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CR 2006/9 (traduction)

CR 2006/9 (translation)

Lundi 6 mars 2006 à 10 heures

Monday 6 March 2006 at 10 a.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Madame Karagiannakis, vous avez la parole.

Mme KARAGIANNAKIS :

L ES UNITES PARAMILITAIRES ,LES VOLONTAIRES ET LES UNITES ET ORGANES
DES MINISTERES DE L ’INTERIEUR DU DEFENDEUR

1. Madame le président, Messieurs de la C our, diverses forces irrégulières ont participé aux

attaques visant des non-Serbes en Bosnie. Parmi ces forces figuraient des unités connues sous le

nom de volontaires, des unités du ministère de l’intérieur de Serbie et d’autres unités paramilitaires

serbes ainsi que des unités paramilitair es serbes de Bosnie. Ce matin, j’exposerai à la Cour le rôle

joué par certains organes du défendeur dans le contrôle et le commandement de ces unités

militaires irrégulières ainsi que dans le soutien qui leur était appor té. Je parlerai également du

ministère fédéral de l’intérieur et du ministère se rbe de l’intérieur ainsi que des autres canaux par

lesquels ces forces ont participé au nettoyage ethnique en Bosnie.

A. Les volontaires

2. Dans la réplique de la Bosnie, nous avons démontré que, da ns les premiers mois de 1992,

les rangs de la JNA «serbianisée» et réorga nisée furent progressivement occupés par des

«volontaires» serbes afin de compenser la baisse du nombre de conscrits. Ces volontaires, qui

prirent part aux attaques visant la population non ser be de Bosnie, furent incorporés dans les rangs

1
de la défense territoriale ou de la JNA; armés par la JNA, ils agissaient sous son commandement .

3. Depuis que nous avons déposé notre répli que, plusieurs documents sont apparus qui

viennent renforcer ce constat et montrer que, à compter de la deuxième moitié de1991, des

«volontaires» furent formellement incorporés dans les forces armées du défendeur, notamment

dans la défense territoriale et dans l’armée yo ugoslave. Il s’agit tout d’abord du décret du

Gouvernement serbe du 14novembre 1991 relatif à l’«enrôlement de volontaires dans la défense

2
territoriale». Ce décret fut suivi des instructions relatives à l’acceptation de volontaires dans

l’armée yougoslave, publiées par le secrétariat fédéral à la défense nationale le 13 septembre 1991 3.

1
RBH, p. 477, 562, 470, 472-473.
2 o o
TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P406, onglet 13.
3Ibid., onglet 14. - 3 -

Ces instructions furent, à leur tour, complét ées par l’ordonnance relative au recrutement de

volontaires, prise par la présidence de la RFSY le 10décembre1991, dans laquelle il était stipulé

11 que les forces de la JNA et de la défense territoriale étaient renforcées par des volontaires 4. En

outre, aux termes de l’article 39 de la loi relative à la défense nationale, ég alement connue sous le

nom de loi de défense serbe, adoptée par l’assembl ée nationale de la République de Serbie le

18 juillet 1991, «en cas de menace de guerre imminent e et d’état d’urgence, la défense territoriale

5 er
peut être renforcée par des volontaires» . Le 1 octobre1991, la présidence de la RFSY déclara

l’existence d’une menace de guerre imminente, situation qui perdura officiellement jusqu’au

6
22 mai 1992 .

4. Selon Radmilo Bogdanovi ć, ministre de l’intérieur de la Serbie jusqu’en juin1991 et

président du conseil de sécurité de l’ex-Yougoslavie, le célèbre gr oupe paramilitaire connu sous le

nom d’Arkan fut, en fait, créé comme une unité de volontaires :

«Notre Parlement national adopta la loi de défense nationale, ainsi qu’un
amendement prévoyant que des unités de volontaires pouvaient être constituées et
placées sous le commandement de la JNA ou de la défense territoriale... C’est dans

ces conditions qu’Arkan fit ses débuts. Tout d’abord avec quarante volontaires, par la
suite avec des effectifs un peu plus nombreux.» 7

5. Ces «volontaires» participèrent au nettoyage ethnique de la population non serbe dans les

régions de la Bosnie revendiquées par les Serbes. A titre d’exemple, ainsi que vous l’avez déjà

entendu, des volontaires de Serbie participèrent au nettoyage ethnique de la municipalité de

Bratunac. Leur présence dans cette municipalité avait été décidée par les plus hauts dirigeants de la

8
RFSY et de la République serbe de Bosnie .

B. Les ministères serbe et fédéral de l’intérieur.

6. Les ministères serbe et fédéral de l’intéri eur ont joué un rôle capital dans le nettoyage

ethnique final de la Bosnie. Avant de décrire ce rôle, je voudrais dire quelques mots sur la manière

dont ces ministères de l’intérieur étaient organisés.

4 o
Ibid., pièce n P387, onglet 12.
5 o
Ibid., pièce n P352, onglet 24-3.
6TPIY, Le procureur c. Strugar, affaire n IT-01-42-T, pièces n P151a-1 et P203a.

7RBH, p. 616.

8CR 2006/6 (Dauban), «Nettoyage ethnique dans l’est de la Bosnie-Herzégovine», p. 21-23. - 4 -

7. L’ex-Fédération socialiste de la Répub lique de Yougoslavie comptait, à l’échelle des

républiques fédérées, six ministères de l’intéri eur, autrement appelés MUP, qui relevaient du

ministère fédéral de l’intérieur. Après la dissolu tion de la RFSY, cette structure fédérale subsista,

et il existait ainsi un MUP de la République de Serbie, un MUP de la République du Monténégro et

12 un MUP de la République fédéra le de Yougoslavie (MUP de la RFY). En mars1992, un MUP

fonctionnant à la manière du MUP d’une république fu t créé pour les Serbes de Bosnie et il reçut

9
finalement le nom de MUP de la République serbe de Bosnie . Chacun de ces ministères était

responsable de la sécurité publique et de la sûre té de l’Etat. Parmi ces ministères, le MUP de

Serbie était celui qui avait le plus de pouvoir et ses services de la sûreté de l’Etat, également

connus sous le nom de DB serbe, jouèrent un rôle essentiel dans le contrôle et le commandement de

différentes formations que l’on appelle paramilitaires et le soutien apporté à celles-ci.

Jovica Stanišić était le chef de la DB serbe et Frenki Simatovi ć le commandant de l’unité des

opérations spéciales de la DB serbe 10. Ces hommes ont tous deux été accusés d’avoir participé à

11
des attaques visant des non-Serbes en Bosnie .

8. Dans ses écritures, la Bosnie a démontré que le MUP de Serbie était un mécanisme que le

président Milošević et d’autres responsables du MUP, dont Jovica Staniši ć et Frenki Simatovi ć,

12
dirigeaient et utilisaient pour participer à des attaques visant des non-Serbes en Bosnie . Cette

mainmise sur le MUP a été très récemment confirmée par plusieurs sources.

9. Conformément aux dispositions juridiques pertinentes, le président de Serbie avait autorité

sur les forces de police et le personnel du MUP de Serbie. Conformément au paragraphe 3 de

l’article 5 de la loi de défense serbe, le préside nt de la République pouvait «ordonner de recourir à

13
la police en cas de guerre, lors d’une menace imminente de guerre et en cas d’état d’urgence» .

En outre, l’article 17 de la loi relative aux affair es intérieures de la République de Serbie, adoptée

9
CR 2006/4 (Karagiannakis), «Préparations politique et militaire», p. 18, par. 34.
10
RBH, p. 597.
11TPIY, Le procureur c. Jovica Stanišic et Frenki Simatovi ć, affaire n IT-03-69, acte d’accusation du
20 décembre 2005.

12RBH, p. 597-598, 602.

13TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P352, onglet 24-3. - 5 -

le 17 juillet 1991, disposait que, pendant un état d’urgence, le MUP devait prendre les mesures de

sécurité décidées dans les ordonnances et autres actes du président . 14

10. La Chambre de première instance en l’affaire Milošević a conclu, dans sa décision

portant sur la demande d’acquitte ment, que le président Milošević avait la mainmise en droit et en

fait sur le MUP de Serbie et ses services de sûreté de l’Etat, la DB serbe 1.

13 11. Des diplomates internationaux ont confirmé cette mainmise. Selon l’ambassadeur Okun,

lors des réunions et des négociations avec des membres de la communauté internationale, le

président Milošević était considéré comme représentant toutes les forces qui opéraient en

16
Bosnie-Herzégovine, y compris les forces paramilitaires .

12. Les différentes formes de participation des MUP serbe et fédéral en Bosnie ont été

exposées dans notre réplique, parmi lesquelles l’ approvisionnement en armes du SDS, celui d’un

MUP serbe de Bosnie ethniquement pur et la pa rticipation du MUP de Serbie à des opérations

conjointes en Bosnie 17.

13. Nous avons également démontré dans no tre réplique que le MUP de Serbie avait

participé à l’arrestation des Serbes de Bosnie qui av aient traversé la frontiè re afin d’éviter d’être

recrutés dans l’armée de la République serbe de Bosnie et à leur refoulement vers cette

18
république . Le défendeur l’a nié et a indiqué da ns sa duplique, à propos de ces assertions,

«qu’elles ne correspond[ai]ent tout simplement pas à la réalité» 19. Malgré cette dénégation, ces

mobilisations forcées ont ensuite été confirmées par ce que l’on peut voir des comptes rendus

expurgés des séances du Conseil suprême de la défe nse. Lors de sa dix-septième séance, tenue les

10 et 13 janvier 1994, celui-ci a conclu que sa

«décision d’envoyer des conscrits en République serbe de Krajina et en République

serbe de Bosnie devait être mise en Œuvre sur la base de demandes écrites émanant
des gouvernements de ces deux républiqu es. Sur demande de la police des

14Ibid., pièce n P526, onglet 21.
15 o
TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, décision portant sur la demande d’acquittement,
16 juin 2004, par. 305.
16
Ibid., par. 275 et 306.
17RBH, p. 597-612.

18Ibid., p. 609-612.

19DSM, p. 562, par. 3.2.1.3.2. - 6 -

deuxrépubliques, le MUP de Serbie-et-M onténégro trouvera les conscrits qui ne
répondent pas à la mobilisation et les enverra.» 20

14. Les ministères serbe et fédéral de l’inté rieur ont coordonné l’échange de renseignements

en étroite collaboration avec le MUP de la Répub lique serbe de Bosnie. Ils auraient échangé

quotidiennement des renseignements et auraient coordonné leurs activités conjointes. A la

e
34 session de l’Assemblée de la République serbe de Bosnie qui s’est tenue du 27août au

er
1 octobre 1993, Dragan Kijać, le ministre de l’intérieur de la République serbe de Bosnie (RS) a

indiqué que le service du MUP de la RS chargé de la sécurité nationale «échange chaque jour des

renseignements en matière de sécurité avec les services de la VRS, des Républiques de

21
14 Serbie-et-Monténégro et de la RSK [République serbe de Krajina] chargés de la sécurité» . Au

cours de cette même session, il a été dit que Mico Staniši ć, qui était le conseiller du

président Karadžić et son collaborateur, «a[vait] le devoir d’assurer la coopération entre le MUP de

Yougoslavie et notre MUP, [qu’]il a[vait] deux collègues haut placés qui s’occup[ai]ent des affaires

et [que] cela rel[evait] de son pouvoir» 22. Ainsi, ces différents MUP agissaient effectivement

comme des organes différents d’un seul Etat.

15. Le MUP de Serbie a, avec le MUP fédéra l et la JNA, largement contribué au processus

de purification ethnique en organisent, armant, équipant et entraînant ce qu’on appelle les

paramilitaires serbes 23. En effet, des forces telles que les hommes d’Arkan, les Bérets rouges et les

Scorpions faisaient réellement partie du MUP de Serbie, d’autres, telles que les forces de Sešelj,

étaient soutenues par eux et participèrent à des opérations conjointes en Bosnie.

C. Les forces du MUP de Serbie ou celles soutenues par le MUP de Serbie

i) Les Bérets rouges

16. Les Bérets rouges étaient une unité créée sous la direction des services de la sûreté de

l’Etat du MUP de Serbie (la DB serbe) 24. Dans l’affaire Milošević, le témoin protégé B-129 les a

20 e
Comptes rendus de la 17 séance du Conseil suprême de la dé fense (SDC) qui s’est tenue les10 et
13 janvier 1994, pièce n 667; TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T.
21
«L’Assemblée de la République serbe de Bosnie, 1992-1995 : temps forts et extraits» par Dr. Robert J. Donia
présenté le 29 juillet 2003; pièce P537; TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, ci-après «rapport
d’expert du Dr Donia», p. 39.

22Rapport d’expert du Dr Donia, p. 42.
23
RBH, p. 602-604, 614-625, 632-636, 784.
24 o
TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, décision portant sur la demande d’acquittement,
16 juin 2004, par. 305. - 7 -

mentionnés comme «l’unité spéciale des services de la sûreté de l’Etat» 2. L’acte d’accusation

contre Stanišić et Simatović y fait référence 26. Le président Milošević aurait lu les rapports sur les

27
activités des Bérets rouges . Les Bérets rouges prirent part à l’entraînement des hommes de

28
15 Fikret Abdić et à celui des Tigres d’Arkan . Ils participèrent à des opérations en Bosnie dont

29
certaines visaient les non-Serbes de la municipalité de Brcko .

ii)LesScorpions

17. L’unité connue sous le nom de «Scorpions» avait été déployée en Bosnie en tant qu’unité

du MUP de Serbie.

18. Leur histoire, comme celle de la gard e volontaire serbe d’Arkan et des hommes de

Šešelj, commence à Vukovar, où ils étaient menés par Slobodan «Boca» Medi ć 30 . Selon le

31
procureur du TPIY, cet épisode se déroula sous les auspices du MUP de Belgrade . En outre, les

Scorpions participèrent à l’opération spéciale appe lée «Pauk» (araignée) dont M. van den Biesen a

parlé vendredi. En fait, Bo ča et son unité spéciale sont directement mentionnés dans le journal de

cette opération 32.

19. Les Scorpions se sont fait connaître par leur présence à Srebrenica, en particulier lors du

massacre qui eut lieu dans les bois du mont Tresk avica près de Trnovo. M.vandenBiesen a, au

cours de sa plaidoirie sur Srebrenica, abordé le rôle des Scorpions et montré qu’ils constituaient

l’une des unités du ministère de l’ intérieur de Serbie, ce qui est à vrai dire mentionné dans la

réplique de la Bosnie 33. Dans l’acte d’accusation concernant Staniši ć et Simatović, il est souligné

que les Scorpions avaient «reçu l’ordre» de se re ndre, depuis la Croatie où ils étaient basés, à

25TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, témoignage de B-129 fait le 16 avril 2003, p. 19420.

26TPIY, Le procureur c. Staniši ć et Simatovi ć, affaire n IT-03-69, acte d’accusation du 20décembre2005,

par. 3.
27TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, décision portant sur la demande d’acquittement,

16 juin 2004, par. 305.
28 o
TPIY, Le procureur c. Milošević c, affaire n IT-02-54-T, témoignage de B-129 fait le 16 avril 2003, p. 19546.
29TPIY, Le procureur c. Milošević c, affaire n IT-02-54-T, témoignage de B-1405, p. 18156-18157, mentionné
o
dans TPIY, Le procureur c. Miloševi ć c , affaire n IT-02-54-T, décision portant sur la demande d’acquittement,
16 juin 2004, par. 305; RBH, p. 602-603.
30 o
TPIY, Le procureur c. Milošević c, affaire n IT-02-54-T ,témoignage de C-017 fait le 11 juin 2003, p. 22077.
31 o
TPIY, Le procureur c. Stanišić et Simatović, affaire n IT-03-69, acte d’accusation du 20 décembre 2005.
32 o o
TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P347, onglet 5a, p. 101.
33RBH, p. 607. - 8 -

Trnovo, où ils furent placés sous le commandement de FrenkiSimatovi ć, qui occupait, depuis

Jahorina, un poste de commandement conjoint en tre le MUP et la sûreté de l’Etat serbes 34. L’acte

d’accusation poursuit en indiquant que les Scorpions et d’autres unités spéciales attaquèrent les

forces bosniaques près de Sarajevo afin de les détour ner de Srebrenica et de Zepa, en prévision des

attaques planifiées sur ces enclaves 35.

16 20. Je souhaiterais examiner avec la Cour quelques documents qui confirment que cette unité

était en fait une unité du ministère de l’intérieu r de Serbie, et qu’elle participa à une opération

conjointe avec les forces du ministère de l’intérieu r de la République serbe de Bosnie (MUP RS),

au cours des mois de juin et juillet 1995.

