MWP
CR 2004/1 (traduction)
CR 2004/1 (translation)
Lundi 23 fØvrier 2004 à 10 heures
Monday 23 February 2004 at 10 a.m.14 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Laudience est ouverte.
La Cour se rØunit aujourdhui pour en tendre des exposØs oraux et observations,
conformØment aux termes de son ordonnance du 19 dØcembre2003, au sujet de la requŒte pour
avis consultatif soumise à la Cour par lAssembl Øe gØnØrale des Nations Unies sur la question des
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé.
*
Le 8dØcembre2003, par sa rØsolutioA/ RES/ES-10/14, lAssemblØe gØnØrale des
NationsUnies a dØcidØ de demander un avis consulta tif à la Cour. Le mŒme jour, le texte de la
rØsolution a ØtØ transmis par une lettre du SecrØtai re gØnØral de lOrganisation des Nations Unies à
la Cour et reçu au Greffe par tØlØcopie le 10 d Øcembre 2003. Je demande à prØsent au greffier de
donner lecture, dans le paragraphe du dispositif de ladite rØsolution, de la question sur laquelle il
est demandØ à la Cour de «rendre durgence un avis consultatif».
RTEheISTRAR:
What are the legal consequences arising from the construction of the wall
being built by Israel, the occupying Power, in the Occupied Palestinian Territory,
including in and around East Jerusalem , as described in the report of the
Secretary-General, considering the rules and principles of international law, including
the Fourth Geneva Convention of 1949, a nd relevant Security Council and General
Assembly resolutions?
Le PRESIDENT: ConformØment au paragra phe1 de larticle 66 du Statut, la requŒte
demandant lavis consultatif a ØtØ immØdiatement notifiØe à tous les Etats admis à ester en justice
devant la Cour. Les NationsUnies et ses Etats Membres ont Øgalement ØtØ informØs que, par
ordonnance en date du 19dØcembre2003, la Cour avait jugØ, conformØment au paragraphe2 de
larticle66 du Statut, quils Øtaient susceptibles de fournir des renseignements sur lensemble des
aspects soulevØs par la question soumise à la Cour pour avis consultatif et que, par la mŒme
ordonnance, elle fixait au 30janvier2004 la date dexpiration du dØlai da ns lequel ils pourraient
soumettre à la Cour des exposØs Øcrits sur la question. La Palestine de son côtØ a ØtØ informØe que,
par son ordonnance, la Cour avait dØcidØ - 2 -
15 «que, au vu de la rØsolution A/RES/ES-10/ 14 de lAssemblØe gØnØrale et du rapport
du SecrØtaire gØnØral transmis à la Cour avec la requŒte, et compte tenu du fait que
lAssemblØe gØnØrale a[vait] accordØ à la Palestine un statut spØcial dobservateur et
que celle-ci [Øtait] coauteur du projet de rØsolution demandant lavis consultatif, la
Palestine pou[rrait] Øgalement soumettre à la Cour un exposØ Øcrit sur la question
posØe, dans le dØlai sus-indiquØ».
Par la mŒme ordonnance, la Cour a dØcidØ, «conformØment au paragraphe4 de larticle66
du Statut et à larticle 105 du RŁglement, de tenir des audiences au cours desquelles des exposØs et
observations pourront Œtre prØsentØs devant la C our par lOrganisation des NationsUnies et ses
Etats Membres, quils aient ou non dØposØ des expo sØs Øcrits» et a fixØ au 23 fØvrier 2004 la date
douverture desdites audiences. La Cour a en out re dØcidØ que, pour les raisons que jai dØjà
ØvoquØes, «la Palestine pourra Øgalement partic iper à la procØdure orale qui souvrira le
23 fØvrier 2004».
Jai par ailleurs invitØ les Nations Unies et ses Etats Membres, ainsi que la Palestine, à faire
connaître au Greffe de la Cour, le 13fØvrier2004 au plus tard, leur intention de participer à la
procØdure orale.
La Cour a dØcidØ par la suite, conformØment à larticle66 de son Statut, sur des demandes
soumises par La Ligue des Etats arabes et lOrganisation de la confØrence islamique,
respectivement, que ces deux organisations internationales Øtaient susceptibles de fournir des
renseignements sur la question; et que, en con sØquence, elles pouvaient soumettre des exposØs
Øcrits dans le mŒme dØlai fixØ par la Cour dans son ordonnance du 19 dØcembre 2003, et participer
à la procØdure orale qui souvrira le 23 fØvrier 2004.
*
En outre, le 30 janvier 2004, la Cour a publiØ une ordonnance concernant sa composition en
lespŁce.
*
Dans le dØlai fixØ par la Cour à cette fin, des exposØs Øcrits ont ØtØ dØposØs, selon lordre de
rØception, par : - 3 -
la GuinØe, lArabie saoudite, la Ligue des Etat s arabes, lEgypte, le Cameroun, la FØdØration
de Russie, lAustralie, la Palestine, les Nations Uni es, la Jordanie, le Koweït, le Liban, le Canada,
la Syrie, la Suisse, Israºl, le YØmen, les Etats-Unis dAmØrique, le Maroc, lIndonØsie,
16 lOrganisation de la confØrence islamique, la Fr ance, lItalie, le Soudan, lAfrique du Sud,
lAllemagne, le Japon, la NorvŁge, le Royaume-Uni, le Pakistan, la RØpublique tchŁque, la GrŁce,
lIrlande en son nom propre, lIrlande au nom de lUnion europØenne, Chypre, le BrØsil, la
Namibie, Malte, la Malaisie, les Pays-Bas, Cuba, la SuŁde, lEspagne, la Belgique, Palau, les Etats
fØdØrØs de MicronØsie, les Iles Marshall, le SØnØ gal et la RØpublique popu laire dØmocratique de
CorØe.
*
Comme je lai indiquØ il y a quelques instants, la Cour se rØunit aujourdhui pour entendre au
cours dun seul tour de plaidoiries les exposØs ora ux et observations relatifs à la requŒte pour avis
consultatif. A ce sujet, la Cour a ØtØ informØe que le s participants suivants, citØs dans lordre de la
prise de parole, souhaitent prendre la parole au cours de cette procØdure orale :
la Palestine, lAfrique du Sud, lAlgØrie, lArabie saoudite, le Bengladesh, Belize, Cuba,
lIndonØsie, la Jordanie, Madagascar, la Malaisie, le SØnØgal, le S oudan, la Ligue des Etats arabes
et lOrganisation de la confØrence islamique.
Les dispositions prises pour les audiences ont ØtØ, par diverses communications, portØes par
le Greffe à la connaissance des participants que je viens de citer. Le programme des audiences a
ØtØ rendu public par le communiquØ de presse n o2004/9 en date du 18fØvrier 2004. Au cours de
cette matinØe, la Cour entendra la Palestine; cet aprŁs-midi, lAfrique du S ud, lAlgØrie, lArabie
saoudite et le Bengladesh prendront la parole. La Palestine di sposera dun temps de parole
maximum de troisheures et tous les autres participants à la procØdure orale disposeront chacun
dun temps de parole maximum de quarante-cinq minutes.
Avant dinviter la dØlØgation de Palestine à prendre la parole, je voudrais prØciser en outre
que, conformØment à larticle 106 du RŁglement de la Cour, celle-ci a dØcidØ que les exposØs Øcrits
soumis aux fins de la prØsente procØdure c onsultative seraient rendus accessibles au public à - 4 -
louverture de cette procØdure orale. En outre, ces exposØs Øcrits seront placØs à dater de ce jour
sur le site Internet de la Cour, afin de pouvoir y Œtre consultØs dans leur version originale ou dans la
traduction non officielle, telle que soumise ou Øtablie par le Greffe.
Je donne à prØsent la parole à S.Exc.M. NasserAl-Kidwa, ambassadeur et observateur
permanent de la Palestine auprŁs de lOrganisation des Nations Unies.
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M. AL-KIDWA :
D ECLARATION LIMINAIRE
1. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, jai lhonneur de madresser à
vous au nom de la Palestine. Je tiens à remercier la Cour interna tionale de Justice davoir donnØ à
la Palestine loccasion de prendre part à la prØsente procØdure consultative sur les«Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé».
2. Je me prØsente devant vous en tant que reprØsentant du peuple palestinien, le peuple
autochtone du territoire, qui depuis trop longtemps se voit nier son droit à disposer de lui-mŒme et
sa souverainetØ sur son territoire et qui se compo se toujours pour moitiØ de rØfugiØs. Le peuple
palestinien est soumis à une occ upation militaire depuis prŁs de tren te-sept ans. Les Palestiniens
ont ØtØ dØshumanisØs et diabolisØs, humiliØs et ra baissØs, dØpossØdØs et dispersØs, et brutalement
rØprimØs par loccupant. Cette occupation les a syst Ømatiquement privØs de leurs droits et libertØs
fondamentaux et a rØgentØ quasiment tous les aspects de leur vie.
3. Mais il ne sagit ici du conflit is raØlo-palestinien dans son ensemble cest du mur quil
est question. Ce mur se construit presque entiŁre ment dans le Territoire palestinien occupØ. Ce
mur ne vise pas la sØcuritØ : il vise à affermir loccupation et lannexion de facto de vastes portions
de territoire palestinien. Ce mur, sil est achevØ, ne laissera au peuple palestinien quune moitiØ de
la Cisjordanie, le confinant à des enclaves isolØes, non contiguºs et murØes. Il rØduira quasiment à
nØant les chances de rØgler le conflit israØlo-palestinien par la crØation de deux Etats.
4. Le mur nest pas simplement une struct ure physique; il constitue tout un rØgime. Il
encercle des communautØs entiŁres dans des enclaves murØes et, sil est achevØ, son tracØ
emmurera la plus grande partie de la population palestinienne. Il provoque dØjà le dØplacement de
civils palestiniens et en emprisonne des milliers da ns la zone qui le sØpare de la ligne darmistice - 5 -
de 1949, la Ligne verte. Il y a, en outre, une corrØlation Øvidente entre le tracØ du mur, les colonies
de peuplement israØliennes implantØes illicitement dans le Territoire palestinien occupØ et les
ressources en eau de la rØgion.
5. Bien entendu, il y a aussi une corrØlation entre le tracØ du mur et les politiques et pratiques
illicites adoptØes de longue date par Israºl à lØgard de JØrusalem. JØrusalem-Est est un territoire
occupØ. La communautØ internationale na jama is reconnu lannexion illicite de JØrusalem-Est par
Israºl. De par son tracØ, le mur consolidera clairement cette annexion. Il rendra la situation
humanitaire des Palestiniens habitant la ville encore plus prØcaire. Et il coupera la ville du reste de
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la population palestinienne, laquelle se trouvera ainsi privØe daccŁs à la ville et à ses lieux saints.
6. Si nous sommes rØunis ici, cest parce que lOrganisation des Nations Unies a à lØgard de
la question palestinie nne une responsabilitØ juridique, politique et morale qui ne sØteindra
quavec le rŁglement de cette question sous tous ses aspects. LAssemblØe gØnØrale la rØaffirmØ
dans vingt-cinq rØsolutions au moins. Cest, aprŁs tout, lAssemblØe gØnØrale qui, conformØment à
la Charte des Nations Unies, sest occupØe de la Palestine sous mandat en dØcidant le
29 novembre 1947, dans sa rØsolution 181 (II), de la partager en deux Etats, lun juif, lautre arabe.
Comme chacun sait, lEtat arabe na pas encore vu le jour; et le peuple palestinien na donc pas ØtØ
en mesure dexercer son droit à disposer de lui- mŒme. Dailleurs, la Palestine nest toujours pas
membre de lOrganisation des Nations Unies, mais conserve le statut dobservateur. Depuis 1947,
cependant, lAssemblØe gØnØrale a toujours eu à l examen la question de Palestine ou certains de
ses aspects.
7. Le Conseil de sØcuritØ na jamais cess Ø lui non plus de soccuper de la question
palestinienne. Cest en 1948 que lexamen de la «situation en Palestine» a figurØ pour la premiŁre
fois à son ordre du jour. Lattention portØe par le Conseil à cette question a redoublØ aprŁs
loccupation israØlienne en 1967. Depuis lors, il a adoptØ trente-huit rØsolutions consacrØes à la
situation dans le Territoire pa lestinien occupØ, dont vingt-six dans lesquelles il rappelle la
quatriŁme convention de GenŁve, et notamment lapplicabilitØ de cet instrument aux territoires
occupØs par Israºl depuis 1967, y compris JØrusalem.
8. Ces rØsolutions, bien entendu, restent valabl es. Israºl nen a resp ectØ quasiment aucune.
Le Conseil, qui a la responsabilitØ du maintien de la paix et de la sØcuritØ internationales, a connu à - 6 -
cet Øgard un Øchec historique dans le cas de la Pales tine. Il a nØgligØ de suivre lapplication de ses
propres rØsolutions et na pas pris les mesures nØ cessaires pour en assurer le respect, pas plus quil
na su empŒcher les violations continues, et parfois massives, du droit international et de la Charte
elle-mŒme. La principale raison en est que le Conseil sest heurtØ au veto, ou à une menace de
veto, de lun de ses membres permanents. Pend ant trente ans, de1973 à2003, la question
palestinienne a suscitØ vingt-sept fois un veto. Le veto le plus rØcent a ØtØ Ømis le 14 octobre 2003,
lorsque la question de la construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ a ØtØ soumise au
Conseil, qui na pas agi.
9. Au fil des ans, lAssemblØe gØnØrale, face à linaction du Conseil de sØcuritØ, a tentØ de
sacquitter de ses propres respon sabilitØs conformØment à la rØsolution377(V) quelle avait
19 adoptØe en 1950. Elle a consacrØ quatre de ses dix sessions extraordinaires durgence à la Palestine
et à la situation au Moyen-Orient. En rØponse au dernier veto, lAssemblØ e gØnØrale a repris sa
dixiŁme session extraordinaire durgence afin dexam iner la situation. A linstar du Conseil de
sØcuritØ, lAssemblØe a sØrieusement dØbattu la question et deux projets de rØsolution ont ØtØ
prØsentØs, dont lun demandait à la Cour internationale de Justice de rendre un avis consultatif au
sujet du mur. Toutefois, au terme dintenses consultations et nØgociations, les membres de lUnion
europØenne ont prØsentØ un nouveau projet de r Øsolution, Øtant entendu que les auteurs des deux
projets initiaux ninsisteraient pas pour que leurs textes soient mis aux voix. Le projet de
rØsolution dont lUnion europØenne Øtait coaute ur a ØtØ adoptØ à une Øcrasante majoritØ, le
21 octobre 2003, en tant que rØsolution ES-10/13.
10. Trois ØlØments prØcis de cette rØsolution doivent Œtre soulignØs: premiŁrement, il Øtait
exigØ «qu’Israël arrête la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce projet, qui s’écarte de la ligne d’armistice
de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit international». DeuxiŁmement, le
SecrØtaire gØnØral Øtait priØ de rendre compte de la façon dont la rØsolution serait respectØe. Et,
troisiŁmement, il Øtait dit expressØment que, dŁs rØception du premier rapport du SecrØtaire gØnØral,
«de nouvelles mesures devraient être envisagées, le cas échéant, par les organismes des Nations
Unies». Le libellØ de ce troisiŁme ØlØment tradui sait un compromis sur les suites à donner à cette
question, une possibilitØ Øtant de demander à la prØsente Cour un avis consultatif sur les - 7 -
consØquences juridiques en cas de non-respect. Ce membre de phrase ne pouvait viser autre chose
que la saisine de la Cour et, nonobstant linterprØtation diffØrent e qui en est faite dans un exposØ
Øcrit1, il est incontestable que lidØe de demander un avis consultatif a ØtØ amplement discutØe et
dØbattue.
11. AprŁs ladoption de cette rØsolution, Isr aºl a non seulement poursuivi, mais accØlØrØ, la
construction du mur sur le territoire palestinien. En application de la rØsolution, le SecrØtaire
gØnØral a prØsentØ un rapport dØpeignant clairement la situation factuelle concernant le mur. Il
concluait qu«Israël ne se conform[ait] pas à la dem ande de l’Assemblée générale tendant à ce
qu’il «arrête la construction du mur dans le terr itoire palestinien occupé...et revienne sur ce
projet»» 2. Cest pourquoi lAssemblØe gØnØrale a repris une nouvelle fois sa session extraordinaire
durgence le 8 dØcembre 2003 et adoptØ à une large majoritØ la rØsolution ES-10/14 demandant à la
20 Cour de rendre durgence un avis consultatif su r les consØquences juridiques dØcoulant de la
construction du mur par Israºl.
12. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs de la Cour, dans lexposØ Øcrit quil a
soumis à la Cour, Israºl prØtend ne pas traiter le fond de la question. Nous ne sommes pas de cet
avis. LexposØ dIsraºl abonde en tentatives visan t à justifier la construction du mur, par une
analyse dØtaillØe des attentats terroristes et par des arguments politiques, ayant trait notamment à la
feuille de route. Israºl multiplie les rØfØrences à la feuille de route et à la rØsolution 1515 (2003) du
Conseil de sØcuritØ. Voilà qui est paradoxal. Le Gouvernement dIsraºl na jamais voulu de cette
feuille de route, il na jamais voulu que le Conseil de sØcuritØ lentØrine, et il a maintes fois retardØ
ces deux processus. Lorsque la feuille de route a ØtØ officiellement prØsentØe en avril 2003, le
Gouvernement israØlien sest bien gardØ de dire quil acceptait la feuille de route elle-mŒme, mais a
seulement dØclarØ accepter ce quil a appelØ «les mesures énoncées dans la feuille de route» . Et,
mŒme alors, il a assorti son acceptation de quatorze rØserves si lon en croit la dØclaration faite le
25 mai 2003 par le conseil des ministres israØlien.
13. Par la suite, Israºl sest opposØ avec vØ hØmence à linitiative de la FØdØration de Russie
tendant à soumettre la feuille de route à lap probation du Conseil de sØcuritØ. Lorsque la
1
ExposØ Øcrit du Royaume-Uni de Grande Bretagne et dIrlande du Nord.
2
Nations Unies, doc. A/ES-10/248. - 8 -
rØsolution 1515 (2003) du Conseil de sØcuritØ a enfin ØtØ adoptØe, le 19 novembre 2003, le Conseil
na tenu aucun dØbat, la cause en Øtant lopposition dIsraºl. Ensuite, le 17 dØcembre 2003, Israºl a
sapØ le consensus traditionnel sur une rØsolution de lAssemblØe gØnØrale relative à l«Assistance
au peuple palestinien», prØcisØment parce que lUnion europØenne, lun des auteurs de la
rØsolution, avait ajoutØ un paragraphe saluant l approbation donnØe à la feuille de route par le
Conseil de sØcuritØ dans sa rØsolution1515. Isr aºl a dØclarØ quil nadhØ rerait au consensus sur
cette rØsolution que si la rØfØrence à la rØsolution 1515 Øtait retirØe, ce qui ne fut pas le cas.
14. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, les initiatives de paix relatives
au Moyen-Orient et au conflit israØlo-palestinien nont pas manquØ. Pourtant, depuis ladoption de
la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ et lo rs de chaque initiative ultØrieure, Israºl a menØ
en parallŁle une colonisation intensive de notre te rre. Il a transfØrØ illic itement quatre cent mille
colons dans le Territoire palestinien occupØ, y co mpris à JØrusalem-Est. Ce territoire, il cherche
constamment à en modifier le statut, la physionomie, la nature et la composition dØmographique, sa
toute derniŁre action en ce sens Øtant de construire le mur. En fait, depuis que le Gouvernement
israØlien et lOrganisation de libØration de la Pa lestine ont signØ la dØclaration de principes,
en 1993, Israºl na pas seulement poursuivi ses activ itØs de peuplement et dexpansion illicites; il a
21 en rØalitØ doublØ le nombre de ses colons dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à
JØrusalem-Est. DoublØ. Comment imaginer que le peuple palestinien puisse continuer de croire en
une paix imminente en pareilles circonstances ?
15. Avec la feuille de route, les choses pourra ient changer; et nous espØrons que ce sera le
cas. Cette initiative se fonde sur les principes de la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ et
sur la vision «dune rØgion dans laquelle deux Etat s, Israºl et la Palestine, vivent côte à côte, à
lintØrieur de frontiŁres reconnu es et sßres», exprimØe par le Conseil dans sa rØsolution1397
(2002). La feuille de route mØrite quon lui donne une chance nous voulons quelle aboutisse.
Mais on ne saurait permettr e, une fois de plus, quIsraºl contin ue encore et toujours de priver les
Palestiniens de leurs biens et de leurs droits, sous couvert du processus de paix ou dun semblant
dinitiative de paix. On ne saurait simplement ignorer ou suspendre les droits lØgitimes du peuple
palestinien chaque fois quun processus de paix est en cours. Ce serait faire le jeu des extrØmistes
dans les deux camps. Lun de nos plus grands espoirs est que la C our Øtablisse clairement que le - 9 -
peuple palestinien a des droits et que le droit inte rnational nest pas inapplicable à la situation qui
rŁgne dans le Territoire palestinien occupØ.
16. La quasi-totalitØ des Etats du monde saccordent à qualifier dinacceptable la
construction du mur. Au sein de lOrganisation des Nations Unies, ils sont une majoritØ Øcrasante à
considØrer quelle est contraire au droit intern ational. Cette mŒme majoritØ Øcrasante estime
comme la officiellement dØclarØ un groupe de ces Etats, lUnion europØenne que le mur
«ren[d] physiquement impossible la mise en uvre de la solution à deux Etats». Si lon veut
sauver la feuille de route et les perspectives de paix, il faut donc que la construction du mur cesse,
que les parties dØjà existantes soient dØmantelØ es, et que les Etats sabstiennent de reconnaître
aucune des consØquences qui peuvent en dØcouler.
17. Le Quatuor sest lui aussi dØclarØ prØoccupØ par le mur. Il faut prØciser en outre que,
mŒme sil a ØtØ donnØ à entendre dans lun des exposØs 3 soumis à la Cour que les membres du
Quatuor saccordaient à penser quun avis consultatif serait de nature à faire obstacle au processus
de paix, ils ne sont pas tous partisans dexhorter la Cour à sabstenir de rendre lavis demandØ. La
FØdØration de Russie, dans son exposØ, ninvite pas la Cour à refuser de rendre cet avis.
LOrganisation des Nations Unies ne le fait pas dava ntage. Ni lUnion europØenne. Le ministre
irlandais des affaires ØtrangŁres la confirmØ de vant le SØnat de son pays le 4fØvrier2004,
dØclarant: «Contrairement à certaines informati ons publiØes dans les mØdias, lUnion europØenne
na pas demandØ à la CIJ de sabstenir de rendre un avis consultatif. Il ny aurait pas eu de
4
22 consensus en faveur dune telle position.» Nous doutons mŒme da illeurs, que lexposØ des
Etats-Unis aille dans ce sens.
18. Certains Etats ont dØclarØ quun avis cons ultatif pourrait Œtre prØjudiciable au rŁglement
des questions relatives au statut dØfinitif, quil appa rtient aux parties de nØgocier. Manifestement,
sagissant des questions relatives au statut dØfin itif, ce sont les actes commis par Israºl dans le
Territoire palestinien occupØ, et non un quelconque avis de la Cour, qui constitueront des faits
illicites sur le terrain. Nous reconnaissons nØan moins quil nest pas demandØ à la Cour de
3
ExposØ Øcrit du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dIrlande du Nord.
4DØclaration devant le SØnat dIrl ande, 4 fØvrier 2004; prØsidence de lUnion europØenne (janvier-juin 2004)
[traduction du Greffe] - 10 -
recommander des solutions pour le statut dØfin itif, mŒme sil lui faudra assurØment aborder ces
questions, compte tenu des liens complexes qui existent entre le mur, les colonies et la nature et le
tracØ du mur à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est.
19. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, je voudrais Øvoquer maintenant
la question des attentats-suicides, de la situation en matiŁre de sØcuritØ et des politiques et pratiques
dIsraºl dans le Territoire palestinien occupØ. Is raºl affirme que le mur est un moyen de dØfense
temporaire destinØ à empŒcher les attentats-suicides et à assurer sa sØcuritØ. Il nen est rien, et la
preuve en est simple. Si tel Øtait en rØalitØ le cas, Israºl aurait construit le mur sur son territoire, le
long de la ligne darmistice de 1949, et non au-d elà de cette ligne, en quasi-totalitØ dans le
Territoire palestinien occupØ. Si Israºl voulait un mur de sØcuritØ, il pourrait en construire un sur
son territoire, qui soit haut de 80 mŁtres et non de huit sil le souhaite. Un tel mur ne serait certes
pas de bon augure pour la coexistence des deux peupl es, mais personne nen contesterait la licØitØ
sur le principe.
20. Les attentats-suicides ont causØ la mort de 438 IsraØliens en Israºl.
Quatre cent quatre-vingt-dix IsraØliens, pour la plupart des soldats et des colons, ont Øgalement ØtØ
tuØs par dautres formes de violence. Face à ces chiffres, ce sont 2770 civils palestiniens, dont des
femmes et des enfants, qui entre septembre 2000 et le 18 fØvrier 2004 ont ØtØ directement tuØs par
les forces israØliennes doccupation, souvent exØcutØs de maniŁre extrajudiciaire. Plus de 1200 de
ces Palestiniens ont ØtØ tuØs par les forces israØlie nnes doccupation dans la bande de Gaza, bien
quIsraºl eßt dØjà construit une autre sorte de mu r autour de cette rØgion. La question qui se pose
alors est la suivante : comment ce mur quIsraºl est en train de construire permettra-t-il de rØsoudre
le problŁme de la sØcuritØ ? Son tracØ et les mesures illicites quimplique sa construction ont plutôt
toutes les chances dexacerber en fait la situation sØcur itaire. Il est plus qu Øvident quen privant
23 un peuple entier de ses droits, en lexpropriant de se s terres et de ses biens, et en lemmurant dans
des enclaves et des ghettos, on ne rØsout pas le problŁme de la sØcuritØ, on crØe au contraire une
situation intenable vouØe à sembraser.
21. A cet Øgard, je tiens à prØciser trŁs clairement notre position concernant les
attentats-suicides. Nous avons toujours systØm atiquement condamnØ ces attentats en termes non
Øquivoques. Nous condamnons tout acte de violence visant des civils dans ce conflit, quils soient - 11 -
israØliens ou palestiniens. Les attentats-suicides sont à nos yeux illicites. Et ils portent prØjudice à
la cause juste et honorable du peuple palestinien.
22. Cela dit, jattire votre attention sur le fait que lorsque le premie r attentat-suicide fut
perpØtrØ, il y avait dØjà prŁs de vingt-sept ans que le peuple palestinien endurait cette occupation
militaire oppressive. Les attentats-suicides sont le rØsultat des politiques et des mesures
israØliennes, dont la colonisation sans relâche de notre terre. Ils nen sont pas la cause. Il est
Øgalement impØratif de distinguer entre, dune part, ces actes de violence illicites perpØtrØs contre
des civils israØliens en Israºl et, dautre part, les actes conformes au droit international de la
rØsistance palestinienne face à loccupation is raØlienne et aux attaques militaires des forces
occupantes. La Palestine rØaffirme nØanmoins sa volontØ de parvenir à une solution pacifique et
nØgociØe pour mettre fin à cette occupation et à ce conflit.
23. Une situation de crise humanitaire rŁgne dans le Territoire palestinien occupØ. Des
infractions graves au droit international humanitaire et de graves violations des droits de lhomme y
sont commises. Le mur, indissociable de ces infr actions et de ces violations, exacerbe encore cette
situation. Franchement, la feuille de route pe ut-elle vØritablement aboutir dans ces conditions?
Cest impossible. Israºl peut-il attendre de la pa rtie palestinienne quelle agisse efficacement alors
quil a dØtruit les moyens de sØcuritØ de la Pal estine et quil maintient en Øtat de confinement,
depuis plus deux ans, le dirigeant du peuple palestin ien, Yasser Arafat, prØsident Ølu de lAutoritØ
palestinienne, lempŒchant ainsi dexercer conve nablement ses fonctions de chef? Cest
impossible. En construisant ce mur, et en con tinuant de coloniser et de confisquer les terres
palestiniennes, Israºl peut-il contribuer à instaure r la paix et la sØcuritØ pour les deuxpeuples?
Cest impossible.
24. La colonisation par Israºl des terres pal estiniennes quil occupe et ses tentatives pour en
modifier le statut juridique ne datent pas dhier . Ce qui est nouveau, cependant, cest lampleur de
son projet actuel de modification au moyen du mur du statut juridique de vastes zones du
Territoire occupØ, qui tend à leur annexion de facto. Ce mur sera le couronnement de toutes les
mesures et pratiques illicites antØrieures quIsraºl, dans ce dessein, a mises en uvre depuis 1967.
24 Il anØantira tout espoir du peuple palestinien de voir la rØalisation de ses droits inaliØnables,
notamment son droit à disposer de lui-mŒme, et dØtruira sa confiance dans la primautØ du droit - 12 -
international et dans la capacitØ de la communautØ internationale à faire respecter celui-ci, face à
des violations aussi graves. Il rØduira à nØant lespoir de la communautØ internationale de voir
aboutir la feuille de route et la solution «de deux Etat s», Israºl et la Palestine, vivant côte à côte à
lintØrieur de frontiŁres sßres et reconnues. Un rØsultat aussi lamentable doit Œtre ØvitØ à tout prix.
25. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, au nom de la Palestine, du
peuple palestinien et de ses dirigeants, je prie respectueusement la Cour dexaminer avec toute
lattention requise la gravitØ de cette situation et limportance que revŒt un avis consultatif en ce
moment crucial. Monsieur le prØsident, dans votre plus rØcente allocu tion devant lAssemblØe
gØnØrale, vous avez soulignØ le rôle de la Cour en tant que «gardi enne du droit international» et
vous avez assurØ à lAssemblØe que «la Cour continuer[ait] à faire tout ce qui est en son pouvoir
pour rØpondre aux espoirs placØs en e lle». Le peuple palestinien a pl acØ de grands espoirs dans la
prØsente procØdure et il a la conviction que la Cour, en rendant un avis consultatif, aidera
lAssemblØe gØnØrale à exercer ses fonctions. L AssemblØe pourra ainsi jouer à son tour un rôle
important dans la rØponse à apporter à la poursuite de la construction du mur par Israºl et aux
menaces que cela fait peser sur les perspectives de paix entre les deux peuples. Nous sommes
fermement convaincus que cet avis consultatif pe ut contribuer à amØliore r la situation, voire
dØclencher des ØvØnements en chaîne comme ceux que suscita l avis consultatif rendu par la Cour
au sujet de la Namibie.
26. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs de la Cour, not re dØlØgation souhaite
maintenant prØsenter un bref exposØ des faits, cons tituant à notre avis le minimum nØcessaire pour
Øclairer les conclusions juridiques qui suivront. Mme Stephanie Koury fera cette prØsentation. Elle
cŁdera ensuite la parole à M. James Crawford, qui examinera la recevabilitØ de la requŒte. Il sera
suivi de M.Georges Abi-Saab, qui traitera la question de lapplication des rŁgles du droit
international humanitaire et du droit relatif aux dr oits de lhomme dans le Territoire palestinien
occupØ, puis de M.Vaughan Lowe, qui vous parlera des violations de ces rŁgles. Notre exposØ
sera clos par M.Jean Salmon, qui Øvoquera la rela tion entre la feuille de route et le droit des
peuples à disposer deux-mŒmes, ainsi que les consØquences juridiques du mur.
Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie. - 13 -
Le PRESIDENT: Je vous remerci, Monsieur Al-Kidwa. Je donne maintenant la parole à
Mme Stephanie Koury.
25 Mme KOURY :
E XPOSE DES FAITS
1. Monsieur le prØsident, Madame et Messieu rs de la Cour, mon exposØ des faits comprend
deux parties. Je vais pour commencer dØcrire la natu re et le tracØ du mur. Jen montrerai ensuite
les effets aux niveaux local, rØgional et national. A cette fin, je me suis inspirØe des rapports
contenus dans le dossier de lOrganisation des Nations Unies qui vous a ØtØ remis.
M. Jarat Chopra, professeur à Brown University, fait Øquipe avec moi aux fins de cet exposØ.
I. La nature et le tracé du mur
5
[Diapositive 1 : la structure du mur en coupe ]
2. Jaborde donc la nature et le tracØ du mur. Le mur et ses diverses structures sØtendent
gØnØralement sur une largeur qui varie entre 30 et 100mŁtres; il est flanquØ de chaque côtØ de
zones militaires. Comme le montre la diapositive, il se compose de plusieurs ØlØments: des
boudins de barbelØ et de barbelØ à lames, des tranchØes, une clôture Ølectrique avec dØtecteurs
automatiques, une route pavØe pour les patrouilles israØliennes, une bande de sable pour repØrer les
traces de pas, un terrain vague et des camØras de surveillance.
