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Uncorrected Translation
NH
CR 2007/10 (traduction)
CR 2007/10 (translation)
Vendredi 16 mars 2007 à 10 heures
Friday 16 March 2007 at 10 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. C’est à vous, Monsieur Colson.
M. COLSON : Je vous remercie, Madame le président.
La frontière maritime unique
67. Madame le président et Messieurs de la Cour, nous nous sommes intéressés hier aux
caractéristiques techniques de la ligne hondurienne et nous avions tout juste terminé l’examen de
son point de départ; aujourd’hui, c’est au re gard du droit de la mer que j’examinerai les
caractéristiques de la ligne traditionnelle en tant que frontière maritime unique. La figure8
apparaît maintenant à l’écran: elle était incluse dans votre dossier d’hier. Il peut être utile
d’examiner attentivement la ligne hondurienne, même s’il s’agit en fait d’un parallèle de latitude.
68. Comme nous l’avons vu hier, la frontière maritime que le Honduras propose part d’un
point situé à 14° 59,8' de latitude nord, à savoir à 3 milles marins à l’est du point terminal fixé par
la commission mixte de 1962.
69. La ligne hondurienne s’étend à l’est de ce point, servant de frontière entre les mers
territoriales du Honduras et du Nicaragua, jusqu’à sa jonction avec la limite de 12milles marins
mesurée à partir de l’embouchure du Rio Coco. Au-delà de la limite des 12 milles marins depuis le
continent, la ligne hondurienne se prolo nge vers l’est dans une poche d’eau ⎯représentée ici en
bleu plus sombre ⎯qui est située à plus de 12milles marins de toute formation; ainsi, la ligne
hondurienne sert de frontière maritime entre les zones économiques exclusives relevant
respectivement du Honduras et du Nicaragua dans ce petit périmètre ⎯ ce sur une courte distance
d’environ 3,6milles marins. Puis la ligne hondurienne débouche dans des eaux situées dans un
rayon de 12 milles marins autour d’îles, de récifs et de cayes honduriens et nicaraguayens ; ainsi, la
ligne hondurienne continue de se prolonger vers l’est en tant que frontière séparant les mers
territoriales du Honduras et du Nicaragua sur une distance d’environ 20 milles marins.
70. Juste avant que la ligne hondurienne atteigne le méridien 82° 30' de longitude ouest, son
statut juridique change. Elle n’est dès lors plus à l’intérieur de la limite des 12 milles marins des
formations géographiques nicaraguayennes ⎯ des îles nicaraguayennes ⎯ mais se trouve toujours
à l’intérieur de la limite des 12 milles marins bordant le territoire hondurien. Les eaux situées au - 3 -
sud de la ligne hondurienne correspondent à la zone économique exclusive du Nicaragua, tandis
que les eaux situées au nord constituent la mer territoriale hondurienne.
11 71. Dans ce segment de la ligne, qui mesure environ 21,6 milles marins, le Honduras n’a pas
demandé que le principe de la mer territoriale so it pleinement appliqué pour ses îles afin d’étendre
sa mer territoriale au sud de la ligne traditionnelle . Le Honduras respecte la ligne traditionnelle, ce
depuis de nombreuses années.
72. Le fait qu’une frontière maritime serve à séparer des eaux présentant un caractère
juridique différent ⎯mer territoriale, d’un côté, et zone économique exclusive de l’autre ⎯ est
une conséquence peu remarquée souvent des fron tières maritimes qui ne sont pas des lignes
d’équidistance précises. C’est aussi pour cette rais on que les Etats ont jugé utile de désigner leurs
frontières maritimes comme «frontière maritime uni que» et non comme la frontière de leur mer
territoriale ou celle de leur zone économique exclusive.
73. Aux fins uniquement d’illustrer ce point, voici maintenant à l’écran une figure ⎯ il s’agit
de la figure 9 dans votre dossier d’hier ⎯ qui montre que, lorsque, dans l’affaire Qatar c. Bahreïn,
la Cour a choisi d’ajuster la ligne d’équidistance pr ovisoire dans la zone extérieure en raison de la
présence de FashtalJarim, le résultat fut qu’une partie de la frontière maritime unique délimitée
dans cette affaire devint en fait une frontière entre la mer territoriale de Qatar et la zone
économique exclusive de Bahreïn.
74. Un autre exemple intéressant pour illustrer ce point est montré sur la figure 10, qui décrit
la ligne frontière établie par le tribunal arbitral dans l’affaire Erythrée/Yémen. Dans les secteurs
clefs, cette frontière maritime unique sépare la mer territoriale du Yémen, mesurée en partant des
îles yéménites, de la zone économique exclusive de l’Erythrée. Tout comme la ligne traditionnelle
dans la présente affaire, la frontière délimitée dans l’affaire Erythrée/Yémen ampute la mer
territoriale des îles du Yémen en l’empêchant de s’étendre sur une largeur totale de 12milles
marins, même là où elle aurait pu le faire sans empiéter sur la zone de 12milles marins de
l’Erythrée.
75. Pour en revenir à la ligne hondurienn e telle que décrite sur la figure8, à
environ82°10'de longitude ouest, elle ne se tr ouve plus à l’intérieur de la limite des 12milles
marins d’aucune formation géogr aphique; ainsi, elle sert de frontière de zone économique - 4 -
exclusive, ce sur une courte distance de 8,3 milles marins avant de rejoindre le 82 méridien. Donc,
e
de l’embouchure du RioCoco, à Gracias a Dios, jusqu’au 82 méridien de longitude ouest ⎯ soit
sur une distance d’environ 65 milles marins ⎯ la ligne hondurienne délimite la mer territoriale du
Honduras sur plus de quatre-vingts pour cent de ce segment. En d’autres termes, sur les 65 milles
marins de long que mesure la ligne hondurienne, 53 milles marins c onstituent une frontière de mer
territoriale.
76. Que prévoit la convention au sujet d’une fron tière de la mer territoriale ? Aux termes de
son article 15 :
12 «Lorsque les côtes de deux Etats sont adjacentes ou se font face, ni l’un ni
l'autre de ces Etats n’est en droit, sauf accord contraire entre eux, d’étendre sa mer
territoriale au-delà de la ligne médiane dont tous les points sont équidistants des points
les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale de chacun des deux Etats. Cette disposition ne s’applique cependant pas
dans le cas où, en raison de l’existence de titres historiques ou d'autres circonstances
spéciales, il est nécessaire de délimiter autrement la mer territoriale des deux Etats.»
Enfin, je voudrais juste dire un mot au sujet du point terminal. Le Honduras pense que la frontière
devrait s’arrêter au 82 eméridien de longitude ouest, mais nous reconnaissons qu’il s’agit là d’une
question sensible pour le Nicaragua et nous n’es timons pas nécessaire de mêler la Cour à ce
problème. Le Honduras n’a donc pas indiqué de point terminal précis pour sa ligne, mais il a
convenu, tout comme le Nicaragua, que la Cour de vrait définir le point terminal de sa ligne en
déterminant la direction de celle-ci jusqu’à ce qu’elle atteigne la juridiction d’un Etat tiers.
77. J’en arrive ainsi à la fin de mon exam en des caractéristiques techniques de la ligne
hondurienne.
B. Le fondement de la ligne traditionnelle
1. Lesorigineshistoriques
78. Je passe maintenant à l’analyse des éléments qui constituent le fondement juridique de la
ligne hondurienne. Il s’agit des origines hist oriques, des circonstances géographiques et du
comportement des Parties. Nous projetons ici à l’écran la figure11, qui montre la ligne
hondurienne et la proposition nicaraguayenne. Co mme M. Sánchez Rodríguez l’a montré, lorsque
les colonies espagnoles d’Amérique centrale acquire nt leur indépendance de l’Espagne en1821, - 5 -
elles adoptèrent le principe de l’ uti possidetis juris de 1821 pour s’accorder sur le fait que les
frontières des républiques nouvellement établies de vaient être les limites des provinces espagnoles
auxquelles elles succédaient. Cela a eu et a plusieurs conséquences pour le Honduras et le
Nicaragua.
79. Premièrement, aucun territoire d’Amérique centrale, y compris les îles de l’Espagne au
large des côtes du Honduras et du Nicaragua, ne restait sans propriétaire. Deuxièmement, la
possession de facto par l’une ou l’autre des Parties serait sans pertinence pour régler un différend
territorial entre des Etats d’Amérique centrale, lo rsque le titre juridique est établi en vertu de ce
principe.
80. S’il est vrai qu’il s’agit là de principes simples sur lesquels les Parties sont peut-être
même d’accord, il est également vrai que leur application s’est révélée difficile. Ainsi que nous
l’avons indiqué hier, pendant une bonne partie du XIX e siècle, ces deux Etats contestèrent de vastes
13 portions de leur frontière terrestre. Ils durent fina lement recourir à la procédure d’arbitrage prévue
par le traité de1894, ce qui donna lieu à la fameuse sentence du roi d’Espagne en 1906. Le
Nicaragua contesta cette sentence pour plusieurs motifs et, comme nous le savons, cela conduisit
les Parties devant la Cour qui, en1960, rendit sa décision sur la question et confirma la sentence
rendue en 1906 par le roi d’Espagne.
81. En quoi cette chronologie est-elle maintena nt pertinente ici? Elle l’est pour deux
raisons, à tout le moins. Tout d’abord, le roi d’Espagne désigna l’embouchure du Rio Coco comme
point terminal de la frontière terrestre entre les Parties. Ensuite, bien que les petites îles espagnoles
situées le long des côtes, aujourd’hui en litige en tre le Honduras et le Nicaragua, ne fussent pas
mentionnées nommément dans la sentence du roi d’Es pagne, si l’on applique le principe de l’ uti
possidetis, ces îles avaient appartenu à l’Espagne et, toujours en application de ce principe, elles
échurent ensuite à l’un ou à l’autre de ces deux pays.
82. L’Empire espagnol avait-il connaissance de s îles côtières à l’époque de l’indépendance
des Etats d’Amérique centrale? Oui, certainemen t. Les archives renferment des cartes de cette
région datant de l’époque: en voici une à l’ écran (figure12) que M.Sands a projetée mardi
(PS1-2) et qui était reproduite sur la planch e27 des annexes cartographiques accompagnant le
contre-mémoire du Honduras. Cette carte date de 1801. Elle montre clairement les formations - 6 -
côtières et les îles. Vous pouvez voir que Cabo Gr acias a Dios est désigné par son nom, et le
groupe d’îles situé au nord du 15 parallèle de latitude nord, s’il n’est peut-être pas représenté sur
cette carte à son emplacement exact, n’en apparaît pas moins sous le nom de «Alargardo alla», ce
qui correspond à ce que les cartes marines désignent aujourd’hui sous le nom d’Arrecife Alargardo.