21. Le premier de ces documents est un rapport daté du 1 erjuillet 1995, adressé par le

commandant de la police spéciale de Trnovo aux fo rces de police et au MUP de la République

serbe de Bosnie. Le document mentionne explic itement les Scorpions comme une unité du «MUP

de Serbie» agissant dans le cadre d’un groupe de combat avec des détachements de police de la RS.

e
Il y est indiqué : «Un groupe de combat constitué du 5 détachement de la police spéciale et de deux

pelotons, chacun du détachement de Kajman, les «B leus» et les «Scorpions» (MUP de Serbie) a

mené des attaques sur le relief de Lucevik.» 36

22. Cet élément est encore confirmé par un rapport, daté du 24 juillet 1995, établi au quartier

général des forces de police de Trnovo, lequel in dique: «La nuit sur le champ de bataille de

Trnovo a été calme. Les «Scorpions», une unité du ministère de l’intérieur de Serbie, ont été

37
remplacés par une escouade de réserve de la police en provenance de Banja Luka.»

23. La vidéo présentée mardi dernier a montré à la Cour les suites de Srebrenica : les forces

serbes de Bosnie répartirent les prisonniers musulm ans de Bosnie entre différentes unités serbes et

de Serbie en vue de leur liquidation. Un autobus rempli de prisonniers fut conduit jusqu’à la base

des Scorpions à Treskavica et environ quinze pris onniers de sexe masculin en furent sortis pour

être exécutés par des membres des Scorpions. C es derniers emmenèrent six des prisonniers dans

34 o
TPIY, Le procureur c. Staniši ć et Simatovi ć, affaire n IT-03-69, acte d’accusation du 20décembre2005,
par. 59.
35Ibid., par. 60.

36TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P432, onglet 16a.

37Ibid., pièce n P432, onglet 17a. - 9 -

un camion jusqu’à une zone rurale isolée à plus ieurs kilomètres de leur base. Sous le

38
commandement de Slobodan Medi ć (Bo ča), les Scorpions tuèrent les prisonniers par balle .

Cinq membres des Scorpions sont actuellement accusés de meurtre à Belgrade, dans le cadre de ces

événements. Le 21 février 2005, la presse a rapporté que l’un de ces accusés avait admis avoir pris

39
part aux meurtres .

17 iii) Les Tigres d’Arkan, également connus sous le nom de garde volontaire serbe

24. L’histoire d’Arkan et de sa garde volontaire spéciale, qui porte également le nom de

40
Tigres d’Arkan, a été longuement exposée dans notre réplique . Avant de se rendre en Bosnie,

Arkan, dont le véritable nom était Željko Ražjnatovi ć, et ses forces prirent part au nettoyage

ethnique de Vukovar en Croatie 41. Ils participèrent ensuite à l’ép isode le plus cruel du nettoyage

ethnique de non-Serbes en Bosnie. La commi ssion d’experts des NationsUnies a indiqué

qu’«aucune activité paramilitair e n’avait été rapportée en Bosn ie-Herzégovine ju squ’au début

de1992». Les premiers rapports concernaient des groupes paramilitaires soutenus par Arkan et

Šešelj, présentés comme «les groupes paramilitaires les plus actifs opérant dans toute la région du

conflit» 4. Les attaques et l’épisode de nettoyage et hnique peut-être les plus tristement célèbres

auxquels les unités d’Arkan ont participé se sont déroulés à Bijelina et à Zvornik. Les unités

d’Arkan opéraient également dans d’autres régions de la Bosnie, par exemple à Višegrad et à

Sanski Most 43.

25. L’unité d’Arkan était en fait une unité des services de la sûreté de l’Etat (DB) du

ministère de l’intérieur de Serbie. Le témoin protégé B-129, qui a témoigné dans l’affaire

Milošević, avait été secrétaire au quartier général de la garde volontaire serbe et au parti de l’unité

38TPIY, Le procureur c. Staniši ć et Simatovi ć, affaire n IT-03-69, acte d’accusation du 20décembre2005,

par. 59 et 62.
39«Un membre des Scorpions reconnaît le crime de guerre à Srebrenica», 21 février 2005, Hina, Belgrade.

40RBH, p. 616-620.

41Ibid., p. 620.
42
Ibid., p. 625.
43
Ibid., p. 626-630; CR2006/6 (Dauoan), «Nettoyage ethnique dans l’est de la Bosnie-Herzégovine», p. 17-19;
TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, décision portant sur la demande d’acquittement, 16 juin 2004,
par. 305. - 10 -

serbe à Belgrade entre 1993 et 1995. Elle a, en fa it, travaillé pour Arkan à partir de1994, mais,

dès 1993, a eu des contacts avec les Tigres et Arkan car elle partageait un bureau avec eux . 44

26. Dans son témoignage, e lle a indiqué que les hommes d’Arkan agissaient en qualité de

force de réserve du MUP ou de la DB de Serbie et, en tant que tel, Arkan et Frenki Simatovi ć, qui

commandait l’unité des opérations spéciales de la DB serbe, étaient fréquemment en contact. Alors

que Simatovi ć dirigeait les opérations auxquelles partic ipait Arkan, il fut amené, pour prendre

certaines décisions, à demander des autorisations auprès de Jovica Staniši ć, le chef de la DB

serbe 4. Le traitement médical des hommes d’Arkan était pris en charge par la DB et la

46
correspondance officielle y relative était classée avec celle des forces de réserve du MUP .

27. Le témoin B-129 a décrit l’une des opérati ons à laquelle Arkan a participé avec la DB
18

serbe quand ils partageaient un poste de commandement à Treskavica, près de Sarajevo. Au cours

de cette opération, des Musulmans furent faits pris onniers et furent soumis à des actes de torture,

notamment à des agressions sexuelles 4. Arkan et ses hommes étaient payés par la DB serbe,

généralement en espèces qui étaient déposées au quar tier général ou qu’ils venaient chercher. Il

arrivait parfois que la somme atteigne entre trois et quatre millions de Deutschemarks, de l’argent

fraîchement imprimé et sortant juste de l’hôtel des monnaies 48.

28. Le témoin B-129 a été très clair en ce qui c oncerne l’autorité sous laquelle opéraient les

Tigres :

«Chaque fois que la sûreté de l’Etat (la DB) n’avait pas assez d’hommes pour le

front, elle prenait certains membres de la garde volontaire serbe. Et si elle n’avait pas
assez d’hommes pour tenir telle ou telle position, elle engageait alors des membres de

la garde volontaire serbe. Le plus important à cet égard est que la garde ne pouvait
rien faire d’elle-même, elle ne pouvait rien faire sans la permission de la DB de
Serbie. Et, pour ce qui est du front, ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient.» 49

29. Ce témoignage démontre, tout d’abord, qu e la sûreté de l’Etat du MUP de Serbie veillait

à avoir suffisamment d’hommes sur le front, lequel, à cette époque, ne pouvait être qu’en Bosnie.

44TPIY, Le procureur c. Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, témoignage de B-129 fait le 16avril2003,
p. 19417-19418,
45
Ibid., p. 19446.
46
Ibid., p. 19450.
47Ibid., p. 19479-19480,.

48Ibid., p. 19454.

49Ibid., p. 19445. - 11 -

Il démontre ensuite que les forces d’Arkan furent déployées en Bosnie et, enfin, que les forces

d’Arkan étaient subordonnées aux services de la sûreté de l’Etat du MUP de Serbie.

iv) Les paramilitaires de Šešelj

30. L’une des forces paramilitaires les plus activ es parmi celles qui opéraient en Bosnie était

celle de Vojslav Šešelj. Il a été accusé par le Tribunal d’avoir participé aux attaques portées contre

la population non serbe de Bosnie et attend actuellement son procès à La Haye . Dans sa réplique,

la Bosnie a traité de manière détaillée des activit és menées par cette force en Bosnie, examinant en

particulier le soutien reçu par les forces de Šešelj des ministères serbe et fédéral de l’intérieur, du

président de la Serbie et de la JNA. Ces forces participaient en effet à des actions conjointes avec

le ministère de l’intérieur de la République serbe de Bosnie 5.

19
v)Rapports entretenus par les forces spéciales du MUP de Serbie et les forces
paramilitaires qui y étaient associées avec l’armée pendant les opérations

31. Selon la commission d’experts des Nations Unies, la JNA et les paramilitaires furent

déployés ensemble dans les municipalités «situées dans l’arc de cercle stratégique que v[oulai]ent

tracer les Serbes pour réunir toutes les populations serbes de Bosnie-Herzégovine et de Croatie au

sein d’un Etat serbe ne présentant pas de soluti on de continuité». Lors de ces attaques, ces unités

firent office d’infanterie pour la JNA, qui fournissait l’artillerie et les blindés et assurait le

commandement. 52

32. Quand Arkan et son unité participaient à des opérations en Croatie, c’était sous le

commandement de la JNA. Arkan a indiqué que, en particulier pendant le siège de Vukovar, ses

hommes étaient commandés par la JNA 53. Dans une pièce produite en l’affaire Milošević, intitulée

«Accord pour la participation de l’unité de Z. Ražnatovi ć dans la défense de Petrijna» et datée du

25 novembre 1991, il est indiqué que l’unité d’Arka n devait participer au combat sur les positions

50 o
TPIY, Le procureur c. Šešelj, affaire n IT-03-67, acte d’accusation modifié corrigé, 15 juillet 2005.
51RBH, p. 620-636 et 602-604; voir également TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, décision

portant sur la demande d’acquittement, 16 juin 2004, par. 306.
52RBH, p. 625-626.

53RBH, p. 620. - 12 -

de la JNA et de la défense territoriale dans cette municipalité de Croatie, que son unité ferait partie

du 622 bataillon motorisé de la JNA et qu’elle serait placée sous le commandant de celui-ci . 54

33. Le général Pani ć a confirmé le lien opérationnel ex istant entre les paramilitaires et

l’armée. Dans une interview qu’il a donnée à la BBC pour la série «Death of Yugoslavia», il a

indiqué que, dans le cadre des opérations menées dans la région de V ukovar, «[t]outes ces

formations ⎯ les Tigres d’Arkan et les Tchetniks de Šešelj ⎯ étaient sous [s]on commandement.

Ceux qui voulaient agir de manière indépendante étaient retirés de cette région, désarmés et

renvoyés chez eux.» 55

34. Dans une interview télévisée réalisée pa r Brent Sadler pour CNN pendant la crise du

Kosovo et après que l’acte d’accusation à son encontre eut été rendu public, Arkan confirma la

participation de ses paramilitaires, les Tigres, aux guerres de Bosnie et de Croatie. Il poursuivit en

disant: «A l’époque, en1991, quand la guerre, la guerre civile en Yougoslavie, a commencé,

j’étais du côté de l’armée serbe. Je n’avais aucun groupe, ni armée propre, j’étais, à cette époque,

56
sous le commandement de l’armée yougoslave, défendant mon pays.»

20 35. Lorsque les Tigres d’Arkan furent déployés en Bosnie avant que la JNA ne devienne la

VRS, ils étaient sous commandement militaire, ainsi que l’a affirmé le 13 mai 1992 le général

e
Mladić, alors commandant du2 district militaire de la JNA, au cours d’une conversation

téléphonique interceptée: lorsqu’un dirigeant local du SDS de la municipalité d’Ilidža, dans

l’agglomération de Sarajevo, lui a fait part de la présence de quelques hommes d’Arkan dans la

municipalité et a demandé à Mladic si «ils ét aient sous [leur] commandement», ce dernier a

répondu : «Tous ceux qui sont sous les armes sont sous mon commandement…» 57

D. Les formations paramilitaires serbes de Bosnie

36. Les paramilitaires serbes de Bosnie coopéraient également avec les formations

paramilitaires de Serbie, la JNA et le parti démocratique serbe lors des attaques visant la population

civile non serbe de Bosnie. Il y a très peu de temps, dans l’affaire Brdjanin, la Chambre de

54TPIY, Le procureur c. Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P352, onglet 172a.

55Ibid., pièce n P596, onglet 14.

56Interview de Zeljko Ražjnatovi ć («Arkan») par Brent Sadler de C NN, 31mars1999, soumis à la Cour
le 16 janvier 2006 par la Bosnie-Herzégovine dans le DVD n3.
57
Conversation téléphonique du 13 mai 1992 interceptée entre Unkovi ć et Ratko ladi ć
(ET 0322-0204-0322-0205.doc) sur le site http://www.domovina.net/tribunal/page_006.php. - 13 -

première instance a examiné leurs activités dans l es treize municipalités de la Région autonome de

Krajina (RAK), dans le nord-ouest de la Bosnie . 58

37. Cette Chambre de première instance a c onclu que, au printemps 1992, plusieurs groupes

paramilitaires serbes avaient été c onstitués en Bosnie ou étaient arrivés de Serbie. Certains de ces

groupes étaient entraînés et équipés par la JNA et étroitement associés à celle-ci ou au SDS. Leur

existence et leur entraînement ont tout d’abord été tenus secret. Les paramilitaires suscitaient une

atmosphère de peur et de terreur parmi les habitants non serbes de la Krajina bosniaque, en

commettant des crimes ⎯ viols, meurtres, pillages et destruction de biens ⎯ contre les Musulmans

et les Croates de Bosnie. Des groupes paramilitair es serbes participèrent également aux opérations

de combat du premier corps de Krajina dans toute la Région autonome de Krajina. Il s’agissait

d’un corps de la JNA (devenue VRS).

38. Dans l’affaire en question, la Chambr e de première instance a été convaincue de

l’utilisation par l’armée et le SDS des groupes paramilitaires comme outil opérationnel ayant aidé à

prendre le contrôle du territoire revendiqué pour l’Etat serbe de Bosnie et à en expulser

définitivement la plupart des non-Serbes.

21 39. A partir de la mi-juin1992, des groupes paramilitaires en Bosnie furent formellement

incorporés dans la structure de l’armée serbe de Bosnie (VRS) et placés sous le commandement de

celle-ci. Cette intégration formelle survint par suite de la décision interdisant, sur le territoire de la

République, la création de groupes armés et toute activité de groupes et individus armés qui ne

seraient pas placés sous le commandement commun de l’armée et de la police. Cette décision avait

59
été adoptée le 13 juin 1992 par la présidence de la République serbe de Bosnie .

40. La Chambre de première instance a donné, dans l’affaire Brdjanin, deux exemples de

groupes paramilitaires serbes de Bosnie ayant effe ctivement été incorporés dans la VRS. Le

premier est celui des SOS ou Forces de défense serbes. La création et l’action des SOS furent

orchestrées par le SDS ⎯c’est-à-dire le parti démocratique serbe. Ce groupe paramilitaire

58 TPIY, Le procureur c. Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, 1 septembre 2004, par. 97 et 100, 226-228 (général);
98-99, 102, 114, 227, 288 (SOS (Forces de défense serbe), paramilitaires); 109, 865 et 228 note de bas de page 624 (les
Loups de Vučak, paramilitaires).

59 DSM, p. 569, par. 3.2.2.4; TPIY, Le procureur c. Brdjanin , affaire n oIT-99-36-T, jugement,
1erseptembre 2004, par. 97 et 228 (général). - 14 -

participa aux attaques visant les populations non serbes des municipalités de Banja Luka et

Sanski Most. L’autre groupe incorporé dans l’armée fut celui des Loups de Vu čak, commandé par

Veljko Milanković. Ce groupe local de paramilitaires serbe de Bosnie opérait dans la municipalité

de Prnjavor, dans laquelle il par ticipa à l’attaque contre les non-Se rbes du village de Lišnjia. Ces

groupes furent incorporés dans la 327 brigade motorisée du premier corps de Krajina en juin 1992.

Non seulement ce groupe paramilitaire serbe de Bosnie fut intégré dans l’armée, mais le

commandement de celle-ci recommanda que le chef de ce groupe soit décoré 60.

E. Conclusions

41. Les MUP serbe et fédéral ont aussi pris pa rt aux événements de Bosnie de différentes

façons ⎯en approvisionnant en armes le SDS et le MUP serbe de Bosnie, en participant à des

opérations conjointes en Bosnie, en procédant à la mobilisation forcée de Serbes de Bosnie en

Serbie-et-Monténégro et en coopérant étroitement avec le ministère de l’intérieur de la République

serbe de Bosnie.

42. Si plusieurs formations irrégulières ont participé aux attaques contre les non-Serbes en

Bosnie, elles n’étaient ni indépendantes ni incontrô lées. La JNA et le MUP de Serbie ont joué un

rôle essentiel dans leur armement, leur équipement et leur entraînement. Dans de nombreux cas

22 connus, elles avaient en fait été constituées en unités des services de la sûreté de l’Etat du ministère

de l’intérieur de Serbie, coopéraient avec ce dern ier, ou encore, étaient constituées de volontaires

qui avaient été incorporés dans la défense territo riale ou la JNA. Enfin, lorsque ces forces

participaient à des opérations, elles étaient généralement placées sous commandement militaire.

