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CR 2006/45 (traduction)

CR 2006/45 (translation)

Mardi 9 mai 2006 à 10 heures

Tuesday 9 May 2006 at 10 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Avant de donner la parole à M. Djeri ć, j’aimerais

tout d’abord régler une petite question. Hier soir, la Cour a reçu un communiqué de la

Bosnie-Herzégovine. Après mûre réflexion et à titre exceptionnel, nous avons décidé de permettre

à la Bosnie-Herzégovine de faire une déclaration publique extrêmement brève à titre d’information.

Cette permission exceptionnelle n’a été accordée qu’en raison des circonstances qui sont

particulières et ne peut en aucun cas être regardée comme un précédent.

M. van den BIESEN : Merci beaucoup, Madame le président.

Madame le président, Messieurs de la Cour, hier, lorsqu’il a répondu à la question du juge

Simma sur les versions expurgées des comp tes rendus du CSD, le coagent de la

Serbie-et-Monténégro a laissé entendre que l’un des membres de notre équipe,

MmeJoannaKorner, avait accès aux versions non expurgées de ces documents parce qu’elle a

exercé la fonction de procureur au TPIY. Comme les connaissances et l’intégrité personnelles de

Mme Korner sont directement en cause, nous tenons à faire savoir à la Cour que cette déclaration,

cette insinuation, est complètement fausse. Mme Korner n’a eu accès à la version non expurgée de

ces documents ni dans le cadre de ses fonctions antérieures, ni ultérieurement. Merci beaucoup.

Le PRESIDENT : Merci. Je donne à présent la parole à M. Djerić.

M. DJERIC : Merci beaucoup, Madame le président.

4.L’ACCES DU DEFENDEUR A LA COUR

I. Introduction

4.1. Madame le président, Messieurs de la C our, nous, c’est-à-dire la Partie défenderesse,

avons été accusés au cours de cette procédure oral e de nous être livrés à des «subtilités juridiques»

afin de faire obstacle au règlement du présent di fférend, pour reprendre ce qu’a dit M.Franck,

1
conseil du demandeur . Or le droit d’ester et la compétence peuvent-ils être regardés comme de

simples «subtilités juridiques» ? Non seulement le droit d’ester et la compétence sont des éléments

faisant partie intégrante de l’instance, mais leur existence constitue, dans le cadre de tout règlement

1
CR 2006/35, p. 46, par. 11 (Franck). - 3 -

judiciaire, et surtout devant le juge international, le préalable indispensable à l’examen au fond.

11 Comme la Cour l’a récemment confirmé, le fa it d’invoquer dans une affaire de prétendues

violations de règles de jus cogens , telles que l’interdiction du génocide, ne saurait écarter les

conditions strictes posées par le Statut en matière de compétence (voir l’affaire des Activités

armées sur le territoire du Congo (nouvelle re quête:2002) (République démocratique du Congo

c.Rwanda), compétence de la Cour et recevabilité de la requête, arrêt , par.64). En outre, il est

bien établi que les questions se rapportant à l’accès d’une partie à la Cour sont «fondamentale[s]»

(affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c.Belgique) , arrêt du

15 décembre 2004, par. 46) 2. Pourtant, le demandeur les qualifie de «subtilités juridiques». Or, il

s’agit de questions qui sont au cŒur même du foncti onnement de la Cour et vont au cŒur même du

dispositif établi par la Charte des NationsUnies : si un Etat qui n’a pas accès à la Cour pouvait

malgré tout ester devant elle, l’artic le 35 du Statut s’en trouverait modifié de facto; si l’accès à la

Cour était fondé sur autre chose qu’une décision claire prise, selon le cas, par le Conseil de sécurité

ou par l’Assemblée générale, l’équilibre établi pa r la Charte entre les principaux organes de

l’Organisation des NationsUnies s’en trouverait ro mpu. Mon collègue et ami, M.Zimmermann,

vous a exposé hier les conséquences d’une telle situation.

4.2. Madame le président, Messieurs de la C our, la question de l’accès de la RFY à la Cour

avant2000 ne pouvait tout simplement pas être éludée après l’admission de la RFY aux

NationsUnies la même année. Cette admission a mis fin à ce qui a été appelé l’«assez grande

confusion et complexité de la situation» ( Licéité de l’emploi de la force , par. 73) de la RFY

vis-à-vis des Nations Unies entre 1992 et 2000. Il est vrai qu’après son admission, la RFY a insisté

pour que la Cour détermine si cette condition essen tielle à l’exercice par celle-ci de sa fonction

judiciaire était satisfaite dans le cadre de toutes les instances dont elle était saisie et où la RFY était

partie, que ce soit en qualité de demandeur ou de défendeur. C’est pourquoi, après avoir été admise

2
(Ci-après : «Licéité de l’emploi de la force»). Le libellé est identique dans les autres arrêts rendus en 2004 dans
les autres affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force. - 4 -

aux Nations Unies en 2000, la RFY/Serbie-et-Monténégro ⎯ parfois seule, parfois de concert avec

d’autres parties, parfois à son détriment et parfo is à son avantage mais toujours de bonne foi ⎯ a

aidé la Cour, comme celle-ci «se [le devait]», à «examiner la question pour tirer ses propres

conclusions» (ibid., par. 36) quant à l’existence du droit d’ester.

12 4.3. Un dernier mot sur les «subtilités juridiques». Que le génocide ait été qualifié de crime

international est probablement l’un des progrès les plus importants du droit international

au XX esiècle. La gravité de ce crime et l’importa nce que revêt l’éventualité d’une condamnation

pour génocide doivent aller de pair avec la rigueur de la procédure à l’issue de laquelle une telle

condamnation peut être prononcée. Il faut non seulement que toutes les conditions d’exercice de la

compétence soient réunies, mais aussi établir qu’elles sont réunies. Qualifier la question de l’accès

de simple «subtilité juridique», comme le fait le demandeur, est une invitation à méconnaître les

règles de droit, alors que, dans la présente affaire pl us que dans toute autre, le respect intégral et

inconditionnel des règles de droit est nécessaire et indispensable.

4.4. Madame le président, je tiens à dire que je regrette quelque peu que le demandeur se soit

concrètement abstenu d’examiner certains éléments précis se rapportant à l’accès à la Cour que la

Serbie-et-Monténégro avait soulevés au premier tour, notamment compte tenu des décisions très

nettes que la Cour a prises sur le droit d’ester découlant du Statut dans les arrêts rendus en 2004

dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force . Le demandeur soutient néanmoins

3
que ces arrêts n’ont aucune incidence en l’espèce et s’appuie sur la notion de l’autorité de la chose

jugée en faisant valoir que l’arrêt rendu en 1996 sur les exceptions préliminaires fait obstacle à tout

4
examen par la Cour des questions d’accès et de compétence en l’espèce . Or, on ne peut pas

oublier les arrêts rendus en 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , qui

énoncent non seulement des conclusions expresse s sur l’accès de la RFY à la Cour avant 2000,

mais aussi des principes généraux sur le droit d’est er devant la Cour au regard du Statut. Mais

puisque le demandeur semble méco nnaître ou minimiser à la fois les principes généraux et les

conclusions expresses, il paraît nécessaire de rappele r tout d’abord les principes régissant le droit

d’ester et de procéder à leur application en l’espèce.

3
Voir par exemple CR 2006/36, p. 25, par. 61 7) (Pellet).
4Voir par exemple CR 2006/36, p. 24, par. 61 5)-6) (Pellet). - 5 -

II. La différence entre l’accès et la compétence

4.5. Tout d’abord, la Cour a clairement dit que l’accès était distinct de la compétence. En

réalité, il s’agit là non pas d’un e nouveauté, mais de la réaffi rmation de la position qu’elle a

adoptée dans de précédentes affaires: «il y a lieu d’établir une distinction entre une question de

compétence liée au consentement d’une partie et cel le du droit d’une partie à ester devant la Cour

conformément aux prescriptions du Statut, qui n’implique pas un quelconque consentement»

(Licéité de l’emploi de la force , par.36. Voir également Compétence en matière de pêcheries

(République fédérale d’Allemagne c. Islande), arrêt, C.I.J. Recueil 1973, p. 53, par. 11.)

13 4.6. Par opposition, le défendeur essaye sy stématiquement, semble-t-il, de nier ou de

brouiller la distinction entre accès et compétence. Ainsi, M. Pellet, conseil du demandeur, critique

5
la distinction entre accès et compétence, la qualifiant d’«artificielle» . En outre, tout au long de ses

plaidoiries, le demandeur a effectivement affirmé que le droit d’ester de la RFY en la présente

espèce pouvait dépendre de son comportement, ce qui implique que l’accès, tout comme la

compétence, pourrait être établi avec le consentement d’une partie ou compte tenu de son

comportement. C’est pourquoi le demandeur s outient que, par application du principe de

l’estoppel, la RFY, soit parce qu’elle n’a pas contesté la compétence de la Cour pour défaut de

qualité pour agir, soit parce qu’elle s’est engagée à respecter tous les engagements antérieurs de

l’ex-Yougoslavie, ne peut désormais soutenir l’inverse et doit accepter les conséquences de son

comportement 6. Mais, même s’il en était ainsi ⎯ ce qui n’est pas le cas, comme l’a démontré hier

M. Zimmermann ⎯, cela n’aurait tout simplement aucune incidence sur la question de l’accès. Le

consentement ou le comportement d’une partie ou des deux parties, qu’il soit exprès ou implicite,

positif ou négatif, ne saurait ouvrir l’accès à la Cour. Pour dire les choses simplement, l’accès

«n’implique pas [le] consentement» et n’implique pas le comportement d’une Partie. Il est

également indépendant «des vues ou des souhaits des Parties» ( Licéité de l’emploi de la force ,

par.36). Il s’agit d’une condition objective. Par exemple, dans l’affaire relative à la Licéité de

l’emploi de la force entre la RFY et la France, le défende ur n’avait pas soulevé la question de

l’accès. La Cour n’en a pas moins estimé qu’elle se devait de l’examiner car «cette question se

5
CR 2006/35, p. 61, par. 16 (Pellet).
6Voir CR 2006/36, p.24, par.61 3)-4) (Pellet) et29-30, par.15-16 (Franck); CR 2006/37, p.37, par.10 et

p. 39-40, par. 16-17 (Pellet). - 6 -

pos[ait] indépendamment des vues ou vŒux des Parties; la Cour [a dû] par conséquent examiner ce

point et parvenir à sa propre conclusion abstraction faite de l’attitude des Parties. La Cour [a] donc

[procédé] à l’examen de cette question» ( Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro

c. France), arrêt du 15 décembre 2004, par. 50).

4.7. Enfin, l’éventualité d’un cas d’ estoppel (qui empêcherait une partie de se prévaloir avec

succès d’un certain droit) n’a aucune incidence sur la question de l’accès car l’examen des

éléments se rapportant à celle-ci est un droit qui appartient à la Cour elle-même; pour reprendre ses

propres termes, il s’agit d’une questio n qu’elle «se doit…d’examiner» ( Licéité de l’emploi de la

force, par. 36). En outre, compte tenu du rôle capital qu’elle joue pour déterminer si une partie a le

droit d’ester devant elle, la Cour est tenue d’ examiner la question de l’accès non pas lorsqu’une

partie lui demande de le faire, mais au moment où elle estime que la question se prête à l’examen.

14 III. La nature des conclusions tirées par la Cour sur la question de l’accès

4.8. Madame le président, le second princi pe que l’on peut dégager des constatations

qu’énonce la Cour dans les arrêts qu’elle a rendus en 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de

l’emploi de la force est que l’existence du droit d’ester est une question de droit objectif et ne

dépend pas de la volonté des parties. C’est ce qui ressort clairement du paragraphe que j’ai cité,

dans lequel la Cour parle de l’accès comme du «droit d’une partie à ester devant la Cour

conformément aux prescriptions du Statut, qui n’implique pas un tel consentement » (Licéité de

l’emploi de la force , par.36; les italiques sont de nous). Aussi la Cour déterminera-t-elle

l’existence du droit d’ester en examinant si les conditions objectives du Statut, posées à l’article 35,

ont été réunies. Le consentement ou, en d’autres termes, le comportement des parties n’a aucune

incidence et ne saurait conduire la Cour à s’écarter des prescriptions du Statut (voir également

l’affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, (France c. Suisse) , ordonnance

du 19 août 1929, C.P.J.I. série A n o22, p. 12). - 7 -

4.9. En cela, les conclusions de la Cour sur le droit d’ester au titre de l’article35 du Statut

sont de la même nature que ses conclusions su r la qualité d’Etat d’une partie au titre du

paragraphe1 de l’article 34, car elles portent l es unes et les autres sur le respect de certaines

conditions juridiques objectives: dans le cas du paragraphe1 de l’artic le34, il s’agit de savoir si

une partie est un Etat et, dans le cas de l’article 35, il s’agit de savoir si cet Etat peut ester devant la

Cour.

4.10. Madame le président, il va sans dire qu ’une décision constatant l’inexistence du droit

d’ester met définitivement fin à une affaire. La Cour ne peut en aucun cas poursuivre son examen

si l’une des parties n’est pas un Etat ou ne peut est er devant elle en vertu de l’article 35 du Statut.

Cela étant, nous estimons qu’une décision constatant l’existence de ce droit dans une affaire peut

toujours être réexaminée tant que le jugement défi nitif n’aura pas été rendu. Le fait que le droit

d’ester soit un préalable indispensable à l’exerci ce par la Cour de sa fonction judiciaire signifie

qu’une décision constatant l’existence du droit d’ester ne peut jamais être regardée comme finale et

sans appel jusqu’au jugement définitif. Dans le cas contraire, un jugement définitif pourrait être

rendu dans une affaire où le droit d’ester ⎯le préalable indispensable à l’exercice de la fonction

judiciaire de la Cour ⎯ fait défaut, ce qui irait bien évidemment à l’encontre des règles impératives

du Statut. Pour cette raison, la Cour doit toujours s’assurer que les conditions objectives se

rapportant au droit d’ester sont réunies, car dès lors qu’il est établi qu’une partie dans une affaire ne

jouit pas de ce droit, la Cour ne peut plus exercer sa fonction judiciaire à l’égard de cette partie.

15 Selon les termes de la Cour elle -même, «[l]a Cour ne peut exer cer sa fonction judiciaire qu’à

l’égard des seuls Etats auxquels elle est ouverte en vertu de l’article 35 du Statut. Et seuls les Etats

auxquels la Cour est ouverte peuvent lui conférer compétence.» ( Licéité de l’emploi de la force ,

par. 46.)

4.11. Peu importe de savoir à quel moment la C our dit qu’une partie n’a pas le droit d’ester,

mais dès lors qu’elle le dit, la Cour doit renoncer à examiner l’affaire. En outre, dès qu’il devient

clair qu’une partie n’a pas le droit d’ester, la C our doit le dire. Evidemment, comme on va le voir

tout de suite, il se peut que la question du droit d’ ester d’une partie ne soit pas parfaitement claire

et, en pareil cas, la Cour devra peut-être atte ndre avant de prononcer une conclusion finale, une

décision définitive, sur l’existence de ce droit. - 8 -

4.12. Madame le président, nous soutenons que, puisque le dro it d’ester constitue par nature

un préalable indispensable à l’exercice de la fonction judiciaire de la Cour, une conclusion

définitive constatant l’inexistence de ce droit doit, dans une affaire en cours, produire des effets

pour l’avenir et aussi des effets rétroactifs. Dès lors qu’elle sait qu’elle ne peut exercer sa fonction

judiciaire, la Cour ne peut poursuivre son exam en alors même qu’il a pu sembler auparavant que

les conditions nécessaires à l’exercice de cette fonction étaient réunies, par exemple parce que ni

l’une ni l’autre des parties n’a soul evé la question. Il est exclu que la Cour rende un arrêt définitif

en pareil cas car cela constituerait un excès de pouvoir.

4.13. J’en viens ainsi à la question de l’existence éventuelle dans une affaire d’un arrêt rendu

sur des exceptions préliminaires. Bien sûr, il s’agit précisément de la question dont vous êtes

saisis, Messieurs de la Cour, et si vous êtes saisi s de cette question, c’est parce que le demandeur

exige qu’il soit répondu en l’espèce à toutes les questions de procédure par le principe de l’autorité

de la chose jugée. Nous estimons que faire a ppel à ce principe pendant l’instance en cours ne

saurait prendre le pas sur une décision objective co nstatant l’absence du préalable fondamental et

impératif à l’exercice de la fonction judiciaire de la Cour. Autrement, le principe de l’autorité de la

chose jugée justifierait que la Cour exerce ses f onctions judiciaires en abusant de ses pouvoirs au

mépris des prescriptions impératives du Statut.

4.14. Voilà pourquoi le demandeur ne peut pas invoquer le principe de l’autorité de la chose

jugée. Supposons par exemple qu’un arrêt sur les exceptions préliminaires soit rendu dans une

affaire et que, par la suite, la Cour dise, dans cette même affaire ou dans une autre, qu’elle n’était

pas ouverte à l’une des parties à l’époque des faits . La Cour doit-elle poursuivre l’examen de

l’affaire tout en sachant pertinemment que l’une d es parties n’est pas un Etat ou qu’elle ne pouvait

ester devant elle à l’époque des faits au seul motif qu’un arrêt a été rendu auparavant sur les

16 exceptions préliminaires? Nous estimons que cela contreviendrait manifestement aux

prescriptions impératives du Statut énoncées aux ar ticles 34 et 35. Donc, même dans l’hypothèse

où il revêtirait l’autorité de la chose jugée à l’égar d de la question de l’accès de la RFY à la Cour,

ce qui n’est pas le cas, l’arrêt de 1996 sur les excep tions préliminaires ne doit pas pour autant faire

obstacle à un réexamen de cette question pour les raisons que je viens d’exposer. - 9 -

4.15. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’arrêt de1996 sur les exceptions

préliminaires ne revêt pas l’autorité de la c hose jugée à l’égard des questions de procédure

soulevées par la Serbie-et-Monténégro, comme l’a dé montré M. Varady. Dans un instant, je vais

montrer que, de toute façon, l’arrêt de1996 n’a pas tranché la question de l’accès de la RFY à la

Cour et c’est une raison supplémentaire pour que le principe de l’autorité de la chose jugée ne

s’applique pas à cette question.

IV. A quel moment la Cour doit-elle examiner la question de l’accès ?

4.16. Madame le président, dans la grande majorité des cas, la question de l’accès des parties

à la Cour ne sera pas contestée. Pour preuve, la Cour a été saisie d’un très faible nombre d’affaires

(à part celles où la RFY était partie) dans les quelles la question de l’accès avait été expressément

soulevée (voir par exemple l’affaire relative à la Compétence en matière de pêcheries (République

fédérale d’Allemagne c. Islande), arrêt, C.I.J. Recueil 1973 , p. 53, par. 11). Bien sûr, cela ne veut

pas dire que la Cour, avant de rendre ses arrêts dé finitifs, ne s’était pas systématiquement assurée

que les conditions établissant le droit d’ester ét aient satisfaites: au contraire, il s’agissait du

préalable indispensable à l’exercice de sa fonction judiciaire.

4.17. Cela dit, la question de l’accès et les éléments s’y rapportant peuvent être obscurcis par

certaines incertitudes, notamment sur le statut d’une partie à l’égard de l’Organisation des

NationsUnies, comme c’était le cas en l’espèce. Comme l’a dit la Cour au sujet du statut de la

RFY,

«la situation juridique de la République fédérale de Yougoslavie au sein de

l’Organisation des Nations Unies, et à l’égard de celle-ci, demeura des plus complexes
au cours de la période comprise entre1992 et2 000. De fait, de l’avis de la Cour, la
situation juridique qui prévalut aux Nations Unies pendant ces huit années à l’égard du
statut de la République fédérale de You goslavie après l’éclatement de la République

fédérative socialiste de Yougoslavie demeur a ambiguë et ouverte à des appréciations
divergentes. Cette situation était due notamment à l’absence d’une décision faisant
autorité par laquelle les organes compéten ts de l’Organisation des NationsUnies
auraient défini de manière claire le stat ut juridique de la République fédérale de

Yougoslavie vis-à-vis de l’Organisation.» (Licéité de l’emploi de la force, par. 64.)