Certes, ces formations sont incontestablement petit es, mais elles ne sont pas instables. Elles se
trouvent là depuis très très longtemps.
83. Etant donné la propension de l’Empire esp agnol à utiliser des parallèles et des méridiens
pour marquer les limites entre juridictions, et co mpte tenu de la revendication maritime espagnole
de 2 lieues marines, il est inconcevable que, à l’époque de l’indépendance, une séparation maritime
ait pu être opérée entre le Nicaragua et le Honduras en suivant toute autre ligne que la latitude de
Cabo Gracias a Dios, ou que les îles situées au nord de la latitude de Cabo Gracias a Dios aient pu
être réputées appartenir au Nicaragua à l’époque.
84. A cet égard, il convient de rappeler que, une fois les républiques d’Amérique centrale
devenues indépendantes, l’Espagne conclut des trai tés avec chacune d’elles, dans lesquels elle
renonça notamment à toute revendication sur le terri toire de chaque nouvel Etat. Dans ces traités,
14
l’Espagne ne fit pas que renoncer à toute prétenti on sur le territoire continental du pays concerné,
elle renonça aussi spécifiquement à toute prét ention sur les îles adjacentes à ses côtes.
MM.Greenwood et SánchezRodríguez ont tous deux mentionné ce point. Par exemple, le traité
pertinent entre l’Espagne et le Nicaragua date du 25juillet1850 et figure à l’annexe11 de la
réplique du Nicaragua. L’article premier de ce tra ité est projeté à l’écran (figure 13) et nous avons
surligné l’expression «îles adjacentes». Le traité correspondant entre l’Espagne et le Honduras date
du 15mars1866. Voici là encore l’articleprem ier dudit traité (figure14), qui désigne «les îles
adjacentes baignant le long de[s] côtes [hondurie nnes] dans les deux océans». Est-il possible de
croire que la notion d’adjacence utilisée ici pouvait signifier que les îles situées au nord de Cabo
Gracias a Dios étaient réputées se rattacher au pays, ou à la côte, qui se trouvait au sud de ce cap ?
85. Bien entendu, le principe de l’ uti possidetis ne peut être interprété que dans le contexte
de l’époque, et le Honduras ne soutient pas ⎯il ne soutient pas ⎯que les frontières fondées sur
les éléments modernes du droit international (la mer territoriale étendue, le plateau continental ou
la zone économique exclusive) furent dé terminées en 1821. Ce que le Honduras soutient, en - 7 -
revanche, c’est que la pratique su ivie par l’Espagne pendant l’ère coloniale, le respect des Etats
d’Amérique centrale pour le principe de l’ uti possidetis et la confirmation de ce principe dans la
sentence de 1906 et dans l’arrêt de 1960 de la Cour confirment dans leur ensemble la souveraineté
du Honduras sur les îles qui sont situées au nord de la latitude du cap où la frontière terrestre des
deux Etats atteint la mer. Cette souveraineté territoriale ⎯ ancrée dans l’histoire ⎯ donne la ligne
traditionnelle qui sépare ces îles honduriennes des îl es nicaraguayennes situées au sud ; elle donne
à la ligne hondurienne une base historique solide, qui contribue à en renforcer le fondement
juridique.
86. En bref, quel est le fondement historique de la proposition nicaraguayenne ? Elle n’en a
aucun. Le Nicaragua n’a pas prétendu que sa ligne avait un fondement historique. Il a vaguement
tenté dans son mémoire de démontrer l’existence d’un lien historique avec les îles situées au nord
e
du 15 parallèle en laissant entendre que des Indi ens de la côte des Mosquitos avaient pu s’y
rendre1. Il n’a plus avancé cet argument par la suite. Il n’existe tout simplement aucune base qui
vienne appuyer la proposition ni caraguayenne en l’espèce. Elle est dépourvue de toute base
historique.
15 2. Le fondement géographique
87. Qu’en est-il du fondement géographique de la ligne traditionnelle? Mercredi,
M.Quéneudec a examiné les circonstances géogr aphiques dans lesquelles s’inscrit la présente
délimitation. S’agissant du fondement de la ligne traditionnelle, deux données géographiques
méritent particulièrement de retenir l’attention.
88. La première est que la ligne traditi onnelle s’étend vers le large à peu près
perpendiculairement à la direction côtière générale de l’Amérique cen trale, laquelle se dirige vers
le nord, du point terminal de la frontière terr estre entre le Nicaragua et le CostaRica jusqu’à
CapeFalso, au Honduras, où cette côte comme nce à s’infléchir vers l’ouest. Les côtes
nicaraguayenne et hondurienne pertinentes aux fins de la présenté délimitation maritime sont
orientées vers l’est. Au milieu de cette fa çade maritime orientée vers l’est se trouve
1
MN, p. 2, par. 7. - 8 -
Cabo Gracias a Dios, lequel pointe vers l’est, tandis que le fleuve qui constitue la frontière terrestre
se dirige vers l’est pour se jeter dans la mer à l’extrémité orientale de ce cap.
89. Compte tenu de ces circonstances, il n’est guère surprenant que les Parties aient adopté
une pratique qu’ils ont confir mée pendant de nombreuses années pa r leur comportement, pratique
conformément à laquelle leur frontière maritime de facto s’étendait vers l’est le long du parallèle
de Cabo Gracias a Dios, point où leur frontière terrestre rencontre la mer.
90. La deuxième donnée géographique concerne les îles que le Nicaragua revendique à
présent par le biais de sa nouvelle ligne. Le Nica ragua prétend que ces îles ne devraient pas être
prises en considération dans le cadre du différend po rté devant la Cour ; cela arrange le Nicaragua
d’ignorer ces îles. Ce faisant, il évite de fair e face à la réalité qui est que, puisque ces îles
appartiennent au Honduras, la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua doit passer
entre les îles honduriennes —qui sont toutes situées au nord du 15 parallèle— et celles du
Nicaragua, situées au sud de ce parallèle. Que la frontière maritime soit la ligne traditionnelle ou,
comme nous le verrons, la ligne d’équidistan ce provisoire —voire une ligne d’équidistance
ajustée —, elle sera toujours orientée plus ou moins dans la même direction, c’est-à-dire vers l’est à
partir de CaboGraciasaDios en séparant comme il se doit les formations géographiques qui
appartiennent au Honduras de celles qui appartiennent au Nicaragua.
91. En conséquence, ces deux données géographiques — le fait que la côte centraméricaine
soit orientée vers l’est au point terminal de la frontière terrestre et que les îles honduriennes sont
situées au nord du 15 eparallèle— fournissent un solide f ondement géographique à la position
hondurienne.
16 92. Quel est, à présent, le fondement géographique de la proposition du Nicaragua ? Celui-ci
trace sa nouvelle ligne en calculant la bissectrice de l’angle formé par deux autres lignes. Le
Nicaragua met en avant ces deux lignes censées représenter ce qu’il appelle les façades maritimes
pertinentes du Nicaragua et du Honduras.
93. Le Nicaragua représente sa propre façade maritime — celle-ci est orientée vers l’est ou,
pour le formuler autrement, comme le fait le Nicar agua dans son mémoire : «la direction des côtes - 9 -
nicaraguayennes suit essentiellement un méridien» 2 Cela est certes incontestable: la côte
nicaraguayenne s’étend du nord au sud et est orientée vers l’est. La direction générale d’une côte
ainsi que celle vers laquelle elle est orientée c onstituent deux critères d’évaluation de sa pertinence
dans le cadre d’une délimitation maritime ; et, à cet égard, il est incontestable que, comme le dit le
Nicaragua, sa côte pertinente s’étend du nord au sud et est orientée vers l’est.
94. Cependant, le Nicaragua se fourvoie lors qu’il avance que la totalité de sa façade
maritime ⎯ c’est-à-dire l’ensemble de la côte nicaraguayenne qui s’étend de Cabo Gracias a Dios
à la frontière entre le Nicaragua et le CostaRica ⎯ est pertinente aux fins de la présente
délimitation. Ainsi que M. Quéneudec l’a démontré, la côte pertinente aux fins de toute affaire de
délimitation est celle qui fait face à la zone à dé limiter. Or, une grande partie de la côte du
Nicaragua que celui-ci juge pertinente aux fins de la présente affaire se trouve très éloignée de
l’endroit où cette délimitation doit intervenir. La côte du Nicaragua située à proximité du Costa
Rica peut être pertinente aux fins de la délimitation entre ces deux pays, mais pas en la présente
espèce. Par conséquent, si le Nicaragua définit correctement la direction de sa côte pertinente ainsi
que son orientation, il inclut en revanche de ma nière erronée dans son analyse des portions de sa
côte qui ne sont pas pertinentes en l’espèce.
95. S’agissant maintenant de la façon dont le Nicaragua présente la côte pertinente du
Honduras, tout ce que l’on peut dire c’est qu’elle est juridiquement erronée, à tous égards. Ce que
le Nicaragua décrit comme étant la côte hondurienne pertinente n’est pas une représentation fidèle
de la direction générale de la côte hondurienne pertinente aux fins de la présente délimitation. Elle
ne reflète pas correctement l’orientation de la cô te pertinente du Honduras, le Nicaragua y incluant
en outre certaines côtes ⎯en réalité, de grandes portions du contient hondurien ⎯ qui sont très
éloignées de la zone pertinente aux fins de la présente espèce. Le Nicaragua propose à la Cour une
représentation extrêmement déformée de la façade maritime hondurienne pertinente
⎯M.Quéneudec a examiné ce point de manière approfondie ⎯, donnant à entendre que cette
17
façade maritime est une simple ligne qui s’étend directement de la frontière entre le Nicaragua et le
Honduras jusqu’à celle de ce dernier avec le Guatemala. Il ne saurait s’agir là d’une façade côtière,
2
MN, p. 17, par. 39. - 10 -
et ce quel que soit le sens que l’on donne à ce te rme. Le Nicaragua ne fait aucun effort pour
présenter une représentation simplifiée de la façad e côtière du Honduras, ni pour définir la côte
hondurienne qui fait face à la zone où la présente délimitation doit être effectuée.
