ; and

26 ⎯ the Colonial Secretary informed the Master Attendant of that decision on 13 October 1953 17.

[End of slide 1]

II. The legal significance of the disclaimer by Johor

11. Mr. President, Malaysia points out that “la lettre du secrétaire d’Etat par intérim du Johor

18
du 21septembre1953 n['est] pas un modèle de clarté ” . This is a convenient ⎯ though hardly

14MS, Ann. 95.

15MS, Ann. 96.
16
MM, Ann. 70.
17MS, Ann. 97.

18MM, p. 110, para. 243; see also CMM, p. 239, para. 514. - 16 -

convincing ⎯ means of disposing of it, since the fact that a text fails to match Malaysia’s argument

does not necessarily mean that it lacks clarity. And the following, on the contrary, is crystal-clear:

“the Johore Government does not claim ownership of Pedra Branca”. The text is clear; the

circumstances and the context in which the Johor State Secretary’s letter was sent are clear; its

legal significance is clear.

(a) The text

12. Malaysia attaches some importance to th e word “ownership” u sed in the letter of

19
21 September 1953 . Singapore does not contest in any way that the ownership of a lighthouse

may be dissociated from the sovereignty exercised over the territory on which it has been erected,

as was very clearly shown by the presentation of Mr.Bundy. In this case, however, there is no

doubt that the State Secretary of Johor was referri ng not to ownership of the lighthouse, but to

sovereignty over the island.

13. The “ownership” in question concerns precisely the island itself, not the lighthouse. And

20
Malaysia is the first to make this distinction in its pleadings , often in a debatable way,

moreover 2. Here, in any event, it is perfectly clear that the authorities of Johor (not only the State

Secretary, but also the Commissioner for Lands and Mines and the Chief Surveyor of Johor, all of

whom were consulted) understood that the information sought by Singapore did indeed concern the

island as a whole, and not merely the lighthouse. Nor does Malaysia itself hesitate to use the word

27
“ownership” in its pleadings, when it is unquestio nably referring to sovereignty over the island as

such 22, and you will find examples of this in the verbatim records.

14. This assimilation does not result solely from the phrase “le Gouvernement du Johor ne

revendique pas la propriété de Pedra Branca”; it also derives from what comes before it: “J’ai

l’honneur de me référer à votre lettre … du 12 juin 1953 … concernant la question du statut du

rocher Pedra Branca à quelque 40milles de Singapour”. In writing thus, moreover, the State

Secretary is merely adopting the very terms which Higham used on behalf of the Colonial

1See MM, p. 110, para. 243 or RM, p. 173, para. 369.
20
Cf. CMM, p. 168, para. 349, p. 196, para. 401, p. 203, para. 419 or pp. 204-205, paras. 424-425.
21
Cf. RS, pp. 133-135, paras. 4.90-4.94, pp. 153-154, paras. 4.144-4.145 or pp. 154-155, para. 4.146.
2See for example RM, p. 46, para. 99 (in fine) and p. 90, paras. 183 (in fine) and 185. - 17 -

Secretary, Singapore: “It is how [probably: now] desired to clarify the status of Pedra Branca” 23.

Of Pedra Branca, not of the Horsburgh lighthouse. And if there could still be the slightest doubt as

to the meaning of the question (and consequently the answer), it may be pointed out once again, if I

can put it thus, that Higham “dotted the i’s” by st ating that the information he was seeking was

connected with the delimitation of Singapore’s terr itorial sea: “The matter is relevant to the

24
determination of the boundaries of the Colony’s territorial waters.” This left no doubt as to the

purpose of the enquiry: the ownership of a lighthouse does not generate any territorial sea, unlike

sovereignty over an island.

15. In other words:

⎯ in spite of the distance involved (the State Secretary of Johor uses the phrase: “Pedra Branca

Rock some 40 miles from Singapore”), which could have led to some hesitation in attributing

sovereignty over Pedra Branca;

⎯ Johor formally declines the latter: it “does not claim ownership of Pedra Branca”;

⎯ of Pedra Branca, thus of the whole of the island (and not merely the lighthouse built on it);

⎯ all this, in answer to a question which leaves no doubt as to its purpose: it was a matter of

determining the legal status of the island , in order to establish the extent of Singapore’s

28 territorial waters, in other words to resolve an issue of straightforward public international law,

and not in any sense, contrary to what Malaysia would have us believe, an issue of ownership

in private law.

(b) The circumstances and the context

16. Mr. President, the context in which Johor’s answer was given ⎯ which I attempted to

describe concisely a moment ago ⎯ leaves no doubt as to the obvious correctness of this

interpretation, from the standpoint of both the prior and the subsequent events.

17. In the period leading up to the date of the letter, two points are worthy of attention:

23
MS, Ann. 93, para. 3.
2Ibid., para. 1. - 18 -

(1) Singapore’s action reflects a more general c oncern about the determination of the colony’s

territorial waters following this Court’s Judgment in the Fisheries case 25; this concern is,

moreover, doubtless also linked to the initial re quest from the Director of Marine of the

26
Federation of Malaya concerning Pulau Pisang ; and

(2) the letter of 12 June 1953, written by Higham on behalf of the Colonial Secretary, undoubtedly

attests to some uncertainty (otherwise, any enquiry would have been unnecessary), but it

certainly does not show, contrary to what is stated by Malaysia in its Reply, that Singapore

27
“was aware that PBP was part of the Sultanate of Johor” .

18. It is true that the very fact that this request was made demonstrates that Singapore or, in

any event, certain colonial administrative aut horities, wished to satisfy themselves that the

Colony’s sovereignty over Pedra Branca was not disputed and that Singapore could claim territorial

waters around the island. As early as July 1952, the Chief Surveyor had taken a clear position to

this effect and had expressed the opinion that Singapore should claim a 3-mile limit around the

island 28. However, in the absence of conclusive evidence one way or the other (unlike the situation

that obtained for Pulau Pisang or Pulau Merembong 29), the colonial authorities, while expressing

the conviction that the construction and main tenance of the lighthouse ever since 1950 “by

29 international usage no doubt [confer] some rights and obligations on the Colony” 30considered that

the status of Pedra Branca needed to be confirmed.

19. This view, as I have already pointed out, was based on an error ⎯ since Higham, relying

on a mysterious handwritten additi on, interpreted Butterworth’s despatch of 28 November 1844 as

concerning Pedra Branca, whereas it referred to Peak Rock. But this makes the answer all the more

revealing: despite this error, which would have constituted a tempting “inducement” to a claim of

sovereignty if such a claim had been the least b it plausible, Johor declined: “le Gouvernement du

Johor ne revendique pas la propriété de Pedra Branca”. However, and this is also worthy of note,

2Cf. MM, Ann. 68, letter from A. G. B. Colton, for th e Colonial Secretary, to the Deputy Commissioner General
for Colonial Affairs, Singapore, July 1953.

2See MS, Ann. 89 and supra, para. 7.
27
RM, p. 173, para. 369; see also MM, p. 108, para. 237.
28
See MS, Ann. 91 and supra, para. 8.
2See MS, Anns. 89 and 90.

3MS, Ann. 93, para. 1. - 19 -

Johor, at that period in any case, was not at all disinterested in the precise extent of its territorial

sovereignty, as is clearly shown by the reaction of the British Adviser in Johor, who stated that,

before replying to Higham’s letter of 12 June 1953, “[l]e secrétaire d’Etat souhaitera certainement

consulter le commissaire à l’aménagement du territoire et aux mines, le géomètre en chef et toutes

31
archives existantes…” .

20. What are we to conclude from all this, Mr.President? “[En]…juin 1953, …,

32
[Singapour] n’avait pas le moindre sentiment que Pulau Batu Puteh faisait partie de son territoire”

as is claimed by Malaysia? That would no doubt be going too far. The Chief Surveyor and also,

apparently, the Master Attendant, that is to say the two colonial administrators most conversant

with the actual conditions of administration of the island, appeared to have no doubt about

Singapore’s sovereignty over Pedra Branca. For th eir part, the higher authorities, anxious not to

encroach upon the territorial sovereignty of Jo hor, sought to hedge themselves about with all

necessary precautions before undertaking the delimitati on of the Colony’s territorial waters; and it

should not be forgotten that some of the colonial archives had been destroyed during the war, a fact

of which those authorities were aware. And it would appear that this was done quite systematically

since, in the case of Pulau Pisang, for instance, th e Master Attendant of Singapore did not endorse

the views of the Director of Marine of the Federation of Malaya until after “[qu’il a été possible de]

33
30 retrouver dans le Johore Registry of Deeds un acte daté du6octobre 1900” . The Colony’s

authorities adopted the same approach with regard to Pedra Branca, but with the opposite result,

since they obtained confirmation that “the Johor e Government does not claim ownership of Pedra

Branca”.

21. I would add that it is paradoxical, to say the least, that Malaysia should stubbornly affirm

that “cette correspondance indique également que le secrétaire colonial de Singapour avait une idée

34
précise de l’étendue de la souveraineté de Singapour” . Higham’s letter of 12June1953

undoubtedly shows that he was aware that Pedra Branca was situated outside the limits fixed by the

31MS, Ann. 95.
32
RM, p. 173, para. 369; see also MM, p. 108, para. 237.
33
MS, Ann. 93; see also MS, Ann. 91.
34RM, p. 173, para. 369; see also MM, pp. 108-109, paras. 238-239. - 20 -

Crawfurd Treaty of 1824, but he did not at all in fer from this that the island did not belong to

Singapore: it was precisely in view of this fact that he sought information from Johor about the

existence of any document that would make it possi ble to determine its legal status. The answer

from the State Secretary of the Sultana te shows that none existed, since ⎯ and this can never be

repeated too often ⎯ following his researches, “the Johore Government does not claim ownership

of Pedra Branca”.

22. Mr. President, that is the reasonable interpretation that must be made of what happened

in the period leading up to Johor’s answer of 21 September 1953. And this c onfirms in all respects

the conclusions that can be drawn from the actual text of that letter. The same is true of the “later

circumstances”, that is, the resulting action taken, even if there is less to be said on this matter.

23. Clearly, the answer from the State Secretary of Johor dispelled any uncertainties. Since

the Sultanate made no claim to PedraBranca, the Singaporean authorities drew the necessary

conclusions and, as was immediately announced by th e Attorney-General, “sur le fondement de [la

réponse de Johor,] [n]ous pouvons revendiquer Pedra Branca comme faisant partie du territoire de

35
Singapour” . Needless to say, this conclusion in no way confirms, as is alleged by Malaysia,

“même à cette époque, Singapour ne considérait pas que Pulau Batu Puteh faisait déjà partie de son

territoire” . It simply shows the scruples of certain conscientious colonial officials who

31 recognized the incomplete nature of the archives saved from destruction during the war: the fact is

that Singapore, in the absence of any claim by Johor, did indeed have sovereignty over the island.

24. This is also what was understood by the Co lonial Secretary who, in his eventual reply,

dated 13 October 1953, to the Master Attendant’s question of 6 February 37, referred to the answer

38
from Johor and conveyed the conclusion draw n therefrom by the Attorney General . In addition,

this note adds further confirmation to what I was saying a few moments ago about the significance

of the word “ownership” which appears in the letter from the State Secretary of Johor of

21September: “[L]e secrétaire d’Etat du Johor déclare que le Gouvernement du Johor ne

3Cf. MM, Ann. 70.
36
RM, p. 173, para. 369; see also MM, p. 109, para. 241.
37
MS, Ann. 91.
3MS, Ann. 97. - 21 -

revendique pas la propriété du rocher de Pedra Branca sur lequel se trouve le phare Horsburgh ”

(emphasis added). It is in fact the island that is referred to, not the lighthouse.

