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131-20040223-ORA-01-01-BI
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CR 2004/1 (traduction)

CR 2004/1 (translation)

Lundi 23 fØvrier 2004 à 10 heures

Monday 23 February 2004 at 10 a.m.14 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

La Cour se rØunit aujourd’hui pour en tendre des exposØs oraux et observations,

conformØment aux termes de son ordonnance du 19 dØcembre2003, au sujet de la requŒte pour

avis consultatif soumise à la Cour par l’Assembl Øe gØnØrale des Nations Unies sur la question des

Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé.

*

Le 8dØcembre2003, par sa rØsolutioA/ RES/ES-10/14, l’AssemblØe gØnØrale des

NationsUnies a dØcidØ de demander un avis consulta tif à la Cour. Le mŒme jour, le texte de la

rØsolution a ØtØ transmis par une lettre du SecrØtai re gØnØral de l’Organisation des Nations Unies à

la Cour et reçu au Greffe par tØlØcopie le 10 d Øcembre 2003. Je demande à prØsent au greffier de

donner lecture, dans le paragraphe du dispositif de ladite rØsolution, de la question sur laquelle il

est demandØ à la Cour de «rendre d’urgence un avis consultatif».

RTEheISTRAR:

“What are the legal consequences arising from the construction of the wall
being built by Israel, the occupying Power, in the Occupied Palestinian Territory,
including in and around East Jerusalem , as described in the report of the

Secretary-General, considering the rules and principles of international law, including
the Fourth Geneva Convention of 1949, a nd relevant Security Council and General
Assembly resolutions?”

Le PRESIDENT: ConformØment au paragra phe1 de l’article 66 du Statut, la requŒte

demandant l’avis consultatif a ØtØ immØdiatement notifiØe à tous les Etats admis à ester en justice

devant la Cour. Les NationsUnies et ses Etats Membres ont Øgalement ØtØ informØs que, par

ordonnance en date du 19dØcembre2003, la Cour avait jugØ, conformØment au paragraphe2 de

l’article66 du Statut, qu’ils Øtaient susceptibles de fournir des renseignements sur l’ensemble des

aspects soulevØs par la question soumise à la Cour pour avis consultatif et que, par la mŒme

ordonnance, elle fixait au 30janvier2004 la date d’expiration du dØlai da ns lequel ils pourraient

soumettre à la Cour des exposØs Øcrits sur la question. La Palestine de son côtØ a ØtØ informØe que,

par son ordonnance, la Cour avait dØcidØ - 2 -

15 «que, au vu de la rØsolution A/RES/ES-10/ 14 de l’AssemblØe gØnØrale et du rapport
du SecrØtaire gØnØral transmis à la Cour avec la requŒte, et compte tenu du fait que
l’AssemblØe gØnØrale a[vait] accordØ à la Palestine un statut spØcial d’observateur et

que celle-ci [Øtait] coauteur du projet de rØsolution demandant l’avis consultatif, la
Palestine pou[rrait] Øgalement soumettre à la Cour un exposØ Øcrit sur la question
posØe, dans le dØlai sus-indiquØ».

Par la mŒme ordonnance, la Cour a dØcidØ, «conformØment au paragraphe4 de l’article66

du Statut et à l’article 105 du RŁglement, de tenir des audiences au cours desquelles des exposØs et

observations pourront Œtre prØsentØs devant la C our par l’Organisation des NationsUnies et ses

Etats Membres, qu’ils aient ou non dØposØ des expo sØs Øcrits» et a fixØ au 23 fØvrier 2004 la date

d’ouverture desdites audiences. La Cour a en out re dØcidØ que, pour les raisons que j’ai dØjà

ØvoquØes, «la Palestine pourra Øgalement partic iper à la procØdure orale qui s’ouvrira le

23 fØvrier 2004».

J’ai par ailleurs invitØ les Nations Unies et ses Etats Membres, ainsi que la Palestine, à faire

connaître au Greffe de la Cour, le 13fØvrier2004 au plus tard, leur intention de participer à la

procØdure orale.

La Cour a dØcidØ par la suite, conformØment à l’article66 de son Statut, sur des demandes

soumises par La Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la confØrence islamique,

respectivement, que ces deux organisations internationales Øtaient susceptibles de fournir des

renseignements sur la question; et que, en con sØquence, elles pouvaient soumettre des exposØs

Øcrits dans le mŒme dØlai fixØ par la Cour dans son ordonnance du 19 dØcembre 2003, et participer

à la procØdure orale qui s’ouvrira le 23 fØvrier 2004.

*

En outre, le 30 janvier 2004, la Cour a publiØ une ordonnance concernant sa composition en

l’espŁce.

*

Dans le dØlai fixØ par la Cour à cette fin, des exposØs Øcrits ont ØtØ dØposØs, selon l’ordre de

rØception, par : - 3 -

la GuinØe, l’Arabie saoudite, la Ligue des Etat s arabes, l’Egypte, le Cameroun, la FØdØration

de Russie, l’Australie, la Palestine, les Nations Uni es, la Jordanie, le Koweït, le Liban, le Canada,

la Syrie, la Suisse, Israºl, le YØmen, les Etats-Unis d’AmØrique, le Maroc, l’IndonØsie,

16 l’Organisation de la confØrence islamique, la Fr ance, l’Italie, le Soudan, l’Afrique du Sud,

l’Allemagne, le Japon, la NorvŁge, le Royaume-Uni, le Pakistan, la RØpublique tchŁque, la GrŁce,

l’Irlande en son nom propre, l’Irlande au nom de l’Union europØenne, Chypre, le BrØsil, la

Namibie, Malte, la Malaisie, les Pays-Bas, Cuba, la SuŁde, l’Espagne, la Belgique, Palau, les Etats

fØdØrØs de MicronØsie, les Iles Marshall, le SØnØ gal et la RØpublique popu laire dØmocratique de

CorØe.

*

Comme je l’ai indiquØ il y a quelques instants, la Cour se rØunit aujourd’hui pour entendre au

cours d’un seul tour de plaidoiries les exposØs ora ux et observations relatifs à la requŒte pour avis

consultatif. A ce sujet, la Cour a ØtØ informØe que le s participants suivants, citØs dans l’ordre de la

prise de parole, souhaitent prendre la parole au cours de cette procØdure orale :

la Palestine, l’Afrique du Sud, l’AlgØrie, l’Arabie saoudite, le Bengladesh, Belize, Cuba,

l’IndonØsie, la Jordanie, Madagascar, la Malaisie, le SØnØgal, le S oudan, la Ligue des Etats arabes

et l’Organisation de la confØrence islamique.

Les dispositions prises pour les audiences ont ØtØ, par diverses communications, portØes par

le Greffe à la connaissance des participants que je viens de citer. Le programme des audiences a

ØtØ rendu public par le communiquØ de presse n o2004/9 en date du 18fØvrier 2004. Au cours de

cette matinØe, la Cour entendra la Palestine; cet aprŁs-midi, l’Afrique du S ud, l’AlgØrie, l’Arabie

saoudite et le Bengladesh prendront la parole. La Palestine di sposera d’un temps de parole

maximum de troisheures et tous les autres participants à la procØdure orale disposeront chacun

d’un temps de parole maximum de quarante-cinq minutes.

Avant d’inviter la dØlØgation de Palestine à prendre la parole, je voudrais prØciser en outre

que, conformØment à l’article 106 du RŁglement de la Cour, celle-ci a dØcidØ que les exposØs Øcrits

soumis aux fins de la prØsente procØdure c onsultative seraient rendus accessibles au public à - 4 -

l’ouverture de cette procØdure orale. En outre, ces exposØs Øcrits seront placØs à dater de ce jour

sur le site Internet de la Cour, afin de pouvoir y Œtre consultØs dans leur version originale ou dans la

traduction non officielle, telle que soumise ou Øtablie par le Greffe.

Je donne à prØsent la parole à S.Exc.M. NasserAl-Kidwa, ambassadeur et observateur

permanent de la Palestine auprŁs de l’Organisation des Nations Unies.

17
M. AL-KIDWA :

D ECLARATION LIMINAIRE

1. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, j’ai l’honneur de m’adresser à

vous au nom de la Palestine. Je tiens à remercier la Cour interna tionale de Justice d’avoir donnØ à

la Palestine l’occasion de prendre part à la prØsente procØdure consultative sur les«Conséquences

juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé».

2. Je me prØsente devant vous en tant que reprØsentant du peuple palestinien, le peuple

autochtone du territoire, qui depuis trop longtemps se voit nier son droit à disposer de lui-mŒme et

sa souverainetØ sur son territoire et qui se compo se toujours pour moitiØ de rØfugiØs. Le peuple

palestinien est soumis à une occ upation militaire depuis prŁs de tren te-sept ans. Les Palestiniens

ont ØtØ dØshumanisØs et diabolisØs, humiliØs et ra baissØs, dØpossØdØs et dispersØs, et brutalement

rØprimØs par l’occupant. Cette occupation les a syst Ømatiquement privØs de leurs droits et libertØs

fondamentaux et a rØgentØ quasiment tous les aspects de leur vie.

3. Mais il ne s’agit ici du conflit is raØlo-palestinien dans son ensemble  c’est du mur qu’il

est question. Ce mur se construit presque entiŁre ment dans le Territoire palestinien occupØ. Ce

mur ne vise pas la sØcuritØ : il vise à affermir l’occupation et l’annexion de facto de vastes portions

de territoire palestinien. Ce mur, s’il est achevØ, ne laissera au peuple palestinien qu’une moitiØ de

la Cisjordanie, le confinant à des enclaves isolØes, non contiguºs et murØes. Il rØduira quasiment à

nØant les chances de rØgler le conflit israØlo-palestinien par la crØation de deux Etats.

4. Le mur n’est pas simplement une struct ure physique; il constitue tout un rØgime. Il

encercle des communautØs entiŁres dans des enclaves murØes et, s’il est achevØ, son tracØ

emmurera la plus grande partie de la population palestinienne. Il provoque dØjà le dØplacement de

civils palestiniens et en emprisonne des milliers da ns la zone qui le sØpare de la ligne d’armistice - 5 -

de 1949, la Ligne verte. Il y a, en outre, une corrØlation Øvidente entre le tracØ du mur, les colonies

de peuplement israØliennes implantØes illicitement dans le Territoire palestinien occupØ et les

ressources en eau de la rØgion.

5. Bien entendu, il y a aussi une corrØlation entre le tracØ du mur et les politiques et pratiques

illicites adoptØes de longue date par Israºl à l’Øgard de JØrusalem. JØrusalem-Est est un territoire

occupØ. La communautØ internationale n’a jama is reconnu l’annexion illicite de JØrusalem-Est par

Israºl. De par son tracØ, le mur consolidera clairement cette annexion. Il rendra la situation

humanitaire des Palestiniens habitant la ville encore plus prØcaire. Et il coupera la ville du reste de
18

la population palestinienne, laquelle se trouvera ainsi privØe d’accŁs à la ville et à ses lieux saints.

6. Si nous sommes rØunis ici, c’est parce que l’Organisation des Nations Unies a à l’Øgard de

la question palestinie nne une responsabilitØ juridique, politique et morale  qui ne s’Øteindra

qu’avec le rŁglement de cette question sous tous ses aspects. L’AssemblØe gØnØrale l’a rØaffirmØ

dans vingt-cinq rØsolutions au moins. C’est, aprŁs tout, l’AssemblØe gØnØrale qui, conformØment à

la Charte des Nations Unies, s’est occupØe de la Palestine sous mandat en dØcidant le

29 novembre 1947, dans sa rØsolution 181 (II), de la partager en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe.

Comme chacun sait, l’Etat arabe n’a pas encore vu le jour; et le peuple palestinien n’a donc pas ØtØ

en mesure d’exercer son droit à disposer de lui- mŒme. D’ailleurs, la Palestine n’est toujours pas

membre de l’Organisation des Nations Unies, mais conserve le statut d’observateur. Depuis 1947,

cependant, l’AssemblØe gØnØrale a toujours eu à l’ examen la question de Palestine ou certains de

ses aspects.

7. Le Conseil de sØcuritØ n’a jamais cess Ø lui non plus de s’occuper de la question

palestinienne. C’est en 1948 que l’examen de la «situation en Palestine» a figurØ pour la premiŁre

fois à son ordre du jour. L’attention portØe par le Conseil à cette question a redoublØ aprŁs

l’occupation israØlienne en 1967. Depuis lors, il a adoptØ trente-huit rØsolutions consacrØes à la

situation dans le Territoire pa lestinien occupØ, dont vingt-six dans lesquelles il rappelle la

quatriŁme convention de GenŁve, et notamment l’applicabilitØ de cet instrument aux territoires

occupØs par Israºl depuis 1967, y compris JØrusalem.

8. Ces rØsolutions, bien entendu, restent valabl es. Israºl n’en a resp ectØ quasiment aucune.

Le Conseil, qui a la responsabilitØ du maintien de la paix et de la sØcuritØ internationales, a connu à - 6 -

cet Øgard un Øchec historique dans le cas de la Pales tine. Il a nØgligØ de suivre l’application de ses

propres rØsolutions et n’a pas pris les mesures nØ cessaires pour en assurer le respect, pas plus qu’il

n’a su empŒcher les violations continues, et parfois massives, du droit international et de la Charte

elle-mŒme. La principale raison en est que le Conseil s’est heurtØ au veto, ou à une menace de

veto, de l’un de ses membres permanents. Pend ant trente ans, de1973 à2003, la question

palestinienne a suscitØ vingt-sept fois un veto. Le veto le plus rØcent a ØtØ Ømis le 14 octobre 2003,

lorsque la question de la construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ a ØtØ soumise au

Conseil, qui n’a pas agi.

9. Au fil des ans, l’AssemblØe gØnØrale, face à l’inaction du Conseil de sØcuritØ, a tentØ de

s’acquitter de ses propres respon sabilitØs conformØment à la rØsolution377(V) qu’elle avait

19 adoptØe en 1950. Elle a consacrØ quatre de ses dix sessions extraordinaires d’urgence à la Palestine

et à la situation au Moyen-Orient. En rØponse au dernier veto, l’AssemblØ e gØnØrale a repris sa

dixiŁme session extraordinaire d’urgence afin d’exam iner la situation. A l’instar du Conseil de

sØcuritØ, l’AssemblØe a sØrieusement dØbattu la question et deux projets de rØsolution ont ØtØ

prØsentØs, dont l’un demandait à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif au

sujet du mur. Toutefois, au terme d’intenses consultations et nØgociations, les membres de l’Union

europØenne ont prØsentØ un nouveau projet de r Øsolution, Øtant entendu que les auteurs des deux

projets initiaux n’insisteraient pas pour que leurs textes soient mis aux voix. Le projet de

rØsolution dont l’Union europØenne Øtait coaute ur a ØtØ adoptØ à une Øcrasante majoritØ, le

21 octobre 2003, en tant que rØsolution ES-10/13.

10. Trois ØlØments prØcis de cette rØsolution doivent Œtre soulignØs: premiŁrement, il Øtait

exigØ «qu’Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris

Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce projet, qui s’écarte de la ligne d’armistice

de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit international». DeuxiŁmement, le

SecrØtaire gØnØral Øtait priØ de rendre compte de la façon dont la rØsolution serait respectØe. Et,

troisiŁmement, il Øtait dit expressØment que, dŁs rØception du premier rapport du SecrØtaire gØnØral,

«de nouvelles mesures devraient être envisagées, le cas échéant, par les organismes des Nations

Unies». Le libellØ de ce troisiŁme ØlØment tradui sait un compromis sur les suites à donner à cette

question, une possibilitØ Øtant de demander à la prØsente Cour un avis consultatif sur les - 7 -

consØquences juridiques en cas de non-respect. Ce membre de phrase ne pouvait viser autre chose

que la saisine de la Cour et, nonobstant l’interprØtation diffØrent e qui en est faite dans un exposØ

Øcrit1, il est incontestable que l’idØe de demander un avis consultatif a ØtØ amplement discutØe et

dØbattue.

11. AprŁs l’adoption de cette rØsolution, Isr aºl a non seulement poursuivi, mais accØlØrØ, la

construction du mur sur le territoire palestinien. En application de la rØsolution, le SecrØtaire

gØnØral a prØsentØ un rapport dØpeignant clairement la situation factuelle concernant le mur. Il

concluait qu’«Israël ne se conform[ait] pas à la dem ande de l’Assemblée générale tendant à ce

qu’il «arrête la construction du mur dans le terr itoire palestinien occupé...et revienne sur ce

projet»» 2. C’est pourquoi l’AssemblØe gØnØrale a repris une nouvelle fois sa session extraordinaire

d’urgence le 8 dØcembre 2003 et adoptØ à une large majoritØ la rØsolution ES-10/14 demandant à la

20 Cour de rendre d’urgence un avis consultatif su r les consØquences juridiques dØcoulant de la

construction du mur par Israºl.

12. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs de la Cour, dans l’exposØ Øcrit qu’il a

soumis à la Cour, Israºl prØtend ne pas traiter le fond de la question. Nous ne sommes pas de cet

avis. L’exposØ d’Israºl abonde en tentatives visan t à justifier la construction du mur, par une

analyse dØtaillØe des attentats terroristes et par des arguments politiques, ayant trait notamment à la

feuille de route. Israºl multiplie les rØfØrences à la feuille de route et à la rØsolution 1515 (2003) du

Conseil de sØcuritØ. Voilà qui est paradoxal. Le Gouvernement d’Israºl n’a jamais voulu de cette

feuille de route, il n’a jamais voulu que le Conseil de sØcuritØ l’entØrine, et il a maintes fois retardØ

ces deux processus. Lorsque la feuille de route a ØtØ officiellement prØsentØe en avril 2003, le

Gouvernement israØlien s’est bien gardØ de dire qu’il acceptait la feuille de route elle-mŒme, mais a

seulement dØclarØ accepter ce qu’il a appelØ «les mesures énoncées dans la feuille de route» . Et,

mŒme alors, il a assorti son acceptation de quatorze rØserves si l’on en croit la dØclaration faite le

25 mai 2003 par le conseil des ministres israØlien.

13. Par la suite, Israºl s’est opposØ avec vØ hØmence à l’initiative de la FØdØration de Russie

tendant à soumettre la feuille de route à l’ap probation du Conseil de sØcuritØ. Lorsque la

1
ExposØ Øcrit du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord.
2
Nations Unies, doc. A/ES-10/248. - 8 -

rØsolution 1515 (2003) du Conseil de sØcuritØ a enfin ØtØ adoptØe, le 19 novembre 2003, le Conseil

n’a tenu aucun dØbat, la cause en Øtant l’opposition d’Israºl. Ensuite, le 17 dØcembre 2003, Israºl a

sapØ le consensus traditionnel sur une rØsolution de l’AssemblØe gØnØrale relative à l’«Assistance

au peuple palestinien», prØcisØment parce que l’Union europØenne, l’un des auteurs de la

rØsolution, avait ajoutØ un paragraphe saluant l’ approbation donnØe à la feuille de route par le

Conseil de sØcuritØ dans sa rØsolution1515. Isr aºl a dØclarØ qu’il n’adhØ rerait au consensus sur

cette rØsolution que si la rØfØrence à la rØsolution 1515 Øtait retirØe, ce qui ne fut pas le cas.

14. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, les initiatives de paix relatives

au Moyen-Orient et au conflit israØlo-palestinien n’ont pas manquØ. Pourtant, depuis l’adoption de

la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ et lo rs de chaque initiative ultØrieure, Israºl a menØ

en parallŁle une colonisation intensive de notre te rre. Il a transfØrØ illic itement quatre cent mille

colons dans le Territoire palestinien occupØ, y co mpris à JØrusalem-Est. Ce territoire, il cherche

constamment à en modifier le statut, la physionomie, la nature et la composition dØmographique, sa

toute derniŁre action en ce sens Øtant de construire le mur. En fait, depuis que le Gouvernement

israØlien et l’Organisation de libØration de la Pa lestine ont signØ la dØclaration de principes,

en 1993, Israºl n’a pas seulement poursuivi ses activ itØs de peuplement et d’expansion illicites; il a

21 en rØalitØ doublØ le nombre de ses colons dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à

JØrusalem-Est. DoublØ. Comment imaginer que le peuple palestinien puisse continuer de croire en

une paix imminente en pareilles circonstances ?

15. Avec la feuille de route, les choses pourra ient changer; et nous espØrons que ce sera le

cas. Cette initiative se fonde sur les principes de la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ et

sur la vision «d’une rØgion dans laquelle deux Etat s, Israºl et la Palestine, vivent côte à côte, à

l’intØrieur de frontiŁres reconnu es et sßres», exprimØe par le Conseil dans sa rØsolution1397

(2002). La feuille de route mØrite qu’on lui donne une chance  nous voulons qu’elle aboutisse.

Mais on ne saurait permettr e, une fois de plus, qu’Israºl contin ue encore et toujours de priver les

Palestiniens de leurs biens et de leurs droits, sous couvert du processus de paix ou d’un semblant

d’initiative de paix. On ne saurait simplement ignorer ou suspendre les droits lØgitimes du peuple

palestinien chaque fois qu’un processus de paix est en cours. Ce serait faire le jeu des extrØmistes

dans les deux camps. L’un de nos plus grands espoirs est que la C our Øtablisse clairement que le - 9 -

peuple palestinien a des droits et que le droit inte rnational n’est pas inapplicable à la situation qui

rŁgne dans le Territoire palestinien occupØ.

16. La quasi-totalitØ des Etats du monde s’accordent à qualifier d’inacceptable la

construction du mur. Au sein de l’Organisation des Nations Unies, ils sont une majoritØ Øcrasante à

considØrer qu’elle est contraire au droit intern ational. Cette mŒme majoritØ Øcrasante estime

comme l’a officiellement dØclarØ un groupe de ces Etats, l’Union europØenne  que le mur

«ren[d] physiquement impossible la mise en œuvre de la solution à deux Etats». Si l’on veut

sauver la feuille de route et les perspectives de paix, il faut donc que la construction du mur cesse,

que les parties dØjà existantes soient dØmantelØ es, et que les Etats s’abstiennent de reconnaître

aucune des consØquences qui peuvent en dØcouler.

17. Le Quatuor s’est lui aussi dØclarØ prØoccupØ par le mur. Il faut prØciser en outre que,

mŒme s’il a ØtØ donnØ à entendre dans l’un des exposØs 3 soumis à la Cour que les membres du

Quatuor s’accordaient à penser qu’un avis consultatif serait de nature à faire obstacle au processus

de paix, ils ne sont pas tous partisans d’exhorter la Cour à s’abstenir de rendre l’avis demandØ. La

FØdØration de Russie, dans son exposØ, n’invite pas la Cour à refuser de rendre cet avis.

L’Organisation des Nations Unies ne le fait pas dava ntage. Ni l’Union europØenne. Le ministre

irlandais des affaires ØtrangŁres l’a confirmØ de vant le SØnat de son pays le 4fØvrier2004,

dØclarant: «Contrairement à certaines informati ons publiØes dans les mØdias, l’Union europØenne

n’a pas demandØ à la CIJ de s’abstenir de rendre un avis consultatif. Il n’y aurait pas eu de

4
22 consensus en faveur d’une telle position.» Nous doutons mŒme d’a illeurs, que l’exposØ des

Etats-Unis aille dans ce sens.

18. Certains Etats ont dØclarØ qu’un avis cons ultatif pourrait Œtre prØjudiciable au rŁglement

des questions relatives au statut dØfinitif, qu’il appa rtient aux parties de nØgocier. Manifestement,

s’agissant des questions relatives au statut dØfin itif, ce sont les actes commis par Israºl dans le

Territoire palestinien occupØ, et non un quelconque avis de la Cour, qui constitueront des faits

illicites sur le terrain. Nous reconnaissons nØan moins qu’il n’est pas demandØ à la Cour de

3
ExposØ Øcrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
4DØclaration devant le SØnat d’Irl ande, 4 fØvrier 2004; prØsidence de l’Union europØenne (janvier-juin 2004)

[traduction du Greffe] - 10 -

recommander des solutions pour le statut dØfin itif, mŒme s’il lui faudra assurØment aborder ces

questions, compte tenu des liens complexes qui existent entre le mur, les colonies et la nature et le

tracØ du mur à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est.

19. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, je voudrais Øvoquer maintenant

la question des attentats-suicides, de la situation en matiŁre de sØcuritØ et des politiques et pratiques

d’Israºl dans le Territoire palestinien occupØ. Is raºl affirme que le mur est un moyen de dØfense

temporaire destinØ à empŒcher les attentats-suicides et à assurer sa sØcuritØ. Il n’en est rien, et la

preuve en est simple. Si tel Øtait en rØalitØ le cas, Israºl aurait construit le mur sur son territoire, le

long de la ligne d’armistice de 1949, et non au-d elà de cette ligne, en quasi-totalitØ dans le

Territoire palestinien occupØ. Si Israºl voulait un mur de sØcuritØ, il pourrait en construire un sur

son territoire, qui soit haut de 80 mŁtres et non de huit s’il le souhaite. Un tel mur ne serait certes

pas de bon augure pour la coexistence des deux peupl es, mais personne n’en contesterait la licØitØ

sur le principe.

20. Les attentats-suicides ont causØ la mort de 438 IsraØliens en Israºl.

Quatre cent quatre-vingt-dix IsraØliens, pour la plupart des soldats et des colons, ont Øgalement ØtØ

tuØs par d’autres formes de violence. Face à ces chiffres, ce sont 2770 civils palestiniens, dont des

femmes et des enfants, qui entre septembre 2000 et le 18 fØvrier 2004 ont ØtØ directement tuØs par

les forces israØliennes d’occupation, souvent exØcutØs de maniŁre extrajudiciaire. Plus de 1200 de

ces Palestiniens ont ØtØ tuØs par les forces israØlie nnes d’occupation dans la bande de Gaza, bien

qu’Israºl eßt dØjà construit une autre sorte de mu r autour de cette rØgion. La question qui se pose

alors est la suivante : comment ce mur qu’Israºl est en train de construire permettra-t-il de rØsoudre

le problŁme de la sØcuritØ ? Son tracØ et les mesures illicites qu’implique sa construction ont plutôt

toutes les chances d’exacerber en fait la situation sØcur itaire. Il est plus qu ’Øvident qu’en privant

23 un peuple entier de ses droits, en l’expropriant de se s terres et de ses biens, et en l’emmurant dans

des enclaves et des ghettos, on ne rØsout pas le problŁme de la sØcuritØ, on crØe au contraire une

situation intenable vouØe à s’embraser.

21. A cet Øgard, je tiens à prØciser trŁs clairement notre position concernant les

attentats-suicides. Nous avons toujours systØm atiquement condamnØ ces attentats en termes non

Øquivoques. Nous condamnons tout acte de violence visant des civils dans ce conflit, qu’ils soient - 11 -

israØliens ou palestiniens. Les attentats-suicides sont à nos yeux illicites. Et ils portent prØjudice à

la cause juste et honorable du peuple palestinien.

22. Cela dit, j’attire votre attention sur le fait que lorsque le premie r attentat-suicide fut

perpØtrØ, il y avait dØjà prŁs de vingt-sept ans que le peuple palestinien endurait cette occupation

militaire oppressive. Les attentats-suicides sont le rØsultat des politiques et des mesures

israØliennes, dont la colonisation sans relâche de notre terre. Ils n’en sont pas la cause. Il est

Øgalement impØratif de distinguer entre, d’une part, ces actes de violence illicites perpØtrØs contre

des civils israØliens en Israºl et, d’autre part, les actes  conformes au droit international  de la

rØsistance palestinienne face à l’occupation is raØlienne et aux attaques militaires des forces

occupantes. La Palestine rØaffirme nØanmoins sa volontØ de parvenir à une solution pacifique et

nØgociØe pour mettre fin à cette occupation et à ce conflit.

23. Une situation de crise humanitaire rŁgne dans le Territoire palestinien occupØ. Des

infractions graves au droit international humanitaire et de graves violations des droits de l’homme y

sont commises. Le mur, indissociable de ces infr actions et de ces violations, exacerbe encore cette

situation. Franchement, la feuille de route pe ut-elle vØritablement aboutir dans ces conditions?

C’est impossible. Israºl peut-il attendre de la pa rtie palestinienne qu’elle agisse efficacement alors

qu’il a dØtruit les moyens de sØcuritØ de la Pal estine et qu’il maintient en Øtat de confinement,

depuis plus deux ans, le dirigeant du peuple palestin ien, Yasser Arafat, prØsident Ølu de l’AutoritØ

palestinienne, l’empŒchant ainsi d’exercer conve nablement ses fonctions de chef? C’est

impossible. En construisant ce mur, et en con tinuant de coloniser et de confisquer les terres

palestiniennes, Israºl peut-il contribuer à instaure r la paix et la sØcuritØ pour les deuxpeuples?

C’est impossible.

24. La colonisation par Israºl des terres pal estiniennes qu’il occupe et ses tentatives pour en

modifier le statut juridique ne datent pas d’hier . Ce qui est nouveau, cependant, c’est l’ampleur de

son projet actuel de modification au moyen du mur du statut juridique de vastes zones du

Territoire occupØ, qui tend à leur annexion de facto. Ce mur sera le couronnement de toutes les

mesures et pratiques illicites antØrieures qu’Israºl, dans ce dessein, a mises en œuvre depuis 1967.

24 Il anØantira tout espoir du peuple palestinien de voir la rØalisation de ses droits inaliØnables,

notamment son droit à disposer de lui-mŒme, et dØtruira sa confiance dans la primautØ du droit - 12 -

international et dans la capacitØ de la communautØ internationale à faire respecter celui-ci, face à

des violations aussi graves. Il rØduira à nØant l’espoir de la communautØ internationale de voir

aboutir la feuille de route et la solution «de deux Etat s», Israºl et la Palestine, vivant côte à côte à

l’intØrieur de frontiŁres sßres et reconnues. Un rØsultat aussi lamentable doit Œtre ØvitØ à tout prix.

25. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, au nom de la Palestine, du

peuple palestinien et de ses dirigeants, je prie respectueusement la Cour d’examiner avec toute

l’attention requise la gravitØ de cette situation et l’importance que revŒt un avis consultatif en ce

moment crucial. Monsieur le prØsident, dans votre plus rØcente allocu tion devant l’AssemblØe

gØnØrale, vous avez soulignØ le rôle de la Cour en tant que «gardi enne du droit international» et

vous avez assurØ à l’AssemblØe que «la Cour continuer[ait] à faire tout ce qui est en son pouvoir

pour rØpondre aux espoirs placØs en e lle». Le peuple palestinien a pl acØ de grands espoirs dans la

prØsente procØdure et il a la conviction que la Cour, en rendant un avis consultatif, aidera

l’AssemblØe gØnØrale à exercer ses fonctions. L’ AssemblØe pourra ainsi jouer à son tour un rôle

important dans la rØponse à apporter à la poursuite de la construction du mur par Israºl et aux

menaces que cela fait peser sur les perspectives de paix entre les deux peuples. Nous sommes

fermement convaincus que cet avis consultatif pe ut contribuer à amØliore r la situation, voire

dØclencher des ØvØnements en chaîne comme ceux que suscita l’ avis consultatif rendu par la Cour

au sujet de la Namibie.

26. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs de la Cour, not re dØlØgation souhaite

maintenant prØsenter un bref exposØ des faits, cons tituant à notre avis le minimum nØcessaire pour

Øclairer les conclusions juridiques qui suivront. Mme Stephanie Koury fera cette prØsentation. Elle

cŁdera ensuite la parole à M. James Crawford, qui examinera la recevabilitØ de la requŒte. Il sera

suivi de M.Georges Abi-Saab, qui traitera la question de l’application des rŁgles du droit

international humanitaire et du droit relatif aux dr oits de l’homme dans le Territoire palestinien

occupØ, puis de M.Vaughan Lowe, qui vous parlera des violations de ces rŁgles. Notre exposØ

sera clos par M.Jean Salmon, qui Øvoquera la rela tion entre la feuille de route et le droit des

peuples à disposer d’eux-mŒmes, ainsi que les consØquences juridiques du mur.

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie. - 13 -

Le PRESIDENT: Je vous remerci, Monsieur Al-Kidwa. Je donne maintenant la parole à

Mme Stephanie Koury.

25 Mme KOURY :

E XPOSE DES FAITS

1. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, mon exposØ des faits comprend

deux parties. Je vais pour commencer dØcrire la natu re et le tracØ du mur. J’en montrerai ensuite

les effets aux niveaux local, rØgional et national. A cette fin, je me suis inspirØe des rapports

contenus dans le dossier de l’Organisation des Nations Unies qui vous a ØtØ remis.

M. Jarat Chopra, professeur à Brown University, fait Øquipe avec moi aux fins de cet exposØ.

I. La nature et le tracé du mur

5
[Diapositive 1 : la structure du mur en coupe ]

2. J’aborde donc la nature et le tracØ du mur. Le mur et ses diverses structures s’Øtendent

gØnØralement sur une largeur qui varie entre 30 et 100mŁtres; il est flanquØ de chaque côtØ de

zones militaires. Comme le montre la diapositive, il se compose de plusieurs ØlØments: des

boudins de barbelØ et de barbelØ à lames, des tranchØes, une clôture Ølectrique avec dØtecteurs

automatiques, une route pavØe pour les patrouilles israØliennes, une bande de sable pour repØrer les

traces de pas, un terrain vague et des camØras de surveillance.