96. Après avoir créé deux lignes dépourvues de tout fondement juridique, le Nicaragua
calcule la bissectrice de ces lignes, tout en alléguant que cette bissectrice ferait office de frontière
maritime équitable et qu’elle permettrait, par le plus pur des hasards, d’attribuer la souveraineté sur
des îles. Je voudrais m’arrêter un instant ici pour dire un mot de la méthode de la bissectrice.
97. Premièrement, le Honduras ne contest e pas que les méthodes de délimitation
géométriques, telles que les perpendiculaires ou les bissectrices, puissent, dans certaines
circonstances, permettre d’aboutir à des délimitations équitables. A n’en pas douter, il existe une
certaine pratique étatique qui illustre l’utilisati on des perpendiculaires; l’on recense également,
dans la pratique judiciaire, un exemple d’utilisa tion d’une bissectrice, à savoir le tracé du premier
segment de la ligne frontière déterminée par la Chambre en l’affaire du Golfe du Maine.
98. Cependant, dire, comme cela a été fait à la page13 du compte rendu du 7mars
(CR2007/3, par.199), que la méthode de la biss ectrice est l’«alter ego» de l’équidistance est
peut-être un peu exagéré ⎯ surtout si les éléments de preuve sont limités aux exemples donnés la
veille par M. Brownlie.
99. Dans son exposé du 6mars (CR2007/2, p. 14-15, par. 20-29), M. Brownlie a cité
neufexemples tirés de la pratique étatique pour étayer la thèse du Nicaragua. Il s’agit pour la
plupart de perpendiculaires virtuelles à la direction générale de la côte qui sont conformes à ce que
serait une ligne d’équidistance dans les circonstanc es des affaires concernées. Je pourrais relever
que toutes ces lignes frontières ont été déterminées une fois que les parties eurent tranché toutes les
questions de souveraineté territoriale qui pouvaient se poser. Le premier exemple que M. Brownlie
a donné est celui de l’accord de1960 entre le Séné gal et la Guinée-Bissau, une ligne qui s’étend
par 240° à partir de la côte africaine. En examin ant cette ligne, on peut certes soutenir qu’il s’agit
de la bissectrice de deux façades maritimes, mais d’autres commentateurs y verraient plutôt une
perpendiculaire à la direction générale de la côte. Le deuxième exemple est celui de la délimitation
de1964 entre Sharjah et Umm al Qaywayn ⎯c’est-à-dire clairement une perpendiculaire à une
façade maritime commune. Le troisième exemple est celui de la frontière de1968 entre - 11 -
Abou Dhabi et Dubaï ⎯ là encore une perpendiculaire. Le quatrième est celui de la frontière entre
le Mexique et les Etats-Unis d’Am érique dans le golfe du Mexique ⎯ et, si vous le permettez, j’y
reviendrai dans un instant. Le cinquième exemple est celui de la frontière de 1972 entre le Brésil et
l’Uruguay, autre perpendiculaire conforme à la ligne d’équidistance dans les circonstances de
18 l’espèce, en laquelle ⎯ particularité de ladite affaire ⎯ les problèmes posés par le point de départ
situé à l’embouchure de la rivière Chuy devaient être résolus avant de pouvoir effectuer la
délimitation maritime. Le sixième exemple est celu i de la frontière de1973 entre l’Argentine et
l’Uruguay. M.Brownlie a montré une représen tation de la portion inté rieure de cette ligne,
laquelle est une perpendiculaire à la ligne de fermet ure du Rio de la Plata. Il s’est cependant gardé
d’indiquer que la portion extérieure était une ligne d’équidistance segmentée. Le septième exemple
est celui de la frontière de 1980 entre le Costa Rica et Panama ⎯ autre exemple de perpendiculaire
conforme à l’équidistance dans les circonstances de l’espèce. Le huitième exemple est celui de la
frontière de 1981 entre le Brésil et la Guyane française ⎯ là encore une perpendiculaire conforme
à l’équidistance dans les circonstances de l’espèce. Le neuvième exemple est celui de la frontière
de 1996 entre l’Estonie et la Lettonie qui, comme M. Brownlie l’a dit, est une perpendiculaire à la
ligne de fermeture traversant la baie de Riga ; ce qu’il s’est gardé de dire, en revanche, c’est qu’à
l’intérieur du golfe de Riga, cette frontière serpente entre les îles estoniennes. Au total, tout cela
est bien mince pour étayer la méthode de la bissectrice que le Nicaragua propose en l’espèce.
100. Permettez-moi de revenir à la délimitation, évoquée par M. Brownlie, entre le Mexique
et les Etats-Unis d’Amérique dans le golfe du Mexique. La carte15, celle-là même qui a été
utilisée par M. Brownlie et qui figure sous la cote IB8, est en ce moment projetée à l’écran. En
réalité, nous avons ici trois lignes frontières: celle, tracée en 1970, de la mer territoriale,
c’est-à-dire la ligne de couleur noire dont le point de départ est situé directement dans
l’embouchure du Rio Coco; la ligne relative à la zone économique ex clusive, qui date
de1976-1978 et se compose de deuxsegments repr oduits en rouge; et, enfin, la ligne tracée
en2000, qui figure ici en bleu et qui délimite la partie extérieure du plat eau continental entre le
Mexique et les Etats-Unis d’Amérique au-d elà des 200milles marins. A mon avis, les
représentants du Mexique et des Etats-Unis qui ont participé à ces négociations seraient fort
étonnés d’apprendre qu’ils ont négocié ⎯et que telle était leur intention ⎯ des frontières - 12 -
perpendiculaires à la direction générale de la cô te. En effet, ces lignes frontières sont toutes ⎯ et
quelle que soit la portion considérée ⎯des lignes d’équidistance, comme l’est également la
frontière entre le Mexique et les Etats-Unis dans l’océan Pacifique.
101. L’on peut voir que la direction générale de la côte que le Nicaragua a représentée sur la
carte est en réalité artificielle et qu’elle n’a auc un rapport avec la côte des deux pays dans le golfe
du Mexique. De fait, après avoir dépassé la côte continentale de forme concave dans les environs
du Rio Grande, cette frontière sépare des côtes qui se font face. A cet égard, il est significatif de
constater que, dans la construction de la ligne d’équidistance, notamment pour ce qui concerne ses
secteurs central et oriental, de très petites îl es mexicaines, appelées Arrecife Alacran et
Cayo Arenas et situées à 75 milles marins au larg e de la péninsule du Yucatan, ont servi de points
19
de base du côté mexicain. Ces lignes d’équidistance sont représentées sur la carte 16, extraite de la
collection International Maritime Boundaries de l’American Society [of International Law], et qui
est en ce moment projetée à l’écran. Lesdites lignes font également apparaître l’emplacement de
CayoArenas et Arrecife Alacran, qui ont été u tilisées comme points de base. Cette frontière
constitue plutôt un exemple régional de ligne de délimitation fondée sur la méthode de
l’équidistance entre des côtes à la fois adjacentes et opposées, délimitation dans le cadre de laquelle
les parties ont convenu d’utiliser de petites îles comme points de base pour tracer la ligne
d’équidistance. Permettez-moi de dire qu’il s’ agit là également d’un élément de preuve plutôt
mince pour justifier le recours à la méthode de la bissectrice que propose le Nicaragua.
102. En résumé, la nouvelle bissectrice pr oposée par le Nicaragua n’a aucun fondement
géographique, et l’on ne trouve, dans la pratique des Etats comme dans la pratique judiciaire, qu’un
nombre limité d’exemples à l’appui du recours à la méthode de la bissectrice. Si la proposition du
Nicaragua est dépourvue de fonde ment géographique, c’est parc e que la méthode employée pour
tracer la bissectrice n’est pas fondée sur les côtes pe rtinentes qui font face à la zone devant être
délimitée, et parce qu’elle ne tient pas compte de la souveraineté territoriale sur les îles situées au
large de la côte. La manière dont le Nicaragua présente le tracé de la bissectrice qu’il préconise est
artificielle, et ce pour la simple raison qu’ellevise à étayer sa nouvelle revendication en plaçant,
par le plus pur des hasards, les îles hondurienn es du côté de la ligne qui lui convient. Non
seulement la nouvelle ligne proposée par le Nicaragua s’écarte obliquement ⎯direction qui n’a - 13 -
aucun rapport avec les côtes pertinentes qui f ont face à la zone devant être délimitée ⎯ de la côte
centraméricaine orientée vers l’est, mais elle place également les îles honduriennes du mauvais côté
de cette ligne ⎯c’est-à-dire du côté revendiqué par le Nicaragua. La ligne nicaraguayenne est
donc dépourvue de tout fondement au regard des circonstances géographiques pertinentes de la
présente espèce.
3. Le fondement constitué par le comportement des Parties
103. Je vais examiner brièvement le comportement des Parties. M. Sands a traité de manière
détaillée des faits afférents au comportement des Parties en l’espèce. Les faits sont très clairs.
Avant le changement de gouvernement interven u en1979 au Nicaragua, celui-ci n’avait pas
revendiqué de juridiction au nord de la latitude du cap Gracias a Dios.
104. En revanche, la position du Honduras est demeurée constante ; la ligne hondurienne est
bien fondée dans le comportement des Parties, ce qui contribue à en renforcer le fondement
juridique. L’existence de la ligne traditionnelle précède de plusieurs années le changement de
20 position du Nicaragua. Et une catégorie de faits, que M. Sands a examinée avec minutie, en fournit
un tableau particulièrement clair, simple et sans ambigüité. Ces faits concernent les concessions
pétrolières adjacentes que les deux Parties ont oc troyées à compter du début des années soixante.
Les concessions étaient alignées le long de la ligne traditionnelle.
105. Le Nicaragua prétend que ces faits ne sont pas pertinents au motif qu’il n’existait pas
d’accord formel et qu’il y avait, à l’époque, quelq ue incertitude quant à la latitude exacte du point
terminal de la frontière terrestre . Le fait qu’il n’existait pas de traité formel ou que la latitude
exacte de l’embouchure du Rio Coco, à savoir 15°, 14° 59,8' N ou 14° 59' 08 N, n’était pas connue
de manière certaine ⎯ce qui constituait l’essence du désaccord ⎯ n’est guère pertinent
aujourd’hui. Les éléments de preuve montrent que les Parties ont délibérément aligné leur pratique
en matière pétrolière pendant une quinzaine d’années.