(c) The legal significance of the 1953 exchange of correspondence

25. Until now, Mr. President, my argument has been “analytic” and I have sought to examine

the significance of each of the documents available to us in isolation. Before moving on from this

important episode, I would like, with your permission, to offer a more “synthetic” reminder of the

legal significance which should be attributed to it as a whole— if only because “in judging the

effect of these notes too much importance must not be attached to particular expressions here and

there. The correspondence must be judged as a whole.” ( Legal Status of Eastern Greenland ,

Judgment, 1933, P.C.I.J. Series A/B, No. 53, p. 54; see also p. 60.)

26. In reflecting on this aspect of the present case, one cannot but be struck by its similarities

with the Eastern Greenland case settled by the Permanent Court of International Justice. In its

Judgment of 5 April 1933, the Court recognized Dani sh title to the disputed territory on account of

the peaceful and continuous exercise of State authority by that country ( ibid., inter alia pp. 51, 54

and 64), but that did not prevent it from inquiring as to the legal consequences of “certain

[Norwegian] undertakings which recognized Danish sovereignty over all Greenland” ( ibid, p. 64).

32 These include the famous “Ihlen Declaration”, which is of interest to us on more than one count.

27. In it, Ihlen, Norway’s Minister for Foreign Affairs, informed “the Danish Minister that

the Norwegian Government would not make any difficulties in the settlement of this question”, that

is to say that it would not be opposed to “the Danish Government extending their political and

economic interests to the whole of Greenland” ( ibid., p.70). Without having to resolve the

issue — with which the literature is fascinated — of whether Norway was in that case bound by a

verbal agreement with Denmark or by a unilateral act, the Court held “it beyond all dispute that a

reply of this nature given by the Minister for Foreign Affairs on behalf of his Government in

response to a request by the diplomatic represen tative of a foreign Power, in regard to a

question falling within his province, is binding upon the country to which the Minister belongs”

(ibid., p.71; see also Nuclear Tests (Australia v. France) (New Zealand v. France), Judgment,

I.C.J. Reports 1974, p.267, para.43; p.472, para.46 or Armed Activities on the Territory of the - 22 -

Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda),

I.C.J. Reports 2006, p. 28, paras. 49-50).

28. Mutatis mutandis, the same could be said in the present case: a competent organ of the

Colony of Singapore approaches the Government of the neighbouring State with an enquiry about

the legal status of a territory. The answer is unequivocal (the “le Gouvernement du Johor ne

revendique pas la propriété de Pedra Branca”). It is equally indisputable that, there being no reason

to dwell on the particular capacity of the person who gave the reply, as that person unquestionably

possessed the capacity to bind the State ( ibid., pp. 27-28, paras. 47-48), such a reply is binding on

Johor: its author was a person who, according to the 1948 Constitution of Johor, was none other

than “the principal officer in charge of the ad ministrative affairs of the State” (MS, Ann.88,

Art. VI (1)).

29. The comparison can moreover be taken furthe r. It is certain that just as the Ihlen

Declaration did not constitute “a definitive recogn ition of Danish sovereignty” over the whole of

Greenland (Legal Status of Eastern Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J. Series A/B, No. 53, p. 69),

so too the letter from the State Secretary of Johor does not explicitly recognize Singapore’s

sovereignty over Pedra Branca — we do not claim the contrary and that was not in any case what

Higham had asked. However, just as Norway was under an obligation to refrain from contesting

33 Danish sovereignty over Greenland as a whole as a result of the undertaking involved in the

Ihlen Declaration of 1919 ( ibid., p. 73), so too Malaysia, as Johor’s successor, cannot now invoke

against Singapore a title to territory which the State Secretary of Johor acknowledged did not exist

in 1953.

30. Indeed, the State Secretary of Johor ⎯ and this goes further then the Ihlen

Declaration ⎯ does not simply make a declaration of inte nt regarding a project, he states a fact:

“the Johore Government does not claim ownership of Pedra Branca”. That is an assertion which

was sufficient in itself and did not require any r esponse by Singapore. To borrow the expression

used by the Court in the Nuclear Tests cases, “[i]n these circumstances, nothing in the nature of a

quid pro quo , nor any subsequent acceptance of the decl aration, nor even any reply or reaction

from other States, is required for the declaration to take effect” ( Nuclear Tests (Australia v.

France) (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports1974, p.267, para.43; p.472, - 23 -

para.46). And, Mr.President, I cannot refrain from quoting once again the famous separate

opinion by the Vice-President, JudgeAl faro, in the Court’s Judgment in the Temple of Preah

Vihear (Cambodia v. Thailand) case: whatever terms are employed to designate the principle, its

“legal effect... is always the same: the party which by its recognition, its

representation, its declaration, its conductor its silence has maintained an attitude
manifestly contrary to the right it is cl aiming before an international tribunal is
precluded from claiming that right ( venire contra factum proprium non valet )”

(Judgment, Merits, I.C.J. Reports 1962, p. 40).

31. In other words, Mr.President, I readily acknowledge that the letter from Johor of

21September1953 does not constitute positive proof that it is Singapore which enjoys territorial

title to Pedra Branca. But it absolutely rules out sovereignty over the island belonging to Malaysia.

In the absence of any challenge from a third State, that can only lead you, Members of the Court, to

find that Singapore has sovereignty over Pedra Branca.

Members of the Court, I thank you for your kind attention and ask you, Mr.President, to

give the floor to Ms Loretta Malintoppi.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: I thank you for your statement. Je

donne à présent la parole à Mme Malintoppi.

34 Mme MALINTOPPI : Je vous remercie, Monsieur le président.

L’IMPORTANCE DES CARTES ET DE LA RECONNAISSANCE PAR DES E TATS TIERS EN L ’ESPÈCE

Monsieur le président, Messieurs les juges, cet exposé portera sur deux questions distinctes :

premièrement, je traiterai brièvement des éléments de preuve cartographiques et de leur importance

pour la présente affaire et, deuxièmement, je parler ai de la reconnaissance de la souveraineté de

Singapour sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge par des Etats tiers.

1. Les éléments de preuve cartographiques

1. En règle générale et suivant leur degré de précision, les cartes constituent des

représentations graphiques de certains faits géographiques et ⎯ lorsqu’il s’agit de démontrer

l’attribution d’un titre de souveraineté ⎯ elles ne sauraient seules ét ablir ce titre, sauf dans des

circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’elles sont jointes à un accord de délimitation de - 24 -

frontières ou qu’elles en font partie (voir Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),

fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p.582, par.54). Singapour et la Malaisie s’accordent sur le fait

qu’il n’y a pas, en l’espèce, de carte ayant cette sorte de valeur juridique que la Cour a décrite dans

l’affaire du Différend frontalier (RM, p. 176, par. 376) et qu’elle a réaffirmée très récemment dans

l’arrêt Nicaragua c. Honduras, dans lequel la Cour a souligné «la portée extrêmement limitée des

cartes en tant que source d’un titre souverain» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua

et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Honduras c.Nicaragua) , arrêt du 8 octobre 2007,

par. 215).

2. En l’espèce, la preuve de la souverain eté de Singapour se trouve ailleurs. Comme mes

collègues l’ont expliqué, Singapour tire son titre de la possession paisible de Pedra Branca par son

prédécesseur en titre, la Grande-Bretagne, pendant la période allant de 1847 à 1851. Singapour a

ensuite conservé ce titre en exerçant de manière c ontinue jusqu’à aujourd’hu i l’autorité exclusive

sur Pedra Branca et les autres formations en litige.

3. Néanmoins, les éléments de preuve cartographiques ont encore un rôle à jouer en l’espèce

de deux manières principales : en premier lieu, en tant qu’éléments démontrant que le point de vue

officiel du Gouvernement de la Malaisie lui-même était, avant l’apparition du différend, que

PedraBranca relevait de la souveraineté de Singapour et, en second lieu, en tant qu’éléments de

35 preuve corroborant et confirmant l’existence du titr e de Singapour sur les îles en litige, un titre que

la Malaisie a accepté de manière tacite jusqu’à la naissance du présent différend.

2. Les cartes malaisiennes en tant qu’éléments allant à l’encontre des intérêts de

la Partie dont elles émanent

4. J’examinerai tout d’abord les propres carte s officielles de la Malaisie qui reconnaissent

que Pedra Branca appartient à Singa pour. La Malaisie est, et cela se comprend, particulièrement

sur la défensive en ce qui concerne ces cartes. Les Parties ont débattu en détail la question dans

leurs pièces écrites et, sans m’attarder par conséquent sur ce sujet, je réitérerai cependa nt quelques

points.

5. Les six cartes en question, qui sont toutes des éditions différentes de la feuille135 de la

sérieL7010 (cartes 12, 13, 14 et 15 du mémoire de Singapour; cartes 38 et 41 de l’atlas

accompagnant le mémoire de la Malaisie), sont reproduites dans le dossier de plaidoiries, sous - 25 -

l’onglet45. J’appelle en particulier l’attention de la Cour sur les quatre cartes déposées par

Singapour avec son mémoire. Toutes ces cartes s ont intitulées «Pengerang», du nom de la région
o
qu’elles représentent. La première carte, que l’on voit à présent à l’écran ⎯ carte n 12 ⎯ fut

publiée en 1962 par le directeur des services cartogr aphiques de la Fédération de Malaya, soit la

plus haute autorité de la fédération en matière de cartographie. Cette carte est à l’écran. Si nous

agrandissons maintenant la partie qui nous intéresse, celle qui montre Pedra Branca sous le nom de

Pulau Batu Puteh suivant la traduction malaise, nous pouvons lire en dessous, entre parenthèses, le

mot «Horsburgh» et, encore en dessous, égalemen t entre parenthèses mais en lettres majuscules,

celui de «Singapour».

6. Les attributions qui figurent sur les parties pertinentes des trois autres cartes ⎯ projetées à

présent à l’écran ⎯ sont très similaires, voire identiques. La deuxième carte, la carte n o13, est une

seconde édition de la première, également publiée pa r le directeur des services cartographiques de

la Fédération de Malaya en 1962. La troisième carte, la carte n o14, fut publiée en 1965 par le

directeur du service national de cartographie de la Ma laisie, l’autorité officielle du pays en matière

de cartographie, et la quatrième carte, établie également par le même directeur du service national

de cartographie, fut publiée en 1974. Les de ux autres cartes malaisiennes, qui sont reproduites

dans l’atlas cartographique de la Malaisie et qui furent publiées en1970 et 1975, comportent les

mêmes annotations et furent également publiées par le directeur du service national de cartographie

de la Malaisie.

7. On peut accorder à toutes ces cartes une valeur probante importante : elles constituent des

déclarations faites par l’autorité officielle de la Malaisie en matière de cartographie sur une période

de quatorze ans, avant la naissance du différend, déclarations qui décrivent Pedra Branca comme

appartenant à Singapour. Ces déclarations cartographiques viennent contredire radicalement la
36

prétention que formule à présent la Malaisie. Pour reprendre les termes du tribunal arbitral dans

l’affaire du C anal de Beagle ⎯lesquels termes sont particulièreme nt pertinents s’agissant de la

situation présente ⎯ :

«L’effet cumulé dans une espèce donnée d’un grand nombre de cartes qui disent

la même chose, en particulier lorsque certaines de ces cartes émanent de la partie
adverse ou de pays tiers, ne peut être que c onsidérable, soit en tant qu’indication de
faits notoires ou dont la connaissance ou la croyance est au moins répandue, soit en
tant qu’il confirme des conclusions tirées ... indépendamment des cartes.» ( Arbitrage - 26 -

du canal de Beagle (Argentine c. Chili), sentence du 18février1977, ILR, vol.52,
p. 203-204, par. 139.) [Traduction du Greffe.]