43. Madame le président, Messieurs de la Cour, je conclus ainsi ma plaidoirie sur le sujet.

Avec la permission de la Cour, l’intervenant suivan t, M. Torkildsen, traitera du lien financier entre

la RFY, la République serbe de Bosnie et la Ré publique serbe de Krajina. M.Torkildsen est

diplômé de l’université de Manchester, où il a obtenu un B.Sc. en gestion, et de la City University

Business School (M.Sc.). Il a été pendant dix ans conseiller principal et enquêteur financier à

l’office de répression des fraudes de Norvège. Il a également travaillé en tant qu’enquêteur

60TPIY, Le procureur c. Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, jugement, 1 septembre 2004, par. 97 et 100, 226-228
(général); 98-99, 102, 114, 227, 288, 1126 (SOS (Forces de dé fense serbe), paramilitaires); 109, 865 et 228 note de bas
de page 624 (les Loups de Vučak, paramilitaires). - 15 -

financier pour le bureau du procureur du TPIY en l’affaire Milošević et, sur la base de son

expérience et de ses qualifications, a été admis à té moigner en tant qu’expert dans la présente

procédure. Il est actuellement associé dans un cabinet norvégien spécialisé dans les enquêtes

financières.

44. Madame le président, je voudrais vous prier de donner la parole à M. Torkildsen.

Le PRESIDENT : Je vous remercie Madame Kara giannakis. Je donne à présent la parole à

M. Torkildsen.

M. TORKILDSEN :

L’INTERDEPENDANCE FINANCIERE

Introduction

1. Madame le président, Messieurs de la C our, dans mon exposé de ce matin, j’aborderai

plusieurs sujets qui concernent tous, directement ou indirectement, la manière dont Belgrade a, au

cours de la période 1992-1995, dominé financièreme nt les structures gouvernementales serbes, tant

en Kraïna serbe que dans ce que l’on a appelé la Republika Srpska. Pour commencer, je montrerai

à la Cour pourquoi Belgrade a précisément eu recours aux sources de financement qu’elle a

utilisées. J’expliquerai ensuite co mment les officiers de l’armée serbe de Bosnie, la VRS, sont,

tout au long de la période allant de sa création, le 20 mai 1992, jusqu’à récemment, demeurés sous

la tutelle financière directe de l’armée de la République fédé rale de Yougoslavie, la VJ.

J’expliquerai comment Belgrade a financé les troi s armées, c’est-à-dire non seulement celle de la

23
République fédérale de Yougoslavi e, mais aussi celles des Serbes de Bosnie et de la Republika

Srpska Krajina. J’expliquerai en outre la mani ère dont les économies ont été intégrées à travers la

création d’une entité économique unique englobant la République fédérale de Yougoslavie, la

Republika Srpska et la Republika Srpska Krajina. Je démontrerai l’importance de cette entité, qui a

été entièrement mise en place et entièrement cont rôlée par Belgrade. Dans ma conclusion, je

résumerai et énumérerai les aspects les plus importants de ce vaste montage financier réalisé par

Belgrade, ainsi que les conclusions que l’on peut en tirer. - 16 -

2. Il convient de noter que le financement de la Republika Srpska par Belgrade s’est effectué

dans le plus grand secret, comme le démont rera la présentation de divers documents ⎯ tous

publics. La manière dont ce financement a été e ffectivement réalisé n’a pparaîtra clairement que

lorsque ces documents auront été replacés dans leur contexte et que les liens entre eux auront été

mis en lumière. Le financement des officiers de l’armée serbe de Bosnie ne ressort pas directement

de documents publics.

3. Par souci de clarté, j’ai converti plusieurs chiffres figuran t dans les différents documents

que je vais examiner en deutschemarks, en u tilisant le taux de change officiel de l’époque

pertinente. Le deutschemark était en effet, à l’é poque, la devise étrangère la plus courante et la

plus communément utilisée dans la région. P our se faire une idée de ce que représentent ces

montants en euros, il convient d’indiquer que, lorsque l’euro a été introduit, un deutschemark valait

environ cinquante centimes d’euro. Ainsi, di x millions de deutschem arks équivalaient à

cinq millions d’euros, l’abréviation habituelle du deutschemark étant DEM.

Le service commun de paiement (SDK)

4. Le service commun de paiement, également traduit par service commun d’audit, a joué un

rôle central dans le fonctionneme nt de la fédération monétaire entre les régions contrôlées par les

Serbes. Il s’agissait d’un système de paiement utilisé au sein de la République socialiste fédérative

de Yougoslavie (RFSY) pour les transferts de fonds à l’intérieur des Républiques de la fédération

et des deux régions autonomes, et entre elles. Au début des années quatre-vingt-dix, le service

commun a permis à la fois de faciliter les paiements et de superviser les transactions financières.

Le service commun de paiement f onctionnait déjà bien avant la di ssolution de la RFSY. Lorsque

cette dissolution a commencé, les régions de Croa tie et de Bosnie-Herzégovine contrôlées par les

24 Serbes ont veillé à conserver les liens existant en tre les parties bosno-serbes du système SDK et le

système SDK de la République fédé rale de Yougoslavie (RFY) et de la Republika Srpska. Il était

important que ces liens subsistent afin de faciliter la poursuite des transferts de fonds. Faute de

système de paiement en état de fonctionnement, la monnaie fiduciaire aurait été le seul moyen

d’effectuer les paiements. Par conséquent, le système SDK était d’une importance cruciale pour les

régions de Croatie et de Bosnie -Herzégovine contrôlées par les Se rbes, et pour leur capacité à - 17 -

recevoir des financements de la RFY et de la Re publika Srpska. Les émissions primaires allouées

par la Banque nationale de Y ougoslavie aux régions de Bosnie -Herzégovine et de Croatie

contrôlées par les Serbes étaient créditées sur leur s comptes respectifs via le service commun de

paiement. Le terme «émissions primaires» signifie en substance que l’on faisait marcher la planche

à billets. J’expliquerai ceci plus en détail dans la suite de ma plaidoirie.

5. Dès le début de la dissolution de la RFSY , les dirigeants des régions de Croatie et de

Bosnie-Herzégovine contrôlées par les Serbes ont co mpris l’importance qu’il y avait à prendre les

rênes du service commun de paiement dans les zones sur lesquelles ils cherchaient à établir leur

autorité. Dans un discours prononcé à l’occasion du plébiscite du peuple serbe du

er 61
1 novembre 1991, Radovan Karadžić encourage les Serbes de Bosnie et les prépare aux actions

devant être entreprises, tout en soulignant l’importance qu’il y a à prendre le contrôle du service

commun de paiement :

«Tenez-vous prêts à prendre résolument le pouvoir au sein du SDK. Ce que
j’entends par là c’est d’y nommer des hommes à vous. Préparez (le terrain),
commencez par leur parler, demandez-leur s’ils sont disposés à collaborer dans une

période de vide juridique, en respectant le cadre législatif et règlementaire que vous
définirez pour eux, en votre qualité d’administration locale.» [Traduction du Greffe.]

6. L’importance de la prise de contrôle du service commun de paiement est ainsi mise en

avant, et cette prise de contrôle aura lieu quelques mois plus tard. Ainsi, comme en témoignent les

minutes d’une réunion conjointe du conseil de sécurité nationale et du Gouvernement de la

République serbe de Bosnie-Herzégovine, réunion tenue le 15avril1992 (et à laquelle assistaient

Karadžić et Krajišnik), il fut décidé d’«adresser un e demande au gouverneur de la SRJ (Banque

nationale de Yougoslavie) afin qu’il fournisse des liquidités à hauteur de cinq mille millions de

dinars (vingt-cinq millions de deutschemarks) et les transfèr e au service commun d’audit de

Sokolac (SDK)» 62[traduction du Greffe] . A l’évidence, il était important pour les dirigeants

25 serbes de Bosnie de contrôler le transfert de telles sommes d’argent.

61TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce C4346, ERN BCS 0027-0632,
traduction, p. 2.

62TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54, pièce n B3292, traduction, p. 2. - 18 -

La RFY a versé les salaires des officiers de la VRS à partir de 1992

7. Il est de notoriété publique, et il a déjà été établi à plusieurs reprises, que la solde des

officiers de la VRS était intégralement payée pa r la République fédérale de Yougoslavie. De

nombreux documents mentionnent le fait que ces offi ciers furent rémunérés par Belgrade dès la

création de la VRS, le 12 mai 1992. Au début de la guerre, les officiers étaient payés par les voies

normales de l’armée de la RFY (la VJ), ce qui signifie qu’il n’existait pas de modalités particulières

pour le versement de la solde de ces officiers; à partir du 15 novembre 1993 et après cette date, ces

sommes furent versées et gérées par le centre du pers onnel de la VJ dont relevaient ces officiers, à

savoir le trentième centre, spécifiquement créé à l’intention des officiers de l’armée de la RS. C’est

ce que montreront les documents que j’évoquerai au cours de mon exposé.

8. Comme nous l’avons déjà indiqué, la J NA fut rebaptisée tant en Krajïna serbe qu’en

RepublikaSrpska Krajina, mais les officiers qui servaient sous ces nouvelles bannières n’étaient

pas payés sur les budgets de la RepublikaSrpska ou de la RepublikaSrpska Krajina: ils

continuaient à figurer sur les rôles de la JNA, puis de la VJ. Dans le discours prononcé par le

général RatkoMladi ć devant l’Assemblée de la RepublikaSrpska les15 et 16avril1995 est

présenté l’inventaire des armes et autres équipe ments utilisés par la VRS du début de la guerre

jusqu’au 31décembre1994, assorti de cette précisio n concernant les salaires des officiers et des

civils: «Depuis le début de la guerre, la RS n’a pas participé au financement des membres de

63
l’armée de métier.» [Traduction du Greffe.]

9. Cette déclaration de RatkoMladi ć confirme un rapport daté d’avril1993 et intitulé

«Analyse de l’état de préparation au combat et d es activités de l’armée serbe de Bosnie en 1992».

Ce rapport, établi par le commandement en chef de l’armée de la RS, décrit trois étapes dans la

«Planification du développement et du financement de l’armée de la VRS» au cours de la période

64
26 allant du 20 mai 1992 au 28 février 1993 . Il indique qu’au cours de la première étape, c’est-à-dire

du 20mai1992 au 30juin1992, «les financements étaient assurés pour l’essentiel à partir des

ressources dont disposaient les unités de la JNA» [traduction du Greffe]. Le rapport se poursuit en

précisant qu’au 30juin1992, le financement de l’armée serbe de Bosnie dans son ensemble se

63TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce noC4920, ERN 0084-5813;

traduction ERN L000-4907.
64TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n C4712, p. 127-132. - 19 -

limitait aux «dépenses en personnel (salaires et prim es) des officiers, sous-officiers, soldats sous

contrat, et employés restés au service de l’armée de la RepublikaSrpska ou ayant quitté

l’ancienne JNA pour la rejoindre» [traduction du Greffe].

Le rapport indique expressément que ces officiers et autres membres du personnel

«demeurent sous la tutelle de la République fédérale de Yougoslavie» [traduction du Greffe] .

Prétendre que le financement intégral de la VRS par Belgrade aurait pris fin le 30 juin 1992 est une

contre-vérité. En réalité, ce financement s’est poursuivi, mais d’une manière plus discrète,

Belgrade apurant les déficits budgétaires de la RepublikaSrpska. J’expliquerai ce procédé

ultérieurement dans mon exposé.

10. Même si les officiers et certains autres membres du personnel de la VRS et de l’armée de

la RepublikaSrpskaKrajina continuèrent à être rémunérés par Belgrade après le 20mai1992, cet

arrangement ne fut pas entièrement forma lisé avant une date avancée de 1993. Le

15novembre1993, sur une instruction du préside nt de la RFY du 10novembre1993, le chef

d’état-major de la VJ, Momčilo Perišić, ordonna la création des trentième et quarantième centres du

personnel. Ces deux centres administratifs étaient appelés à veiller aux besoins des officiers et des

autres membres du personnel servant respectivemen t dans la VRS et dans l’armée de la

Republika Srpska Krajina 6.

11. Bien que l’ordre eût été donné aux memb res serbes de l’armée populaire de Yougoslavie

(la JNA) nés en Bosnie-Herzégovine de s’y dépl oyer, l’armée de la RepublikaSrpska (la VRS)

avait encore constamment besoin de nouveaux effectifs. L’armée de la RFY (la VJ) aida également

la VRS sur ce plan en offrant des avantages aux officiers de la VJ qui se portaient volontaires pour

servir dans les rangs de la VRS. Ces officiers bénéficiaient notamment de conditions de retraite

favorables. Cet arrangement est explicité dans un document daté du 6août1994 et diffusé par le

commandement du deuxième corps de la Krajïna de l’armée serbe de Bosnie :

27 «Le commandement du trentième centre du personnel de l’état-major de la VJ et

le commandement en chef de l’armée de la RepublikaSrpska nous ont communiqué
les explications suivantes en vue d’organi ser le système d’accumulation des droits à
pension à un taux double pour les soldats de métier (officiers de métier, sous-officiers

de métier, officiers sous contrat, etc.). Chaque unité du deuxième corps de la Krajïna
et de la VRS (armée de la RepublikaSrps ka) n’est autorisée à délivrer des certificats

65 o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n B10955. - 20 -

que pour la période débutant le 20mai1992. Il est demandé aux personnes ayant
participé à la guerre avant cette date de remplir une demande comportant des
indications précises quant à leurs lieux et unités d’affectation stationnaire, leurs

supérieurs hiérarchiques et les lieux où se trouvaient leurs unités, et de joindre à leur
demande tous les documents en leur possession permettant de confirmer ces
informations. Nous vous demandons une fois rassemblé l’ensemble des demandes,

certificats et autres justificatifs, de les transmettre à ce commandement (2KK) et au
commandement du trentième KC (centre du personnel), lequel délivrera des certificats
aux fins de valider l’accumulation d es droits à pension à un taux double.» 66

[Traduction du Greffe.]

12. La solde des officiers et des sous-officiers de la VRS continua à être versée par la RFY

jusqu’en2002, ainsi que le montre un article intitu lé «The Future of the Army of the Republic of

Srpska» («L’Avenir de l’Armée de la Republika Srpska») publié par l’agence de presse VIP de

67
Belgrade le 5 septembre 2002. L’article indique que ce système a pris fin le 28 février 2002 .

13. Le 29décembre2005, les médias de Be lgrade indiquaient encore que RatkoMladi ć,

après avoir pris sa retraite le 28février2002, av ait continué à se voir verser sa pension par le

trentième centre du personnel jusqu’en novembre 2005. Autrement dit, Belgrade a, selon ces

sources, poursuivi son aide financière pendant plus de dix ans après le massacre de Srebrenica. Le

trentième centre du personnel a cessé de fonctionne r en novembre2005; nous n’avons pas été en

mesure d’établir si sa mission avait été poursuivie par d’autres services de l’Etat du défendeur et, le

cas échéant, de quelle manière.

Le financement des armées (la JNA, la VJ, la VRS et la SVK)

et de la Republika Srpska en tant que tel

La manière dont les émissions primaires de Belgrade ont été utilisées pour financer les

armées et les autres besoins de la RFY, de la RS et de la RSK

14. Outre les rémunérations directement versées aux officiers de l’armée serbe de Bosnie, les

budgets de la Republika Srpska et de la Republika Srpska Krajina furent, au cours des années 1992

et 1993, presque intégralement financés par Belgrade.

28 15. Avant le début de la dissolution de la R FSY, la JNA était financée sur le budget de cette

république. Les recettes de ce budget provenaie nt des droits de douanes et des taxes à

l’importation, des contributions des six républiqu es socialistes et des deux provinces autonomes,

66TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n P643 onglet n 1, rapport d’experts,

équipe d’analyse militaire auprès du bureau du procureur, Theunes et Borelli, p. 35.
67TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n C5353, F104-4444. - 21 -

ainsi que des prêts accordés par la Banque na tionale de Yougoslavie, la BNY. En1991,

l’aggravation de la situation en RFSY pesa sur le budget, et particulièrement sur les recettes. Dans

une proposition du conseil exécu tif fédéral en date du 21juillet1991 concernant les ressources

budgétaires minimales nécessaires de la RFSY pour la période allant de juillet à septembre 1991, il

est indiqué que les besoins de la JNA s’élèvent al ors à 17,8 milliards de dinars, soient 1,4 milliard

de deutschemarks, sachant que le budget total de la RFSY était, pour la même période, de

26,8 milliards de dinars. Autrement dit, la JNA absorbait 66 % du budget total. La proposition se

poursuit par une estimation selon laquelle la Ba nque nationale de Yougosla vie doit financer 52 %

du budget total. Le document i ndique en outre que les sommes appelées à être versées par la

Banque nationale de Yougoslavie doivent êt re financées par des émissions monétaires 68.

L’augmentation de la part du bud get allouée à la JNA en1992 et la disposition prévoyant son

financement par des émissions monétaires sont deux des raisons de la démission, le

69
20 décembre 1991, d’Ante Marković, le dernier président croate de la RFSY .