106. La valeur probante des éléments de pre uve est écrasante et M.Sands a passé en revue
devant vous ces éléments de preuve. Il ne sau rait faire de doute que, quelle qu’ait pu être
l’incertitude technique quant à la latitude exacte du point terminal de la frontière, c’est-à-dire la - 14 -
latitude exacte de l’embouchure du Rio Coco, cette incertitude ne peut permettre de nier la pratique
suivie des deux gouvernements.
107. Il convient de rappeler à ce sujet que, dans l’affaire Tunisie/Libye, les concessions de la
Lybie et celles de la Tunisie se chevauchaient légèrement à proximité du point terminal de la
frontière terrestre, à RasAdjir, et que le plateau continental n’avait fait l’objet d’aucun traité
formel; or l’alignement délibéré des concessions pétrolières a pourtant été particulièrement
pertinent en ladite affaire. La Cour conclut effectivement dans l’affaire Tunisie/Libye qu’il existait
une frontière de facto, que reflète avec certitude la pratique coloniale, conforme avec certitude à la
géographie, en tant que perpendiculaire à la di rection générale de la côte, mais également
démontrée par une concession pétrolière tunisie nne octroyée en octobre1966 et une concession
libyenne octroyée en avril1968, lesquelles furent alignées ⎯ délibérément alignées ⎯ pendant
huit ans, de 1968 à 1976, date à laquelle le schéma s’effondra.
108. Il peut être utile de réexaminer un inst ant les faits relatifs aux concessions pétrolières
dont la Cour était saisie à l’époque, de manière à mieux comprendre cet arrêt et son application en
l’espèce. Je rappellerai que la Cour fut saisie de cette affaire par voie d’un compromis signé
en1977, à la suite de plusieurs engagements entr e les forces navales des deux pays au milieu de
l’année 1976 à propos d’activités pétrolières offshore. Vous avez à l’écran la carte 17, qui est une
o
réplique de la carte3 du mémoire de la Libye, reproduite comme document n 41 dans les
mémoires publiées par la Cour ( C.I.J. Mémoires, plaidoiries et documents, affaire du plateau
21 continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) , vol.VI, planche41). Elle représente deux
concessions majeures ⎯l’une libyenne et l’autre tunisienne. La légende figurant sur la carte
libyenne est erronée car elle date la concession tunisienne de1967; celle-ci datait en réalité
d’octobre 1966. Ces concessions ainsi que leur emplacement étaient bien connus et, même si cela
n’apparaît pas clairement à cette échelle, le côté oriental de la concession tunisienne est représenté
par une série de lignes en escalier suivant a pproximativement une ligne à 26°partant du point
terminal de la frontière terrestre entre la Tunisie et la Libye, situé à Ras Adjir, et s’étendant jusqu’à
une latitude de 33° 55' N ; nous allons marquer cette position d’une croix (X) pour pouvoir nous y
référer plus facilement. - 15 -
109. Donc, à partir d’avril 1968, il existait une pratique délibérée de la Tunisie et de la Libye
consistant à aligner leurs concessions dans la zone située au sud du 33° 55' de latitude nord. Quatre
ans plus tard, en1972, les choses commencèrent à se compliquer. Les deux pays octroyèrent de
nouvelles concessions, lesquelles se trouvaient, cette fois , au nord du 33° 55' de latitude nord et se
chevauchaient, la situation rest ant la même au sud du 33°55'de latitude nord. Elle le resta
jusqu’en 1976 ⎯ juste avant que les Parties n’en appellent à la Cour ⎯, date à laquelle la Tunisie
étendit ses concessions vers l’est, à l’intérieur des concessions libyennes. La pratique délibérée
commune en matière pétrolière, consistant à suivre la ligne de 26°au sud de 33°55'de latitude
nord, dura donc huit ans, de 1968 à 1976 (figure 18).
110. En l’espèce, l’octroi de concessions pétrolières délibérément alignées dura plus
longtemps, à tout le moins à partir de 1962 en ce qui concerne le Honduras et à partir de 1965 pour
ce qui est du Nicaragua jusqu’au moment où ce dernier modifia sa position, voire plus longtemps
encore 3. Sur la base de cette identité de vues, l’on peut dire que la zone en litige aujourd’hui ne
l’était pas à l’époque.
111. On peut se demander si l’alignement de ces concessions était réellement délibéré de la
part du Honduras et du Nicaragua, comme c’était le cas de la Tunisie et de la Libye? Il l’était
assurément. Le caractère délibéré de l’alignement est démontré de manière concluante ne serait-ce
que par le fait que ces deux pays se mirent d’accord sur un projet conjoint le long du 15° de latitude
nord concernant le forage du puits Coco Marina.
112. Arrêtons-nous un instant seulement sur le projet Coco Marina et sur ses répercussions.
Pour le Honduras, c’est l’évidence même que d’ avoir à coopérer avec le Nicaragua à un projet
conjoint en matière de concessions pétrolières le long de la ligne traditionnelle. De la même
manière, cela ne peut avoir de sens pour le Nicaragua que si celui-ci respecte la ligne traditionnelle
et souhaite protéger ses intérêts en ce qui con cerne les concessions pétrolières alignées. En
22 revanche, il ne rime à rien pour le Nicaragua de coopérer avec le Honduras en vue d’autoriser
conjointement le forage du puits CocoMarina à 15°de latitude nord s’il estime que le Honduras
n’a pas de titre sur la zone adjacente. Si, en effe t, à l’époque du forage du puits Coco Marina, le
3
RN, par. 5.17. - 16 -
Nicaragua avait même la moindre prétention sur la zone située au nord du 15 e parallèle qu’il
revendique à présent, y compris les îles, il n’aura it jamais accepté une opération conjointe avec le
Honduras le long de la ligne traditionnelle qui suit le 15 eparallèle. Aucun gouvernement placé
dans la même situation n’aurait accepté cela. Le puits Coco Marina se trouve approximativement à
17milles marins plein sud de la ligne que le Nicaragua revendique aujourd’hui. Il est
invraisemblable que le Nicaragua ait nourri d es prétentions sur la zone située au nord du
e
15 parallèle à l’époque du forage du puits Coco Marina, en1969. Ce seul fait suffit pour
démontrer que le Nicaragua respectait autrefoi s la ligne traditionnelle et confirmer qu’il a
réellement modifié de manière substantielle sa position.
113. Les faits sont incontestables. Le Nicaragua a accepté la ligne traditionnelle et s’y est
conformée jusqu’à ce qu’il change de gouvernement en 1979. Il existait un véritable accord tacite.
Depuis lors, le Nicaragua a cherché à revenir sur ce qui avait été convenu et qui était suivi dans la
pratique des deux Etats. Le Honduras s’est régu lièrement opposé à ces efforts du Nicaragua et se
présente devant vous aujourd’hui pour obtenir c onfirmation de la ligne traditionnelle, exactement
comme il a cherché, en 1960, à obtenir confirmation de la sentence de 1906 auprès de la Cour.
114. En somme, il existe une base juridique de la ligne hondurienne qui repose sur l’histoire,
la géographie et le comportement des Parties. Il n’en existe pas pour la proposition du Nicaragua.
II. Le caractère équitable de la ligne hondurienne
A. Sa confirmation dans la jurisprudence de la Cour
115. J’aborde à présent la question du caractèr e équitable de la ligne hondurienne. Le but
poursuivi à travers une délimitation équitable est de faire en sorte que, autant que possible, la
frontière maritime laisse à chaque partie l’espace maritime situé en face de sa côte. Cette
proposition est traduite en droit in ternational par le principe du non- empiètement, à savoir, le fait
pour une partie de ne pas empiéter sur le prolongeme nt naturel de la côte de l’autre, ou encore le
fait consistant à éviter ce qui pourrait empêcher à la projection en mer du territoire de l’un ou
l’autre des Etats concernés. Le Nicaragua présen te cette proposition de la manière suivante dans - 17 -
son mémoire: «Cet impératif fondamental d’équité veut qu’une ligne de délimitation ne puisse
4
passer trop près de l’une des côtes concernées.»
23 116. Pour atteindre cet objectif, la Cour do it employer une méthode de délimitation. A ce
stade de la pratique, il est courant de se référer à la ligne d’équidistance provisoire avant de
déterminer si elle devrait être ajustée ou si une autre méthode devrait être employée pour parvenir à
un résultat équitable. Néanmoins, le Honduras fa it observer que dans des affaires récentes de
délimitation, la Cour n’a jamais écarté la possib ilité de recourir à une autre méthode ou à une autre
manière de procéder après que la ligne d’équidi stance provisoire eut été examinée. Le Honduras
est d’avis que si la Cour en venait à examiner la ligne d’équidistance provisoire en l’espèce, rien
dans sa méthodologie ne l’empêcherait d’adopter la ligne traditionnelle comme frontière maritime
entre les Parties.
117. En outre, une analyse de la ligne hondurie nne en fonction l’objectif d’une délimitation
équitable et un examen de la ligne d’équidist ance provisoire laissent apparaître clairement le
caractère équitable de la ligne hondurienne.
B. La ligne hondurienne respecte le principe du non-empiétement
118. Lorsque l’on analyse le principe du non-empiétement, la question juridique essentielle
est celle de savoir si la ligne examinée est située tr op près du territoire de l’Etat concerné. Ainsi,
dans les circonstances géographiques de l’espèce, la question qui se pose est la suivante : la ligne
hondurienne passe-t-elle trop près du territoire nicaraguayen et empêche-t-elle ainsi la projection en
mer de la façade côtière de ce pays ?
119. Pour le Honduras, la réponse est non. La ligne hondurienne est toujours située à la
même distance du continent des deux pays, à l’em bouchure du Rio Coco. Une grande partie de
cette ligne passe plus près des îles honduriennes que de celles du Nicaragua. Ainsi, on ne peut
guère dire que la ligne hondurienne passe trop près du Nicaragua.