8. C’est précisément ce qui s’est passé en l’esp èce. Ces cartes officielles de la Malaisie

disent individuellement et cumulativement la même chose. Elles signifient ce qu’elles disent et

elles disent ce qu’elles signifient: la Malaisie considérait Pedra Branca comme appartenant à

Singapour. Néanmoins, la Malaisie tente d’écarter ces cartes en les qualifiant d’«ambiguës» et

affirme qu’elle «rejette l’idée que ces cartes puisse nt être considérées comme un aveu de sa part

consistant à admettre la thèse adverse» (RM, p. 187, par.398). Que cela plaise ou non à la

Malaisie, il est difficile de voir ce que ces cartes ont d’ambigu ou comment on pourrait les qualifier

autrement que d’aveux de la part de la Malaisie allant à l’encontre de ses propres intérêts et par

lesquels elle admet que Pedra Branca appartient à Singapour.

9. La Malaisie va même jusqu’à remettre en question l’attribution de Pedra Branca à

Singapour qui est précisée sur les cartes et indi que que «ce que l’annotation [Singapour] est censée

indiquer n’est pas du tout clair» (RM, p.189, par.403). Mais qu’ont bien pu chercher à indiquer

d’autre les auteurs de la carte lorsqu’ils ont not é «Singapour» en lettres maju scules si ce n’est que

l’île appartenait à Singapour? La Malaisie prétend-t-elle sé rieusement que les annotations

figurant sur les cartes visaient à préciser que seul le phare situé sur l’île appartenait à Singapour et

non l’île elle-même ? Une telle a ffirmation est non seulement contra ire à la logique, mais elle est

également démentie par les cartes elles-mêmes.

10. Afin d’illustrer ce point, je voudrais reveni r à la première carte, datant de 1962, de la

collection de la sérieL7010 de la Malais ie que nous avons vue précédemment à l’écran

(carte n12 du mémoire de Singapour, égalemen t reproduite en tant que carte n o32 de l’atlas

cartographique de la Malaisie). [A l’écran.] Il ne s’agit que d’un seul exemple, mais l’on peut

faire exactement les mêmes observations à propos des autres cartes officielles que la Malaisie

publia entre 1962 et 1975.

11. Comme je l’ai fait observer, le nom de «Singapour» figure clairement sur la partie de la

carte représentant Pedra Branca, en majuscules et entre parenthèses. Si la Cour porte à présent son

attention sur une autre île représentée sur la carte — île dénommée «Pulau Tekong Besar» — elle
37

verra que le même nom, «Singapour», appara ît —exactement de la même manière— entre

parenthèses au sujet de ce territoire. C’est un fa it incontesté que Pulau Tekong Besar relève de la - 27 -

souveraineté de Singapour. Il ressort des cartes, de manière aussi nette qu’incontestable, que

PedraBranca porte l’annotation «Singapour» exactement de la même façon que l’île

singapourienne de Pulau Tekong Besar. Manifestem ent, les deux îles étaient considérées comme

appartenant à Singapour. Il n’y avait pas de phare sur Pulau Tekong Besar et donc aucune raison

pour que l’autorité cartographique malaisienne emploie le nom de «Singapour» simplement pour

désigner l’exploitant du phare, comme l’a laissé en tendre la Malaisie en s’efforçant d’avancer une

explication pour écarter les cartes en question.

12. Ce point est confirmé davantage si l’on établit une comparaison avec l’île de

Pulau Pisang, laquelle, comme l’a expliqué M. Bundy, appartient à la Malaisie mais sur laquelle se

trouve un phare exploité par Singapour.
o
13. La carte projetée à présent à l’écran [CMS, carte n 25] figure également sous l’onglet 47

de vos dossiers de plaidoiries et est tirée de la même série malaisienne: l’île de PulauPisang

apparaît au bas de la carte, dans le coin gauche. Si nous agrandissons la carte pour concentrer notre

attention sur cette île, la Cour remarquera que le nom de «Singa pour» n’apparaît pas sur l’île bien

que Singapour assure l’entretien du phare et que celui-ci soit indiqué sur la carte. Contrairement à

ce qu’avance la Malaisie, cela démontre qu’elle n’employait pas l’annotation «Singapour» sur ses

cartes simplement pour marquer un phare exploité par Singapour su r le territoire malaisien.

Lorsque la Malaisie employait le nom de «Si ngapour» sur ses cartes, e lle faisait clairement

référence au détenteur véritable du titre sur le territoire.

14. Ayant écarté le premier argument de la Malaisie, je voudrais parler à présent du second :

il s’agit de son affirmation sel on laquelle les cartes ne peuvent être considérées comme des

déclarations allant à l’encontre des intérêts de la partie dont elles émanent car elles comportent des

notes d’avertissement. Ce que la Malaisie manque de souligner est que ces notes d’avertissement

indiquent que les cartes ne font pas autorité en ce qui concerne la délimitation des frontières

notamment internationales. Ainsi, ces notes ne concernent en rien l’attribution de territoire mais

visent plutôt la délimitation des frontières. Il s’agit là d’une distinction importante car toute

déviation du cours d’une frontière (qui peut être due à l’inexactitude d’une carte ou aux

imperfections causées par l’échelle de la carte) est d’une nature fondamentalement différente de - 28 -

l’attribution proprement dite d’un territoire à un pays donné par une indication dépourvue

d’ambiguïté.

38 15. Même en supposant, quod non, que les notes d’avertissement s’étendaient également à

l’attribution de territoire, cela n’enlève rien à lvaleur juridique des cartes en tant qu’aveu de la

part de la Malaisie allant à l’encontre de ses intérêts. Comme l’a fait observer la commission de

délimitation des frontières en l’affaire Erythrée/Ethiopie, une note d’avertissement ne décharge pas

un Etat désavantagé par une carte des conséquences qui peuvent découler de la carte car, comme

l’a noté la commission, «la carte reste une indica tion d’un fait géographique, en particulier lorsque

l’Etat qu’elle désavantage l’a lui-même établie et diffusée, même contre ses propres intérêts»

(Décision de la commission de délimitation des frontières entre l’Erythrée et l’Ethiopie concernant

la délimitation de la frontière entre l’Etat d’Erythrée et la République fédér
le démocratique

d’Ethiopie, décision du 13avril2002, reproduite dans 41 Int’l L.Materials 1057 (2002), p. 28,

par. 3.27) [traduction du Greffe].

16. La publication de cartes officielles est une forme de conduite d’un Etat. Lorsqu’un

gouvernement, comme celui de la Malaisie l’a fait en l’espèce, a publié sur une période s’étalant

sur de nombreuses années une série de cartes mont rant de manière constante l’attribution d’un

territoire qui vient à l’appui de la prétention avancée par un autre Etat, cette conduite révèle

forcément la position adoptée à l’époque par le gouvernement sur la question de la souveraineté sur

le territoire concerné. Le fait que les propres cartes officielles de la Malaisie soient parfaitement

cohérentes avec la position de Singapour est une autre anomalie fondamentale du dossier de la

Malaisie.

Monsieur le président, ceci pourrait constituer un moment approprié pour moi d’arrêter et je

reprendrai après la pause-café, si vous le souhaitez.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie infiniment. Je pense

que nous pouvons observer notre pause habituelle de dix minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 35. - 29 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Veuillez vous asseoir. Veuillez

poursuivre.

Mme MALINTOPPI : Je vous remercie, Monsieur le président.

3. Les cartes anciennes

17. Avant la pause-café, j’ai décrit les cartes officielles publiées par les autorités

malaisiennes, qui attribuent PedraBranca à Singapour. La Malaisie cherche à en minimiser la

pertinence. Mais, si elle agit ainsi à l’égard de ses propres cartes officielles, lorsqu’elles ne vont

pas dans le sens de ses intérêts, la Malaisie fa it en revanche grand cas d’autres éléments de preuve

39 cartographiques. Elle développe longuement cette question dans ses pièces ; elle a soumis un atlas

cartographique et elle reproduit force cartes dans ses écritures. L’argumentation de la Malaisie à

cet égard s’articule autour de deux idées maîtresses : la première consiste à affirmer que les cartes

anciennes étayent sa prétention à un titre originai re fondé sur une possession immémoriale, en tant

qu’elles révéleraient un lien entre PedraBranca et le Johor ou figureraient PedraBranca dans la

sphère d’influence britannique. Ces cartes, en d’autres termes, illustre raient le point de vue d’Etats

tiers selon lequel l’île a autrefois appartenu au Johor.

18. Le second volet de la démonstration de la Malaisie repose sur les conclusions qu’elle tire

de deux propositions négatives, à savoir : le fait que, premièrement, les cartes ne représentent pas

les frontières maritimes de Singapour dans la zone qui entoure PedraBranca (CMM, p.264,

par. 557) et que, deuxièmement, les cartes existantes ne permettent pas de penser que Pedra Branca

et les formations adjacentes ne faisaient pas partie de la Malaisie (RM, p.176, par.376).

Naturellement, la Malaisie omet, fort opportunéme nt, de mentionner ou d’expliquer le contenu de

ses propres cartes officielles, qui montrent précisément le contraire de ce qu’elle affirme.

19. L’on peut passer rapidement sur les cartes les plus anciennes. J’inviterai la Cour à se

e e
référer aux sixcartes datant du XVII siècle au milieu du XIX siècle reproduites par la Malaisie

dans son mémoire (atlas cartographique, cartes 1-6). Ces cartes ont un caractère extrêmement

général; elles sont imprécises et de nature contradictoire (même la Malaisie admet, au

paragraphe[382] de sa réplique, que l’échelle de ces cartes très anciennes est inexacte). Aussi

sont-elles dépourvues de toute pertinence aux fins d’une indication concernant la souveraineté. De - 30 -

surcroît, aucune d’elles n’attribue spécifiquement Pedra Branca au Johor, ni ne peut d’aucune façon

étayer la revendication malaisienne de souveraineté sur Pedra Branca.

20. En ce qui concerne le prétendu «lien étroit» entre PedraBranca et le Johor, il n’est pas

établi par ces cartes, et reste à prouver. Ainsi que l’a indiqué Singapour dans son contre-mémoire,

il existe d’autres cartes de cette époque, sur l esquelles Pedra Branca apparaît comme dépourvue de

tout lien avec le continent du Johor et certaines, comme les deux cartes du Johor et de ses

os
dépendances publiées en 1887 et 1893, sur lesque lles elle n’apparaît pas du tout (cartes n 9 et 10

de l’atlas de Singapour). Ces deux dernières cartes revêtent une importance pa rticulière. Je vais

maintenant montrer à l’écran celle de 1887. La première carte officielle du Johor publiée sous

l’autorité du sultan fut établie à partir de lev és très détaillés par un haut responsable du Johor

⎯comme vous pouvez le voir sur la légende— le «Dato Bintara Luar» (ce qui, m’a-t-on dit,

signifie ministre des affaires étrangères en malais ). Cette carte fut officiellement présentée au

gouvernement d’Australie du Sud par le sultan de Johor en 1887.

40 21. La carte du territoire du Johor de 1893, sur laquelle Pedra Branca ne figure pas non plus,

fut établie par un cartographe au service du Gouvernement du Johor et publiée en 1894 dans le

Geographical Journal de la Royal Geographic Society, pour illustrer une communication sur «le

Johore». Lorsque la communication fut présentée devant une assemblée de la Royal Geographic

Society, le 12février1894, le secrétaire du sulta n de Johor nota que cette carte «p[ouvai]t être

o
considérée comme la carte actuelle» (The Geographic Journal, vol. III, n 4, p. 298).