[Diapositive 2 : la structure du mur en coupe 6]

3. Cette photographie montre les divers ØlØments qui composent le mur.

7
[Diapositive 3 : les segments du mur en bØton ]

4. Par endroits, le mur est composØ de blocs de bØton de 8 mŁtres de haut, notamment autour

de JØrusalem-Est occupØe. A Qalqilya, le mur de bØton est doublØ d’une rangØe de miradors

espacØs de 300 mŁtres environ.

5La structure du mur en coupe, doc. 1, exposØ Øcrit de la Palestine, vol. 1, cartes et graphiques.
6
Photographie 1, exposØ Øcrit de la Palestine.
7Photographies 15 et 4, exposØ Øcrit de la Palestine. - 14 -

[Diapositive 4 : une porte installØe le long du mur ]

5. Les portes constituent aussi l’une des caract Øristiques du mur. D’aprŁs l’ONU, le mur est

percØ de trente-sept portes. Environ la moitiØ ne fonctionne pas. Certaines n’ouvrent que pour de

brefs intervalles de quinze minutes deux ou trois fois par jour. Or, les horaires d’ouverture

changent de façon imprØvisible et les Palestiniens doivent attendre que les soldats dØverrouillent les

portes. Plusieurs d’entre elles n’ont jamais ØtØ ouvertes, comme celle qui apparaît sur cette

diapositive.

26 [Diapositive 5 : les phases du projet de construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ]

6. D’aprŁs les rapports du SecrØtaire gØnØral de l’ONU, le projet de construction du mur se

divise en quatre phases. Une cinquiŁme phase de construction est envisagØe, comme l’ont indiquØ

le rapporteur spØcial de l’ONU et la Commission des droits de l’homme. Sur cette carte, les zones

en bleu reprØsentent les colonies israØliennes. La phase A du mur est achevØe, ce qui est illustrØ

par la ligne rouge continue. Cette phase s’Øtend de Salem à la col onie israØlienne d’«Elkana». La

phase A comporte aussi deux segments de mur au nord et au sud de JØrusalem. La phase B va du

Jourdain au sud de Tayasir. Ce dernier segment constitue le dØbut d’un mur oriental. La phase B

est en grande partie achevØe et les lignes r ouges en pointillØ indiquent les zones soit approuvØes

soit en construction. La phase C du mur va de la colonie d’«Elkana» à JØrusalem. C’est dans le

cadre de cette phase que s’inscrivent en grande pa rtie les travaux de construction actuels. La

phaseD, qui a ØtØ approuvØe, ira de la colonie israØlienne de «Gilo» au sud-est d’HØbron. Une

cinquiŁme phase est envisagØe à l’est, tout le long de la vallØe du Jourdain.

7. S’il est achevØ, le mur mesurera au to tal entre 700 et 800kilomŁtres. Il enfermera

quelque 56, 5 % de la superficie de la Cisjordanie.

[Diapositive 6 : le mur dans JØrusalem-Est occupØ]

8. Cette diapositive montre comment le mur s’Øloigne notablement de la Ligne verte à

l’intØrieur de JØrusalem-Est occupØe. Il serpente à l’intØrieur et autour de zones habitØes par la

population palestinienne, indiquØes en gris, sØparant des Palestiniens d’autres Palestiniens. Il

8
Photographie 14, exposØ Øcrit de la Palestine. - 15 -

enclave aussi des zones peuplØes de Palestiniens et isole JØrusalem-Est du reste de la Cisjordanie.

Le mur empŒche les fidŁles d’accØder aux lieux saint s dans la vieille ville de JØrusalem. Vous

pouvez voir Øgalement comment le mur entoure les co lonies israØliennes, indiquØes en bleu sur la

carte.

[Diapositive 7 : le mur et l’expansion des colonies autour de Qalqilya]

9. La corrØlation entre le tracØ du mur et l’expansion des colonies apparaît clairement dans la

zone de Qalqilya. Le tracØ du mur entoure les zones d’expansion envisagØes pour les colonies de

«Zufin» et de «Alfe Menashe», indiquØes en bleu clair. Le tracØ du mur entoure Øgalement les

routes qui relient les colonies entre elles et avec Israºl, comme le montrent les lignes bleu clair.

Une fois le schØma rØalisØ, Qalqilya sera enfermØe.

[Diapositive 8 : le mur et l’expansion des colonies israØliennes]

27 10. Il n’y a pas qu’à Qalqilya que le tracØ du mur correspond à l’emplacement de colonies

israØliennes : c’est le cas dans toute la Cisjordani e. Les colonies existantes sont indiquØes en bleu

foncØ, les zones d’expansion des colonies, en bleu clair. Les zones acquises sur le plan

juridictionnel en vue de l’expansion future d es colonies ou d’autres activitØs d’implantation sont

reprØsentØes en gris. Le tracØ du mur, en rouge, correspond à ces zones d’implantation

israØliennes.

II. Les effets du mur

11. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, j’aimerais maintenant appeler

votre attention sur les effets du mur aux niveaux local, rØgional et national.

[Diapositive 9 : les incidences locales du mur : objectif Jayyus]

12. Au niveau local, les Palestiniens sont sØparØs de leurs terres et privØs de leurs ressources

en eau. Sur cette carte la Ligne verte est indi quØe. Les lignes jaunes reprØsentent les limites des

villages palestiniens. Les zones agricoles sont indiquØes en brun. Les cercles bleus reprØsentent

les puits. La ligne rouge correspond au mur serpentant à travers la Cisjordanie. Les zones en bleu

reprØsentent les colonies et les pointillØs bleus, de nouveau l’expansion envisagØe des colonies. - 16 -

13. Jayyus est un village d’environ trois m ille habitants qui vivent en majoritØ de

l’agriculture. Environ les deux tiers des terres du village se trouvent maintenant à l’ouest du mur,

qui sØpare les villageois de leurs terres et de le urs puits. Par consØquent, les agriculteurs ne

s’occupent plus de leurs terres. La photo de dr oite est une vue, prise du village, des terres de

Jayyus situØes de l’autre côtØ du mur.

[Diapositive 10 : les incidences rØgionales du mur : en exemple, la zone de Qalqilya]

14. Au niveau rØgional, le mur a aussi eu d es incidences graves. Par exemple, du fait que le

mur et une porte enclavent complŁtement Qalqilya, environ le tiers des boutiques ont fermØ et les

taux de chômage ont augmentØ. Ce s effets se sont aussi gravement rØpercutØs sur les villages qui

dØpendent de Qalqilya. L’accŁs de la population aux services de base s’est spectaculairement

rØtrØci. Par exemple, un hôpital de l’ONU situØ à Qa lqilya a vu se rØduire de 40 % le nombre de

patients traitØs depuis que Qalqilya et les zones environnantes sont enfermØes. Qalqilya et les

villages voisins sont sØparØs de presque toutes leurs terres cultivØes dans ce qui est considØrØ

comme le «grenier à blØ» de la Cisjordanie. Ce tte situation incite les Palestiniens à quitter la

rØgion.

9
28 [Diapositive 11 : le mur et la fermeture des portes ]

15. Le mur perturbe aussi l’accŁs à l’Øducation. Ces photographies montrent des ØlŁves

attendant que des soldats israØliens leur ouvrent les portes pour les laisser passer.

[Diapositive 12 : les incidences nationales du mur]

16. Au niveau national, une partie im portante des nappes phrØatiques se trouveront à

l’extØrieur du mur, comme l’indiquent les zones en grisØ sur la carte de gauche. En consØquence,

la capacitØ des Palestiniens à dØvelopper leur Øconomie nationale fondØe sur l’agriculture sera

sensiblement rØduite.

17. Comme le montre la carte de droite, les principaux centres urbains de la Cisjordanie sont

isolØs par la construction du mur. Comme dans le cas de Qalqilya, la capacitØ de ces centres à

fournir des services rØgionaux et à promouvoir le dØveloppement Øconomique est considØrablement

9
Photographies 21 et 22, exposØ Øcrit de la Palestine. - 17 -

amoindrie par la prØsence du mur. Celui-ci modifie aussi les trajets suivis par les marchandises et

les personnes et accroît fortement la durØe des dØplacements.

[Diapositive 13 : la zone fermØe et le rØgime des permis]

18. Aggravant les effets du mur, Israºl a, par le biais d’ordonnances militaires, dØclarØ «zone

fermØe» la zone situØe entre le mur et la Ligne verte. Selon ces ordonnances, les Palestiniens de

plus de douze ans rØsidant dans la zone ferm Øe doivent demander un pe rmis pour pouvoir habiter

leur propre domicile et rester sur leur terre. En out re, les Palestiniens qui habitent à l’intØrieur du

mur et qui veulent aller sur leur terre pour travailler ou veulent voir des parents dans la zone fermØe

doivent se procurer un permis d’accŁs. Les citoyens israØliens ne sont pas soumis à ce rØgime de

permis. On notera surtout que l’obtention d’un perm is d’entrØe dans la zone fermØe n’en garantit

pas l’accŁs à cause du systŁme de la fermeture des por tes. Au total, toutes ces procØdures incitent

les Palestiniens à quitter leur foyer.

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remerc ie. Je vous prie de

bien vouloir donner la parole à M. Crawford.

Le PRESIDENT: Madame Koury, je vous re mercie. Je donne maintenant la parole à

M. Crawford.

M. CRAWFORD :
29

OBSERVATIONS SUR LA COMPETENCE ET LA RECEVABILITE

1. Monsieur le prØsident, Mme et MM. les Me mbres de la Cour, c’est pour moi autant un

honneur qu’une lourde responsabilitØ que de me prØsenter devant vous aujourd’hui pour examiner

les questions de compØtence et de recevabilitØ li Øes à la requŒte. Cette responsabilitØ est d’autant

plus lourde qu’un certain nombre d’Etats se sont opposØs à la requŒte alors que, à l’instar de la

vaste majoritØ des membres de la communautØ internationale, ils considŁrent pourtant que le mur

est illicite.

2. On peut toutefois rØpondre à ces objections en se reportant simplement à ce que la Cour

elle-mŒme a dit maintes fois dans ses avis antØrieurs. A maintes reprises, on a objectØ que la

requŒte pour avis soulevait des questions politiques, Øtait dØposØe pour des raisons politiques, Øtait - 18 -

inopportune, contrariait les Etats Membres de l’ONU qui Øtaient parties au diffØrend, soulevait des

questions de fait controversØes ou compromettrait d es nØgociations. Or, chaq ue fois, la Cour a

ØcartØ ces arguments. Si vous Œtes fidŁle à votre jurisprudence constante, je dirai respectueusement

que vous ne pouvez refuser de rØpondre à la question qui vous est posØe aujourd’hui.

3. Mon exposØ comprend, suivant le modŁle cl assique, deux parties. Dans la premiŁre, je

rappellerai briŁvement à la Cour en quels termes e lle a, dans ses avis antØrieurs, dØcidØ de donner

suite aux requŒtes pour avis consultatif. Ces te rmes qui sont les vôtres rØpondent à toutes les

objections d’ordre général qui ont ØtØ formulØes à la recevabilitØ de la prØsente requŒte.

4. Ensuite, dans une seconde partie, j’examinerai les trois arguments prØcis avancØs contre la

recevabilitØ, des arguments qui revŒtent une pertinence particulière à l’Øgard du Territoire occupØ

lui-mŒme. Je montrerai que chacun de ces ar guments, quand il est entendu comme il convient,

justifie que vous donniez suite à la requŒte. Loin d’Œtre des objections, ces arguments plaident en

faveur de la recevabilitØ.

A. Objections d’ordre général à la compétence et à la recevabilité

5. Je vais examiner dans ma premiŁre partie les objections d’ordre gØnØral.

1. L’objection d’Israël fondée sur l’excès de pouvoir

6. Tout d’abord, Israºl fait valoir que «la requŒte outrepasse la compØtence de la dixiŁme

session extraordinaire d’urgence et/ou de l’AssemblØ e gØnØrale … [car] il n’y a pas eu inaction de

la part du Conseil de sØcuritØ».

30 7. On peut rØpondre d’emblØe et trŁs simple ment à cet argument. La requŒte pour avis

consultatif de l’AssemblØe gØnØrale a ØtØ prØsen tØe dans une rØsolution qui Øtait rØguliŁrement

adoptØe. Dans l’avis sur la Namibie, vous avez dit: «[t]oute rØsolution Ømanant d’un organe des

Nations Unies rØguliŁrement constituØ, prise conformØment à son rŁglement et dØclarØe adoptØe par

son prØsident, doit Œtre prØsumØe valable» 10. Je souligne qu’il ne s’agit pas d’une question de

10
C.I.J. Recueil 1971, p. 22, par. 20. - 19 -

compØtence sur le fond mais de procØdure inte rne, pour reprendre la distinction que vous avez

Øtablie dans l’avis sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires dans un conflit armé 11.

8. Mais s’il est indispensable d’aller plus loin, la rØponse est toujours aussi claire.

M.l’ambassadeur Al-Kidwa a indiquØ briŁvement les circonstances dans lesquelles la requŒte de

l’AssemblØe gØnØrale a ØtØ adoptØe. Vu ce qu’il a dit, rien dans la rØsolution sur l’union pour le

maintien de la paix ne faisait obstacle à l’adopt ion par l’AssemblØe gØnØrale de cette requŒte.

Celle-ci n’impose Øvidemment pas à la Cour d’entreprendre une «ac tion» au sens du paragraphe 2

de l’article11 de la Charte, et n’exige pas non plus ce type d’«action» de la part de l’AssemblØe

gØnØrale. Il ne se pose pas ici de problŁme touchant la rØpartition des compØtences entre

l’AssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ telle qu’elle est opØrØe par la Charte. A nouveau, je

vous cite: «[l]a Cour estime que la sorte d’action d ont il est question à l’article11, paragraphe2,

est une action coercitive… Le mot «action» doit signifier une action qui est uniquement de la

12
compØtence du Conseil de sØcuritØ. » Or, demander cet avis consultatif n’est pas uniquement de la

13
compØtence du Conseil de sØcuritØ . C’est aussi simple que cela.

9. J’en viens à prØsent aux autres objections d’ordre gØnØral. Le point de dØpart ici est que la

Cour «ne devrait pas, en principe, refuser de donne r un avis consultatif», vous l’avez souvent dit.

Comme vous l’avez rappelØ dans l’avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires,

«[c]onformØment à sa jurisprudence cons tante, seules des «raisons dØcisives»

pourraient … inciter [la Cour à refuser de donner un avis consultatif]… Aucun refus,
fondØ sur le pouvoir discrØtionnaire de la Cour, de donner suite à une demande d’avis
14
consultatif n’a ØtØ enregistrØ dans l’histoire de la prØsente Cour…»

31 10. Cela est d’autant plus vrai pour l’A ssemblØe gØnØrale que la Charte l’autorise

expressØment à «demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question

11 C.I.J. Recueil 1996 (I), p.82, par.29. Voir aussi l’avis Certaines dépenses des NationsUnies (art. 17,
par. 2, de la Charte),C.I.J. Recueil 1962, p. 168.

12 C.I.J. Recueil 1962, p. 164-165.
13
Voir Øgalement Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires; C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 233, par. 12.
14
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 235, par. 14. - 20 -

15
juridique» . Et il ne peut faire de doute que la question posØe à la Cour est une question juridique,

16
selon la dØfinition que vous avez constamment donnØe à cette expression .

2. L’objection fondée sur la politisation

11. On objecte aussi que la requŒte «politise l’action de la Cour» et que la Cour devrait de ce

17
fait refuser de donner l’avis . Or, comme vous l’avez dit dans l’avis consultatif sur la Licéité de la

menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,

«[q]uels que soient les aspects politiques de la question posØe, la Cour ne saurait
refuser un caractŁre juridique à une questi on qui l’invite à s’acquitter d’une tâche
essentiellement judiciaire, à savoir l’apprØciation de la licØitØ de la conduite Øventuelle
18
d’Etats au regard des obligations que leur droit international leur impose» .

12. En effet, comme vous l’avez fait observer dans l’avis sur l’ Interprétation de l’accord du

25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte , «lorsque des considØrations politiques jouent un rôle

marquant il peut Œtre particuliŁrement nØcessaire à une organisation internationale d’obtenir un avis

consultatif de la Cour sur les principes juri diques applicables à la matiŁre en discussion…» 19

 particulièrement, avez-vous dit.

3. L’objection selon laquelle la Cour répéterait ce qu’a déjà dit l’Assemblée générale

13. On objecte Øgalement que l’AssemblØe gØnØrale a dØjà formulØ ses propres conclusions

et que vous devriez donc garder le silence. D’aprŁs l’exposØ Øcrit d’un Etat, «un avis de la Cour ne

20
serait d’aucune aide à l’Assemb lØe gØnØrale car cet organe s’ est dØjà prononcØ sur la question» .