[Diapositive 2 : la structure du mur en coupe 6]
3. Cette photographie montre les divers ØlØments qui composent le mur.
7
[Diapositive 3 : les segments du mur en bØton ]
4. Par endroits, le mur est composØ de blocs de bØton de 8 mŁtres de haut, notamment autour
de JØrusalem-Est occupØe. A Qalqilya, le mur de bØton est doublØ dune rangØe de miradors
espacØs de 300 mŁtres environ.
5La structure du mur en coupe, doc. 1, exposØ Øcrit de la Palestine, vol. 1, cartes et graphiques.
6
Photographie 1, exposØ Øcrit de la Palestine.
7Photographies 15 et 4, exposØ Øcrit de la Palestine. - 14 -
[Diapositive 4 : une porte installØe le long du mur ]
5. Les portes constituent aussi lune des caract Øristiques du mur. DaprŁs lONU, le mur est
percØ de trente-sept portes. Environ la moitiØ ne fonctionne pas. Certaines nouvrent que pour de
brefs intervalles de quinze minutes deux ou trois fois par jour. Or, les horaires douverture
changent de façon imprØvisible et les Palestiniens doivent attendre que les soldats dØverrouillent les
portes. Plusieurs dentre elles nont jamais ØtØ ouvertes, comme celle qui apparaît sur cette
diapositive.
26 [Diapositive 5 : les phases du projet de construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ]
6. DaprŁs les rapports du SecrØtaire gØnØral de lONU, le projet de construction du mur se
divise en quatre phases. Une cinquiŁme phase de construction est envisagØe, comme lont indiquØ
le rapporteur spØcial de lONU et la Commission des droits de lhomme. Sur cette carte, les zones
en bleu reprØsentent les colonies israØliennes. La phase A du mur est achevØe, ce qui est illustrØ
par la ligne rouge continue. Cette phase sØtend de Salem à la col onie israØlienne d«Elkana». La
phase A comporte aussi deux segments de mur au nord et au sud de JØrusalem. La phase B va du
Jourdain au sud de Tayasir. Ce dernier segment constitue le dØbut dun mur oriental. La phase B
est en grande partie achevØe et les lignes r ouges en pointillØ indiquent les zones soit approuvØes
soit en construction. La phase C du mur va de la colonie d«Elkana» à JØrusalem. Cest dans le
cadre de cette phase que sinscrivent en grande pa rtie les travaux de construction actuels. La
phaseD, qui a ØtØ approuvØe, ira de la colonie israØlienne de «Gilo» au sud-est dHØbron. Une
cinquiŁme phase est envisagØe à lest, tout le long de la vallØe du Jourdain.
7. Sil est achevØ, le mur mesurera au to tal entre 700 et 800kilomŁtres. Il enfermera
quelque 56, 5 % de la superficie de la Cisjordanie.
[Diapositive 6 : le mur dans JØrusalem-Est occupØ]
8. Cette diapositive montre comment le mur sØloigne notablement de la Ligne verte à
lintØrieur de JØrusalem-Est occupØe. Il serpente à lintØrieur et autour de zones habitØes par la
population palestinienne, indiquØes en gris, sØparant des Palestiniens dautres Palestiniens. Il
8
Photographie 14, exposØ Øcrit de la Palestine. - 15 -
enclave aussi des zones peuplØes de Palestiniens et isole JØrusalem-Est du reste de la Cisjordanie.
Le mur empŒche les fidŁles daccØder aux lieux saint s dans la vieille ville de JØrusalem. Vous
pouvez voir Øgalement comment le mur entoure les co lonies israØliennes, indiquØes en bleu sur la
carte.
[Diapositive 7 : le mur et lexpansion des colonies autour de Qalqilya]
9. La corrØlation entre le tracØ du mur et lexpansion des colonies apparaît clairement dans la
zone de Qalqilya. Le tracØ du mur entoure les zones dexpansion envisagØes pour les colonies de
«Zufin» et de «Alfe Menashe», indiquØes en bleu clair. Le tracØ du mur entoure Øgalement les
routes qui relient les colonies entre elles et avec Israºl, comme le montrent les lignes bleu clair.
Une fois le schØma rØalisØ, Qalqilya sera enfermØe.
[Diapositive 8 : le mur et lexpansion des colonies israØliennes]
27 10. Il ny a pas quà Qalqilya que le tracØ du mur correspond à lemplacement de colonies
israØliennes : cest le cas dans toute la Cisjordani e. Les colonies existantes sont indiquØes en bleu
foncØ, les zones dexpansion des colonies, en bleu clair. Les zones acquises sur le plan
juridictionnel en vue de lexpansion future d es colonies ou dautres activitØs dimplantation sont
reprØsentØes en gris. Le tracØ du mur, en rouge, correspond à ces zones dimplantation
israØliennes.
II. Les effets du mur
11. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, jaimerais maintenant appeler
votre attention sur les effets du mur aux niveaux local, rØgional et national.
[Diapositive 9 : les incidences locales du mur : objectif Jayyus]
12. Au niveau local, les Palestiniens sont sØparØs de leurs terres et privØs de leurs ressources
en eau. Sur cette carte la Ligne verte est indi quØe. Les lignes jaunes reprØsentent les limites des
villages palestiniens. Les zones agricoles sont indiquØes en brun. Les cercles bleus reprØsentent
les puits. La ligne rouge correspond au mur serpentant à travers la Cisjordanie. Les zones en bleu
reprØsentent les colonies et les pointillØs bleus, de nouveau lexpansion envisagØe des colonies. - 16 -
13. Jayyus est un village denviron trois m ille habitants qui vivent en majoritØ de
lagriculture. Environ les deux tiers des terres du village se trouvent maintenant à louest du mur,
qui sØpare les villageois de leurs terres et de le urs puits. Par consØquent, les agriculteurs ne
soccupent plus de leurs terres. La photo de dr oite est une vue, prise du village, des terres de
Jayyus situØes de lautre côtØ du mur.
[Diapositive 10 : les incidences rØgionales du mur : en exemple, la zone de Qalqilya]
14. Au niveau rØgional, le mur a aussi eu d es incidences graves. Par exemple, du fait que le
mur et une porte enclavent complŁtement Qalqilya, environ le tiers des boutiques ont fermØ et les
taux de chômage ont augmentØ. Ce s effets se sont aussi gravement rØpercutØs sur les villages qui
dØpendent de Qalqilya. LaccŁs de la population aux services de base sest spectaculairement
rØtrØci. Par exemple, un hôpital de lONU situØ à Qa lqilya a vu se rØduire de 40 % le nombre de
patients traitØs depuis que Qalqilya et les zones environnantes sont enfermØes. Qalqilya et les
villages voisins sont sØparØs de presque toutes leurs terres cultivØes dans ce qui est considØrØ
comme le «grenier à blØ» de la Cisjordanie. Ce tte situation incite les Palestiniens à quitter la
rØgion.
9
28 [Diapositive 11 : le mur et la fermeture des portes ]
15. Le mur perturbe aussi laccŁs à lØducation. Ces photographies montrent des ØlŁves
attendant que des soldats israØliens leur ouvrent les portes pour les laisser passer.
[Diapositive 12 : les incidences nationales du mur]
16. Au niveau national, une partie im portante des nappes phrØatiques se trouveront à
lextØrieur du mur, comme lindiquent les zones en grisØ sur la carte de gauche. En consØquence,
la capacitØ des Palestiniens à dØvelopper leur Øconomie nationale fondØe sur lagriculture sera
sensiblement rØduite.
17. Comme le montre la carte de droite, les principaux centres urbains de la Cisjordanie sont
isolØs par la construction du mur. Comme dans le cas de Qalqilya, la capacitØ de ces centres à
fournir des services rØgionaux et à promouvoir le dØveloppement Øconomique est considØrablement
9
Photographies 21 et 22, exposØ Øcrit de la Palestine. - 17 -
amoindrie par la prØsence du mur. Celui-ci modifie aussi les trajets suivis par les marchandises et
les personnes et accroît fortement la durØe des dØplacements.
[Diapositive 13 : la zone fermØe et le rØgime des permis]
18. Aggravant les effets du mur, Israºl a, par le biais dordonnances militaires, dØclarØ «zone
fermØe» la zone situØe entre le mur et la Ligne verte. Selon ces ordonnances, les Palestiniens de
plus de douze ans rØsidant dans la zone ferm Øe doivent demander un pe rmis pour pouvoir habiter
leur propre domicile et rester sur leur terre. En out re, les Palestiniens qui habitent à lintØrieur du
mur et qui veulent aller sur leur terre pour travailler ou veulent voir des parents dans la zone fermØe
doivent se procurer un permis daccŁs. Les citoyens israØliens ne sont pas soumis à ce rØgime de
permis. On notera surtout que lobtention dun perm is dentrØe dans la zone fermØe nen garantit
pas laccŁs à cause du systŁme de la fermeture des por tes. Au total, toutes ces procØdures incitent
les Palestiniens à quitter leur foyer.
Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remerc ie. Je vous prie de
bien vouloir donner la parole à M. Crawford.
Le PRESIDENT: Madame Koury, je vous re mercie. Je donne maintenant la parole à
M. Crawford.
M. CRAWFORD :
29
OBSERVATIONS SUR LA COMPETENCE ET LA RECEVABILITE
1. Monsieur le prØsident, Mme et MM. les Me mbres de la Cour, cest pour moi autant un
honneur quune lourde responsabilitØ que de me prØsenter devant vous aujourdhui pour examiner
les questions de compØtence et de recevabilitØ li Øes à la requŒte. Cette responsabilitØ est dautant
plus lourde quun certain nombre dEtats se sont opposØs à la requŒte alors que, à linstar de la
vaste majoritØ des membres de la communautØ internationale, ils considŁrent pourtant que le mur
est illicite.
2. On peut toutefois rØpondre à ces objections en se reportant simplement à ce que la Cour
elle-mŒme a dit maintes fois dans ses avis antØrieurs. A maintes reprises, on a objectØ que la
requŒte pour avis soulevait des questions politiques, Øtait dØposØe pour des raisons politiques, Øtait - 18 -
inopportune, contrariait les Etats Membres de lONU qui Øtaient parties au diffØrend, soulevait des
questions de fait controversØes ou compromettrait d es nØgociations. Or, chaq ue fois, la Cour a
ØcartØ ces arguments. Si vous Œtes fidŁle à votre jurisprudence constante, je dirai respectueusement
que vous ne pouvez refuser de rØpondre à la question qui vous est posØe aujourd’hui.
3. Mon exposØ comprend, suivant le modŁle cl assique, deux parties. Dans la premiŁre, je
rappellerai briŁvement à la Cour en quels termes e lle a, dans ses avis antØrieurs, dØcidØ de donner
suite aux requŒtes pour avis consultatif. Ces te rmes qui sont les vôtres rØpondent à toutes les
objections d’ordre général qui ont ØtØ formulØes à la recevabilitØ de la prØsente requŒte.
4. Ensuite, dans une seconde partie, jexaminerai les trois arguments prØcis avancØs contre la
recevabilitØ, des arguments qui revŒtent une pertinence particulière à lØgard du Territoire occupØ
lui-mŒme. Je montrerai que chacun de ces ar guments, quand il est entendu comme il convient,
justifie que vous donniez suite à la requŒte. Loin dŒtre des objections, ces arguments plaident en
faveur de la recevabilitØ.
A. Objections d’ordre général à la compétence et à la recevabilité
5. Je vais examiner dans ma premiŁre partie les objections dordre gØnØral.
1. L’objection d’Israël fondée sur l’excès de pouvoir
6. Tout dabord, Israºl fait valoir que «la requŒte outrepasse la compØtence de la dixiŁme
session extraordinaire durgence et/ou de lAssemblØ e gØnØrale [car] il ny a pas eu inaction de
la part du Conseil de sØcuritØ».
30 7. On peut rØpondre demblØe et trŁs simple ment à cet argument. La requŒte pour avis
consultatif de lAssemblØe gØnØrale a ØtØ prØsen tØe dans une rØsolution qui Øtait rØguliŁrement
adoptØe. Dans lavis sur la Namibie, vous avez dit: «[t]oute rØsolution Ømanant dun organe des
Nations Unies rØguliŁrement constituØ, prise conformØment à son rŁglement et dØclarØe adoptØe par
son prØsident, doit Œtre prØsumØe valable» 10. Je souligne quil ne sagit pas dune question de
10
C.I.J. Recueil 1971, p. 22, par. 20. - 19 -
compØtence sur le fond mais de procØdure inte rne, pour reprendre la distinction que vous avez
Øtablie dans lavis sur la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires dans un conflit armé 11.
8. Mais sil est indispensable daller plus loin, la rØponse est toujours aussi claire.
M.lambassadeur Al-Kidwa a indiquØ briŁvement les circonstances dans lesquelles la requŒte de
lAssemblØe gØnØrale a ØtØ adoptØe. Vu ce quil a dit, rien dans la rØsolution sur lunion pour le
maintien de la paix ne faisait obstacle à ladopt ion par lAssemblØe gØnØrale de cette requŒte.
Celle-ci nimpose Øvidemment pas à la Cour dentreprendre une «ac tion» au sens du paragraphe 2
de larticle11 de la Charte, et nexige pas non plus ce type d«action» de la part de lAssemblØe
gØnØrale. Il ne se pose pas ici de problŁme touchant la rØpartition des compØtences entre
lAssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ telle quelle est opØrØe par la Charte. A nouveau, je
vous cite: «[l]a Cour estime que la sorte daction d ont il est question à larticle11, paragraphe2,
est une action coercitive Le mot «action» doit signifier une action qui est uniquement de la
12
compØtence du Conseil de sØcuritØ. » Or, demander cet avis consultatif nest pas uniquement de la
13
compØtence du Conseil de sØcuritØ . Cest aussi simple que cela.
9. Jen viens à prØsent aux autres objections dordre gØnØral. Le point de dØpart ici est que la
Cour «ne devrait pas, en principe, refuser de donne r un avis consultatif», vous lavez souvent dit.
Comme vous lavez rappelØ dans lavis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires,
«[c]onformØment à sa jurisprudence cons tante, seules des «raisons dØcisives»
pourraient
inciter [la Cour à refuser de donner un avis consultatif]
Aucun refus,
fondØ sur le pouvoir discrØtionnaire de la Cour, de donner suite à une demande davis
14
consultatif na ØtØ enregistrØ dans lhistoire de la prØsente Cour
»
31 10. Cela est dautant plus vrai pour lA ssemblØe gØnØrale que la Charte lautorise
expressØment à «demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question
11 C.I.J. Recueil 1996 (I), p.82, par.29. Voir aussi lavis Certaines dépenses des NationsUnies (art. 17,
par. 2, de la Charte),C.I.J. Recueil 1962, p. 168.
12 C.I.J. Recueil 1962, p. 164-165.
13
Voir Øgalement Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires; C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 233, par. 12.
14
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 235, par. 14. - 20 -
15
juridique» . Et il ne peut faire de doute que la question posØe à la Cour est une question juridique,
16
selon la dØfinition que vous avez constamment donnØe à cette expression .
2. L’objection fondée sur la politisation
11. On objecte aussi que la requŒte «politise laction de la Cour» et que la Cour devrait de ce
17
fait refuser de donner lavis . Or, comme vous lavez dit dans lavis consultatif sur la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,
«[q]uels que soient les aspects politiques de la question posØe, la Cour ne saurait
refuser un caractŁre juridique à une questi on qui linvite à sacquitter dune tâche
essentiellement judiciaire, à savoir lapprØciation de la licØitØ de la conduite Øventuelle
18
dEtats au regard des obligations que leur droit international leur impose» .
12. En effet, comme vous lavez fait observer dans lavis sur l Interprétation de l’accord du
25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte , «lorsque des considØrations politiques jouent un rôle
marquant il peut Œtre particuliŁrement nØcessaire à une organisation internationale dobtenir un avis
consultatif de la Cour sur les principes juri diques applicables à la matiŁre en discussion » 19
particulièrement, avez-vous dit.