22. A la différence de ces cartes officielles du Johor, qui ne représentent pas Pedra Branca, il

n’est rien, dans celles invoquées par la Malaisie ou dans les éléments qu’elle a produits, qui prouve

qu’elles auraient été établies à la demande ou avec l’autorisation de tel ou tel souverain local. Au

vu de ces considérations, aucune conclusion ne saurait être tirée de ces cartes sur la question de

savoir qui était perçu à l’époque comme le détenteur du titre sur Pedra Branca et les formations qui

s’y rattachent. Du reste, ainsi que l’a indiqué le tribunal arbitral dans la sentence rendue en

e
l’affaire Erythrée/Yémen (première phase) à propos des cartes établies au XIX siècle, «[c]e

matériau n’autorise guère à tirer des conclusions solides» (sentence du 9octobre1998, par.370,

p. 95). - 31 -

23. Le même raisonnement vaut pour les cartes délimitant les sphères d’influence respectives

de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas. Il est dit que ces cartes revêtent une grande importance,

parce qu’elles sont postérieures à la conclusion du traité anglo-néerlandais de 1824 et que

⎯soutient la Malaisie ⎯ PedraBranca n’y apparaîtrait pas comme incluse dans la sphère

d’influence néerlandaise. Or, indépendamment même du fait que ce qui est appelé des «sphères

d’influence» ne signifie pas une même chose qu’un titre souverain, ces cartes ne montrent

l’attribution de Pedra Branca à aucun souverain particulier.

24. En l’espèce, le titre fut solidement établi lorsque les autorités britanniques à Singapour

prirent possession de PedraBranca, entre 1847 et 1851. C’est ce que confirme également la

reconnaissance, par les Pays-Bas, de la souveraineté britannique sur PedraBranca, qui intervint

en 1850, et sur laquelle je reviendrai dans la suite de mon intervention.

4. Les cartes du XX esiècle

e
25. J’en viens maintenant aux cartes du XX siècle. La Malaisie soutient que, puisque

certaines d’entre elles ne représentent pas de ligne frontière dans la zone située autour de

Pedra Branca, elles doivent nécessairement refléter l’idée que l’île n’était pas située dans les limites

maritimes de Singapour. En d’autres termes, la pos ition de la Malaisie est que les cartes n’étayent
41

pas la revendication par Singapour d’un titre sur l’île et les formations qui s’y rattachent.

26. L’argument de la Malaisie ne fait tout simplement pas le poids face à la prise de

possession de l’île par Singapour et de la quantité impressionnante d’actes accomplis par elle à titre

de souverain à Pedra Branca et dans ses environs sur une période de plus de cent cinquanteans.

Toute conclusion négative que la Malaisie pourrait tirer ou voudrait tirer de ces cartes marines de

nature extrêmement générale est en définitive sans pertinence et ne sert pas sa cause. Quoi qu’elles

montrent ou ne montrent pas, les cartes ne pe uvent d’aucune manière l’emporter sur la série

d’activités et de visites officielles qui se sont succédées sur PedraBranca entre 1847 et 1851, les

diverses manifestations de l’intention et de la volonté de la Grande-Bre tagne d’agir à titre de

souverain, et le maintien de son titre grâce à tout e une gamme d’actes d’administration paisibles et

continus, depuis 1851. Et elles ne peuvent assurément annuler la renonciation expresse au titre sur

Pedra Branca qu’a formulée l’Etat du Johor en 1953. - 32 -

27. La Malaisie soutient également que, si Singapour a souveraineté sur Pedra Branca,

Middle Rocks et South Ledge, elle aurait fait figurer lesdites formations sur ses cartes. La réponse

à cet argument est évidente, et elle tient à la distance physique qui sépare Pedra Branca de l’île

principale de Singapour. Après tout, que la Martinique ou la Guadeloupe n’apparaissent pas sur les

cartes de France ne les rend pas moins françaises.

28. La Malaisie invoque ensuite certaines cartes sur lesquelles figurent des lignes en mer qui

placent, affirme-t-elle, Pedra Branca dans les eaux territoriales de la Malaisie ou de ses

prédécesseurs (cartes26-29 et 35-36 de l’atlas cartographique de la Malaisie et cartes7-11 du

contre-mémoire de la Malaisie, p. 286-297).

29. Singapour a déjà répondu en détail, dans son contre-mémoire et dans sa réplique, aux

arguments que la Malaisie a avancés au sujet de chacune de ces cartes mais, au vu de la place que

la Malaisie leur accorde dans sa réplique (p.183-187, par.389-398), certaines remarques

s’imposent.

30. Les cartes 27, 28 et 29 de l’atlas cartographique de la Malaisie montrent toutes, en mer,

des lignes en pointillés semblables. La carte projet ée à l’écran, à titre d’exemple, est la carte28.

De part et d’autre de la ligne qui s’y trouve représentée, figurent les indications: «Fédération de

Malaya» et «République d’Indonésie». Les au tres cartes contiennent des lignes et mentions

semblables (par exemple «Malayabritannique», «Indesorientalesnéerlandaises»). La carte27 a

été publiée par le War Office britannique en 1944, les cartes 28 et 29 étant des réimpressions datant

de 1950.

42 31. Pour la Malaisie, l’importance de ces ca rtes marines tient au fait que la délimitation

qu’opéreraient les lignes en pointillés tracées en mer entre la Fédération de Malaya et la

République d’Indonésie, ou entre la Malaya br itannique et les Indes orientales néerlandaises,

situerait PedraBranca et les formations qui s’y rattachent dans les eaux du Johor. La Malaisie

soutient également que le fait qu’aucune de ces cartes ne représente, aux alentours de

PedraBranca, de ligne attribuant cette derniè re à Singapour montre que leur «auteurs ne

considéraient pas PBP comme relevant de la province de Singapour (Malaisie)» (RM, p.184,

par. 391). - 33 -

32. Toutefois ces cartes marines ne permettent nullement de savoir qui avait la souveraineté

sur l’île, et les arguments avancés par la Malaisie dans sa réplique ne peuvent rien changer. Toutes

trois figurent Pedra Branca et Middle Rock par le symbole d’un phare entouré d’un groupe de

rochers, désigné sous le nom «Pedra Branca Hors burgh (Middle Rock)». South Ledge est qualifié

de «rocher» et représenté par un point noir, à quel que 2 milles au sud-ouest de Pedra Branca. Les

lignes en pointillés, sur les trois cartes, pl acent South Ledge du «côté indonésien». Les

cartes28et29 contiennent des notes d’avertissement, et, sur la carte27, la ligne en pointillés est

accompagnée de la légende «Malaya britannique», appellation qui, à l’époque, englobait le Johor et

Singapour. Aussi la ligne représentée sur cette carte marine n’aide-t-elle en rien à déterminer si

Pedra Branca appartenait à Singapour ou au Johor.

33. En résumé, aucune conclusion quant au déte nteur de la souveraineté ne peut être inférée

de ces cartes marines militaires. Cela est confir mé davantage par le caractère arbitraire des lignes

en pointillés qui y sont figurées et par les notes d’avertissement qu’elles contiennent.

34. De même, aucune conclusion ne peut être tirée des cartes35 et 37 de l’atlas

cartographique du mémoire de la Malaisie, et t outes deux comportent une note d’avertissement

indiquant qu’elles ne font pas autorité en matière de délimitation. L’interpré tation de la Malaisie, à

savoir qu’elles sont incompatibles avec l’ex istence d’une souveraineté singapourienne sur

Pedra Branca, traduit un vŒu et non la réalité.

35. Avant de passer à un autre sujet, je voudrais dire quelques mots de la carte 30 de l’atlas

cartographique du mémoire de la Malaisie, présentement projetée à l’écran. Il s’agit d’une carte

récapitulative du Johor —la planche135, publi ée en 1955. La Malaisie lui attache de

l’importance, parce que Pedra Branca n’y est pas expressément attribuée à Singapour. Dans son

contre-mémoire, Singapour a répondu en quatre points à l’affirmation de la Malaisie selon laquelle

cette carte «avait manifestement été établie et vérifiée avec soin» (MM, p. 148, par. 319) :

43 ⎯ premièrement, sur cette carte récapitulative, Pedra Branca n’était attribuée ni au Johor ni à la

Fédération de Malaya (ce que reconnaît la Malaisie dans son mémoire (p. 148, par. 319) et dans

sa réplique (p. 186, par. 397)) ;

⎯ deuxièmement, en tout état de cause, le fa it d’inclure une formation proéminente comme

Pedra Branca sur une carte récapitulative n’a aucune incidence en matière de souveraineté ; - 34 -

⎯ troisièmement, il aurait été possible de dresser une carte récapitulative sans procéder à des

levés sur Pedra Branca ;

⎯ quatrièmement, et c’est le point le plus important , la carte récapitulative de 1957 servit de base

à l’établissement d’une autre carte, publiée en 1962, dans laque lle la Malaisie attribuait

expressément et sans équivoque Pedra Branca à Singapour. Rappelons qu’il s’agit de la

planche 135 de la série L7010.

36. Dans sa réplique, la Malaisie a soutenu que Pedra Branca était un élément «essentiel» du

levé effectué par le Johor, et indiqué que des géomètres malaisiens s’étaient rendus sur

PedraBranca pour y procéder à des observations (RM, p.186, par.397). Toutefois, l’ordre

chronologique sur lequel reposent les arguments de la Malaisie est dénué de sens : le levé invoqué

par la Malaisie a été réalisé en 1959 et la carte récapitulative a été publiée en 1957. Comment un

levé effectué en 1959 a-t-il pu avoir une incidence sur une carte récapitulative établie deux ans plus

tôt ?

37. Quant au point déterminant que j’ai me ntionné —le fait que la carte récapitulative

de1957 a été à l’origine de la carte malaisie nne de 1962 «valant reconnaissance de la thèse

adverse» ⎯, la Malaisie, pour toute défense, se contente d’affirmer que «[l]a véracité de ce propos

reste à établir» (RM, p. 187, par. 398). Toutefois, elle est bel et bien établie, ainsi qu’il ressort des

éléments versés au dossier.

38. Qu’il nous suffise, ici, de préciser que la carte récapitulative de 1957 figure sous le

numéro 135 : en d’autres termes, elle porte la même référence que les deux cartes de 1962 «valant

reconnaissance de la thèse adverse». Ainsi que l’explique Singapour dans son contre-mémoire,

l’on trouve par ailleurs d’autres preuves documentaires attestant qu e la carte récapitulative de 1957

a servi de base à l’établissement des cartes officielles de 1962 dans les rapports annuels du service

topographique de la Fédération de Malaya (CMS, p. 229-230, par. 9.29 et note de bas de page 582,

p. 230 ; voir aussi CMS, annexe 35).

44 5. Reconnaissance par des Etats tiers de la souveraineté de Singapour sur Pedra Branca

39. Je vais à présent passer au dernier point de mon exposé : la reconnaissance par des Etats

tiers de la souveraineté de Singapour sur Pedra Branca. - 35 -

40. Comme c’est le cas pour les éléments de preuve cartographiques, la reconnaissance par

un Etat tiers seule n’est pas suffisante pour établir un titre territorial. Néanmoins, le fait que des

Etats tiers reconnaissent l’existence d’un titre appa rtenant à un Etat particulier atteste de la

notoriété du titre et peut ains i servir à confirmer l’existence du titre ou représenter la preuve d’une

connaissance générale de l’existence de ce titre.

41. Les divers épisodes qui reflètent le mode de reconnaissance par un tiers, au fil des ans,

du fait que PedraBranca se tr ouvait sous souveraineté de Singa pour ont été abondamment traités

par Singapour dans ses écritures. Permettez-moi de les rappeler brièvement une fois de plus.