Mais l’AssemblØe gØnØrale, dans de prØcØdentes af faires, s’Øtait dØjà prononcØe sur la question de

fond ― dans l’affaire Namibie, l’AssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ l’avaient fait l’un et

l’autre. En l’espŁce, comme dans l’affaire Namibie, il vous est demandØ d’examiner les

consØquences juridiques d’une situation donnØe à la lumiŁre de certaines rØsolutions; en l’espŁce,

15
Charte des Nations Unies, paragraphe 1 de l’article 96 (les italiques sont de nous).
16
Voir par exemple Sahara occidental, C. I.J. Recueil 1975, p.18, par.15, citØ dans l’avis consultatif sur la
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 233-234, par. 13.
17
ExposØ Øcrit de l’Italie, p. 4.
18C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.

19C.I.J. Recueil 1980, p. 87, par. 33.
20
ExposØ Øcrit de l’Allemagne, p. 8. - 21 -

comme dans cette autre affaire, il vous faut examin er les considØrations ju ridiques sur lesquels se

fondent ces rØsolutions.

32 14. L’ØlØment encore plus nettement fondamental que cette objection mØconnaît est que vous

n’allez pas rendre simplement un avis politique de plus, mais vous rendez un avis consultatif

motivØ qui est un avis judiciaire, rendu en votr e qualitØ d’organe judiciaire principal de

l’Organisation des Nations Unies. En rendant cet avis, la Cour reste «fidŁle aux exigences de son

21
caractŁre judiciaire» . Il en rØsulte une dØcision judiciaire : il ne s’agit pas d’une simple rØpØtition

de ce que l’AssemblØe a dØjà fait. Et s’il existe une situation qui appelle à un avis judiciaire rØcent,

c’est bien celle-ci.

4. Utilité de l’avis consultatif

15. On dit aussi que l’avis n’ est pas utile. Dans l’un des e xposØs Øcrits, l’auteur s’exprime

ainsi: «les participants les plus actifs aux e fforts de paix au Moyen-Orient montrent une

remarquable unitØ de pensØe sur le fait qu’un av is de la Cour serait sans effet et probablement

inutile» 22.

16. Il convient tout d’abor d de relever que cette dØclara tion en forme de conclusion est

inexacte. M. l’ambassadeur Al-Kidwa a montrØ qu’ il ne se dØgageait pas de consensus au sein de

l’Union europØenne ni au sein du Quatuor en faveur de l’idØe que la Cour devrait refuser de rendre

un avis consultatif.

17. En outre, la Cour donne un avis consulta tif à l’organe qui en fait la demande, non à un

groupe d’Etats qui s’est autoproclamØ le destinataire de l’avis. Vous l’avez soulignØ dans l’avis

rendu sur les Traités de paix 2, et l’avez frØquemment rØpØtØ depuis . Comme vous l’avez indiquØ

dans l’avis relatif à la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : «il n’appartient pas

à la Cour de prØtendre dØcider si l’AssemblØe a ou non besoin d’un avis consultatif pour s’acquitter

21
Sahara occidental, C.I.J. Recueil 1975, p. 21, par. 23.
22
[ExposØ Øcrit du] Royaume-Uni, par. 3.23.
23C.I.J. Recueil 1950, p. 71.

24Voir les affaires citØes dans la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 ,
p. 235, par. 14. - 22 -

de ses fonctions. L’AssemblØe gØnØrale est habilitØ e à dØcider elle-mŒme de l’utilitØ d’un avis au

25
regard de ses besoins propres.»

B. Arguments précis relatifs au Territoire palestinien occupé :
la thèse de la recevabilité

18. Monsieur le prØsident, Madame et Me ssieurs les Membres de la Cour, je passe

maintenant à la seconde partie de mon exposØ, et je vais examiner trois questions plus prØcises.

Ces questions ont ØtØ invoquØes pour que vous ne rØ pondiez pas à la requŒte, mais chacune d’entre

elles, si on la comprend comme il convient, est en faveur d’une rØponse de votre part.

5. Il s’agit d’un différend entre deux Etats : le principe du consentement
33

19. La premiŁre de ces questions est celle du consentement. L’Australie formule l’objection

suivante: «La requŒte a pour effet de soumet tre à la Cour des ØlØments-clØ du conflit

israØlo-palestinien afin que la Cour se prononce sans le consentement d’Israºl.»

20. Pourtant, l’Afrique du Sud n’avait pas consenti à la demande d’avis relative à la

Namibie, l’Espagne n’avait pas consenti à la demande relative au Sahara occidental, la Roumanie

n’avait pas consenti à la demande relative à Mazilu et la Malaisie n’avait pas consenti à la demande

relative à Cumaraswamy. Toutes ces demandes d’avis consultatif mettaient en jeu la responsabilitØ

d’un Etat en particulier. MalgrØ cela, vous avez chaque fois rendu l’avis demandØ.

21. Comme vous l’avez indiquØ dans l’avis relatif au Sahara occidental, «[d]ans la prØsente

affaire, l’Espagne est Membre des NationsUnies et a acceptØ les dispositions de la Charte et du

Statut; elle a de ce fait donnØ d’une maniŁre gØnØrale son consentement à l’exercice par la Cour de

26
sa juridiction consultative.» En outre, Israºl ne peut pas s’ opposer, pas plus que ne le pouvait

l’Espagne, à l’exercice par l’AssemblØe gØnØrale de sa compØtence dans le domaine de

l’autodØtermination. Israºl ne peut pas s’opposer à ce que l’Assemb lØe gØnØrale se penche sur la

situation de la Palestine. L’AssemblØe gØnØ rale exerçait ces compØtences avant mŒme qu’Israºl

existe, notamment dans le passage de la rØsolu tiondite du partage, sa rØsolution181(II), qui a

montrØ que la communautØ internationale souhaitait la crØation d’Israºl.

25
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16.
26
C.I.J. Recueil 1975, p. 24, par. 30. - 23 -

22. L’AssemblØe gØnØrale a toujours jouØ un rôle crucial en ce qui concerne la Palestine —

comme cela fut le cas avec le Sud-Ouest africa in, l’autre ancien territoire sous mandat qui

subsistait aprŁs 1945. C’est un aspect essentiel de la fonction que l’AssemblØe exerce sans relâche

depuis 1945 en ce qui concerne les peuples dØpendants et colonisØs. Israºl et la Palestine ne sont

pas deux Etats Membres des NationsUnies et le diffØrend relatif au mur n’est pas un diffØrend

bilatØral prØexistant qui porte sur une question re levant en principe de la compØtence interne

d’Israºl. Telle fut la situation dans l’affaire de la Carélie orientale. Ce n’est pas le cas en l’espŁce.

Il n’y a aucun diffØrend bilatØral prØexistant opposan t Israºl et la Palestine, aucun diffØrend qui

(pour reprendre les termes que vous av ez employØs dans l’avis relatif au Sahara occidental) soit

«n[Ø] indØpendamment, dans le cad re de relations bilatØrales» 27. Il n’y a aucune trace, dans le

dossier, d’un tel diffØrend antØrieur, qui soit bilatØral et de caractŁre indØpendant.

23. Au contraire, avec ce mur, Israºl tente d’imposer un rŁglement unilatØral à un conflit

multilatØral et tente d’y parvenir en violant d es obligations fondamentales — des obligations erga

omnes. Ces derniŁres ont trait au droit humanitair e et aux droits de l’homme, dont le droit à
34

l’autodØtermination. Le peuple palestinien a dro it à l’autodØtermination mais il n’a pas exercØ ce

droit. Israºl ne peut pas opposer son veto ni c ontester l’intØrŒt de l’AssemblØe gØnØrale à recevoir

une rØponse juridique à la question posØe. Et cet intØrŒt de mŒme que le rôle institutionnel lØgitime

que l’AssemblØe gØnØrale remplit de longue date constituent une ra ison dØcisive de rØpondre à la

question—comme ce fut le cas dans l’affaire du Sahara occidental , dans laquelle la question

posØe Øtait bien plus abstraite.

6. La question de l’établissement des faits

24. Mon deuxiŁme point est le suivant : il est fait objection à la recevabilitØ de la requŒte au

motif que la Cour n’a pas ØtØ saisie d’assez d’ØlØmen ts de preuve pour Øtablir les faits ainsi qu’elle

le doit. Israºl dit «[n’avoir] fourni à la Cour aucun ØlØment de preuve portant sur la question de

fond, et les preuves que les autres ont fournies, dont celles qui Ømanent du SecrØtariat des

28
Nations Unies, ne peuvent pas Œtre considØrØes comme irrØfragables ou dignes de foi» .

27
C.I.J. Recueil 1975, p. 24, par. 34.
28
ExposØ Øcrit d’Israºl, par. 6.15. - 24 -

25. Mais, dans tous les avis que vous avez rendus, vous avez utilisØ l’information qui Øtait

dans le domaine public, et lorsque des organisati ons pouvaient vous aider, vous avez sollicitØ leur

aide. Il est vrai que, dans l’affaire de la Carélie orientale, la Cour permanente a donnØ comme

raison subsidiaire de ne pas rØpondre à la question un point de fait—l’intention de la Russie de

prononcer une dØclaration durant la nØgociation d’un traitØ bilatØral 29 sans aucun rapport

quelconque avec la SociØtØ des Nations. La situati on est tout autre en l’espŁce. Il ne s’agit pas

d’une question relevant de la compØtence interne d’Israºl ni d’une question par rapport à laquelle il

possŁde un privilŁge souverain d’agir.

26. Bien plus pertinente est l’approche de la Cour permanente dans l’avis qu’elle a rendu sur

la Commission européenne du Danube . Il s’agissait d’un diffØrend portant sur un traitØ rØgional

multilatØral qui opposait la Roumanie à quatre autres Etats. La Cour a retenu les conclusions d’un

comitØ spØcial dont le rapport avait ØtØ adoptØ par un comitØ consultatif et technique de la SociØtØ

des Nations. La Cour a dØclarØ :

«La Cour se rend pleinement compte que le Gouvernement roumain a refusØ

d’accepter…les faits Øtablis par le ComitØ spØcial; mais elle estime Œtre dans
l’obligation, aux fins de la prØsente pro cØdure, d’accepter les constatations du ComitØ
sur des points de fait, à moins que le dossi er soumis à la Cour ne contienne des
30
ØlØments permettant de rØfuter ces constatations.»

35 27. Dans la prØsente espŁce, il n’y a pas un seul rapport, il y a de nombreux rapports Ømanant

d’organes compØtents, dont le ComitØ internationa l de la Croix-Rouge, le ComitØ des droits de

l’homme, le rapporteur spØcial de la Commission d es droits de l’homme, et ainsi de suite. Ils

figurent dans le dossier du SecrØtaire gØnØral et ont ØtØ complØtØs par d’autres. Leurs versions sont

concordantes. La Cour est parfaitement bien informØe.

28. Si Israºl voulait remettre en question l es circonstances et les faits exposØs dans ces

rapports, il aurait pu le faire, à l’instar de la Roumanie dans l’avis sur la Commission européenne

du Danube. Israºl ne peut pas plaider le manque de faits pour en tirer motif, pour la Cour, à refuser

de se prononcer, alors que, s’il y avait eu la moindr e insuffisance quant aux faits, Israºl lui-mŒme

aurait pu y remØdier. Israºl n’a pas de droit de veto pas plus que l’Espagne n’en avait dans l’affaire

29
1923, C.P.J.I. série B n° 5, p. 28.
30
1923, C.P.J.I. série B n° 14, p. 46. - 25 -

du Sahara occidental — et si, en principe, le droit de veto n’existe pas, on ne peut pas en crØer un

subrepticement en refusant de plaider sur le fond.

29. Quoi qu’il en soit, les faits essentiels sont parfaitement clairs. Le fait principal

correspond aux deux milliards de dolla rs des Etats-Unis que coßte le mur, qui s’allonge tous les

jours et qui sØpare les communautØs palestiniennes les unes des autres, qui les sØpare de leurs terres

et des ressources en eau. Voilà qui constitu e le fait essentiel, cet Ødifice prØtendument

«temporaire» de deuxmilliards de dollars. Voilà au moins ce que nous savons à prØsent sur ce

mur, et ce que nous ne savons pas, nous pouvons le dØduire de son tracØ, de sa taille, de son coßt,

de son rØgime, de ses effets et des intentions dØclarØes de ceux qui le construisent pour imposer un

rŁglement unilatØral.

7. Le mur est préjudiciable à la feuille de route et aux négociations relatives au futur statut

30. J’en arrive à mon dernier point qui porte sur l’incidence de la demande d’avis sur la

feuille de route et sur les nØgociations relatives au futur statut. Les Etats-Unis formulent ce point

comme suit :

«Les Etats-Unis … et les autres membres du Quatuor sont Øtroitement associØs
aux efforts dØployØs pour faire progresser ces nØgociations, avec le soutien et les
encouragements du Conseil de sØcuritØ et de l’AssemblØe gØnØrale. Il serait
extrŒmement prØjudiciable aux efforts de nØgociation futurs que la Cour Ønonce,

mŒme à titre consultatif et sans effet obligat oire31des conclusions juridiques ayant trait
aux questions qui concernent le statut dØfinitif.»

31. Sous cette forme, il ne s’agit pas du tout d’une objection à ce que vous rendiez l’avis

demandØ. Il s’agit d’une mise en garde concernant les questions relatives au statut dØfinitif. Sous

cette forme modØrØe (certains exposØs Øcrits Øtaient plus radicaux), ce texte porte sur la teneur de

l’avis, pas sur la question de savoir s’il y a lie u que vous le rendiez. Et cela rappelle une rØponse
36

que vous avez donnØe à une objection analogue qui vous a ØtØ adressØe dans l’affaire relative à la

Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Vous avez dØclarØ :

«Il a aussi ØtØ soutenu qu’une rØponse de la Cour en l’espŁce pourrait Œtre
prØjudiciable aux nØgociations sur le d Øsarmement… La Cour sait que, quelles que

soient les conclusions auxquelles elle pourra it parvenir dans l’avis qu’elle donnerait,
ces conclusions … apporteraient dans les nØgociations sur la question un ØlØment
supplØmentaire. Mais, au-delà de cette constatation, l’effe t qu’aurait cet avis est une

31
ExposØ Øcrit des Etats-Unis, par. 4.4. - 26 -

question d’apprØciation… Dans ces conditions , la Cour ne saurait considØrer ce
facteur comme une raison dØcisive de refuser d’exercer sa compØtence.» 32

32. Dans la prØsente espŁce, la relation entre la feuille de route et le mur s’exprime en deux

phrases à peine. La feuille de route est un projet de rŁglement dØfinitif à adopter par voie d’accord

entre les parties intØressØes, dont la Palestine. Quant au fond, elle tire ses origines dans les

rØsolutions des NationsUnies, lesquelles remont ent jusqu’à la rØsolution242 du Conseil de

sØcuritØ. Le mur ne figure pas sur la feuille de route. En fait, c’est le mur lui-mŒme qui est

incompatible avec la feuille de route; et le mur, si on laisse mener à terme sa construction,

anØantira la feuille de route. La demande, et l’ avis de la Cour, ne peuvent que favoriser le

processus multilatØral que matØrialise actuellement la feuille de route.

33. Il y a un autre point, tout aussi fondamental . La question qui vous est posØe intØresse la

situation actuelle, pas l’avenir. On ne vous demande pas quel doit Œtre le contenu du rŁglement

dØfinitif. On ne vous demande pas de dØfinir les frontiŁres d’un futur Etat palestinien. Il suffit, aux

fins du prØsent avis, que le mur soit ØdifiØ en maje ure partie et indiscutablement dans le Territoire

palestinien occupØ.

34. Ce n’est pas un point nØgatif, c’est un point positif. En disant quelle est actuellement la

licØitØ du mur par rapport aux pouvoirs qu’exerce Isr aºl sur le Territoire palestinien occupØ, vous

aiderez à faire la lumiŁre sur le statu quo juridique et donc à le prØserver, dans l’attente des

nØgociations sur le statut dØfinitif. Vous Œtes pri Øs de rendre un avis juridique qui fera autoritØ sur

les consØquences juridiques de l’Ødification du mur aujourd’hui. Votre rØponse sera utile pour des

questions qui se posent aujourd’hui quant à un statut juridique et à ses consØquences. Cela

contribuera à donner des fondations solides à un accord futur — à la diffØrence du mur qui sape ces

fondations.