120. Par ailleurs, le Nicaragua admet qu’il po ssède une façade côtière linéaire qui s’étend du
cap GraciasaDios au nord à sa frontière avec le Co sta Rica au sud. La côte continentale du
Nicaragua est orientée vers l’est. Aucune partie de sa façade côtière continentale n’est orientée
4
MN, p. 119, par. 74. - 18 -
vers le nord, ou vers le nord-est, voire vers l’est-nord-est. Cette façade est orientée vers l’est, voire
peut-être légèrement vers le sud-quart-sud-est.
121. La ligne traditionnelle qui se dirige plein est à partir du cap Gracias a Dios ne passe pas
devant la façade côtière du Nicaragua. Si une côte est uniquement orientée vers l’est, son extension
en mer n’est pas empêchée par une frontière qui se dirige vers l’est.
24 122. Nous avons reproduit à l’écran la plan che 49 de la duplique du Honduras (figure19).
Cette figure est simplement destinée à démontrer que la ligne traditionnelle, indiquée ici en rouge,
n’empêche pas la projection en mer de la faça de côtière du Nicaragua. La ligne hondurienne
respecte le principe du non-empiétement. En re vanche, la proposition nicaraguayenne, celle d’une
ligne traversant obliquement la façade côtière du Honduras qui est orientée vers l’est, ne respecte
pas le principe du non-empiétement.
C. Comparée à la ligne d’équidistance provisoire, la ligne hondurienne est équitable
1. Le motif de cette analyse
123. Nous allons à présent nous pencher sur la question de la ligne d’équidistance provisoire.
Nous procédons à l’examen de cette question nono bstant la position hondur ienne selon laquelle la
ligne traditionnelle a été respectée et a été suiv ie par le Honduras de nombreuses années durant et
par le Nicaragua jusqu’en1979 ou1980, et c’est là la position hondurienne en l’espèce. Nous
procédons à cet examen au vu de l’approche adopt ée par la Cour dans des affaires récentes et qui
consiste à examiner la ligne d’équidistance provisoire pour déterminer si elle devrait être ajustée ou
si une autre méthode devrait être employée pour parvenir à une solution équitable. Nous y
procédons également parce que la ligne d’équidist ance provisoire confirme le caractère équitable
de la position hondurienne. Il est également néce ssaire de répondre à l’argument avancé à ce sujet
par M. Brownlie le 7 mars (CR 2007/3, p. 10-13, par. 190-199).
124. Dans la récente affaire Barbade c. Trinité- et-Tobago , le tribunal arbitral a qualifié
«d’hypothèse» la pratique judicaire qui consiste à commencer par examiner la ligne d’équidistance
provisoire dans le cadre de l’analyse des questions de frontière maritime (par. 242). Bien entendu,
la Cour en a dit autant en plus d’une occasion. Dès lors, la question à examiner est de savoir si la - 19 -
ligne d’équidistance provisoire semble en soi aboutir à un résultat équitable, s’il faut procéder à un
ajustement de cette méthode ou recourir à une autre méthode.
125. Ainsi, le but de l’exercice auquel nous allons procéder est de déterminer à quoi
ressemble la ligne d’équidistance provisoire. M. Brownlie a vivement critiqué cette ligne, définie
par le Honduras dans sa duplique. Il l’a qualifi ée de ligne «totalement fallacieu[se]» (CR 2007/3,
p.10, par.192) et a dit qu’elle «ne satisfai|sai t] pas aux critères juridiques et hydrographiques de
validité d’une ligne présentée comme «ligne d’équidistance» (CR2007/3, p.11, par.195).
M. Bronwlie a formulé trois objections précises à l’appui de sa critique.
25 126. Premièrement, il a reproché au Honduras d’avoir utilisé la laisse de haute mer, plutôt
que la laisse de basse mer des formations repr oduites sur la carte en tant que points à partir
desquels il convient de mesurer la ligne d’équidistance provisoire. Voici notre réponse: tout
d’abord, au vu des circonstances, la ques tion de savoir si la ligne d’équidistance
provisoire ― utilisée à titre hypothétique — est tracée à partir de la laisse de haute mer ou de celle
de basse mer semblerait ne pas revêtir d’importan ce dans la plupart des situations où la ligne
provisoire est examinée pour en retirer une impression générale. Je pense que la Cour ne serait pas
en mesure de voir la différence si celle-ci était représentée par deux lignes reproduites sur les pages
que vous avez devant vous. Ensuite, ce reproche nous a été fait sans que l’on ne nous ait démontré
où était notre erreur: aucune carte n’a été pr oduite, aucun exemple spécifique n’a été donné.
Enfin, comme la Cour peut l’imaginer, accusée d’a voir commis une erreur technique de la sorte,
notre équipe technique a immédiatement examiné de nouveau ce qu’elle a fait. Elle n’a trouvé
aucune erreur. En effet, pour la construction de la ligne d’équi distance provisoire proposée par le
Honduras, c’est la laisse de basse mer des formati ons pertinentes qui a été utilisée comme point de
base pour la construction d’une ligne d’équidistan ce provisoire. En l’absence d’exemples précis
d’erreur, nous ne pouvons que suppo ser que la critique formulée par le Nicaragua est peut-être le
résultat d’une impression ou d’une interprétati on erronée des symboles utilisés sur des cartes
marines modernes, et M. Greenwood a largement traité de cela lundi (CJG 21-22).
127. La deuxième critique formulée contre la ligne d’équidistance du Honduras concerne le
premier segment de cette ligne. Ce premier segme nt de la ligne d’équidistance est constitué d’une
ligne d’environ 14,8 milles marins. Il prend une direction est-sud-est à partir du continent et rejoint - 20 -
un point (situé par 14° 57'23,9" de latitude nord et 82° 53'31,4" de longitude ouest) qui constitue
le tripoint situé à égale distance de BobelCay, d’EdinburghCay et du point établi par la
commission mixte de 1962.
128. A présent, le Nicaragua se plaint de ce qu’ il ne s’agit pas là d’une application véritable
de la méthode de l’équidistance, mais n’explique pas pourquoi. Tout ce qu’a fait le Honduras, c’est
simplifier la ligne d’équidistance qui s’étend à partir de l’embouchure du fleuve jusqu’au point
susmentionné. En réalité, pour déterminer le point tournant d’une ligne d’équidistance, il convient
de tenir compte de trois points de base situés su r des formations géographiques. Il est possible à
cette fin d’utiliser les points de base infinis situ és à la même distance sur les deux rives du Rio
Coco, ce qui aboutirait à une multitude de points tournants avant que la ligne d’équidistance
provisoire ne s’infléchit et n’arrive, comme cel a est inévitable, à proximité du premier point
tournant. La méthode employée par le Honduras vise uniquement à simplifier le premier segment
26 en identifiant le point situé à distance égale de BobelCay, au Honduras, d’EdinburghCay au
Nicaragua, et d’un point commun fixé par la commission mixte de 1962.
129. La troisième critique formulée par le Nicaragua a trait au fait que la ligne
d’équidistance provisoire dépend trop des points de base situés sur des îles de petite taille et non de
points situés sur le continent. Nous répondons si mplement que les petites îles des Parties sont des
points territoriaux disposant d’une ligne de base à pa rtir de laquelle l’étendue de la mer territoriale
est mesurée, et que la ligne d’équidistance provisoir e devrait être construite à partir des lignes de
base des deux Etats côtiers. La ligne d’équidi stance provisoire est la ligne d’équidistance
provisoire en tant que telle. Cette troisièm e objection relève plus du commentaire d’un
porte-parole qui indique qu’il n’aime pas la ligne d’équidistance provisoire telle que définie, et
voudrait faire valoir que les caractéristiques de cette ligne devraient être examinées pour choisir et
appliquer une méthode de délimitation.
2. Les points de base
130. Dès lors qu’il s’agit d’examiner la ligne d’équidistance provisoire, la première question
à trancher concerne les points de base devant être utilisés. - 21 -
131. Le Honduras et le Nicaragua sont des Etats limitrophes, et la frontière terrestre rejoint la
mer à l’embouchure du Rio Coco. Le cap se projetant vers l’est, sauf au tout début, des deux côtés
de son extrémité qui, nous le savons, change c onstamment de forme, il se révèlerait rapidement
vain d’établir des points sur le continent de part et d’autre du Rio Coco. Cela étant, nous venons
simplement de décrire une technique qui peut être utilisée pour remédier à ce problème, mais il en
existe d’autres. Le Nicaragua affirme néanmoins qu’il est impossible d’avoir recours à la méthode
de l’équidistance dans la présente affaire. Au paragraphe 82 de son mémoire, il déclare que «la
méthode de l’équidistance n’est pas techniquement applicable». Le Honduras n’est pas d’accord.
132. Les points de base qui sont utilisés dans cette construction sont très clairs. Une carte du
secteur, sur laquelle les points de base sont surli gnés, apparaît maintenant à l’écran (figure20).
Après Cabo Gracias a Dios, ces points se situent sur Bobel Cay, Port Royal Cay et South Cay du
côté hondurien, et sur Edinburgh Cay et Edinburgh Reef du côté nicaraguayen. Nous pouvons voir
ici deux autres formations ⎯Hall Rock du côté hondurien et Cock Rock du côté nicaraguayen.
Elles sont certes là et pourraient servir de points de base, mais l’une d’elles semblant immergée à
27
marée haute, le Honduras a choisi de ne pas les u tiliser comme des points de base dans le cadre de
cette analyse ⎯de cette hypothèse sur l’aspect que pourrait avoir une ligne d’équidistance
provisoire.
133. Les formations situées du côté hondurien sont des îles, comme MM.Sands et
Quéneudec l’ont démontré. Cela n’a pas été contes té par le Nicaragua. Il s’agit de formations
petites, mais non négligeables, et se trouvent à leur proximité un certain nombre de récifs et de
cayes honduriens qui pourraient servir de points de base si ces îles n’existaient pas.
134. Du côté nicaraguayen, les points de base déterminants pour tracer la ligne
d’équidistance provisoire se trouvent sur Edinburgh Cay et Edinburgh Reef, qui, par comparaison,
sont deux formations relativement isolées d’autr es îles nicaraguayennes. Le choix de points de
base nicaraguayens peut être généreux, particul ièrement en ce qui concerne les formations
découvrantes apparaissant sur le récif. Le Nicaragua n’a rien fait pour éclairer la Cour au sujet de
ces formations, et le Honduras ne dispose d’aucun élément de preuve indépendant quant à leurs
caractéristiques. Nous devons donc nous contenter du fait que ces formations apparaissent sur les
cartes marines modernes. Quoi qu’il en soit, ces formations situées du côté nicaraguayen sont plus - 22 -
petites que celles qui se trouvent du côté hondurien, et il est permis de se demander si elles
constituent des îles au sens juridique du terme. T outefois, puisque, je le répète, il s’agit là d’un
exercice ⎯ d’une hypothèse ⎯, nous laisserons au Nicaragua le bénéfice du doute et utiliserons
ces formations comme points de base nicaraguayens pour tracer la ligne d’équidistance provisoire.