42. Le 27novembre 1850, c’est-à-dire six mois seulement après la cérémonie de pose de la

première pierre du phare de Ho rsburgh au cours de laquelle ⎯ainsi que l’a rappelé

M. Brownlie ⎯ PedraBranca a été décrite en tant que dépendance de Singapour, le secrétaire

général néerlandais à Batavia a mentionné de manière expresse «la construction d’un phare à

PedraBranca, en territoire britannique» . Ceci a été fait dans une lettre adressée au résident

néerlandais à Riau. La lettre portait sur le pa iement de primes aux commandants des canonnières

néerlandaises qui ont apporté leur assistance à Thomson pour mener des patrouilles dans les eaux

situées entre Riau et Singapour au cours de la construction du phare. Le passage pertinent est

reproduit sous l’onglet 48 du dossier des juges et mérite d’être cité intégralement. Le texte se

trouve projeté à l’écran :

[Texte à l’écran.]

«Conformément aux instructions reçues, j’ai l’honneur d’informer Votre
Excellence que le gouvernement n’a trouvé aucune raison d’accorder des primes aux
commandants des croiseurs stationnés à Riau, comme vous le proposez dans votre
dépêche nº649 du 1 ernovembre1850, en invoquant le dévouement qu’ils ont montré

en menant des patrouilles dans la voie d’ eau située entre Riau et Singapour, et en
apportant leur aide à la construction d’un phare à Pe draBranca, en territoire
britannique. Ces commandants méritent d’autant moins de primes que les équipages

des croiseurs n’ont pas accompli ce qui c onstitue leur véritable mission, à savoir
croiser dans ces eaux pour poursuivre les pirates dont les agissements font
régulièrement l’objet de plaintes aux envi rons de Lingga.» (RS, annexe8; les
italiques sont de nous.)

43. Il convient de souligner que le secrétai re général néerlandais à Batavia était le

fonctionnaire le plus gradé des Indes orientales néerlandaises et que, ⎯en tant que secrétaire du

gouverneur général des Indes orientales néerlandaises ⎯, ses lettres revêtaient l’autorité du

gouverneur général. En particulier, l’auteur de cette lettre, M.Visscher, occupait le poste de - 36 -

secrétaire général depuis1841. Ainsi, il occupait s on poste depuis neufans lorsqu’il écrivit cette

45 lettre. En dehors de l’autorité même attachée à son poste, M.Visscher était clairement très

expérimenté et très au courant des affaires de la région. L’opinion contemporaine qu’il exprima sur

PedraBranca, à savoir que celle-ci relevait de la souveraineté britannique , doit par conséquent

revêtir un poids considérable.

44. Le deuxième épisode que je voudrais rappele r a trait à une réunion d’experts techniques,

de Singapour, de la Malaisie et de l’Indonésie, qui eut lieu en ma i 1983. Au cours de la réunion,

Singapour signala la présence de deux épaves a ux environs de PedraBranca et informa les

délégués que Singapour avait publié un avis aux navigateurs leur no tifiant la position des épaves

(MS, vol. 7, annexe 156).

45. Aucune objection n’a été élevée à la réunion par aucun des délégués quant au

comportement de Singapour, et de plus — grâce aux avis aux navigateurs publiés par Singapour —

il n’y a point de question de l’endroit exact où les incidents eurent lieu. Manifestement, il n’y avait

aucun doute non plus dans l’esprit des participants quant au fait que les incidents étaient survenus

dans les eaux de Singapour.

46. Ainsi que M. Bundy l’a déjà expliqué, au moins en deux occasions Singapour a accordé

permission à des nationaux d’Etats tiers pour mene r des activités sur Pedra Branca et dans les eaux

territoriales de celle-ci. La première occasion, en 1972, lorsqu’un membre de la société halieutique

américaine a demandé à étudier les habitudes migratoires de certaines espèces de poissons, et la

deuxième, en1981, lorsqu’une société britannique, la Regis Ltd., a demandé au département

hydrographique du port de Singapour à procéder à une scanographie des fonds marins situés 6 à

10 milles marins au nord-est de Pedra Branca, en relation avec des opérations de sauvetage. Dans

l’un et l’autre cas, les demandes ont été adressées aux autorités de Singapour et ont été agréées par

celle-ci.

47. La Malaisie rejette le premier épisode, au motif que la demande a été faite par une

personne privée et était adressée au président du Singapore Light Dues Board [Conseil des droits

de phare de Singapour], c’est-à-dire à l’entité respon sable du phare. Toutefois, les objections de la

Malaisie sont infondées: l’opinion d’une personne privée, même si elle ne peut être per se

déterminante quant à la question du titre, cons titue néanmoins la preuve qu’un certain état de - 37 -

choses était de notoriété publique. En l’espèce, le comportement de Singapour était conforme à

celui d’un détenteur du titre juridique sur un terr itoire et le comportement de la personne qui a

demandé la permission constitue la preuve de la notoriété d’un état de choses. De plus,

l’observation de la Malaisie n’enlève pas de son importance au fait que cette personne privée a écrit

à une agence gouvernementale de Singapour, et non de la Malaisie, afin d’obtenir la permission de

se rendre à PedraBranca, et qu’une agence gouve rnementale de Singapour a favorablement

46 répondu à la requête. Il s’agissait là d’un acte officiel de nature souveraine et cet acte atteste le fait

qu’il était de notoriété publique que Singapour avait souveraineté sur l’île.

48. Le dernier, et plus récent, épisode survint le 4juin2005, avec la collision entre deux

navires, l’Uni Concord et l’Everise Glory, aux alentours de Pedra Branca.

49. Je voudrais simplement rappeler ici que les communiqués de presse publiés par le

département des affaires étrangères des Philippines pour évoquer le décès d’un membre d’équipage

philippin qui résulta de l’incident faisaient état de ce que la collision s’était produite «en mer, au

large de Pedra Branca, Singapour». Il vous est également loisible de vous reporter, à l’annexe 61 et

dans les annexes 59-66 de la ré plique de Singapour, la correspondance diplomatique relative à

l’incident. Venant d’un Etat voisin de Singapour et de la Malaisie, qui est présumé être bien

informé de l’état des choses concernant les qu estions de souveraineté dans la région, la

reconnaissance des Philippines mérite de retenir particulièrement l’attention et revêt une

importance particulière.

50. Enfin, il y a la carte qui a été reproduite pa r la Malaisie à l’annexe 5 de sa réplique, carte

dont une copie est également contenue sous l’onglet 49 du dossier de plaidoiries.

51. La Malaisie présente cette carte dans un effort visant à priver de pertinence le fait que le

Journal officiel des Etats-Unis a cité à partir de 1970 Pedra Branca comme appartenant à Singapour

(CMS, p. 233, par. 9.32). La Malaisie décrit ce tte carte comme une «carte de la région établie par

le département d’Etat des Etats-Unis récemment déclassifiée» (RM, p. 188, par. 400).

52. Toutefois, comme la Malaisie elle-même l’a reconnu dans la note de bas de page 575 de

la page 188 de sa réplique, il ne s’agit pas là d’une carte établie et publiée par le département d’Etat

des Etats-Unis, mais d’une copie électronique ⎯figurant dans la banque de données du

département d’Etat des Etats-Unis ⎯ de la carte des opérations conj ointes établie par le ministère - 38 -

de la défense du Royaume-Uni et qui avait été envoyée au Gouvernement de Singapour sous forme

d’un projet en 1993 pour recueillir ses observations. Comme la Cour se le rappellera, Singapour a

formellement protesté auprès du Gouvernement du Royaume-Uni contre le fait que le mot

«Malaysia» apparaissait sur la carte et était ajouté sous la légende «Pulau Batu Puteh (Horsburgh)».

A la suite de la protestation élevée par Singapour contre ce qui apparaissait comme une attribution

politique de Pedra Branca à la Malaisie, la première et seule fois que cela était fait dans une série

de cartes, le Royaume-Uni retira la carte et ne l’a jamais publiée (voir CMS, p.234-235,

par. 9.35-9.36).

47 53. Il n’apparaît pas clairement comment la cause de la Malaisie pourrait être confortée par

une copie d’une carte anglaise figurant dans une base de données électronique des Etats-Unis, carte

qui n’a pas connu une large diffusion et n’est p as facilement accessible. Cette carte peut

difficilement être considérée comme la preuve de l’opinion des Etats-Unis, voire encore moins

comme la preuve d’une reconnaissance générale. En outre, étant donné que l’original de la carte

sur laquelle est fondée cette copie avait déjà entr aîné une protestation de Singapour, ni l’original

anglais de la carte, ni, à fortiori, la copie des Etats-Unis ne saurait revêtir une valeur juridique

quelconque par conséquent. Par cont raste, il apparaît clairement da ns le Journal officiel de1970

que la Commission américaine sur les noms géographiques, entité fédérale composée de

représentants de plusieurs départ ements du Gouvernement des Etats-Unis, a attribué Pedra Branca

à Singapour; dans la section «Malaysia» du mê me Journal officiel, aucune entrée n’existe

concernant Pedra Branca, pas même sous son nom malais, «Pulau Batu Puteh».

54. En conclusion, je dirai qu’aucun des épisodes, qu’aucun des arguments avancés par la

Malaisie dans une tentative visant à minimiser l’importance de ces épisodes de reconnaissance par

un Etat tiers de la souveraineté de Singapour sur Pedra Branca n’a de fondement. Le fait est que

tous ces épisodes, qu’ils résultent d’une initiative de personnes privées ou d’actes d’Etats ou

d’entités étatiques, attestent une reconnaissance générale que Pedra Branca relève de la

souveraineté de Singapour et que Singapour assume la responsabilité des activités menées sur l’île

et alentour. Par contraste, et en dépit de tous les efforts qu’elle faits, la Malaisie n’a rien à montrer

concernant la reconnaissance de son présumé titre sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge. - 39 -

Je vous remercie de votre attention, Monsieur le président, Messieurs les juges de la Cour. Puis-je

vous demander de bien vouloir don ner maintenant la parole à M. Pellet pour qu’il poursuive les

plaidoiries de Singapour ?

Le VICE-PRESIDENT, faisant foncti on de préside:tJe vous remercie,

Madame Malintoppi, pour votre exposé. Je donne la parole à M. Pellet.

Mr. PELLET: Thank you very much, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, I

have two pieces of good news for you. The first is that this is my final statement in Singapore’s

first round and the second is that it will be brief.

48 M IDDLE R OCKS AND SOUTH LEDGE

1. In paragraph 419 of its Reply Malaysia asserts: “This case is not simply about sovereignty

over PBP” (“La présente affaire ne se limite pas à la souveraineté sur Pulau Batu Puteh”). It is

entirely correct that the Court is requested in Article 2 of the Special Agreement

“to determine whether sovereignty over:

(a) Pedra Branca/Pulau Batu Puteh;

(b) MiddleRocks;

(c) SouthLedge;

belongs to Malaysia or the Republic of Singapore”.

2. But it does not follow that the fates of thesthree features should differ. Granted, that

could be the case if material in the record showed that they had received different treatment either

de jure or even de facto . But that is not so, as Malaysia cautiously stated in its Memorial: “Il est

vrai qu’il s’agissait de formations mineures, qui n’ont pas fait l’objet d’une attention

39
particulière” . This is actually an understatement, Mr. President: neither Middle Rocks nor South

Ledge was ever, from any perspective, treated differently from Pedra Branca. Malaysia has not

been able to cite any act prior to the critical date which was connected specifically with one or

40
other of these features. And while Singapore, for its part, has been able to name a few they are

39
MM, p. 132, para. 294.
4See CMS, pp. 212-213, paras. 8.18-8.20. - 40 -

clearly linked with its territorial sovereignty ove r Pedra Branca and, as a result, over the adjacent

waters where Middle Rocks and South Ledge lie and there is nothing specific about them.