Conclusion

35. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, le principe de

l’autodØtermination, l’un des principes constitutifs, voire constitutionnels, de la Charte des

37 Nations Unies, ne s’est pas bien tirØ des affaires contentieuses bilatØrales. Rappelons-nous l’affaire

32
C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 17. - 27 -

33 34
du Sud-Ouest africain en 1966 . Rappelons-nous, si je puis me permettre, le Timor oriental .

L’autodØtermination est par-dessus tout une norme multilatØrale et les diffØrends en matiŁre

d’autodØtermination sont des diffØrends multilatØ raux. En outre, ce sont des diffØrends dans

lesquels l’AssemblØe gØnØrale a toujours jouØ un rôle important. Les cinq avis consultatifs que

vous avez rendus sur ces questions —quatre en ce qui concerne la Namibie, un concernant le

Sahara occidental— contrastent avec les trois a ffaires contentieuses que je viens d’Øvoquer. Ils

sont devenus, du point de vue juridique, des ØlØm ents essentiels de la perspective à adopter pour

rØgler ces diffØrends; cela vaut toujours pour le Sahara occidental. Rappelons-nous, par-dessus

tout, la Namibie — l’avis de 1950 sur le Statut 35, l’avis de 1971 sur les Conséquences juridiques . 36

Que n’avons-nous de prØcØdents Øquivalents pour la Palestine. L’issue positive de ce diffØrend

ancien est largement tributaire du rôle judici aire de la Cour. Nous vous invitons donc

respectueusement à continuer à tenir ce rôle aujourd’hui.

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs. de la Cour, je vous remercie de m’avoir ØcoutØ

attentivement. Monsieur le pr Øsident, je vous laisse en dØcide r, le prochain intervenant est

M. Abi-Saab, que vous entendrez avant ou aprŁs la pause.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Crawford. Je passe à prØsent la parole à

M. Abi-Saab.

M. ABI-SAAB :

DROIT APPLICABLE

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, j’ai le privilŁge et le plaisir de

comparaître devant vous aujourd’hui encore, au nom de la Palestine, pour parler de la question du

droit applicable au Territoire palestinien occupØ.

Cette question Øtant traitØe en dØtail dans l’e xposØ Øcrit de la Palestine, je me contenterai

d’en souligner et d’en prØciser certains points marquants.

33C.I.J. Recueil 1966, p. 6.
34
C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
35C.I.J. Recueil 1950, p. 128.

36C.I.J. Recueil 1971, p. 16 - 28 -

La question posØe à la Cour par l’AssemblØe gØ nØrale est centrØe sur le droit international

humanitaire, puisqu’elle mentionne la quatriŁme c onvention de GenŁve et qua lifie le Territoire de

territoire «occupØ» par rØfØrence à ce droit. Mais le champ des rŁgles et principes du droit

international qui ont une incidence sur la situation est beaucoup plus vaste. Ceux qui sont les plus

proches des rŁgles et principes du droit internati onal humanitaire et auxquels ils sont de plus en
38

plus Øtroitement mŒlØs sont, en premier lieu, les rŁ gles et principes du droit international des droits

de l’homme.

Il faut aussi prendre en considØration, toutefoi s, les rŁgles gØnØrales du droit international, et

en particulier deux de ses principes cardinaux, cons titutifs de ce droit, qui viennent d’Œtre ØvoquØs

par M. Crawford. L’un d’eux est celui de l’interd iction du recours individuel à la force, avec son

corollaire, l’interdiction de la c onquŒte ou de la prise de territoire par la force, et l’autre est le

principe de l’ØgalitØ des droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mŒmes. Mais comme mes

collŁgues Vaughan Lowe et Jean Salmon traiteront des aspects relevant de ces deux derniŁres

catØgories et que je dispose d’un temps limitØ, je circonscrirai mes observations au droit

international humanitaire, ou jus in bello.

Avant l’adoption des conventions de GenŁve de 1949, les instruments codifiant ces rŁgles ne

dØfinissaient pas expressØment les circonstances qui en dØclenchaient l’application.

En revanche, les rØdacteurs des conventions de GenŁve instruits par l’expØrience de la

seconde guerre mondiale ont prØcisØ au premier paragraphe de l’article2 commun aux quatre

conventions: «la prØsente Conve ntion s’appliquera en cas de gue rre dØclarØe ou de tout autre

conflit armØ surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, mŒme si l’Øtat de

guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles».

Le rŁglement de LaHaye, quant à lui, dØ finit en son article42 les circonstances dans

lesquelles «un territoire est considØrØ comme occupØ », à savoir, toujours aux termes de cet article,

«lorsqu’il se trouve placØ de fait sous l’autoritØ de l’armØe ennemie».

C’est exactement ce qui s’est produit en 1967. Au cours d’un conflit armØ entre plusieurs

Etats, les forces israØliennes ont envahi et occupØ notamment la Cisjordanie et Gaza, qui faisaient

autrefois partie du territoire de la Palestine s ous mandat britannique, et qui n’avaient jamais ØtØ

jusque là sous juridiction ou administration israØlienne. Autrement dit, un conflit armØ, au sens du - 29 -

premier paragraphe de l’article 2 de la convention de GenŁve , a crØØ une situation visØe à

l’article 42 du rŁglement de La Haye. Il s’agit d’un cas typique d’occupation de guerre.

Ce sont là des textes clairs qui rŁglent clairement la question. Toutefois, Israºl conteste cette

conclusion en s’appuyant sur le deuxiŁme paragraphe de l’article2 de la quatriŁme convention de

GenŁve, rØdigØ en ces termes: «La Convention s’appliquera Øgalement» et c’est donc là un

39 deuxiŁme cas  «dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie

contractante, mŒme si cette occupation ne rencontre aucune rØsistance militaire».

Cette disposition fut ajoutØe ex abundante cautela en1949, pour tenir compte des cas

d’occupation pacifique ne rencontrant aucune r Øsistance militaire, telle l’occupation des SudŁtes

en1938. MŒme un tel cas est considØrØ comme une occupation, et dØclenche l’application de la

convention. En pareil cas, cependant, comme il n’y a aucun conflit armØ visible, un autre critŁre

s’impose, qui explique la rØfØrence au statut juridique du territoire ainsi occupØ ou au titre juridique

s’y rapportant, titre qui n’appartient pas à l’occupant.

Pourtant, dans les cas d’occupation de guerre, visØs au premier paragraphe de l’article 2, ce

qui importe, c’est la prise de contrôle du territo ire durant un conflit armØ international et le

maintien par la force armØe de l’au toritØ exercØe sur celui-ci, et non le titre dØtenu par l’entitØ qui

administrait pacifiquement le territoire avant l’occupation ou par toute autre entitØ ayant des

prØtentions sur ce territoire.

Ce principe s’applique en particulier aux re vendications de l’occupant belligØrant à l’Øgard

du territoire occupØ. Le droit serait tournØ en dØrision si un envahisseur pouvait se soustraire à

l’application du jus in bello en se contentant de formuler une revendication sur le territoire qu’il

occupe par la force. Cela Øquivaudrait à une invitation à annexer le territoire.

Cette rŁgle s’applique aussi quelle que soit la qualification du recours à la force par

l’occupant belligØrant, c’est-à-dire qu’on allŁgue qu’il est l’agresseur ou qu’il prØtende exercer son

droit de lØgitime dØfense. En e ffet, c’est un principe fondamental du jus in bello que ses rŁgles

s’appliquent de la mŒme maniŁre à toutes les pa rties, qu’elles aient tort ou raison au regard du jus

in bello.

Je ne relŁverai pas les arguments particuliers d’Israºl concernant le fait qu’il n’a pas

incorporØ le rŁglement de La Haye et la quatriŁme convention de GenŁve dans son droit interne, ni - 30 -

l’allØgation selon laquelle il appliquerait de facto les seuls ØlØments de la quatriŁme convention de

GenŁve qui ont un caractŁre humanitaire. Les c onventions de GenŁve c ontiennent-elles donc des

ØlØments qui ne soient pas de caractŁre humanitair e? Les dispositions procØdurales elles-mŒmes

ont pour objet de garantir le respect des rŁgles de fond relatives à la protection. Et peut-on

n’appliquer que de facto des instruments et des rŁgles par lesquels on est juridiquement liØ? En

fait, la Cour a dit elle-mŒme que le rŁglement de La Haye et les conventions de GenŁve faisaient

dØsormais partie intØgrante du droit international gØnØral ( Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 , par.79) et les a mŒme qualifiØs d’intransgressibles, pour

ne pas utiliser l’expression jus cogens. En tant que tels ces instruments s’imposent de maniŁre

40 universelle, indØpendamment des limitations conventionnelles dont ils peuvent Œtre assortis en tant

que traitØs.

On peut en dire autant de la plupart des dispositions du protocole additionnel (protocoleI)

aux conventions de GenŁve, du moins celles qui pe uvent Œtre pertinentes en l’espŁce, telles que

l’article 75 sur les garanties fondamentales.

Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, j’ai traitØ de la justification en droit

de l’applicabilitØ du droit de l’o ccupation de guerre au Territoire pa lestinien occupØ. Qui plus est,

cette justification a l’appui de la quasi-totalitØ de la communautØ inte rnationale, à l’exception

d’Israºl.

Il est inutile que je rØcapitule ici toutes les rØsolutions de l’AssemblØe gØnØrale et du Conseil

de sØcuritØ ou de la confØrence des hautes partie s contractantes à la quatriŁme convention de

GenŁve, ou les dØclarations du ComitØ internationa l de la Croix-Rouge, dont la plus rØcente date

du 18 de ce mois  le CICR Øtant le garant institutionnel des conventions  ou de diffØrents Etats

ou groupes d’Etats. Toutes ces dØclarations affi rment l’applicabilitØ en droit de la quatriŁme

convention de GenŁve au Territoire palestinien occupØ (exposØ Øcrit de la Palestine, par. 387-392).

A cet Øgard, je tiens simplement à formuler une brŁve observation sur la valeur juridique et

le rôle des rØsolutions de l’AssemblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ qui sont expressØment

mentionnØes dans la requŒte pour avis consultatif.

Israºl, dans l’exposØ Øcrit qu’il a soumis dans le cadre de cette procØdure, en tentant

d’amoindrir le rôle fondamental de l’AssemblØe gØ nØrale, qui vient d’Œtre dØcrit par M. Crawford, - 31 -

dØclare: «La rØsolution ES-10/13, qui est censØe di re ce qui est illicite, ne peut Œtre sØrieusement

considØrØe comme une dØcision faisant autoritØ en matiŁre de licØitØ. Elle n’a pas force

obligatoire» (p. 93, par. 9.9).

L’exposØ compare cette rØsolution avec la rØ solution 276 (1970) du Conseil de sØcuritØ

(ibid., par.9.10), à laquelle renvoyait la requŒte po ur avis consultatif en l’affaire de la Namibie

(C.I.J. Recueil 1971). Or, prØcisØment dans l’avis consultatif en question, la Cour a dit :

«[I]l serait…inexact de supposer que, parce qu’elle possŁde en principe le

pouvoir de faire des recommandations, l’AssemblØe gØnØrale est empŒchØe d’adopter,
dans des cas dØterminØs relevant de sa compØt ence, des rØsolutions ayant le caractŁre
de dØcisions ou procØdant d’une intention d’exØcution.» (Ibid., p. 50, par. 105.)

41 L’AssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcur itØ ont entre autres fonctions celle de prendre

des dØcisions. Ce n’est que sur la base de te lles dØcisions qu’ils peuvent envisager des mesures

ultØrieures, sur les questions dont ils s’occupent, et dans les limites des pouvoirs que leur confŁre la

Charte. C’est là la fonction quasi juridictionne lle de ces deux organes, dØcrite dŁs1964 par le

regrettØ professeur Oskar Scharffer.

La Cour a, à maintes reprises, en particulie r dans des procØdures consultatives, reconnu et

pris en considØration de telles dØcisions de l’Asse mblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ et n’a

jamais, à ma connaissance du moins, ignorØ ou ØcartØ des dØcisions de cette nature.

Les rØsolutions de l’AssemblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ relatives aux colonies de

peuplement israØliennes et à l’annexion de JØru salem-Est et de son pourtour revŒtent une

importance particuliŁre pour la question posØe à la Cour. Ces rØsolutions, et notamment plusieurs

rØsolutions du Conseil de sØcuritØ, adoptØes à l’unanimitØ et avec un vote favorable des Etats-Unis,

et je cite des extraits du dispositif de telles rØsolutions  affirment le caractŁre illicite des

colonies (voir l’exposØ Øcrit de la Palestine, par. 165-167) et de l’annexion de JØrusalem, qualifiant

cette annexion de violation flagra nte de la quatriŁme convention de GenŁve, n’affectant pas le

maintien en application de cette convention à JØrusalem et au reste du Territoire occupØ ( ibid.,

par.168, 361-364). La rØsolution478 va encore plus loin et considŁre que «toutes les mesures et

dispositions lØgislatives et administratives prises par Israºl, la puissance occupante, qui ont modifiØ

ou visent à modifier le caractŁre et le statut de la ville sainte de JØrusalem…sont nulles et non

avenues … et doivent Œtre rapportØes immØdiatement» (rØs. 478 (1980) du Conseil de sØcuritØ). - 32 -

Monsieur le prØsident, je vais à prØsent aborder trŁs briŁvement le contenu du droit

international humanitaire dans la mesure oø il rØglemente l’occupation de guerre.

L’occupation de guerre est dØfinie à l’article 42 du rŁglement de LaHaye comme un statut

de fait qui dØcoule du contrôle effectif du territoir e par une armØe ennemie, statut ne s’appliquant

que pour autant que ce contrôle effectif (ou «aut oritØ» tel qu’il est dØsignØ dans l’article) «est

Øtabli[] et en mesure de s’exercer».

Le droit international humanitaire prend acte de ce statut de fait, auquel il attache des

consØquences, ou un rØgime, juridiques. Ce rØ gime juridique est rØgi par deux principes

fondamentaux :

1) Selon le premier principe, l’ occupation est un Øtat de choses temporaire (ou transitoire). Il

s’agit d’une situation anormale ou d’urgence et le droit relatif à l’occupation essaie d’Øtablir un

42 Øquilibre entre, d’une part, la prise en compte des nØcessitØs militaires de la puissance

occupante pour la poursuite de la guerre et de ses objectifs de guerre et, d’autre part, la

protection des droits, des libertØs et du bien-Œtr e de la population du territoire occupØ ainsi que

de son mode et de son niveau de vie normaux c ontre les perturbations et atteintes excessives

pouvant rØsulter de l’occupation.

A ce sujet, le droit international humanitaire, tout en reconnaissant à la puissance occupante les

prØrogatives attachØes au gouvernement du terr itoire occupØ, lui impose les obligations

positives liØes à ce gouvernement, consistant à rØta blir et assurer «l’ordre et la vie publics»

(article43 du rŁglement de LaHaye), à appr ovisionner la population en vivres et produits

mØdicaux et à lui fournir des services dans toute la mesure de ses moyens (articles 55 et 56 de la

quatriŁme convention de GenŁve), ainsi qu’à respecter les droits de l’homme des habitants, leur

dignitØ, etc.

2) Le second principe directeur du droit relatif à l’occupation est que celle-ci Øtant un rØgime

temporaire et transitoire, elle ne peut avoir d’in cidence sur la souverainetØ ni transfØrer celle-ci

à la puissance occupante. A cet Øgard, le rØgi me de l’occupation fonctionne en grande partie

comme une mesure conservatoire (interim measure) ; il gŁle le statut juridique du territoire

occupØ tant que l’occupation reste effective, de so rte que ce statut ne peut Œtre modifiØ par un

acte ou une action unilatØraux de la puissance occupante. - 33 -

Les effets juridiques de ce principe apparaisse nt à l’article 47 de la quatriŁme convention de

GenŁve, qui dispose :

«Les personnes protØgØes qui se trouvent dans un territoire occupØ ne seront
privØes, en aucun cas ni d’aucune maniŁre, du bØnØfice de la prØsente convention, soit
en vertu d’un changement quelconque inte rvenu du fait de l’occupation dans les

institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ entre
les autoritØs du territoire occupØ et la pui ssance occupante, soit encore en raison de
l’annexion par cette derniŁre de tout ou partie du territoire occupØ.»

Mais le droit de l’occupation va plus loin. Il enjoint à la puissance occupante de laisser dans

toute la mesure du possible les choses dans l’Øtat oø elles se trouvaient avant l’occupation; ainsi

l’article 54 de la convention de GenŁve «interdit à la puissance occupante de modifier le statut des

fonctionnaires ou des magistrats». Dans le mŒme esprit, la puissance occupante se voit ordonner à

l’article 43 — auquel je viens de faire rØfØrence — du rŁglement de La Haye de prendre «toutes les

mesures qui dØpendent d[’elle] en vue de rØtablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la

vie publics» — et voici le passage que je souhaite souligner — «en respectant, sauf empêchement
43

absolu (n’existant pas nØcessairement) , les lois en vigueur dans le pays» . (De mŒme en ce qui

concerne la lØgislation pØnale à l’article 64 de ladite convention.)