3. L’objection selon laquelle la Cour répéterait ce qu’a déjà dit l’Assemblée générale
13. On objecte Øgalement que lAssemblØe gØnØrale a dØjà formulØ ses propres conclusions
et que vous devriez donc garder le silence. DaprŁs lexposØ Øcrit dun Etat, «un avis de la Cour ne
20
serait daucune aide à lAssemb lØe gØnØrale car cet organe s est dØjà prononcØ sur la question» .
Mais lAssemblØe gØnØrale, dans de prØcØdentes af faires, sØtait dØjà prononcØe sur la question de
fond ― dans laffaire Namibie, lAssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ lavaient fait l’un et
l’autre. En lespŁce, comme dans laffaire Namibie, il vous est demandØ dexaminer les
consØquences juridiques dune situation donnØe à la lumiŁre de certaines rØsolutions; en lespŁce,
15
Charte des Nations Unies, paragraphe 1 de larticle 96 (les italiques sont de nous).
16
Voir par exemple Sahara occidental, C. I.J. Recueil 1975, p.18, par.15, citØ dans lavis consultatif sur la
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 233-234, par. 13.
17
ExposØ Øcrit de lItalie, p. 4.
18C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
19C.I.J. Recueil 1980, p. 87, par. 33.
20
ExposØ Øcrit de lAllemagne, p. 8. - 21 -
comme dans cette autre affaire, il vous faut examin er les considØrations ju ridiques sur lesquels se
fondent ces rØsolutions.
32 14. LØlØment encore plus nettement fondamental que cette objection mØconnaît est que vous
nallez pas rendre simplement un avis politique de plus, mais vous rendez un avis consultatif
motivØ qui est un avis judiciaire, rendu en votr e qualitØ dorgane judiciaire principal de
lOrganisation des Nations Unies. En rendant cet avis, la Cour reste «fidŁle aux exigences de son
21
caractŁre judiciaire» . Il en rØsulte une dØcision judiciaire : il ne sagit pas dune simple rØpØtition
de ce que lAssemblØe a dØjà fait. Et sil existe une situation qui appelle à un avis judiciaire rØcent,
cest bien celle-ci.
4. Utilité de l’avis consultatif
15. On dit aussi que lavis n est pas utile. Dans lun des e xposØs Øcrits, lauteur sexprime
ainsi: «les participants les plus actifs aux e fforts de paix au Moyen-Orient montrent une
remarquable unitØ de pensØe sur le fait quun av is de la Cour serait sans effet et probablement
inutile» 22.
16. Il convient tout dabor d de relever que cette dØclara tion en forme de conclusion est
inexacte. M. lambassadeur Al-Kidwa a montrØ qu il ne se dØgageait pas de consensus au sein de
lUnion europØenne ni au sein du Quatuor en faveur de lidØe que la Cour devrait refuser de rendre
un avis consultatif.
17. En outre, la Cour donne un avis consulta tif à lorgane qui en fait la demande, non à un
groupe dEtats qui sest autoproclamØ le destinataire de lavis. Vous lavez soulignØ dans lavis
rendu sur les Traités de paix 2, et lavez frØquemment rØpØtØ depuis . Comme vous lavez indiquØ
dans lavis relatif à la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires : «il nappartient pas
à la Cour de prØtendre dØcider si lAssemblØe a ou non besoin dun avis consultatif pour sacquitter
21
Sahara occidental, C.I.J. Recueil 1975, p. 21, par. 23.
22
[ExposØ Øcrit du] Royaume-Uni, par. 3.23.
23C.I.J. Recueil 1950, p. 71.
24Voir les affaires citØes dans la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 ,
p. 235, par. 14. - 22 -
de ses fonctions. LAssemblØe gØnØrale est habilitØ e à dØcider elle-mŒme de lutilitØ dun avis au
25
regard de ses besoins propres.»
B. Arguments précis relatifs au Territoire palestinien occupé :
la thèse de la recevabilité
18. Monsieur le prØsident, Madame et Me ssieurs les Membres de la Cour, je passe
maintenant à la seconde partie de mon exposØ, et je vais examiner trois questions plus prØcises.
Ces questions ont ØtØ invoquØes pour que vous ne rØ pondiez pas à la requŒte, mais chacune dentre
elles, si on la comprend comme il convient, est en faveur dune rØponse de votre part.
5. Il s’agit d’un différend entre deux Etats : le principe du consentement
33
19. La premiŁre de ces questions est celle du consentement. LAustralie formule lobjection
suivante: «La requŒte a pour effet de soumet tre à la Cour des ØlØments-clØ du conflit
israØlo-palestinien afin que la Cour se prononce sans le consentement dIsraºl.»
20. Pourtant, lAfrique du Sud navait pas consenti à la demande davis relative à la
Namibie, lEspagne navait pas consenti à la demande relative au Sahara occidental, la Roumanie
navait pas consenti à la demande relative à Mazilu et la Malaisie navait pas consenti à la demande
relative à Cumaraswamy. Toutes ces demandes davis consultatif mettaient en jeu la responsabilitØ
dun Etat en particulier. MalgrØ cela, vous avez chaque fois rendu lavis demandØ.
21. Comme vous lavez indiquØ dans lavis relatif au Sahara occidental, «[d]ans la prØsente
affaire, lEspagne est Membre des NationsUnies et a acceptØ les dispositions de la Charte et du
Statut; elle a de ce fait donnØ dune maniŁre gØnØrale son consentement à lexercice par la Cour de
26
sa juridiction consultative.» En outre, Israºl ne peut pas s opposer, pas plus que ne le pouvait
lEspagne, à lexercice par lAssemblØe gØnØrale de sa compØtence dans le domaine de
lautodØtermination. Israºl ne peut pas sopposer à ce que lAssemb lØe gØnØrale se penche sur la
situation de la Palestine. LAssemblØe gØnØ rale exerçait ces compØtences avant mŒme quIsraºl
existe, notamment dans le passage de la rØsolu tiondite du partage, sa rØsolution181(II), qui a
montrØ que la communautØ internationale souhaitait la crØation dIsraºl.
25
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16.
26
C.I.J. Recueil 1975, p. 24, par. 30. - 23 -
22. LAssemblØe gØnØrale a toujours jouØ un rôle crucial en ce qui concerne la Palestine
comme cela fut le cas avec le Sud-Ouest africa in, lautre ancien territoire sous mandat qui
subsistait aprŁs 1945. Cest un aspect essentiel de la fonction que lAssemblØe exerce sans relâche
depuis 1945 en ce qui concerne les peuples dØpendants et colonisØs. Israºl et la Palestine ne sont
pas deux Etats Membres des NationsUnies et le diffØrend relatif au mur nest pas un diffØrend
bilatØral prØexistant qui porte sur une question re levant en principe de la compØtence interne
dIsraºl. Telle fut la situation dans laffaire de la Carélie orientale. Ce nest pas le cas en lespŁce.
Il ny a aucun diffØrend bilatØral prØexistant opposan t Israºl et la Palestine, aucun diffØrend qui
(pour reprendre les termes que vous av ez employØs dans lavis relatif au Sahara occidental) soit
«n[Ø] indØpendamment, dans le cad re de relations bilatØrales» 27. Il ny a aucune trace, dans le
dossier, dun tel diffØrend antØrieur, qui soit bilatØral et de caractŁre indØpendant.
23. Au contraire, avec ce mur, Israºl tente dimposer un rŁglement unilatØral à un conflit
multilatØral et tente dy parvenir en violant d es obligations fondamentales des obligations erga
omnes. Ces derniŁres ont trait au droit humanitair e et aux droits de lhomme, dont le droit à
34
lautodØtermination. Le peuple palestinien a dro it à lautodØtermination mais il na pas exercØ ce
droit. Israºl ne peut pas opposer son veto ni c ontester lintØrŒt de lAssemblØe gØnØrale à recevoir
une rØponse juridique à la question posØe. Et cet intØrŒt de mŒme que le rôle institutionnel lØgitime
que lAssemblØe gØnØrale remplit de longue date constituent une ra ison dØcisive de rØpondre à la
questioncomme ce fut le cas dans laffaire du Sahara occidental , dans laquelle la question
posØe Øtait bien plus abstraite.
6. La question de l’établissement des faits
24. Mon deuxiŁme point est le suivant : il est fait objection à la recevabilitØ de la requŒte au
motif que la Cour na pas ØtØ saisie dassez dØlØmen ts de preuve pour Øtablir les faits ainsi quelle
le doit. Israºl dit «[navoir] fourni à la Cour aucun ØlØment de preuve portant sur la question de
fond, et les preuves que les autres ont fournies, dont celles qui Ømanent du SecrØtariat des
28
Nations Unies, ne peuvent pas Œtre considØrØes comme irrØfragables ou dignes de foi» .
27
C.I.J. Recueil 1975, p. 24, par. 34.
28
ExposØ Øcrit dIsraºl, par. 6.15. - 24 -
25. Mais, dans tous les avis que vous avez rendus, vous avez utilisØ linformation qui Øtait
dans le domaine public, et lorsque des organisati ons pouvaient vous aider, vous avez sollicitØ leur
aide. Il est vrai que, dans laffaire de la Carélie orientale, la Cour permanente a donnØ comme
raison subsidiaire de ne pas rØpondre à la question un point de faitlintention de la Russie de
prononcer une dØclaration durant la nØgociation dun traitØ bilatØral 29 sans aucun rapport
quelconque avec la SociØtØ des Nations. La situati on est tout autre en lespŁce. Il ne sagit pas
dune question relevant de la compØtence interne dIsraºl ni dune question par rapport à laquelle il
possŁde un privilŁge souverain dagir.
26. Bien plus pertinente est lapproche de la Cour permanente dans lavis quelle a rendu sur
la Commission européenne du Danube . Il sagissait dun diffØrend portant sur un traitØ rØgional
multilatØral qui opposait la Roumanie à quatre autres Etats. La Cour a retenu les conclusions dun
comitØ spØcial dont le rapport avait ØtØ adoptØ par un comitØ consultatif et technique de la SociØtØ
des Nations. La Cour a dØclarØ :
«La Cour se rend pleinement compte que le Gouvernement roumain a refusØ
daccepter
les faits Øtablis par le ComitØ spØcial; mais elle estime Œtre dans
lobligation, aux fins de la prØsente pro cØdure, daccepter les constatations du ComitØ
sur des points de fait, à moins que le dossi er soumis à la Cour ne contienne des
30
ØlØments permettant de rØfuter ces constatations.»
35 27. Dans la prØsente espŁce, il ny a pas un seul rapport, il y a de nombreux rapports Ømanant
dorganes compØtents, dont le ComitØ internationa l de la Croix-Rouge, le ComitØ des droits de
lhomme, le rapporteur spØcial de la Commission d es droits de lhomme, et ainsi de suite. Ils
figurent dans le dossier du SecrØtaire gØnØral et ont ØtØ complØtØs par dautres. Leurs versions sont
concordantes. La Cour est parfaitement bien informØe.
28. Si Israºl voulait remettre en question l es circonstances et les faits exposØs dans ces
rapports, il aurait pu le faire, à linstar de la Roumanie dans lavis sur la Commission européenne
du Danube. Israºl ne peut pas plaider le manque de faits pour en tirer motif, pour la Cour, à refuser
de se prononcer, alors que, sil y avait eu la moindr e insuffisance quant aux faits, Israºl lui-mŒme
aurait pu y remØdier. Israºl na pas de droit de veto pas plus que lEspagne nen avait dans laffaire
29
1923, C.P.J.I. série B n° 5, p. 28.
30
1923, C.P.J.I. série B n° 14, p. 46. - 25 -
du Sahara occidental et si, en principe, le droit de veto nexiste pas, on ne peut pas en crØer un
subrepticement en refusant de plaider sur le fond.
29. Quoi quil en soit, les faits essentiels sont parfaitement clairs. Le fait principal
correspond aux deux milliards de dolla rs des Etats-Unis que coßte le mur, qui sallonge tous les
jours et qui sØpare les communautØs palestiniennes les unes des autres, qui les sØpare de leurs terres
et des ressources en eau. Voilà qui constitu e le fait essentiel, cet Ødifice prØtendument
«temporaire» de deuxmilliards de dollars. Voilà au moins ce que nous savons à prØsent sur ce
mur, et ce que nous ne savons pas, nous pouvons le dØduire de son tracØ, de sa taille, de son coßt,
de son rØgime, de ses effets et des intentions dØclarØes de ceux qui le construisent pour imposer un
rŁglement unilatØral.
7. Le mur est préjudiciable à la feuille de route et aux négociations relatives au futur statut
30. Jen arrive à mon dernier point qui porte sur lincidence de la demande davis sur la
feuille de route et sur les nØgociations relatives au futur statut. Les Etats-Unis formulent ce point
comme suit :
«Les Etats-Unis
et les autres membres du Quatuor sont Øtroitement associØs
aux efforts dØployØs pour faire progresser ces nØgociations, avec le soutien et les
encouragements du Conseil de sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale. Il serait
extrŒmement prØjudiciable aux efforts de nØgociation futurs que la Cour Ønonce,
mŒme à titre consultatif et sans effet obligat oire31des conclusions juridiques ayant trait
aux questions qui concernent le statut dØfinitif.»
31. Sous cette forme, il ne sagit pas du tout dune objection à ce que vous rendiez lavis
demandØ. Il sagit dune mise en garde concernant les questions relatives au statut dØfinitif. Sous
cette forme modØrØe (certains exposØs Øcrits Øtaient plus radicaux), ce texte porte sur la teneur de
lavis, pas sur la question de savoir sil y a lie u que vous le rendiez. Et cela rappelle une rØponse
36
que vous avez donnØe à une objection analogue qui vous a ØtØ adressØe dans laffaire relative à la
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Vous avez dØclarØ :
«Il a aussi ØtØ soutenu quune rØponse de la Cour en lespŁce pourrait Œtre
prØjudiciable aux nØgociations sur le d Øsarmement
La Cour sait que, quelles que
soient les conclusions auxquelles elle pourra it parvenir dans lavis quelle donnerait,
ces conclusions
apporteraient dans les nØgociations sur la question un ØlØment
supplØmentaire. Mais, au-delà de cette constatation, leffe t quaurait cet avis est une
31
ExposØ Øcrit des Etats-Unis, par. 4.4. - 26 -
question dapprØciation
Dans ces conditions , la Cour ne saurait considØrer ce
facteur comme une raison dØcisive de refuser dexercer sa compØtence.» 32
32. Dans la prØsente espŁce, la relation entre la feuille de route et le mur sexprime en deux
phrases à peine. La feuille de route est un projet de rŁglement dØfinitif à adopter par voie daccord
entre les parties intØressØes, dont la Palestine. Quant au fond, elle tire ses origines dans les
rØsolutions des NationsUnies, lesquelles remont ent jusquà la rØsolution242 du Conseil de
sØcuritØ. Le mur ne figure pas sur la feuille de route. En fait, cest le mur lui-mŒme qui est
incompatible avec la feuille de route; et le mur, si on laisse mener à terme sa construction,
anØantira la feuille de route. La demande, et l avis de la Cour, ne peuvent que favoriser le
processus multilatØral que matØrialise actuellement la feuille de route.
33. Il y a un autre point, tout aussi fondamental . La question qui vous est posØe intØresse la
situation actuelle, pas lavenir. On ne vous demande pas quel doit Œtre le contenu du rŁglement
dØfinitif. On ne vous demande pas de dØfinir les frontiŁres dun futur Etat palestinien. Il suffit, aux
fins du prØsent avis, que le mur soit ØdifiØ en maje ure partie et indiscutablement dans le Territoire
palestinien occupØ.
34. Ce nest pas un point nØgatif, cest un point positif. En disant quelle est actuellement la
licØitØ du mur par rapport aux pouvoirs quexerce Isr aºl sur le Territoire palestinien occupØ, vous
aiderez à faire la lumiŁre sur le statu quo juridique et donc à le prØserver, dans lattente des
nØgociations sur le statut dØfinitif. Vous Œtes pri Øs de rendre un avis juridique qui fera autoritØ sur
les consØquences juridiques de lØdification du mur aujourd’hui. Votre rØponse sera utile pour des
questions qui se posent aujourd’hui quant à un statut juridique et à ses consØquences. Cela
contribuera à donner des fondations solides à un accord futur à la diffØrence du mur qui sape ces
fondations.
Conclusion
35. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, le principe de
lautodØtermination, lun des principes constitutifs, voire constitutionnels, de la Charte des
37 Nations Unies, ne sest pas bien tirØ des affaires contentieuses bilatØrales. Rappelons-nous laffaire
32
C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 17. - 27 -
33 34
du Sud-Ouest africain en 1966 . Rappelons-nous, si je puis me permettre, le Timor oriental .