3. La ligne d’équidistance provisoire ainsi obtenue
135. Sur cette base, nous pouvons donc établir la ligne d’équidistance provisoire qui apparaît
maintenant à l’écran (figure21). Il convient de noter d’emblée que cette ligne d’équidistance
provisoire se situe dans son intégralité au sud de la ligne traditionnelle. Cela est tout simplement
dû au fait que les îles honduriennes sont plus proches du 15 eparallèle de latitude nord que les
formations nicaraguayennes.
4.Les mers territoriales et les zones écono miques exclusives délimitées par la ligne
d’équidistance provisoire
136. A partir du point1, la ligne d’équidi stance provisoire s’infléch it en sept autres points
e
avant d’atteindre le 82 méridien de longitude ouest.
137. Le premier segment ⎯de Cabo Gracias a Dios au point1 ⎯ sépare les mers
territoriales respectives des Parties qui bordent le continent jusqu’à ce que le segment atteigne une
petite partie de zone économique exclusive; en d’autres termes, ce premier segment constitue
principalement une limite entre mers territoriales.
138. Du point 1 au point 2, la ligne d’équidist ance provisoire se dirige vers l’est, quitte cette
28
petite partie de zone économique exclusive pour redevenir une ligne de séparation des mers
territoriales. Le point 2 est équidistant de deux points situés sur Edinburgh Cay, côté nicaraguayen,
et d’un point sur Bobel Cay, côté hondurien.
139. Du point 2 au point 3, la ligne d’équidi stance provisoire se prolonge vers l’est en tant
que ligne de séparation des mers territoriales. Le point 3 est équidistant de Bobel Cay et de
PortRoyal Cay, côté hondurien, et d’un point situé sur Edinburgh Reef, côté nicaraguayen. Du
point 3 au point 4, la ligne d’équidistance provisoir e continue vers l’est en tant que limite des mers
territoriales. Le point 4 est équidistant de Port Royal Cay et de South Cay, côté hondurien, et
d’Edinburgh Reef du côté nicaraguayen. Au po int 4, la position relativement orientale de - 23 -
South Cay, côté hondurien, par rapport à Edinbur gh Reef du côté nicaraguayen, commence à faire
dévier la ligne d’équidistance provisoire dans une direction sud-est.
140. Du point 4 au point 5, la ligne d’équidistance provisoire reste dans la limite des
12milles marins mesurés à partir des points de base honduriens et nicara guayens, et ce segment
constitue donc essentiellement une ligne de séparati on des mers territoriales. Mais ensuite, les
segments reliant les points 5 à 8 divisent la zone économique exclusive. Et ces points d’inflexion
sont équidistants de points situés sur South Cay, côté hondurien, et sur Edinburgh Reef du côté
nicaraguayen.
141. Comme nous l’avons déjà indiqué, sur plus de 80% de sa longueur, la ligne
d’équidistance provisoire présentée ici empêche la mer territoriale du Honduras de s’étendre sur
une largeur totale de 12milles marins. En d’autr es termes, la frontière maritime unique qui a été
soumise à la Cour concerne principalement, soit sur plus de 80% de sa longueur, la délimitation
des mers territoriales relevant du Honduras et du Nicaragua.
5. Comparaison entre la ligne d’équidistance provisoire et la ligne traditionnelle
142. La ligne traditionnelle revendiquée par le Honduras est plus favorable au Nicaragua que
la ligne d’équidistance provisoire (figure22). Voici la comparaison entre les deux, que nous
mettons ici en évidence. Vous constaterez que la ligne d’équidistance provisoire tend à attribuer au
Honduras 1775 kilomètres carrés au sud de la ligne traditionnelle.
143. Il est donc certain que le Honduras ne trouve rien à redire quant à la ligne
d’équidistance provisoire elle-même.
29 6. L’extrémité orientale de la ligne d’équidi stance provisoire empêcherait la projection en
mer de la façade côtière du Nicaragua
144. La deuxième singularité de la ligne d’ équidistance provisoire tient à son changement
d’orientation générale ⎯elle cesse de se diriger vers l’est pour s’infléchir vers le sud-est ⎯ sous
l’effet de la formation hondurie nne de South Cay (figure 21). Etant donné que South Cay (côté
hondurien) et Edinburgh Reef (côté nicaraguayen) constituent les deux derniers points de base, et
que South Cay se trouve plus à l’est, l’influence de celle-ci, lorsqu’on applique la méthode de
l’équidistance, a pour effet de faire dévier la ligne d’équidistance provisoire vers le sud-est. Dans - 24 -
ces circonstances géographiques, l’influence de South Cay se prolonge sur une certaine distance, au
moins jusqu’au 82 méridien.
145. Cela rappelle un tant soit peu la position de Fasht al Jarim dans l’affaire Qatar
c. Bahreïn. Sur la carte qui apparaît maintenant à l’ écran (figure23), vous pouvez voir l’étendue
de l’espace maritime qui aurait été attribuée à Bahreïn si la Cour avait utilisé Fasht al Jarim comme
point de base en appliquant la mé thode de l’équidistance. Dans lad ite affaire, la Cour a retenu la
ligne d’équidistance provisoire dans les parties de la délimitation qui concernaient la mer
territoriale, mais a relevé que la position de la formation bahreïnite de Fasht al Jarim, dans le
secteur extérieur ⎯ celui de la zone économique exclusive ⎯, par rapport aux points situés sur la
côte de Qatar, faisait trop dévier la ligne d’é quidistance provisoire en direction de Qatar. En
conséquence, la Cour a décidé de ne pas utiliser Fasht al Jarim en tant que point de base.
146. Le Honduras n’entend pas ici argumenter quant au fait de savoir s’il faudrait ne donner
aucun effet à South Cay, lui donner un demi-eff et ou lui donner plein effet, car la ligne
traditionnelle nous convient; elle constitue, d’apr ès le Honduras, une frontière équitable entre les
Parties. Cela étant, si la Cour venait à décider de recourir plutôt à la méthode de l’équidistance, le
Honduras estime que, conformément à l’article 15 de la convention de 1982, il n’existerait alors
aucune circonstance spéciale qui justifierait d’ ajuster la ligne d’équidistance provisoire aux
endroits où celle-ci délimite les mers territori ales respectives des deux Etats ; le Honduras n’en est
pas moins conscient qu’il pourrait se révéler nécessaire d’ajuster quelque peu la ligne
d’équidistance provisoire dans le secteur de la z one économique exclusive située vers le large en
raison de la position relative de la formation hondurienne de South Cay.
147. Cet examen de la ligne d’équidistance pr ovisoire démontre de manière concluante que
la position du Honduras n’est ni agressive, ni conç ue pour accroître autant que faire se peut les
intérêts honduriens. En fait, c’est le contraire qui est vrai. La ligne traditionnelle reste du côté
30 hondurien de la ligne d’équidistance provisoire sur toute sa longueur. Il est difficile de saisir
comment la ligne traditionnelle pourrait ne pas constituer une frontière équitable au vu des
circonstances géographiques.
148. Maintenant, avant de conclure cette anal yse, nous voudrions relever que le Nicaragua
n’a pas présenté à la Cour de ligne d’équidistance provisoire basée sur sa position, qui est que les - 25 -
îles contestées lui appartiennent. Le Nicaragua a déclaré qu’il est impossible d’utiliser la méthode
de l’équidistance dans la présente affaire, même s’il a mentionné des lignes médianes dans son
analyse du lieu où la Cour devrait fixer le point de départ vers le large de cette délimitation. Le
Nicaragua s’étant abstenu de présenter cette ligne, nous avons décidé de la montrer, et cela a été
fait dans le cadre des exposés de MM. Greenwood et Dupuy, sur les cartes CJG-20 et PMD-3.
Malheureusement, ces cartes établies à la hâte ⎯qui sont identiques ⎯ sont erronées et nous
prions la Cour et la délégation nicaraguayenne de nous en excuser. Nous vous prions de bien
vouloir ne pas tenir compte de ces cartes et, s’il devait à nouveau être fait référence à la
démonstration en question, nous espérons qu’ il y aurait renvoi à la carte que nous projetons
maintenant à l’écran (il s’agit de la carte24), à laquelle nous nous en tiendrons désormais. Sur
cette carte, il est remédié au fait que la carte précédente n’utilisait pas Banco Cabo, du côté
hondurien, en tant que point de base dans le cad re de l’hypothèse examinée, et au fait que les
formations découvertes à marée basse qui sont situées au nord de Media Luna n’étaient pas
utilisées dans cette construction ⎯dans cette hypothèse ⎯, rectification qui est à l’avantage du
Nicaragua. Comme vous pouvez le voir, dans cette construction ⎯établie en utilisant la même
méthode que celle employée par le Honduras pour tracer le premier segment ⎯, la ligne quittera le
continent pour se diriger vers l’est, puis s’infléch ira brutalement vers le nord, contournera par
l’ouest les îles que le Nicaragua a mises en cause, puis s’infléch ira vers l’est pour passer au nord
des îles en litige, en longeant le parallèle15°30' de latitude nord, et se prolongera enfin vers le
large. Pourquoi le Nicaragua n’a-t-il pas présen té cette ligne à la Cour s’il considère avoir
souveraineté sur les îles? Je ne puis croire qu’il estime vraiment im possible d’appliquer la
méthode de l’équidistance dans cette situation. Une raison en est peut-être que le Nicaragua savait
qu’il ne pouvait défendre une prétention sur des îles qu’il devrait utiliser comme points de base
dans l’analyse d’une ligne d’équidistance. Une deuxième raison en est peut-être que, comme la
ligne le révèle très clairement, les îles que le Nicaragua a mises en cause sont situées au large de la
côte du Honduras ⎯ elles sont adjacentes à la côte hondurienn e. Elles ne sont pas situées au large
de la côte du Nicaragua. Elles ne sont pas adj acentes à la côte nicaraguayenne. Une autre raison
en est peut-être le caractère agressif, par rapport à cette ligne, de celle que le Nicaragua propose en
l’espèce: le caractère agressif de la proposition nicaraguayenne par rapport à une ligne - 26 -
d’équidistance provisoire qu’il aurait peut-être pu étayer d’une autre manière. Plaçons donc
31 maintenant sur cette carte la ligne bissectrice que le Nicaragua propose en la présente affaire. La
Cour ne manquera pas de consta ter que la proposition nicaraguayenne est bien plus agressive
envers le Honduras qu’une ligne, disons, d’équidistance provisoire nicaraguayenne. Cela balaye
toute idée d’équité s’agissant de la bissectrice proposée par le Nicaragua et contraste radicalement
avec la position hondurienne, qui est plus généreuse envers le Nicaragua que ne le serait la ligne
d’équidistance provisoire fondée sur la souveraineté hondurienne sur les îles.