16. Compte tenu de la diminution des recette s budgétaires de la RFSY , le moyen le plus

réaliste de financer la JNA était de recourir à l’ emprunt. D’ordinaire, et à la différence de ce qui

s’est effectivement passé, les Etats qui souha itent ou doivent combler un déficit budgétaire ont

recours soit à l’émission d’obligations, soit à la privatisation de sociétés publiques. Tel ne fut pas

le cas de la RFSY. Ses dirigeants serbes dési gnèrent la Banque nationa le de Yougoslavie comme

unique bailleur de fonds. Une fois encore, la Ba nque nationale de Yougosla vie fut contrainte de

financer ses prêts au budget fédéral par des «émissions primaires». Une émission primaire consiste

soit en la création de monnaie, soit en crédits accordés par la Banque nationale. Dans le cas

présent, les émissions primaires de la Banque nati onale de Yougoslavie consis tèrent à inscrire des

lignes de crédit au budget de la RFSY à l’inten tion de la JNA. Selon les documents dont nous

disposons, dont les minutes d’une réunion de la présidence de la R FSY tenue le 21août1991, la
29

Banque nationale de Yougoslavie émettait du papier-monnaie deva nt être prêté à la RFSY,

70
essentiellement en vue de financer la JNA .

68TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosević, affaire n IT-02-54-P, pièce n C168.

69Ibid., pièce n C4911.

70Ibid., pièce n C4274 ⎯ pièce admise n 328 ⎯ onglet n 26. - 22 -

Le PRESIDENT: Monsieur Torkildsen, puis-je vous interrompre un instant? Des divers

documents sur lesquels vous vous appuyez, celui-c i est le premier sur lequel figure la mention

«pièce admise». Pourriez-vous expliquer à la Cour la différence qu’il y a entre une «pièce» et une

«pièce admise» ?

M. TORKILDSEN: Madame le président, tous les documents que je vous présente

aujourd’hui, à l’exception de deux ou trois, ont été considérés comme admis dans le cadre des

poursuites contre Slobodan Miloševi ć devant le TPIY, et ils sont tous accessibles au public. Je

regrette qu’il soit indiqué en note de bas de pa ge que certains d’entre eux ont été admis, ce qui

laisserait penser que d’autres ne l’ont pas été. En effet, ils ont tous été rendus publics par le TPIY.

Le PRESIDENT : «Admise» ne signifie donc pas «approuvée» ?

M. TORKILDSEN : Non.

Le PRESIDENT : Je vous remercie.

M. TORKILDSEN :

17. La «loi sur le financement prévisionnel des besoins de la Fédération en1991» était

inscrite à l’ordre du jour de la cent quarante-troisième session de la présidence de la RFSY, tenue le

er
1 octobre 1991. Cette loi fut ratifiée par la préside nce, qui ajouta que, en attendant que les crédits

soient approuvés, la Banque na tionale de Yougoslavie pouvait ver ser des avances à la Fédération

pour financer la JNA. Dans le texte des minutes de cette réunion, il est notamment indiqué que,

«jusqu’à ce que les crédits soient approuvés de la manière décrite au paragraphe 2 du

présent article, la Banque nationale de Yougoslavie est autorisée à consentir des
avances à la Fédération pour financer l’ar mée nationale de la Yougoslavie…La
présidence de la RFSY a décidé de recommander à la Banque nationale de
30
Yougoslavie, en attendant que les conditions 71adoption de la loi soient réunies,
d’accorder des avances pour financer la JNA…» [Traduction du Greffe.]

18. Cette décision démontre que le pouvoir politique, qui se réduisait à l’époque à ce que

l’on a appelé la «présidence croupion», avait pris la direction effective de la Banque nationale de

Yougoslavie. Ce processus a été décrit ultérieurement par Mladan Dinki ć . M. Dinkić est devenu

71 o
Ibid., pièce n C4313; ERN 0050-1747. Traduction ERN L006-4205/06.
72Dinkić, Ekonomija destrukcije : Velika pljacka naroda, Belgrade, 1996, ISBN 868257103X. - 23 -

gouverneur de la Banque nationale de Y ougoslavie après la chute de Milosevi ć, et a occupé ce

poste de 2000 à 2003. Il explique qu’

«à l’automne 1991, les dirigeants serbes ont pris le contrôle total de la politique
monétaire de la Yougoslavie. La NBJ [c’est-à-dire la Banque nationale de

Yougoslavie] n’est demeuré l’institut m onétaire central que sur le papier.
Naturellement, on s’est bien gardé de rendre ceci public puisque l’objectif principal
était de permettre aux autorités de la Ré publique de conduire la politique monétaire
73
dans le plus grand secret…» [Traduction du Greffe.]

M. Dinkić relève en outre : «Il est assez clair que l’ Etat, ou plutôt le parti au pouvoir, exerçait un

monopole total sur l’émission monétaire. La NBJ créait formellement de la monnaie en approuvant

les crédits accordés à des Banques et client s directs au titre de l’émission primaire.» 74 [Traduction

du Greffe.]

19. Comme nous l’avons déjà dit, les émi ssions primaires de la Banque nationale de

Yougoslavie étaient également nécessaires au fi nancement de l’armée yougoslave, et furent

utilisées à cette fin. Par ailleurs, dans les ann ées 1992 et 1993, cette méthode consistant à utiliser

les émissions primaires pour financer les déficits budgétaires fut employée par les dirigeants serbes

de Belgrade pour financer non seulement leur pr opre budget, mais aussi ceux de la RS et de la

RSK.

20. La question se pose alors de savoir comment la Republika Srpska et la Republika Srpska

Krajina utilisèrent ces émissions primaires dont e lles furent bénéficiaires. En résumé, ces

paiements furent utilisés pour financer leurs défic its budgétaires. Une grande partie des dépenses

budgétaires de la RS et de la RSK servait à des fi ns militaires, ainsi que le montrent de nombreux

documents. Ainsi, une demande de liquidités, adressée par la Banque nationale de la RSK à la

Banque nationale de Yougoslavie à Belgrade le 24juillet1995, révèle que les fonds demandés

31 devaient couvrir les dépenses des forces militaires et de la police 75. Dans le budget de la RS pour

76
l’année 1993, publié au journal officiel de la Republika Srpska le 30 mars 1994 , on peut lire que

le budget total dépassait de septcenttrente-deux m ille milliards de dinars. On y apprend par

ailleurs que près de sept cent trente et un mille milliards de dinars correspondaient à des crédits

73Ibid., par 81, BCS, p. 84.
74
Ibid., par 84, BCS, p. 87.
75TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-P, pièce n C4830.

76 Ib, pièce n C5358. - 24 -

spécifiques. A la page suivante, il est indiqué que l’essentiel des recettes provenaient de crédits,

c’est-à-dire des émissions primai res de la Banque nationale de Yougoslavie à Belgrade. Ces

crédits apparaissant au titre des recett es représentaient un montant de plus de

sept cent vingt-neuf mille milliards de dinars. Enfin, on apprend dans ce document que l’essentiel

des crédits spécifiques était a ffecté aux «dépenses courantes de l’armée», pour un montant

supérieur à septcentsmillemilliards de dinars. Le financement de l’armée serbe de Bosnie

représentait donc95,6% du budget total, 99,6% de ce dernier étant financés par des «crédits».

Cette dernière conclusion est confirmée par une observation de M. Miletić, l’un des directeurs de la

Banque nationale de Yougoslavie, fi gurant dans un compte rendu de la visite qu’il a effectuée à la

77
Banque nationale de Republika Srpska entre le 4 et le 8 avril 1994 . M. Miletić y précise un point

important, à savoir que les crédits provenaient des émissions primaires de la Banque nationale de

Yougoslavie elle-même. Les dépenses militaires de ce type étaient souvent qualifiées, comme je

l’ai déjà indiqué, de dépenses à des fins «spéci fiques» Ainsi peut-on lire dans une décision du

Gouvernement de la République serbe de Bo snie-Herzégovine du 14 mai 1992 que «jusqu’à 80 %

78
des émissions primaires seront affectées à des fins spécifiques» [traduction du Greffe].

21. Les sommes allouées aux armées de la RS et de la RSK par le biais du budget de ces

deux républiques furent utilisées pour couvrir l’en semble des dépenses de l’armée : recrutement de

conscrits et d’autres personnels, achat de fourn itures d’intendance, y compris de nourriture,

ravitaillement en munitions, etc. Le rapport sur l’état de préparation au combat évoqué

précédemment donne une bonne vue d’ensemble de la ventilation des ressources entre les

79
différentes catégories de dépenses . J’examinerai ce rapport plus avant dans la suite de mon

32
exposé. Les sommes destinées à couvrir ces dépens es étaient allouées à l’armée de la Republika

Srpska par le biais du budget de cette république.

22. Le mécanisme du financement budgétaire par le recours au crédit, c’est-à-dire aux

émissions primaires émanant de Belgrade, n’était pas utilisé par les seuls Gouvernements de la RS

77 o
Ibid., pièce n C4769, traduction, p. 2, BCS 0211-4115.
78Ibid., pièce n B3501.

79TPIY, Le procureur c. Slobodan Milošević, affaire n IT-02-54-T, pièce n C4712. - 25 -

et de la RSK. Dans les compte s annuels de la RFY pour l’année1993 80, la quasi-totalité des

recettes apparaissent sous forme de crédits émanant de la Banque nationale de Yougoslavie. Sur le

montant total de ces recettes, qui s’élevait à près de 26mille milliard s de dinars, plus de

25 mille milliards sont des crédits de la Banque nationale de Yougos lavie. Sur l’ensemble de ces

recettes, plus de 22 mille milliards de dinars ont ét é utilisés en tant que «fonds pour le financement

de l’armée yougoslave». Cela signifie que plus de 87 % des recettes budgétaires totales de la RFY

étaient utilisées pour financer son armée. Il convi ent de préciser ici que l’importance considérable

de ces chiffres exprimés en valeurs nominales résulte de ce que la RFY, la Republika Srpska et la

Republika Srpska Krajina étaient confrontées à une situation d’hype rinflation due à la

surproduction de monnaie fiduciaire par Belgrade , phénomène qui, à cette époque, durait déjà

depuis fort longtemps. Il convient par consé quent d’interpréter ces valeurs nominales avec

précaution; ce qui importe, en l’occurrence, c’est la proportion des recettes totales utilisée pour

financer les armées de la RFY et de la Republika Srpska, et l’importance de la part de ces recettes

provenant directement de la Banque nationale de Yougoslavie.

23. En comparant les comptes de la RS et de la RFY pour l’année1993, il apparaît

clairement que leur source de financement était la même, à savoir les émissions primaires émanant

de Belgrade. La part des recettes affectée à la défense était à peu près la même en RS et en RFY, la

seule différence étant que la RS allouait une pa rt encore plus importante de ses recettes à son

armée ⎯ 95 % ⎯, alors qu’en RFY, «seulement» 87% étaient utilisés pour couvrir les dépenses

de la VJ.

24. Les émissions primaires en provenance de la Banque nationale de Yougoslavie étaient

également, pour partie, redistribuées à des sociétés de RFY, au titre de l’achat de matériel par la

VRS. Des exemples de ce procédé apparaissent clairement dans une lettre adressée le

18 novembre 1992 81par le ministère de la défense de la RS à la Banque nationale de la RS. Cette

lettre, ainsi qu’une pièce qui lui est annexée, concerne des sommes provenant des émissions

primaires et devant être versées à deux sociétés pour la fourniture de matériel. Les deux sociétés en

33 question sont situées en Republika Srpska. Il est indiqué dans la lettre adressée à la Banque

80 o
Ibid., pièce n B8742.
81Ibid., pièce n B4558. - 26 -

nationale de la Republika Srpska : «Nous vous demandons d’effect uer vos paiements en dinars

yougoslaves à partir de la quote-part de crédits allouée au titre des émissions primaires à l’armée de

la Republika Srpska, et de les libeller aux noms des fournisseurs suivants…» [Traduction du

Greffe.] L’emploi du mot «quote-part» dans cette lettre démontre que l’allocation d’émissions

primaires de la Banque nationale de Yougoslavie à la Republika Srpska s’inscrivait dans un plan

financier déterminé. D’autres éléments de preuve de l’utilisation faite des émissions primaires sont

contenus dans une lettre en date du 24novembre1992, adressée par l’état-major de l’armée de la

Republika Srpska au ministère de la défense de la Republika Srpska. L’état-major de l’armée de la

Republika Srpska autorise une société appelée MP DD à recevoir un crédit libellé en dinars

yougoslaves et financé au titre de l’émission primaire pour la livraison de matériel d’une société de

Vranje. Vranje est située en Republika Srpska. En annexe à cette lettre figure une demande de

crédit en dinars yougoslaves au titre de l’émissi on primaire adressée par une société appelée

MP DD BLIK à Banja Luka au ministère de la défense de la RS. Cette société demande que soit

autorisé un crédit destiné à l’achat de matériel à une société située en Republika Srpska :

«Nous savons que la RFY (République fédérale de Yougoslavie) a autorisé
l’affectation de certaines ressources issues de l’émission primaire aux besoins de la

Republika Srpska, par le biais de la Kome rcijalna Banka de Be lgrade… Nous vous
prions par la présente de bien vouloir nous accorder un crédit de centmillions de
dinars, soit un montant équivalant à 213 858 deutschemarks, pour la fourniture de
82
tissu Drvar, fabriqué par l’usine de coton JUMKO, à Vranje.» [Traduction du
Greffe.]

Demandes directes de financements et déclarations faites par les dirigeants de Belgrade et les
bénéficiaires de RS et de RSK concernant leu rs besoins et l’utilisation des fonds en RS et

en RSK

25. En 1991 et 1992, les institutions publiques de la Republika Srpska assurèrent également

le financement et l’approvisionnement en matériel des régions de Croatie contrôlées par les Serbes.

En fait, le ministère de la défense de la Re publika Srpska joua un rôle déterminant dans ce

financement. Ce point est abondamment illustré dans plusieurs documents. Il l’est, par exemple,

dans deux lettres en date du 1 ernovembre1991, adressées par le ministère de la défense de la

Republika Srpska à son gouvernement, et concernant l’affectation de crédits aux régions serbes de

82Ibid., pièce n B4557.

82Ibid., pièces n C4347 ⎯ pièce admise n°352 ⎯ onglet n 4, et C4348 ⎯ pièce admise n 352 – onglet n 5. - 27 -

34 Croatie. L’un de ces documents est une lettre de co uverture adressée par le ministère de la défense

au secrétariat du Gouvernement de la Republika Srps ka; il concerne la mise à l’ordre du jour de la

réunion tenue à cette date par le gouvernement de la question de l’aide aux régions de Croatie

contrôlées par les Serbes. L’autre document, une pièce jointe à la lettre de couverture, est une lettre

adressée par le ministre de la défense de la République de la Serbie, le général Tomislav Simović, à

son gouvernement, concernant les ressources fina ncières que le ministère devait mettre à la

disposition du «peuple serbe» de Croatie. Selon cette lettre, l’aide matérielle et financière totale

devant être accordée aux Serbes de Croatie sur les ressources du ministère de la défense de Serbie

83
jusqu’à la fin de l’année 1991 deva it avoisiner 1,3 milliard de dinars . Les six documents joints à

cette lettre détaillent les montants qui y sont évoqué s. Il est indiqué que, sur ce montant total de

1,3milliard de dinars, un montant supérieur à 1,2 milliard de dinars a été calculé sur la base de

l’estimation des effectifs nécessaires à la défense territoriale des régions de Croatie contrôlées par

les Serbes pour les mois de novembre et décembre 1991.

La somme de 1,2milliard de dinars, dont il est suggéré qu’elle soit accordée par Belgrade

aux régions de Croatie contrôlées par les Serbes, correspondait, sur la base des taux de change

officiels, à 92,7millions de deutschemarks. Ces documents démontrent que les plus hauts

dirigeants politiques et militaires de la Republika Srpska particip èrent étroitement aux décisions

visant à assurer le financement et la fourniture de matériel aux régions de Croatie contrôlées par les

Serbes.