Pour ce qui est de l’article 43, il est indiquØ dans le commentaire du CICR sur la quatriŁme

convention de GenŁve: «Cette disposition du rŁglement de LaHaye ne vise pas seulement les

habitants du territoire occupØ; elle protŁge aussi l’Etat, son individualitØ, ses institutions et ses

lois.» (Commentaire sur la quatriŁme conventi on de GenŁve, Jean Pictet (dir. de publ.), CICR,

1956, GenŁve, p. 294.)

Effectivement, la protection du statut distin ct et de la personnalitØ juridique du territoire

occupØ ressort, dans le rŁglement de La Haye, de la protection qu’il Øtablit non seulement de la

propriØtØ privØe (art. 46 et 47), mais aussi du patrimoine et de la propriØtØ publics sous la forme des

«Ødifices publics, immeubles, forŒts et exploitations agricoles», dont la puissance occupante ne doit

Œtre considØrØe «que comme administrateur et us ufruitier», devant «sauvega rder le fonds de ces

propriØtØs et les administrer conformØment aux rŁgles de l’usufruit» (art. 55).

L’interdiction faite à la puissance occupant e d’effectuer des modifications durables par un

acte ou une action unilatØraux ne concerne pas seulement la modification du statut juridique officiel

du territoire (par l’effet d’un prØtendu changement de souverainetØ). Elle s’applique Øgalement à la - 34 -

modification des ØlØments humains et physiques de l’entitØ territoriale occupØe, d’oø l’interdiction

figurant à l’article49 de la quatriŁme conventio n de GenŁve de procØder à des modifications

dØmographiques par des «transferts forcØs, en m asse ou individuels, ainsi que [des] dØportations»

de personnes civiles hors du territoire occupØ, et à la dØportation ou au transfert d’«une partie de

[l]a population civile [de la puissance occupante] dans le territoire occupØ par elle».

Ces actes interdits constituent, aux termes des conventions de Ge nŁve, en particulier

l’article147 de la quatriŁme conve ntion, et de l’article85 du pr emier protocole, ainsi que de

l’article8 du rØcent statut de Rome, des infractions graves au droit international mettent en jeu la

responsabilitØ pØnale individuelle.

Monsieur le prØsident, c’est au regard des normes de ce rØgime juridique que la licØitØ du

mur doit Œtre apprØciØe et les justifications fournies par Israºl pour son Ødification ØvaluØes.

L’une de ces justifications, la légitime défense , ne relŁve pas du droit international

humanitaire ou jus in bello , mais du jus ad bellum . Israºl confond de maniŁre inacceptable les

deux branches du droit de la guerre, qui doivent Œt re radicalement distinguØes. Une fois qu’un

conflit armØ est nØ, le jus in bello (ou droit international humanitaire) entre en jeu, en tant que

lex specialis rØgissant la situation qui en dØcoule, indØpendamment des rŁgles du jus ad bellum.

44 D’ailleurs, comment peut-on logiquement parl er de lØgitime dØfense exercØe par un Etat

contre un territoire qui se trouve sous sa propre occupa tion militaire et sous son contrôle effectif et

dans lequel il a le pouvoir et mŒme l’obligation d’ «assurer l’ordre et la vie publics» conformØment

à l’article 43 du rŁglement de La Haye ?

Le mur peut-il alors se justifier en tant que nécessité militaire ?

L’une des grandes avancØes du droit internati onal humanitaire tient à ce qu’il s’est ØloignØ

de la notion de nØcessitØ milita ire de Clausewitz, entendue comme Kriegsräson (raison de guerre),

c’est-à-dire de l’idØe selon laquelle les objectifs de guerre justifient le recours à tout moyen jugØ

nØcessaire pour les atteindre.

En derniŁre analyse cette notion de nØcessitØ m ilitaire nie le droit international humanitaire.

Heureusement, elle a, au moins depuis le rŁglem ent de LaHaye de1899, ØtØ remplacØe par une

notion moderne plus Øtroite de la nØcessitØ militair e, dont l’application est strictement limitØe aux - 35 -

contextes dans lesquels elle est expressØment rec onnue et par les conditions que fixe la disposition

des instruments pertinents qui la reconnaît.

Ces conditions sont notamment la spØcificitØ et la proportionnalitØ.

C’est dans ce sens qu’il est stipulØ au paragr aphe 5 de la dØclaration des hautes parties

contractantes à la quatriŁme convention de Ge nŁve que «la quatriŁme convention de GenŁve, qui

prend pleinement en compte les impératifs et nécessités militaires , doit Œtre respectØe en toutes

circonstances» (Nations Unies, dossier n o67 du SecrØtaire gØnØral).

Il nous faut donc examiner la convention de GenŁve ou le rŁglement de La Haye. Oø

peut-on y trouver la reconnaissance d’une nØcess itØ militaire (voire d’une nØcessitØ militaire

lØgitime) susceptible d’Œtre invoquØe pour justifier l’Ødification du mur ?

Selon moi, la seule justification possible du mu r serait qu’il constitue une mesure de sØcuritØ

prise par Israºl dans l’exercice de son autoritØ en tant que puissance occupante en vertu de

l’article 43 du rŁglement de La Haye et de l’article 27 de la quatriŁme convention de GenŁve.

Ainsi que mon collŁgue, le professeur Vaughan Lo we l’expliquera ensuite, aucune de ces

deux dispositions ne peut justifie r l’Ødification d’un mur visant à protØger des ressortissants civils

de la puissance occupante installØs dans le territoire occupØ.

L’argument selon lequel la diminution du nombre des attentats a dØmontrØ l’efficacitØ d’une

barriŁre similaire mise en place autour de Gaza bien que discutable, comme l’a indiquØ

S.Exc.M.Al-Kidwa dans son allocution liminaire  cet argument, mŒme s’il est exact, fait

dØlibØrØment abstraction du fait que le mur construit autour de Gaza avait pour but —pour but
45

avouؗ de boucler hermØtiquement ce territoire, but et effet qu’Israºl refuse avec insistance

d’admettre comme Øtant ceux du mur situØ en Cisjordanie. Pourquoi? Parce que si Israºl admet

que le but est de boucler hermØti quement la zone qui se trouve à l’intØrieur du tracØ du mur, cela

confirmera la rØalitØ de toutes ses violations flagrantes du droit international humanitaire.

Une autre raison de considØrer que le mur ne satisfait en rien aux critŁres de nØcessitØ et de

proportionnalitØ auxquels doivent rØ pondre les mesures de sØcuritØ est le fait que des centaines de

milliers de Palestiniens demeurent prØsents, non contenus, de l’autre côtØ du mur, du côtØ

occidental par exemple; à moins, naturellement, qu’ on ne les oblige, directement ou indirectement, - 36 -

à quitter cette zone, ce qui constituerait une autre in fraction grave et flagrante à l’article49 de la

convention de GenŁve. La justification fournie est donc bien faible.

Enfin, Monsieur le prØsident, je prØciserai pour conclure que cette rØfØrence au droit

applicable à l’occupation n’implique pas rec onnaissance ou acceptation de la licØitØ de cette

occupation, en particulier quand elle se tr ansforme en une occupation prolongØe qui frise

l’annexion. Je vous remercie, Monsieur le prØsident.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsie ur Abi-Saab. L’audience est maintenant

suspendue pour quinze minutes. Elle reprendra à 11 h 55.

L’audience est suspendue de 11 h 45 à 11 h 55.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne maintenant la parole au professeur Lowe.

M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur le prØsident.

Introduction

1. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, c’est un honneur

pour moi de prendre la parole devant vous et de m’Œtre vu confier la part ie de l’exposØ de la

Palestine que je vais vous prØsenter.

2. J’ai ØtØ chargØ de prØsenter les observations de la Palestine sur la façon dont les rŁgles du

droit international s’appliquent à la situation concrŁte existant dans le territoire.

3. La Cour n’est Øvidemment pas priØe de statuer sur des violations dØterminØes du droit

international. Elle est priØe à titre d’orga ne judiciaire principal de l’Organisation des

NationsUnies de rØpondre à des demandes d’av is Ømanant de l’AssemblØe gØnØrale des

Nations Unies.

46 4. L’AssemblØe gØnØrale a constatØ dans sa rØsolution ES-10/13 que le mur «s’Øcarte de la

ligne d’armistice de1949 et…est contraire aux dispositions pertinentes du droit international».

Toutefois, cette rØsolution laisse sans rØponse des questions importantes. Par exemple, sous quels

aspects et au regard de quelles rŁgles du droit inte rnational le mur est-il illicite ? Que faut-il faire - 37 -

pour que la situation se trouve à nouveau dans le cadre de la licØitØ ? Quelles sont entre-temps les

obligations des Etats ?

Mes tâches

5. J’ai trois principaux points à exposer :

a) le premier est qu’Israºl, dans le Territoire palestinien occupØ, n’a que les droits d’une puissance

occupante, lesquels sont confØrØs et limitØs par le droit international et que la construction et la

gestion du mur ne s’inscrivent pas dans les droits en question;

b) le deuxiŁme point est qu’Israºl, en qualitØ de puissance occupante, est juridiquement tenu de

garantir aux personnes rØsidant de façon licite en Palestine les droits prescrits par le droit

international et que le mur viole lesdits droits;

c) et le troisiŁme point est que le mur a pour effet de modifier le statut du territoire d’une façon qui

est assimilable à l’annexion, en violation du droit international.

L’illicéité fondamentale du mur

6. [Projeter à l’Øcran la photographie 4.] Permettez-moi de comme ncer par le premier

point  la question essentielle de la licØitØ du mur. La question ici n’est pas de savoir si Israºl a le

droit de construire un mur: elle est de savoir si Israºl a le droit de construire le mur dans le

Territoire palestinien occupØ. La Palestine tient à fa ire valoir avant tout que tous les effets que le

mur peut produire sur le plan de la sØcuritØ pe uvent Œtre garantis quand on construit ce mur le long

de la «Ligne verte», sur le territoire israØlien, de so rte que rien ne justifie en droit de le construire

dans le Territoire palestinien occupØ.

7. Comme vous l’avez dØjà vu, la construction du mur a conduit à la fois à prendre des terres

et à dØtruire des biens fonciers palestiniens da ns le Territoire palestin ien occupØ. En droit

international, la rØquisition de te rres et la destruction de biens ne sont autorisØes que dans des

limites Øtroites et nettement dØfinies.

47 8. Le premier ØlØment, la rØquisition de terr es, est rØgi par l’article52 du rŁglement de

La Haye de 1907 qui dispose : «Des rØquisitions en nature et des services ne pourront Œtre rØclamØs

des communautØs ou des habitants que pour les besoins de l’armØe d’occupation.» - 38 -

9. [Carte schØmatique à projeter sur l’Øcran pour montrer la Ligne verte et le tracØ du mur

ainsi que les colonies de peuplement] Israºl reconnaît que le tracØ du mur a ØtØ conçu pour

protØger les colonies israØliennes civiles qui ont ØtØ implantØes dans le Territoire palestinien

occupØ, y compris à JØrusalem-Est. Israºl l’a dit nettement, par exemple, dans l’ordonnance de

o
confiscation citØe en lØgende de la photographie n 9 dans le premier volume d’annexes à notre

exposØ Øcrit. De toute façon, la carte parle d’elle-mŒme. Le mur s’Øcarte de la Ligne verte pour

situer les colonies sur ce qui est incontestablement censØ Œtre le côtØ «israØlien» de la ligne.

Peut-Œtre les exemples les plus frappants se trouvent-ils dans la zone entourant Qalqilya et la zone

de la colonie israØlienne dØnommØe «Ariel», et aussi à l’intØrieur et sur le pourtour de

JØrusalem-Est.

10. Ces colonies ont elles-mŒmes ØtØ crØØes en viol ation du droit international. L’article 49

de la quatriŁme convention de GenŁve interdit au sixiŁme alinØa à la puissance occupante de

procØder au transfert d’une partie de sa propre popul ation civile dans le territoire occupØ par elle.

Comme l’a dit un conseiller juridique auprŁs du dØpa rtement d’Etat des Etats-Unis qui s’exprimait

au sujet de la politique de peuplement israØlienne , cette interdiction s’Øte nd «trŁs clairement aux

initiatives de la puissance occupante consistant à arrŒter le lieu d’implantation des colonies, à

rendre des terrains disponibles et à financer l’installation de la colonie, ainsi qu’à d’autres types

d’assistance et de participation à la crØation desd ites colonies». Ce conseiller juridique disait pour

conclure la citation figure aux paragraphes464 et 465 de l’exposØ Øcrit de la Palestine 

qu’Israºl violait ladite interdiction. Le Conseil de sØcuritØ et l’AssemblØe gØnØrale ont Øtabli dans

de nombreuses rØsolutions que ces activitØs de peuplement violent le droit international.

11. Ladite violation revŒt beaucoup d’importanc e. Elle est qualifiØe d’«infraction grave» du

droit international par l’article 85 du protocole additionnel I aux conventions de GenŁve.

12. La logique est incontournable. Les colonies de peuplement civiles sont illicites. Par

consØquent, il n’est pas possible en droit d’Øcarte r le mur de la Ligne verte pour protØger ces

colonies illicites. Par consØquent, confisquer des te rres palestiniennes à cette fin est une violation

du droit international humanitaire. Le mur, situØ à l’Øcart de la Ligne verte, a ØtØ construit et des

biens palestiniens ont ØtØ pris en vue d’une fin qui est inadmissible en droit. Il n’est guŁre besoin - 39 -

d’examiner de façon approfondie des prØoccupations et des arguments sØcuritaires pour apprØcier

la licØitØ de ces dØtournements.

48 13. [Projeter à l’Øcran la photographie9.] De mŒme, la destruction de biens fonciers

palestiniens aux fins de construire le mur n’a vraiment rien à voir avec ce qui pourrait Œtre, comme

il est dit à l’article 53 de la quatriŁme convention de GenŁve, «rend[u] absolument nØcessair[e] par

les opØrations militaires». Il n’y a pas d’opØrations militaires au sens oø cet article53 emploie

l’expression. En fait, le tracØ du mur semble pa rfois avoir ØtØ conçu pour infliger des dommages

gratuits. La photographie montre l’ancien marchØ de NazlatIssa dont des centaines de familles

palestiniennes tiraient leur gagne-pain. Ce marchØ fut dØtruit par l’armØe israØlienne «parce qu’il

fallait protØger les colonies israØliennes implantØes da ns la rØgion». La col onie israØlienne la plus

proche est situØe à 4 kilomŁtres.

14. Sur ce premier point, la Palestine propo se respectueusement à la Cour de donner pour

avis à l’AssemblØe gØnØrale que la construction et la gestion du mu r dans le Territoire palestinien

occupØ, y compris à l’intØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est, violent le droit international.

Le mur viole les droits de l’homme des Palestiniens

15. L’effet que le mur produit sur les dro its fondamentaux de l’homme de la population

d’hommes, de femmes et d’enfants du Territoire palestinien occupØ est dØcrit avec rØalisme dans

les rapports de l’Organisation des NationsUnies et dans ceux de B’Tselem, qui est l’organisation

israØlienne de dØfense des droits de l’homme.

16. Les violations sont à classer en deux grandes catØgories. Il y a d’abord la saisie directe

de terres et la destruction de biens induites par la co nstruction du mur. J’en ai dØjà parlØ. Il y a

ensuite les violations de certains droits qui procŁdent des restrictions imposØes à la population

palestinienne en vertu du rØgime du mur en matiŁre de circulation et de rØsidence. Ces violations

touchent l’intØgralitØ de la population du Territo ire palestinien occupØ et non pas simplement les

personnes dont les biens fonciers sont saisis ou qui ont ØtØ enclavØs par le Gouvernement israØlien.

17. Il faut comprendre quelle est l’ampleur de ces violations. Il ne s’agit pas ici d’une

querelle technique autour d’une violation de fro ntiŁre, les IsraØliens empiØtant sur la terre - 40 -

palestinienne. L’annØe derniŁre, ce sont trois rapports de l’ONU (le rapport Bertini 37, le rapport

38 39
Dugard et le rapport Ziegler ) qui ont conclu à l’existence dans le Territoire palestinien occupØ

d’une crise humanitaire  ce sont eux qui parlent et non moi  et c’est une crise qui n’a rien de

naturel.