LautodØtermination est par-dessus tout une norme multilatØrale et les diffØrends en matiŁre
dautodØtermination sont des diffØrends multilatØ raux. En outre, ce sont des diffØrends dans
lesquels lAssemblØe gØnØrale a toujours jouØ un rôle important. Les cinq avis consultatifs que
vous avez rendus sur ces questions quatre en ce qui concerne la Namibie, un concernant le
Sahara occidental contrastent avec les trois a ffaires contentieuses que je viens dØvoquer. Ils
sont devenus, du point de vue juridique, des ØlØm ents essentiels de la perspective à adopter pour
rØgler ces diffØrends; cela vaut toujours pour le Sahara occidental. Rappelons-nous, par-dessus
tout, la Namibie lavis de 1950 sur le Statut 35, lavis de 1971 sur les Conséquences juridiques . 36
Que navons-nous de prØcØdents Øquivalents pour la Palestine. Lissue positive de ce diffØrend
ancien est largement tributaire du rôle judici aire de la Cour. Nous vous invitons donc
respectueusement à continuer à tenir ce rôle aujourdhui.
Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs. de la Cour, je vous remercie de mavoir ØcoutØ
attentivement. Monsieur le pr Øsident, je vous laisse en dØcide r, le prochain intervenant est
M. Abi-Saab, que vous entendrez avant ou aprŁs la pause.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Crawford. Je passe à prØsent la parole à
M. Abi-Saab.
M. ABI-SAAB :
DROIT APPLICABLE
Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, jai le privilŁge et le plaisir de
comparaître devant vous aujourdhui encore, au nom de la Palestine, pour parler de la question du
droit applicable au Territoire palestinien occupØ.
Cette question Øtant traitØe en dØtail dans le xposØ Øcrit de la Palestine, je me contenterai
den souligner et den prØciser certains points marquants.
33C.I.J. Recueil 1966, p. 6.
34
C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
35C.I.J. Recueil 1950, p. 128.
36C.I.J. Recueil 1971, p. 16 - 28 -
La question posØe à la Cour par lAssemblØe gØ nØrale est centrØe sur le droit international
humanitaire, puisquelle mentionne la quatriŁme c onvention de GenŁve et qua lifie le Territoire de
territoire «occupØ» par rØfØrence à ce droit. Mais le champ des rŁgles et principes du droit
international qui ont une incidence sur la situation est beaucoup plus vaste. Ceux qui sont les plus
proches des rŁgles et principes du droit internati onal humanitaire et auxquels ils sont de plus en
38
plus Øtroitement mŒlØs sont, en premier lieu, les rŁ gles et principes du droit international des droits
de lhomme.
Il faut aussi prendre en considØration, toutefoi s, les rŁgles gØnØrales du droit international, et
en particulier deux de ses principes cardinaux, cons titutifs de ce droit, qui viennent dŒtre ØvoquØs
par M. Crawford. Lun deux est celui de linterd iction du recours individuel à la force, avec son
corollaire, linterdiction de la c onquŒte ou de la prise de territoire par la force, et lautre est le
principe de lØgalitØ des droits des peuples et leur droit à disposer deux-mŒmes. Mais comme mes
collŁgues Vaughan Lowe et Jean Salmon traiteront des aspects relevant de ces deux derniŁres
catØgories et que je dispose dun temps limitØ, je circonscrirai mes observations au droit
international humanitaire, ou jus in bello.
Avant ladoption des conventions de GenŁve de 1949, les instruments codifiant ces rŁgles ne
dØfinissaient pas expressØment les circonstances qui en dØclenchaient lapplication.
En revanche, les rØdacteurs des conventions de GenŁve instruits par lexpØrience de la
seconde guerre mondiale ont prØcisØ au premier paragraphe de larticle2 commun aux quatre
conventions: «la prØsente Conve ntion sappliquera en cas de gue rre dØclarØe ou de tout autre
conflit armØ surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, mŒme si lØtat de
guerre nest pas reconnu par lune delles».
Le rŁglement de LaHaye, quant à lui, dØ finit en son article42 les circonstances dans
lesquelles «un territoire est considØrØ comme occupØ », à savoir, toujours aux termes de cet article,
«lorsquil se trouve placØ de fait sous lautoritØ de larmØe ennemie».
Cest exactement ce qui sest produit en 1967. Au cours dun conflit armØ entre plusieurs
Etats, les forces israØliennes ont envahi et occupØ notamment la Cisjordanie et Gaza, qui faisaient
autrefois partie du territoire de la Palestine s ous mandat britannique, et qui navaient jamais ØtØ
jusque là sous juridiction ou administration israØlienne. Autrement dit, un conflit armØ, au sens du - 29 -
premier paragraphe de larticle 2 de la convention de GenŁve , a crØØ une situation visØe à
larticle 42 du rŁglement de La Haye. Il sagit dun cas typique doccupation de guerre.
Ce sont là des textes clairs qui rŁglent clairement la question. Toutefois, Israºl conteste cette
conclusion en sappuyant sur le deuxiŁme paragraphe de larticle2 de la quatriŁme convention de
GenŁve, rØdigØ en ces termes: «La Convention sappliquera Øgalement» et cest donc là un
39 deuxiŁme cas «dans tous les cas doccupation de tout ou partie du territoire dune Haute Partie
contractante, mŒme si cette occupation ne rencontre aucune rØsistance militaire».
Cette disposition fut ajoutØe ex abundante cautela en1949, pour tenir compte des cas
doccupation pacifique ne rencontrant aucune r Øsistance militaire, telle loccupation des SudŁtes
en1938. MŒme un tel cas est considØrØ comme une occupation, et dØclenche lapplication de la
convention. En pareil cas, cependant, comme il ny a aucun conflit armØ visible, un autre critŁre
simpose, qui explique la rØfØrence au statut juridique du territoire ainsi occupØ ou au titre juridique
sy rapportant, titre qui nappartient pas à loccupant.
Pourtant, dans les cas doccupation de guerre, visØs au premier paragraphe de larticle 2, ce
qui importe, cest la prise de contrôle du territo ire durant un conflit armØ international et le
maintien par la force armØe de lau toritØ exercØe sur celui-ci, et non le titre dØtenu par lentitØ qui
administrait pacifiquement le territoire avant loccupation ou par toute autre entitØ ayant des
prØtentions sur ce territoire.
Ce principe sapplique en particulier aux re vendications de loccupant belligØrant à lØgard
du territoire occupØ. Le droit serait tournØ en dØrision si un envahisseur pouvait se soustraire à
lapplication du jus in bello en se contentant de formuler une revendication sur le territoire quil
occupe par la force. Cela Øquivaudrait à une invitation à annexer le territoire.
Cette rŁgle sapplique aussi quelle que soit la qualification du recours à la force par
loccupant belligØrant, cest-à-dire quon allŁgue quil est lagresseur ou quil prØtende exercer son
droit de lØgitime dØfense. En e ffet, cest un principe fondamental du jus in bello que ses rŁgles
sappliquent de la mŒme maniŁre à toutes les pa rties, quelles aient tort ou raison au regard du jus
in bello.
Je ne relŁverai pas les arguments particuliers dIsraºl concernant le fait quil na pas
incorporØ le rŁglement de La Haye et la quatriŁme convention de GenŁve dans son droit interne, ni - 30 -
lallØgation selon laquelle il appliquerait de facto les seuls ØlØments de la quatriŁme convention de
GenŁve qui ont un caractŁre humanitaire. Les c onventions de GenŁve c ontiennent-elles donc des
ØlØments qui ne soient pas de caractŁre humanitair e? Les dispositions procØdurales elles-mŒmes
ont pour objet de garantir le respect des rŁgles de fond relatives à la protection. Et peut-on
nappliquer que de facto des instruments et des rŁgles par lesquels on est juridiquement liØ? En
fait, la Cour a dit elle-mŒme que le rŁglement de La Haye et les conventions de GenŁve faisaient
dØsormais partie intØgrante du droit international gØnØral ( Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 , par.79) et les a mŒme qualifiØs dintransgressibles, pour
ne pas utiliser lexpression jus cogens. En tant que tels ces instruments simposent de maniŁre
40 universelle, indØpendamment des limitations conventionnelles dont ils peuvent Œtre assortis en tant
que traitØs.
On peut en dire autant de la plupart des dispositions du protocole additionnel (protocoleI)
aux conventions de GenŁve, du moins celles qui pe uvent Œtre pertinentes en lespŁce, telles que
larticle 75 sur les garanties fondamentales.
Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, jai traitØ de la justification en droit
de lapplicabilitØ du droit de lo ccupation de guerre au Territoire pa lestinien occupØ. Qui plus est,
cette justification a lappui de la quasi-totalitØ de la communautØ inte rnationale, à lexception
dIsraºl.
Il est inutile que je rØcapitule ici toutes les rØsolutions de lAssemblØe gØnØrale et du Conseil
de sØcuritØ ou de la confØrence des hautes partie s contractantes à la quatriŁme convention de
GenŁve, ou les dØclarations du ComitØ internationa l de la Croix-Rouge, dont la plus rØcente date
du 18 de ce mois le CICR Øtant le garant institutionnel des conventions ou de diffØrents Etats
ou groupes dEtats. Toutes ces dØclarations affi rment lapplicabilitØ en droit de la quatriŁme
convention de GenŁve au Territoire palestinien occupØ (exposØ Øcrit de la Palestine, par. 387-392).
A cet Øgard, je tiens simplement à formuler une brŁve observation sur la valeur juridique et
le rôle des rØsolutions de lAssemblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ qui sont expressØment
mentionnØes dans la requŒte pour avis consultatif.
Israºl, dans lexposØ Øcrit quil a soumis dans le cadre de cette procØdure, en tentant
damoindrir le rôle fondamental de lAssemblØe gØ nØrale, qui vient dŒtre dØcrit par M. Crawford, - 31 -
dØclare: «La rØsolution ES-10/13, qui est censØe di re ce qui est illicite, ne peut Œtre sØrieusement
considØrØe comme une dØcision faisant autoritØ en matiŁre de licØitØ. Elle na pas force
obligatoire» (p. 93, par. 9.9).
LexposØ compare cette rØsolution avec la rØ solution 276 (1970) du Conseil de sØcuritØ
(ibid., par.9.10), à laquelle renvoyait la requŒte po ur avis consultatif en laffaire de la Namibie
(C.I.J. Recueil 1971). Or, prØcisØment dans lavis consultatif en question, la Cour a dit :
«[I]l serait inexact de supposer que, parce quelle possŁde en principe le
pouvoir de faire des recommandations, lAssemblØe gØnØrale est empŒchØe dadopter,
dans des cas dØterminØs relevant de sa compØt ence, des rØsolutions ayant le caractŁre
de dØcisions ou procØdant dune intention dexØcution.» (Ibid., p. 50, par. 105.)
41 LAssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcur itØ ont entre autres fonctions celle de prendre
des dØcisions. Ce nest que sur la base de te lles dØcisions quils peuvent envisager des mesures
ultØrieures, sur les questions dont ils soccupent, et dans les limites des pouvoirs que leur confŁre la
Charte. Cest là la fonction quasi juridictionne lle de ces deux organes, dØcrite dŁs1964 par le
regrettØ professeur Oskar Scharffer.
La Cour a, à maintes reprises, en particulie r dans des procØdures consultatives, reconnu et
pris en considØration de telles dØcisions de lAsse mblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ et na
jamais, à ma connaissance du moins, ignorØ ou ØcartØ des dØcisions de cette nature.
Les rØsolutions de lAssemblØe gØnØrale et du Conseil de sØcuritØ relatives aux colonies de
peuplement israØliennes et à lannexion de JØru salem-Est et de son pourtour revŒtent une
importance particuliŁre pour la question posØe à la Cour. Ces rØsolutions, et notamment plusieurs
rØsolutions du Conseil de sØcuritØ, adoptØes à lunanimitØ et avec un vote favorable des Etats-Unis,
et je cite des extraits du dispositif de telles rØsolutions affirment le caractŁre illicite des
colonies (voir lexposØ Øcrit de la Palestine, par. 165-167) et de lannexion de JØrusalem, qualifiant
cette annexion de violation flagra nte de la quatriŁme convention de GenŁve, naffectant pas le
maintien en application de cette convention à JØrusalem et au reste du Territoire occupØ ( ibid.,
par.168, 361-364). La rØsolution478 va encore plus loin et considŁre que «toutes les mesures et
dispositions lØgislatives et administratives prises par Israºl, la puissance occupante, qui ont modifiØ
ou visent à modifier le caractŁre et le statut de la ville sainte de JØrusalem sont nulles et non
avenues et doivent Œtre rapportØes immØdiatement» (rØs. 478 (1980) du Conseil de sØcuritØ). - 32 -
Monsieur le prØsident, je vais à prØsent aborder trŁs briŁvement le contenu du droit
international humanitaire dans la mesure oø il rØglemente loccupation de guerre.
Loccupation de guerre est dØfinie à larticle 42 du rŁglement de LaHaye comme un statut
de fait qui dØcoule du contrôle effectif du territoir e par une armØe ennemie, statut ne sappliquant
que pour autant que ce contrôle effectif (ou «aut oritØ» tel quil est dØsignØ dans larticle) «est
Øtabli[] et en mesure de sexercer».
Le droit international humanitaire prend acte de ce statut de fait, auquel il attache des
consØquences, ou un rØgime, juridiques. Ce rØ gime juridique est rØgi par deux principes
fondamentaux :
1) Selon le premier principe, l occupation est un Øtat de choses temporaire (ou transitoire). Il
sagit dune situation anormale ou durgence et le droit relatif à loccupation essaie dØtablir un
42 Øquilibre entre, dune part, la prise en compte des nØcessitØs militaires de la puissance
occupante pour la poursuite de la guerre et de ses objectifs de guerre et, dautre part, la
protection des droits, des libertØs et du bien-Œtr e de la population du territoire occupØ ainsi que
de son mode et de son niveau de vie normaux c ontre les perturbations et atteintes excessives
pouvant rØsulter de loccupation.
A ce sujet, le droit international humanitaire, tout en reconnaissant à la puissance occupante les
prØrogatives attachØes au gouvernement du terr itoire occupØ, lui impose les obligations
positives liØes à ce gouvernement, consistant à rØta blir et assurer «lordre et la vie publics»
(article43 du rŁglement de LaHaye), à appr ovisionner la population en vivres et produits
mØdicaux et à lui fournir des services dans toute la mesure de ses moyens (articles 55 et 56 de la
quatriŁme convention de GenŁve), ainsi quà respecter les droits de lhomme des habitants, leur
dignitØ, etc.
2) Le second principe directeur du droit relatif à loccupation est que celle-ci Øtant un rØgime
temporaire et transitoire, elle ne peut avoir din cidence sur la souverainetØ ni transfØrer celle-ci
à la puissance occupante. A cet Øgard, le rØgi me de loccupation fonctionne en grande partie
comme une mesure conservatoire (interim measure) ; il gŁle le statut juridique du territoire
occupØ tant que loccupation reste effective, de so rte que ce statut ne peut Œtre modifiØ par un
acte ou une action unilatØraux de la puissance occupante. - 33 -
Les effets juridiques de ce principe apparaisse nt à larticle 47 de la quatriŁme convention de
GenŁve, qui dispose :
«Les personnes protØgØes qui se trouvent dans un territoire occupØ ne seront
privØes, en aucun cas ni d’aucune maniŁre, du bØnØfice de la prØsente convention, soit
en vertu dun changement quelconque inte rvenu du fait de l’occupation dans les
institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ entre
les autoritØs du territoire occupØ et la pui ssance occupante, soit encore en raison de
lannexion par cette derniŁre de tout ou partie du territoire occupØ.»
Mais le droit de loccupation va plus loin. Il enjoint à la puissance occupante de laisser dans
toute la mesure du possible les choses dans lØtat oø elles se trouvaient avant loccupation; ainsi
larticle 54 de la convention de GenŁve «interdit à la puissance occupante de modifier le statut des
fonctionnaires ou des magistrats». Dans le mŒme esprit, la puissance occupante se voit ordonner à
larticle 43 auquel je viens de faire rØfØrence du rŁglement de La Haye de prendre «toutes les
mesures qui dØpendent d[elle] en vue de rØtablir et dassurer, autant quil est possible, lordre et la
vie publics» et voici le passage que je souhaite souligner «en respectant, sauf empêchement
43
absolu (nexistant pas nØcessairement) , les lois en vigueur dans le pays» . (De mŒme en ce qui
concerne la lØgislation pØnale à larticle 64 de ladite convention.)