26. Le Gouvernement de la Republika Srpska et le gouverneur de la Banque nationale de

Yougoslavie prirent une part directe aux décision s concernant le financement des régions de

Croatie contrôlées par les Serbes, comme il ressort du procès-verbal officiel d’une réunion tenue le

12novembre1992 entre des représentants du G ouvernement de la RSK et des membres du

Gouvernement de la Republika Srpska, parmi lesquels le président SlobodanMiloševi ć et le

gouverneur de la Banque nationale. Au cours de cette réunion, tenue dans le bureau de

Slobodan Milošević, les parties convinrent tout d’abord de l’ organisation générale de l’armée de la

RSK et de ses effectifs proprement dits. Il fut ensuite décidé que la Republika Srpska assurerait le

83 Ibid., pièces nP427, onglet no37 a), également c itée sous la référence C43⎯pièce admise n o352 ⎯
onglet n 4, et P427, onglet n 38, également citée sous la référence C4348 ⎯ pièce admise n 352 ⎯ onglet n 5. - 28 -

financement de ce système de défense d estiné à la RSK, et que Slobodan Miloševi ć donnerait pour

35 instruction à la VJ de financer la solde des o fficiers et les salaires du personnel civil demeurés en

RSK :

«La forme de l’aide financière apportée à la Krajïna jusqu’à la fin de cette année
a été définie lors de la réunion. En matière de défense, la question de l’organisation
générale de l’armée de la République serbe de Krajïna et celle du financement ont été

abordées.

Le président, M.Miloševi ć, a accepté l’idée de mettre en place un système de

défense de la Krajïna, la base de ce système devant consister en un effectif de
vingt-trois mille personnes…

La proposition consistant à commencer immédiatement la planification des

moyens destinés à satisfaire les besoins de l’ armée et de la police, de la manière dont
cela a été fait en1992, a été acceptée. Ce tte tâche a été confiée au ministère de la
défense de la République serbe de Krajïna et au ministère de la défense de la

Republika Srpska.

Le président Miloševi ć a fait état de sa position selon laquelle les mesures de
maintenance des équipements techniques devraient être planifiées par l’intermédiaire

de l’armée yougoslave, et a déclaré qu’il y apporterait son concours et demanderait à
l’armée yougoslave de financer la solde des officiers d’active et du personnel civil
demeurant en Krajïna. Tous les autres b esoins de financement en matière de défense
devront être planifiés par l’intermédiaire du ministère de la défense. Il a été convenu

d’entreprendre immédiatement la planification des mesures nécessaires afin d’achever
ce processus en temps et en heure.» 84 [Traduction du Greffe.]

Autrement dit, c’est à Belgrade, en novembre1992, que Miloševi ć et d’autres décidèrent de ce à

quoi l’armée de la RSK allait devoir ressembler, que lle serait sa taille et comment elle devrait être

organisée. Fut à cette occasion mentionné un mode de financement qui, manifestement, était en

vigueur au cours de l’année1992, et dont il fut expressément convenu qu’il se poursuivrait

après 1992. Il fut en outre confirmé que l’armé e yougoslave prendrait à sa charge la maintenance

des «équipements techniques» et la solde des officier s d’active et les salaires du personnel civil. Il

fut décidé que, dans l’hypothèse où cela ne serait pa s suffisant, tous les autres besoins financiers

seraient pris en charge par le ministère serbe de la défense.

27. Plus tard, lorsqu’il fut incarcéré à Belgrade et interrogé en tant que suspect, Miloševi ć

devait déclarer, le 2 avril 2001: «L’origine des cr édits consacrés aux armes, munitions et autres

besoins de l’armée de la Republika Srpska et de la République serbe de Kraïna, constitue un secret

84 o o
Ibid., pièce n 4682 ⎯ pièce admise 352 ⎯ onglet n 16. - 29 -

85
d’Etat…» [Traduction du Greffe.] Il convient de relever que Milošević, lorsqu’il parle d’affecter

des ressources, met l’armée serbe de Bosnie et celle la République serbe de Kraïna sur un même

36 plan. Non seulement il reconnaît avoir assuré le financement de ces deux armées, mais il précise

également qu’il s’agit là d’un secret d’Etat.

28. Comme chacun sait, Miloševi ć avait déclaré, au cours des années précédentes, que la

Republika Srpska dépensait des sommes substantiell es pour aider les Serbes vivant hors de Serbie.

Ainsi, dans une déclaration reprise par l’agence de presse yougoslave Tanjug, le 11mai1993,

Milošević fait observer :

«Au cours des deux dernières années, la Republika Srpska ⎯en aidant les
Serbes vivant hors de Serbie ⎯ a dû fournir des efforts économiques considérables et
a demandé à ses citoyens de faire d’importants sacrifices. Ces efforts et ces sacrifices

ont atteint les limites du supportable. L’essentiel de l’aide a été envoyé à des civils et
à des combattants de Bosnie-Herzégovine.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La Serbie a fourni une aide très, très importante aux Serbes de Bosnie. Grâce à
86
cette aide, ils ont atteint la plupart de leurs objectifs.» [Traduction du Greffe.]

29. Dans un rapport antérieur daté de septem bre 1992 et adressé au commandement en chef

de la VRS, le général Ratko Mladić livrait une analyse de l’importance qu’avaient représentée pour

la VRS les financements accordés par la Y ougoslavie aux régions de Bosnie-Herzégovine

contrôlées par les Serbes. S’agissant de la création de la VRS et de l’intégration de certaines

parties de l’ancienne JNA dans la VRS, Mladi ć déclara ainsi : «Les décisions de l’assemblée de la

Republika Srpska (RS) du 12 mai 1992 ont permis au peuple armé, aux Serbes de l’ancienne JNA,

ainsi qu’au matériel et à l’équipement disponible (d’être utilisés) pour transformer les unités et

87
constituer l’armée de la Republika Srpska…» [Traduction du Greffe.] Concernant la

transformation de la JNA en VRS, Mladić poursuit :

«Notre armée est l’une des rares de l’histoire à avoir entamé une guerre de

libération avec une base matérielle très solide, notamment en ce qui concerne
l’équipement militaire, les munitions et les réserves de nourriture. Outre l’armée, la
population civile et les institutions utili sent également une grande quantité de ces
88
ressources, en particulier la nourriture et le carburant.» [Traduction du Greffe.]

85Ibid., pièce n K2575.
86 o
Ibid., pièce n C4721.
87Ibid., pièce n B5507, ERN 0104-2296, traduction ERN 0110-3317.

88Ibid., ERN 0104-2299, traduction ERN 0110-3320. - 30 -

Madame le président, je vois qu’il est presque 11h20. Si vous pensez que le moment est

venu pour la Cour de faire une pause, je peux m’arrêter là.

37 Le PRESIDENT : Oui, je vous remercie. Nous allons faire une courte pause de 10 minutes.

Je vous remercie.

L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 30

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Vous avez la parole, Monsieur Torkildsen.

M. TORKILDSEN :

30. Le rapport sur la préparation des troupes au combat d’avril 1993, établi par l’état-major

général de l’armée de la RS, conforte l’analyse de Mladić. Ce rapport met en lumière l’ampleur du

financement de la VRS par la RFY et la VJ en 1992 et 1993. L’un des chapitres du rapport

s’intitule «planification du développeme nt et du financement de la VRS» [traduction du Greffe] .

On y lit, au sujet des dépenses totales de la VRS: «au 28 février 1993 (date qui peut être

considérée comme marquant le terme de l’exer cice budgétaire 1992), les dépenses s’élevaient à

81 932 956 000» 89 [traduction du Greffe] . Il y est également précisé que ce chiffre représentait

153,21 % du budget approuvé de la VRS. Le document poursuit en ces termes :

«il importe de relever que la solde des offici ers, sous-officiers et soldats sous contrat
servant l’armée de la RS qui, jusqu’au 19mai1992, étaient membres de la JNA,
restait à la charge de la République fédéra le de Yougoslavie, de sorte qu’elle n’a pas
90
été déduite du budget de l’armée de la Republika Srpska» [traduction du Greffe].

Ce chapitre contient un décompte détaillé des dé penses de la VRS, dont je viens de donner le

montant total. La solde des conscrits, des sous-offi ciers et des soldats faisant leur service militaire

régulier représentait 58,49% des dépenses totales, et les frais d’intendance 29,92%. Les soldes

absorbaient une grande partie du budget global, ce qui n’est guère surprenant vu que «[l]e budget

avait été établi pour une armée de cent mille hommes, alors que la VRS en comptait

91
deux cent douze mille en moyenne» [traduction du Greffe].

89 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet 32, également
désigné sous le numéro C4712, p. 127-132.
90Ibid., par. 129.

91Ibid., par. 130. - 31 -

31. Ce rapport confirme que, financièrement , l’armée de la Republika Srpska dépendait

directement de Belgrade. C’était exactement ainsi qu’elle était vue et fonctionnait dans la pratique.

38 Cette responsabilité, on en trouve un bon exemple dans une lettre confidentielle interne du corps de

Kraïna de la VRS en date du 11septembre1992 : «Je vous demande de régler ce problème avec

l’état-major général de l’armée de la SRJ [Ré publique fédérale de Yougos lavie], qui devrait nous

aider financièrement pour assurer le succès des opé rations de combat, comme il en a selon nous le

92
devoir.» [Traduction du Greffe.] Cette lettre montre non seulement que l’armée de la Republika

Srpska avait un problème d’approvisionnement , mais que, en même temps, elle trouvait

apparemment tout à fait normal que l’armée de la République fédérale de Yougoslavie règle

financièrement ce problème, ce que cette dernière a manifestement fait.

32. Toujours selon le rapport établi par le quar tier général de la VRS en avril1993, dans

lequel celle-ci analyse sa préparation au combat et ses activités depuis sa création, le 20 mai 1992,

il n’y avait pendant la guerre ni de production pour répondre à ses besoins, ni d’importations, si ce

93
n’est en provenance de la RFY :

«c’est uniquement grâce aux efforts et à l’engagement considérables de tous les

acteurs de la République et de l’armée, et grâce à l’assistance de la RFY et de
donateurs, que l’approvisionnement en produits de base indispensables à la vie et aux
activités de combat a pu être assuré. La situation n’a fondamentalement pas changé
94
jusqu’à la fin de l’année.» [Traduction du Greffe.].

33. La situation décrite dans le rapport sur la préparation des troupes au combat a perduré

en1993 ainsi qu’en 1994. Vers la fin de 1993 , une réunion eut lieu au quartier général de

l’état-major de l’armée yougoslave au sujet de la coordination des missions entre les trois armées

(la VJ, la VRS et l’armée de la RSK). En pr évision de cette réunion, le chef de cabinet du

commandant de l’armée de la RSK, Cedo Radankovi ć, établit un mémorandum daté du

95
17 décembre 1993 . Ce mémorandum démontre que les di rigeants de Belgrade finançaient

92
Ibid., onglet n° 51, également désigné sous le numéro C4652.
93
Ibid., pièce n°P427, onglet n°32, égalemet désigné sous le numéro n°C4712, Combat Readiness Report
[rapport sur la préparation des troupes au combat], ERN BCS 0060-7424, traduction anglaise ERN 0110-3114.
94Ibid., Combat Readiness Report, ERN BCS 0060-7428, traduction anglaise ERN 0110-3120.

95TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n°IT-02-54-T, pièce n°P427, onglet n°52, également
désigné sous le numéro C4752. - 32 -

toujours les deux armées, outre l’armée yougoslave (VJ). L’on s’attendait d’ailleurs à ce qu’ils

continuent de le faire en 1994 :

«Nous avons appris de source officieu se que, sur la somme globale demandée
pour1994, qui est rappelée ci-dessus, le gouve rnement fédéral ne sera en mesure de

fournir que 850 millions de dollars des Etat s-Unis [1,5milliard de deutsche marks]
aux trois forces armées dans leur ensemble, au lieu de 3,29milliards de dollars, soit
25,82 % de la somme demandée. En ce qui concerne la SVK [armée de la RSK], cela

représente 79,43millions de dollars au lieu de 307,30millions de dollars des
Etats-Unis.

39 Etant donné que nous sommes tous ensemb le dans cette situation et que les
conditions de vie demeurent difficiles à tout point de vue, nous vous demandons de ne
96
pas réduire davantage ces crédits, qui constituent un minimum.» [Traduction du
Greffe.]

Ce document fait expressément état de crédits accordés «aux trois forces armées dans leur

ensemble», à savoir l’armée de la Republika Srpska , celle de la Republika Srpska Krajina et celle

de la République fédérale de Y ougoslavie. Il ressort clairement du mémorandum que ces armées

sont toutes les trois financées dans le cadre d’un seul et même plan. Notez également qu’il est dit :

«nous sommes tous ensemble dans cette situation».

34. Dans le procès-verbal de la quarantième [cinquantième] session de l’assemblée nationale

de la Republika Srpska, tenue à Sanski Most les 15 et 16 avril 1995, on trouve un rapport du chef

d’état-major général de la VRS, le général Ratko Mladi ć, sur la situation qui était alors celle de la

97
VRS . Ce rapport indique que la VRS tenait une gra nde partie de ses munitions des stocks hérités

de la JNA, puis de stocks fournis par la VJ. Le rapport passe ces matériels en revue 98. Il est par

exemple indiqué, au sujet des munitions d’infant erie utilisées par la VRS, que 42,2 % proviennent

«de stocks découverts dans les an ciennes casernes de la JNA et hé rités de cette armée; 47,2 % de

l’armée yougoslave…» [traduction du Greffe] . Cela signifie que 89,4% de toutes les munitions

d’infanterie utilisées par la VRS lui avaient été fournis par la JNA, puis par l’armée de la RFY.

35. Dans un document daté du 5 mai 1994, qui contient des informations émanant du

commandement du corps de Sarajevo-Romanija (un corps de la VRS), il est indiqué, en ce qui

96
Ibid., ERN 0207-8161; traduction anglaise ERN L004-6455/56.
97TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet54, également
désigné sous le numéro C4920, p. 5-26.

98Ibid., p. 18. ERN 0084-5822; traduction anglaise ERN L000-4909. - 33 -

concerne la solde des conscrits pour février 1994, que l’état-major général de la VRS rencontrait

des difficultés pour obtenir des liquidités auprès de la Banque nationale de Yougoslavie :

«Dans nos relations quotidiennes avec la Banque nationale de Yougoslavie, des

problèmes importants nous ont jusqu’ici empêchés d’obtenir ces liquidités; celles-ci
nous ont été promises d’ici le 6 mai 1994, afin que nous puissions commencer à
acquitter les soldes le 9 mai 1994 au plus tard…» 99 [Traduction du Greffe.]

Ces liquidités furent fournies, conformément à un accord conclu avec la Banque nationale de

Yougoslavie à Belgrade ⎯ j’y reviendrai dans la suite de ma démonstration.

40 Les émissions primaires et les versements

36. Le 14 mai 1992, le Gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine prit

une décision sur l’utilisation des fonds via les émissions primaires 100: «Les émissions primaires de

la Banque nationale de Yougoslavie seront utilisées c onformément à la décision de celle-ci quant

aux objectifs de la politique monétaire commune…» [Traduction du Greffe.]

Cela donne fortement à penser que Belgrade av ait déjà pris une décision en mai 1992 sur le

recours aux émissions primaires et l’utilisation de la masse monétaire correspondante. Nous avons

vu que l’armée de la Republika Srpska en était en fait la bénéficiaire. Les budgets dont j’ai fait état

tout à l’heure en sont la parfaite illustration.

En résumé, la Banque nationale de Yougosla vie, agissant sur instruction des autorités

politiques, procédait à des émissions fiduciaires à l’ intention des Serbes de Bosnie. La décision

que j’ai mentionnée plus haut montre clairement à quoi ces fonds étaient destinés : «pour éviter que

la guerre n’ait une incidence négative sur l’économie de la République serbe de

Bosnie-Herzégovine, jusqu’à 80 % des émissions prim aires seront affectés à des fins spécifiques»

[traduction du Greffe]. Plus tôt, alors que je passais le budget de la Republika Srpska en revue, j’ai

montré à la Cour ce qu’étaient réellement ces «objectifs spécifiques»: il s’agissait de ceux de

l’armée de la Republika Srpska.

37. Ainsi, le Gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine s’adressait

directement à la Banque nationale de Yougoslavie à Belgrade pour obtenir le transfert immédiat de

99TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet no55, également
désigné sous le numéro n° C4777, p. 1.

100TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet n24, également
désigné sous le numéro B3501 attribué par le Greffe du TPIY, p. 17184. - 34 -

fonds. La réponse de la banque ressort des budgets présentés et des comptes nationaux de la RS.

La Republika Srpska Krajina qui connaissait elle au ssi de graves difficultés financières, adressait

également à Belgrade des demandes de fonds pr essantes, ce qu’illustre parfaitement l’observation

adressée à Milošević par Martić, qui était alors ministre de l’inté rieur de la RSK : «comme vous le

savez certainement, la RSK ne dispose pas de véritables sources de financement pour alimenter son

101
budget» [traduction du Greffe] .

