LA
CR 2004/27 (traduction)
CR 2004/27 (translation)
Vendredi 18 juin 2004 à 10 heures
Friday 18 June 2004 at 10 a.m. - 2 -
8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour siège aujourd’hui
pour entendre le second tour de plaidoiries de la Pr incipauté de Lichtenstein. Je donne la parole à
M. Crawford.
M. CRAWFORD :
1. La réponse du Liechtenstein aux exceptions préliminaires 1 à 3 de l’Allemagne
1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, le terme anglais «abstinence»
[abstinence] et le terme anglais «advocacy» [défense] commencent tous deux par la lettre «a» et
figurent tous deux dans le volume I du Longer Oxford English Dictionary. Ces deux termes n’ont
rien d’autre en commun. Le Liechtenstein se conformera néanmoins à l’injonction que vous nous
avez adressée mercredi, Monsieur le président, qui est de ne pas nous étendre plus que nécessaire
dans nos répliques 1. Je vais donc faire de mon mieux pour allier abstinence et défense. Nous
avons écouté attentivement les propos tenus hier par la partie adverse. J’espère qu’elle ne tiendra
pas pour un manque de courtoisie ou de respect la grande brièveté dont no us ferons preuve ce
matin. M.Pellet sera bref, et je pourrai l’être encore davantage dans mon intervention sur les
exceptions préliminaires 1 à 3.
2. Avant d’aborder ces exceptions, je relève l’observation formulée hier par l’agent de
l’Allemagne au premier paragra phe de son introduction, selon laquelle tout ce que demande
l’Allemagne à la Cour à ce stade de la procédure, c’est une décision sur les six exceptions
préliminaires 2. Il est cependant regrettable que, immédiat ement après, dans le paragraphe suivant,
l’agent de l’Allemagne ait affirmé que «les de mandes visant à obtenir ré paration de l’Allemagne
n’ont pas le moindre fondement juridique. La question des réparations est obsolète.» 3 J’espère que
l’agent de l’Allemagne ne tentait pas d’ajouter par ce biais, sans l’avoir traitée, une septième
exception préliminaire correspondant au défaut d’objet. Dans le contexte, cela ressemblait
davantage à un argument prématuré sur le fond ⎯ encore un argument prématuré sur le fond ⎯ et,
1CR 2004/25, p. 64-65 (Shi).
2
CR 2004/26, p. 8, par. 1 (Läufer).
3CR 2004/26, p. 8, par. 2 (Läufer). - 3 -
en effet, la question de la caducité d’un traité ou d’une obligation relèverait de l’examen au fond et
non des exceptions préliminaires.
3. Quoi qu’il en soit, je me contenterai de fa ire observer que l’affirmation de M. Läufer n’est
pas compatible avec la renonciation des Etats- Unis énoncée dans l’accord conclu entre les
4
9 Etats-Unis et l’Allemagne en2000 dont nous avons parlé mercredi et que l’Allemagne a décidé
hier de ne pas mentionner. L’Allemagne n’a pas non plus évoqué la décl aration germano-tchèque
de 1997 dont il est question dans les écritures ni de nombreux autres éléments qui auraient pu à ce
stade être ajoutés au nombre des pièces 5 si la question avait été soulevée de manière appropriée.
Nous allons donc prendre l’agent de l’Allema gne au mot et nous limiter aux six exceptions
préliminaires que l’Allemagne a effectivement soulevées et présentées en bonne et due forme.
Première exception préliminaire : il y a un différend
4. La première exception préliminaire correspond à l’allégation de l’Allemagne selon
laquelle la Cour n’est saisie d’aucun différend d’or dre juridique. J’espère ne pas trop lire entre les
lignes de l’exposé de l’agent de l’Allemagne en disant que cette exception semble avoir disparu.
L’Agent a déclaré uniquement et prudemment qu’«une discussion cordiale sur des divergences de
vues juridiques ne saurait être assimilée à un différe nd au sens du Statut de la Cour avant d’avoir
atteint un certain seuil» 6. Dans l’abstrait, c’est acceptable, mais il va sans dire que nous ne
raisonnons pas dans l’abstrait. Le débat portait sur un sujet concret; les deux tours de consultations
ont eu lieu dans un climat cordial mais ils n’ont pas été purement théoriques. M. Läufer n’a pas dit
pourquoi cette question n’a pas atteint le seuil peu él evé défini dans votre jurisprudence, et il est
7
assez évident que le seuil fut atteint, comme je l’ai démontré mercredi .