17 4.18. Dans une situation comme celle-ci ⎯ extrêmement rare dans la pratique

internationale ⎯ la question de l’accès, qui dépend surtout du statut de l’Etat en question vis-à-vis

de l’Organisation des NationsUnies, est elle aussi ⎯et je cite la Cour ⎯ «ambiguë et ouverte à - 10 -

des appréciations divergentes». Cela dit, en vertu des dispositions de la Charte, les clés du

règlement de ce problème sont avant tout entre les mains de l’Assemblée générale et du Conseil de

sécurité. Il semble donc sage que la Cour ne se prononce pas définitivement sur la question de

l’accès en «l’absence d’une décisi on faisant autorité par laquelle les organes compétents de

l’Organisation des NationsUnies [ont] défini de ma nière claire le statut juridique» de l’Etat en

question. Cela semble être précisément la pos ition adoptée par la Cour sur la question du droit

d’ester de la RFY au cours de la période comp rise entre 1992 et 2000, y compris en l’espèce.

Comme la Cour l’a dit dans les arrêts rendus dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la

force :

«[l]a Cour n’adopta aucune position définitive su r la question du statut juridique de la
République fédérale de Yougoslavie au regard de la Charte et du Statut lorsque, dans

les affaires qui lui furent soumises au cours de cette période singulière, la question se
posa et qu’elle se prononça dans le cadre de procédures incidentes» ( Licéité de
l’emploi de la force, par. 74; les italiques sont de nous).

La raison de l’absence d’une position définitive sur la question de l’accès semble être, pour

reprendre ce qu’a dit la Cour, la suivante: «[ s]i la Cour avait alors [en 1999] eu à se prononcer

définitivement sur le statut du demandeur à l’égard de l’Organisation des Nations Unies, cette tâche

aurait été compliquée par les incertitudes entourant la situation juridique, s’agissant de ce statut»

(ibid., par. 79).

4.19. En l’espèce, depuis la décision prise en 2000 par le Conseil de sécurité et l’Assemblée

générale au sujet de l’admission de la RFY aux NationsUnies, tous les éléments nécessaires sont

réunis pour qu’une décision définitive comme celle-ci soit prise et la situation a été clarifiée. Et

c’est effectivement une décision définitive comme ce lle-ci que la Cour a finalement prise dans les

arrêts rendus dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , une décision qui doit

aujourd’hui s’appliquer en l’espèce.

4.20. A ce propos, je tiens également à indiquer que le demandeur a souligné à maintes

reprises que la Cour rendait ses arrêts à la lumière des éléments d’information dont elle disposait au
7
moment de se prononcer . Nul ne le conteste, mais en quoi cette observation est-elle pertinente en

la présente instance ?

7
Voir CR 2006/36, p. 22, par. 56; CR 2006/37, p. 43, par. 24 (Pellet). - 11 -

18 4.21. En premier lieu, comme je viens de le dé montrer, la Cour ne s’était pas définitivement

prononcée sur le droit d’ester de la RFY pendant la période comprise entre1992 et2000. Plus

précisément, et je reviendrai une nouvelle fois sur cette question, la Cour n’avait pas statué sur

cette question dans son arrêt de1996 sur les excepti ons préliminaires. En second lieu, et à titre

subsidiaire, le fait que la Cour a conclu à l’existence du droit d’ ester en fonction des informations

dont elle disposait à ce moment-là ne veut pas di re qu’elle ne peut pas réexaminer sa décision en

fonction d’informations nouvelles montrant qu’en r éalité, l’une des parties ne jouissait pas de ce

droit. Autrement, la C our serait forcée d’agir ultra vires, contrevenant ainsi aux prescriptions

impératives du Statut. Certes, le moment qui nous intéresse, c’est-à-dire celui où les conditions

pour ester doivent être réunies, est celui où l’instan ce a été introduite. Mais cela ne signifie pas et

ne peut signifier que la Cour doit statuer sur l’existence de ces conditions en se fondant uniquement

sur les informations qui étaient disponibles au moment où l’instance a été introduite.

V. Pourrait-il y avoir une différence entre l’accès pour le demandeur
et l’accès pour le défendeur ?

4.22. Madame le président, le demandeur a émis l’idée que les organes politiques de

l’Organisation des NationsUnies auraient imposé, selon les mots de M. Franck, une «asymétrie

temporaire» entre les droits et les obligations de la RFY découlant de la Charte, et l’hypothèse que

le droit de la RFY de saisir la Cour d’une instan ce, son droit d’ester positif, devait être restreint,

8
tandis que son droit d’ester négatif, en revanche, devait demeurer intact .

4.23. Il y a lieu tout d’abord de noter que, comme l’a démontré M. Varady, la thèse du

demandeur part du postulat erroné que la RFY ét ait un Membre des Nations Unies dont les droits

étaient restreints en vertu de prétendues «sanctions internes». Dans le présent contexte, je tiens à

ajouter que, même si la RFY avait été Membre des Nations Unies, ce qui n’était pas le cas, la

suspension d’un droit découlant de sa qualité d’Etat Membre qui revêt autant d’importance que le

droit d’introduire une instance devant la Cour aurait certainement été imposée sous une forme

expresse, et n’aurait jamais pu être opérée pa r de simples suppositions ou interprétations.

D’ailleurs, les exemples eux-mêmes de cette prét endue asymétrie entre droits et obligations que

8
CR 2006/36, p. 32-34, par. 42-46 (Franck); CR 2006/37, p. 23, par. 31 (Stern). - 12 -

M.Franck a donnés montrent que les restrictions apportées à des droits sont toujours expresses .

Or, la question du droit de la RFY d’ester devant la Cour n’a tout simplement jamais été évoquée

par les organes politiques de l’Organisation des Nations Unies.

19 4.24. Madame le président, la thèse du dema ndeur soulève également une question plus

générale, qui est de savoir s’il serait possible en principe d’imposer au sein du système judiciaire de

l’Organisation des NationsUnies une distinction entre l’aspect positif et l’aspect négatif de la

qualité pour agir ou du droit d’ester devant la Cour qui appartient à un Etat. Notons d’emblée que

cette thèse implique de prime abord qu’un Etat ri sque d’être placé dans une situation d’inégalité

fondamentale par rapport aux procédures qui se déroul ent devant la Cour : il pourrait être assigné

devant la Cour, mais il ne pourrait pas la saisir.

4.25. La question des demandes reconventio nnelles est un très bon exemple des graves

inégalités auxquelles cette thèse donnerait lieu. En ve rtu de l’article 80 du Règlement de la Cour,

un défendeur peut présenter des demandes reconve ntionnelles. Une demande reconventionnelle

n’est pas un moyen de défense, c’est une demande distincte (Personnel diplomatique et consulaire

des Etats-Unis à Téhéran, mesures c onservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979,

C.I.J. Recueil 1979, p. 15, par. 24; Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie), demandes reconventionnelles,

ordonnance du 17 décembre 1997, C.I.J.Recueil1997 , par.27-28). Aussi, dans le cadre d’une

demande reconventionnelle, le défendeur prendra la place du dema ndeur, tandis que le demandeur

prendra la place du défendeur. S’il était possible de suspendre le droit d’ester positif d’un Etat,

celui-ci serait empêché de présenter des demandes reconventionnelles dans une affaire où il a la

qualité de défendeur. Manifestem ent, l’idée que le droit de présenter une demande puisse être

supprimé alors que l’obligation de répondre à un e demande présentée devant la Cour serait

maintenue placerait cet Etat dans une situation d’in égalité fondamentale dans le cadre de l’affaire

elle-même. Nous estimons qu’une in égalité aussi grave entre les par ties, si tant est qu’elle soit

possible, ce qui n’est pas le cas, constituerait un ex ercice abusif par la Cour de sa compétence en

l’espèce.

9
CR 2006/36, p. 33, par. 44-45 (Franck). - 13 -

4.26. Quoi qu’il en soit, comme le montre bi en l’historique de la présente instance, il est

évident que la thèse de la Bosnie -Herzégovine n’est fondée ni en droit ni en fait : comme nous le

savons tous, la RFY a bel et bien présenté des demandes reconventionnelles contre la

Bosnie-Herzégovine, et elles n’ont jamais été cont estées sur la base de «sanctions internes» qui

auraient fait obstacle à leur dépôt. Cet ex emple montre non seulement qu’aucune «sanction

interne» n’a été prise contre la RFY, mais aussi qu’aucune distinction n’a été établie entre le droit

pour le demandeur et le droit pour le défendeur de présenter des demandes.

20 4.27. Plus généralement, la Cour dans sa pra tique n’a jamais établi la moindre distinction

entre demandeurs et défendeurs. Et c’est ce que montre un autre exempletiré de la présente

affaire: au cours de la phase consacrée aux mesu res conservatoires, la Cour s’est fondée sur la

disposition relative aux «traités en vigueur», énon cée au paragraphe2 de l’article35 du Statut,

comme base prima facie (à titre provisoire) ouvrant la Cour à la RFY (Application de la convention

pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie)

(Serbie-et-Monténégro), ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J.Recueil1993 , par.19). Je reviendrai

plus tard sur l’ordonnance en question mais, pour nos besoins actuels, j’aimerais que vous vous

demandiez pourquoi il faudrait invoquer ainsi le paragraphe2 de l’artic le35 si un défendeur

pouvait ester devant la Cour sans que soient ré unies les conditions nécessaires prévues par le

Statut? Selon moi, il en découle manifestemen t que la Cour a estimé qu’elle ne pouvait être

ouverte ni aux demandeurs ni aux défendeurs sans que soient respectées les conditions nécessaires

prescrites à l’article 35 du Statut.

4.28. Madame le président, l’énoncé de l’ar ticle35 du Statut ne vient manifestement pas

confirmer la distinction opposant le droit d’est er positif et le droit d’ester négatif. Les

paragraphes1 et 2 de cet article emploien t tous deux exactement la même expression ⎯ la Cour

«est ouverte». Dans la version a nglaise également, la même expression ⎯ «shall be open» ⎯ est

employée aux deux paragraphes de cet article. Cet énoncé ne fait jamais de distinction entre le cas

où la Cour est «ouverte» à un demandeur et celui où elle est «ouverte» à un défendeur. Cet énoncé

vise les deux cas. Il est neutre quant à la position de l’Etat lors d’un litige.

4.29. En outre, l’interprétation systématique donnée à l’article 35 du Statut considéré dans

son ensemble vient catégoriquement confirme r le fait que l’expression «est ouverte» doit - 14 -

s’appliquer également aux défendeurs et aux demande urs. Le paragraphe1 de l’article 35 dit:

«[l]a Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut». L’expression «est ouverte» signifie

clairement que les Etats parties au présent Statut peuvent saisir la Cour et peuvent être assignés

devant elle. Nul n’a jamais soutenu le contraire. La même expression est employée au

paragraphe 2 de l’article 35 et ri en ne permet de dire qu’elle doive être interprétée au paragraphe 2

autrement qu’au paragraphe 1.

4.30. Comme l’a relevé M. Yee au sujet de l’énoncé du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut

de la CPJI ⎯un libellé bien évidemment repris mo t pour mot pour ce qui est de la partie

pertinente ⎯ : «selon le libellé de son Statut, la CPJI était «ouverte aux autres Etats», sans qu’il y
21
10
eut la moindre distinction entre les Etats demandeurs et les Etats non demandeurs» .

4.31. Par ailleurs, s’agissant de l’article 35, l’expression «est ouverte» employée dans le

Statut a été souvent remplacée par les expressi ons suivantes : «accès» (voir par exemple Licéité de

l’emploi de la force , par.46; Compétence en matière de pêch eries (République fédérale

d’Allemagne c.Islande), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J.Recueil1973 , p. 53, par. 11) 11et

«droit d’ester» (voir par exemple Licéité de l’emploi de la force , par. 46). Aucune de ces notions

synonymes ne repose sur une distinction quelconque entre demandeurs et défendeurs, au contraire :

les mots «ester» et «accès» se rapportent de toute évidence à la qualité de partie d’un Etat devant la

Cour et sont complètement neutres quant à la s ituation de demandeur ou de défendeur qui est la

sienne lors d’un litige.

4.32. Pour finir, Madame le président, les mots «la Cour est ouverte» figurant à l’article 35

du Statut, dans leur sens naturel et ordinaire, ne se prêtent pas à une autre interprétation. Leur sens

est clair et dépourvu d’ambiguïté : le Statut n’ét ablit pas la moindre distinction entre défendeurs et

demandeurs, entre les Etats qui saisissent la Cour et ceux qui sont assignés devant elle.

10Sienho Yee, «The Interpretation of «Treaties in Force» in Article 35 (2) of the Statute of the International Court
of Justice» [L’interprétation de l’expression «traités en vigueur» employée au paragraphe 2 de l’article 35 du Statut de la
Cour internationale de Justice], 47 ICLQ 884, p. 896.

11Il y a lieu également de noter que les documents se ra pportant à la rédaction de la résolution 9 du Conseil de
sécurité emploient de façon interchangeable les expressions «accès à la Cour» et «ouverte aux Etats». Voir la lettre datée
du 1 ermai 1946 adressée au Secrétaire général de l’Organisa tion des NationsUnies par le président de la Cour
(Nations Unies, doc. S/99, 5 juillet 1946) et le rapport de M. Beelaerts van Blokland, rapporteur du comité d’experts sur
les conditions dans lesquelles la Cour internationale de Justice est ouverte aux Etats non parties au Statut (Nations Unies,
doc. S/169, 24 septembre 1946). - 15 -

4.33. Lorsque l’énoncé d’une disposition est aussi clair que cela, l’examen doit s’arrêter

(Compétence de l’Assemblée générale pour l’ad mission d’un Etat aux Nations Unies, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 8). Mais de toute façon, l’idée que, pour ce qui est de l’accès à

la Cour, il pourrait y avoir une différence entr e demandeurs et défendeurs n’est pas non plus

confortée par l’historique de la rédaction du paragraphe 2 de l’arti cle 35. Au contraire, comme l’a

constaté M.Yee, «elle contre dit l’histoire rédactionnelle» 12. Je vais à présent, avec votre

permission, évoquer brièvement cet historique.

4.34. L’article 35 du Statut actuel est quasiment identique à l’article 35 du Statut de la Cour

permanente, exception faite de modi fications de pure forme imposées par l’obligation de faire état

22 de l’Organisation des NationsUnies et non plus de la Société des Nations et du Pacte, et de

13
modifications terminologiques visant à aligner dava ntage le texte anglais sur le texte français .

Les modifications n’ont pas porté sur l’expression « est ouverte». L’histoire de la rédaction de

l’article 35 de l’ancien Statut présente donc manifestement de l’intérêt pour l’énoncé de l’article 35

du Statut actuel.

4.35. Au cours de la rédaction de l’article 35 de l’ancien Statut, le président de la

Sous-commission de la Troisième Commission de la première Assemblée de la Société des Nations

a fait une distinction quant aux conditions à remp lir pour ester devant la Cour selon que l’Etat

14
occupe la position de dema ndeur ou celle de défendeur . Toutefois, rien n’indique que cette idée

fût jamais retenue 1.

4.36. En outre, les débats qui eurent lieu en 1926 pendant la rédaction des amendements à

apporter au Règlement de la Cour permanente, soit six ans seulement après la rédaction du Statut,

donnent des éclaircissements très utiles qui permet tent de bien comprendre la question que nous

considérons. Au cours de la discussion relative à la transposition des dispositions du paragraphe 2

de l’article 35 du Statut dans le Règlement de la Cour, le greffier fit observer que, dans l’affaire du

Wimbledon, la Cour avait décidé que l’obligation d’accepter les conditions prescrites par le Conseil

12
Sienho Yee, op. cit., p. 896.
13
Documents de la Conférence des Nations Unies sur l’organisation internationale, vol. XIV, p. 839.
14Cour permanente de Justice internationale, Documents au sujet de mesures prises par le Conseil de la Société
des Nations, aux termes de l’article XIV du Pacte, et dl’adoption par l’Assemblée du Stat ut de la Cour permanente ,

p. 141.
15Voir Sienho Yee, op. cit., p. 893-894. - 16 -

dans le cadre du paragraphe2 de l’article35 du Statut ne pouvaient être imposées qu’aux

16
demandeurs et non aux défendeurs . Toutefois, MaxHuber, qui était alors président de la Cour,

rejeta cette interprétation et insista pour que le s conditions définies dans la résolution du Conseil

soient retenues pour toutes les affaires, que l’Etat non membre de la Société des Nations occupe la

position de défendeur ou celle de demandeur :

«Il est tout naturel que les Etats qui veulent profiter d’une institution établie par
la Société des Nations doivent accepter les c onditions fixées par le Pacte, et que les

Etats qui, pour une raison ou pour une autre, ne l’ont pas encore fait, les acceptent par
cette déclaration, que ce soit en qualité de demande ur ou de défendeur qu’ils
paraissent devant la Cour.» (Ibid., p. 106; les italiques sont de nous.)

Aucun autre juge n’a formulé d’autre avis que cel ui qu’avait donné le président, ni n’exprima de

désaccord à ce sujet.

23 4.37. Enfin, la question de la distinction entr e demandeurs et défendeurs ne fut pas soulevée

au cours de la rédaction du présent Statut. Nous estimons que toute distinction éventuelle entre

demandeurs et défendeurs, s’agissant de l’accès à la Cour, aurait eu des répercussions tellement

graves sur le principe de l’égalité des Etats qu’elle aurait dû être expressément évoquée et

examinée au cours de la rédaction du Statut. Or, tel ne fut pas le cas.

VI. L’accès à la Cour et l’arrêt de 1996 sur les exceptions préliminaires

4.38. Madame le président, le demandeur prétend que la Cour a en fait tranché la question de

l’accès dans son arrêt de1996 sur les exceptions préliminaires 17. J’espère que nul ne conteste

qu’une décision sur l’accès à la Cour porte sur le respect des conditions à remplir qui sont définies

à l’article35 du Statut. Si tel est bien le cas, alors, quand le demandeur prétend que la Cour a

réellement pris une décision sur l’accès en 1996, il est manifestement contredit par ce qu’a déclaré

clairement la Cour en 2004 : «[l]a question du st atut de la République fé dérale de Yougoslavie au

regard de l’article35 du Statut ne fut pas soulevée et la Cour ne vit aucune raison de procéder à

son examen» (Licéité de l’emploi de la force, par. 82; les italiques sont de nous).

4.39. Si la Cour ⎯ je cite ⎯ «ne vit aucune raison de procéder à [l’]examen» de «[l]a

question du statut de la République fédérale de Y ougoslavie au regard de l’article 35 du Statut», il

16
Publications de la Cour perman ente de Justice internationalesérieD, Actes et documents relatifs à
l’organisation de la Cour, addendum au n° 2, revision du Règlement de la Cour (1926), p. 75.
17CR 2006/36, p. 48-49, par. 15 (Stern). - 17 -

s’ensuit alors clairement que la Cour n’a pas en fait tranché cette question, à savoir celle de l’accès;

ce qui est encore confirmé par une autre déclaration de la Cour, selon laquelle elle :

«n’adopta aucune position définitive sur la question du statut juridique de la

République fédérale de Yougoslavie au regard de la Charte et du Statut [lequel
comprend manifestement l’article 35, si je peux me permettre de le souligner] lorsque,
dans les affaires qui lui furent soumi ses au cours de cette période singulière , la
question se posa et qu’elle se prononça dans le cadre de procédures incidentes» ( ibid.,

par. 74; les italiques sont de nous).

4.40. Bien entendu, la présente instance est l’une de celles qui ont soulevé la question du

statut juridique de la RFY au regard de la Charte et du Statut. Et il est bien évident que l’arrêt

de 1996 sur les exceptions préliminaires est un arrê t rendu dans le cadre de procédures incidentes,

puisque la procédure sur les exceptions prélimin aires est, selon le Règlement de la Cour, une

18
24 procédure incidente . Il s’ensuit donc clairement que la Cour n’adopta aucune position définitive

sur la question de l’accès à la Cour par la RFY dans son arrêt de 1996.

4.41. Madame le président, je soutiens respectueusement que ces prononcés de la Cour ⎯ et

j’oserai même dire cette interprétation authentique ⎯ montrent clairement que l’accès de la RFY à

la Cour n’est pas, et ne saurait être, res judicata en vertu de l’arrêt de 1996.

4.42. En outre, comme je l’ai déjà démontré, le caractère fondamental du droit d’ester en tant

que préalable à l’exercice par la Cour de sa fo nction judiciaire signifie que des conclusions

positives à ce sujet ne sauraient être considérées co mme finales et irréversibles avant que l’arrêt

définitif soit rendu en l’affaire, car, dans le cas c ontraire, la Cour risquerait de rendre une décision

finale envers une partie à l’égar d de laquelle elle ne peut pas exercer sa fonction judiciaire.