La création d’une fédération monétaire et ses répercussions
sur le financement de la RS

Aperçu de la situation

38. Au cours de 1992, la RFY, en coopération av ec la RS et la RSK, établit et mit en Œuvre

un système monétaire unique. Elle le fit en créant les Banques nationales de la Republika Srpska et

de la Republika Srpska Krajina et en veillant à ce que ces deux banques nationales soient placées
41

sous le contrôle direct de la Banque nationale de Yougoslavie à Belgrade. Ce système monétaire

unique visait essentiellement à faciliter les transferts de fonds entre les territoires de la RFY, de la

RS et de la RSK. Il finit par donner nai ssance à une économie commune aux trois régions

contrôlées par les Serbes. Les budgets et compte s nationaux de la Republika Srpska et de la

Republika Srpska Krajina montrent très bien que les émissions primaires constituaient un véhicule

financier essentiel qui, entre le second semest re de1992 et la fin de 1993, fut utilisé par les

dirigeants de la RFY et de la République de Serbie pour mener à bien leur politique d’assitance

financière aux régions sous contrôle serbe de Bosnie-Herzégovine et de Croatie.

39. Comme je l’ai dit plus tôt, le SDK (le service commun de paiement, également connu

sous l’appellation de service commun d’audit) éta it un mécanisme crucial pour les transferts de

fonds et le bon fonctionnement de la fédération monétaire . Il fut utilisé pour transférer des fonds

entre la RFY et les régions de Bosnie-Herzégovi ne et de Croatie tenues par les Serbes entre1992

et 1995.

101TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, ongle21, également
désigné sous le numéro C4435. - 35 -

40. Le système de Banques nationales de l’ex-RFSY fut progressivement restructuré

entre1992 et1994. La Banque nationale de la Repu blika Srpska et celle de la Republika Srpska

Krajina furent créées dans le courant de l’été 1992 avec l’aide (et sous le contrôle) de la Banque

nationale de Yougoslavie, à laquelle elles re stèrent subordonnées. Les décisions d’aider

financièrement les régions contrôlées par les Serbes en Bosnie-Herzégovine et en Croatie se

traduisaient notamment par des émissions primai res de la Banque nationale de Yougoslavie au

bénéfice des Banques nationales de la Republika Srpska et de la Republika Srpska Krajina.

41. En 1992, la Banque nati onale de Yougoslavie procéda à des émissions primaires au

profit de la Republika Srpska et de la Republika Srpska Krajina. Si ces sommes furent versées aux

Gouvernements de la RS et de la RSK, c’est pour compenser leur manque de financements et de

revenus réguliers. Ces ve rsements servirent à financer les in stitutions serbes, tant militaires que

civiles, présentes dans ces régions entre 1992 et 1995. Afin d’éclairer la Cour, je dois m’attarder

ici sur le fonctionnement de ces relations et me reporter pour cela à certains documents.

42 42. S’il fallait créer un nouveau système fédéral de banques nationales, c’est parce que ni la

Republika Srpska, ni la Republika Srpska Krajin a ne disposaient de sources de financement

suffisantes. Or, elles avaient constamment à cet égard des besoins considérables. La dépendance

financière de la RS vis-à-vis de la RFY ressort d’un discours prononcé le 29 septembre 1993 par le

général de division Gvero, de l’état-major généra l de la VRS, au cours de la trente-quatrième

assemblée populaire de la RS, dans lequel il indique à l’assemblée 102: «nous n’avions ni budget ni

ressources matérielles pour faire la guerre. Nous n’avons pas acheté le moindre avion, hélicoptère,

char ni aucune pièce d’artillerie, etc.» 103[traduction du Greffe].

43. La dépendance financière totale de la Republika Srpska Krajina vis-à-vis de la Republika

Srpska est démontrée par des documents datant de 1991 à 1993 ⎯ l’un d’eux, dont j’ai déjà parlé,

est extrêmement révélateur: il s’agit d’une lettre du 28avril1993 adressée par MilanMarti ć,

ministre de l’intérieur de la RSK, à, entre autres, Slobodan Miloševi ć et dans laquelle il déclare:

102TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet13, également

désigné sous le numéro B8287, p. 2 de la traduction anglaise.
103Ibid., ERN 0048-0968, traduction anglaise ERN 0091-6773. - 36 -

«comme vous le savez certainement, la RSK ne di spose pas de véritables sources de financement

104
pour alimenter son budget» .

44. Cette déclaration de Milan Marti ć décrit parfaitement la situation dans laquelle se

trouvait également la RS : celle-ci ne disposait p as de réelles sources de revenu pour équilibrer son

budget et couvrir les besoins de la VRS, notam ment. Les comptes nationaux de la Republika

105
Srpska pour 1992 et son co rrectif budgétaire pour1993 montrent clairement que les recettes

fiscales régulières de la RS étaient extrêmement fa ibles. J’ai déjà évoqué le budget rééquilibré de

la RS pour1993, publié le 30mars1994 dans le journal officiel de la Republika Srpska, dans

lequel on voit que toutes les recettes inscrites au budget proviennent d’émissions primaires par

Belgrade et que plus de 90 % de ces recettes sont destinées à l’armée de la Republika Srpska.

45. Le rapport annuel de la Banque nationale de la Repub lika Srpska pour 1992 expose en

43 détail les rapports existant entre celle-c i et la Banque nati onale de Yougoslavie 106. Le rapport dit

ceci: «[a]ux tous débuts, la Banque nationale de la Republika Srpska a reçu bénéficié d’une aide

107
particulière de la Banque nationale de Yougoslavie» [traduction du Greffe].

Cette «aide particulière» con cernait les «méthodes de travail [et] l’émission de papier-

monnaie» [traduction du Greffe]. Le rapport annuel précise en outre que : «le taux de change du

108
dinar [de la RS] était indexé à parité sur cel ui de la République fé dérale de Yougoslavie»

[traduction du Greffe] . Cette déclaration cadre avec l’observation résumant la situation que l’on

retrouve dans le même document, à savoir que, après la déclaration d’indépendance de la

Bosnie-Herzégovine, le 3 mars 1992, «le territoire de la Republika Srpska demeura à l’intérieur du

système économique de la RFY, avec comme consé quence pratique que la Banque nationale de la

104TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet n o 12, également
o
désigné sous le numéro C3383 ⎯ pièce admise n 352 ⎯, onglet n° 20.
105 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet n 65, également
désigné sous le numéro B8744; pièce n°P427, onglet n° 59, également désigné sous le numéro C5358.
106 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet n 14, également
désigné sous le numéro C4769. Cette pièce comporte plusieurs documents, ERN 0211-4196-4209.
107
Ibid., ERN 0211-4196-4209; numéros de page non indiqués: cet te déclaration figure sur la page suivant
immédiatement la table des matières; numéro de page attribué par le Greffe du TPIY (en haut à droite): p. 17282.
108
Ibid., ERN 0211-4206, p. 17275 (numérotation du TPIY). - 37 -

Republika Srpska appliquait la même politique monétaire que la Banque nationale de

109
Yougoslavie.» [Traduction du Greffe.]

46. Dans un rapport établi par la Banque nationa le de la Republika Srpska sur la réunion de

110
l’association des banquiers de la RS, tenue en mai 1994 , il est indiqué que la RS et la RFY

avaient la même politique monétaire et le même système économique. Elles faisaient toutes deux

partie d’un système de paiement, d’un système monétaire et d’un marché des devises unifiés. Ce

document offre de nouvelles preuv es démontrant l’intégration totale des systèmes économiques et

monétaires de la RS et de la RFY.

47. Le principal avantage (et objectif) de cette fusion de pans importants du secteur bancaire

et de la création d’un système bancaire fédéré ét ait d’assurer des liens financiers les plus étroits

possibles entre la RFY et ses entit és satellites, la Republika Srpska et la Republika Srpska Krajina.

Donc, en 1992, soit la période couverte par le ra pport annuel de la Banque na tionale de la RS, les

finances de la RFY, de la RS et de la RSK étaient si étroitement imbriquées que l’embargo imposé

à la RFY frappa la Republika Srpska et la Republik a Srpska Krajina de plein fouet. Dans la

pratique, la RFY était en effet leur seul partenai re commercial à toutes deux. La modification des

mécanismes de contrôle des ba nques nationales permit toutefois de formaliser davantage les

relations entre la Republika Srpska, la Republika Srpska Krajina et la RFY tout en instaurant entre

elles un lien de subordination plus étroit.

44 La relation entre la Banque nationale de Yo ugoslavie et ses satellites, à savoir la Banque

nationale de la Republika Srpska et celle de la Republika Srpska Krajina

48. Reportons-nous tout d’abord à un rapport établi par Milivoje Mileti ć, qui était alors

111
directeur à la Banque nationale de Yougoslavie : Miletić avait été chargé par la direction

générale de cette dernière d’examiner les opé rations menées par la Banque nationale de la

Republika Srpska dans le cadre des «mesures de mise en Œuvre du programme d’aménagement de

la politique monétaire» au sein de la RFY, de la Republika Srpska et de la Republika Srpska

Krajina. Mileti ć s’était rendu à la Banque nationale de la Republika Srpska entre les4 et

10Ibid., ERN 0211-4199, p. 17281 (numérotation du TPIY).
110
Ibid., ERN 0211-4146-4154, p. 17329-17323 (numérotation du TPIY).
11Ibid., ERN 0211-4114-0211-4219. - 38 -

8avril1994. Dans son rapport, il analyse la r estructuration du système de banques nationales,

détaille les trois étapes distinct es de la restructuration et explique le fonctionnement des banques

restructurées.

ère
« 1 phase : période pendant laquelle la RS s’est dotée d’une banque nationale
ayant les fonctions de banque centrale sur son territoire. Cette phase a débuté au
second semestre de 1992.

ème
2 phase : période pendant laquelle les «mesures de mise en Œuvre du
programme d’aménagement de la politi que monétaire» ont commencé à être

appliqués.

3 èmephase : période pendant laquelle le «pr ogramme pour la reconstruction du
système monétaire et la stratégie pour la reprise économique de la Yougoslavie» ont

été mis en Œuvre.» [Traduction du Greffe.]

Première phase

49. Dans son rapport, Miletić dépeint la genèse de la première phase : «C’est alors que furent

créées certaines institutions de la Republika Srpska, notamment la Banque nationale. Dans ces

conditions, il était normal que les émissions pr imaires se fassent en f onction de l’expérience
112
acquise dans ce domaine, principalement par la Banque nationale de Yougoslavie.» [Traduction

du Greffe.]

Pendant cette période, la politique monétaire et la politique de crédit sur le territoire de la

Republika Srpska furent essentiellement appliquées par le biais d’une coopération d’experts entre

la Banque nationale de Yougoslavie et la Banque nationale de la Republika Srpska.

Le rapport de Mileti ć non seulement confirme que la Banque nationale de Yougoslavie

fournissait «l’aide de ses experts», comme nous pouvons le lire dans le rapport annuel de la Banque

nationale de la RS cité tout à l’heure, mais il indique également que la Banque nationale de

45 Yougoslavie à Belgrade fournissait aussi directemen t des dinars yougoslaves et que, de surcroît,

l’essentiel de ces fonds allaient au budget de la RS :

«A partir du second semestre de 1992, il fut procédé à des émissions primaires
par le biais des banques et du budget, de sorte que, le 31 décembre 1992, le solde des
crédits obtenus par émission primaire était de 77,8 milliards de dinars [l’équivalent de

166,4 millions de deutsche marks]. Environ 14,3 % de ces crédits, soit 11,1 milliards
de dinars, furent attribués par l’interm édiaire des banques, tandis que les 85,7%
restants, soit 66,7 milliards de dinars [l ’équivalent de142,6millions de deutsche

112
Ibid., 0211-4115, p. 2 de la traduction anglaise. - 39 -

113
marks], allèrent au 114ge t de la Republika Srpska [équivalant à 166,4 millions de
deutsche marks].» [Traduction du Greffe.]

Deuxième phase

50. La deuxième phase fut celle de la mise en Œuvre du «Programme d’instauration d’une

politique monétaire unique sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie, de la

Republika Srpska et de la Republika Srpska Kr ajina». Ce programme entra en vigueur le

er
1 mars1993 par l’établissement d’une «coopéra tion totale» entre la Banque nationale de

Yougoslavie et celles de la RS et de la RSK. A la lecture du rapport, toutefois, on voit aisément

que le terme «coopération» n’est pas celui qui conv ient pour décrire les rapports entre les trois

banques nationales. Si la Banque nationale de Yougoslavie jouait le premier rôle, celles de la RS et

de la RSK jouaient manifestement des rôles secondaires.

M5i1l.eti ć ajoute dans son rapport que les Banques nationales de la RS et de la RSK

«alignaient tous les instruments de réglementation monétaire et de réglementation du crédit sur les

115
décisions prises en la matière par la Banque nationale de Yougoslavie » . En outre, le rapport

soulignait que «la politique de taux d’intérêt, et donc de taux d’escompte, la politique relative aux

réserves obligatoires … étaient pleinement alignées sur les instruments pertinents de la Banque

nationale de Yougoslavie» [traduction du Greffe]. C’était la Banque nationale de Yougoslavie qui

décidait de l’utilisation des réserves de devises des Banques nationales de la RS et de la RSK 116.

52. Les avoirs de ces banques nationales ét aient donc directement contrôlés par la Banque

nationale de Yougoslavie à Belgrade. Miletić indique en conclusion que «la Banque nationale de la

Republika Srpska coopéra pleinement avec la Banque nationale yougoslave» [traduction du

Greffe] dans la mise en Œuvre de la deuxième phase de cette politique.

113
Ibid., 0211-4115, p. 2 de la traduction anglaise.
114Le taux de change appliqué repose sur des informa tions données directement par le gouverneur de la Banque

nationale de Yougoslavie ou sur des chiffres publiés dans le quotidien Politika, basé à Belgrade. Le présent calcul est
basé sur le taux publié dans l'édition de Politika du 2 décembre 1992.
115Ibid., ERN 0211-4116, p. 3 de la traduction anglaise.

116Ibid., ERN 0211-4117, p. 4 de la traduction anglaise. - 40 -

46 Troisième phase: «Programme pour la recons truction du système monétaire et stratégie
pour la reprise économique de la Yougoslavie»

53. Ce programme tendait à faire de la RFY, de la RS et de la RSK une région monétaire

unique. Il entra en vigueur le 1 ermars 1994. En l’occurrence, Miletić salue la Banque nationale de

la RS car: «Le nouveau dinar, en tant que monnaie officielle, est d’un emploi généralisé sur le

territoire de la Republika Srpska.» 117 En outre, «la politique de taux d’intérêt menée par la Banque

nationale de la Republika Srpska es t conforme aux visées du programme» [traduction du

118
Greffe] .

54. Le succès de l’intégration monétaire de la RS et de la RFY est également confirmé par

une lettre du 2 juin 1995 adressée par le gouverneur de la Banque nationale de la Republika Srpska

à la Banque nationale de Yougoslavie. Cette lettre concerne le retrait et le remplacement des billets

par la Banque nationale de Yougoslavie :

«Pendant la période d’échange des bille ts, la Banque nationale de la Republika

Srpska a recueilli 12506000 dinars [é quivalant alors à 12506000deutsche
marks]… Par la présente, les billets en qu estion sont remis au trésor de la Banque
nationale de Yougoslavie afin d’être re mplacés par une somme correspondante en
119
billets ayant cours légal.» [Traduction du Greffe.]

55. Pour faciliter et justifier la mise en Œuvre de la troisième phase du programme, la banque

nationale avait besoin que des dispositions législa tives soient prises sur le plan interne, sous la

forme de «lois relatives à la Ba nque nationale» et de «lois rela tives aux banques». Or, Mileti ć

relève dans son rapport que, étant donné le «ret ard pris» et vu que «les organes compétents n’ont

pas adopté la réglementation voulue », la banque nationale a décidé «[d’]appliquer les règlements

existants de la Banque nationale de Yougoslavie et ceux adoptés par les instances compétentes de

120
la République fédérale de Yougoslavie» [traduction du Greffe].

56. Ce n’était pas seulement les taux d’intérê t et d’escompte de la RS et de la RSK qui

étaient alignés sur ceux de la Banque nationale de Yougoslavie; il en allait de même de la

réglementation bancaire. Dans ce contexte, le nom donné à la troisième phrase du processus que je

11Ibid., ERN 0211-4120, p. 7 de la traduction anglaise.

11Ibid., ERN 0211-4120, p. 7 de la traduction anglaise.

11TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet no 16, également
désigné sous le numéro C4810.
120 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, onglet n 14, également
désigné sous le numéro C4769, BCS 0211-4120, p. 7 de la traduction anglaise. - 41 -

viens de décrire a son importance: «Programme pour la reconstruction du système monétaire et

stratégie pour la reprise économique de la Yougoslavie». Il n’est pas question ici de la reprise de la

47 RS ou de la RSK en tant qu’entités indépendantes. Ce programme porte donc bien sur «la reprise

économique de la Yougoslavie», et les taux d’intérêt des Banques nationales de la RS et de la RSK

sont régis par la Banque nationa le de Yougoslavie, ce qui révèle clairement la relation de

subordination qui existait entres les Banques nationales de la RS et de la RSK et leur maison mère

à Belgrade, la Banque nationale de Yougoslavie.