18. Nous avions l’intention de citer à la Cour des extraits de ces rapports qui illustrent
49

parfaitement un comportement manifestement contra ire au droit international humanitaire et au

droit international relatif à la protection des droits de l’homme. Nous croyons comprendre

toutefois que la Cour voudrait à ce stade porter principalement son attention sur le droit plutôt que

les faits; et mercredi dernier le ComitØ intern ational de la Croix-Rouge a publiØ un communiquØ

qui capte les ØlØments essentiels de ce que nous-mŒmes tout comme, notamment, les divers

rapports de l’ONU, cherchons à faire connaître et situØ trŁs prØcisØment ces ØlØments dans leur

cadre juridique. Ce communiquØ dit ceci :

«Le CICR est de plus en plus prØo ccupØ par les consØquences humanitaires que
l’Ødification de la barriŁre en Cisjorda nie a pour de nombreux Palestiniens des
territoires occupØs.

Dans les endroits oø elle s’Øcarte de la «Ligne verte» et empiŁte sur les
territoires occupØs, la barriŁre prive des milliers de Palestiniens d’un accŁs adØquat à

des services essentiels comme l’approvisionnement en eau, les soins mØdicaux et
l’Øducation ainsi qu’à des sources de revenus telles que l’agriculture et d’autres types
d’emplois. Les communautØs palestiniennes vivant entre la «Ligne verte» et la

barriŁre sont, de fait, coupØes de la sociØtØ palestinienne à laquelle elles appartiennent.
L’Ødification de la barriŁre en Cisjordani e continue de donner lieu à l’appropriation,
largement rØpandue, de biens palestiniens et de causer des dØgâts considØrables aux

bâtiments et aux terres agricoles, entraînant souvent leur destruction.

Le CICR a condamnØ à plusieurs reprises les attaques dØlibØrØes perpØtrØes

contre des civils israØliens et soulignØ que tous les actes dont le but est de semer la
terreur dans la population civile sont des vi olations manifestes du droit international
humanitaire. Il reconnaît à Israºl le droit de prendre des mesures pour assurer la
sØcuritØ de sa population. Toutefois, ces mesures doivent respecter les normes

applicables du droit international humanitaire.

Le CICR estime que la barriŁre en Cisjordanie est contraire au droit

international humanitaire, dans la mesure oø son tracØ s’Øcarte de la «Ligne verte» et
empiŁte sur le territoire occupØ. Les problŁmes que connaît la population
palestinienne dans la vie quotidienne montre nt que la barriŁre va à l’encontre de

l’obligation qui incombe à Israºl, conformØ ment au droit humanitaire, d’assurer un

37
Annexe 14 à l’exposØ Øcrit de la Palestine, par. 3.
38
Annexe 6 à l’exposØ Øcrit de la Palestine, par. 41.
39Dossier n 56 accompagnant la conclusion du SecrØtaire gØnØ ral de l’Organisation des Nations Unies, par. 8,
58. - 41 -

traitement humain aux civils vivant sous l’ occupation et de veiller à leur bien-Œtre.
Les mesures prises par les autoritØs israØlie nnes en relation avec l’Ødification de la
barriŁre en territoire occupØ excŁdent de loin ce qu’une puissance occupante est

autorisØe à faire aux termes du droit humanitair e. Ces constatations se fondent sur le
suivi des conditions de vie de la population palestinienne, assurØ par le CICR, et sur
l’analyse que fait l’institution des dispositi ons applicables du droit humanitaire. Les
autoritØs israØliennes ont ØtØ rØguliŁrement informØes des prØoccupations humanitaires

et juridiques du CICR.

Le CICR demande donc instamment à Isr aºl de ne pas planifier, construire ou
maintenir cette barriŁre en territoire occupØ.»

19. Je me permets de prier la Cour de se reporter à l’exposØ Øcrit prØsentØ en l’espŁce par le

Gouvernement suisse dont la situation est particu liŁre car il est le dØpositaire officiel des

conventions de GenŁve. Il est utile de lire ce que dit le CICR à côtØ de cet exposØ.

20. Dans son exposØ Øcrit, la Palestine dit que lles sont les principales dispositions du droit

international humanitaire et du droit international de la protection des droits de l’homme qui sont

applicables en l’occurrence. La Palestine signale des violations de plusieurs dispositions du pacte

50 international relatif aux droits civils et politi ques qu’Israºl a ratifiØ. Il s’agit notamment de

l’article 12 qui porte sur la libertØ de circulation et de l’article 17 qui porte sur le droit à la vie de

famille. Il y a aussi des violations du pacte intern ational relatif aux droits Øconomiques, sociaux et

culturels, qu’Israºl a Øgalement ratifiØ, notamment en ce qui concerne les articles11 et12, qui

portent sur le droit à l’alimentation et le droit aux soins mØdicaux, et l’article13 sur le droit à

l’Øducation. Il y a aussi des violations de la c onvention relative aux droits de l’enfant qu’Israºl, là

encore, a ratifiØe. La Palestine attache une impor tance toute particuliŁre à ces violations-là car les

enfants constituent plus de la mo itiØ de la population pal estinienne. La Palestine indique dans son

exposØ Øcrit que les violations concernent les articles24 et27, sur le droit à l’alimentation et aux

soins mØdicaux, l’article 28 sur le droit à l’Øducation et l’article 16 sur le droit à la vie de famille.

21. La rØaction d’un bon nombre de responsables is raØliens a ØtØ la suivante: le mur est le

prix que les partisans du terrorisme doivent paye r; la solution est aux mains de l’AutoritØ

palestinienne. C’est une rØaction inacceptable, et ce n’est pas seulement parce qu’Israºl ne cesse

de procØder à des incursions dans le territoire, qu’ il dØtruit l’appareil sØcuritaire et les institutions

de sØcuritØ de la Palestine, qu’il impose couvr e-feux et barrages et qu’il construit le mur ― toutes

mesures qui ont sapØ l’AutoritØ palestinienne. - 42 -

22. La rØaction est inacceptable parce que, prem iŁrement, il incombe en droit à Israºl, à titre

de puissance occupante, la responsabilitØ de garantir les droits fondamentaux de l’homme dans le

Territoire palestinien occupØ. Israºl ne peut pas revendiquer les droits d’un occupant militaire sans

accepter d’assumer les responsabilitØs correspondantes.

23. DeuxiŁmement, cette rØaction Øquivaut à vouloir imposer une sanction collective.

L’AutoritØ palestinienne a, de façon constante, condamnØ les attentats terroristes à l’encontre de

civils israØliens, et il est aussi absurde qu’injurie ux de laisser entendre que tous les Palestiniens

seraient impliquØs dans un complot meurtrier visant à attaquer Israºl. Imposer le mur, avec toutes

les restrictions qui en dØcoulent à la circulation des personnes et à leur accŁs à leurs biens, à leur

travail, aux services sociaux, à l’Øducation et à leurs familles, afin de punir l’ensemble de la

population palestinienne est un comportement inju ste, sans scrupules et illicite, qui apparaît, ainsi

qu’il est notØ dans un rapport des Nations Unies, comme une forme de châtiment collectif pour les

40
attentats commis contre Israºl . Or les peines collectives sont expressØment interdites par le droit

de la guerre, aux termes de l’artic le 33 de la quatriŁme convention de GenŁve et de l’article 75 du

protocole additionnel I.

24. TroisiŁmement, il est Øvident que le mur, dans la mesure oø il s’Øcarte de la Ligne verte

et est construit dans le Territoir e palestinien occupØ, ne saurait trouver une justification dans les

51 intØrŒts sØcuritaires qu’invoque Israºl. Israºl peut, comme nous l’avons expliquØ dans notre exposØ

Øcrit, protØger ses intØrŒts lØgitimes en construisant le mur sur son propre sol; mais il n’a

juridiquement aucun droit de s’emparer de terres palestiniennes et de dØtruire des biens palestiniens

pour protØger des colonies de peuplement illicites impl antØes dans le Territoire palestinien occupØ.

La Palestine admet que tout Etat a le droit de prendre des mesures de protection. Mais ces mesures

doivent Œtre licites. Les Etats ne sauraient Øl uder toutes contraintes juridiques et morales en se

contentant d’invoquer leurs «intØrŒts sØcuritaires».

25. La question dont la Cour est saisie est celle de savoir si le mur, tel qu’il est dØcrit dans le

rapport du SecrØtaire gØnØral, contrevient au droit international humanitaire et au droit international

des droits de l’homme. Notre exposØ Øcrit contient à cet Øgard des conclusions dØtaillØes, mais la

40 o
Rapport Ziegler, dossier n 56 accompagnant la communication du SecrØtaire gØnØral de l’ONU, par. 38. - 43 -

question est simple. La Cour peut-elle de façon rØaliste, aprŁs avoir lu rapport du SecrØtaire

gØnØral et les rapports qui lui sont joints, dire qu’elle a des doutes sur le point de savoir si Israºl

contrevient au droit international dans le Territoire palestinien occupØ ? Peut-elle, ayant lu tous les

documents justificatifs qui lui ont ØtØ soumis en rØponse à la demande qu’elle a faite aux Etats de

fournir des informations pertinentes, dire qu’elle ne voit pas de raison de penser que ― pour citer

le CICR ― «les mesures prises par les autoritØs israØliennes en relation avec l’Ødification de la

barriŁre en territoire occupØ excŁdent de loin ce qu’une puissance occupante est autorisØe à faire» ?

26. La Palestine suggŁre respectueusement à la Cour de donner avis à l’AssemblØe gØnØrale

qu’Israºl est tenu de garantir aux rØsidents du Territoire palestinien occupØ les droits auxquels ils

peuvent prØtendre en vertu du droit international huma nitaire et du droit international des droits de

l’homme que ces droits comprennent les droits ØnumØrØs aux alinØasC etD du paragrapheII du

chapitre12 de l’exposØ Øcrit de la Palestine et que la construction et la gestion du mur violent

lesdits droits.

Le mur modifie le statut du territoire

27. Les sujØtions auxquelles la population pales tinienne du Territoire palestinien occupØ est

astreinte tout au long de la journØe, et tous l es jours, constituent naturellement notre principal sujet

de prØoccupation. Mais sur le plan du droit, et dans une perspective à long terme, il y a un autre

point dont l’importance est cruciale. C’est le fait que le mur, de façon entiŁrement prØvisible, et

sans doute dØlibØrØe, est en train de modifier le statut du Territoire palestinien occupØ.

28. C’est un principe fondamental du droit international qu’une puissance occupante n’est

pas habilitØe à modifier le statut du territoire qu’elle occupe. Il lui est permis de rester prØsente

dans un territoire qui n’est pas le sien et d’ y exercer des pouvoirs limitØs parce que le droit

international reconnaît que, dans une situation de conflit armØ, cela peut Œtre nØcessaire pour

52 assurer la protection efficace de l’Etat. Il s’agit de droits essentiellement dØfensifs, qui sont

temporaires: l’armØe d’occupati on est censØe se retirer une fois que le conflit qui a conduit à

l’occupation a pris fin. La puissance occupante n’a nu llement le droit de traiter le territoire occupØ

comme le sien, ni de dØcider de son avenir. - 44 -

29. Le droit international n’interdit pas se ulement l’annexion d’un territoire occupØ. Il

interdit toutes les modifications du statut de ce territoire: pour parler clairement, il n’est pas

possible de transformer ce territoire en protectorat ou en colonie ni d’apporter à son statut aucune

autre modification.

30. Cette interdiction a ØtØ confirmØe par le Conseil de sØcuritØ, par exemple dans sa

rØsolution 446, oø le Conseil a demandØ à Israºl

«de s’abstenir de toute mesure qui modifierait le statut juridique et le caractŁre
gØographique des territoires arabes occupØs depuis1967, y compris JØrusalem, et

influerait sensiblement sur leur composition gØographique, et, en particulier, de ne pas
transfØrer des ØlØments de sa propre populat ion civile dans les territoires arabes
occupØs».

31. Un Etat ne peut pas se soustraire à cet te interdiction en s’abstenant de procØder à

l’annexion formelle et explicite d’un territoire ou à quelque autre modification de son statut tout en

le ligotant, ainsi que ses rØsidents, par une mass e de rŁglements restrictifs et de contraintes

matØrielles. Le droit international considŁre la rØalitØ des situations, et non l’artifice des formes.

Dans l’affaire Starrett 41, par exemple, le tribunal des rØclama tions Iran-Etats-Unis a conclu qu’il

pouvait y avoir expropriation sans transfert formel du titre de propriØtØ dans les cas de trouble de

jouissance constituant une ingØrence grave dans les droits du propriØtaire. Et dans

42
l’affaire Nottebohm , la Cour est allØe apprØcier, au-delà de la formalitØ de la naturalisation, la

rØalitØ du lien de l’intØressØ avec le territoire de son Etat putatif.

32. Le mur est en train de modifier le statut du Territoire palestinien occupØ. Il y entraîne, de

façon entiŁrement prØvisible, des changement s dØmographiques et autres qui ôteront aux

Palestiniens toute possibilitØ d’exercer de façon effective leur droit à l’autodØtermination, ce qui

Øquivaut à une annexion de territoire de facto.

33. Israºl soutient que le mur, pour lequel on dit qu’il est en train de dØpenser quelque

deux milliards de dollars E.-U. — deux mille millions de dollars — est temporaire. On a peine à le

croire. Il en irait peut-Œtre autrement si le Gouvernement israØlien a nnonçait publiquement dŁs à

prØsent qu’il reconnaît que le territoire palestinien est un territoire occupØ et qu’il reconnaît que

toutes les colonies de peuplement —y compris des colonies comme Ariel, Ma’ale Adumin et les

41
Starrett Housing Corp v. Iran, 4 Iran-USCTR 122 (1983).
42
C.I.J. Recueil 1955, p. 4. - 45 -

colonies implantØes à JØrusalem-Est— se trouvent en Territoire palestinien occupØ et, partant, à

53 l’intØrieur du territoire qui est en principe celui de l’Etat palestinien selon la vision de deux Etats

dØcrite dans la feuille de route. Mais on en est loin puisque, selon des informations rØcentes, le

Gouvernement israØlien prØvoit de rØinstaller en Cisjordanie les colons retirØs de Gaza, ce qui

consolidera son emprise sur la Cisjordanie.

34. La rØglementation israØlienne introduit dans le Territoire palestinien occupØ une division

entre la zone situØe «à l’intØrieur» du mur et la z one situØe à l’extØrieur, qui est contiguº à Israºl.

Avant la construction du mur, les gens pouvaient ci rculer librement dans cette partie du Territoire

palestinien occupØ pour se rendre sur leurs exploitations agricoles, dans leurs ateliers, à leurs Øcoles

et leurs hôpitaux. Ils pouvaient rØsider librement dans la zone corresponda nt actuellement au mur

et à la zone fermØe. DØsormais, selon cette rØglementation, les gens ont besoin de permis pour

circuler à l’intØrieur de cette mŒme portion de territoire palestinien si leurs dØplacements les

obligent à franchir le mur, et ils ont besoin de pe rmis pour continuer à rØsider chez eux. Et dans

bien des cas, les permis sont accordØs avec retard ou de façon inconsØquente ou ne le sont pas du

tout. Tout cela est expliquØ en dØtail dans notre exposØ Øcrit.

35. Beaucoup de Palestiniens quittent les zones les plus gravement affectØes par cette

situation, par exemple Qalqilya, qui est dØsormais dØplacØe plus profondØment à l’intØrieur du

Territoire palestinien occupØ. Cela crØe sur le terrain une nouvelle situation de fait. Les

Palestiniens se voient, en fait, ØvincØs des zones contiguºs au mur et contiguºs à Israºl.

36. D’aucun pensent qu’Israºl se satisfait d’exer cer son autoritØ sur le Territoire palestinien

occupØ sans l’annexer formellement parce que, en cas d’annexion, il serait difficile de refuser à

ceux qui sont nØs dans le territoire la citoyennetØ, le droit de vote et l’ØgalitØ devant la loi. Quelle

que soit la raison, il est clair que le statut du territoire se trouve modifiØ. Comme l’a trŁs bien dit

un rØcent rapport des NationsUnies: «[l’Ødification du Mur] a manifestement pour but de crØer

une situation de fait sur le terrain. Il n’existe peut Œtre pas d’acte d’annexion, comme ce fut le cas

pour JØruzalem-Est et les hauteurs du Golan. Pourtant l’effet est le mŒme: il s’agit d’une

annexion» 43.

43
Dugard, 2003 (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, 8 septembre 2003, reproduit en tant qu’annexe 6 à l’exposØ
Øcrit de la Palestine), par. 14. - 46 -

37. La prØsente affaire est ainsi replacØe dason contexte. Elle tire son origine de deux

prØoccupations : la premiŁre est que l’imposition d’une sØrie de cont raintes et de sujØtions, dont le

mur constitue le point culminant, rend dØjà la vi e quasiment insupportable aux Palestiniens; et la

deuxiŁme est que le mur n’est pas simplement une sujØtion momentanØe, mais dØlimite le

misØrable morceau de terre à l’intØrieur duquel Isr aºl entend relØguer le peuple palestinien, en une

caricature grotesque, aussi ØloignØe de la justice que du droit, de la vision des deux Etats.