Autrement dit, le droit d’ester est si fondamental que, jusqu’à l’arrêt définitif, il l’emporte sur le

principe de la res judicata. Ainsi, même si l’arrêt de 1996 avait formulé une conclusion relative au

droit d’ester, quid non, cette conclusion n’empêcherait pas la Cour de pouvoir réexaminer cette

question jusqu’à la fin de la procédure.

VII. L’accès de la RFY à la Cour au titre du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut

4.43. Madame le président, le demandeur a consacré beaucoup de temps à soutenir qu’il

fallait, de toute façon, considérer la RFY comme un Etat Membre de l’Organisation des

18
Voir le Règlement de la Cour, TitreIII. Procédure contentieuse, sect.D. Procédures incidentes, sous-sect.2.
Exceptions préliminaires. - 18 -

NationsUnies en1993. MmeStern reconnaît que la Cour en a jugé différemment dans les arrêts

qu’elle a rendus dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , mais elle prétend

qu’il faut limiter auxdites affair es la portée de cette décision 19. Toutefois, MmeStern n’avance

aucun argument pour expliquer pourquoi la conclusion objective de la Cour ⎯ qui est que la RFY

n’était pas membre des NationsUnies avant2000 ⎯ doit être limitée aux affaires relatives à la

Licéité de l’emploi de la force , si ce n’est qu’elle constate avec regret que le conseil du défendeur

cite lesdites affaires plus souvent que les décisions rendues en l’espèce 2. Mais comment

pouvions-nous faire autrement puisque la Cour dit elle-même qu’elle n’a jamais tranché en l’espèce

la question de l’accès du défendeur à la Cour tandis que, dans les affaires relatives à la Licéité de

l’emploi de la force, elle a décidé sans équivoque que la RFY n’était pas membre de l’Organisation

des Nations Unies avant 2000 et qu’elle a étayé cette décision par un long raisonnement ?

25 4.44. Mon collègue, M.Varady, a réfuté hier les arguments du demandeur concernant la

prétendue qualité d’Etat Membre de l’Organisation des Nations Unies de la RFY. Par conséquent,

je ne consacrerai que peu de temps à cette question et n’ajouterai que quelques observations.

4.45. Madame le président, le demandeur vou drait nous faire croire que la RFY était un

Membre de l’Organisation des Nations Unies privé, par «des sanctions internes», de certains droits

attachés à la qualité de Membre, alors que, d’autre part, une majorité d’Etats Membres

considéraient, et ils l’ont dit à plusieurs reprises, que la RFY n’était pas membre de l’Organisation

des NationsUnies. Le message est clair qua nd il est dit que la RFY «ne peut pas assurer

automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne République fédérative

21
socialiste de Yougoslavie» et «par conséquent … devrait présenter une demande d’admission…» .

La position nette adoptée par la majorité des Etats, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale

en faveur du défaut de continuité atteste que l es faits ne viennent pas corroborer la prétention du

demandeur. Celle-ci signifie que les mêmes organes qui ont rejeté la continuité et ont dit à la RFY

de présenter une demande d’admission ont estimé en même temps que la RFY était un Etat

19CR 2006/37, p. 10, par. 3 (Stern).
20
CR 2006/37, p. 10-11, par. 3 (Stern).
21Voir le paragraphe 1 de la résolution 777 (1992) du Conse il de sécurité et le paragraphe 1 de la résolution 47/1
(1992) de l’Assemblée générale. - 19 -

Membre de l’Organisation des Nations Unies et se sont fondés sur ce fait pour suspendre les droits

afférents à cette qualité.

4.46. Il est évidemment exact que, dans le même temps, l’Organisation des Nations Unies a

envoyé différents signaux et que, probablement par pragmatisme et pour garder le contact avec la

RFY, quelques privilèges qui ressemblaient aux dro its attachés à la qualité de membre mais ne

pouvaient en aucun cas leur être assimilés lui ont été accordés. Cela ressort clairement des mêmes

exemples exposés par le demandeur. En tout état de cause, ces privilèges ne pouvaient pas être

regardés comme équivalant à la qualité de Memb re de l’Organisation des NationsUnies mais

seulement témoigner du fait que la RFY avait à l’égard de l’Organisation un «statut juridique

indéterminé» (Licéité de l’emploi de la force, par. 74). Toutefois, les privilèges ainsi accordés à la

RFY ainsi que la position favorable à la thèse de la continuité qu’adoptaient certains Etats ont

compliqué la situation et ont donné à la RFY l’ espoir raisonnable de voir reconnaître en définitive

qu’elle assurait la continuité de l’ex-Yougoslavie.

4.47. Selon la Cour, ces événements «attestent l’assez grande confusion et complexité de la

situation» dans la «période singu lière» comprise entre1992 et2000 ( ibid., par.73-74). Mais je

répète, Madame le président, la Cour a clairement dit que la situation sui generis de la RFY

entre1992 et2000 «ne pouvait être regardée comme équivalant à la qualité de Membre de

l’Organisation» (ibid., par.78).

26 4.48. Au premier tour de plaidoiries, nous a vons conclu que la RFY n’a pas été membre de

er
l’Organisation des NationsUnies avant le 1 novembre2000, qu’elle n’était par conséquent pas

ipso facto partie au Statut et que la Cour ne lui a pas été ouverte sur cette base avant cette date 2.

Cette conclusion se fondait sur la décision adoptée par la Cour dans les arrêts rendus dans les

affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , selon laquelle la RFY, n’ayant eu le statut de

er
Membre de l’Organisation des Nations Unies qu’à partir du 1 novembre 2000, n’avait pas accès à

la Cour en 1999 (Licéité de l’emploi de la force, par. 78 et 91).

4.49. Quand la Cour établit que les conditio ns juridiques objectives à remplir pour ester

devant elle ne sont pas remplies par une par tie pendant une période donnée, ce constat doit

22
CR 2006/13, p. 15, par. 2.18. - 20 -

nécessairement s’appliquer de la même manière dans toutes les affaires dans lesquelles comparaît

la même partie qui ont été introduites au cours de la même période.

4.50. En conséquence, s’il a été établi que la RFY n’avait pas accès à la Cour en vertu du

paragraphe1 de l’article35 du Statut pendant la période antérieure au 1 enovembre2000 (date à

laquelle elle est devenue Membre de l’Orga nisation des NationsUnies), ce constat doit

nécessairement s’appliquer de la même manière à la présente instance qui fut introduite en1993.

Si la RFY n’était pas membre de l’Organisation des Nations Un ies avant 2000, elle ne pouvait pas

avoir accès à la Cour au titre de cette appartenance avant2000. Il s’ensuit que, dans toutes les

affaires sans exception introduites avant l’admission de la RFY à l’Organisation des Nations Unies

en2000, la RFY n’avait tout bonnement pas accès à la Cour et cette dernière ne peut exercer sa

fonction judiciaire à l’égard de la RFY/Serbie-et-Monténégro dans les instances introduites pendant

cette période. Entre la date à laquelle la présente instance a été introduite, le 20 mars 1993, et celle

à laquelle l’ont été les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , le 29 avril 1999, aucun

événement ne s’est produit qui modifierait cette conclusion. Comme la Cour l’a clairement dit, la

RFY n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies avant 2000.

4.51. Mme Stern, conseil du demandeur, a essay é de faire la distinction entre les deux

affaires en disant qu’après que la présente affaire eut été introduite, l’Assemblée générale a décidé

d’interdire à la RFY de participer aux trav aux du Conseil économique et social (ECOSOC) 23.

Toutefois, cette décision n’était qu’une consé quence du rejet de la revendication de la RFY à

assumer la continuité de l’ex-Yougoslavie. Pu isque l’Assemblée générale avait commencé de

préciser les conséquences de ce rejet, il était logique de faire état de l’ECOSOC. Mais ces

décisions, parmi lesquelles la résolution47/229 sur la participation de la RFY aux travaux de

l’ECOSOC, n’ont fourni aucun élément de preuve tendant à établir que la RFY était peut-être

27 Membre de l’Organisation des NationsUnies. C es décisions-là n’ont fait que mettre en Œuvre la

décision de rejet de la revendication de la RF Y à assumer la continuité de l’ex-Yougoslavie,

décision qui datait déjà de 1992.

23
CR 2006/37, p. 19, par. 21 (Stern). - 21 -

VIII. L’accès de la RFY à la Cour au titre de la clause des «traités en vigueur» du

paragraphe 2 de l’article 35 du Statut

4.52. Madame le président, Messieurs de la Cour, le demandeur affirme que l’article IX de la

convention sur le génocide constitue une base au tonome et suffisante pour fonder l’accès de la

RFY à la Cour en l’espèce, indépendamment de savoir si la RFY était ou non membre de

l’Organisation des Nations Unies à l’époque considérée, car la Cour a jugé que la convention sur le

24
génocide était un «traité[] en vigueur» au sen s du paragraphe2 de l’article35 du Statut . Selon

MmeStern, la Cour en a jugé ainsi expr essément dans son ordonnance du 8avril1993 et

implicitement dans son arrêt de1996 sur les excepti ons préliminaires, de sorte que cette décision

est res judicata25.

4.53. Comme le démontrera plus avant m on collègue, M.Zimmermann, la RFY n’est pas

devenue partie à la convention su r le génocide avant2001 et elle a formulé alors une réserve à

l’articleIX. Cette raison suffirait à elle seule à écarter les arguments du demandeur sur ce point.

Subsidiairement, je vais démontrer à présent que la prétention du demandeur fondée sur le

paragraphe 2 de l’article 35 ne peut en aucune façon être retenue.

4.54. On ne peut évidemment pas contester que , en1993, la Cour a dit que: «une clause

compromissoire d’une convention multilatérale, tell e que l’articleIX de la convention sur le

génocide, invoqué par la Bo snie-Herzégovine en l’espèce, pourrait être considérée prima facie

comme une disposition particulière d’un traité en vigueur» ( Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (B osnie-Herzégovine c.Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)), ordonnance du 8 avril 1993, p. 14, par. 19).

4.55. Mais il s’agissait là clairement d’une opinion prima facie, d’une opinion provisoire,

comme la Cour l’a elle-même dit en 1993 et répété en 2004 dans les arrêts qu’elle a rendus dans les

affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force (par. 93). Elle ne saurait en aucune façon être

considérée comme une conclusion décisive sur la question.

4.56. Il est également manifeste que cette opinion n’a pas été confirmée, ni expressément ni

implicitement, dans l’arrêt de 1996 sur les mesur es conservatoires, contrairement à ce qu’affirme à

tort le demandeur. Comme l’a démontré M.Vara dy, l’arrêt de1996 s’appuie sur les déclarations

24
CR 2006/36, p. 63, par. 60 et suiv. (Stern).
25CR 2006/36, p. 64-65, par. 62-63 et 67 (Stern). - 22 -

28 de la RFY selon lesquelles elle assurait la continuité de l’ex-Yougoslavie, à savoir la déclaration et

la note du 27 avril 1992 (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide (Bosnie-Herzégovine Y c.ougoslavie) , exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 1996 (II), p.610, par.17). Et cela démontre que la Cour, aux fins de se prononcer

sur les exceptions préliminaires, a estimé qu’e lle était ouverte à la RFY en considérant par

hypothèse que celle-ci était Membre de l’Orga nisation des NationsUnies et, comme telle,

ipso facto partie au Statut de la Cour en vertu du pa ragraphe1 de son article 35. Par conséquent,

l’arrêt de1996 ne pouvait en théorie ratifier l’opinion provisoire de1993 selon laquelle la RFY

avait accès à la Cour au titre de la clause des «traités en vigueur» du paragraphe 2 de l’article 35 du

Statut. C’est également confirmé par le fait que cette question n’a même pas été examinée plus

avant au cours de la procédure, après 1993 (voir les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la

force, par. 94).

4.57. De toute façon, comme je l’ai démontré , la Cour n’a pas adopté de position définitive

concernant le droit de la RFY d’ester devant elle, que ce soit en 1993 ou en 1996 ( ibid., par. 74), et

donc, toute position qui a pu être adoptée dans l’a rrêt de1996 sur les exceptions préliminaires ne

saurait être considérée comme définitive et déterm inante. En conclusion , l’interprétation du

paragraphe2 de l’article35 du Statut que donne le demandeur n’est pas, et ne saurait être, res

judicata.

4.58. Madame le président, cette partie des plaidoiries du demandeur démontre l’absurdité de

ce qu’on pourrait appeler son «intégrisme relatif au pr incipe de la chose jugée». Le problème posé

par la thèse du demandeur est finalement que, sel on lui, une interpréta tion du paragraphe2 de

l’article35 du Statut qui est donnée dans une conclusion provisoire, qui aurait été confirmée

implicitement dans un arrêt portant sur d’autr es questions, devrait prendre le pas sur une

interprétation expresse et décisive de cette mê me disposition figurant da ns un arrêt traitant

précisément de l’accès à la Cour. Je suis d’avis que cette interprétation ne saurait être retenue.

4.59. Enfin, en ce qui concerne la teneur de l’interprétation du paragr aphe 2 de l’article 35

défendue par le demandeur, elle ne me demandera que peu de temp s. La clause des «traités en

vigueur» du paragraphe 2 de l’article 35 ne concerne que les traités qui étaient en vigueur à la date

de l’entrée en vigueur du Statut ( Licéité de l’emploi de la force , par. 113). C’est la position que la - 23 -

Cour a adoptée elle-même après avoir analysé long uement ladite dispositi on. La Cour a ainsi

conclu sans équivoque que :

«même à supposer que la Serbie-et-Monténégro ait été partie à la convention sur le

génocide à la date pertinente, le paragraphe 2 de l’article 35 ne lui donne pas accès à la
Cour sur la base de l’articleIX de cette convention puisque celle-ci n’est entrée en
vigueur que le 12 janvier 1951, après l’entrée en vigueur du Statut» (ibid., par. 114).

29 4.60. Or, la RFY n’était même pas partie à la convention sur le génocide au moment où la

présente instance a été introduite et, donc, l’article IX de la convention ne pouvait en aucune façon

constituer la base de la compétence de la Cour en l’espèce.

IX. Conclusions

4.61. Madame le président, pour finir, je voudrais lire une citation tirée d’une lettre signée

en 1999 par celui qui était alors l’agent de la Bo snie-Herzégovine et qui représentait également son

pays auprès de l’Organisation des Nations Unies; mes collègues ont déjà cité des passages de cette

lettre, mais elle est si explicite et si directe qu’elle résume et soutient en fait la plupart de nos

arguments relatifs à l’accès à la Cour; vous pouvez tr ouver cette lettre à la page 2 de l’onglet 2 de

votre dossier d’audience :

«Etant donné qu’une nouvelle demande d’admission à l’Organisation des
Nations Unies, conformément à l’article 4 de la Charte des Nations Unies, n’a pas à ce

jour été présentée par la République fédéra le de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)
et que celle-ci n’a pas été admise comme Membre de l’Organisation, la République
fédérale de Yougoslavie ne peut être considérée comme étant ipso facto partie au
Statut de la Cour en vertu du paragraphe 1 de l’article93 de la Charte des

Nations Unies. La République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) n’est
pas non plus devenue partie au Statut de la Cour en vertu du paragraphe2 de
l’article93 de la Charte, qui énonce que les Etats qui ne sont pas membres de

l’Organisation peuvent devenir parties au Stat ut de la Cour intern ationale de Justice
dans des conditions qui sont déterminées, da ns chaque cas, par l’Assemblée générale
sur recommandation du Conseil de sécurité. En outre, la République fédérale de
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) n’a pas accep té la juridiction de la Cour dans les

conditions prévues dans la résolution9( 1946) du Conseil de sécurité et adoptées par
le Conseil en vertu des pouvoirs qui lu i sont conférés par le paragraphe3 [sic !] de
l’article 35 du Statut de la Cour.»26

4.62. Madame le président, Messieurs de la Cour, même si l’on devait écarter un instant cette

déclaration sans équivoque de la part de celui qui était alors l’agent de la Bosnie-Herzégovine,

26
Lettre datée du 27mai1999 adressé e au Secrétaire général par les représentants permanents de la
Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la Slovénie etde l’ex-République yougoslave de Macédoine auprès de
l’Organisation des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/53/992 (7 juin 1999). - 24 -

j’estime que les arguments que nous vous avons présentés démontrent de manière concluante que la

RFY n’avait pas accès à la Cour en l’espèce.

4.63. La Cour a établi que la RFY n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies et

n’avait pas accès à la Cour sur la base du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut avant 2000 et elle

fonde sur cette conclusion les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires relatives à la Licéité de

l’emploi de la force. Il s’agit d’une conclusion objective qui doit également et nécessairement être

appliquée en l’espèce, de même qu’elle s’app lique à toutes les affaires introduites avant2000

auxquelles la RFY était partie. En conséquence, la RFY n’était pas membre de l’Organisation des

30 Nations Unies en 1993 et n’avait pas accès à la Cour sur la base du paragraphe 1 de l’article 35 du

Statut à l’époque pertinente.

4.64. En outre, la RFY n’avait pas non plus acc ès à la Cour sur la base du paragraphe 2 de

l’article 35 du Statut car elle n’avait pas fait la déclaration voulue comme l’exige la résolution 9 du

Conseil de sécurité et elle n’était pas non plus liée par un traité en vigueur au sens de cette

disposition ⎯car la convention sur le génocide ne cons titue pas un traité en vigueur au sens de

cette disposition. En tout état de cause, la RFY n’est devenue partie à la convention sur le génocide

qu’en 2000 et elle a alors émis une réserve à l’article IX de la convention.

4.65. Le demandeur s’appuie sur la force de chose jugée de l’arrêt de 1996 sur les exceptions

préliminaires, que M.Varady a réfutée et qui ne saurait en aucun cas s’appliquer à la question de

l’accès à la Cour. En outre, de l’avis même de la Cour, les décisions qu’elle a adoptées dans les

procédures incidentes au cours de la période comprise entre1992 et2000, parmi lesquelles par

conséquent celles qu’énonce l’arrêt de1996 sur les exceptions préliminaires, ne sauraient être

considérées comme témoignant d’une position défin itive ni engager définitivement la Cour en ce

qui concerne la question du droit d’ester devant e lle de la RFY pendant cette période. La position

définitive en ce qui concerne l’accès de la RFY à la Cour pendant cette période a été adoptée par la

Cour dans les arrêts de 2004 qu’elle a rendus dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de

la force et cette conclusion objective doit à présent être appliquée en l’espèce.

4.66. Enfin, Madame le président, je voudrais dire à nouveau quels sont les arguments que la

Serbie-et-Monténégro a présentés au premier tour de plaidoiries sur la question de l’accès à la

Cour. Nous soutenons respectueus ement, comme nous l’avons fait au premier tour, que la Cour - 25 -

doit refuser de connaître de la présente affair e car la RFY ne pouvait pas ester devant elle à

l’époque où l’instance a été introduite en 1993.

Madame le président, Messieurs de la Cour, permettez-moi finalement de vous remercier de

votre attention. Madame le président, nous pourrions faire une pause ou peut-être pourriez-vous

donner la parole à M. Zimmermann.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Djeri ć. Nous allons commencer par entendre

M. Zimmermann.

31 M. ZIMMERMAN : Merci, Madame le président.

5.L E DEFENDEUR N ’A JAMAIS ETE LIE NI N ’EST DEVENU LIE PAR LA CONVENTION SUR LE
GENOCIDE ET PAR L ’ARTICLE IX DE CELLE -CI

A. Introduction

5.1. Madame le président, Messieurs de la Cour, plaise à la Cour. Ce matin, je vais

démontrer que le défendeur n’est ni resté lié par la convention sur le génocide, ni n’est jamais

devenu lié par l’article IX de ladite convention.

5.2. Avant d’aborder les questions de comp étence, je voudrais, pour commencer, traiter

d’une question d’ordre général. Il est importa nt de noter que, quelle que soit la conclusion à

laquelle vous parviendrez sur la question de l’accè s du défendeur à la Cour et sur celle de la

compétence au regard de l’article IX de la convention sur le génocide, il ne saurait y avoir un doute

quelconque que les règles de fond de la convention sur le génocide font également partie du droit

coutumier, voire, comme votre Cour l’a très récemm ent rappelé, et à juste titre, que l’interdiction

du génocide fait partie du jus cogens (affaire des Activités armées sur le territoire du Congo

(nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), arrêt du 3 février 2006,

par.64). Ainsi un arrêt de la Cour par lequel celle-ci dit qu’elle ne peut connaître du fond d’une

affaire n’aurait pas d’effet sur les obligations des deux Parties en ce qui concerne l’interdiction du

génocide et les conséquences juridiques qui découlent de cela au regard du droit international. Dès

lors, ⎯ contrairement à ce que semble vouloir donner à entendre un conseil du demandeur 27⎯ il

27
Voir CR 2006/36, p. 49, par. 17 (Stern). - 26 -

n’y a eu aucun vide pour ce qui est de l’appli cabilité de l’interdiction du génocide au cours du

conflit qui s’est déroulé sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.