57. La mise en circulation du nouveau dinar (obj ectif de la troisième phase) est régie par des

«instructions en vue de la collaboration avec les Banques nationales de la Republika Srpska et de la

121
Republika Srpska Krajina» , qui exposent en détail les modalités et les conditions de

fonctionnement de la politique monétaire unique. Les activités annuelles des trois entités

s’inscrivaient dans le cadre d’une structure qui, au regard des règles généralement reconnues en

matière comptable, caractériserait la relation d’une société mère avec ses filiales. Voici ce que ces

«instructions» «règlementant une politique m onétaire unique en Répub lique fédérale de

Yougoslavie, en Republika Srpska et en Republik a Srpska Krajina» exigent des différentes

banques :

«9. En vue d’établir un seul bilan consolidé pour toutes les banques et pour la
Banque nationale de Yougoslavie, les Banques nationales de la Republika Srpska et de
la Republika Srpska Krajina soumettront d’ici au 10 mars de cette année leurs bilans

respectifs et ceux des banques situées sur leur territoire pour la période
décembre 1993 ⎯janvier1994. Dans les mois suivants, ces bilans seront soumis au

centre de traitement informatique et de la statistique de la Banque nationale de
Yougoslavie dans le délai fixé par elle pour les banques situées sur le territoire de la
République fédérale de Yougoslavie. Le cen tre de recherche de la Banque nationale

de Yougoslavie établira des prévisions distin ctes concernant la politique monétaire de
la Republika Srpska et celle de la Republika Srpska Krajina, et veillera au respect de
ces prévisions.» 122 [Traduction du Greffe.]

Les Banques nationales de la RS et de la RSK «s oumettront d’ici le 10 mars de cette année leurs

bilans respectifs et ceux des banques situées sur le ur territoire». C’est là un ordre émis par

«Belgrade, le 28 février 1994».

121 o o o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, ongle15, également
désigné sous le numéro C4764.
122Ibid, BCS 0207-6895, p. 3 de la traduction anglaise. - 42 -

58. Nous avons vu comment la Banque nationale de la Repu blika Srpska envisageait sa

relation avec Belgrade, et quelles étaient les inst ructions que lui avait adressées Belgrade, ce qui

nous éclaire sur l’organisation hiérarchique concrè te de cette relation. Nous avons également vu

que le directeur de la Banque nationale de Yougoslavie, Mileti ć, considérait que les banques de

rang inférieur se conformaient bien aux règlements et protocoles émanant de Belgrade.

48 59. A supposer que l’ensemble des questions et documents déjà examinés laisse subsister le

moindre doute quant à la véritable nature de la st ructure financière de ces trois entités, le compte

rendu officiel «de la réunion des gouverneurs des trois banques nationales» [traduction du Greffe],

qui eut lieu le 12 mai 1994, dissipera définitivement toute équivoque dans l’esprit de la Cour. Ce

compte rendu confirme clairement le rôle s ubordonné des Banques nationales de la Republika

Srpska et de la Republika Srpska Krajina dans leur relation avec la Banque nationale de

Yougoslavie :

«2. La Banque nationale de la Republika Srpska et la Banque nationale de la

Republika Srpska Krajina constituent les principales filiales de la Banque nationale de
Yougoslavie et agissent sous sa seule autorité.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

4. La Banque nationale de la Republika Srpska et la Banque nationale de la
Republika Srpska Krajina appliquent avec discipline les décisions de la Banque

nationale yougoslave.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

7. Le gouverneur de la Banque nationale de la Republika Srpska et celui de la
Banque nationale de la Repub lika Srpska Krajina assistent aux séances du conseil de
la Banque nationale yougoslave, sans droit de vote.» 123 [Traduction du Greffe.]

Conclusion

60. Madame le président, Messieurs de la Cour, je vous ai démontré que l’appareil

budgétaire contrôlé depuis Belgrade avait une fi nalité double, en ce sens qu’il régissait l’économie

de zones contrôlées par les Serbes aussi bien en Bosnie-Herzégovine qu’en Croatie. Les

mouvements de fonds ainsi organisés servaient directement à financer les unités militaires serbes et

les organes du gouvernement civil de ces deux mini-Etats.

123TPIY, Le procureur c. Slobodan Miloševi ć, affaire n IT-02-54-T, pièce n P427, ongle18, également
désigné sous le numéro C4779, p. 2 et 3. - 43 -

Les documents que je vous ai soumis démont rent que le financement des armées de la

Republika Srpska, de la Republika Srpska Krajina et de la République fé dérale de Yougoslavie

reposait sur un système unique commun aux trois armées serbes. Ces documents montrent en outre

qu’il n’existait qu’une seule véritable source de financement pour ces armées : la Banque nationale

de la République fédérale de Y ougoslavie, qui était placée sous le contrôle total des dirigeants

politiques serbes.

49 La République fédérale de Yougoslavie fournissait ces ressources financières à l’armée de la

Republika Srpska et à celle de la Republika Srpska Krajina tant directement qu’indirectement:

directement en acquittant la solde des officiers de ces armées, et indirectement en ordonnant des

émissions primaires depuis Belgrade au profit des deux autres entités serbes afin de combler leurs

déficits budgétaires en 1992 et 1993.

Afin d’encadrer formellement cet état de fa it, les économies de la République fédérale de

Yougoslavie, de la Republika Srpska et de la Republika Srpska Krajina furent intégrées dans le

cadre d’une structure distincte; la meilleure f açon de la décrire est sans doute de la présenter

comme une «entité économique et monétaire unique».

Les institutions gouvernementales de la Répub lique fédérale de Y ougoslavie contrôlaient

cette entité qu’elles avaient mise en place et organisée.

Madame le président, j’en arrive au terme de mon exposé sur les questions financières. Je

prie maintenant la Cour de donner la parole à M. Condorelli.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur To rkildsen. Lorsque le compte rendu de votre

plaidoirie sera établi, je vous saurais gré d’indiquer, quand vous renvoyez aux divers documents, le

numéro exact de la page citée et le passage exact de sorte que la référence puisse en être précisée

dans le dossier des juges. Je vous remercie.

J’appelle Monsieur Condorelli à la barre. - 44 -

COrN. DORELLI:

THE GENOCIDE IS ATTRIBUTABLE TO THE R ESPONDENT — LEGAL FINDINGS

(Part One)

1. Introductory remarks (summary)

The attributability to the Respondent of co nduct contrary to the 1948 Convention by its

de facto and de jure organs, as well as of conduct of persons or groups of persons acting on
the instructions of, or under the direction or control of, the Respondent

1. Madam President, Members of the Court, it is a great honour for me to appear here before

this Court once again and I am very grateful to the Government of Bosnia and Herzegovina for its

confidence in allowing me to plead its case. My t ask, in this my initial presentation, is to outline

50 the legal arguments which enable it to be s hown that the genocide perpetrated against the

non-Serbs of Bosnia and Herzegovina does in factengage the international responsibility of the

Respondent, since the conduct constituting such genocide is attributable to it. Subsequently,

Professor Pellet will complete this exposé byttributing to the Respondent other acts (ancillary

conduct), which are also covered and proscribed by the 1948 Convention. I will then ask to take

the floor again to round out our analysis by discussing, initially, the legal effects of the

Respondent’s a posteriori acknowledgment of its involvement in the genocide and then, tomorrow

morning I would think, the attributability to the Respondent of breaches of its obligation to prevent

and punish genocide.

2. We will base our presentations upon all of the elements, both factual and legal, that have

been discussed in the Applicant’s written submissi ons and by its counsel and advocates who have

taken the floor before me. What you were initially shown, there was in fact no need to show,

inasmuch as it is common knowledge ⎯ an event at which we were all horrified spectators: a

terrible genocide, which corresponded precisely tthe definition of the 1948 Convention, was

perpetrated upon the non-Serb populations of Bosn ia and Herzegovina. At that stage of our

presentations, it was already possible to identify an impressive number of factors, indications and

evidence demonstrating just how directly implicat ed the Respondent was in the genocide, and the

extent to which it was seen to be so by the intern ational community at the time. We only have to

recall the terms of the relevant resolutions of various United Nations bodies from 1992 on which - 45 -

ProfessorFranck quoted last week. These f actors, indications and evidence were then

systematically backed up by a detailed analysis of the relevant facts, the accuracy of which has, for

the greater part, been established thanks to in-depth and impartial legal analysis in contentious trial

proceedings, in which the rights of the defence were fully guaranteed ⎯ as is unarguably the case

of the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia. Do I need to remind you of this

Court’s own words, when, just recently, it stated the following in its Judgment of

19 December 2005?

“[E]vidence obtained by examination of persons directly involved, and who

were subsequently cross-examined by j udges skilled in examination and experienced
51 in assessing large amounts of factual information, some of it of a technical nature,
merits special attention” 12.

3. This examination of the facts has enable d us to dissect, so to speak, the machinery of

genocide: its conception, the key features of its organization, all of its workings, point, upon closer

scrutiny, to the involvement of the Respondent’s Gove rnment apparatus of the time. In brief, it is

already apparent that the genocide took place as a result of that Government’s decisions and

actions, was carried out at its behest, under its supervision and according to its orders. The

Respondent’s responsibility is ther efore engaged not just morally and politically, but legally as

well, in accordance with current established princi ples of international law. The principles to

which I am now referring, and which Bosnia and He rzegovina requests this Court to apply, are of

course those relating to the attribution of acts to a State, the contents and implications of which

were explained by Professor Pellet on Friday.

4. Allow me to remind you at this point what the criteria of attribution are which appear to be

the most relevant in principle to my presentation. The first is that whereby the State is ascribed

responsibility for the conduct of all of its organs , even if their conduct exceeds their authority or

contravenes the instructions received: this is sti pulated by Articles 4 and 7 of the Articles on State

Responsibility prepared by the International La w Commission. The second principle is that

codified in Article 8 of the same text, indicati ng that the conduct of a person or group of persons

not having the status of a State organ can, nevert heless, be considered as an act of the State under

124
Armed Activities on the Territory of th e Congo (Democratic Republic of the Cv. Uganda), Judgment ,
19 December 2005, para. 61. - 46 -

international law, if the person or group of persons concerned, in engaging in such conduct, “is in

fact acting on the instructions of, or under the direction or control of, that State”.

5. It is, to my mind, essential, by way of introduction, Madam Presi dent, to draw your

attention to the key points governing the interp retation of each of these two principles, which

Professor Pellet has already discussed at some length.

6. With respect to the second principle, one aspect needs to be emphasized. The conduct of

individuals who are not part of the State apparatu s can only be imputed to the State if it is proven

52 that the individual in question, while having no o fficial function, was effectively acting “on behalf

of” that State: “on behalf of” was the origin al phrasing decided upon by the International Law

Commission in the first reading of its draft on th e international responsibility of States. We know

that in the second reading, and then in the finalized version of the Articles, the language of the

principle was significantly reworked for the sake of clarity and precision: the Commission wanted

to specify more exactly the meaning of “on beha lf of” by elaborating on international practice,

which has expanded considerably in recent years. The language finally adopted emphasizes that, in

three circumstances, particular conduct of an individual or group of individuals has to be

considered as engaged in “on behalf of” a State (and therefore attributed to it): first, when the State

has issued “instructions” to the individu als concerned to act in that way; second, when those

individuals acted under the “direction” of the State; third, when they acted under “the control” of

the State. The International Law Commission has on a great number of occasions emphasized that

these are alternative requirements 125: Professor Pellet has already quoted the Commission’s report

to the General Assembly in 2001, in which it is stated that “[i]n the text of Article 8, the three terms

‘instructions’, ‘direction’ and ‘control’ are disjunc tive; it is sufficient to establish any one of

126
them” . In short, if, for example, the State has gi ven “specific directions” (the term used by the

125The notion that the requirements of Art.8 are alternatives was voiced by the Chairman of the Drafting
Committee, JudgeSimma, when the Article was finalized, as follows: “He drew attention to the fact that those were

alternative requirements: the Drafting Committee did not believ e that the scope of Art. 8 should be restricted through a
cumulative requirement in that regard[for example, direction and control]”, 2562nd Meeting, 13August1998, in
Yearbook of the International Law Commission, 1998, Vol. I, p. 306, para. 79.
12Report of the International Law Commission, Fifty-th ird session, 23 April-1 June and 2 July-10 August 2001,
A/56/10, p. 108, para. 7. - 47 -

Commission) 127, there is no need to prove that it has also directly controlled the acts of the

individuals who followed its “directions” in regard to the conduct concerned.

7. I turn now to the first principle mentioned, which is the most central: that whereby the

acts and omissions of a State’s organs are attributable to it. The only point that I wish to highlight,

again by way of introduction, relates to the notion of an organ of State; the question being to which

legal order must we refer in order to determine whether or not a person or group of persons have

the status of a State organ. As a general rule, there is no doubt as to the answer: it is obvious that

53 each State enjoys a sovereign right to organize itself as it sees fit and, on this basis, internal law

decides which are the organs of State. It theref ore follows that if the State’s own national legal

order accords the status of State organ, the exis tence of that status cannot be disputed at

international level: all the actions of all those w hom a State characterizes as State organs under its

internal law are acts of the State under international law.

8. However, the absolute primacy of internal law in the definition of State organs cannot

mean “absolute exclusivity”. Thus there are cases when international law can determine this issue,

notably when a State, which has sole control over its internal law, attempts to use it fraudulently

with a view to evading its international responsibility and, to this end, avoids attributing the status

of organs to persons or groups of persons that it is effectively using as organs. Thus, it is not

“disputed that a State cannot rely on its internal law to escape its responsibility”, while “the internal

law of a State can be relied upon to establis h its international responsibility” (to quote

Professor Bennouna during the Commission’s discussion of Article 4) 12. Consequently, as Special

Rapporteur James Crawford has made clear, the Co mmission had to respond appropriately to “the

very clear concern of several Governments to pr event the definition of the entity in question in

internal law from being used to escape a responsibili ty which would normally be attributed to the

State” 129.

9. We know full well the means by which the Commission finally settled the issue. In the

final version of the Articles, having established in th e first paragraph of Article 4 the principle that

127
Ibid.
128
Summary records of the meetings of the fiftieth session, 2555th Meeting, 4 August 1998Yearbook of the
International Law Commission, 1998, Vol. I, p. 243, para. 10.
129Ibid., p. 246, para. 10. - 48 -

“the conduct of any State organ” is an act of th e State under international law, it provides in the

second paragraph that: “An organ includes any person or entity that h as that status in accordance

with the internal law of the State.” It is left to the commentary to explain, in words that deserve to

be reiterated, as Professor Pellet has already done:

“A state cannot avoid responsibility fo r the conduct of a body which does in
truth act as one of its organs merely by deny ing it that status under its own law. This
result is achieved by the use of the word includes in paragraph 2.” 130

54 10. You will note just how well this explana tion corresponds to what was said by the then

Chairman of the Drafting Committee of the Commission, JudgeSimma (I quote in English

because, in the Yearbook, the passage is not given in full):

“The commentary... will explain the s upplementary role of international law
in situations in which internal law does not provide any classification or provides an
incorrect classification of a person or entity, which in fact operates as a State organ
within the organic structure of the State.” 131

11. This is, as we can all appreciate, a sound conception, in perfect harmony with the

features of a régime which focuses on effective control, as international law does. But what, above

all, is worth noting is that this Court r ecently expressed its support for this approach ⎯ albeit

briefly, but in my view very clearly. In your Judgment of 19December in the case concerning

Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda),

you decided that the activities of a paramilitary militia, the Congo Liberation Movement (MLC),

132
should not be regarded as attributable to Uganda . You arrived at this negative conclusion

because you considered that th e Applicant in that case had not provided sufficient proof to

convince you that the MLC’s conduct corresponded to that of a State “organ” within the meaning

of Article4 of the ILC DraftArticles, or of an entity empowered to exercise governmental

authority on Uganda’s behalf (Ar ticle 5). The Court thus implic itly accepts the possibility that an

entity — in this case, a paramilitary formation — c ould in certain circumstances be characterized,

in terms of effective control, as a State organ, even though the internal law of the State concerned

130
Report of the International Law Commission, Fifty-th ird session 23April-1June and 2July-10August2001,
A/56/10, p. 91, para. 11.
13Statement by the Chairman, see para.6 above, footnote 125. The passage cited appears in truncated form in

the Yearbook, where the last clause is missing, whereas Judge Simma’s words are given in full in the Nordic Journal of
International Law, Vol. 67, 1998, p. 452.
13Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), para. 160. - 49 -

does not accord it this status: to this end, it woul d need to be shown that the entity in question,

while lacking the formal status of State organ, “i n fact operates as a State organ within the organic

structure of the State” 133to repeat this realistic formula. It was only after excluding this

possibility — due to insufficient relevant evidence — that the Court sought to determine (in light of

55 the principle contained in Article 8 of the ILC text) whether the MLC had acted on the instructions

of, or under the direction and control of, Uganda, be fore concluding that, here again, the evidence

was insufficient to demonstrate that this was the case.