Deuxième exception préliminaire: le différend a trait à des situations ou à des faits
postérieurs à 1980
5. J’en viens à la deuxième exception prélim inaire qui a été amplement évoquée hier par
mon ami M.Frowein. Il subsiste en l’occurre nce un point qui oppose les Parties, car, tel que
4 CR 2004/25, p. 14, par. 15 (Goepfert).
5
ML, annexe 37.
6
CR 2004/26, p. 10, par. 8 (Läufer).
7 CR 2004/25, p. 19-23, par. 13-21 (Crawford). - 4 -
j’interprète cet exposé, M. Frowein, sans réfuter mon analyse de la jurisprudence, s’inscrit en faux
contre la façon dont je l’applique à la présente espèce. Très honnêtement, Monsieur le président,
Madame et Messieurs de la Cour, je pense qu’à nous deux nous avons mis en évidence les éléments
pertinents en la matière et qu’il vous appartient de trancher. Il vous incombe notamment de vous
prononcer sur nos interprétations respectives de l’affaire du Droit de passage . Je dirai simplement
que je ne peux pas comprendre comment, d’après l’in terprétation de M. Frowein, la situation ou le
10 fait pertinent ayant trait au différend sur l’ existence — contestée — du droit de passage n’aurait pu
surgir qu’en1955: il m’est tout simplement impos sible de le comprendre. Dans cette affaire-là
comme dans la nôtre, il n’y a pas eu de décalage te mporel important entre le fait ou la situation qui
a déclenché le différend et le différend qui est né aussitôt après ce fait ou cette situation qui l’a
engendré. Le différend a désigné le fait ou la situation, et ce immédiatement.
6. Bref, nous disons que la limitation rationae temporis renvoie au fait générateur qui
déclenche le différend. M.Frowein accepte ce vocabulaire mais situe le fait générateur du
différend beaucoup plus tôt ⎯ je pense maintenant que ce n’est pas 1945 mais que c’est 1955, date
de l’entrée en vigueur de la convention sur le règl ement. Il est donc absolument impossible que le
fait générateur existe activement pendant dixan s encore mais soit toujours endormi pendant si
longtemps. Le faire remonter à1955 est francheme nt étrange. La convention sur le règlement,
avec sa référence aux «avoirs allemands à l’ét ranger», n’a engendré aucun différend avec le
Liechtenstein, pays neutre. Cette convention n’av ait jamais été appliquée auparavant aux avoirs
neutres, bien que l’Allemagne affirme à présent le contraire avec insistan ce. Imaginons que le
Liechtenstein ait dit, en1955, aux trois alliés victorieux ⎯trois des quatre principaux alliés: ces
trois pays seraient à présent, d’après mes calculs, les quatrième , cinquième et sixième parties
indispensables à la présente espèce 9 ⎯, le Liechtenstein leur aurait donc dit que la convention sur
le règlement violait ses droits d’Etat neutre. L es alliés auraient répliqué que c’était totalement
absurde ⎯la convention vise l’Allemagne, non les Etat s neutres comme le Liechtenstein. Voilà
qui en dit long sur la convention du règlement en tant qu’élément déclencheur du différend —en
8
C.I.J. Recueil 1960, p.25. Comparer les CR2004/26, p.15, pa r.20 (Frowein) et CR2004/25, p.26-27,
par. 30-31 (Crawford).
9
CR 2004/26, p. 10, par. 7 (Läufer). - 5 -
tant que fait générateur! Il nous faut revenir à la situation ou au fait évident, c’est-à-dire aux
décisions prises par l’Allemagne à partir de1995, qui furent à l’origine du différend et qui se
trouvent au cŒur de ce différend dont l’existence est à présent admise.
Troisième exception préliminaire : le différend ne relève pas de la compétence nationale de
l’Allemagne
7. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, que l’Allemagne soit passée des
décrets Beneš à la convention sur le règlement ⎯c’est l’un des infléchissements que nous avons
constatés hier— crée de sérieuses difficultés en ce qui concerne la troisième exception
préliminaire, celle qui porte sur la compétence nationale. La thèse de l’Allemagne semble à
présent s’articuler principalement autour de l’id ée qu’elle n’avait pas le choix en raison de la
convention sur le règlement ⎯convention qui réglait effectiv ement la question. Les trois
11 Puissances alliées auraient forcé l’Allemagne à la signer, pour payer l’indépendance retrouvée
après la guerre. L’Allemagne en avait, selon M. To muschat, «reçu l’ordre» et n’avait donc pas le
10
choix .