5.3. Madame le président, permettez-moi de faire une autre observation préliminaire,

observation portant sur un volet fondamental de ma plai doirie : la question de la continuité et de la

succession. Je voudrais commencer en disant que je sais gré à Mme Stern d’avoir, dans sa

plaidoirie du 24 avril, élucidé la différence très f ondamentale qui existe entre la continuation d’un

d’Etat d’une part et la succession d’Etats de l’autre 28. Notre point de départ est par conséquent le

même et je n’ai pas à revenir là-dessus. Je lui sais gré également d’avoir confirmé que, chaque fois

32 qu’il y a défaut de continuité juridique, à savoi r lorsqu’un Etat remplace un autre en matière de

29
responsabilité quant à la représenta tion extérieure d’un territoire , se pose la question de la

succession d’Etats, celle de savoir si certains droits ou obligations sont transmis ou non 3. Comme

mon éminent collègue, je suis d’avis qu’il s’ag it là d’une distinction fondamentale qu’il convient

d’établir et de garder présente à l’esprit.

5.4. Pour l’affaire qui nous occupe, cela signi fie que, à condition que le défendeur ait assuré

la continuité de la personnalité juridi que internationale de l’ex-Yougoslavie, quid non, il serait, en

tant que le même Etat, demeuré automatiquement membre de toutes les organisations

internationales dont l’ex-Yougoslavie avait été membre. De même, il serait automatiquement

demeuré lié par tous les traités auxquels l’ex-Yougoslav ie avait auparavant souscrit, y compris la

convention sur le génocide et l’article IX de celle-ci.

5.5. Si, toutefois la RFY n’a pas assuré la continuité de la personnalité juridique

internationale de l’Etat prédécesseur, alor s la RFY, étant Etat successeur, n’aurait pu être devenu

Membre de l’Organisation des NationsUnies et pa rtie contractante au Statut de la Cour que

conformément à la procédure envisagée à l’article 4 de la Charte.

5.6. En outre, en tant qu’Etat successeur, il n’aurait pu être devenu partie contractante à la

convention sur le génocide qu’en vertu des règles applicables en matière de succession d’Etat ou

par voie d’adhésion.

28CR 2006/37, par. 43-44 (Stern).
29
Voir article 2 1) b) de la convention de Vienne de 1978 sur la succession d’Etat aux traités.
30CR 2006/37. par. 44 (Stern). - 27 -

5.7. Une troisième possibilité plaidée par le demandeur était que la RFY devrait,

indépendamment de son statut en tant qu’Etat c ontinuateur ou d’Etat successeur, être considérée

comme étant liée par la convention sur le génocide et l’article IX de celle-ci, en vertu d’une

déclaration faite le 27 avril 1992.

Je commence par la question de la continuité.

B. La Serbie-et-Monténégro est un Etat successeur de l’ex-Yougoslavie et, par conséquent,
n’est pas demeurée liée par la convention sur le génocide

5.8. Madame le président, «la Républi que fédérale de Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)… n’est pas la même entité juridique au regard du droit international que… la

République fédérative socialiste de Yougoslavie» 31 [traduction du Greffe] . Il ne s’agit pas là de

mes mots à moi; il s’agit de mots employés par le représentant permanent de la

33 Bosnie-Herzégovine dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’Organisation des

NationsUnies le 27 mai 1999 et il existe en vérité plusieurs autres déclarations réitérant le même

point de vue. Mon collègue Tibor Varady a dém ontré hier qu’il s’agissait là également de la

position adoptée dès le début par le Conseil de sécurité et par l’Assemblée générale. Et il s’agissait

là également de la position qui avait été confirmée par l’admission de la RFY au sein de

l’Organisation des NationsUnies en novembre2000. Il s’ensuit que la RFY ne pouvait pas être

demeurée liée par la convention sur le génocide. En tant que nouvel Etat dont l’existence ne

remontait qu’au 27avril1992, la RFY ne pouvait être devenue liée par la convention sur le

génocide et l’article IX de celle-ci, si cela a jama is été le cas, qu’en vertu des règles applicables en

matière de succession d’Etats ou en vertu de l’adhésion à la convention et à l’article IX de celle-ci.

5.9. Mme Stern, dans un effort visant à éluder cette conclusion inéluctable, a avancé

elle-même l’idée d’une métamorphose ju ridique. Selon sa thèse, un Etat ⎯ la RFY ⎯ qui a un

moment donné était supposée avoir assuré la continuité de la personnalité juridique d’un autre Etat

⎯ l’ex-Yougoslavie ⎯ pouvait être alors transformé en un Etat successeur et vice versa. De plus,

Mme Stern a aussi avancé l’argument selon lequel un Etat pouvait, en même temps, être à la fois le

même à certains égards et un Etat successeur à d’au tres. Je pense que vous conviendrez que cette

31
Lettre commune du 27 mai 1999 adressé e au Secrétaire général par lereprésentants permanents de la
Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la Slovénie ede l’ex-République yougoslave de Macédoine auprès des
Nations Unies, Nations Unies, doc. A/53/1992, p. 2. - 28 -

nouvelle idée de soit la «métamorphose» juridique ou de la scission du régime juridique n’est

simplement pas tenable, étant donné qu’elle broui lle la distinction fondamentale que Mme Stern a

si éloquemment décrite elle-même et qui est profondément enracinée dans la pratique des Etats.

5.10. Madame le président, nous avons démontré dans nos plaidoiries que l’arrêt de 1996 sur

la compétence était fondé et doit avoir été fondé sur la notion même de la continuité 32. Vu les

informations que la Cour avait alors à sa dis position et compte tenu par ailleurs de la position

qu’elle a adoptée dans les arrêts rendus en 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi

de la force , affaires dans lesquelles elle a dit que la Serbie-et-Monténégro n’était pas l’Etat qui

avait été Membre fondateur de l’Organisation d es NationsUnies en 1945, nous pensons qu’il

s’ensuit logiquement que la Serbie-et-Monténégro ne saurait être l’entité qui avait ratifié la

convention sur le génocide (y compris son article IX) en 1950.

5.11. Madame le président, ceci m’amène à mon point suivant, c’est-à-dire à la question de

savoir si le défendeur était jamais devenu lié par l’article IX de la convention sur le génocide en

34 tant qu’Etat successeur de l’ex-Yougoslavie. A cet égard, les conseils du demandeur ont avancé

diverses idées pour soutenir que la Cour devrait dire que la Serbie-et-Monténégro devrait être

considérée comme un Etat lié par la convention sur le génocide et, en particulier, par l’article IX de

celle-ci.

5.12. Je vais traiter de ces idées l’une apr ès l’autre, en faisant une exception. Celle-ci

concerne la question de la chose jugée, une ques tion qui a déjà été traitée hier par mon ami et

collègue, Tibor Varady.

C. La RFY ne pouvait pas devenir partie contractante à la convention
sur le génocide parce qu’elle n’a pas reçu d’invitation

5.13. Madame le président, au cours du premie r tour de plaidoiries, nous avons soutenu que

la RFY ne pouvait devenir partie à la convention sur le génocide, puisqu’elle n’avait jamais été

invitée à le devenir en application de l’article XI 33. En tentant de réfuter cette proposition, les

conseils du demandeur ont plaidé que le défendeur n’avait pas besoin de recevoir une invitation

32
Voir CR 2006/13, par. 3.7 et suiv. (Varady).
33
Voir CR 2006/13, par. 3.31 et suiv. (Varady). - 29 -

tout d’abord, attendu qu’il était déjà partie contractante à la convention 34. Cela présupposerait, là

aussi, toutefois, que la RFY pouvait être c onsidérée comme un Etat continuateur de

l’ex-Yougoslavie, argument auquel je viens de réagir et qui, en outre, a également déjà été réfuté

par M. Varady.

5.14. Il ne me reste par conséquent qu’à réagir à l’argument subsidiaire avancé par les

conseils de la Partie adverse. L’argument est que la condition d’une invitation par le Secrétaire

général pouvait être écartée, étant donné que la RFY est un Etat successeur dont l’Etat

prédécesseur, l’ex-Yougoslavie, avait déjà été par tie à la convention, avant de cesser d’exister en

tant que sujet de droit international.

5.15. Pour répondre à cet argument subsidiair e, je voudrais commencer en vous référant à

votre propre arrêt rendu en 1996 en l’espèce, arrêt qui, je pense, se passe de commentaire. La Cour

examinait alors la question de savoir si la Bosnie-Herzégovine pouvait devenir partie contractante à

la convention sur le génocide en vertu de l’article XI de celle-ci. A l’instar de la RFY, la

Bosnie-Herzégovine était, comme Mme Stern l’a dit elle-même, engagée dans un processus de

35
succession .

5.16. Au paragraphe 19 de l’arrêt de 1996, votre Cour a d’abord relevé que la

Bosnie-Herzégovine était devenue Membre de l’Organisation des Na tionsUnies le 22 mai 1992.

Elle a souligné les compétences du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale en ce qui

35 concerne les questions de membre, avant d’ajouter : «[L]’article XI de la convention sur le

génocide ouvre celle-ci à «tout Membre des NationsUnies».» ( C.I.J. Recueil 1996, p.595,

par. 19.)

5.17. Cela seulement aurait pu suffire pour pr éciser la position de la Cour selon laquelle, à

tout le moins par principe et sous réserve d’ une invitation spéciale telle qu’envisagée dans la

résolution398(V) de l’Assemblée générale, l’artic le XI limite la possibilité de devenir partie

contractante à la convention, fût-ce par voie d’adh ésion, ou par voie de succession, pour les Etats

Membres de l’Organisation des NationsUnies. Mais la Cour a été encore plus précise en

poursuivant :

34
Voir par exemple CR 2006/36, p. 51-52, par. 25-27.
35
CR 2006/36, p. 51, par. 24 (Stern). - 30 -

« [D]ès son admission au sein de l’Organisation , la Bosnie-Herzégovine

pouvait donc devenir partie à la convention… Il ressort de ce qui précède que la
Bosnie-Herzégovine pouvait devenir partie à la convention par l’effet du mécanisme
de la succession d’Etats.» (Ibid., par. 19-20; les italiques sont de nous.)

5.18. Les conseils du demandeur ont essayé de minimiser cette conclusion claire, en

soutenant qu’elle devait être lue en relation avec la troisième exception préliminaire que la RFY

avait alors formulée. Cette manière de voir soulève tout d’abord un intéressant point de principe.

5.19. De ce côté-ci de la barre, nous avons constamment soutenu en d’autres occasions que

cette conclusion tirée par votre Cour dans son arrêt de 1996 devait en effet être lue en relation avec

les exceptions préliminaires alors soulevées par la RFY, aucune desdites exceptions n’ayant de lien

avec le statut de la RFY elle-même 36. Pour la majeure partie des fins poursuivies, les conseils du

37
demandeur ont néanmoins essayé de réfuter l’existence d’une quelconque relation de cette nature .

5.20. Mais, aux fins de l’artic le XI de la convention sur le génocide, la Bosnie-Herzégovine

demande maintenant, soudainement , à la Cour de tenir compte du contexte dans lequel avaient

alors été formulées les exceptions préliminaires de la RFY. Je suis convaincu que la Cour

conviendra que le demandeur ne saurait obtenir sa tisfaction en même temps dans un sens et dans

l’autre.

5.21. Si nous devions maintenant suivre la démarche préconisée par la Bosnie et tenir

compte des exceptions préliminaires de la RFY, mon avis est que cela signifierait également que la

portée même de la chose jugée que constitue l’arrêt 1996 devrait alors aussi être définie en tenant

compte des sept exceptions préliminaires soulevées par la RFY, aucune desquelles ne traite ni du

statut de la RFY au sein de l’Organisation des NationsUnies, ni de son statut vis-à-vis de

l’Organisation des Nations Unies.

36 5.22. Mais si, effectivement, nous lis ons l’arrêt de 1996 et son paragraphe 19 dans le

contexte de la troisième exception préliminaire , la tentative du demandeur visant à réfuter

l’argument fondé sur l’article XI n’en échouerait pas moins. Il en est ainsi parce que le passage de

l’arrêt de 1996 en cause dit explicitement dava ntage que le demandeur ne lui fait dire.

Permettez-moi de vous rappeler ce que disait la troi sième exception préliminaire soulevée alors par

la RFY. La seconde partie de la troisième ex ception préliminaire renvoyait au fait que la

36
Voir par exemple CR 2006/13, par. 4.22 (Zimmerman).
37
Voir par exemple CR 2006/36, p. 10 et suiv., par. 23 et suiv., p. 15 et suiv., par. 38 et suiv. (Pellet). - 31 -

Bosnie-Herzégovine n’était pas devenue Etat partie à la convention sur le génocide conformément

aux dispositions de la con vention elle-même, et plus précisément à l’article XI. Et il s’agissait de

cette exception dont la Cour a traité au paragraphe 19 de l’arrêt de 1996.

5.23. Si la Cour avait voulu confirme r simplement la qualité d’Etat de la

Bosnie-Herzégovine en faisant référence à la qualité de membre de celle-ci au sein de

l’Organisation des NationsUnies comme les cons eils du demandeur semblent vouloir donner à

38
l’entendre , on se serait attendu à ce que la Cour se contentât de faire uniquement cela. Plutôt que

de se contenter de faire cela, pour répondre à cette exception, la Cour, fort logiquement, a lié le

statut d’une partie contractante à la conven tion sur le génocide à la qualité de Membre de

l’Organisation des Nations Unies.

5.24. Il convient également de noter que cette relation entre la qualité de Membre de

l’Organisation des NationsUnies, d’une part, et le statut en tant que partie contractante à la

convention sur le génocide, d’autre part, se justifie tout particulièrement, attendu que l’article IX de

la convention sur le génocide lie les parties contr actantes à ladite convention à la Cour, l’organe

judiciaire principal de l’Organisation des NationsUn ies. Il est dès lors tout à fait normal que les

parties contractantes à la convention sur le génoc ide soient en même temps des Etats Membres de

cette même organisation ou que ladite organisation ait spécifiquement à les inviter à devenir parties

contractantes. Une raison qui justifie cela est le fait que, de cette manière, les Etats parties à la

convention sur le génocide se trouveront ainsi liés par une décision rendue par la Cour, cela

conformément à l’article 94 de la Charte.

5.25. Madame le président, à la fin de son exposé portant sur la question de l’article IX de la

convention sur le génocide, Mme Stern a sout enu que certaines demandes adressées par des

organes de l’Organisation des Nations Unies aux pa rties alors impliquées dans le conflit devraient

être ⎯et pourraient être, a-t-elle dit ⎯ interprétées comme des inv itations à participer à la

convention 39.

5.26. Toutefois, aux termes de l’articleXI de la convention, c’est à l’Asse mblée générale
37

qu’il appartient formellement d’adresser une invitation à des Etats tiers nonmembres de

38
CR 2006/36, p. 54, par. 31 (Stern).
39
CR 2006/36, p. 54-55, par. 32 (Stern). - 32 -

l’Organisation des NationsUnies à devenir parties contractantes à la convention sur le génocide.

Dans sa partie pertinente, la disposition est lib ellée comme suit: «[I]l pourra être adhéré à la

présente convention au nom de tout Membre de l’ Organisation des NationsUnies et de tout Etat

non membre qui aura reçu l’invitation susmentionnée», à savoir «une invitation … par l’Assemblée

générale.» Dans sa résolution 368 (IV), l’Assemblée générale a de manière précise demandé au

Secrétaire général d’adresser de telles invitations, sous réserve que certaines conditions précises

aient été remplies. Tout ceci montre que la condition de l’invitation prévue à l’articleXI est à

prendre avec sérieux. Dans pareilles circonstan ces, l’on ne saurait inte rpréter des appels de

caractère général, par des organes de l’Organisation des Nations Unies, visant à se conformer à la

convention sur le génocide comme une invitation à y adhérer.

5.27. En outre, et cela est même beaucoup plus important, il n’y a tout simplement rien dans

ces appels qui donnerait à entendre que les organes de l’Organisation des Nations Unies avaient à

l’esprit l’idée de donner naissance à un statut de partie contractante pour les Etats concernés.

Lesdits appels visaient au lieu de cela, simple ment, les garanties de fond contenues dans la

convention sur le génocide, il s’ agissait d’appels à ne pas comme ttre le génocide, mais il ne

s’agissait point d’invitations à acquérir le statut de partie contractante à la convention.

5.p8r.s ⎯ je l’espère ⎯ vous avoir convaincu que la c ondition de l’invitation contenue

à l’articleXI de la convention sur le génocide ne saurait être méconnue, et qu’elle n’a pas été

remplie non plus, je voudrais à présent brièvement revenir sur deux questions sur lesquelles les

conseils du demandeur ont également essayé de s’ap puyer, à savoir la question de l’accord de paix

de Dayton et celle de certaines déclarations faites par les conseils de la Serbie-et-Monténégro au

cours de phases antérieures de l’espèce, à moins que vous ne m’indiquiez maintenant d’observer

une pause.

Le PRESIDENT : Oui, je pense que ce serait un moment approprié pour que nous observions

tous une pause.

L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 45. - 33 -

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Zimmerman, veuillez reprendre s’il vous

plaît, mais peut-être en allant plus lentement pour les interprètes.

M. ZIMMERMAN: Oui, je vous remercie, Mada me le président, cela m’a déjà été dit par

les interprètes; je vais certainement essayer. Ma dame le président, j’ai bien démontré que la RFY

38 est un Etat successeur de l’ex-Yougoslavie. J’ai également démontré que, même en tant qu’Etat

successeur, elle avait besoin de recevoir une invita tion de l’Organisation des Nations Unies afin de

pouvoir devenir partie contractante à la convention sur le génocide en vertu de l’articleXI de

celle-ci. Et, enfin, j’ai démontré qu’elle n’a jamais reçu pareille invitation. Je vais à présent passer

à l’article IX de la convention sur le génocide et à la question de l’accord de paix de Dayton.

D. L’article IX de la convention sur le génocide et l’accord de paix de Dayton

5.29. Madame le président, nous sommes d’avis que l’accord de paix de Dayton, et plus

précisément l’accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine, ne saurait en aucun cas

conférer compétence à la Cour en l’espèce.

5.30. Je voudrais commencer par une remarque d’évidence. Les conseils du demandeur se

sont référés au chapitre I de l’annexe 6 de l’acco rd, qui a son tour contie nt une référence à la

convention sur le génocide, pour s outenir que la RFY est liée par l’ article IX de la convention sur

le génocide. Mais quelles sont les parties à cette annexe 6? Les parties sont la République de

Bosnie-Herzégovine, la Fédération de Bosnie-Her zégovine et la Republika Srpska, mais pas la

RFY. Le demandeur tente d’écarter ce problème évident en se référant à l’articleVII de

l’accord-cadre général. Mais alors commençons par un examen attentif de l’articleVII de

l’accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Her zégovine. L’article VII dispose que «les parties

conviennent des dispositions concernant les droits de l’homme dans le chap itre I de l’accord, à

l’annexe 6, et s’engagent à s’y conformer pleinement» [traduction du Greffe].

5.31. L’annexe 6 contient à son tour une lo ngue liste de traités relatifs aux droits de

l’homme, y compris la convention sur le génocide, mais également, entre autres, la convention

européenne de sauvegarde des dro its de l’homme et des libertés f ondamentales et ses protocoles.

Ce que les conseils du demandeur soutiennent si gnifierait que l’accord-cadre de Dayton aurait

également, notamment, prévu une compétence pour la Cour européenne des droits de l’homme - 34 -

dans des affaires introduites contre le demandeur so it sous forme de plainte individuelle ou sous

forme de réclamation interétatique. Je pense que ceci suffit pour écarter l’interprétation de

l’article VII de l’accord-cadre général que propose Mme Stern.

39 5.32. L’article VII de l’accord de paix de Dayton doit plutôt être compris comme faisant

obligation aux parties de respecter les normes de fond contenues dans ces divers accords.

Comment pourrait-il en être autrement, quoi qu’il en soit, puisque parmi les parties à l’annexe6

figuraient également des entités non étatiques telles que la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la

Republika Srpska qui, en aucun cas, ne pouvaient deve nir parties, par exemple, à la convention sur

le génocide. C’est seulement si l’article est interprété de cette manière qu’il revêt un sens.