Pour ce qui est de larticle 43, il est indiquØ dans le commentaire du CICR sur la quatriŁme
convention de GenŁve: «Cette disposition du rŁglement de LaHaye ne vise pas seulement les
habitants du territoire occupØ; elle protŁge aussi lEtat, son individualitØ, ses institutions et ses
lois.» (Commentaire sur la quatriŁme conventi on de GenŁve, Jean Pictet (dir. de publ.), CICR,
1956, GenŁve, p. 294.)
Effectivement, la protection du statut distin ct et de la personnalitØ juridique du territoire
occupØ ressort, dans le rŁglement de La Haye, de la protection quil Øtablit non seulement de la
propriØtØ privØe (art. 46 et 47), mais aussi du patrimoine et de la propriØtØ publics sous la forme des
«Ødifices publics, immeubles, forŒts et exploitations agricoles», dont la puissance occupante ne doit
Œtre considØrØe «que comme administrateur et us ufruitier», devant «sauvega rder le fonds de ces
propriØtØs et les administrer conformØment aux rŁgles de lusufruit» (art. 55).
Linterdiction faite à la puissance occupant e deffectuer des modifications durables par un
acte ou une action unilatØraux ne concerne pas seulement la modification du statut juridique officiel
du territoire (par leffet dun prØtendu changement de souverainetØ). Elle sapplique Øgalement à la - 34 -
modification des ØlØments humains et physiques de lentitØ territoriale occupØe, doø linterdiction
figurant à larticle49 de la quatriŁme conventio n de GenŁve de procØder à des modifications
dØmographiques par des «transferts forcØs, en m asse ou individuels, ainsi que [des] dØportations»
de personnes civiles hors du territoire occupØ, et à la dØportation ou au transfert d«une partie de
[l]a population civile [de la puissance occupante] dans le territoire occupØ par elle».
Ces actes interdits constituent, aux termes des conventions de Ge nŁve, en particulier
larticle147 de la quatriŁme conve ntion, et de larticle85 du pr emier protocole, ainsi que de
larticle8 du rØcent statut de Rome, des infractions graves au droit international mettent en jeu la
responsabilitØ pØnale individuelle.
Monsieur le prØsident, cest au regard des normes de ce rØgime juridique que la licØitØ du
mur doit Œtre apprØciØe et les justifications fournies par Israºl pour son Ødification ØvaluØes.
Lune de ces justifications, la légitime défense , ne relŁve pas du droit international
humanitaire ou jus in bello , mais du jus ad bellum . Israºl confond de maniŁre inacceptable les
deux branches du droit de la guerre, qui doivent Œt re radicalement distinguØes. Une fois quun
conflit armØ est nØ, le jus in bello (ou droit international humanitaire) entre en jeu, en tant que
lex specialis rØgissant la situation qui en dØcoule, indØpendamment des rŁgles du jus ad bellum.
44 Dailleurs, comment peut-on logiquement parl er de lØgitime dØfense exercØe par un Etat
contre un territoire qui se trouve sous sa propre occupa tion militaire et sous son contrôle effectif et
dans lequel il a le pouvoir et mŒme lobligation d «assurer lordre et la vie publics» conformØment
à larticle 43 du rŁglement de La Haye ?
Le mur peut-il alors se justifier en tant que nécessité militaire ?
Lune des grandes avancØes du droit internati onal humanitaire tient à ce quil sest ØloignØ
de la notion de nØcessitØ milita ire de Clausewitz, entendue comme Kriegsräson (raison de guerre),
cest-à-dire de lidØe selon laquelle les objectifs de guerre justifient le recours à tout moyen jugØ
nØcessaire pour les atteindre.
En derniŁre analyse cette notion de nØcessitØ m ilitaire nie le droit international humanitaire.
Heureusement, elle a, au moins depuis le rŁglem ent de LaHaye de1899, ØtØ remplacØe par une
notion moderne plus Øtroite de la nØcessitØ militair e, dont lapplication est strictement limitØe aux - 35 -
contextes dans lesquels elle est expressØment rec onnue et par les conditions que fixe la disposition
des instruments pertinents qui la reconnaît.
Ces conditions sont notamment la spØcificitØ et la proportionnalitØ.
Cest dans ce sens quil est stipulØ au paragr aphe 5 de la dØclaration des hautes parties
contractantes à la quatriŁme convention de Ge nŁve que «la quatriŁme convention de GenŁve, qui
prend pleinement en compte les impératifs et nécessités militaires , doit Œtre respectØe en toutes
circonstances» (Nations Unies, dossier n o67 du SecrØtaire gØnØral).
Il nous faut donc examiner la convention de GenŁve ou le rŁglement de La Haye. Oø
peut-on y trouver la reconnaissance dune nØcess itØ militaire (voire dune nØcessitØ militaire
lØgitime) susceptible dŒtre invoquØe pour justifier lØdification du mur ?
Selon moi, la seule justification possible du mu r serait quil constitue une mesure de sØcuritØ
prise par Israºl dans lexercice de son autoritØ en tant que puissance occupante en vertu de
larticle 43 du rŁglement de La Haye et de larticle 27 de la quatriŁme convention de GenŁve.
Ainsi que mon collŁgue, le professeur Vaughan Lo we lexpliquera ensuite, aucune de ces
deux dispositions ne peut justifie r lØdification dun mur visant à protØger des ressortissants civils
de la puissance occupante installØs dans le territoire occupØ.
Largument selon lequel la diminution du nombre des attentats a dØmontrØ lefficacitØ dune
barriŁre similaire mise en place autour de Gaza bien que discutable, comme la indiquØ
S.Exc.M.Al-Kidwa dans son allocution liminaire cet argument, mŒme sil est exact, fait
dØlibØrØment abstraction du fait que le mur construit autour de Gaza avait pour but pour but
45
avouØ de boucler hermØtiquement ce territoire, but et effet quIsraºl refuse avec insistance
dadmettre comme Øtant ceux du mur situØ en Cisjordanie. Pourquoi? Parce que si Israºl admet
que le but est de boucler hermØti quement la zone qui se trouve à lintØrieur du tracØ du mur, cela
confirmera la rØalitØ de toutes ses violations flagrantes du droit international humanitaire.
Une autre raison de considØrer que le mur ne satisfait en rien aux critŁres de nØcessitØ et de
proportionnalitØ auxquels doivent rØ pondre les mesures de sØcuritØ est le fait que des centaines de
milliers de Palestiniens demeurent prØsents, non contenus, de lautre côtØ du mur, du côtØ
occidental par exemple; à moins, naturellement, qu on ne les oblige, directement ou indirectement, - 36 -
à quitter cette zone, ce qui constituerait une autre in fraction grave et flagrante à larticle49 de la
convention de GenŁve. La justification fournie est donc bien faible.
Enfin, Monsieur le prØsident, je prØciserai pour conclure que cette rØfØrence au droit
applicable à loccupation nimplique pas rec onnaissance ou acceptation de la licØitØ de cette
occupation, en particulier quand elle se tr ansforme en une occupation prolongØe qui frise
lannexion. Je vous remercie, Monsieur le prØsident.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsie ur Abi-Saab. Laudience est maintenant
suspendue pour quinze minutes. Elle reprendra à 11 h 55.
L’audience est suspendue de 11 h 45 à 11 h 55.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne maintenant la parole au professeur Lowe.
M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur le prØsident.
Introduction
1. Monsieur le prØsident, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, cest un honneur
pour moi de prendre la parole devant vous et de mŒtre vu confier la part ie de lexposØ de la
Palestine que je vais vous prØsenter.
2. Jai ØtØ chargØ de prØsenter les observations de la Palestine sur la façon dont les rŁgles du
droit international sappliquent à la situation concrŁte existant dans le territoire.
3. La Cour nest Øvidemment pas priØe de statuer sur des violations dØterminØes du droit
international. Elle est priØe à titre dorga ne judiciaire principal de lOrganisation des
NationsUnies de rØpondre à des demandes dav is Ømanant de lAssemblØe gØnØrale des
Nations Unies.
46 4. LAssemblØe gØnØrale a constatØ dans sa rØsolution ES-10/13 que le mur «sØcarte de la
ligne darmistice de1949 et est contraire aux dispositions pertinentes du droit international».
Toutefois, cette rØsolution laisse sans rØponse des questions importantes. Par exemple, sous quels
aspects et au regard de quelles rŁgles du droit inte rnational le mur est-il illicite ? Que faut-il faire - 37 -
pour que la situation se trouve à nouveau dans le cadre de la licØitØ ? Quelles sont entre-temps les
obligations des Etats ?
Mes tâches
5. Jai trois principaux points à exposer :
a) le premier est quIsraºl, dans le Territoire palestinien occupØ, na que les droits dune puissance
occupante, lesquels sont confØrØs et limitØs par le droit international et que la construction et la
gestion du mur ne sinscrivent pas dans les droits en question;
b) le deuxiŁme point est quIsraºl, en qualitØ de puissance occupante, est juridiquement tenu de
garantir aux personnes rØsidant de façon licite en Palestine les droits prescrits par le droit
international et que le mur viole lesdits droits;
c) et le troisiŁme point est que le mur a pour effet de modifier le statut du territoire dune façon qui
est assimilable à lannexion, en violation du droit international.
L’illicéité fondamentale du mur
6. [Projeter à lØcran la photographie 4.] Permettez-moi de comme ncer par le premier
point la question essentielle de la licØitØ du mur. La question ici nest pas de savoir si Israºl a le
droit de construire un mur: elle est de savoir si Israºl a le droit de construire le mur dans le
Territoire palestinien occupØ. La Palestine tient à fa ire valoir avant tout que tous les effets que le
mur peut produire sur le plan de la sØcuritØ pe uvent Œtre garantis quand on construit ce mur le long
de la «Ligne verte», sur le territoire israØlien, de so rte que rien ne justifie en droit de le construire
dans le Territoire palestinien occupØ.
7. Comme vous lavez dØjà vu, la construction du mur a conduit à la fois à prendre des terres
et à dØtruire des biens fonciers palestiniens da ns le Territoire palestin ien occupØ. En droit
international, la rØquisition de te rres et la destruction de biens ne sont autorisØes que dans des
limites Øtroites et nettement dØfinies.
47 8. Le premier ØlØment, la rØquisition de terr es, est rØgi par larticle52 du rŁglement de
La Haye de 1907 qui dispose : «Des rØquisitions en nature et des services ne pourront Œtre rØclamØs
des communautØs ou des habitants que pour les besoins de larmØe doccupation.» - 38 -
9. [Carte schØmatique à projeter sur lØcran pour montrer la Ligne verte et le tracØ du mur
ainsi que les colonies de peuplement] Israºl reconnaît que le tracØ du mur a ØtØ conçu pour
protØger les colonies israØliennes civiles qui ont ØtØ implantØes dans le Territoire palestinien
occupØ, y compris à JØrusalem-Est. Israºl la dit nettement, par exemple, dans lordonnance de
o
confiscation citØe en lØgende de la photographie n 9 dans le premier volume dannexes à notre
exposØ Øcrit. De toute façon, la carte parle delle-mŒme. Le mur sØcarte de la Ligne verte pour
situer les colonies sur ce qui est incontestablement censØ Œtre le côtØ «israØlien» de la ligne.
Peut-Œtre les exemples les plus frappants se trouvent-ils dans la zone entourant Qalqilya et la zone
de la colonie israØlienne dØnommØe «Ariel», et aussi à lintØrieur et sur le pourtour de
JØrusalem-Est.
10. Ces colonies ont elles-mŒmes ØtØ crØØes en viol ation du droit international. Larticle 49
de la quatriŁme convention de GenŁve interdit au sixiŁme alinØa à la puissance occupante de
procØder au transfert dune partie de sa propre popul ation civile dans le territoire occupØ par elle.
Comme la dit un conseiller juridique auprŁs du dØpa rtement dEtat des Etats-Unis qui sexprimait
au sujet de la politique de peuplement israØlienne , cette interdiction sØte nd «trŁs clairement aux
initiatives de la puissance occupante consistant à arrŒter le lieu dimplantation des colonies, à
rendre des terrains disponibles et à financer linstallation de la colonie, ainsi quà dautres types
dassistance et de participation à la crØation desd ites colonies». Ce conseiller juridique disait pour
conclure la citation figure aux paragraphes464 et 465 de lexposØ Øcrit de la Palestine
quIsraºl violait ladite interdiction. Le Conseil de sØcuritØ et lAssemblØe gØnØrale ont Øtabli dans
de nombreuses rØsolutions que ces activitØs de peuplement violent le droit international.
11. Ladite violation revŒt beaucoup dimportanc e. Elle est qualifiØe d«infraction grave» du
droit international par larticle 85 du protocole additionnel I aux conventions de GenŁve.
12. La logique est incontournable. Les colonies de peuplement civiles sont illicites. Par
consØquent, il nest pas possible en droit dØcarte r le mur de la Ligne verte pour protØger ces
colonies illicites. Par consØquent, confisquer des te rres palestiniennes à cette fin est une violation
du droit international humanitaire. Le mur, situØ à lØcart de la Ligne verte, a ØtØ construit et des
biens palestiniens ont ØtØ pris en vue dune fin qui est inadmissible en droit. Il nest guŁre besoin - 39 -
dexaminer de façon approfondie des prØoccupations et des arguments sØcuritaires pour apprØcier
la licØitØ de ces dØtournements.
48 13. [Projeter à lØcran la photographie9.] De mŒme, la destruction de biens fonciers
palestiniens aux fins de construire le mur na vraiment rien à voir avec ce qui pourrait Œtre, comme
il est dit à larticle 53 de la quatriŁme convention de GenŁve, «rend[u] absolument nØcessair[e] par
les opØrations militaires». Il ny a pas dopØrations militaires au sens oø cet article53 emploie
lexpression. En fait, le tracØ du mur semble pa rfois avoir ØtØ conçu pour infliger des dommages
gratuits. La photographie montre lancien marchØ de NazlatIssa dont des centaines de familles
palestiniennes tiraient leur gagne-pain. Ce marchØ fut dØtruit par larmØe israØlienne «parce quil
fallait protØger les colonies israØliennes implantØes da ns la rØgion». La col onie israØlienne la plus
proche est situØe à 4 kilomŁtres.
14. Sur ce premier point, la Palestine propo se respectueusement à la Cour de donner pour
avis à lAssemblØe gØnØrale que la construction et la gestion du mu r dans le Territoire palestinien
occupØ, y compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est, violent le droit international.
Le mur viole les droits de l’homme des Palestiniens
15. Leffet que le mur produit sur les dro its fondamentaux de lhomme de la population
dhommes, de femmes et denfants du Territoire palestinien occupØ est dØcrit avec rØalisme dans
les rapports de lOrganisation des NationsUnies et dans ceux de BTselem, qui est lorganisation
israØlienne de dØfense des droits de lhomme.
16. Les violations sont à classer en deux grandes catØgories. Il y a dabord la saisie directe
de terres et la destruction de biens induites par la co nstruction du mur. Jen ai dØjà parlØ. Il y a
ensuite les violations de certains droits qui procŁdent des restrictions imposØes à la population
palestinienne en vertu du rØgime du mur en matiŁre de circulation et de rØsidence. Ces violations
touchent lintØgralitØ de la population du Territo ire palestinien occupØ et non pas simplement les
personnes dont les biens fonciers sont saisis ou qui ont ØtØ enclavØs par le Gouvernement israØlien.
17. Il faut comprendre quelle est lampleur de ces violations. Il ne sagit pas ici dune
querelle technique autour dune violation de fro ntiŁre, les IsraØliens empiØtant sur la terre - 40 -
palestinienne. LannØe derniŁre, ce sont trois rapports de lONU (le rapport Bertini 37, le rapport
38 39
Dugard et le rapport Ziegler ) qui ont conclu à lexistence dans le Territoire palestinien occupØ
dune crise humanitaire ce sont eux qui parlent et non moi et cest une crise qui na rien de
naturel.