8. Que vous jugiez cette ligne de défense plausi ble ou non, elle est totalement incompatible
avec la revendication de la compétence nationale . Comme M.Blumenwitz l’a montré mercredi,
l’argument de la compétence nationale est définitivement écarté lorsque l’importance provisoire
d’un titre juridique international pour un différend es t démontrée. Et l’argument sera encore plus
fermement exclu lorsque le titre est invoqué par le défendeur lui-même, l’Etat qui précisément
soulève l’exception préliminaire. Un plaideur ne peut tout simplement pas, d’un même élan, ou
dans la même phase d’une affaire, dire à la fois que le différend relève de la compétence nationale
et que lui-même a été tenu d’ag ir comme il l’a fait en vertu d’un traité. Invoquer un traité comme
moyen de défense équivaut à en admettre la pertinence. Les deux arguments s’excluent l’un
l’autre.
9. Comme je parle de la convention sur le rè glement, je ferai encore deux autres remarques
pour répliquer aux exposés d’hier.
10
CR 2004/26, p. 22, par. 10 (M. Tomuschat). - 6 -
10. Premièrement, les arguments présenté s par l’Allemagne sembleraient vouloir
sous-entendre que le Liechtenstein se concentre de manière restrictive sur le terme «réparations»
qui figure au paragraphe 1 de l’article 3 du chap itre 6 de la convention sur le règlement et non sur
le membre de phrase «en raison de l’état de guerre» 11. Pour commencer, il va sans dire que la
définition qui s’énonce «avoirs allemands à l’ét ranger» s’applique à tous les éléments du
paragraphe 1 de l’article 3. Mais , de toute façon, le Liechtenstein a, tout au long de la procédure,
considéré le paragraphe1 de l’ article3 dans son ensemble. Le passage entier figure dans notre
requête et dans notre mémoire, et nous c itons systématiquement l’expression en entier 12. En outre,
13
il est évident que la formule «état de guerre» , dans la convention sur le règlement, a trait aux
relations avec l’Allemagne, vis-à- vis de laquelle les règles applicables en temps de paix ont été
suspendues. Ces règles n’ont jamais été susp endues en ce qui concerne le Liechtenstein.
L’alinéa c) du paragraphe3 ∗ fait expressément mention des Etats neutres, alors qu’en l’espèce, il
est question de biens allemands situés en territoire neutre et non de biens neutres en territoire allié,
comme, par exemple, le territoire de la Tchécoslovaquie.
12 11. Deuxièmement, nous avons montré dans nos écritures comment les plus hautes autorités
allemandes ⎯je dis cela avec le plus grand respect ⎯ privilégient une interprétation raisonnable
de la convention sur le règlement et non la clause fourre-tout servant de faux-fuyant que
l’Allemagne veut y voir aujourd’hui. Comme l’a souligné M.Tomuschat dans la revue
Heidelberg, la référence à l’«état de guerre» avec l’Allemagne doit être systématiquement
interprétée à la lumière de la convention dans son ensemble, y compris l’article1 du
chapitreneuvième. M.Tomuschat a déclaré —je ci te notre traduction, à partir de l’allemand, de
cet article paru dans la revue Heidelberg :
«la guerre au sens de conflit armé a pris fi n avec la capitulation du 8mai1945. En
raison du lien organique qui est systématique entre les différentes sections de la
convention sur le règlement, il faut suppo ser que c’est avec le même sens qu’est
employé le terme qui constitue la base de l’article3 du chapitreVI de la convention
sur le règlement… [E]n aucun cas, cette di sposition [«en raison de l’état de guerre»]
11
CR 2004/25, p.32, par. 3 (Blumenwitz), citant les Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc,
1923, C.P.J.I. série B n p. 26.
12
CR 2004/26, p. 22, par. 10 (Tomuschat). Voir aussi ibid., p. 9, par. 5 (Läufer);ibid., p. 12, par. 7 (Frowein).