12. It remains to be seen under what conditions it is possible to state that a given entity,

while not having the status of an organ of State acco rding to the internal law of the State, must be

assimilated to a State organ in terms of effective control. Twenty years ago, your Court, in passing,

made an intriguing observation on this point, alth ough it was not followed up in the remainder of

the Judgment in question. In paragraph 110 of the Judgment in the case concerning Military and

Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) , the

Court found that the evidence provided at the time by the Applicant concerning the contras was

134
insufficient “to demonstrate their complete dependence on United States aid” . However, only a

few lines earlier, in paragraph 109, the Court had outlined what, in terms of attributability, would

have been the implications of such “complete dependence”. The relevant passage is the following:

“What the Court has to determine at this point is whether or not the relationship

of the contras to the United States Government was so much one of dependence on
the one side and control on the other that it would be right to equate the contras, for
legal purposes, with an organ of the United States Government, or as acting on behalf
135
of that Government.”

In short, as far back as 1986, the Court had contem plated the possibility that an entity apparently

unconnected with a State could, nevertheless, be ch aracterized as an organ of that State if its

“complete dependence” could be proven. The Cour t, however, did not go any further: it did not

pursue its thinking on the organization of the State, si nce it decided to turn its attention to the issue

of the conditions for establishing whether a person who is not part of the organic structure of the

State nevertheless acted on its behalf.

133
See note 131 above.
134
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaraguav. United States of America),
Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 62, para. 110.
13Ibid., para. 109. - 50 -

13. These important concepts and propositions sh ould, in my opinion, be borne in mind

throughout the analysis to come. We should also b ear in mind that the attribution to a State of the

conduct of its organs ⎯ whether or not they are character ized as such by its internal law ⎯ is

56 de jure a general one and not subject to any conditions : in particular, for purposes of attribution,

there is no requirement to prove that each of th e acts of the organs concerned was carried out

according to specific instructions or directiv es from the State, or was even specifically

implemented under its control. Moreover, I woul d remind you of another important concept, one

generally regarded as beyond dispute: the conduct of State organs is attributable to the State even

if they acted ultra vires , that is to say that they exceeded their authority or contravened the

instructions received from higher organs. That, as we know, is what is addressed in Article 7 of the

ILC Articles.

14. Madam President, Members of the Cour t, I will end my introductory remarks by

revealing to you in advance the conclusion of my presentation. Bosnia and Herzegovina is

convinced that the hypothesis which, in your Judgment of 19December last, you ruled to be an

admissible concept in law but unproven in that par ticular case, can be prov en in full in the case

before you now. The Respondent is internati onally responsible for the genocide because it was

perpetrated by persons and entities which can all be regarded as its organs: certain of them because

they are characterized as orga ns by the Respondent’s internal law and others because they

effectively acted as organs “within the organic structure of the State”.

2. The acts of the de jure organs of Serbia and Montenegro

The genocide was conceived, prepared and organized by de jure organs of the Respondent

15. Madam President, the written pleadings filed by Bosnia and Herzegovina and the

speeches which you have heard so far have presented you with a whole series of facts which

preceded perpetration of the genocide itself; these facts show you that the Yugoslav Government

authorities, confronted with a disintegrating State, first conceived and then prepared the “ethnic

cleansing” of that part of the territory of Bosnia and Herzegovina which it considered rightfully

belonged to the Serbs, on the basis of various criteria founded, on the one hand, on the Serb

majority within a particular area of territory and, on the other, on alleged “historical titles”. As we - 51 -

know, at the summit of the pyramid of those responsible for the conception and preparation of the

genocide and its implementation was the leadership of the Federal Republic of Yugoslavia, with at

57 its head the President of Serbia, Slobodan Milošovi ć, currently on trial just a short distance from

here on charges, inter alia, of the crime of genocide. It is self-evident that all of these acts of

preparation for genocide and of creation of the m eans whereby it was to be achieved were acts of

the State organs, or of entities authorized by the law of that State to exercise public powers, and

hence were undeniably acts attributable to the State. Conduct is attributable to the State ⎯ and we

must not forget this ⎯ both when it is conduct of the organs of central government and when it is

an act of a territorial unit of the State, as is expr essly provided in Article 4 (1) of the International

Law Commission Articles from which I have just been citing. That means that all of the decisions

and actions having contributed to the preparation of the genocide taken by the public authorities in

the Federal Republic of Yugoslavia, including th ose of Bosnia and Herzegovina while the latter

remained a component part of the Yugoslav Federal State, are to be regarded as de jure acts of that

State, and hence attributable to it. However ⎯ and this of course is axiomatic ⎯ that does not

apply to the conduct of the organs of territorial units having in the event taken a secessionist stance,

as is moreover clear from the principles underlying Article 10 of the Commission text, concerning

“conduct of an insurrectional or other movement”.

16. As to what I have referred to as the creation, by the Yugoslav Government authorities, of

the means whereby the genocide was to be ach ieved, Bosnia and Herzegovina has already

described to the Court the broad outlines of the measures taken. These involved the progressive

reorganization of military structures within Bosnia and Herzegovina in order as far as possible to

concentrate in Serb hands the relevant human and material resources.

17. In order to achieve this result, measures were taken and orders given and executed for:

1. the disarmament of territorial defence for ces, which were under the command of the individual

Republics of the Federation and were recruited and financed by them, their equipment being

handed over to the federal forces and then distribut ed for the territorial defence of areas with a

Serb majority or a strong Serb presence and, more generally, to the Serbs of Bosnia and

Herzegovina, the aim being to secure the co-ope ration of local militias and irregular military

forces loyal to Belgrade; - 52 -

58 2. the “Serbianization” of the federal army and the reorganization of the composition of its forces

present in Bosnia and Herzegovina through transf ers of troops, so as to concentrate within

Bosnia and Herzegovina forces (and in particular officers) of Serb ethnicity originating from

Bosnia and Herzegovina, whilst non-Serbs were transferred to other areas of the country;

3. the transfer of garrisons of the federal army in Bosnia and Herzegovina to localities with a Serb

majority or a strong Serb presence, these units being at the same time very substantially

strengthened.

18. These arrangements, MadamPresident, were completed by the appointment of

General Mladić, first (in April 1992) as Deputy Commander of the 2nd Military District of the JNA

(covering the territory of Bosnia a nd Herzegovina), and then as Commander ⎯ a post that he

would take up on 10May 1992, just before the (in fact imaginary) withdrawal of the JNA. This

highlights the intention of the Federal Repub lic of Yugoslavia to make GeneralMladi ć

Commander-in-Chief of Serb forces in Bosnia and Herzegovina (the future army of

Republika Srpska) ⎯ as effectively happened. In other words, the choice of GeneralMladi ć as

Commander of the Serb army in Bosnia was made in Belgrade; the Deputy Agent of Bosnia and

Herzegovina, Phonvanden Biesen, has already descr ibed to the Court the meeting of the Serb

political and military leadership of 30April 1992, held in Belgrade under the chairmanship of

Slobodan Milošević, at which this decision was taken 136.

19. It was this series of measures which would make implementation of the genocide

possible. In the remainder of this presentati on I am indeed going to address the issue of the

attributability to the Yugoslav State of the crimin al acts coming within the definition of genocide

which are enumerated in Article II of the Conven tion (for example, killing members of the group;

causing them serious bodily or mental harm, et c.). The preparatory acts which I have just

described, whilst making the genocide possible, are di stinct from the genocide itself. The fact that

they are undoubtedly attributable to the State must therefore be considered ⎯ as ProfessorPellet

will show you later today ⎯ primarily in relation to the issue of the “ancillary” crimes set out in

ArticleIII of the Convention, namely conspir acy to commit genocide and incitement to or

136
CR 2006/4, p. 26, para. 18. - 53 -

59 complicity in genocide. However, given their consistent nature, their consequences and their direct

connection with all of the events which they contri buted to producing, those preparatory acts are in

themselves very significant evidence of responsibility for genocide on the part of the Respondent

that goes well beyond mere incitement or complicity.

De jure organs of the Respondent actively participated in perpetration of the genocide

20. Madam President, Members of the Court, right from the moment, in March 1992, when

Bosnia and Herzegovina exploded into war, we can observe the operation of the pre-established

military machine whose principal characteristics I have just described to you. Its fearsome

effectiveness is demonstrated by the fact that in less than two months the greater part of the

territory of Bosnia and Herzegovina which had already been identified as rightfully belonging to

the Serbs had been conquered and placed under Serb control. In these areas “ethnic cleansing”

would proceed at full speed: by the date of the official withdrawal of the JNA, on 12 May 1992, a

large number of non-Serbs had already been killed, or so terrorized as to be compelled to flee. All

of these facts are perfectly well known to you, just as it is known that they were the work of the

Yugoslav Federal Army: Bosnia and Herzegovina’s written oral pleadings have proved that to you

in detail, while the now abundant jurisprudence of the ICTY, whose findings are fully authoritative,

provide a striking confirmation. Allow me one citation: a passage form the Tadić Judgement of

7 May 1997, where the tribunal highlights the technique used by the JNA:

“125.... between March and May1 992, there were several attacks and
take-overs by the JNA of areas that constitute d main entry points into Bosnia or were
situated on major logistics or communications lines . . . [list of localities] . . .

126. In general, the military take-ove rs involved shelling, sniping and the
rounding-up of the non-Serbs in the area. These tactics often resulted in civilian
deaths and the flight of the non-Serbs. Remaining non-Serbs were then forced to meet
in assembly areas in towns for expulsion fro m the areas. Large numbers of non-Serbs

were imprisoned, beaten and forced to sing Chetnik songs and their valuables seized.137
60 This was accompanied by wide-spread destruction of personal and real property.”

21. There you have it, Madam President, succi nctly and very effectively summarized, the

horror of the first “ethnic cleansing”, start of the genocide. These beginnings of genocide were, it

should be noted, physically carried out by the JNA, that is to say de jure organs of the Federal

137
ICTY, Prosecutor v. Tadić, case No. IT-94-1-T, Trial Chamber, Judgement, 7 May 1997, paras. 125-126. - 54 -

Republic of Yugoslavia: there can be no doubt that what we are seeing here is a series of acts

constituting, an international law, acts of the State. As regards the important contribution of local

militias and paramilitary formations coming fro m Serbia and Montenegro, I will have the

opportunity to return to this this afternoon, when I consider them specifically in terms of the

attributability of their acts to the FRY. May I, however, take this opportunity to remind you now of

what Bosnia and Herzegovina has already shown the Court, and notably this morning, supported in

particular by the findings of the International Cr iminal Tribunal for the former Yugoslavia, which

relate precisely to the period which we are now discussing: these forces

“operated in conjunction with the JNA and were used as infantry shock troops to make
up for declining numbers in the regular army ... The JNA and in particular its air

force arm actively co-operated with and assi sted these para-militar138nits in 1991 and
1992 . . . and liberally supplied them with arms and equipment.”

22. These very pertinent extracts from a judgment of the International Criminal Tribunal for

the former Yugoslavia, which contain an in-depth and reliable analysis of the facts, merit being

cited, particularly as in its Rejoinder the Re spondent accuses Bosnia and Herzegovina of having

used the judgment in question in a selective way and of not having mentioned what it calls “key

determinations of the Trial Chamber in the Tadić case” 139. What an extraordinary charge! Both on

the matter which I am now addressing and on the following one, as we shall see, the factual

findings of the ICTY in the Tadić case are and remain among the foundations of Bosnia’s

argument. It is precisely on the basis of these f acts, and in particular those which have been

carefully verified “by judges skilled in examinati on and experienced in assessing large amounts of

61 factual information” (to cite the dictum of this Court which I quoted just a few minutes ago) ⎯ it is

thus on this basis that the Applicant requests y ou to make your own legal findings. I note in

passing, in regard to the Tadić case, that, while there was indeed disagreement between the Trial

Chamber and the Appeals Chamber of the ICTY as to how the facts should be characterized in law,

and differences of opinion on the matter emerged between the judges composing each of these

Chambers, there was by contrast total unanimity among all the judges of both Chambers in respect

of the facts, which everyone regarded as fully pr oven: in particular those highlighting the very

138
Ibid., para, 110.
139
Rejoinder, p. 579, para. 3.2.3.11, and p. 582, para. 3.2.3.13. - 55 -

important active role played by the JNA in the ev ents in Bosnia and Herzegovina both before and

after May 1992. This Court will certainly wish to attach decisive probativ e force to these facts as

unanimously established by the ICTY, whilst being free to draw its own conclusions as to their

legal consequences in regard to attributability.

23. Allow me now to address precisely the even ts which occurred after the first months of

the conflict, when the JNA officially withdrew from the territory of Bosnia and Herzegovina

(19May1992), in response to Security Council resolution 752 (1992) calling for the cessation of

all intervention by the Yugoslav army and dema nding its withdrawal or submission to the

authorities of the Republic of Bosnia and Herze govina. The Bosnian Serb Army would then be

created by the means and methods which we have amply illustrated to you, and Republika Srpska

(initially called the Serb Republic of Bosnia-Herze govina) would be proclaimed. In the remainder

of my presentation, this afternoon, I will seek to demonstrate the truth of the Applicant’s belief that

the actions both of Republika Srpska and of the army of Republika Srpska falling within the

definition of genocide are attributable to the FRY, even if neither of these entities can be

characterized as de jure organs of the State in question.

24. However, pending this demonstration, it is clear that, in any event, the actions of the

Yugoslav army on the territory of Bosnia and Herzegovina after 19 May 1992 undeniably remained

attributable to the Federal Republic of Yugoslavia. The evidence which we have provided of those

forces’ very substantial participation, both direct and indirect, after their purported withdrawal, is

62 abundant and conclusive, as the Court will have noted. Thus the General Assembly was not

mistaken in the matter. May I again cite, as Prof essor Franck has already done, just three of the

Assembly’s resolutions from 1993 confirming the continued presence of Yugoslav forces in Bosnia

and Herzegovina after May1992. On 7April1993 the Assembly denounced “the direct and

indirect support of the Yugoslav People’s Army ” for the aggressive activities in Bosnia and

Herzegovina by “irregular Serb and Montenegri n forces”, and then went on to condemn these

“aggressive acts of Serbia, Montenegro and Se rb forces in the Republic of Bosnia and

Herzegovina”, demanding that these cease immediat ely and that the elements of the Yugoslav

People’s Army present in Bosnia-Herzegovina be eff ectively withdrawn be subject to the authority - 56 -

140
of the Government of the Repub lic of Bosnia and Herzegovina . Then, on 26April1993, the

Assembly again addressed the matter, citing the “primary responsibility” (primary, interalia) of

the JNA and the “political leadership of the Republic of Serbia” for the practice of ethnic cleansing

in Bosnia and Herzegovina 141. Again, on 29 December 1993, the Assembly forcefully condemned,

in particular, the violations of human rights and international humanitarian law at the expense of

the Bosnian people “committed as policy, flagrant ly and on a massive scale, by Serbia and

142
Montenegro” .

25. It is clear that the General Assembly was very well informed of what was happening on

the ground, albeit in general terms. This Court also, which, in its Orders of 8April1993 and

13September1993 in the present case, had speci fically called upon the Federal Republic of

Yugoslavia to take all measures within its power to prevent commission of the crime of genocide

143
and to bring to an end the great suffering su stained by the population of Bosnia-Herzegovina .

Subsequently, the judicial findings of the ICTY woul d confirm all of this in detail. Those detailed

findings are indisputable. So indisputable that the Respondent had to accept the truth of them in its

144
Rejoinder . This, I would point out in passing, signifies in any event an admission that the

63 Federal Republic of Yugoslavia was flagrantly violating all of the resolutions of the General

Assembly and the Security Council (beginning with Security Council resolution752(1992))

demanding the complete withdrawal of the JNA fro m the territory of Bosnia-Herzegovina, as well,

of course, as the Orders of this Court. Ho wever the Respondent endeavours, as it were, to

“neutralize” the clear consequences of this admi ssion for purposes of attributability, by putting

forward a quite extraordinary argument: it contends that after 19 May 1992 the armed forces of the

FRY operated in Bosnia and Herzegovina under the command of the military authorities of

Republika Srpska. You will all appreciate that this is a truly untenable claim, since it runs counter

to what is self-evident: the fact, as you have heard, that Republika Srpska and its army were totally

dependent in all respects on the FRY.

14A/RES/47/121.

14A/RES/47/147.
142
A/RES/48/88.
14Reply, pp. 4 et seq..

14Rejoinder, pp. 576 et seq., para. 3.2.2.7. - 57 -

26. I think, Madam President, that I will not now begin a new subject; I would therefore ask

you if I should stop here and go on this afternoon. Thank you.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Condor elli. The Court will now rise and we shall

resume at 3 o’clock this afternoon when you will again have the floor.

The Court rose at 12.50 p.m.

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