5.33. En outre, l’accord de paix de Dayton n’ est entré en vigueur que le 14 décembre 1995.

Dès lors, si votre Cour devait conclure que la RFY devint liée par l’article IX de la convention sur

le génocide après avoir signé l’accord de paix de Dayton, quid non, elle ne pouvait être devenue

liée qu’à compter de cette date. Cela est du au principe fondamental de la non-rétroactivité des

traités consacré à l’article 28 de la convention de Vienne su r le droit des traités. La

non-rétroactivité de la convention sur le génocide est également soutenue par plusieurs éminents

auteurs, dont Nehemiah Robinson dans son comment aire qui fait autorité sur la convention sur le

40
génocide et William Schabas dans son ouvrage sur Genocide in International Law [Le génocide

en droit international] 41.

5.34. Toutefois, étant donné que la Cour a fréquemment dit que l’instrument qui lui confère

compétence doit avoir été en vigueur au moment de l’introduction de la requête (voir très

récemment Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République

démocratique du Congo c.Rwanda) , arrêt du 3 février 2006, par.54), un point de vue auquel

42
souscrit le conseil du demandeur , il s’ensuit que, à supposer même que, pour les besoins de

l’argumentation, on accepte l’idée que l’articleIX de la convention sur le génocide devenait

40
Nehemiah Robinson, The Genocide Convention, Institute of Jewish Affairs, World Jewish Congress, 1949 etc.;
réédition New York, 1960, p. 114: «L’artic le 9 ne saurait être invoqué, sauf pour des actes que l’Et at commet après la
ratification de la convention…»
41William A. Schabas, Genocide in International Law , Cambridge, 2000, p. 541: «[L]e dispositif de la

convention, y compris l’article IX, ne peuvent s’appliquer qu’en cas de génocid e commis après l’entrée en vigueur de la
convention à l’égard de l’Etat partie»; les italiques sont de nous.
42CR 2006/36, par. 2 (Stern). - 35 -

applicable entre les Parties en vertu de l’accord-cadre général de Dayton à dater du

14 décembre 1995, elle ne pouvait toujours pas avoir conféré compétence à la Cour en l’espèce.

5.35. Je voudrais à présent revenir sur certain es observations concernant des déclarations

faites par les conseils du défendeur au cours de phases antérieures de l’espèce.

40 E. Le défendeur n’est pas lié à raison de déclarations faites par ses conseils

5.36. Madame le président, Messieurs les jug es, à la fin de sa plaidoirie du 24avril, le

conseil du demandeur, Mme Stern, a également soutenu que le défendeur avait reconnu la

compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le génocide au cours de la

43
procédure . A cet égard, elle s’est référée à certaines déclarations faites par les conseils du

défendeur. En comparaison avec d’autres aspects de sa plaidoirie, elle ne s’est pas étendue sur ce

point. Je puis vous donner l’assurance, Madame le président, que, de mon côté, je traiterai la

question très brièvement.

5.37. Je voudrais vous dire que les déclarations citées par Mme Stern, lorsqu’elles sont lues

dans leur contexte, ne sauraient simplement «avoir la portée que le demandeur prétend leur

attribuer», pour paraphraser ce qu’a dit la C our en une autre occasion (voir affaire du Sud-Ouest

africain (Ethiopie c. Afrique du Sud; Liberia c. Afrique du Sud), C.I.J. Recueil 1966, p. 42, par. 72).

5.38. Si, pour commencer, nous examinons la déclaration de M.Rosenne, nous voyons

qu’elle a été faite en 1993, au tout début de cette procédure. Si nous examinons de plus près le

contexte dans lequel la déclaration a été fa ite, nous découvrons que M. Rosenne critiquait les

tentatives faites par le demandeur pour établir des bases de compétence autres que l’article IX de la

convention sur le génocide. Comme le laisse appa raître l’histoire de cette espèce, il avait toute

raison et le droit de se faire. Une lecture plus attentive de sa plaidoirie révèle que M.Rosenne a

alors poursuivi pour préciser que, même sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide,

la Cour ne devait pas accorder la mesure conserva toire sollicitée par le demandeur. Ce qui est plus

important, c’est que nous devons garder présent à l’esp rit le fait que la déclaration a été faite au

cours des audiences portant sur les mesures conser vatoires. Je pense que c’est un fait bien connu,

un fait non contesté, que, au cours de la procédure écrite qui s’en est suivie, le défendeur a avancé

43
CR 2006/36, p. 60-61, par. 49-52 (Stern). - 36 -

une série d’arguments pour expliquer pourquoi l’artic le IX ne conférait pas de base de compétence

à la Cour. De fait, la Cour elle-même a par la suite reconnu que le défendeur avait de manière

constante contesté sa compétence.

5.39. Il reste la déclaration faite par M. Su y au cours des audiences de 1996 portant sur les

exceptions préliminaires. Mais là aussi, cette déclaration ne doit pas être prise hors contexte.

Comme le contexte le montre, elle ne saurait êt re interprétée comme une reconnaissance de la

compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le génocide. Comme le

développement de son argumentation le laisse voir, M. Suy évaluait la date à laquelle le demandeur

41 était devenu lié par la convention su r le génocide. Sa plaidoirie ne visait pas à évaluer le point de

savoir si oui ou non le défendeur était devenu lié par la conventi on, une question qui, comme en

conviennent les deux Parties, n’était tout simp lement pas considérée comme cruciale. Certes,

M.Suy avait fait un bref commentaire sur la quest ion, mais il ne l’avait fait que sur la base des

informations alors à la disposition des Parties et de la Cour. Toutefois, ces informations, comme

mon ami et collègue Tibor Varady l’a démontré, doivent aujourd’hui être évaluées à la lumière de

er
l’évolution intervenue depuis le 1 novembre 2000.

5.40. Dès lors, aucune des deux déclarations ne peut produire l’effet juridique que le conseil

du demandeur a essayé de leur attribuer. Au cont raire, c’est un fait bien connu que le défendeur a

de manière constante contesté la compétence de la Cour, y compris au regard de l’article IX de la

convention sur le génocide.

5.41. Je voudrais à présent revenir à la qu estion de savoir si le défendeur pouvait être

considéré comme lié par la convention sur le génocide, à raison d’une prétendue continuité.

F. La RFY n’est pas liée par la convention sur le génocide à raison
d’une prétendue continuité de l’ex-Yougoslavie

5.42. Madame le président, je serai bref su r ce point. Là encore, Mme Stern a tenté de

manière artificielle à établir une distinction entre la continuité aux fins de la qualité de Membre de

l’Organisation des NationsUnies et la continuité à l’égard des traités, comme si cela pouvait être

fait. Cependant, si ⎯et je voudrais souligner ce «si» ⎯ si la RFY avait été identique à

l’ex-Yougoslavie et si elle en avait dès lors assuré la c ontinuité de la personnalité juridique

internationale, il est évident que, alors, elleaurait de ce fait assuré la continuité à la fois de la - 37 -

qualité de membre de la Yougoslavie; au sein des organisations internationales et le statut à l’égard

des traités de la Yougoslavie, mais la même chose est également vraie dans le sens inverse.

5.43. Si un Etat n’est pas identique à son Etat prédécesseur et si, par conséquent, il n’en

continue pas la personnalité juridi que internationale, il ne conserve ra ni la qualité de membre de

l’Etat prédécesseur au sein des organisations internati onales ni le statut de celui-ci en tant que

partie contractante. Au contraire, il ne peut acquérir pareil statut que par une admission ou,

s’agissant des traités, respectivement par une a dhésion ou une succession. En vérité, comment un

Etat peut-il être à la fois en même temps un Etat continuateur et un Etat successeur ?

5.44. C’est pour cette raison, comme une fois encore l’a démontré Tibor Varady, que l’arrêt

de 1996 était et doit avoir été fondé uniquement su r l’hypothèse que la RFY assurait la continuité

de la personnalité juridique internationale de l’ex-Yougoslavie in toto.

42 5.45. Mme Stern s’est ensuite appuyée sur l’ opinion du conseiller juridique en date du

44
16septembre1993, qui, a-t-elle dit, étayait la thèse de la continuité . Toutefois ⎯ comme dans

son opinion précédente ⎯ le conseiller juridique n’a pas, dans le passage cité par le conseil de la

partie adverse, contrairement à ce qu’il a fait dans d’autres parties de son avis, fait référence à la

RFY mais plutôt à la «Yougoslavie». Ainsi, alor s que la lettre peut avoir suscité certains doutes

quant au statut à l’égard des traités de l’ex-Y ougoslavie, elle ne saurait certainement pas être

comprise comme une déclaration sur le statut de la RFY à l’égard des traités.

5.46. Enfin, Mme Stern a elle-même fait mention de l’incident concernant le «Précis de la

pratique du Secrétaire général dépositaire d’accords multilatéraux», document dans lequel il y avait

45
eu une tentative erronée de présenter la RFY en tant qu’Etat continua teur de l’ex-Yougoslavie .

Toutefois, ce qu’elle n’a pas clairement dit, c’est que, en plus de certains autres Etats, c’était la

Bosnie-Herzégovine elle-même qui avait protesté contre pareille qualification juridique, ce qui

avait par la suite conduit à la publication pa r le Secrétaire général du fameux «Erratum» 4. En

44
CR 2006/36, p. 56, par. 36 (Stern).
45CR 2006/36, p. 52, par. 26 (Stern).

46Voir M. Wood, «Participation of Former Yugoslav Stat es in the United Nations a nd in Multilateral Treaties»
[Participation des Etats de l’ex-Yougoslavie à l’Organi sation des NationsUnies et aux traités multilatéraux], Max Plank
Yearbook of United Nations Law, 1997, p. 231 et suiv. (256). - 38 -

conséquence, l’incident en lui-même n’étaye pas l’argument que le conseil du défendeur essayait

de soutenir; je pense que c’est le contraire qui est plutôt vrai.

5.47. Je vais maintenant passer aux questions proprement dites de la succession aux traités.

G. La Serbie-et-Monténégro n’a jamais succédé à la convention sur le génocide
et en particulier à l’article IX de celle-ci

Observations générales

5.48. Je vais commencer sur ce point par une remarque d’ordre géné ral, à savoir que, une

fois de plus, les conseils du de mandeur ont, dans leur argumentation visant à réfuter les arguments

de la Partie adverse, en diverses occasions, passé sous silence le comportement de la

Bosnie-Herzégovine elle-même. J’ai déjà parlé de cette manière habituelle de procéder du

demandeur, hier, lorsque j’ai traité les questions se rapportant à la bonne foi.

5.49. Permettez-moi cependant, aujourd’hui, d’êt re plus précis, sur les questions relatives à

la succession aux traités. A cet égard, il est frappant de relever que les conseils de la Partie adverse

n’ont jamais ni mentionné ni examiné le fait que la Bosnie-Herzégovine elle-même avait demandé

43 que la RFY en 1998 notifiât sa succe ssion à l’ex-Yougoslavie aux traités 47. Bien entendu, pareille

notification aurait été superflue si la RFY

⎯ avait été un Etat continuateur de l’ex-Yougoslavie;

⎯ si elle était déjà devenue liée en vertu de la déclaration du 27 avril 1992; ou

⎯ si le principe de la prétendue succession automatique s’appliquait.

5.50. Ceci m’amène immédiatement au point su ivant de mon exposé, à savoir la question de

la succession automatique.

La Serbie-et-Monténégro n’a jamais succédé automatiquement à la convention sur le
génocide (et en particulier à l’article IX de celle-ci)

5.51. Madame le président, nous affirmons que la Serbie-et-Monténégro n’a jamais

automatiquement succédé à l’article IX de la c onvention sur le génocide. Je voudrais commencer

en rappelant un certain nombre de questions soul evées au cours de nos plaidoiries du premier tour,

47
Cf. CR 2006/13, par. 4.41 (Zimmermann). - 39 -

questions auxquelles les conseils du demandeur n’ont pas apporté de réponse, et qui par conséquent

doivent être considérées comme ayant été concédées par eux.

5.52. Premièrement, tout en mentionnant la pratique de la Bosnie-Herzégovine vis-à-vis du

Comité des droits de l’homme en tant que te l, Mme Stern n’a pas su expliquer pourquoi la

Bosnie-Herzégovine n’avait pas acquiescé à l’ adhésion de plusieurs Etats successeurs de

l’ancienne Union soviétique à la convention sur le génocide 4. Cette pratique, bien entendu,

contredit clairement l’idée même de la succession automatique, que la Bosnie prétend être une idée

généralement admise.

5.53. Deuxièmement, bien que j’apprécie véritablement le rôle que jouent divers organes

conventionnels en ce qui concerne le développement continu du droit international, et en particulier

le rôle du Comité des droits de l’homme, j’espère qu’il n’est pas contesté que ce rôle ne saurait se

substituer à la pratique des Etats. Ceci devient encore plus vrai lorsque, ainsi que dans l’affaire qui

nous occupe, la pratique des Etats, dans une large mesure à tout le moins, soit contredit l’hypothèse

de la succession automatique ou n’est, pour dire le moins, pratiquement pas uniforme au sens de la

conclusion tirée par la Cour en l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord.

5.54. Troisièmement, je voudrais rappeler la distinction cruciale qu’il convient d’établir entre

les obligations de fond qu’impose la convention sur le génocide, d’une part, et la clause

49
44 compromissoire énoncée à l’articleIX, d’autre part . La Bosnie-Herzégovi ne n’a pas été en

mesure de dire pourquoi la clause compromissoire contenue dans l’article IX devrait faire l’objet

d’une succession automatique. La dite clause compromissoire

⎯ ne contient aucune obligation de fond;

⎯ elle ne fait certainement pas partie du jus cogens; et

⎯ elle ne crée pas de droits individuels.

Si la notion même de succession automatique se trouve elle-même fondée sur l’idée des droits

individuels acquis, ainsi que semble le donner à penser la Bosnie-Herzégovine, alors l’articleIX

n’est certainement pas couvert par la notion.

48
Ibid., par. 4.86 (Zimmermann).
49
Voir CR 2006/13, par. 4.94 et suiv. (Zimmermann). - 40 -

5.55. Dès lors, notre avis est que la pratique pertinente découlant des traités relatifs aux

droits de l’homme est la pratique qui concerne les dispositions conférant compétence aux organes

conventionnels pour connaître soit des réclamations interétatiques ou de plaintes individuelles. En

la matière, la pratique de la Bo snie-Herzégovine elle-même, cette fois à l’égard de la convention

des Nations Unies contre la torture, est, une fois de plus, plus que frappante.

5.56. L’ex-Yougoslavie avait ratifié ladite c onvention le 10 septembre 1991 et, en vertu des

articles 21 et 22 de la convention, reconnu la compétence du Comité contre la torture pour

50
connaître des communications par d’autres Etats pa rties ou par des individus et à les examiner .

En 1993, après avoir accédé à l’indépendance, la Bosnie-Herzégovine a soumis une déclaration de

succession à la convention en tant que telle, indi quant que cette succession devait prendre effet à

dater du 6 mars 1992. Ce n’est toutefois que le 4 juin 2003 que la Bosnie-Herzégovine a déposé

une autre déclaration distincte indiquant qu’elle allait à partir de cette date accepter également sans

réserves la compétence du Comité contre la tort ure pour connaître des réclamations interétatiques

51
et des plaintes individuelles en vertu des articles 21 et 22 respectivement . Ceci montre deux

choses :

⎯ premièrement, lorsqu’il s’est agi de sa propre pra tique conventionnelle à l’égard de la

convention contre la torture, la Bosnie-H erzégovine a elle-même clairement établi une

distinction entre les obligations de fond et les obligations juridictionnelles découlant des traités

relatifs aux droits de l’homme; et

45 ⎯ deuxièmement, elle a accepté que les obligations pro cédurales et juridictionnelles ne faisaient

pas l’objet d’une succession automatique.

Les mêmes considérations, de mon point de vue, devraient s’appliquer à l’articleIX de la

convention sur le génocide.

5.57. Je voudrais, après ces considérations préliminaires, revenir sur les divers arguments

avancés par les conseils de la Bosnie-Herzégovine sur la question de la succession automatique.

50
Voir informations disponibles sur http://untreaty.un.org/ENGL ISH/bible/englishinternetbible/
partI/chapterIV/treaty14.asp#N3.
51Voir le rapport du Comité contre la torture, Trentet unième et Trente-deuxi ème sessions, NationsUnies,
doc. A/59/44, annexes I et III. - 41 -

5.58. Mme Stern avait raison lorsqu’elle n’a p as mentionné l’article 34 de la convention de

Vienne de 1978 sur la succession d’Etats en matière de traités. A cet égard, je pense qu’il suffit de

noter que, compte tenu du nombre de dix-neuf parties contractantes à ladite convention, cela même

trente années après son adoption, il est probablem ent plus sûr d’avancer que le principe général

contenu à l’article 34 n’a pas, pour le moins, été accepté généralement par la communauté des

Etats.

5.59. En outre, dans le droit conventionnel, l’ article 34 de la conven tion de Vienne de 1978

sur la succession d’Etats en matière de traités ne saurait, quoi qu’il en soit, régir notre affaire,

puisque cet article ne s’applique pas rétroactivem ent entre la Bosnie-Herzégovine, d’une part, et la

Serbie-et-Monténégro, d’autre part, aucun des deux Etats n’ayant fait de déclaration en vertu de

l’article 7 de la convention.

5.60. Mme Stern doit avoir mal saisi mon propos, lorsqu’elle a mentionné les deux occasions

où je me suis référé à la notion d’Etats nouvellement indépendants. Pour dire ce qui est évident, la

RFY n’est certainement pas un tel Etat nouvellement indépendant. Jusqu’à ce point, je puis être

d’accord avec mon éminente collègue. Néanmoins, s’agissant de la première déclaration à laquelle

52
elle a fait référence , il suffit tout simplement de vous dema nder de bien vouloir lire également le

paragraphe suivant de la plaidoirie que j’ai pro noncée au cours du premier tour. Là, j’ai cité le

Secrétaire général qui disait que tout ⎯ tout ⎯Etat successeur, pour devenir lié, doit spécifier dans

sa notification de succession les noms des traités auxquels il entend succéder. Du point de vue du

Secrétaire général, une notifica tion générale concernant l’ensemble des traités ne saurait entraîner

une succession 5.

5.61. S’agissant de la référence suivante aux Etats nouvellement indépendants mentionnée

par Mme Stern 54, il aurait suffi de juste lire deux autres paragraphes de ma plaidoirie 5. Là, je me

46 suis référé aux travaux de la CDI dans le domaine. J’ai poursuivi ensuite en relevant que, dans le

passage pertinent, la CDI avait expliqué pourquoi les traités en matière conventionnelle, qui dans

52CR 2006/36, par. 39 renvoyant au CR 2006/13, par. 4.51 (Zimmerman).
53
Voir CR 2006/13, par. 4.52 (Zimmerman).
54
Ibid., référence CR 2006/13, par. 4.51 (Zimmerman).
55CR 2006/13, par. 4.72 (Zimmerman). - 42 -

l’entendement de la CDI comprenaient les relatifs aux droits de l’homme, ne constituaient pas et ne

pouvaient constituer une caté gorie distincte des traités et, dès lo rs, ne doivent pas être soumis au

principe de la succession automatique, au motif que , et je cite de nouveau la CDI, «ils étaient

susceptibles de «contenir des dispositions puremen t conventionnelles», te lles qu’une disposition

relative à l’arbitrage des différents» .56

5.62. Je pense qu’il est évident que cette c onsidération s’applique également à toutes les

catégories d’Etats successeurs, que ceux-ci soient des Etats nouvellement indépendants ou non.

5.63. Je voudrais terminer cette partie de m on exposé en disant que votre Cour n’a jusqu’ici

jamais accepté la nature coutumière du principe énoncé à l’article 34 de la convention de Vienne de

1978 (Voir notamment Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J.Recueil1997 ,

p. 7, par. 123). En outre, elle n’a jamais accepté non plus l’idée que les traités relatifs aux droits de

l’homme font l’objet d’une succession automatique ( C.I.J. Recueil 1996, p. 595, par. 23).

Toutefois, très récemment, la Cour a pris une pos ition implicite en l’affaire entre la République

démocratique du Congo et le Rwanda, et je pense qu’il est plus sûr de dire que vous avez répondu à

la question par la négative notamment s’agissant de l’article IX de la convention sur le génocide.