13Requête, par. 17; ML, p. 8, par. 3; p. 54, par. 3.2.
∗ Note du traducteur : il s’agit sans doute, comme précédemment, du paragraphe 1 de l’article 3. - 7 -
ne saurait être considérée comme une clause de non-objection applicable en
permanence qui obligerait la République fédérale d’Allemagne à accepter comme
sacro-sainte toute mesure prise à l’égard de biens qui pourrait d’une manière ou d’une
autre s’expliquer par la seconde guerre mondiale.» 14 [Traduction du Greffe.]
A titre anecdotique, je signale que l’éminent au teur poursuit en disant que l’Allemagne a des
réclamations à faire valoir à l’encontre des autorités tchécoslovaques et que les autorités
tchécoslovaques ont des réclamations à faire valoir à l’encontre de l’Allemagne. Il conclut:
«Personne ne peut actuellement ⎯ ce texte fut publié en 1996 ⎯ évaluer avec un quelconque degré
de fiabilité quelles réclamations ont un poids supérieur à celles de l’autre partie.» 15
12. Aux fins de la présente espèce cependant , il faut retenir que l’Allemagne, dans son
second tour de plaidoiries, tire argument de la convention sur le règlement (quoique son
interprétation de la convention prête éminemment à controverse, relève manifestement du fond et
que les conseils de l’Allemagne ou bien les con seils et l’agent de l’Allemagne, en leurs qualités
diverses, ne parviennent même pas à s’entendre su r ladite interprétation), et que cette question
d’interprétation, à elle seule, en soi, exclut que l’Allemagne puisse tirer argument de la compétence
nationale.
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je me suis conformé à l’injonction
que vous nous avez adressée à la fin de la dernière audience. Je vous remercie de l’attention que
vous avez accordée à ma brève intervention. Je vous prie maintenant de bien vouloir donner la
parole à M. Pellet qui traitera des exceptions préliminaires 4 à 6.
Le PRESIDENT: Merci beaucoup, Monsieur Crawford. Je donne à présent la parole à
M. Pellet.
13 Mr. PELLET: Merci, Monsieur le président.
2. Reply of Liechtenstein to Germany’s Preliminary Objections Nos. 4-6
Mr. President, Members of the Court,
14C.Tomuschat, «Die Vertreibung der Sudetendeutschen ⎯ Zur Frage des Bestehens von Rechtsansprüchen
nach Völkerrecht und deutschem Recht» [«L’expulsion des Allemands des Sudète s en 1945 et la confiscation de leurs
biens ⎯ Evaluation de la licéité des me sures prises à l’époque ela position juridique actuelle»], Zeitschrift für
ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, vol. 56 (1996), p. 56 (traduction anglai se fournie par le Liechtenstein),
citée dans les observations du Liechtenstein, app. 1, par. A17.
15Ibid., p. 68. - 8 -
1. I am faced with a cruel dilemma: e ither I comply with the recommendations you
addressed to the Parties at the end of Wednesday’s hearing, Mr. President, and I keep to the points
that “still divide” them at the current stage of the proceedings ⎯ that is to say to the Preliminary
Objections, and we would then have no difficulty in fini shing within the time allowed; or else I
could respond to the invitation Germany has given us to discuss the case on the merits ⎯ as it has
done itself; and, in that case, I am afraid, Mr. President, that your slip of the tongue yesterday may
have been premonitory and we will have to stay here until 11.30p.m. (at least) ⎯ you did say
“11.30 p.m.” ⎯ because, with respect to the merits, the Parties are divided on everything, very
deeply so.
2. However, we have not yet reached that point and, in truth, since our German friends spoke
yesterday about nothing other than the merits, I could almost stop there ⎯ which would doubtless
be going further even than your appeal for brevity, or indeed the undertaking that Mr. Crawford has
just imprudently given on my behalf . . . Neverthe less, I feel that, if not indispensable, it would at
least be helpful precisely to show how Germany has, in reality, only addressed the merits of the
case. In an attempt to keep Professo r Crawford’s promise, I will do so briefly with respect to each
of the three questions with which I have to deal:
⎯ the allegedly inadequate substantiation of the Application;
⎯ the question of the exhaustion of local remedies;
⎯ the objection based on the “necessary parties” rule.
I will begin with that third point.