18. Nous avions lintention de citer à la Cour des extraits de ces rapports qui illustrent
49
parfaitement un comportement manifestement contra ire au droit international humanitaire et au
droit international relatif à la protection des droits de lhomme. Nous croyons comprendre
toutefois que la Cour voudrait à ce stade porter principalement son attention sur le droit plutôt que
les faits; et mercredi dernier le ComitØ intern ational de la Croix-Rouge a publiØ un communiquØ
qui capte les ØlØments essentiels de ce que nous-mŒmes tout comme, notamment, les divers
rapports de lONU, cherchons à faire connaître et situØ trŁs prØcisØment ces ØlØments dans leur
cadre juridique. Ce communiquØ dit ceci :
«Le CICR est de plus en plus prØo ccupØ par les consØquences humanitaires que
lØdification de la barriŁre en Cisjorda nie a pour de nombreux Palestiniens des
territoires occupØs.
Dans les endroits oø elle sØcarte de la «Ligne verte» et empiŁte sur les
territoires occupØs, la barriŁre prive des milliers de Palestiniens dun accŁs adØquat à
des services essentiels comme lapprovisionnement en eau, les soins mØdicaux et
lØducation ainsi quà des sources de revenus telles que lagriculture et dautres types
demplois. Les communautØs palestiniennes vivant entre la «Ligne verte» et la
barriŁre sont, de fait, coupØes de la sociØtØ palestinienne à laquelle elles appartiennent.
LØdification de la barriŁre en Cisjordani e continue de donner lieu à lappropriation,
largement rØpandue, de biens palestiniens et de causer des dØgâts considØrables aux
bâtiments et aux terres agricoles, entraînant souvent leur destruction.
Le CICR a condamnØ à plusieurs reprises les attaques dØlibØrØes perpØtrØes
contre des civils israØliens et soulignØ que tous les actes dont le but est de semer la
terreur dans la population civile sont des vi olations manifestes du droit international
humanitaire. Il reconnaît à Israºl le droit de prendre des mesures pour assurer la
sØcuritØ de sa population. Toutefois, ces mesures doivent respecter les normes
applicables du droit international humanitaire.
Le CICR estime que la barriŁre en Cisjordanie est contraire au droit
international humanitaire, dans la mesure oø son tracØ sØcarte de la «Ligne verte» et
empiŁte sur le territoire occupØ. Les problŁmes que connaît la population
palestinienne dans la vie quotidienne montre nt que la barriŁre va à lencontre de
lobligation qui incombe à Israºl, conformØ ment au droit humanitaire, dassurer un
37
Annexe 14 à lexposØ Øcrit de la Palestine, par. 3.
38
Annexe 6 à lexposØ Øcrit de la Palestine, par. 41.
39Dossier n 56 accompagnant la conclusion du SecrØtaire gØnØ ral de lOrganisation des Nations Unies, par. 8,
58. - 41 -
traitement humain aux civils vivant sous l occupation et de veiller à leur bien-Œtre.
Les mesures prises par les autoritØs israØlie nnes en relation avec lØdification de la
barriŁre en territoire occupØ excŁdent de loin ce quune puissance occupante est
autorisØe à faire aux termes du droit humanitair e. Ces constatations se fondent sur le
suivi des conditions de vie de la population palestinienne, assurØ par le CICR, et sur
lanalyse que fait linstitution des dispositi ons applicables du droit humanitaire. Les
autoritØs israØliennes ont ØtØ rØguliŁrement informØes des prØoccupations humanitaires
et juridiques du CICR.
Le CICR demande donc instamment à Isr aºl de ne pas planifier, construire ou
maintenir cette barriŁre en territoire occupØ.»
19. Je me permets de prier la Cour de se reporter à lexposØ Øcrit prØsentØ en lespŁce par le
Gouvernement suisse dont la situation est particu liŁre car il est le dØpositaire officiel des
conventions de GenŁve. Il est utile de lire ce que dit le CICR à côtØ de cet exposØ.
20. Dans son exposØ Øcrit, la Palestine dit que lles sont les principales dispositions du droit
international humanitaire et du droit international de la protection des droits de lhomme qui sont
applicables en loccurrence. La Palestine signale des violations de plusieurs dispositions du pacte
50 international relatif aux droits civils et politi ques quIsraºl a ratifiØ. Il sagit notamment de
larticle 12 qui porte sur la libertØ de circulation et de larticle 17 qui porte sur le droit à la vie de
famille. Il y a aussi des violations du pacte intern ational relatif aux droits Øconomiques, sociaux et
culturels, quIsraºl a Øgalement ratifiØ, notamment en ce qui concerne les articles11 et12, qui
portent sur le droit à lalimentation et le droit aux soins mØdicaux, et larticle13 sur le droit à
lØducation. Il y a aussi des violations de la c onvention relative aux droits de lenfant quIsraºl, là
encore, a ratifiØe. La Palestine attache une impor tance toute particuliŁre à ces violations-là car les
enfants constituent plus de la mo itiØ de la population pal estinienne. La Palestine indique dans son
exposØ Øcrit que les violations concernent les articles24 et27, sur le droit à lalimentation et aux
soins mØdicaux, larticle 28 sur le droit à lØducation et larticle 16 sur le droit à la vie de famille.
21. La rØaction dun bon nombre de responsables is raØliens a ØtØ la suivante: le mur est le
prix que les partisans du terrorisme doivent paye r; la solution est aux mains de lAutoritØ
palestinienne. Cest une rØaction inacceptable, et ce nest pas seulement parce quIsraºl ne cesse
de procØder à des incursions dans le territoire, qu il dØtruit lappareil sØcuritaire et les institutions
de sØcuritØ de la Palestine, quil impose couvr e-feux et barrages et quil construit le mur ― toutes
mesures qui ont sapØ lAutoritØ palestinienne. - 42 -
22. La rØaction est inacceptable parce que, prem iŁrement, il incombe en droit à Israºl, à titre
de puissance occupante, la responsabilitØ de garantir les droits fondamentaux de lhomme dans le
Territoire palestinien occupØ. Israºl ne peut pas revendiquer les droits dun occupant militaire sans
accepter dassumer les responsabilitØs correspondantes.
23. DeuxiŁmement, cette rØaction Øquivaut à vouloir imposer une sanction collective.
LAutoritØ palestinienne a, de façon constante, condamnØ les attentats terroristes à lencontre de
civils israØliens, et il est aussi absurde quinjurie ux de laisser entendre que tous les Palestiniens
seraient impliquØs dans un complot meurtrier visant à attaquer Israºl. Imposer le mur, avec toutes
les restrictions qui en dØcoulent à la circulation des personnes et à leur accŁs à leurs biens, à leur
travail, aux services sociaux, à lØducation et à leurs familles, afin de punir lensemble de la
population palestinienne est un comportement inju ste, sans scrupules et illicite, qui apparaît, ainsi
quil est notØ dans un rapport des Nations Unies, comme une forme de châtiment collectif pour les
40
attentats commis contre Israºl . Or les peines collectives sont expressØment interdites par le droit
de la guerre, aux termes de lartic le 33 de la quatriŁme convention de GenŁve et de larticle 75 du
protocole additionnel I.
24. TroisiŁmement, il est Øvident que le mur, dans la mesure oø il sØcarte de la Ligne verte
et est construit dans le Territoir e palestinien occupØ, ne saurait trouver une justification dans les
51 intØrŒts sØcuritaires quinvoque Israºl. Israºl peut, comme nous lavons expliquØ dans notre exposØ
Øcrit, protØger ses intØrŒts lØgitimes en construisant le mur sur son propre sol; mais il na
juridiquement aucun droit de semparer de terres palestiniennes et de dØtruire des biens palestiniens
pour protØger des colonies de peuplement illicites impl antØes dans le Territoire palestinien occupØ.
La Palestine admet que tout Etat a le droit de prendre des mesures de protection. Mais ces mesures
doivent Œtre licites. Les Etats ne sauraient Øl uder toutes contraintes juridiques et morales en se
contentant dinvoquer leurs «intØrŒts sØcuritaires».
25. La question dont la Cour est saisie est celle de savoir si le mur, tel quil est dØcrit dans le
rapport du SecrØtaire gØnØral, contrevient au droit international humanitaire et au droit international
des droits de lhomme. Notre exposØ Øcrit contient à cet Øgard des conclusions dØtaillØes, mais la
40 o
Rapport Ziegler, dossier n 56 accompagnant la communication du SecrØtaire gØnØral de lONU, par. 38. - 43 -
question est simple. La Cour peut-elle de façon rØaliste, aprŁs avoir lu rapport du SecrØtaire
gØnØral et les rapports qui lui sont joints, dire quelle a des doutes sur le point de savoir si Israºl
contrevient au droit international dans le Territoire palestinien occupØ ? Peut-elle, ayant lu tous les
documents justificatifs qui lui ont ØtØ soumis en rØponse à la demande quelle a faite aux Etats de
fournir des informations pertinentes, dire quelle ne voit pas de raison de penser que ― pour citer
le CICR ― «les mesures prises par les autoritØs israØliennes en relation avec lØdification de la
barriŁre en territoire occupØ excŁdent de loin ce quune puissance occupante est autorisØe à faire» ?
26. La Palestine suggŁre respectueusement à la Cour de donner avis à lAssemblØe gØnØrale
quIsraºl est tenu de garantir aux rØsidents du Territoire palestinien occupØ les droits auxquels ils
peuvent prØtendre en vertu du droit international huma nitaire et du droit international des droits de
lhomme que ces droits comprennent les droits ØnumØrØs aux alinØasC etD du paragrapheII du
chapitre12 de lexposØ Øcrit de la Palestine et que la construction et la gestion du mur violent
lesdits droits.
Le mur modifie le statut du territoire
27. Les sujØtions auxquelles la population pales tinienne du Territoire palestinien occupØ est
astreinte tout au long de la journØe, et tous l es jours, constituent naturellement notre principal sujet
de prØoccupation. Mais sur le plan du droit, et dans une perspective à long terme, il y a un autre
point dont limportance est cruciale. Cest le fait que le mur, de façon entiŁrement prØvisible, et
sans doute dØlibØrØe, est en train de modifier le statut du Territoire palestinien occupØ.
28. Cest un principe fondamental du droit international quune puissance occupante nest
pas habilitØe à modifier le statut du territoire quelle occupe. Il lui est permis de rester prØsente
dans un territoire qui nest pas le sien et d y exercer des pouvoirs limitØs parce que le droit
international reconnaît que, dans une situation de conflit armØ, cela peut Œtre nØcessaire pour
52 assurer la protection efficace de lEtat. Il sagit de droits essentiellement dØfensifs, qui sont
temporaires: larmØe doccupati on est censØe se retirer une fois que le conflit qui a conduit à
loccupation a pris fin. La puissance occupante na nu llement le droit de traiter le territoire occupØ
comme le sien, ni de dØcider de son avenir. - 44 -
29. Le droit international ninterdit pas se ulement lannexion dun territoire occupØ. Il
interdit toutes les modifications du statut de ce territoire: pour parler clairement, il nest pas
possible de transformer ce territoire en protectorat ou en colonie ni dapporter à son statut aucune
autre modification.
30. Cette interdiction a ØtØ confirmØe par le Conseil de sØcuritØ, par exemple dans sa
rØsolution 446, oø le Conseil a demandØ à Israºl
«de sabstenir de toute mesure qui modifierait le statut juridique et le caractŁre
gØographique des territoires arabes occupØs depuis1967, y compris JØrusalem, et
influerait sensiblement sur leur composition gØographique, et, en particulier, de ne pas
transfØrer des ØlØments de sa propre populat ion civile dans les territoires arabes
occupØs».
31. Un Etat ne peut pas se soustraire à cet te interdiction en sabstenant de procØder à
lannexion formelle et explicite dun territoire ou à quelque autre modification de son statut tout en
le ligotant, ainsi que ses rØsidents, par une mass e de rŁglements restrictifs et de contraintes
matØrielles. Le droit international considŁre la rØalitØ des situations, et non lartifice des formes.
Dans laffaire Starrett 41, par exemple, le tribunal des rØclama tions Iran-Etats-Unis a conclu quil
pouvait y avoir expropriation sans transfert formel du titre de propriØtØ dans les cas de trouble de
jouissance constituant une ingØrence grave dans les droits du propriØtaire. Et dans
42
laffaire Nottebohm , la Cour est allØe apprØcier, au-delà de la formalitØ de la naturalisation, la
rØalitØ du lien de lintØressØ avec le territoire de son Etat putatif.
32. Le mur est en train de modifier le statut du Territoire palestinien occupØ. Il y entraîne, de
façon entiŁrement prØvisible, des changement s dØmographiques et autres qui ôteront aux
Palestiniens toute possibilitØ dexercer de façon effective leur droit à lautodØtermination, ce qui
Øquivaut à une annexion de territoire de facto.
33. Israºl soutient que le mur, pour lequel on dit quil est en train de dØpenser quelque
deux milliards de dollars E.-U. deux mille millions de dollars est temporaire. On a peine à le
croire. Il en irait peut-Œtre autrement si le Gouvernement israØlien a nnonçait publiquement dŁs à
prØsent quil reconnaît que le territoire palestinien est un territoire occupØ et quil reconnaît que
toutes les colonies de peuplement y compris des colonies comme Ariel, Maale Adumin et les
41
Starrett Housing Corp v. Iran, 4 Iran-USCTR 122 (1983).
42
C.I.J. Recueil 1955, p. 4. - 45 -
colonies implantØes à JØrusalem-Est se trouvent en Territoire palestinien occupØ et, partant, à
53 lintØrieur du territoire qui est en principe celui de lEtat palestinien selon la vision de deux Etats
dØcrite dans la feuille de route. Mais on en est loin puisque, selon des informations rØcentes, le
Gouvernement israØlien prØvoit de rØinstaller en Cisjordanie les colons retirØs de Gaza, ce qui
consolidera son emprise sur la Cisjordanie.
34. La rØglementation israØlienne introduit dans le Territoire palestinien occupØ une division
entre la zone situØe «à lintØrieur» du mur et la z one situØe à lextØrieur, qui est contiguº à Israºl.
Avant la construction du mur, les gens pouvaient ci rculer librement dans cette partie du Territoire
palestinien occupØ pour se rendre sur leurs exploitations agricoles, dans leurs ateliers, à leurs Øcoles
et leurs hôpitaux. Ils pouvaient rØsider librement dans la zone corresponda nt actuellement au mur
et à la zone fermØe. DØsormais, selon cette rØglementation, les gens ont besoin de permis pour
circuler à lintØrieur de cette mŒme portion de territoire palestinien si leurs dØplacements les
obligent à franchir le mur, et ils ont besoin de pe rmis pour continuer à rØsider chez eux. Et dans
bien des cas, les permis sont accordØs avec retard ou de façon inconsØquente ou ne le sont pas du
tout. Tout cela est expliquØ en dØtail dans notre exposØ Øcrit.
35. Beaucoup de Palestiniens quittent les zones les plus gravement affectØes par cette
situation, par exemple Qalqilya, qui est dØsormais dØplacØe plus profondØment à lintØrieur du
Territoire palestinien occupØ. Cela crØe sur le terrain une nouvelle situation de fait. Les
Palestiniens se voient, en fait, ØvincØs des zones contiguºs au mur et contiguºs à Israºl.
36. Daucun pensent quIsraºl se satisfait dexer cer son autoritØ sur le Territoire palestinien
occupØ sans lannexer formellement parce que, en cas dannexion, il serait difficile de refuser à
ceux qui sont nØs dans le territoire la citoyennetØ, le droit de vote et lØgalitØ devant la loi. Quelle
que soit la raison, il est clair que le statut du territoire se trouve modifiØ. Comme la trŁs bien dit
un rØcent rapport des NationsUnies: «[lØdification du Mur] a manifestement pour but de crØer
une situation de fait sur le terrain. Il nexiste peut Œtre pas dacte dannexion, comme ce fut le cas
pour JØruzalem-Est et les hauteurs du Golan. Pourtant leffet est le mŒme: il sagit dune
annexion» 43.
43
Dugard, 2003 (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, 8 septembre 2003, reproduit en tant quannexe 6 à lexposØ
Øcrit de la Palestine), par. 14. - 46 -
37. La prØsente affaire est ainsi replacØe dason contexte. Elle tire son origine de deux
prØoccupations : la premiŁre est que limposition dune sØrie de cont raintes et de sujØtions, dont le
mur constitue le point culminant, rend dØjà la vi e quasiment insupportable aux Palestiniens; et la
deuxiŁme est que le mur nest pas simplement une sujØtion momentanØe, mais dØlimite le
misØrable morceau de terre à lintØrieur duquel Isr aºl entend relØguer le peuple palestinien, en une
caricature grotesque, aussi ØloignØe de la justice que du droit, de la vision des deux Etats.