5.64. Madame le président, lorsque la Belg ique a ratifié la convention sur le génocide

en 1951, elle n’avait pas formulé de réserve à l’article IX de celle-ci. Par la suite, la Belgique, par

une déclaration datée du 13mars1952, a étendu le champ d’application territoriale de la

convention sur le génocide à ce qui était alors le Congo belge et au territoire sous mandat du

Rwanda-Urundi qu’elle administrait alors 5.

5.65. La République démocratique du Congo, après son accession à l’indépendance, a

soumis une déclaration de succession pour ce qui con cerne la convention sur le génocide et est, en

47 58
conséquence, devenue liée pa r celle-ci à dater du 31mai1962 . Le Rwanda, en revanche, s’est

56
Ibid.
57 Voir la note sur l’application territoriale à: htt://untreaty.un.org/ENGLISH/bible/Englishinternetbible/

partI/chapterIV/treasty1.asp.
58 Voir l’information émanant du dépositaire dis ponible :àhttp://untreaty.un.org/ENGLISH/bible/
Englishinternetbible/partI/chapterIV/treaty1.asp. - 43 -

contenté d’adhérer à la convention en 1975 et, en même temps, a formulé une réserve à l’article IX

59
de celle-ci .

5.66. Ce qui est important aux fins de notre affaire, c’est que votre Cour a très récemment

accepté cette adhésion du Rwanda à la convention ( Activités armées sur le territoire du Congo

(nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), arrêt du 3 février 2006,

par.38) et en même temps a également accueilli la réserve émise par le Rwanda à l’égard de

l’articleIX. S’il en avait été autrement, la prétendue règle de la succession automatique aurait

signifié que le Rwanda était automatiquement devenu lié par la conven tion sur le génocide, y

compris par l’article IX de celle-ci , en vertu de la ratification de la Belgique, et de l’extension de

l’application territoriale au Rwanda-Urundi. Ains i la Cour a examiné la question de l’adhésion du

Rwanda à la convention, y compris celle de la réserve rwandaise, pl utôt que celle de la succession

automatique. Ceci, de mon point de vue, semble particulièrement pertinent aux fins de l’espèce,

ainsi que la question de la succession automatique de manière plus générale.

5.67. Ceci m’amène à la fin de ma plaidoirie concernant la question de la succession

automatique et je vais à présent examiner la ques tion de la pertinence juridique de la déclaration

adoptée le 27 avril 1992.

H. Le défendeur n’est pas devenu lié par la convention sur le génocide et l’article IX
de celle-ci en vertu de la déclaration adoptée le 27 avril 1992

5.68. Madame et Messieurs les juges, il y a deux raisons indépendantes pour lesquelles la

déclaration adoptée le 27avril1992 ne liait pas et ne pouvait lier le défendeur à l’égard de

l’article IX de la convention sur le génocide :

⎯ parce qu’elle n’avait pas rempli les conditions de déclarations juridiquement obligatoires, telles

que définies dans la jurisprudence de la Cour; et

⎯ parce que les règles applicables de la succession d’Etats relèvent de la lex specialis.

59Ibid., la réserve se lit comme suit : «L a République rwandaise ne se consid ère pas comme liée par l’articleIX

de ladite convention.» - 44 -

La déclaration et la note du 27avril199 2 ne remplissaient pas les conditions d’une
déclaration unilatérale juridiquement obligatoire

5.69. Les conditions rendant une déclaration unila térale obligatoire en droit international ont

été énoncées par la Cour dans les affaires des Essais nucléaires et récemment précisées davantage

dans l’affaire ayant opposé la République démocrat ique du Congo, d’une part, au Rwanda, d’autre

part.

48 5.70. Dans la récente affaire entre la RDC et le Rwanda, la Cour s’est demandé si un

ministre de la justice pouvait, par voie d’une décl aration unilatérale, engage r son Etat. La Cour

souscrit à la proposition, sous réserve que les pe rsonnes concernées exercent, «dans les relations

extérieures, des pouvoirs dans leur domaine de compétence» (ibid., par. 47).

5.71. En d’autres termes, il était nécessaire que les personnes faisant la déclaration aient été

investies du pouvoir d’exercer des compétences dans le domaine des relations extérieures, même

s’il s’agit de certaines matières relevant de leur domaine de compétence (voir mutatis mutandis

l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle

requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda) , arrêt du 3 février 2006, par. 48).

Dans l’affaire qui nous occupe, la question se pose, par conséquent, de savoir s’il relevait du

domaine de compétence de ceux qui ont fait la d éclaration du 27avril1992 de décider si oui ou

non la RFY continuait ou ne continuait pas à être liée par les traités ratifiés par l’Etat prédécesseur.

5.72. Je voudrais réitérer le fait que la décl aration du 27avril1992 avait été adoptée, ainsi

que votre Cour l’a relevé elle-même, par «les participants à la séance commune de l’Assemblée de

la RFSY, de l’Assemblée nationale de la République de Serbie et de l’Assemblée de la République

du Monténégro» ( Licéité de l’emploi de la force (S erbie-et-Monténégro c.Belgique) , arrêt du

15 décembre 2004, par. 56). Il ne s’agissait pas, par conséquent, d’un organe de la RFY, mais d’un

organe ad hoc ⎯ un organe ad hoc qui était composé de parlementaires de l’ Etat prédécesseur du

défendeur et de membres individuels de pa rlements de deux républiques constitutives de

l’ex-Yougoslavie.

5.73. Dès lors, il ne s’agissait certainement pas d’un organe ⎯ pour reprendre de nouveau ce

que vous avez dit dans votre récent arrêt en l’affaire entre la RDC et le Rwanda ⎯ exerçant, dans

les relations extérieures de la RFY, des pouvoirs dans son domaine de compétence. En outre, - 45 -

comme l’indique la déclaration, ce n’était pas les organes en tant que tels qui agissaient, mais plutôt

des «participants» à cette réunion agissant à titre individuel.

5.74. Par ailleurs, quoi qu’il en soit, une assem blée parlementaire n’est certainement pas en

mesure, en droit international, de représenter un Et at dans ses relations extérieures. Par suite, ne

serait-ce que pour ce seul motif, la déclaration en date du 27 avril 1992 ne saurait créer d’obligation

juridique incombant au défendeur.

49 5.75. Dans votre arrêt du 3 février 2006 en l’ affaire opposant la RDC au Rwanda, vous avez

également déterminé que le carac tère non obligatoire en droit in ternational d’une déclaration

unilatérale donnée peut être déduit du fait que la déclaration a été faite «dans le cadre d’un exposé

de politique générale» ( Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête:2002)

(République démocratique du Congo c. Rwanda), arrêt du 3 février 2006, par. 53). Je voudrais, par

conséquent, une fois de plus citer à présent la déclaration du 27avril 1992. Dans cette déclaration

«les représentants du peuple de la République de Serbie et de la République de

Monténégro … entend[aient] exprimer … leurs vues sur les objectifs fondamentaux immédiats et

durables de la politique de leur Etat commun» [traduction du Greffe].

5.76. Je pense que le fait même qu’il s’agissait là de simples vues proclamant certains

objectifs politiques à réaliser correspond parfaite ment à la description d’une déclaration faite,

comme vous l’avez dit, «dans le cadre d’un exposé de politique générale» (ibid.). En outre, ces

objectifs politiques étaient fondés sur l’idée de la co ntinuité, une idée qui était rejetée tant par la

Bosnie-Herzégovine elle-même que par la communauté internationale dans son ensemble.

5.77. Dans les affaires des Essais nucléaires, vous avez là aussi considéré que le caractère

obligatoire d’une déclaration unilatérale, conformément au principe pacta sunt servanda, est fondé

sur la notion même de la bonne foi et de la confiance (voir, par exemple, C.I.J. Recueil 1974,

p. 268, par. 46). Il n’en reste pas moins, comme je l’ai démontré hier, que la Bosnie-Herzégovine,

dès le tout début de l’espèce, ne s’était en auc une manière fondée sur cette déclaration et sur le

concept de la continuité y contenu. Plutôt, pour ne pas dire au contraire, elle a constamment

soutenu que la RFY ne pouvait devenir liée par l es traités auxquels était partie l’ex-Yougoslavie

que si elle acceptait de faire une déclaration de succession spécifique. A cet égard, la lettre - 46 -

de 1998, que j’ai mentionnée au cours de ma première plaidoirie , ne constitue qu’un seul exemple

pertinent.

5.78. Je pense dès lors que cette déclarati on du 22avril1992 ne saurait être considérée

comme une déclaration juridiquement obligatoire au regard du droit international actuel.

Les règles applicables de la succession d’Etats relèvent de la lex specialis

5.79. Il existe un autre motif supplémenta ire pour lequel cette déclaration ne pouvait pas

avoir fait de la RFY une partie contractante à la convention sur le génocide et à l’articleIX de

celle-ci. Comme l’a admis le conseil du demand eur elle-même, le point de savoir si un Etat

50 successeur quelconque est lié par les traités de son Etat prédécesseur ⎯ ou non ⎯ est régi par les

règles applicables en matière de succession d’Etats : «In the event of a succession process, the rules

61
specific to State succession apply.»

5.80. Madame le président, je souscris à cette déclaration de Mme Stern. Mais, appliquer les

règles spécifiques de la succession d’Etats en tant que lex specialis aux règles générales régissant

les déclarations unilatérales signifie que, comme j’ai eu à le démontrer auparavant 62, pour qu’un

Etat successeur devienne lié par les traités auxque ls était partie l’Etat prédécesseur, il doit avoir

soumis des déclarations spécifiques de succession contenant une liste des traités auxquels il entend

succéder. Des notifications de succession généra le, voire ce qu’il est convenu d’appeler des

accords de dévolution, ne sont pas en soi et en tant que tels, suffisantes pour faire de l’Etat

successeur une partie contractante. Dans la déclar ation du 27 avril 1992, pas un seul traité n’est

mentionné.

Ainsi, même si la Cour devait conclure que la déclaration était obligatoire par principe, la

RFY ne saurait toujours pas être considérée comme une partie à la convention sur le génocide et en

particulier comme étant liée par l’article IX de celle-ci.

5.81. Enfin, si nous suivons le demandeur dans son argumentation et considérons la

déclaration comme une déclaration unilatérale ob ligatoire conférant une continuité à la RFY à

l’égard de l’ex-Yougoslavie, pour ce qui concerne ta nt la qualité de Membre de l’Organisation des

60Voir CR 2006/13, par. 4.19 (Zimmermann).
61
CR 2006/36, p. 53, par. 30 (Stern).
62CR 2006/13, par. 4.50-4.52 (Zimmermann). - 47 -

Nations Unies que le statut en tant que partie c ontractante à la convention sur le génocide, pareille

déclaration n’aurait pas seulement conféré compét ence à la Cour, mais aurait également donné un

accès à la Cour à la RFY. En d’autres termes, ceci aurait signifié qu’un Etat tel que la RFY, qui

n’aurait autrement pas eu accès à la Cour, par son propre comportement, pourrait se ménager pareil

accès à la Cour et pourrait, dès lors, tourner tant les conditions posées à l’article 35 du Statut que

les décisions concernant la qualité de Membre pr ises par l’Assemblée généra le et le Conseil de

sécurité. Pourtant, comme vous l’avez dit, la question de l’accès est une question fondamentale qui

ne dépend pas des souhaits des parties (affaire relative à Licéité de l’emploi de la force

(Serbie-et-Monténégro c. Belgique), arrêt du 15 décembre 2004, par. 46), et encore moins lorsqu’il

s’agit d’un seul Etat. Ces considérations fournissent d’autres motifs pour priver de fondement la

thèse du demandeur reposant sur la déclaration du 27 avril 1992.

I. Résumé de l’argumentation

51 5.82. Madame le président, Messieurs les j uges, ceci m’amène à la fin de mon exposé.

Avant de conclure, je voudrais résumer mon argumentation :

5.83. Nous affirmons à la Cour que la RFY n’ a pas assuré la contin uité de la personnalité

juridique internationale de l’ex-Yougoslavie. Au lieu de cela, elle est un Etat successeur de

l’ex-Yougoslavie et, en tant que tel, n’existe que depuis le 27 avril 1992.

5.84. Etant donné que l’ex-Yougoslavie a cessé d’exister et puisque la RFY n’en a pas

continué la personnalité juridique internationale, la RFY n’a assuré de continuité ni en tant que

membre au sein des organisations internationa les ni en ce qui concerne le statut de

l’ex-Yougoslavie en tant que partie contractante aux traités auxquels elle était partie.

5.85. En outre, aux termes de l’article XI à la convention sur le génocide, la RFY n’avait pas

qualité pour devenir partie contract ante à la convention sur le génoc ide, attendu qu’elle n’était pas

membre de l’Organisation des NationsUnies et qu’ elle n’avait jamais reçu d’invitation émanant

des organes compétents de l’Organisation des Nations Unies.

5.86. L’accord de paix de Dayton n’a pas conféré et ne pouvait conférer de compétence à la

Cour sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide, puisque la RFY n’est pas partie à

l’annexe6 de l’accord-cadre général, et, puisque, quoi qu’il en soit, ladite annexe ne se réfère - 48 -

qu’aux obligations de fond contenues dans les instru ments visés dans l’annexe. Et, en tout état de

cause, l’accord de paix de Dayton, qui n’est entré en vigueur qu’e n 1995, ne pouvait pas ex post

facto conférer compétence à la Cour.

5.87. Les déclarations faites par les conseils au cours de phases antérieures de l’espèce ne

peuvent pas être considérées comme une acceptation implicite de la compétence de la Cour, étant

donné que le défendeur a de manière constante et sans ambiguïté contesté cette compétence tout au

long de la procédure, un fait reconnu par votre Cour.

5.88. De surcroît, le défendeur n’a jamais automatiquement succédé à la convention sur le

génocide et, en particulier, à la clause compromissoire contenue dans l’article IX de celle-ci.

5.89. Le défendeur n’est pas non plus deve nu lié par la convention sur le génocide et

l’article IX de celle-ci en vertu de la déclaration adoptée le 27 avril 1992, puisque ladite déclaration

ne remplissait pas les critères d’une déclaration un ilatérale obligatoire telle que définie dans la

52 jurisprudence de la Cour. Par ailleurs, une règl e de la succession d’Etats plus précise constituant

une lex specialis empêcherait également la déclaration de produire pareil prétendu effet.

5.90. Il en résulte que la RFY est devenue liée à la convention sur le génocide uniquement

lorsqu’elle a adhéré à celle-ci en 2001, moment où elle avait toutefois formulé une réserve valide

en ce qui concerne l’article IX de la convention, réserve qui est maintenue depuis lors.

5.91. Cette dernière remarque me donne également l’occasion de répondre à présent à la

question posée par le juge Tomka à la Serbie-et- Monténégro. Le juge Tomka a demandé à savoir

s’il existait d’autres traités auxquels l’ex-Yougoslavie avait été partie et auxquels la RFY a adhéré

par la suite. En réponse, je puis confirmer que la convention sur le génocide n’est pas le seul traité

auquel l’ex-Yougoslavie avait été partie et auquel la RFY a adhéré par la suite. Par exemple, le

28 février 2001, la RFY a déposé un instrument d’ad hésion à onze traités sur seize conclus dans le

cadre du Conseil de l’Europe auxquels l’ex-Yougosla vie avait été partie. Si je puis me permettre

maintenant d’attirer votre attention sur le prem ier onglet additionnel soumis dans le dossier des

juges de ce jour ⎯et j’espère que vous l’avez sous les yeux ⎯ vous verrez là la liste des traités

conclus au sein du Conseil de l’Europe auxquels l’ex-Yougoslavie était pa rtie. Vous y verrez

également un procès-verbal, publié par le Conseil de l’Europe, au sujet du dépôt des instruments - 49 -

d’adhésion de la RFY à certains desdits traités. Les traités auxquels la RFY a adhéré comprennent

notamment :

⎯ la convention culturelle européenne, à laquelle l’ex-Yougoslavie avait été partie à compter du

7 octobre 1987, et

⎯ la convention européenne sur la supervision des contrevenants conditionnellement condamnés

ou conditionnellement libérés, à laquelle l’ex-Y ougoslavie était devenue partie à compter du

10 juillet 1991.

Une autre série de traités liant l’ex-Yougosla vie auxquels la RFY a accédé est constituée de

sept conventions douanières de l’Organisation mondiale du commerce, telles que :

⎯ la convention douanière sur l’importation temporaire des emballages, et

⎯ la convention internationale pour la simplific ation et l’harmonisation des régimes douaniers

de 1974.

S’agissant de cette dernière convention de 1974, l’ex-Yougoslavie avait été partie à la

convention sans réserve, tandis que la RFY, toutefois, y a adhéré avec une réserve. Vous pouvez

53 trouver l’instrument d’adhésion pertinent, contenan t ladite réserve, parmi les documents que nous

vous avons fournis aujourd’hui.

Je voudrais également faire mention de la convention sur le règlement des conflits

d’investissement entre les Etat s et les ressortissants d’autres Etats, la convention ICSID.

L’ex-Yougoslavie était devenue partie à la dite convention à compter de 1967. La

Serbie-et-Monténégro n’est pas encore partie à ce tte convention. Toutefois, elle a engagé le

processus d’adhésion à la convention. Elle a déjà signé la convention ICSID le 31juillet2002 et

en deviendra partie après dépôt de l’instrument de ratification par voie d’adhésion, lorsque les

procédures internes auront été menées à leur terme.

J’espère avoir répondu ainsi à la question de M. le juge Tomka. Bien entendu, nous restons

à la disposition de la Cour, pour lui fournir de plus amples informations à cet égard.

5.92. Madame le président, Messieurs les jug es, ceci m’amène à la fin de mon exposé. Je

voudrais vous remercier une fois de plus pour l’aimable attention que vous m’avez accordée tout au

long de cette procédure. Puis-je vous demander, Ma dame le président, de donner une fois de plus - 50 -

la parole à M.Varady, qui va conclure les plaidoiries du demandeur se rapportant aux aspects

procéduraux de l’espèce.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Zimmerman. Je donne la parole à M. Varady.

M. VARADY :

6. O BSERVATIONS DE CONCLUSION

6.1. Madame le président, Messieurs de la C our, puisque nous entrons pratiquement dans la

dernière heure de nos plaidoiries en la présente affaire, je tiens, une fois encore, à exprimer ⎯ et

souligner ⎯ mon sincère et profond respect pour votre honorable Cour. Lors de ces audiences,

M.Zimmermann, M.Djeric et moi-même avons traité du cadre procédural de cette imposante

affaire et, plus précisément, des questions de l’accès à la Cour et de sa compétence. Je voudrais

conclure nos plaidoiries par les arguments qui suivent.

Nos conclusions

6.2. Permettez-moi tout d’abord de rappeler très brièvement les principaux points développés

dans nos exposés. Je ne répéterai pas nos nombr eux arguments, que nous maintenons tous, je me

contenterai de rappeler nos conclusions :

54 6.3. Tout d’abord, il n’y a pas eu continuité . La RFY n’a assuré la continuité ni de la

personnalité juridique ni du statut de l’ex-Yougoslavie. Elle n’était pas membre de l’Organisation

er
des Nations Unies et n’était pas partie au Statut avant le 1 novembre 2000. C’est ce qui ressort de

décisions claires et faisant autorité émanant de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, du

Secrétaire général, et c’est en outre ce que votre Cour a établi sans équivoque. Cela signifie que la

RFY n’avait pas accès à la Cour à l’époque pertinen te, lorsque la requête a été déposée, et qu’elle

n’est pas restée partie à la convention sur le génocide. Elle n’est devenue partie à la convention sur

le génocide que lorsqu’elle y a a dhéré en mars 2001, en formulant une réserve à l’articleIX; par

conséquent, l’articleIX de la convention sur le génocide ne saurait constitue r une base de

compétence.

6.4. L’arrêt de 1996 sur la compétence ne revêt pas l’autorité de la chose jugée. Nous avons

présenté et expliqué les raisons sur lesquelles repo se cette conclusion. Il existe manifestement des - 51 -

circonstances particulières imposant d’examiner le s questions de l’accès et de la compétence. Le

demandeur a suggéré, à titre subsidiaire, que la Cour considère de novo la question de savoir «si la

RFY était effectivement Membre de l’ONU et partie à la convention sur le génocide au moment où

63
le génocide allégué a été perpétré» . Nous ne trouvons rien à redire sur cette proposition.

6.5. Par ailleurs, il n’y a pas forum prorogatum et la RFY n’a pas acquiescé à la compétence

de la Cour. Outre les des arguments convain cants présentés par mon collègue M.Zimmermann,

permettez-moi de dire que nous ne voyons pas co mment l’on peut alléguer que le défendeur a tout

fait pour contester la compétence de la Cour, qu’il a avec entêtement tenté à cinq reprises de

convaincre celle-ci qu’elle n’était pas compétente 64et prétendre, dans le même temps, que le

défendeur a acquiescé à la compétence de Cour.