3. It is moreover telling that in all its written pleadings Malaysia consistently used the

arguments it deployed in support of its claims to Pedr a Branca in an attempt to justify its claims to

Middle Rocks and South Ledge. In drafting its Reply, its counsel no doubt realized that they were

very short of arguments in this regard, as the phrase “PBP, Middle Rocks and/or South Ledge”

appears more than 80times (I counted with the he lp of the Ctrl-F keys on my computer) in the

49 Reply! Malaysia may well deny that these three features form a group but it nevertheless treats

them as one throughout its pleadings.

4. Having made this preliminary comment, I intend, Mr.President, first to rebut the two

arguments to the contrary which Malaysia still feebly offers in its Reply. I shall then very briefly

review Singapore’s position as to sovereignty over Middle Rocks and South Ledge.

5. Albeit in muted terms, Malaysia’s Repl y reiterates its contention that Pedra Branca,

Middle Rocks and South Ledge have differing charact eristics. While it devotes 12 pages to this, it

raises only two arguments to this effect, with which I shall deal in turn in a few words:

(1) the three features are said to be separated from one another by navigable channels; and

(2) South Ledge ⎯ which the Parties concur is not capable of being appropriated separately ⎯ is

claimed to lie in the territorial waters of Middle Rocks, not Pedra Branca.

1. The question of navigable channels

6. Malaysia goes to great trouble in attempting to establish that navigable channels separate

Pedra Branca from Middle Rocks, on the one hand, and Middle Rocks from South Ledge, on the

other. Besides the fact that this assertion attests a rather odd conception of what makes a navigable

channel, I have difficulty, Mr. President, seeing how this helps Malaysia’s argument.

7. To support its assertion as to the existence of “navigable” channels, Malaysia relies on a

“report” (which can be considered to be an affidavit) by CaptainGohSiewChong, which is
41
annexed to its Reply . According to this, Pedra Branca is separated from Middle Rocks by a

channel at least 10.1m deep and Middle Rocks from South Ledge by a different channel with a

41
RM, App. III, pp. 235-245. - 41 -

42
minimum depth of 18.3m . This is more or less exactly what Singapore said in its Memorial,

basing itself on a study carried out in 2003 by the Maritime and Port Authority 43.

[Slide 1: Extract from British Admiralty Chart 24 03 (folded copy placed in the inside back cover
50
of CMM) (judges’ folder, tab 51)]

8. Does it follow that these can be called naviga ble channels? Yes, in that small boats can

bravely venture into them at their own risk. But the significance of this in terms of navigation is

nominal, given the relatively shallow draught of th e vessels to which these channels are open. The

British Admiralty Chart extract on the screen behind me shows this in the clearest possible way:

Pedra Branca and Middle Rocks are circumscribed, together, by a single dotted line announcing

one danger for navigation and indicating a depth of less than 10fathoms (this is the white shape

slightly resembling Snoopy). Further, on either si de of the group formed by our three features we

find channels which are far “more navigable”, as seen in the diagram and marine charts appearing

at tabs Nos. 50, 52 and 53 in the judges’ folder. Moreover, no chart refers to a navigable channel

between Pedra Branca and Middle Rocks, including ⎯ and this bears noting ⎯ British Admiralty

Chart 3831, which, according to Captain Goh, was drawn up for the most part from data collected

44
by the HMS Dampier during the 1967 survey . Nor can Malaysia point to any nautical guide or

instructions whatsoever indicating a navigable channe l at this location: one exists only in the very

biased imagination of Captain Goh.

[End of slide 1]

9. It would seem that the whole point of th e exercise for Malaysia is to show that Pedra

Branca, Middle Rocks and South Ledge do not form a “group”. This notion is, in all honesty, a

very relative one, as CaptainGoh expressly obser ves in his affidavit: “D’un point de vue

hydrographique, il n’existe pas de facteur spécifique qui détermine si un ensemble d’îles constitue

45
un groupe d’îles ou une autre formation.” Will the three features be said not to form a group

because small boats can sail between them? Or w ill they be considered a group because they are

4Ibid., p. 243, paras. 5.5 and 5.6 or RS, pp. 195-196, para. 413.
43
See MS, Vol. 7, Ann. 201 and p. 204, para. 8.6.
44
RM, App. III, p. 242, para. 5.2.
4RM, App. III, p. 242, para. 5.1. - 42 -

hemmed in by two far deeper channels, by which they can be skirted? I do not think that there is an

51 incontrovertible answer to the question from the legal point of view. And, more importantly, I

think that this is of virtually no significance.

10. “Group” or not, the fact is, as I pointed ou t a few moments ago, that the three features

have always been seen as a whole and treated as one . And this inevitably brings to mind a passage

from Max Huber’s award in the Island of Palmas case, which I quoted two days ago in respect of

Johor’s untraceable title to Pedra Branca 46, a passage in which the renowned arbitrator, after having

ruled out contiguity as a principle to be applied in settling territorial disputes, nevertheless added:

“As regards groups of islands, it is possible that a group may under certain
circumstances be regarded as in law a unit, a nd that the fate of the principal part may
involve the rest. Here, however, we must distinguish between, on the one hand, the

act of first taking possession, which can hardly extend to every portion of territory,
and, on the other hand, the display of sovereignty as a continuous and prolonged
manifestation which must make itself felt through the whole territory.” 47

11. This is precisely what happened in the present case: Britain’s act of first taking

possession of Pedra Branca founded Singapore’s title to the principal island. And the Straits

colony and then Singapore subsequently exercised their sovereignty over the neighbouring minor

maritime features insofar as they, plainly uninhabited and difficult of access, lent themselves to it.

2. The inclusion of South Ledge in the territorial waters of Pedra Branca and Middle Rocks

12. Mr.President, the two Parties agree that, contrary to Middle Rocks, South Ledge is a

low-tide elevation 48which, as such, cannot be subject to separate appropriation ( Maritime

Delimitation and Territorial Questions between Qa tar and Bahrain, Merits, Judgment, I.C.J.

Reports 2001, p. 102, para. 207; see also, 8October 2007, Territorial and Maritime Dispute

between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment of

8October 2007, para.141). Consequently, in its Counter-Memorial, Malaysia asserts that “South

46
See CR 2007/21, p. 26, para. 48.
4P.C.A., arbitral award of 4 April 1928, R.G.D.I.P., 1935, p. 183 (English text in U.N.R.I.A.A., Vol. II, p. 855);
see also SirGeraldFitzmaurice, “The Law and Procedure of the International Court of Justice, 1951-4, Points of

Substantive Law ⎯ Part II”, BYBIL 1955-1956, p. 73.
4Cf. MS, p. 11, para. 2.11, p. 179, para. 9.4, p. 191, para. 9.37; MM, p. 131, para. 289; CMS, p. 202, para. 8.4;
CMM, p. 81, para 161; RS, p. 264, para. 10.3; RM, p. 191, para. 406. - 43 -

Ledge would attach to Middle Rocks rather than to PBP” 4. It enlarged upon this topic in its
52

Reply, in which it explains that:

“Nul ne peut contester que South Ledge est plus proche de Middle Rocks que de

PBP. Middle Rocks peut tout autant que PBP engendrer une mer territoriale sur le
plan juridique. Affirmer que Middle Rocks et South Ledge se trouvent au sein de la
mer territoriale de PBP ne sert donc absolume nt à rien. Si la Cour reconnaît que PBP

et Middle Rocks sont des formations distinct es, comme la Malaisie le soutient, South
Ledge sera dès lors située au sein de la mer territoriale engendrée par Middle Rocks,
non par PBP.” 50

13. Singapore readily accepts that Middle Ro cks generates a territorial sea of its own and

that it is therefore correct to consider that, if Middle Rocks does not constitute a single group with

Pedra Branca, or if it falls under different sovereignty, it woul d be more accurate to say that South

Ledge is included in the territorial sea of Middl e Rocks and not in that of PedraBranca. The

problem for Malaysia is that neither of these two “ifs” is known. For the reasons I have just

given ⎯ and which are not based on the legal concept of territorial sea ⎯ the “archipelago”

formed by PedraBranca and Middle Rocks constitu tes a unit and, therefore, South Lodge lies in

their joint territorial sea.

14. Furthermore, Malaysia’s argument is hi ghly artificial and formalistic. The few acts

performed by Singapore on the two features (Malaysi a, it should be noted, has no acts to its credit)

were performed because those features lie in the immediate vicinity of Pedro Branca and within the

limits of its territorial waters.

3. Brief résumé of Singapore’s position

15. This situation, Mr.President, is, more over, the simple commonsense view on which

Singapore’s position is based. The fate of PedraBranca and the fate of its tiny dependencies ⎯

Middle Rocks and South Ledge ⎯ are necessarily linked. If sovereignty over PedraBranca

belongs to Singapore ⎯ which is the case ⎯ sovereignty over either of these maritime features

also inevitably belongs to Singapore, even though, in fact and in law, they exhibit characteristics

which are in part distinct: South Ledge is a low-tide elevation, which does not lend itself to

separate appropriation, whereas the rocks forming Middle Rocks are, legally, islands within the

49
CMM, p. 82, para. 162.
50
RM, p. 197, para. 418. - 44 -

meaning of Article 121 of the Convention on the Law of the Sea. But these islands are so small, so
53

inhospitable, so close to Pedra Branca too, that there is to say the least “a strong presumption” (to

use an expression in the 1998 Award in the Eritrea/Yemen case 51) in favour of their being treated

as forming part of the principal island. All this, in any case, in the absence of “better title” 52 of

which Malaysia has not provided even a scintilla of proof.

16. There seems to me to be little point in re hearsing here all the elements leading to this

conclusion; a simple list will suffice; they are:

53
⎯ the proximity of the three features to one another ;

⎯ the geomorphology 54;

⎯ the toponymy (South Ledge is defined by its position in relation to PedraBranca; Middle

55
Rocks is defined by its intermediate position) ;

56
⎯ the situation of the three features between Middle Channel and South Channel (whereas, let

me remind you, there is no navigable channel between them worthy of the name);

57
⎯ the cartography ;

58
⎯ the fact that they are lumped together in guides and nautical instructions ; and

⎯ the impossibility of distinguishing the acts of sovereignty performed on South Ledge and

Middle Rocks from those relating to Pedra Branca ⎯ bearing in mind that, whereas Singapore

has been able to instance a number of acts of this type, Malaysia has not (and also that the four

54 “effectivités” which it evokes in this connection 59 ⎯ and which are no such thing ⎯ are

60
precisely the same (mere) four facts on which it relies to support its claim on Pedra Branca ).

51Award on the first stage of the dispute, 9 October 1998, United Nations, RIAA, Vol. XXII, p. 317, para. 474.

52Ibid., p. 313, para. 458.
53
MS, p. 183, para. 9.14; RS, pp. 267-268, para. 10.10.
54
MS, p.183, para.9.16, pp.195-196, paras.9.46-9.47; CMS, pp.203-205, paras.8.6-8.7; RS, p.270,
para. 10.13.
55
CMS, p. 208, para. 8.9 (d)
56
MS, p. 183, para. 9.15; CMS, pp. 205-206, para. 8.3; RS, p. 270, para. 10.13.
57CMS, p. 208, para. 8.9 (c); RS, pp. 269-270, para. 10.12.

58MS, pp. 196-198, paras. 9.48-9.49; CMS, p. 207, para. 8.8 (a).

59CMS, p. 210, para. 8.13; RS, pp. 271-272, para. 10.16.
60
CMS, pp. 210-211, paras. 8.14-8.16; RS, p. 272, para. 10.16. - 45 -

17. This list is self-sufficient, I believe, Mr. President; sovereignty over Middle Rocks and

South Ledge belongs to Singapore, on the same basis as sovereignty over Pedra Branca.