I. The German objection based on the absence of the Czech Republic from the proceedings
3. Mr.President, between Monday and yesterday, Germany has substantially modified the
thrust of its argument as to the reasons which s hould impel you to find Liechtenstein’s Application
inadmissible on the ground that an indispensable th ird party, the Czech Republic, is absent. It is
now basing its argument exclusively on Article 3, paragraph1, of the 1952 Convention, as
amended in 1954 (for the sake of brevity I will re fer to the “1954 Convention”), which allegedly
14 precludes German courts from adjudicating on wh at are to be understood as “German assets” - 9 -
within the meaning of that provision. German y is thus obliged to manufacture a “chain of
causality” ⎯ a chain of a somewhat “zigzag” nature:
⎯ point of departure: the 1954 Convention, wh ich precludes German courts from entertaining
reparation issues;
⎯ flashback: to the 1945 Decrees, which involve reparation issues;
⎯ flash forward again: return to the Conventio n, but as analysed in 1995, and never before:
therefore the German courts can do nothing with respect to the consequences of those Decrees.
4. All of this is a matter for the merits: th e very question that Liechtenstein has submitted to
the Court on the merits is precisely whether Germany is legally entitled to shelter behind the
1954Convention so as to have the Liech tenstein property caught by Article3 ⎯ that is to say,
however Germany may have put it, by the repara tions régime. Up to 1995, Germany had said it
could not do so ⎯ or, let us say, for the sake of argument, that it had taken no position on the
matter. But now it says it can. To determine whether it is right, the zigzag ⎯ the flashback to
1945 ⎯ is unnecessary: regardless of the scope of the Beneš Decrees, that assimilation of
Liechtenstein property with German property constitutes a breach ⎯ a material breach ⎯ of the
sovereignty of the Principality, thus denying its very existence as a State and calling into question
its neutrality.
5. The Czechoslovak decrees may well also be vitiated by illegality (and, in truth, there is no
doubt about this in Liechtenstein’s view); it is po ssible that they are vitiated for the same reasons,
or for different reasons; or partly for similar reasons and partly for different reasons, which is
probably the case. But you are not called upon to d ecide that, any more than the German courts
were in adopting the position challenged by Liechtenstein. That is not a preliminary question, it is
a different question ⎯ and, as I showed on Wednesday, a “mor e different” question than was that
of Australia’s responsibility in the Nauru case compared with the responsibility of the United
15 Kingdom and New Zealand 16. Perhaps the Court will one day be seised of that different question;
today it is not.
16
CR 2004/25, p. 58, para. 24. - 10 -
6. Once again, the question that is before you, Members of the Court, is not whether or not
Czechoslovakia acted in accordance with interna tional law, but whether Germany was legally
entitled to adopt the same position with respect to Liechtenstein properties as that which it has
adopted (doubtless quite correctly) vis-à-vis Germ an property, to which it has assimilated the
Liechtenstein property since the 1995 decision. If so, we will lose on the merits, and if not, we will
win. But one thing is certain: you do not have to settle any preliminary question ⎯ or “question
17
préjudicielle” ⎯ in order to consider that question, the only one raised by Liechtenstein’s
Application.
18
7. Germany criticized us as some length for seeking to place the Beneš Decrees “on ice” .
That is where we will be leaving them, legally sp eaking: they constitute important facts for an
understanding of the context of the case; but their validity is not in issue and only if it were would
Czechoslovakia’s successor States be “necessary parties”. That is not the case.
II. The question of the exhaustion of local remedies
8. With your permission, Mr.President, I shall now turn to the objection which Germany
seeks to base on the alleged non-exhaustion of local remedies. Here again, I have little to add to
19
what was said by ProfessorHafner the day before yesterday , and for the same reasons:
ProfessorTomuschat made the same mistake as ProfessorDupuy in confusing preliminary issues
with issues relating to the merits. But let me first make a comment.
9. It seems to me that the very premises of this objection are skewed: the case brought
before the Court by Liechtenstein arises from th e failure of a local remedy, which led to an
effective denial of justice despite the excellenc e of the German system “for the protection of
individuals against any infringement of their ri ghts by governmental authorities”, boasted of ⎯
20
16 quite justifiably on the whole ⎯ by Professor Tomuschat . That system has nevertheless been
found wanting in the specific context which concerns us here: a miscarriage of justice has indeed
1CR 2004/26, p. 33, para. 17 (Dupuy).