6.6. La question de l’accès à la Cour doit être tranchée de manière objective. S’agissant du

défendeur, la Cour s’est déjà prononcée sur cette question pour ce qui concerne la période

pertinente. En outre, tous les faits montrent qu ’à l’époque où la requête a été déposée, la RFY

n’avait pas accès à la Cour, que ce soit en vertu du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de l’article 35.

6.7. Enfin, le défendeur n’est pas resté lié ni n’est devenu lié par l’article IX de la convention

sur le génocide. Il n’a pas pu rester lié dans la mesure où il n’a assuré ni la continuité de la

55 personnalité juridique de l’ ex-Yougoslavie, ni son statut de partie à des traités. Il ne pouvait pas

non plus être devenu lié par la conve ntion sur le génocide avant le 1 ernovembre 2000, étant donné

qu’il n’était pas membre de l’Organisation des NationsUnies. En outre, la déclaration du

27avril1992 n’est pas un document qui aurait pu entr aîner un statut de partie à des traités, et la

succession automatique n’a pas créé et n’aurait pas pu créé non plus de lien avec l’article IX.

Ce différend ne reflète pas le conflit réel

6.8. Permettez-moi également, Madame le pr ésident, de formuler, en guise de conclusion,

quelques observations d’ordre général. Cette affaire est une affaire difficile ⎯ et il s’agit là de l’un

des rares points sur lesquels les deux Parties s’acco rdent. Il s’agit d’une affaire difficile et

complexe, notamment parce qu’elle ne fait pas a pparaître des lignes de séparation véritables entre

63
CR 2006/36, p. 39, par. 41 (Franck).
64CR 2006/35, p. 54, par. 1 (Pellet). - 52 -

les parties au conflit. Je tiens à souligner, une fois encore, que ce différend juridique, qui oppose

deux Etats multiethniques, la Bosnie-Herzé govine en tant que demandeur, et la

Serbie-et-Monténégro en tant que défendeur, n’est tout simplement pas le reflet du conflit tel qu’il

s’est déroulé dans la réalité, un conflit qui s’est dé roulé sur la base de la division ethnique. Le

processus de dissolution de la Yougoslavie, lequel est également au cŒur de la question de la

compétence, n’a pas débouché sur la création d’ Etats fondés sur cette division ethnique. Cette

menace ne s’est pas traduite dans les faits. Cela a toutefois des conséquences sur les contours de

cette affaire. Le demandeur a souligné à maintes reprises que justice et injustice étaient fonction de

la division entre Serbes et «non-Serbes». Nous a vons insisté sur le fait qu’il s’agissait là d’une

simplification excessive. En effet, même si nous devions suivre cette idée, compte tenu de

l’orientation donnée au présent différend, votre arrêt ne pourrait tout simplement pas rendre justice

en se fondant sur cette ligne de division, il ne peut s’agir de rendre justice entre Serbes et

Bosniaques, ou entre «Serbes et non-Serbes». Le demandeur parle de «the Bosnian Serb army,

65
which perpetrated the genocide…» . Un arrêt sur le fond pourrait conclure que les Serbes de

Bosnie, les prétendus auteurs du génocide, se retr ouvent du côté des prétendues victimes, tandis

que les Albanais du Kosovo, par exemple, se retrouveraient du côté des prétendus auteurs.

6.9. Ce que ce différend fait apparaître plus directement, ce sont les incertitudes et les

controverses qui entourent la nature des Etats ou des structures quasiétatiques qui firent leur

apparition au cours de ce conflit; controverses sur la souveraineté, la sécession et la continuité.

Cela a pris du temps, un temps inhabituellement l ong, avant que la Cour ne dispose d’informations

56 suffisantes pour adopter une position définitive sur les questions de savoir si la RFY avait ou non

assuré la continuité de la personna lité juridique internationale de l’ex-Yougoslavie, si elle était ou

non partie au Statut entre 1992 et 2000, et si elle avait pu rester ou est devenue liée par l’article IX

de la convention sur le génocide.

6.10. Ces questions sont aujourd’hui tranchées. Les autorités de l’Organisation des

Nations Unies ont fini par adopter des positions définitives, et les Parties ont présenté des

arguments sur des questions qui n’avaient pas ét é soulevées ou qui ne se posaient pas au début.

65
CR 2006/35, p. 46, par. 21 (Condorelli). - 53 -

Nous avons par ailleurs l’avantage que les mêm es questions dont dépend le statut procédural du

défendeur ont justement été soulevées et tranchées par votre Cour en 2004, et ce sur la base

d’éléments d’information suffisants et contemporains.

La question de la cohérence

6.11. Madame le président, Messieurs les jug es, j’en viens maintenant à une autre question

ou reproche récurrent concernant la cohéren ce, et à l’accusation récurrente de manque de

cohérence. Un temps considérable et un grand nom bre de pages ont été consacrés à cette question,

laquelle a été présentée sous différentes facettes et différents angles⎯et il s’agit, effectivement,

d’une question de la plus haute importance.

6.12. Je commencerai par l’accusation d’incohérence et par notre position sur ce point.

Comme nous l’avons déjà dit, après que des centai nes de milliers de manifestants ont mis fin au

régime de Milosevic, le nouveau gouvernement a dû revoir les fondements les plus essentiels du

fonctionnement du pays, y compris sa relation av ec le monde extérieur et les organisations

internationales. Nous fondant sur ce que nous croyions être la réalité, nous avons agi sur la base de

cette perception des choses. Nous en avons nous-mêmes tiré les conséquences, lorsqu’il nous

revenait de le faire, et avons retiré notre demande reconventionnelle. Dans tous les autres cas, nous

avons présenté la même perception et prié la Cour de tirer des conclusions et de se prononcer sur sa

compétence.

6.13. Il est bien entendu vrai que la pos ition et les arguments que nous n’avons cessé de

défendre ne sont pas les mêmes que ceux qui avaient été présentés par l’ancien Gouvernement de la

RFY. Mais laissez-moi vous dire qu’il ne s’agit pas là d’une manŒuvre, de la même manière que

le changement intervenu en octobre 2000 n’était pas un simple changement de gouvernement. Il

s’agissait d’un changement fondamental qui a inc ité le pays à reconsidérer les fondements

essentiels de son fonctionnement. Je tiens égal ement à dire que, s’agissant des questions de

procédure qui nous intéressent, l’ancien Gouvernem ent de la RFY avait certes tort, mais il n’a pas

agi abusivement, ni par manipulation, ni de f açon non plausible compte tenu des circonstances.

57 Tout d’abord, la position adoptée sur la continuité était conforme à la conviction politique et aux

principes qui étaient alors ceux de la RFY, et non à ses intérêts en l’affaire. L’ancien - 54 -

gouvernement a contesté la compétence, mais pour des motifs différents. Si le gouvernement de

Milosevic a été largement condamné, tant en Serbie-et-Monténégro que dans le monde, ce n’est pas

en raison de la position qu’il avait adoptée sur la continuité.

6.14. Dans le même temps, l’incohéren ce existant entre la position adoptée par la

Bosnie-Herzégovine devant votre Cour et hors de celle-ci est flagrante. Cette incohérence n’est

pas, dans son cas, le résultat d’une quelconque évolution. Des positions différentes ont été

adoptées au même moment, chacune répondant à différents desseins. La Bosnie-Herzégovine a fait

partie des Etats qui ont parrainé la résolution 47/1, laquelle niait à la RFY la continuité qu’elle

revendiquait 66. Depuis lors, et jusqu’à ce jour, la Bosnie-Herzégovine a avec persistance nié la

continuité devant les organisations internati onales susceptibles de prendre une décision sur la

qualité de Membre, y compris l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité de

l’Organisation des NationsUnies. Elle a contest é la qualité de Membre des NationsUnies de la

RFY et sa qualité de partie aux traités. Elle a également soutenu et insisté sur le fait que la RFY

n’était pas partie au Statut. Toutefois, alors qu’elle s’évertue à influencer les autorités de

l’Organisation des NationsUnies pour qu’elles se pr ononcent contre la continuité et la qualité de

Membre, la Bosnie-Herzégovine demande à la Cour de ne pas tenir compte de ce qui a été décidé,

de ne pas suivre la position adoptée par les autorit és de l’Organisation des Nations Unies, mais de

se prononcer différemment. Pareille incohérence relève de la manipulation.

6.15. Madame le président, intéressons-nous ma intenant à un autre aspect de la cohérence,

celle des décisions de votre Cour. Revenant sur la pratique de diverses juridictions internationales,

nous avons démontré qu’un réexamen de questions de compétence, s’il est rendu nécessaire par les

circonstances particulières de l’espèce, est une solu tion courante constamment choisie. Cela étant,

cette solution n’est courante qu’au sein d’un pe tit groupe d’affaires véritablement rares. La

pratique montre que, dans les cas où des informations apparues par la suite mettent sérieusement en

doute une décision relative à la compétence, les ju ridictions internationales examinent de nouveau

la question de savoir si elles ont compétence afin d’éviter une décision ultra vires. De telles

circonstances sont cependant extrêmement rares. Le contexte factuel de notre espèce est non

66
Voir Nations Unies, doc. A/47/PV.7, p. 141. - 55 -

seulement rare, mais tout simplement unique en son genre. Nous avons été confrontés à un vrai

dilemme, celui de savoir si un Etat était ou non partie au Statut ⎯une question qui ne se pose

58 quasiment jamais ⎯ et avons, dans le même temps, ét é confrontés aux conséquences de la

dissolution inhabituelle d’un Etat, laquelle n’entre dans aucune des prévisions de la Charte des

Nations Unies.

6.16. Evoquant la question de la cohérence en ce moment, notre collègue, M.Pellet, établit

une distinction entre cohérence verticale et c ohérence horizontale, privilégiant la cohérence

verticale, qui serait la cohérence avec l’arrê t de 1996, plutôt qu’avec l’arrêt de 2004 sur la Licéité

de l’emploi de la force 67. Or, la «cohérence verticale» n’est rien d’autre que l’autorité de la chose

jugée, et nous avons démontré que, dans les circonstances de l’espèce, le principe de l’autorité de la

chose jugée ne faisait pas obstacle à l’examen de l’accès et de la compétence.

6.17. Permettez-moi de dire que la cohéren ce est, bien évidemment, un aspect qui revêt une

importance primordiale, même hors du contexte de l’ argument de l’autorité de la chose jugée, et

que nous abordons là une question simple mais lourde de conséquences. La cohérence avec quoi ?

Doit-on être cohérent avec ce qui était accessible et vérifiable en 1996, ou bien avec ce qui est

devenu connu en 2004 et qui reste vrai aujourd’hui ?

6.18. Madame le président, l’arrêt de 1996 n’ét ait pas en contradiction avec les informations

disponibles en 1996. Lorsque le conseil juridique a déclaré que la résoluti on 47/1 de l’Assemblée

générale «ne met[tait] pas fin à l’appartenan ce de la Yougoslavie à l’Organisation [des

NationsUnies] et ne la suspend[ait] pas», sans préciser à quelle Yougoslavie il faisait référence,

lorsque le dépositaire a évoqué la Yougoslavie en tant qu’Etat partie à la convention sur le

génocide, là encore sans préciser de quelle Yougoslavie il s’agissait, l’une des interprétations

possibles était de considérer que la République fédé rale de Yougoslavie était restée partie au Statut

et à la convention sur le génocide. Depuis lors , la RFY ayant été admise en qualité de nouveau

Membre de l’Organisation des NationsUnies et le Secrétaire général ayant expliqué que ce qu’il

fallait entendre par Yougoslavie c’était en réa lité l’ex-Yougoslavie, la cohérence avec les

informations nouvellement disponibles ainsi qu’avec la position prise par l’autorité compétente de

67
CR 2006/36, p. 20-21, par. 51-52 (Pellet). - 56 -

l’Organisation des NationsUnies a conduit à une conclusion différente: celle selon laquelle la

RFY n’était pas membre de l’Organisation des Nati ons Unies entre 1992 et 2000, n’était pas partie

au Statut et n’avait pas accès à la Cour ⎯ et c’est cela que la Cour a dit en 2004.

59 6.19. Madame le président, je voudrais ajouter que, dès lors que la thèse de la continuité est

clairement devenue sans objet, dénuée de tout f ondement, la cohérence avec l’arrêt de1996 n’est

tout simplement plus possible. Un arrêt au fond dans lequel la Cour se déclarerait compétente sans

retenir la thèse de la continuité ne serait pas cohérent avec l’arrêt de 1996.

6.20. M. Franck, s’efforçant de minimiser l’importance et la pertinence des décisions

de 2004, cite mon argument selon le quel certaines questions essentielles ayant trait au statut de la

RFY n’ont été ni examinées ni tranchées dans l’a rrêt de 1996, et il ajoute que, si tel est le cas, il

convient de considérer que, dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , la Cour

68
n’a pas non plus eu le bénéfice ni d’un tel examen, ni d’une décision définitive sur la question .

6.21. Il est vrai que, dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force, le nouveau

Gouvernement de la RFY n’a pas défendu une pos ition différente de celle adoptée dans d’autres

affaires ou devant certaines organisations internationales. Il a présenté sa position et demandé à la

Cour de se prononcer sur la question de la compétence. Il existe pourtant des différences évidentes

entre les deux affaires, s’agissant des informations accessibles et de celles qui ont été présentées à

la Cour. Dans l’affaire de 1996, aucune exception préliminaire ne portait sur la question de savoir

si la RFY était partie au Statut ou à la conve ntion sur le génocide. Dans les affaires de2004,

l’Allemagne, la Belgique, le Cana da, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni ont

soutenu que la RFY n’était ni membre de l’Organisa tion des Nations Unies ni partie au Statut. La

question a été soulevée, examinée, puis tran chée. Ce qui est également important ⎯ et nous

l’avons souligné ⎯, c’est que les informations dont disposait la Cour étaient enfin dignes de foi et

suffisantes pour parvenir à des conclusions définitives.

6.22. Madame le président, le fait est que qu’il est désormais acquis que le défendeur n’a pas

assuré la continuité de la personnalité juridique de l’ex-Yougoslavie et de sa qualité de partie à des

traités. Il n’était pas partie au Statut entr e 1992 et 2000. On sait désormais également que le

68
CR 2006/36, p. 39, par. 40 (Franck). - 57 -

dépositaire fait figurer la Serbie-et-Monténégro da ns la liste des Etats nouvellement parties à la

convention sur le génocide en vertu de son adhésion en 2001, assortie d’une réserve à l’article IX.

La seule conclusion conforme à ces faits est que le défendeur n’avait pas accès à la Cour lorsque la

requête de la Bosnie a été déposée, et que le défendeur n’est pas lié par l’article IX de la convention

sur le génocide.

60 6.23. Madame le président, la question de la cohérence revêt un autre aspect primordial,

celui de la cohérence des solutions et des conséquences. Comme l’a dit le juge Rezek : «It would

be unfair, and contrary to fundamental legal principl es, to deny a State a particular status within a

given system as far as some effects were concerne d but to recognize that status on a selective basis

in respect of others.» ( Demande en revision de l’arrêt du 11juillet1996 en l’affaire relative à

l’Application de la convention pour la prévention et la ré pression du crime de génocide

(Bosnie-HerzégovinY eocu.gosla vie), exceptions préliminaires (Yougoslavie

c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, déclaration du juge Rezek, par. 3.)

6.24. Madame le président, la cohérence des so lutions et l’égalité de traitement constituent

des principes fondamentaux qui échappent à toute critique fondée sur des aspirations passionnées et

inconciliables.

6.25. Parmi les affaires dans lesquelles le stat ut et la qualité de la RFY entre 1992 et 2000

sont apparus comme des questions devant être tran chées en premier, la présente affaire et celle qui

oppose la Croatie à la Serbie-et-Monténégro de meurent pendantes, seules celles relatives à la

Licéité de l’emploi de la force ayant été jugées. La solution retenue dans ces dernières était que la

RFY ne remplissait pas les conditions requises pour êt re partie devant la présente Cour, dans la

mesure où, en 1999, lorsque la requête a été déposée, elle n’était pas membre de l’Organisation des

NationsUnies et n’était pas partie au Statut. Comme elle n’avait pas accès à la Cour, celle-ci a

refusé de se déclarer compétente. Pour la même raison, la RFY s’est systématiquement vu refuser

la qualité de membre d’autres orga nisations internationales, et n’a pas été reconnue en tant que

partie à des traités internationaux. Telle a été à ce jour la solution adoptée dans tous les différends

dans lesquels s’est posée la question de la continuité.

6.26. A chaque fois que la RFY a invoqué des droits de membre de l’Organisation des

Nations Unies et de différentes organisations internationales ou de partie à des traités ⎯ ou agi en - 58 -

présumant qu’elle bénéficiait de tels droits ⎯, la question de savoir si elle était effectivement restée

Membre de l’Organisation des Nations Unies, et si elle était effectivement partie à un traité donné

ou membre d’une organisation internationale donnée entre 1992 et 2000 s’est posée. A chaque

fois, la réponse a été négative. La Bosn ie-Herzégovine a été parmi ceux qui se sont

vigoureusement et constamment opposés à la reconnaissance de tout droit de membre à la RFY. Le

résultat en a été que la RFY n’a pas été autorisée à jouir de droits attachés à la qualité de membre,

attendu qu’elle n’avait pas cette qualité. Certes, les efforts de la RFY ont suscité certaines

hésitations, engendré certains concepts flous et contradictions, mais ils n’ont abouti ni à l’obtention

de la qualité de membre d’organi sations internationales ni à celle de partie contractante à des

traités.

61 6.27. La position adoptée, ainsi que sa formulation, étaient pour l’essentiel les mêmes. Pour

donner un seul exemple, nous citerons la position ad optée par l’Organisation mondiale de la Santé.

Lors de sa session plénière du 3 mai1993, l’A ssemblée de l’OMS a adopt é la décision suivante

o
⎯ et je vous invite à vous reporter à l’onglet n 4 de notre dossier de plaidoirie; cette décision y est

reproduite dans son intégralité, mais je n’en citerai qu’une partie :

«La quarante-sixième assemblée mondiale de la santé,

1. considérant que la République fédérativ e de Yougoslavie (SerbieetMonténégro)
ne peut assurer automatiquement la c ontinuité de la qualité de membre de

l’Organisation mondiale de la Santé de l’ ex-République fédérative socialiste de
Yougoslavie;

2. décide que la République fédérative de Yougoslavie (SerbieetMonténégro) doit
présenter une demande d’admission à l’Organisation mondiale de la santé
conformément aux dispositions pertinent es de la constitution et que, en attendant,
elle ne participera pas aux travaux de s es organes principaux et subsidiaires, dont
69
la quarante-sixième assemblée mondiale de la santé.» [Traduction du Greffe.]

69
WHA 46.1, 3 mai 1993. - 59 -

6.28. D’autres organisations international es ont suivi exactement le même raisonnement,

adopté les mêmes arguments, et sont parvenus à la même conclusion . 70

6.29. La question de la situation de la RFY a également été soulevée lors de réunions entre

Etats parties à des traités, notamment relatifs a ux droits de l’homme. A chaque fois, une motion

visant à rejeter la participation de la RFY a été présentée. Ces motions ont toutes abouti.

L’argument de la continuité n’a pas été accepté, la RFY n’a pas été autorisée à occuper le siège de

l’ex-Yougoslavie, et elle n’a pas été autorisée à participer aux travaux des réunions entre Etats

71
parties . La solution a été la même.

6.30. Madame le président, la RFY n’a tiré aucun profit de sa proposition selon laquelle elle

aurait assuré la continuité de la personnalité juridique de l’ex-Yougoslavie. Il y a eu effectivement

des appellations ambiguës, des incohérences, mais aucun droit de membre . La RFY n’était pas

membre de différentes organisations internati onales sur le fondement de la continuité ⎯ elle ne

l’est devenue qu’après avoir présenté une demande d’admission et avoir été admise au même titre

62 que d’autres Etats successeurs. Elle n’a pas été reconnue en tant qu’Etat partie à des traités sur le

fondement de la continuité ⎯ elle n’est devenue partie qu’ap rès avoir présenté une notification

d’adhésion ou de succession.