D. La ligne hondurienne trouve un fondement dans la pratique des Etats
149. On peut donc voir que la position la pl us avantageuse pour le Honduras serait celle qui
reposerait sur la méthode de l’équidistance. T outefois, dans la présente espèce, le Honduras,
comme de nombreux autres Etats en d’autres circonstances, a choisi d’employer des lignes de
latitude ou de longitude pour marquer ses frontiè res maritimes. Ces lignes de latitude ou de
longitude peuvent ou non correspondre de près à une li gne d’équidistance, en particulier là où de
petites formations situées au large des côtes pourraient entrer en ligne de compte. Cela dit, les
Etats utilisent assez souvent ces lignes pour construire des délimitations équitables, parce que, pour
ces Etats, ces lignes sont censées refléter la relation géographique géné rale et une relation
historique entre deux pays.
150. Il pourrait être utile de passer brièveme nt en revue l’utilisation largement répandue des
lignes de latitude ou de longitude dans les délimita tions maritimes. Nous examinerons rapidement
les cartes qui se trouvent dans votre dossier et qui seront projetées à l’écran. Sur ces cartes
⎯également tirées de la série International Maritime Boundaries de l’American Society of
International Law ⎯ sont représentées des frontières convenu es qui suivent des lignes de latitude
ou de longitude et qui sont comparées, ainsi qu’ il est fait sur ces cartes, à la ligne d’équidistance
dans les circonstances de chaque espèce. Ces ca rtes se trouvent dans votre dossier et leurs
références complètes sont indiquées dans le texte de mon exposé ; je vais procéder à leur analyse,
de manière plutôt rapide. - 27 -
151. En Amérique du Nord, c’est une ligne de longitude qui marque la frontière maritime
entre la Russie et les Etats-Unis dans l’océan Arctique (1990) (figure 25) . 5
152. En Amérique centrale, ce sont des lignes de latitude et de longitude qui forment la
limite en escalier entre la Colombie et Panama dans la mer des Caraïbes, et c’est une ligne de
6
latitude qui constitue un segment de leur frontière dans le Pacifique (1976) (figure 26) .
32 153. Nous n’insisterons pas sur la frontière entre le Honduras et la Colombie (1986), ni sur
7
celle entre le Costa Rica et la Colombie (1977) , puisque nous savons que le Nicaragua conteste ces
délimitations convenues, ma is nous pouvons mettre l’accent sur la frontière établie
récemment(2001) entre le Honduras et le Royaum e-Uni au large des îles Cayman qui suit une
8
ligne de latitude dans son segment oriental (figure 27) .
154. En Amérique du Sud, il est notoire que les frontières entre la Colombie et
9 10
l’Equateur (1975) (figure 28) , les frontières entre l’Equateur et le Pérou (1952) (figure 29) , et la
frontière entre le Pérou et le Chili (1952) (figure 30) 11 sont des lignes de latitude.
155. Il convient aussi de rappeler que la fron tière maritime établie en 1984 entre l’Argentine
et le Chili est une ligne de longitude, dont la première section suit aussi bien des lignes de latitude
12
que de longitude (figure 31) .
156. En Afrique, nous pourrions rappeler que l es frontières entre la Gambie et le Sénégal
13
sont des lignes de latitude (1975) (figure 32) , que la frontière établie en 2002 entre l’Angola et la
Namibie (figure33) 14 est une ligne de latitude, et que les fr ontières de la Tanzanie tant avec le
Mozambique (1988) (figure34) 15 qu’avec le Kenya (1976) (figure35) 16suivent toutes deux des
lignes de latitude dans leurs sections qui partent en direction du large.
5 International Maritime Boundaries, vol. I, rapport n 1-6.
6 Ibid., vol. I, rapport n 2-5.
7 Ibid., vol. I, rapport n 2-4 et 2-1.
8 o
Ibid., vol. I, rapport n 2-23.
9 o
Ibid., vol. I, rapport n 3-7.
10 o
Ibid., vol. I, rapport n 3-9.
11 o
Ibid., vol. I, rapport n 3-5.
12 o
Ibid., vol. I, rapport n 3-1.
13 o
Ibid., vol. I, rapport n 4-2.
14Ibid., vol. V, rapport n 4-13.
15Ibid., vol. V, rapport n 4-7. - 28 -
157. Dans la mer Rouge, l’Arabie saoudite et le Yémen ont utilisé deux lignes de latitude
connexes pour définir leur frontière maritime (figure 36) . 17
158. Enfin, en Europe, le Royaume-Uni et l’Irlande ont, comme nous le savons, adopté, pour
définir leur frontière maritime (1988), un tracé en escalier formé par une succession de lignes de
latitude et de longitude, ce qui leur a permis de calculer approximativement l’endroit où passerait la
18
33 ligne d’équidistance (figure37) . De même, l’accord de1976 entre l’Espagne et le Portugal
pourrait aussi être mentionné, bien qu’il ne soit pas en vigueur 19. Ces lignes, qui, me semble-t-il,
ont été présentées comme des perpendiculaires par l’ équipe nicaraguayenne, suivent des lignes de
latitude et de longitude (figure 38).
159. Ainsi, la ligne traditionnelle, qui a été a ppliquée par accord tacite entre le Honduras et
le Nicaragua, est une ligne qui trouve un fondement dans la pra tique des Etats. La méthode
employée s’est avérée être équitable dans de nombreuses autres affaires et il n’y a aucune raison de
douter qu’elle puisse aboutir à une frontière équitable dans la présente espèce.
E. Le précédent Tunisie/Libye
160. Comme l’a fait observer le H onduras dans la duplique, l’affaire Tunisie/Libye est
particulièrement instructive. Certes, elle est c itée aujourd’hui dans les salles de cours comme une
affaire ancienne, mais elle n’en est pas moins ri che en enseignements. Cela dit, le contexte
macro-géographique des deux situations est, à l’ évidence, totalement différents, mais il y a
beaucoup d’enseignements à tirer de la manière dont la Cour a procédé en 1982. Nous allons donc
à présent projeter une série de diapositiv es montrant la géographie de l’affaire Tunisie/Libye
(figure 39).
161. Dans l’affaire Tunisie/Libye, la Cour a été confrontée à une situation géographique dans
laquelle la frontière terrestre rejoignait la côte à Ras Adjir. Ras Adjir apparaît à présent à l’écran ;
c’est un cap situé sur la côte méridiona le de la mer Méditerranée (diapositive39 a)). Les côtes
tunisienne et libyenne de part et d’autre de Ras Adjir sont orientées vers le nord-est, dans la mer
16 o
Ibid., vol. V, rapport n 4-5.
17 o
Ibid., vol. IV, rapport n 6-16.
18Ibid., vol. II, rapport n 9-5.
19Ibid., vol. II, rapport n 9-7. - 29 -
Méditerranée (diapositive39 b)). Plus loin à l’ouest, le long de la côte tunisienne, après l’île
tunisienne de Djerba, dans le golfe de Gabès, la côte nord-africaine présente un changement majeur
en direction du nord (diapositive39 c)). Outre ce cadre géographique particulier, la Cour s’est
aussi trouvée, dans cette affaire-là, devant une série de faits qui, pour l’essentiel, étaient que, depuis
de nombreuses années, les Parties à ladite affaire ⎯ et auparavant les puissances
coloniales ⎯avaient respecté une ligne traditionnelle de délimitation équiva lant presque à une
perpendiculaire à la direction gé nérale de la côte (diapositive 39 d)), à tout le moins en ce qui
concerne la zone proche de la côte. Et c’est ce qui se traduisait notamment aussi par l’importante
pratique des concessions pétrolières qui sont ad jacentes à cette ligne traditionnelle, au moins
jusqu’à 33° 55' de latitude nord (figure 39 e)).
162. Dans ladite affaire, la Tunisie a te nté de redessiner la géographie en essayant de
convaincre la Cour que la direction de la côte présentait un changement majeur, non pas dans le
34 golfe de Gabès, comme c’est le cas et comme l’a dit la Cour, mais, soutenait la Tunisie, à
Ras Adjir. L’argument du Nicaragua est exactement le même que celui soutenu par la Tunisie. Le
Nicaragua tente de convaincre la Cour que le ca p Gracias a Dios marque un changement majeur de
direction de la côte. La Tunisie plaidait que sa côte pertinente était orientée, non pas vers le
nord-est, mais vers l’est, oubliant complètement son littoral orienté vers le nord, à l’ouest de
Ras Adjir, point terminal de la frontière terrestre . C’est ce qui a conduit la Tunisie à affirmer que
la frontière devait être une bissectrice frontière passant par environ 45° à partir de Ras Adjir. Alors
que la Tunisie rendait des arguments géomorphologi ques, géologiques et historiques conciliables
avec cette argumentation, elle soutenait avec insistance que la délimitation pourrait ⎯ et là je cite
le paragraphe15 de l’arrêt re ndu par la Cour dans lequel celle -ci examine la thèse tunisienne ⎯
«être constituée par une ligne tracée à la hauteur de la frontière tuniso-libyenne» c’est-à-dire
Ras Adjir, mais «parallèlement à la bissectrice de l’angle formé par le littoral tuniso-libyen dans le
golfe de Gabès » ( Plateau continental (Tunisie/Jam ahiriya arabe libyenne), arrêt,
C.I.J. Recueil 1982, p.33, par.16; les italiques sont de moi). La Tunisie voulait que la Cour
établisse une bissectrice passant bien au-delà de la côte occidentale du golfe de Gabès, bien au-delà
du secteur situé à l’ouest de la zone à délimiter, pour ensuite amener cette bissectrice à l’endroit où
se trouve le point terminal de la frontière terre stre. Ainsi, exactement comme le Nicaragua en - 30 -
l’espèce, la Tunisie a prétendu qu’il convenait de créer et de tracer une bissectrice à partir de
façades côtières qui n’avaient aucun rapport avec les côtes pertinentes où se trouvait le point
terminal de la frontière terrestre et qui font face à la zone à délimiter. Comme le Nicaragua, la
Tunisie a fondé son argumentation sur un change ment majeur de la direction de la côte
nord-africaine ⎯changement qui s’opère toutefois à une distance considérable de l’endroit où la
frontière terrestre tuniso-libyenne aboutit à la mer.