54 38. La Palestine suggŁre respectueusement à la Cour de donner avis à l’AssemblØe gØnØrale

que la construction et la gestion du mur modifit le statut du Territoire palestinien occupØ, en

violation du droit international et des rØsotions du Conseil de sØcuritØ, notamment de la

rØsolution 446.

39. La question des effets du mur sur le droit du peuple palestinien à disposer de lui-mŒme et

sur la feuille de route sera traitØe par mon collŁgue M. Jean Salmon, qui conclura l’exposØ oral de

la Palestine.

40. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, j’en arrive ainsi, à moins que je

ne puisse encore vous Œtre utile, à la fin de ma partie de cet exposØ. Puis je vous prier à prØsent de

donner la parole à mon collŁgue M. Jean Salmon.

Le PRESIDENT : Merci, professeur Lowe. Je donne à prØsent la parole à M. le professeur

Jean Salmon.

Mr. SALMON:

T ACTICS USED TO PREVENT THE COURT FROM REPLYING TO THE REQUEST FOR AN OPINION

AND THE G ENERAL ASSEMBLY ’S LEGITIMATE ANTICIPATION OF SUCH AN OPINION

1. Mr. President, distinguished Members of the Court, it is always a great honour to address

this Court. For a jurist who started his career as a legal advisor at the UNRWA, I am deeply

honoured by the trust placed in me today by Palestine.

It falls to me to develop two aspects of the matter placed before the Court: on the one hand,

certain tactics used to prevent the Court from replying to the request for an opinion and, on the

other, the General Assembly’s anticipation of an opinion on the legal aspects of the question. - 47 -

I. The tactics used to prevent the Court from responding
to the General Assembly’s request for an opinion

My colleague, Professor James Crawford, has al ready told the Court about all these tactical

manoeuvres. However, two particular aspects may be highlighted.

55 2. It is well known that some States woul d like the Court not to take a decision on the

question posed by the General Assembly. In suppor t of this wish, it is argued that the opinion

requested would be worthless. As the General Assembly has already declared the Wall to be

illegal, that is the last word on the subject. This overlooks the fact that certain States, and Israel in

particular, have refused to acknowledge that th e Assembly has any jurisdiction to express an

authoritative legal opinion on the international validity of the Wall.

Of itself, this state of affairs warrants a ru ling by the Court on the legality of the disputed

construction before determ ining what conclusions flow from it. Haven’t the States which have

discussed the merits of this question in their written statements devoted the bulk of their arguments

to the problem of illegality? The principal judici al organ of the United Nations must, with all its

authority, set out the legal bases of the illegality so that it can no longer be disputed in future.

Indeed, it is time that the Assembly, whic h has guided two thirds of humanity to

independence, received from the Court the support it is calling for to help a territory, to which the

right to self-determination was promised in 1920, to realize this right without its territorial basis

being severed by a wall.

One does not have to be a genius to understa nd that, in reality, the arguments relating to the

pointlessness of the opinion are aimed at preventi ng the Court from stating the law in order to

allow Israel to calmly carry on dismembering Palestine, meanwhile claiming that it is not bound by

any rule of law on this subject.

3. The same applies to the other argument used to gag the Court, the one which claims that

its intervention would jeopardize the “Road Map”.

This argument, under the guise of concerns a ssociated with safeguarding the peace process

and the search for a negotiated settlement of the question, in fact doubly jeopardizes the right to

self-determination of the Palestinian people, on wh ose territory Israel is building a new Wall of

shame. - 48 -

(1) It obscures the fact that the exercise of the ri ght to self-determination of the Palestinian people

throughout the Occupied Territories is in fact one of the very bases of the peace process and the

Road Map.

56 (2) It obscures the fact that it is the Wall that ser iously infringes the obligations set out in the Road

Map.

In short, it is brandished to prevent the Court from making these two findings.

*

* *

Let us take these two questions one by one.

1. The argument of the Road Map obscures th e fact that the exercise of the right to
self-determination of the Palestinian people thro ughout the Occupied Territories is in fact
one of the very bases of the peace process and the Road Map

4. By resolution1515 of 19November 2003, the Security Council “calls on the parties to

fulfil their obligations under the Road Map in co -operation with the Quartet and to achieve the

vision of two States living side by side in peace and security.”

The vision of “two States living side by side” rests upon a legal foundation of which the first

building block is General Assembly resolution181 (II) of 1947, providing for the creation of two

States on the territory of the former British mandate for Palestine. It is also based on a series of

binding Security Council resolutions to wh ich it expressly refers: in particular,

resolution 242 (1967), stating that the acquisition of territory by force is inadmissible and providing

for the withdrawal from territories occupied in the then-recent conflict, which resolution was

confirmed by resolutions 338 (1973) and 1397 (2002) of the same organ.

Thus was defined the geographical expanse in which the Palestinian people enjoys the right

to self-determination. This area consists of th e territories occupied by Israel since 1967, which

were delimited by the demarcation line arisi ng under the General Armis tice Agreement between

the Hashemite Jordan Kingdom and Israel, signed at Rhodes on 3 April 1949, and its application.

This is what is commonly referred to as the “Green Line”. - 49 -

5. The peace process therefore is founded on two fundamental rights of the Palestinian

people:

57  the right of self-determination in the Palestinia n territories occupied since 1967, including East

Jerusalem;

 the right to exercise that right through negotiati ons in which its consent is not vitiated by an

accumulation of unlawful actions taken by the other party to restrict the exercise of that right.

The document referred to as the “Road Map” pr ovides for the final phase of negotiations to

be “two states, Israel and sovereign, indepe ndent, democratic and viable Palestine, living

side-by-side in peace and security”. The process e nvisioned is that of direct negotiations to put an

end to the conflict and define a “permanent statu s” in the final phase. That permanent status was

defined in agreements with Israel signed at W ashington in 1993 and Taba in 1995 as follows:

“Jerusalem, refugees, settlements, security arrange ments, borders, relations and cooperation with

44
other neighbours, and other issues of common interest” .

Before it could be claimed that the present requ est for advisory opinion is an action by the

General Assembly jeopardizing the peace process, it would be necessary to prove that a ruling by

the Court on the unlawfulness of the Wall would be likely to be detrimental to that “permanent

45
status”. This is acknowledged in the Written Statements of the United Kingdom and the United

States 46.

That however is not the case.

The 144 States which held that the Wall was a vi olation of international law based that view

on legal elements lying at the very heart of the Road Map:

 respect for the Palestinian people’s right to self-determination;

 respect for the status under international law of the Occupied Territory and for its territorial

extent;

44
Declaration of Principles of Interim Self-G overnment Arrangements, signed at Washington on
13 September 1993, Article V, RGDIP, 1994, p. 264; Interim Agreement on the West Bank and the Gaza Strip, signed at
Taba on 28 September 1995, A/51/889, S/1997/357.
45
United Kingdom, Written Statement, par. 3.21.
46United States of America, Written Statement, para. 4.2. - 50 -

 respect for the international obligations deriving from that status in regard to the rights of the

civilian population (humanitarian law and human rights).

58 6. A finding by the Court that the wall violates these rights will not interfere either with the

implementation of the Road Map or with “permanent status” issues. The Court is not being asked

to rule on a frontier issue but to take steps to ensure respect for the status of a territory that was

colonized (in the context of a mandate) and then o ccupied by a foreign Power. The people of that

territory are entitled to have their rights protect ed against the construction of a wall beyond the

demarcation line separating them from the occupying Power.

If the Court should happen to allude to certain permanent status issues (relating to Jerusalem

or the settlements for example) because of the way in which the wall is constructed, it will do so in

order to draw attention to pre-existing obligati ons under Security Council resolutions that are

binding and cannot be derogated from under individual agreements. Subject to respect for such

obligations, the two parties are free during the ne gotiations, on condition that their consent is not

vitiated, to make any concession they deem appropriate in order to establish a final status of peace.

7. As a closing comment on this first point, it may be noted that the request to the Court for

an opinion in no way impedes further negotiations, and that the Court, far from disrupting the peace

process, will provide a framework for it through its rulings, by identifying the rights of the

Palestinian people that cannot be violated by the construction of the wall.

Advocating negotiations between the wolf and the lamb implies ensuring minimum

protection for the lamb.

I shall now turn to the second aspect of the Road Map argument.

2. It obscures the fact that it is the Wall that seriously infringes the obligations set out in the
Road Map

8. A very great majority of the States Members of the United Nations considered that the peace

process was not jeopardized by the request for an opinion but rather by the wall that is being

constructed by Israel.

It should be borne in mind that the peace process is based, inter alia , on the

Israeli-Palestinian Interim Agreement on the W est Bank and the Gaza Strip signed in Taba on - 51 -

59 28 September 1995 , Article XI of which states that “1. The two sides view the West Bank and the

Gaza Strip as a single territorial unit, the integrit y and status of which will be preserved during the

interim period” and Article XXXI of which stipulates that “7. Neither side shall initiate or take any

step that will change the status of the West Bank and the Gaza Strip pending the outcome of the

permanent status negotiations”.

These provisions are pivotal to the peace process.

In addition, the Road Map contains a series of provisions that were rightly highlighted in the

Written Statement of the French Republic. I shall cite some passages:

“Israel takes all necessary steps to help normalize Palestinian life” and “freezes
all settlement activity”

“GOI [the Government of Israel] takes no actions undermining trust, including
deportations, . . ., confiscation and/or demolition of Palestinian homes and property, as

a . . . measure . . . to facilitate Israeli construction; destruction of Palestinian
institutions and infrastructure”.

9. Instead of fulfilling those obligations, Israel, by its construction of the Wall, has turned its

back on the right of the Palestinian people to self-determination and has at the same time sabotaged

the Road Map.

As Palestine’s Written Statement has shown 48

(a) To the extent that the Wall departs from the Green Line and is constructed in the
Occupied Palestinian Territory, including in and around East Jerusalem, it severs

the territorial sphere over which the Palestinian people are entitled to exercise
their right of self-determination. To the same extent the Wall is also a violation
of the legal principle prohibiting the acquisition of territory by the use of force;

(b) The route of the Wall is designed to ch ange the demographic composition of the
Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, by reinforcing the
colonial Israeli settlements in the Occupi ed Palestinian Territory and facilitating

their extension  in disregard of the fact that these settlements are themselves
illegal according to international law;

(c) By the creation of Palestinian enclaves, of discrimination against the Palestinian
population vis-à-vis the Israeli settlers, and of unbearable economic conditions,
the Wall is having the clear and foreseeable effect of the forced displacement of
the Palestinian population into increasingly limited areas regarded as safe and

livable for Palestinians. The Wall is intended to reduce and parcel out the
territorial sphere over which the Palestin ian people are entitled to exercise their
right to self-determination. Such a policy aims at establishing non-contiguous

Palestinian areas similar to Bantustans, prohibited by international law;

47
A/51/889, S/1997/357.
48
Written Statement of Palestine, para. 548. - 52 -

(d) The Wall violates the right of the Pal estinian people to permanent sovereignty
over their natural resources in the Occupi ed Palestinian Territory, including East

Jerusalem, and destroys the economic a nd social basis of the life of the
Palestinian people”

60 In a word,

“(e) The Wall endangers the feasibility of a viable State for the Palestinian people and
consequently undermines future negotiations based on the ‘two State’ principle.”

In conclusion, the brandishing of the Road Map is a tactic designed to stop the Court from

stating the law, above all to the benefit of Israel , which will exploit this to continue committing its

unlawful acts on Occupied Palestinian Territory with impunity.

I now come to the second part of my statement in which I will address the General

Assembly’s legitimate anticipation of an opinion on the legal aspects of the question.

II. The General Assembly’s legitimate anticipation of an opinion
on the legal aspects of the question

10. This legitimate anticipation was aptly described by the Court in the Western Sahara case:

“Its [opinion] is requested in order to assist the General Assembly to determine its future

decolonisation policy.” 49

The Court is called upon to assist the General Assembly on how it should exercise its

responsibility with respect to a territory with which it has concerned itself since 1947.

What, therefore, is the General Assembly entitled to expect of an opinion of the Court?

11. First, that the Court will confirm the Assembly’s reliance, in its resolutions of

21 October 2003 and 8 December 2003, on various principles of international law to condemn the

construction of the Wall.

Palestine’s Written Statement, for its part, lis ted in Chapter12 the specific violations of

international law resulting from the construction of the Wall. I will not repeat them now in

extenso, so as not to take up too much of the Court’s time.

12. Secondly, the Assembly hopes that the Court’s opinion will identify the legal

consequences arising from the grave violations of international law imputable to Israel.

The customary principles of international responsibility need to be applied. This is a subject

with which the Court is familiar. Its jurispr udence has largely inspired the International Law

49
Western Sahara (Advisory Opinion of 16 October 1975), I.C.J. Reports 1975, p. 68, para. 161. - 53 -

Commission’s articles on the consequences of respons ibility. I will first address the consequences

for the State of Israel before turning to the consequences for other States.

61 Legal consequences for the State of Israel

13. As far as Israel is concerned, to begin with, the first consequence is the obligation of

cessation.

Israel is bound to cease forthwith the commissi on of all unlawful international acts arising

from the construction, planning and operation of the Wall in the Occupied Palestinian Territory,

including East Jerusalem.

Israel is further required to refrain from an y other action modifying, or seeking to modify,

the legal status, institutional structure, geographical and historical character and the geographical

composition of the Closed Zone or any area within that Zone, and from any action that may

prejudice the rights of Palestinians or of the Pal estinian people. In particular, Israel has an

obligation to refrain from transferring any of its ci vilian population to such areas and from causing

the displacement of Palestinians outside that Zone. Israel must apply, in that Zone, the obligations

required of it by the Security Council resolutions.

14. The second consequence is the obligation of restitution, that is to say the restoration of

the status quo ante.

For that purpose, Israel must dismantle forthwith all parts of the Wall in the Occupied

Palestinian Territory that cross over the Green Line and must abolish the associated rØgime. Israel

is bound, in particular, to withdraw all the ad ministrative and legislative measures and practices

adopted in connection with the construction, op eration and planning of the Wall, including the

expropriation of land and property within the area c oncerned. It must return all confiscated or

requisitioned property to its owners. It must return their olive trees to them if possible.

Israel is bound to annul any restrictive meas ures imposed on the movement of persons and

goods and on the activities of humanitarian organizations.

Furthermore, Israel has an obligation to undertake the immediate repatriation of any of its

civilians who have settled in areas adjacent to the Wall and inside the Occupied Palestinian

Territory since the beginning of the Wall’s c onstruction, and to dismantle any settlements - 54 -

established in such areas. In an y event, it must ensure and facilitate the immediate return of the

Palestinian civilians who have been forced to l eave those areas, and must release any individuals

who have been detained as a result of the Wall’s construction and of the maintenance by Israel of

the associated administrative rØgime.

62 15. In accordance with its obligation to make reparation, Israel is required to provide full

compensation for the injury suffe red by the individuals concerned and for all the material and

personal damage sustained as a result of Israel’s violation of its international obligations.

16. Finally, in accordance with its obligati on, under international humanitarian law, to

comply with and enforce the Fourth Geneva Conven tion, Israel also has criminal law obligations.

It should seek out and bring before its courts persons suspected of having committed or ordered the

commission of serious breaches of international humanitarian law; it should take the necessary

steps to prevent any other breaches of inte rnational humanitarian law stemming from the

construction, management and planning of the Wall.

Legal consequences for States other than Israel

17. This is a classic case in the light of the opinion issued by the Court in the Namibia case.

As a result of the serious breaches of international law by the State of Israel, other States are

obliged:

 to co-operate with one another and with the United Nations and other competent international

organizations, in order to put a stop to these violations;

 not to recognize the unlawful situations arising from these violations;

 not to assist in the maintenance of these situations.

18. If Israel persists in its refusal to apply the above-mentioned rules of international law and

does not accept the consequences of its responsibilit y, the General Assembly is entitled to expect

the Security Council to take the necessary coercive measures which, in the case of violations of

mandatory legal rules, should not be amenable to the use of a veto by any member of the Council.

Mr.President, distinguished Members of the Court, this statement concludes the oral

pleadings of Palestine; on behalf of all those w ho have taken the floor, I have the honour to thank

the Court for its kind attention. - 55 -

63 Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Salmon. Voilà qui conclut l’exposØ oral et les

observations de la Palestine. Les audiences reprendront cet aprŁs-midi à 15heures et nous

entendrons l’Afrique du Sud, l’AlgØrie, l’Arabie sa oudite et le Bangladesh sur la question dont est

saisie la Cour. L’audience est levØe.

L’audience est levée à 13 heures.

___________

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