6.31. Et nous voici de nouveau confrontés, ap rès que la même décision a été prise maintes

fois et que des précisions faisant autorité ont été apportées, à la même question de savoir si la RFY

était Membre de l’Organisation des NationsUni es entre1992 et2000 et si elle a assuré la

continuité de la qualité d’Etat partie de l’ex-Yougoslavie au St atut et à la convention sur le

génocide. En la présente affaire, la réponse à cette même question ne peut tout simplement pas être

différente. La réponse à cette même question doit être la même, et la solution doit être la même.

70
Par exemple, l’Organisation de l’aviation civile internationale ⎯OACI (résolution A29-2 de l’OACI du
25 septembre 1992); l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ⎯ OMPI (voir la décision adoptée par les
organes directeurs de l’OMPI et les unions admini strées par l’OMPI le 24 septembre1992, AB/XXIII/5 ⎯ Troisième
série de réunion, Genève, 21-29 septembre 1992); l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ⎯ GATT (voir
le procès-verbal de la réunion du conseil des 16-17 juin 1993-C/M/264); l’UNESCO (voir la liste des Etats membres de
er
l’UNESCO au 1 octobre 2003, note 4); l’Organisation maritime internationale ⎯ OMI (voir la résolution C.72 (70) de
l’OMI du 18 juin 1993); l’Organisation internationale du travail ⎯ OIT (voir Participation de la République fédérative de
Yougoslavie à la 81 esession (1994) de la conférence internationale du travaBulletin officiel, vol. LXXVII, sérieA,
1994, p.166); l’Agence internationale de l’énergie atomique ⎯ AIEA (voir la résolution GC (XXXVI)/RES/576 de
l’Assemblée générale de l’AIEA).

71Voir par exemple les rejets par les Etats parties à la convention sur les droits de l’enfant, à la convention contre
la torture et autres peines et traiments cruels, inhumains ou dégradants, au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux, et culturels, et bien d’autres cas encore. - 60 -

6.32. Madame le président, un autre argument a été opposé à l’infirmation, sur le fondement

des éléments connus et reconnus aujourd’hui, de la position adoptée en 1996. Le demandeur a fait

observer que la vie était faite d’incohérences, et qu’il était parfaitement normal que deux arrêts

rendus à dix ans d’intervalle «lead[] if necessary, regrettable as it may be, to different, or even

72
conflicting, legal outcomes» .

6.33. Il arrive en effet que de telles cho ses se produisent; aucun système judiciaire n’est

parfait. A supposer qu’une décision ait été rendue il y a dix ans et que, dans le cadre d’une

nouvelle affaire, la Cour aboutisse à la conclusi on que des conséquences juridiques différentes

doivent être tirées du même ensemble factuel ⎯ l’affaire précédente ayant malheureusement déjà

été jugée ⎯, il n’y aurait à l’évidence rien à faire. L’affaire jugée il y a dix ans ne relève plus de la

compétence de la Cour, les juges n’ont plus aucun pouvoir sur elle, et elle ne saurait être revisée à

la lumière de ce qui est devenu connu, de ce qui est mieux connu depuis. Mais telle n’est pas la

situation dans laquelle nous nous trouvons. Ici, dans l’affaire qui nous occupe, la Cour est toujours

saisie de la question. Elle peut être tranchée à la lumière de ce qui est devenu connu, de ce qui est

désormais mieux connu. La Cour ne peut tout simplement pas faire fi de ce qu’elle sait aujourd’hui

alors que la décision définitive lui revient toujours. C’est la raison pour laquelle le principe posé

dans la décision du Conseil de l’OACI se justifie pleinement. Dans notre situation, il est

parfaitement possible de se prononcer aujourd’hui à la lumière de toutes les informations dont la

Cour dispose aujourd’hui.

6.34. Madame le président, Messieurs de la Cour, parmi les affaires en lesquelles la même

question s’est posée, les huit relatives à la Licéité de l’emploi de la force ont trouvé leur solution.

L’affaire avec la Croatie ainsi que la présente espè ce n’ont, quant à elles, pas encore été tranchées.

Les informations et les éclaircissements dont nous disposons aujourd’hui conduisent à la même

63 solution que celle qui a été retenue dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force .

La cohérence, l’identité des solu tions et l’égalité de traitement sont non seulement pleinement

justifiées, mais aussi possibles. Nous prions r espectueusement la Cour de dire que le défendeur

n’avait pas accès à elle à l’époque pertinente et de se déclarer incompétence en la présente affaire.

72
CR 2006/36, p. 22, par. 57 (Pellet). - 61 -

Madame le président, Messieurs de la Cour, je vous sais sincèrement gré de votre attention,

et je voudrais vous demander maintenant, Madame le président, de bien vouloir donner la parole à

notre agent, M. Stojanović.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Mons ieur Varady. Monsieur Stojanovi ć, vous avez la

parole.

STMO.JANOVI Ć : Je vous remercie, Madame le président.

STOr.JANOVI Ć: Thank you, Madam President.

G ENERAL CONCLUSION

1. The time has now come for a statement, as it were the general conclusion of the oral

pleadings of the delegation of Serbia and M ontenegro, and I shall now begin this general

conclusion as we have reached the end of these histor ic proceedings. Over the last two-and-a-half

months, counsel for the two opposing Parties have sought to present the evidence, to set out their

respective arguments and to question witnesses and experts. Bosnia a nd Herzegovina’s team,

consisting of eminent international lawyers, has throughout these proceedings sought to argue for a

broader interpretation of the notion of genocide. It has also stressed the view that there could be no

peace without justice.

2. For its part, Serbia and Montenegro’s tam, which it has been my honour to lead and

which is made up of eminent international lawy ers and young jurists from our country, has sought

above all to serve the cause of justice. But it has also sought to defend the very future of the Serb

people within the community of European peoples faithful to democratic traditions, which is the

only true destiny of that people. While we have denied the responsibility of our State for the

crimes imputed to it by Bosnia and Herzegovina’ s Application, we have by no means sought to

deny the fact that crimes were committed. And while we have sought to highlight the

shortcomings of the Application filed by Bosnia and Herzegovina, and also the illogicalities in the

arguments expounded by the Applicant, this does not mean that we wished to defend the deplorable

64 régime of SlobodanMilosevic, to which, more over, all the representatives of Serbia and

Montenegro in these proceedings were opposed a nd which may be characterized as one of the - 62 -

worst ordeals in our recent history. Thus, we consider that the anti-democratic, anachronistic

character of that régime cannot serve as a pretext for the opposing Party to impute all the sins of the

Balkans to one single people which, at a particular moment in its history, was subjected to the

régime of Slobodan Milosevic.

3. Madam President, let me now highlight certa in points which, in our view, are of crucial

importance and which concern the merits of this complex case.

4. During these proceedings, Serbia and Montenegro has adduced evidence ⎯ both during

our oral pleadings and through the testimony of witnesses ⎯ in support of our original hypothesis:

“no person and no evidence can prove that the G overnment of the FRY (Serbia and Montenegro)

and the Serb people had the intention of exterminating, in whole or in part, the Muslims and Croats

of Bosnia and Herzegovina” (CR 2006/40, p. 10, para. 1).

5. Our witnesses, both from Serbia and Mo ntenegro and from Republika Srpska, have

confirmed that Serbia and Montenegro did not exercise control over the authorities of Republika

Srpska, politically, militarily or financially.

6. Our witness, ProfessorDragoljub Micunovic, has shown before this honourable Court

that, in Serbia at the time, there were political forces actively working in favour of a peaceful

solution to the political conflicts in the former Y ugoslavia. As early as 1990, when the different

ethno-national communities in the former Yugoslavia also began to organize themselves militarily,

the political opposition conducted a strong campaign in Serbia ⎯ both internally and

internationally ⎯ aimed at avoiding the outbreak of war in the former Yugoslavia.

7. The political campaign conducted by the oppositio n in Serbia contributed to the failure of

the mobilization decreed in autumn 1991. This s howed that the people were opposed to war in the

former Yugoslavia. We therefore consider that this honourable Court cannot declare the State of

that people guilty of the crimes which the Appli cation filed by Bosnia and Herzegovina and the

pleadings by counsel for the Applicant would impute to it. Bosnia and Herzegovina has stressed on

65 several occasions that the present Application was not aimed at the Serb people, but at the Serb

State. However, were that State to be found guilty, it would do injury above all to the people of

that State, since it would result in their stigmatization and would have lasting historical

consequences. - 63 -

8. Our witnesses from Republika Srpska, Professor Vladimir Lukic and

ProfessorVitomirPopovic, who during the war oc cupied senior posts in the Republika Srpska

Government, have confirmed that the Republika Sr pska authorities maintained their independence

vis-à-vis the Government of Serbia and Montenegro , in the legislature, ex ecutive and judiciary.

One of the expressions of that independence was Republika Srpska’s refusal to sign the

Vance-Owen peace plan a year before the outbreak of the war, followed by the rejection, in 1994,

of the peace plan drawn up by the Contact Group, notwithstanding the steps taken by the

Government of Serbia and Montenegro to enco urage the Government of Republika Srpska to

approve those two peace plans.

9. Our witness, Mr. Dusan Mihailovic, was one of the protagonists on the political scene in

Serbia, who at the time was both a member of the Government and a member of an opposition

political party. As one of the leaders of the opposition political parties, he played a part, in 2000, in

the overthrow of the Slobodan Milosevic régime. After October 2000, he became Minister of the

Interior of the democratic Government of Serbia. He made a significant contribution to the fight

against organized crime which Serbia inher ited from the régime of SlobodanMilosevic.

Mr. Mihailovic’s integrity is therefore beyond question. And during his testimony, Mr. Mihailovic

unambiguously asserted that the Government of Se rbia did not exercise control over Republika

Srpska during the war of 1992 to 1995, and that matters relating to that war were never on that

Government’s agenda.

10. In the interests of brevity, I shall re frain from going over the statements made by

witnesses and experts again in detail. Further refe rences were made by the other members of our

delegation during their respective statements.

11. We consider that the crimes committed during the war in Bosnia and Herzegovina cannot

be imputed to the State of Serbia and Montenegro.

66 12. The Applicant has focused on the argument that the alleged genocidal acts and the plan

which allegedly existed to commit genocide are imputable to the Belgrade authorities. This point is

clearly apparent in the Reply and in the first r ound of oral pleadings. This argument was firmly

rebutted in the first round by Mr. Ian Brownlie, who put forward strong evidence in favour of - 64 -

non-imputability. Mr. Brownlie also pointed to th e lack of convincing evidence corroborating the

genocidal plan.

13. The Applicant’s attempts to denigrat e the strong evidence of non-imputability in the

second round were also refuted by the additi onal evidence produced. In the second round,

Mr. Brownlie also noted and underlined the fact th at the Applicant had ceased to invoke an alleged

genocidal plan.

14. It is our contention that the crimes committed in Bosnia and Herzegovina during the

1992 to 1995 war cannot be characterized as crim es of genocide. We have shown that the

Applicant has not demonstrated the genocidal intent which is indispensable if a State is to be

answerable for genocide. It has not demonstrat ed any plan, design or line of conduct from which

genocidal intent could be deduced. Further, the Applicant has not specified the protected group in

accordance with the criteria laid down by the Genocide Convention.

15. Once again, we would emphasize that ther e is a fundamental difference between crimes

committed by the Nazi régime (on “Kristallnacht”) and the crimes committed in Bosnia and

Herzegovina: in Bosnia and Herzegovina those crimes were committed in the course of a tragic

civil and multi-ethnic war, whereas in Germany th ere had been no question of a war between the

Nazis and the Jewish people.

16. Madam President, Members of the Court, the Applicant has endeavoured to bring the

dramatic and complex events of the previous decade down to the level of a simplistic confrontation

between “good” and “evil”; that is to say, be tween the Serbs as the “forces of evil” and the

non-Serbs as the “forces of good”. In this way, Bosnia and Herzegovina has claimed that any

decision by the Court in support of its Applicati on would be a decision for “good” and would also

have a beneficial impact on the general well-bei ng and process of democratization in the region.

Such reasoning can only be based on ignorance or a mi srepresentation of the facts, which is, in our

opinion, what the Applicant has done throughout these proceedings. I addressed this issue in

67 greater detail in Part Four of my first r ound presentation (CR 2006/15, pp. 29-31, paras. 173-179),

as well as in the sections concerning the conflict be tween the Croats and Muslims of Bosnia and

Herzegovina and among the diverse Bosnian Muslim factions (CR 2006/15, pp.31-33,

paras.180-183). It is clear that, for these c onflicts, there can be no talk of “Serbs” and - 65 -

“non-Serbs”. Our opponents have also disregarded the fact that around tenpercent of the

population of Bosnia and Herzegovina, that is almo st half a million individuals, declared their

official nationality to be “Yugoslav”. We might, consequently, put an additional question to our

opponents: within that category of the population, was it possible to distinguish the “Yugo-Serbs”

from the “Yugo-non-Serbs” and ascertain who be longed in each group? Why did our opponents

choose not to mention this significant fact? Becau se that reality does not fit into its simplified

scheme of things, in which the population of Bo snia and Herzegovina was subdivided between

“Serbs” and “non-Serbs”.

17. For another example of misrepresentation of the facts, I will cite the presentation of

Mr.vandenBiesen concerning acts perpetrated upo n the Muslim population in the territory of

Serbia. In his desire to show, at any cost, th at atrocities had been committed against the Muslims

of Serbia, Mr. van den Biesen was obliged to e ngage in some creative magnification of the notion

of Muslims. Mr.vandenBiesen thus talked of offences against the “Muslims in Kosovo”.

Evidently, the Muslims to whom the Applican t’s Deputy Agent was referring were, in fact,

Albanians. In this context, it is worth noting that a significant number of Kosovar Albanians are

Christians, so a direct equation between “Alban ians” and “Muslims” is not possible. It is,

moreover, well known that the Muslims at issue in the present case belong to an ethnic and not a

religious community. In effect, they belo ng to one of the constitutive peoples of

Bosnia and Herzegovina, now officially designated as “Bosniaks”.

18. In view of the foregoing, we clearly have to lay the stereotypes to one side. However,

those stereotypes ⎯ the “mantra”, as the Deputy Agent, Mr. van den Biesen, would put it ⎯ play a

significant role in the Applicant’s submissions and include inter alia the broadening of the Muslim

(Bosniak) category to include the Albanians.

68 19. Madam President, Members of the Court, the case before you is not a simple one in

which the truth can be ascertained with the help of stereotypes. It is one of the more complex cases

and involves crucial issues with respect to the Cour t’s jurisdiction. This case can therefore only be

resolved by a meticulous examination of the relevant points of fact and of law, not by reference to

stereotypes. - 66 -

20. Our opponents have asked this honourable Court to attribute to Serbia and Montenegro

acts which that State did not commit and to impose upon it reparations to be paid to

Bosnia and Herzegovina.

21. Madam President, as you know, Republika Sr pska, which accounts for 49 per cent of the

territory of Bosnia and Herzegovina, does not support the Application filed by Bosnia and

Herzegovina before your Court. Allow me thus, if I may, to draw your attention to the possible

negative consequences of your judgment if you were to attribute the crime of genocide to Serbia

and Montenegro.

22. We therefore respectfully ask the Court to ru le with a view to reconciliation, rather than

to a continuation of the conflict. We are entirely confident that the law will be the sole basis of

such a decision and judicial justice will thus be done in the present case.

23. Over two rounds of oral argument, Bo snia and Herzegovina’s representatives have

displayed their mastery of the sophisticated ar t of rhetoric, but theyhave shown little valid

evidence. This strange approach to such a complex case in reality reflects our opponents’

conviction that the facts were wholly undeniable and that all the Court had to do was to pronounce

judgment, declaring Serbia and Montenegro responsible for the crime of genocide.

24. Madam President, Members of the Court, a victory for us in the present case cannot, in

our view, be a cause for rejoicing. After the major tragedy that we have lived through in the

territory of the former Yugoslavia, there cannot be any cause for rejoicing on either side. On the

contrary, we have to draw the necessary lessons from what occurred and endeavour to build the

roads and bridges necessary for reconciliation and future co-operation.

69 25. Allow me lastly, if I may, Madam President , to read out Serbia and Montenegro’s final

written submissions.

FINAL SUBMISSIONS OF SERBIA AND M ONTENEGRO

In accordance with Article 60, paragraph2, of the Rules of Court, Serbia and Montenegro

asks the Court to adjudge and declare:

⎯ that this Court has no jurisdiction because th e Respondent had no access to the Court at the

relevant moment; or, in the alternative; - 67 -

⎯ that this Court has no jurisdiction over the Respondent because the Respondent never remained

or became bound by Article IX of the Convention on the Prevention and Punishment of the

Crime of Genocide, and because there is no other ground on which jurisdiction over the

Respondent could be based.

In case the Court determines that jurisdiction exists Serbia and Montenegro asks the Court to

adjudge and declare:

⎯ That the requests in paragraphs 1 to 6 of the Submissions of Bosnia and Herzegovina relating

to alleged violations of the obligations under the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide be rejected as lacking a basis either in law or in fact.

⎯ In any event, that the acts and/or omissions fo r which the respondent State is alleged to be

responsible are not attributable to the responde nt State. Such attribution would necessarily

involve breaches of the law applicable in these proceedings.

⎯ Without prejudice to the foregoing, that the relie f available to the applicant State in these

proceedings, in accordance with the appropriate interpretation of the Convention on the

Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, is limited to the rendering of a

declaratory judgment.

⎯ Further, without prejudice to the foregoing, th at any question of legal responsibility for alleged

breaches of the Orders for the indication of provisional measures, re ndered by the Court on

8April 1993 and 13 September 1993, does not fall within the competence of the Court to

provide appropriate remedies to an applicant St ate in the context of contentious proceedings,

and, accordingly, the request in paragraph 7 of the Submissions of Bosnia and Herzegovina

should be rejected.

70 Finally, I thank you, Madam President, Members of the International Court of Justice, for the

kind attention you have given to the delegation of Serbia and Montenegro during our oral pleadings

before you. Thank you.

Le PRESIDENT: Je vous re mercie, Monsieur Stojanovi ć. La Cour prend acte des

conclusions finales dont vous avez donné lecture au nom de la Serbie-et-Monténégro, tout comme

elle a pris acte, le 24avril2006, des conclu sions finales de la Bosnie-Herzégovine. Je donne - 68 -

maintenant la parole à M. le vice-président, qui a deux questions à poser aux Parties. Monsieur le

vice-président.

Le VICE-PRESIDENT : Je vous remercie, Madame le président.

Madame le président, je voudrais poser deux questions. La première est adressée aux

deux Parties, la seconde à la Serbie-et-Monténégro seulement. Ces questions sont les suivantes :

En 1996, la République fédé rale de Yougoslavie a conclu deux accords bilatéraux avec,

respectivement, la Croatie et la Macédoine et son président a fait avec le président de la présidence

de la Bosnie-Herzégovine une déclaration comm une. Certaines dispositions de ces instruments

semblent, en des termes différents, emporter reconnaissance de la continuité de la personnalité de la

République fédérale de Yougoslavie. Il sera it intéressant de connaître les commentaires que

chacune des Parties voudra bien faire sur ces dispositions.

La seconde question, adressée à la Serbie-e t-Monténégro, est la suivante: Selon la

Serbie-et-Monténégro, la République fédérale de Yougoslavie était-elle Membre de l’Organisation

des NationsUnies pendant la période allant du 27av ril1992, date à laquelle elle a vu le jour, au

19 septembre 1992, date de l’adoption de la réso lution 777 du Conseil de sécurité, bien sûr suivie

de celle de la résolution 47/1 du 22 septembre 1992 de l’Assemblée générale ?

Je vous remercie, Madame le président.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Le texte de ces questions sera communiqué aux Parties

dans les meilleurs délais et, dans le cas de la prem ière, les documents cités seront joints en annexe.

Les Parties sont priées de bien vouloir soumettr e leurs réponses écrites à ces questions d’ici au

vendredi 12 mai 2006.

Voilà qui nous amène à la fin de ces neuf semaines d’audiences consacrées aux plaidoiries

orales en l’espèce. Je tiens à adresser mes reme rciements aux agents, conseils et avocats des

71 deuxParties. Conformément à la pratique, je prierai les agents de bien vouloir rester à la

disposition de la Cour pour tous renseigneme nts complémentaires dont celle-ci pourrait avoir

besoin. - 69 -

Sous cette réserve, je déclare close la procédure orale en l’affaire relative à l’ Application de

la convention pour la prévention et la répressi on du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine

c. Serbie-et-Monténégro).

La Cour va maintenant se retirer pour délib érer. Les agents des Parties seront avisés en

temps utile de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt.

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, la séance est levée.

L’audience est levée à 13 h 25.

___________

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