I thank you most sincerely, Members of the Court, for your renewed attention and would ask

you, Mr.President, to give the floor to the Deputy Prime Minister of Singapore, Mr.Jayakumar,

who will briefly summarize our argument in support of this conclusion.

Le VICE-PRÉSIDENT, faisant fonction de président: Thank you, Mr.Pellet. Je donne

maintenant la parole à M. Jayakumar. Monsieur Jayakumar, vous avez la parole.

M. JAYAKUMAR :

Conclusion

1. Monsieur le président et Messieurs de la Cour, ces quatre derniers jours, vous avez

entendu mes confrères de l’équipe singapourienne vous exposer de manière détaillée les arguments

de Singapour. J’ai à présent l’honneur de vous présenter en guise de conclusion quelques

observations pour résumer les principaux éléments de la thèse de Singapour, et pour mettre l’accent

sur les points essentiels développés par mes confrères de l’équipe singapourienne.

Le Johor ne détenait aucun titre originaire sur Pedra Branca

2. La première question que nous avons exam inée est l’allégation de la Malaisie selon

laquelle le Johor détiendrait un « titre originaire» sur Pedra Bran ca de temps immémorial. La

Malaisie affirme que Pedra Branca n’était pas terra nullius. C’est faux. Singapour a démontré que

le Johor n’a jamais détenu de titre sur Pedra Branca. Etant une île inhabitée qui n’avait jamais fait

l’objet d’aucune revendication antérieure ou manifestation de propriété de la part d’une quelconque

entité souveraine, Pedra Branca était bien terra nullius.

55 3. L’argument du titre originaire plaidé par la Malaisie se résume simplement à dire que

PedraBranca doit appartenir au Johor parce que celui-ci fut à un moment donné une puissance

importante dans la région et que Pedra Branca est située à proximité. Les failles de cette logique

sont évidentes.

4. La Malaisie n’a pas produit ne serait-ce que l’ombre d’un élément de preuve qui tendrait à

attribuer Pedra Branca au Johor ou qui démontre rait la moindre activité souveraine du Johor sur - 46 -

l’île. C’est la raison pour laquelle la Malaisie a dû se fonder principalement sur un article de presse

anonyme, dont M. Pellet a démontré le manque total de fiabilité et de force probante.

5. Comme Singapour en a apporté la preuve dans ses écritures, le Johor entretenait une

e
correspondance diplomatique avec les puissances européennes depuis le XVII siècle. En outre, le

système d’administration et les registres du temenggong au XIX e siècle étaient si remarquables que

l’historien Carlo Trocki, qui fut autorisé à consulter les archives royales du Johor, put rédiger un

ouvrage exhaustif consacré à l’histoire du Johor au XIX esiècle sur la base de ces documents 61.

Pourtant, pas un seul document attribuant Pedra Branca au Johor n’a pu être trouvé et produit

devant la Cour.

6. L’argument de la Malaisie est également c ontredit par sa conduite ultérieure. Si le Johor

détenait effectivement un titre originaire, il est al ors permis de se demander pourquoi il ne chercha

pas à délivrer un acte de cession formel pour le phare de Pedra Branca alors qu’il avait pris grand

soin de le faire pour Pulau Pisang en 1900? Si le Johor détenait un titre originaire, pourquoi

n’existe-t-il aucune archive malaisienne lui attribuant Pedra Branca ? Et comment se fait-il que les

archives pertinentes de la Malaisie attribuent au contraire Pedra Branca à Singapour ?

7. Face à ces difficultés insurmontables, la Ma laisie s’est efforcée d’étoffer ses arguments

avec les récits de deux historiens, dont ni l’un ni l’autre n’a voulu dire, ni même laisser entendre,

que Pedra Branca appartenait au Johor. En fin de compte, il est clair que Pedra Branca n’a jamais

été considérée comme appartenant au Johor par quiconque ⎯ pas par les autorités britanniques du

XIX esiècle, et certainement pas par les souverains et représentants du Johor. Le titre originaire

n’est qu’un mirage invoqué par la Malaisie, et il reste un mirage.

56 Le Johor n’a accordé aucune autorisation

8. J’en viens maintenant aux questions d’au torisation et au silence inexplicable de la

Malaisie face à la conduite de Singapour sur Pe dra Branca. Comme M.Pellet l’a expliqué, les

Britanniques ne sollicitèrent pas la permission du Johor ni d’aucune autre puissance pour mener

leurs activités sur Pedra Branca. La Malais ie prétend au contraire qu’une autorisation fut bien

accordée aux Britanniques par le Johor concernant Pe dra Branca. Elle se sert de cette autorisation

61C.Trocki, Prince of Pirates: The Temenggongs and the Development of Johor and Singapore 1784-1885
(1979). - 47 -

alléguée comme d’une panacée pour justifier tous ses silences embarrassants et son inaction depuis

que les Britanniques accostèrent pour la première fo is sur Pedra Branca en 1847. Chaque fois que

Singapour souligne l’acquiescement de la Malaisie à l’exercice de son autorité souveraine sur

Pedra Branca, la seule réponse que celle-ci peut fournir est qu’il n’était pas nécessaire de protester

puisque le Johor avait déjà autorisé l’utilisation de l’île.

9. Mais où y-a-t-il ne serait-ce que l’ombre d’ une preuve de cette autorisation globale qui

aurait permis à la Malaisie de garder le silence pendant cent trente ans face aux actes administratifs

très variés et fort nombreux que Singapour a accomplis sur Pedra Branca ? Le seul document que

la Malaisie a produit est une lettre qui ne contient pas la moindre mention de Pedra Branca.

Rédigée le 25novembre1844 par le souverain de Johor, cette lettre mentionne seulement un lieu

situé «à proximité de Point Romania … ou … tout autre lieu [jugé] approprié». Comme M. Pellet

l’a expliqué, cette lettre répondait à une dema nde du gouverneur britannique des Etablissements

des détroits. Bien qu’aucune copie de la demande du gouverneur n’ait pu être trouvée, il ressort

manifestement du contexte que la demande et l’autorisation se rapportent à PeakRock, non à

PedraBranca. La Malaisie n’a pas produit un seul document de source britannique ou autre qui

indique, expressément ou implicitement, que l’autori sation du Johor était nécessaire dans le cas de

Pedra Branca.

10. La Malaisie tente ensuite de faire valoir que la lettre de 1844 est également applicable à

Pedra Branca du seul fait qu’elle était jointe à des documents volumineux qui faisaient partie d’une

correspondance ultérieure concernant Pedra Branca. Toutefois, aucun responsable britannique ne

fit jamais mention, fût-ce de manière incide nte, de la lettre de 1844 dans la correspondance

ultérieure.

11. Il ne fait aucun doute que les responsables britanniques de l’époque ne pensaient pas que

la Grande-Bretagne avait besoin de l’au torisation du Johor pour mener ses activités sur

Pedra Branca.

Le Johor a expressément déclaré en 1953 qu’il ne revendiquait pas le titre sur Pedra Branca

12. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, en 1953, le Johor a expressément déclaré

qu’il ne revendiquait pas le titre. Singapour l’avait formellement informé que sa demande de - 48 -

renseignements visait à déterminer les limite s des eaux territoriales singapouriennes. Cette
57

question était très complexe et le Johor a pris du temps pour l’étudier. La conclusion à laquelle il

est parvenu n’est pas celle que la Malaisie préconise aujourd’hui à la Cour. Le Gouvernement du

Johor a en effet répondu à Singapour qu’«[il] ne reve ndiqu[ait] pas la propriété de Pedra Branca».

Cette réponse ne cadre pas du tout avec la théorie malaisienne selon laquelle les autorités du Johor

considéraient que PedraBranca appartenait au Johor . Elle est en revanche en totale adéquation

avec la position de Singapour selon laquelle le Johor n’a jamais estimé que PedraBranca lui

appartenait.

13. Dans sa réplique, la Malaisie prétend que «[n]i le Johor ni la Malaisie n’ont été amenés à

contester la situation juridique initiale ou à en demander confirmation» 62. Pourtant, il est clair que

la demande de renseignements de Singapour, laquelle a suscité la déclaration de non-revendication

de 1953, fournissait au Johor une excellente occasi on, nous pourrions même dire une occasion

irrésistible, de confirmer son prétendu titre originaire , si tant est qu’il le détenait. Au lieu de cela,

l’Etat du Johor a confirmé exactement le contraire de ce que la Malaisie affirme à présent.

Singapour évoque aussi, dans ses écritures, nombre d’autres occasions que la Malaisie aurait pu

saisir, selon les termes de cette dernière, pour «contester la situation juridique initiale ou… en

demander confirmation». Si elle ne l’a pas fa it, c’est parce qu’elle ne considérait pas que

Pedra Branca lui appartenait. Le silence éloquent de la Malaisie quant aux activités de Singapour

ne peut que montrer que l’ensemble de ces activités ne relevaient pas de l’autorité du Johor. Le

silence que la Malaisie a opposé aux activités de Singapour prouve clairement et sans équivoque

qu’elle n’a jamais considéré qu’elle détenait un titre sur Pedra Branca.

14. Monsieur le président, on conçoit sans peine que la déclaration de non-revendication du

titre faite par le Johor en 1953 plonge la Malaisie dans l’embarras. Elle s’évertue à discréditer cette

63
déclaration en prétendant qu’«[elle n’est] pas un modèle de clarté» . Pas «un modèle de clarté» ?

Comment pourrait-on être plus clair qu’en disant que «le Gouvernement de Johor ne revendique

pas la propriété de Pedra Branca» ?

62
RM, p. 21, par. 44.
63
MM, p. 110, par. 243 ; CMM, p. 239, par. 514. - 49 -

15. Cette lettre constitue, à tout le moins, une preuve claire et indiscutable que le Johor n’a

jamais détenu de titre sur Pedra Branca ni n’a jamais considéré qu’elle lui appartenait. Mais elle ne

porte pas seulement témoignage d’un fait ou d’une position: il s’agit d’une déclaration de

58
non-revendication du titre par le Gouvernement du J ohor. Celui-ci y déclare également qu’il ne

fera pas valoir, à l’avenir, la moindre prétention sur Pedra Branca. Cette déclaration lie la Malaisie.

La Grande-Bretagne a acquis le titre sur Pedra Branca entre 1847 et 1851

16. Mercredi dernier, M.Brownlie vous a e xpliqué comment la Couronne britannique avait

acquis la souveraineté sur PedraBranca. Dans ses écritures, la Malaisie cherche à discréditer la

thèse de Singapour en l’attaquant sur trois fronts.

17. Premièrement, la Malaisie prétend que «la construction et l’exploitation d’un phare ne

suffisent pas à établir la souveraineté de l’exploitant» 64. Sur le plan juridique, cette affirmation est

une banalité. Singapour voudrait toutefois signaler que la CIJ a déclaré, à maintes reprises, que «la

construction d’aides à la navigation, en revanche, peut être juridique ment pertinente dans le cas de

65
très petites îles» . L’acquisition de la souveraineté exige que soient réunies l’intention d’agir en

qualité de souverain et la manifestation effective de l’autorité étatique. L’argument avancé par la

Malaisie ne lui est donc d’aucune aide. La vérité est que les activités menées par Singapour sur

PedraBranca satisfont aux deux critères et qu’elles s ont loin, en tout état de cause, de se réduire

uniquement à la «construction et [à] l’exploitation d’un phare».

18. La deuxième ligne d’attaque de la Malaisie consiste à pr étendre que la Grande-Bretagne

n’avait pas l’intention d’acquérir la souveraineté. Elle affirme qu’il ne pouvait y avoir intention

d’acquérir la souveraineté étant donné qu’il n’y a p as eu de cérémonie de lever du drapeau ni de

proclamation de souveraineté. La Malaisie invoque à l’appui de son argumentation quelques

exemples d’acquisition de la souveraineté qui s’ét aient accompagnés de tels actes. Mais, comme

M.Brownlie l’a expliqué, ces formalités ne sont pas indispensables, d’après les textes faisant

autorité sur la question qu’il a cités.