54 38. La Palestine suggŁre respectueusement à la Cour de donner avis à lAssemblØe gØnØrale
que la construction et la gestion du mur modifit le statut du Territoire palestinien occupØ, en
violation du droit international et des rØsotions du Conseil de sØcuritØ, notamment de la
rØsolution 446.
39. La question des effets du mur sur le droit du peuple palestinien à disposer de lui-mŒme et
sur la feuille de route sera traitØe par mon collŁgue M. Jean Salmon, qui conclura lexposØ oral de
la Palestine.
40. Monsieur le prØsident, Madame et Messieurs de la Cour, jen arrive ainsi, à moins que je
ne puisse encore vous Œtre utile, à la fin de ma partie de cet exposØ. Puis je vous prier à prØsent de
donner la parole à mon collŁgue M. Jean Salmon.
Le PRESIDENT : Merci, professeur Lowe. Je donne à prØsent la parole à M. le professeur
Jean Salmon.
Mr. SALMON:
T ACTICS USED TO PREVENT THE COURT FROM REPLYING TO THE REQUEST FOR AN OPINION
AND THE G ENERAL ASSEMBLY ’S LEGITIMATE ANTICIPATION OF SUCH AN OPINION
1. Mr. President, distinguished Members of the Court, it is always a great honour to address
this Court. For a jurist who started his career as a legal advisor at the UNRWA, I am deeply
honoured by the trust placed in me today by Palestine.
It falls to me to develop two aspects of the matter placed before the Court: on the one hand,
certain tactics used to prevent the Court from replying to the request for an opinion and, on the
other, the General Assemblys anticipation of an opinion on the legal aspects of the question. - 47 -
I. The tactics used to prevent the Court from responding
to the General Assembly’s request for an opinion
My colleague, Professor James Crawford, has al ready told the Court about all these tactical
manoeuvres. However, two particular aspects may be highlighted.
55 2. It is well known that some States woul d like the Court not to take a decision on the
question posed by the General Assembly. In suppor t of this wish, it is argued that the opinion
requested would be worthless. As the General Assembly has already declared the Wall to be
illegal, that is the last word on the subject. This overlooks the fact that certain States, and Israel in
particular, have refused to acknowledge that th e Assembly has any jurisdiction to express an
authoritative legal opinion on the international validity of the Wall.
Of itself, this state of affairs warrants a ru ling by the Court on the legality of the disputed
construction before determ ining what conclusions flow from it. Havent the States which have
discussed the merits of this question in their written statements devoted the bulk of their arguments
to the problem of illegality? The principal judici al organ of the United Nations must, with all its
authority, set out the legal bases of the illegality so that it can no longer be disputed in future.
Indeed, it is time that the Assembly, whic h has guided two thirds of humanity to
independence, received from the Court the support it is calling for to help a territory, to which the
right to self-determination was promised in 1920, to realize this right without its territorial basis
being severed by a wall.
One does not have to be a genius to understa nd that, in reality, the arguments relating to the
pointlessness of the opinion are aimed at preventi ng the Court from stating the law in order to
allow Israel to calmly carry on dismembering Palestine, meanwhile claiming that it is not bound by
any rule of law on this subject.
3. The same applies to the other argument used to gag the Court, the one which claims that
its intervention would jeopardize the Road Map.
This argument, under the guise of concerns a ssociated with safeguarding the peace process
and the search for a negotiated settlement of the question, in fact doubly jeopardizes the right to
self-determination of the Palestinian people, on wh ose territory Israel is building a new Wall of
shame. - 48 -
(1) It obscures the fact that the exercise of the ri ght to self-determination of the Palestinian people
throughout the Occupied Territories is in fact one of the very bases of the peace process and the
Road Map.
56 (2) It obscures the fact that it is the Wall that ser iously infringes the obligations set out in the Road
Map.
In short, it is brandished to prevent the Court from making these two findings.
*
* *
Let us take these two questions one by one.
1. The argument of the Road Map obscures th e fact that the exercise of the right to
self-determination of the Palestinian people thro ughout the Occupied Territories is in fact
one of the very bases of the peace process and the Road Map
4. By resolution1515 of 19November 2003, the Security Council calls on the parties to
fulfil their obligations under the Road Map in co -operation with the Quartet and to achieve the
vision of two States living side by side in peace and security.
The vision of two States living side by side rests upon a legal foundation of which the first
building block is General Assembly resolution181 (II) of 1947, providing for the creation of two
States on the territory of the former British mandate for Palestine. It is also based on a series of
binding Security Council resolutions to wh ich it expressly refers: in particular,
resolution 242 (1967), stating that the acquisition of territory by force is inadmissible and providing
for the withdrawal from territories occupied in the then-recent conflict, which resolution was
confirmed by resolutions 338 (1973) and 1397 (2002) of the same organ.
Thus was defined the geographical expanse in which the Palestinian people enjoys the right
to self-determination. This area consists of th e territories occupied by Israel since 1967, which
were delimited by the demarcation line arisi ng under the General Armis tice Agreement between
the Hashemite Jordan Kingdom and Israel, signed at Rhodes on 3 April 1949, and its application.
This is what is commonly referred to as the Green Line. - 49 -
5. The peace process therefore is founded on two fundamental rights of the Palestinian
people:
57 the right of self-determination in the Palestinia n territories occupied since 1967, including East
Jerusalem;
the right to exercise that right through negotiati ons in which its consent is not vitiated by an
accumulation of unlawful actions taken by the other party to restrict the exercise of that right.
The document referred to as the Road Map pr ovides for the final phase of negotiations to
be two states, Israel and sovereign, indepe ndent, democratic and viable Palestine, living
side-by-side in peace and security. The process e nvisioned is that of direct negotiations to put an
end to the conflict and define a permanent statu s in the final phase. That permanent status was
defined in agreements with Israel signed at W ashington in 1993 and Taba in 1995 as follows:
Jerusalem, refugees, settlements, security arrange ments, borders, relations and cooperation with
44
other neighbours, and other issues of common interest .
Before it could be claimed that the present requ est for advisory opinion is an action by the
General Assembly jeopardizing the peace process, it would be necessary to prove that a ruling by
the Court on the unlawfulness of the Wall would be likely to be detrimental to that permanent
45
status. This is acknowledged in the Written Statements of the United Kingdom and the United
States 46.
That however is not the case.
The 144 States which held that the Wall was a vi olation of international law based that view
on legal elements lying at the very heart of the Road Map:
respect for the Palestinian peoples right to self-determination;
respect for the status under international law of the Occupied Territory and for its territorial
extent;
44
Declaration of Principles of Interim Self-G overnment Arrangements, signed at Washington on
13 September 1993, Article V, RGDIP, 1994, p. 264; Interim Agreement on the West Bank and the Gaza Strip, signed at
Taba on 28 September 1995, A/51/889, S/1997/357.
45
United Kingdom, Written Statement, par. 3.21.
46United States of America, Written Statement, para. 4.2. - 50 -
respect for the international obligations deriving from that status in regard to the rights of the
civilian population (humanitarian law and human rights).
58 6. A finding by the Court that the wall violates these rights will not interfere either with the
implementation of the Road Map or with permanent status issues. The Court is not being asked
to rule on a frontier issue but to take steps to ensure respect for the status of a territory that was
colonized (in the context of a mandate) and then o ccupied by a foreign Power. The people of that
territory are entitled to have their rights protect ed against the construction of a wall beyond the
demarcation line separating them from the occupying Power.
If the Court should happen to allude to certain permanent status issues (relating to Jerusalem
or the settlements for example) because of the way in which the wall is constructed, it will do so in
order to draw attention to pre-existing obligati ons under Security Council resolutions that are
binding and cannot be derogated from under individual agreements. Subject to respect for such
obligations, the two parties are free during the ne gotiations, on condition that their consent is not
vitiated, to make any concession they deem appropriate in order to establish a final status of peace.
7. As a closing comment on this first point, it may be noted that the request to the Court for
an opinion in no way impedes further negotiations, and that the Court, far from disrupting the peace
process, will provide a framework for it through its rulings, by identifying the rights of the
Palestinian people that cannot be violated by the construction of the wall.
Advocating negotiations between the wolf and the lamb implies ensuring minimum
protection for the lamb.
I shall now turn to the second aspect of the Road Map argument.
2. It obscures the fact that it is the Wall that seriously infringes the obligations set out in the
Road Map
8. A very great majority of the States Members of the United Nations considered that the peace
process was not jeopardized by the request for an opinion but rather by the wall that is being
constructed by Israel.
It should be borne in mind that the peace process is based, inter alia , on the
Israeli-Palestinian Interim Agreement on the W est Bank and the Gaza Strip signed in Taba on - 51 -
59 28 September 1995 , Article XI of which states that 1. The two sides view the West Bank and the
Gaza Strip as a single territorial unit, the integrit y and status of which will be preserved during the
interim period and Article XXXI of which stipulates that 7. Neither side shall initiate or take any
step that will change the status of the West Bank and the Gaza Strip pending the outcome of the
permanent status negotiations.
These provisions are pivotal to the peace process.
In addition, the Road Map contains a series of provisions that were rightly highlighted in the
Written Statement of the French Republic. I shall cite some passages:
Israel takes all necessary steps to help normalize Palestinian life and freezes
all settlement activity
GOI [the Government of Israel] takes no actions undermining trust, including
deportations, . . ., confiscation and/or demolition of Palestinian homes and property, as
a . . . measure . . . to facilitate Israeli construction; destruction of Palestinian
institutions and infrastructure.
9. Instead of fulfilling those obligations, Israel, by its construction of the Wall, has turned its
back on the right of the Palestinian people to self-determination and has at the same time sabotaged
the Road Map.
As Palestines Written Statement has shown 48
(a) To the extent that the Wall departs from the Green Line and is constructed in the
Occupied Palestinian Territory, including in and around East Jerusalem, it severs
the territorial sphere over which the Palestinian people are entitled to exercise
their right of self-determination. To the same extent the Wall is also a violation
of the legal principle prohibiting the acquisition of territory by the use of force;
(b) The route of the Wall is designed to ch ange the demographic composition of the
Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, by reinforcing the
colonial Israeli settlements in the Occupi ed Palestinian Territory and facilitating
their extension in disregard of the fact that these settlements are themselves
illegal according to international law;
(c) By the creation of Palestinian enclaves, of discrimination against the Palestinian
population vis-à-vis the Israeli settlers, and of unbearable economic conditions,
the Wall is having the clear and foreseeable effect of the forced displacement of
the Palestinian population into increasingly limited areas regarded as safe and
livable for Palestinians. The Wall is intended to reduce and parcel out the
territorial sphere over which the Palestin ian people are entitled to exercise their
right to self-determination. Such a policy aims at establishing non-contiguous
Palestinian areas similar to Bantustans, prohibited by international law;
47
A/51/889, S/1997/357.
48
Written Statement of Palestine, para. 548. - 52 -
(d) The Wall violates the right of the Pal estinian people to permanent sovereignty
over their natural resources in the Occupi ed Palestinian Territory, including East
Jerusalem, and destroys the economic a nd social basis of the life of the
Palestinian people
60 In a word,
(e) The Wall endangers the feasibility of a viable State for the Palestinian people and
consequently undermines future negotiations based on the two State principle.
In conclusion, the brandishing of the Road Map is a tactic designed to stop the Court from
stating the law, above all to the benefit of Israel , which will exploit this to continue committing its
unlawful acts on Occupied Palestinian Territory with impunity.
I now come to the second part of my statement in which I will address the General
Assemblys legitimate anticipation of an opinion on the legal aspects of the question.
II. The General Assembly’s legitimate anticipation of an opinion
on the legal aspects of the question
10. This legitimate anticipation was aptly described by the Court in the Western Sahara case:
Its [opinion] is requested in order to assist the General Assembly to determine its future
decolonisation policy. 49
The Court is called upon to assist the General Assembly on how it should exercise its
responsibility with respect to a territory with which it has concerned itself since 1947.
What, therefore, is the General Assembly entitled to expect of an opinion of the Court?
11. First, that the Court will confirm the Assemblys reliance, in its resolutions of
21 October 2003 and 8 December 2003, on various principles of international law to condemn the
construction of the Wall.
Palestines Written Statement, for its part, lis ted in Chapter12 the specific violations of
international law resulting from the construction of the Wall. I will not repeat them now in
extenso, so as not to take up too much of the Courts time.
12. Secondly, the Assembly hopes that the Courts opinion will identify the legal
consequences arising from the grave violations of international law imputable to Israel.
The customary principles of international responsibility need to be applied. This is a subject
with which the Court is familiar. Its jurispr udence has largely inspired the International Law
49
Western Sahara (Advisory Opinion of 16 October 1975), I.C.J. Reports 1975, p. 68, para. 161. - 53 -
Commissions articles on the consequences of respons ibility. I will first address the consequences
for the State of Israel before turning to the consequences for other States.
61 Legal consequences for the State of Israel
13. As far as Israel is concerned, to begin with, the first consequence is the obligation of
cessation.
Israel is bound to cease forthwith the commissi on of all unlawful international acts arising
from the construction, planning and operation of the Wall in the Occupied Palestinian Territory,
including East Jerusalem.
Israel is further required to refrain from an y other action modifying, or seeking to modify,
the legal status, institutional structure, geographical and historical character and the geographical
composition of the Closed Zone or any area within that Zone, and from any action that may
prejudice the rights of Palestinians or of the Pal estinian people. In particular, Israel has an
obligation to refrain from transferring any of its ci vilian population to such areas and from causing
the displacement of Palestinians outside that Zone. Israel must apply, in that Zone, the obligations
required of it by the Security Council resolutions.
14. The second consequence is the obligation of restitution, that is to say the restoration of
the status quo ante.
For that purpose, Israel must dismantle forthwith all parts of the Wall in the Occupied
Palestinian Territory that cross over the Green Line and must abolish the associated rØgime. Israel
is bound, in particular, to withdraw all the ad ministrative and legislative measures and practices
adopted in connection with the construction, op eration and planning of the Wall, including the
expropriation of land and property within the area c oncerned. It must return all confiscated or
requisitioned property to its owners. It must return their olive trees to them if possible.
Israel is bound to annul any restrictive meas ures imposed on the movement of persons and
goods and on the activities of humanitarian organizations.
Furthermore, Israel has an obligation to undertake the immediate repatriation of any of its
civilians who have settled in areas adjacent to the Wall and inside the Occupied Palestinian
Territory since the beginning of the Walls c onstruction, and to dismantle any settlements - 54 -
established in such areas. In an y event, it must ensure and facilitate the immediate return of the
Palestinian civilians who have been forced to l eave those areas, and must release any individuals
who have been detained as a result of the Walls construction and of the maintenance by Israel of
the associated administrative rØgime.
62 15. In accordance with its obligation to make reparation, Israel is required to provide full
compensation for the injury suffe red by the individuals concerned and for all the material and
personal damage sustained as a result of Israels violation of its international obligations.
16. Finally, in accordance with its obligati on, under international humanitarian law, to
comply with and enforce the Fourth Geneva Conven tion, Israel also has criminal law obligations.
It should seek out and bring before its courts persons suspected of having committed or ordered the
commission of serious breaches of international humanitarian law; it should take the necessary
steps to prevent any other breaches of inte rnational humanitarian law stemming from the
construction, management and planning of the Wall.
Legal consequences for States other than Israel
17. This is a classic case in the light of the opinion issued by the Court in the Namibia case.
As a result of the serious breaches of international law by the State of Israel, other States are
obliged:
to co-operate with one another and with the United Nations and other competent international
organizations, in order to put a stop to these violations;
not to recognize the unlawful situations arising from these violations;
not to assist in the maintenance of these situations.
18. If Israel persists in its refusal to apply the above-mentioned rules of international law and
does not accept the consequences of its responsibilit y, the General Assembly is entitled to expect
the Security Council to take the necessary coercive measures which, in the case of violations of
mandatory legal rules, should not be amenable to the use of a veto by any member of the Council.
Mr.President, distinguished Members of the Court, this statement concludes the oral
pleadings of Palestine; on behalf of all those w ho have taken the floor, I have the honour to thank
the Court for its kind attention. - 55 -
63 Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Salmon. Voilà qui conclut lexposØ oral et les
observations de la Palestine. Les audiences reprendront cet aprŁs-midi à 15heures et nous
entendrons lAfrique du Sud, lAlgØrie, lArabie sa oudite et le Bangladesh sur la question dont est
saisie la Cour. Laudience est levØe.
L’audience est levée à 13 heures.
___________
Traduction