La Cour rejeta la thèse de la Tunisie. La Cour déclara ce qui suit : «[P]our se prononcer sur
la direction de la côte on p[ouvait] négliger pour le moment les configurations côtières relativement
éloignées de [ce point terminal de la frontière terrestre], notamment l’île de Djerba» ( ibid., p.85,
par.120). La Cour s’était principalement inté ressée au court tronçon côtier auquel aboutissait le
point terminal de la frontière terrestre.
163. A l’écran nous vous présentons la li gne qui fut établie par la Cour (figure39 f)). La
Cour adopta donc la perpendiculaire à la direction gé nérale de la côte dans le voisinage du point
terminal de la frontière terrestre, une ligne qui reposait aussi sur la pratique des Parties. La Cour a
suivi cette ligne jusqu’à ce qu’il y eût une raison de s’écarter de cette ligne. Dans l’affaire
35 Tunisie/Libye, il y avait deux raisons pour ce faire. Pr emièrement, au nord de 33° 55' de latitude
nord, la pratique correspondante ⎯la pratique relative aux concessi ons pétrolières et la pratique
historique ⎯ n’était plus aussi évidente qu’elle l’avait été dans la zone située au sud de 33°55'.
Deuxièmement, en raison du changeme nt majeur de direction de la côte nord-africaine dans le
golfe de Gabès ⎯ pas au niveau du point terminal de la frontière terrestre de Ras Adjir ⎯, la côte
tunisienne s’infléchit à cet endroit puis change de direction pour se retrouver face à la zone à
délimiter. De ce fait, en 1982, la Cour renonça à la perpendiculaire là où il n’y avait aucune raison
de s’y tenir, là où il n’existait aucune pratique correspondante des Parties en ce qui concerne la
frontière à suivre, et où la côte tunisienne orient ée vers l’est faisait face à la zone à délimiter, après
le changement majeur de la direction de la côte dans le golfe de Gabès. Pour ces raisons, la Cour
ajusta la ligne perpendiculaire vers l’est, en l’écartant de la côte tunisienne orientée vers l’est.
164. Je voudrais juste émettre l’hypothèse suivan te. Qu’en serait-il si les faits avaient été
identiques, c’est-à-dire que la côte nord-africai ne avait présenté, non pas un changement de
direction vers le nord dans le golfe de Gabès, mais vers l’ouest , s’écartant de la zone à délimiter ? - 31 -
La Cour aurait-elle envisagé d’une autre façon la perpendiculaire à la direction générale de la côte ?
La Cour aurait-elle pris en considération l’histoire coloniale ou les concessions pétrolières
adjacentes ? Bien entendu, nous ne pouvons pas connaître la réponse à ces questions. Tout ce dont
nous pouvons peut-être dire avec certitude qu’il en aurait été autrement, c’est le fait qu’il n’y aurait
eu aucune côte tunisienne au nord du golfe de Ga bès, ni aucune des îles Kerkennah, qui auraient
conduit la Cour à adapter la ligne qu’elle avait commencé à tracer.
165. Dans la présente affaire, la frontière te rrestre aboutit à la mer à l’extrémité orientale
d’un cap constituant une pointe partant du milieu de la côte centraméricaine orientée vers l’est.
Une perpendiculaire projetée à partir de cette façade côtière orientée vers l’est équivaut
pratiquement à un parallèle de latit ude. La côte centraméricaine or ientée vers l’est ne subit aucun
changement majeur de direction avant d’entamer un tel changement à CaboFalso. En changeant
de direction, la côte centraméricaine s’écarte de la zone à délimiter dans la présente espèce. Ainsi,
du point de vue géographique et sur la base de l’analyse des façades côtières, il n’y a aucune raison
pour laquelle une frontière commençant comme une pe rpendiculaire à la direction générale de la
côte centraméricaine orientée vers l’est devrait s’infléchir ⎯ aucune raison ⎯. En outre, dans la
présente affaire, il n’y a non plus aucune raison de faire dévier la ligne fondée sur la pratique des
Parties ou qui tient compte d’autres formations géographiques. La ligne hondurienne laisse de part
36 et d’autres les îles et les rochers des Parties et refl ète, en direction de l’est jusqu’à 82° de longitude
ouest, la pratique des Parties suivie de nombreu ses années durant jusqu’à ce que le Nicaragua eût
récemment changé de position.
F. La ligne hondurienne n’a pas pour objet de récompenser une partie pour un changement
tardif de position
166. Je voudrais, pour conclure, dire quelques mo ts sur ce changement de position. La ligne
hondurienne est équitable parce qu’elle reflète une pr atique commune suivie par les Parties dans la
zone maritime en cause jusqu’à environ 1980. Elle n’a pas pour objet de récompenser la Partie qui
a opéré un changement tardif de position ⎯changement intervenu bien après que les deux pays
eurent revendiqué et exercé une juridiction au larg e des côtes, dans cette zone qui longe la ligne
traditionnelle. Il est proprement ironique que le Nicaragua ait pu dire, au paragraphe2 de la
page 33 de son mémoire, dans le chapitre intitulé «Les relations entre le Nicaragua et le Honduras - 32 -
e
(1963-1979)», que, «de tout le XX siècle, ce fut peut-être durant cette période que le Honduras et
le Nicaragua entretinrent leurs meilleures rela tions». On peut noter que cette période suit
immédiatement l’arrêt rendu par la Cour en novembre 1960 dans l’affaire de la Sentence arbitrale
rendue par le roi d’Espagne , et, bien entendu, c’est au cours de la même période que furent
octroyées les concessions pétrolières situées le long de la ligne traditionnelle. Mais le Nicaragua a
choisi de renier cette réalité passée. Il en a peut-être le droit sur un plan politique, mais le droit
international transcende pareils changements politiques.
Madame le président, Messieurs de la Cour, ceci m’amène à la fin de mon exposé. Je
voudrais à présent juste dire quelques mots pour conclure le premier tour de plaidoiries du
Honduras.
En premier lieu, l’agent du Honduras m’a demandé de dire à la Cour ⎯ pour insister et pour
que les choses soient claires ⎯ qu’il maintient telle quelle l’ob servation qu’il a faite dans son
exposé liminaire : à savoir que le Honduras approfondira sa réflexion sur ses conclusions finales.
En second lieu, il me reste à exprimer à la Cour, au nom de l’ensemble de l’équipe
hondurienne, notre très haute considération et notre infinie gratitude pour sa patience et l’attention
avec laquelle elle a écouté l’exposé de la position du Honduras.
Madame le président, cela met fin au premier tour de plaidoirie du Honduras.
Le PRESIDENT : Je vous remercie beaucoup, Monsieur Colson.
Je donne à présent la parole au jugeKeith et au juge ad hoc Gaja qui souhaitent poser des
questions aux Parties. Monsieur Keith.
37 Juge KEITH : Je vous remercie, Madame le prés ident. Ma question s’adresse au Nicaragua.
Quelles seraient les conséquences que tirerait le Nicaragua du tracé d’une frontière maritime
unique en cas de souveraineté hondurienne sur cer taines ou l’ensemble des îles et formations
maritimes situées au nord du parallèle passant par 15° de latitude ? Je vous remercie, Madame le
président. - 33 -
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Keith. Monsieur Gaja, vous avez la parole.
Juge GAJA : Je vous remercie, Madame le prési dent. Je voudrais poser la question suivante
aux deux Parties : Logwood Cay et Media Luna Cay peuvent-elles être considérées comme des îles
au sens du paragraphe 1 de l’article 121 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer ?
Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Gaja. Ces questions seront adressées par écrit
aux Parties dans les meilleurs délais. Les Parties pe uvent décider, si elles le jugent approprié, de
répondre au cours du second tour de plaidoiries. Il leur sera aussi possible de présenter des
réponses écrites aux questions dans un délai d’une semaine à compter de la clôture de la présente
procédure orale, c’est-à-dire au plus tard le ve ndredi 30mars2007. Dans ce dernier cas, toutes
observations qu’une Partie pourrait souhaiter faire conformément à l’article 72 du Règlement de la
Cour, sur les réponses fournies par la Partie adverse, devront être communiquées à la Cour au plus
tard le mardi 10 avril 2007.
Ceci met fin à l’audience d’aujourd’hui. Je remercie chacune des Parties pour les exposés
qu’elles ont présentés au cours du premier tour de pl aidoirie. La Cour se réunira de nouveau le
lundi 19 mars de 15 heures à 18 heures et le ma rdi 20 mars de 10 heures à 13 heures pour entendre
le second tour de plaidoirie de la République du Nicaragua. Le Nicaragua présentera ses
conclusions finales à la fin de l’audience de mardi prochain.
La République du Honduras présentera sa rép lique orale le jeudi22mars, de 15heures à
18heures, et le vendredi23mars, de 10he ures à 13heures. Le Honduras présentera ses
conclusions finales à la fin de l’audience de vendredi prochain.
Chaque Partie disposera donc de deux séance s complètes de troisheures chacune pour sa
réplique orale. Conformément au paragraphe 1 de l’article60 du Règlement de la Cour, ces
exposés oraux devront être aussi succincts que possi ble. Le second tour de plaidoiries a pour objet
38 de permettre à chacune des Parties de répondr e aux arguments avancés oralement par l’autre - 34 -
Partie et ne doivent donc pas constituer une simp le répétition des arguments déjà formulés. Les
Parties décideront de ce qu’elles utiliseront, à cette fin, du temps qui leur a été alloué.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 11 h 45.
___________
Traduction