64
MR, p. 21, par. 44.
65 Délimitation maritime et questions te rritoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), arrêt,
C.I.J. Recueil 1995, p.100, par.197;Souveraineté sur Pulau Ligitan et Plau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 685, par. 147. - 50 -

19. La troisième ligne d’attaque de la Malaisie consiste à critiquer le fait que Singapour se

fonde sur une série d’actes commis entre1847 et 1851. Ainsi, dans s on contre-mémoire, la

Malaisie s’exclame :

«C’est la première fois, dans l’histoire des différends territoriaux, que la prise
de possession d’une île est présentée comme un acte complexe s’étendant sur au

moins quatre ans ⎯ quatre ans au cours desquels la Grande66retagne ne manifesta pas
une seule fois l’intention d’acquérir la souveraineté.»

59 Il est toutefois bien établi, en droit international comme dans la prati que britannique, qu’un titre

peut être acquis par une série d’actes s’étendant sur plusieurs années. Pour ce qui est du droit

international, M.Brownlie s’ est référé à l’affaire de l’ Ile de Clipperton . Quant à la pratique

britannique pertinente, Singapour a cité, dans ses écritures, un certain nombre d’ouvrages faisant

autorité sur le sujet et M.Brownlie a attiré l’attention de la Cour sur une décision rendue

récemment par une juridiction britannique ⎯ la Cour d’appel de l’île Pitcairn ⎯ dans laquelle cette

dernière a déclaré sans équivoque qu’il n’était pas nécessaire d’arrêter le moment précis auquel

l’île est devenue possession britannique et qu’il n’était pas non plus requis d’acte officiel

67
d’acquisition . C’est l’intention de la Couronne, attestée par ses propres actes et les circonstances

contextuelles, qui détermine si un territoire a été acquis.

20. Réduite à son essence, la thèse de la Malaisie consiste à dire que toute acquisition doit se

conformer à un modèle ou à une procédure imaginés par elle, et qu’étant donné que l’acquisition de

PedraBranca ne correspond pas parfaitement à ce modèle préconçu, l’ acquisition du titre par

Singapour ne peut être que viciée. Mais c’est cet argument lui-même qui est vicié. Les faits

diffèrent d’une affaire à l’autre, mais quelles que soient les variations factuelles, la tâche de la Cour

reste la même. Elle applique des principes juridiques aux faits.

21. Dans le cas de Pedra Branca, les autorités britanniques compétentes ont, dès le début,

exercé un contrôle exclusif sur l’île. La décision de construire le phare a été prise par la

Compagnie des Indes orientales, organe offici el de la Couronne britannique. L’ensemble du

processus de planification, de construction, d’appe llation et de mise en service du phare était sous

le contrôle exclusif des représentants de la Couronne britannique. Et ce n’est pas tout, les

66
CMM, p. 32, par. 61.
67The Queen v. Seven Named Accused , décision de la Cour d’appel de l’île Pitcairn du 5août2004,ILR,

p. 232, 284. - 51 -

Britanniques ont maintenu l’ordre public, ont creusé des canalisations pour drainer les eaux de

pluie, ont effectué des visites officielles et ont dé ployé le pavillon de la marine britannique. Leurs

actes de souveraineté, à la fois appropriés et suffisants pour acquérir le titre, étaient aussi délibérés,

ce qui prouve leur intention de l’acquérir.

Singapour a ouvertement et continuellement manifesté son autorité étatique à l’égard de

Pedra Branca après 1851

22. Venons-en à l’administration de Pedra Bran ca par Singapour après l’acquisition de la

souveraineté, en 1847-1851. La position de la Malaisie à l’i ssue de la procédure écrite, selon

60 laquelle «[l]a seule activité de la Grande-Bretagne ou de Singapour en ce qui concerne l’île fut

l’exploitation du phare» 68 est totalement erronée. M. Bundy a expliqué que Singapour avait

entrepris un grand nombre d’activités étatiques sur Pedra Branca et dans ses eaux territoriales, qui

concernaient le phare mais pas seulement. L’on peut citer notamment le contrôle de l’accès à l’île

ainsi que les visites régulières sur celle-ci de représentants civils et militaires, les patrouilles

navales périodiquement effectuées autour de l’île, les interventions navales dans les eaux de

PedraBranca, la promulgation de lois pour l’île , les enquêtes menées sur les décès accidentels et

les incidents de navigation survenus dans les ea ux de Pedra Branca, et le déploiement du pavillon

de la marine britannique puis celui de la mari ne singapourienne. Penda nt toute cette période,

Singapour contrôla les demandes d’autorisation des fonctionnaires malaisiens qui souhaitaient se

rendre sur l’île, comme elle le faisait pour celles émanant des fonctionnaires d’autres Etats, et

autorisa ces mêmes fonctionnaires à y réaliser des études scientifi ques. Toutes ces activités des

autorités singapouriennes représentent plus de cen tcinquante années de manifestation continue,

ouverte et effective de l’autorité étatique.

23. Par conséquent, lorsque la Malaisie affirme haut et fort que Singapour ne fit rien d’autre

que d’exploiter le phare, cet argument ne rési ste pas à l’examen. En revanche, ainsi que

Mme Malintoppi l’a montré, la Malaisie n’a accompli aucun acte de souveraineté et n’a revendiqué

aucun titre sur Pedra Branca, et a reconnu à maintes reprises celui de Singapour et lui a toujours

attribué cette île sur les cartes et les rapports météorologiques.

68
RM, p. 205, par. 436 d). - 52 -

24. Dans ses pièces écrites, la Malaisie tente sans cesse de minimiser l’importance des

activités de Singapour après 1851, indiquant en plusieurs endroits qu’elles n’étaient qu’accessoires.

Loin de l’être, les activités étatiques postér ieures à 1851 ont beaucoup d’importance dans cette

affaire et en font partie intégrante. Elles dém ontrent l’étendue et l’intensité des activités menées

par Singapour à l’effet de confirmer et de préserve r son titre. Elles apportent des éléments de

preuve concluants du titre de Singapour sur Pedra Branca.

Singapour possédait déjà la souveraineté sur Pe dra Branca lorsque la Malaisie publia sa
carte de 1979

25. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, la question centrale en l’espèce est celle-ci :

Qui possédait la souveraineté sur Pedra Branca lo rsque le différend surgit? Singapour et la

61 Malaisie conviennent toutes deux que le différend fut déclenché en 1979 par la carte controversée

de la Malaisie. La Malaisie possédait-elle le titre sur Pedra Branca lorsque la carte de1979 fut

publiée ? Ou Singapour détenait-elle déjà le titre sur l’île lorsque la carte fut publiée ?

26. Jusque-là, les actions ⎯ et l’inaction ⎯ de la Malaisie étaient conformes à ce que l’on

pouvait attendre d’une partie qui n’ estimait pas avoir de prétention à l’égard de Pedra Branca, et

qui n’avait pas la moindre intention de la revendiquer. En fait, en 1975 encore ⎯ bien après que la

Malaisie et Singapour furent devenues des pays séparés ⎯ la Malaisie publia une carte attribuant

Pedra Branca à Singapour. Puis, brusquement, on vit apparaître cette cart e malaisienne établie

pour la première fois suivant le tracé de 1979, et ce, après cent trente ans de silence, cent trente ans

de non-revendication de la souvera ineté malaisienne, cent trente ans de conduite et de déclarations

allant contre le propre intérêt de la Malaisie, qui la conduisirent notamment à reconnaître

expressément et sans équivoque le titre de Singapour.

27. Rappelons-nous également que l’Attorney-General de Singapour a appelé notre attention

sur la conférence de presse commune de mai1980, présidée par les premiers ministres de

Singapour et de la Malaisie. Elle eut lieu juste trois mois après que Singapour eut envoyé une note

officielle protestant contre la revendication de la Malaisie sur Pedra Branca. Un journaliste de

l’Asian Wall Street Journal demanda si les revendications c ontenues dans la carte récemment

publiée par la Malaisie avaient fait l’objet d’un e discussion entre les premiers ministres. Il

s’agissait là d’une conférence de presse à laquelle assistaient des journalistes des medias - 53 -

internationaux et des medias de la Malaisie et de Singapour. L’on pouvait s’attendre à ce que le

chef de gouvernement d’un pays qui venait juste de publier une carte revendiquant pour la première

fois la propriété d’une île se déclare clairement et fermement en faveur de la revendication de son

pays. Or il se déroba et dit de manière ambi guë: «Nous examinons égal ement la question parce

que nous ne savons pas vraiment pour cette île.» Nous ne savons pas vraiment !

28. Mais si, nous savons. Pas plus avant qu’a près la publication de la carte de 1979, la

Malaisie ne détenait de titre sur Pedra Branca. En réalité, il ne fait aucun doute que Singapour

possédait la souveraineté sur Pedra Branca. Quant à Middle Rocks et South Ledge, comme

M.Pellet vient de vous l’expliquer, la souve raineté sur Middle Rocks et South Ledge doit

nécessairement aller de pair avec la souveraineté sur Pedra Branca.

29. Monsieur le président et Messieurs de la Cour, l’affaire est simple. PedraBranca était

terra nullius . Les Britanniques n’avaient pas besoin de l’autorisation de l’acquérir, et ne la

demandèrent du reste à aucun moment. A compter de 1847, ils prirent tout simplement possession

de l’île qu’ils placèrent sous leur contrôle, et fire nt montre d’une autorité étatique continue dans

62 l’intention manifeste d’exercer leur souveraineté. En 1850, Pedra Branca fut décrite comme une

dépendance de Singapour à l’occasion de la cérémonie officielle de pose de la première pierre du

phare. La propriété était si not oire qu’en novembre de cette ann ée-là — c’est-à-dire en 1850 — la

correspondance officielle néerlandaise décrivit elle aussi Pedra Branca comme un territoire

britannique. En 1851, il ne faisait aucun dout e que Pedra Branca était devenue territoire

britannique. Après 1851, l’autorité de l’Etat se manifesta ouvertement et continuellement, alors

qu’à l’opposé, la Malaisie n’accomplit aucun acte de souveraineté. En réalité, la Malaisie

reconnaissait la juridiction de Singapour lors qu’elle sollicitait l’accès à Pedra Branca. Elle

attribuait Pedra Branca à Singapour sur les cartes et les rapports météorologiques. En 1953, le

Johor renonça expressément au titre. A la lumière de l’ensem ble des faits que j’ai rappelés, la

soudaine publication par la Malaisie de la car te de 1979 visant à revendiquer Pedra Branca était

pour le moins extraordinaire. Cette carte ne pouvait pas changer le fait que Singapour détenait la

souveraineté sur Pedra Branca, Middle Rocks et South Ledge. - 54 -

30. Monsieur le président et Messieurs de la Cour, j’ai l’honneur d’achever ainsi le premier

tour de plaidoiries de Singapour. Mes collègues et moi-même vous remercions de l’attention que

vous avez bien voulu nous accorder.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie, Monsieur

Jayakumar, pour votre argumentation.

Ainsi s’achève l’audien ce d’aujourd’hui. Le premier tour de plaidoiries de Singapour s’est

également achevé. La Cour se réunira de nouveau le mardi 13 novembre 2007, de 10heures à

13heures, pour entendre le premier tour de plai doiries de la Malaisie, qui s’achèvera le vendredi

16 novembre 2007, de 10 heures à 13 heures.

L’audience est levée. Merci.

L’audience est levée à 12 h 50.

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