18
CR 2004/26, p. 31, para. 14 (Dupuy).
19
CR 2004/25, pp. 42-49, paras. 1-26.
2CR 2004/26, p. 25, para. 4. - 11 -
been perpetrated, “founded”, so to speak, on the application ⎯ an erroneous application ⎯ of a
provision of a convention to which Liechtenstein is not a party.
10. It is because the Prince of Liechtenstein, acting in his capacity as a private person, fell
foul of a categorically negative response (a “Nein”!) on the part of all the German courts which he
was able to seise of the matter (and which he di d in fact seise), that Liechtenstein filed an
application with this Court. Contrary to what Germany claims, it is thus because the remedies have
been exhausted that we are here today. And they were exhaus ted by the Liechtenstein national
most seriously affected (and likely to be so in the future) by the new German position, as it is his
own property which for the most part has been co nverted into war reparations at the behest of
Germany. In quantitative terms, the interests of the other Liechtenstein nationals, without being
negligible, are much less substantial. Certai nly, as my distinguished opponent and friend has,
21
moreover, consistently acknowledged , Prince HansAdamII cannot be accused of not having
exhausted local remedies in the Pieter van Laer Painting case, which ⎯ it should not be
forgotten ⎯ while not constituting the substance of th e Application before this Court, is
nonetheless an element of it.
11. That said, over and above the case of the painting, I note that yesterday Mr. Tomuschat
also conceded that, in any event, if the issue were again submitted to a German court, the decision
would be the same 22: the court would again take refuge behind the 1954 Convention; it would
again characterize the Liechtenstein assets at issue as German assets; it would again perpetrate the
same miscarriage of justice and would again commit the same violation of the rights of
Liechtenstein, not only “its right to ensure, in th e person of its subjects, respect for the rules of
international law” 23, but also its own rights as a sovereign State seeking to preserve its neutrality.
17 12. This has two consequences, Mr.President. In the first place, it would be pointless to
exhaust other local remedies: such proceedings would offer “no reasonable possibility of effective
redress”, to use the language of Article16 (a) of the Draft Articles on “exceptions to the local
2CR 2004/24, p. 39, para. 109, p. 58, para. 148, or CR 2004/26, p. 26, para. 7.
22
CR 2004/26, p. 22, para. 11; see also p. 26, para. 8.
2P.C.I.J., Judgment of 30 August 1924, Mavrommatis Palestine Concessions, Series A, No. 2, p. 12, - 12 -
24
remedies rule” recently adopted on first reading by the International Law Commission. Secondly,
and in any event, this rule, if it were to be a pplied, would concern only the question of reparations
due for damage suffered by Liechte nstein nationals, excluding direct ⎯ or to be more precise ⎯
“immediate” injury suffered by the State itself. Such immediate injury is preponderant in this case,
25
as was shown on Wednesday by my friend GerhardHafner . In such circumstances, local
remedies do not have to be exhausted, even in the case of individual claims 26.
13. It is true that the citizens of a State have an interest in respect for the sovereignty and
neutrality of their country. Even so, the responsib ility for ensuring such respect lies with the State
itself. Through the court decisions in the Painting case, decisions endorsed (unreservedly) by the
executive and, in particular, by the German diplomatic service in discussions with the Liechtenstein
authorities, Germany treats the property of Liechtenstein nationals as “German assets”; it is indeed
the sovereign rights of the State which are the issu e. And it is those rights which the Principality
asks you, first and foremost, Members of the Court, to enforce.
14. In so doing ⎯ and I cannot help returning to this point ⎯ you do not have to, and you
should not, rule on “the confiscation campaign undertaken by the Czechoslovak Republic”, as is
claimed by Mr. Tomuschat 27. Only Liechtenstein’s rights vis-à-vis Germany are at issue.
15. I would add that I find of great interest the observation by that same counsel for
Germany at the end of yesterday’s oral proceedi ngs, when he conceded that “Liechtenstein is
28
18 admittedly entitled to compensation according to the rules of international responsibility” . But
this, Members of the Court, is precisely what it asks of you! It has the right to be compensated for
the damage suffered by its nationals, but also ⎯ and primarily ⎯ for the damage which it has itself
suffered. And there can be no doubt that this injury falls to be char acterized not just as
non-material damage (a category of fundamental importance), but also, as material damage: the
property of its nationals is now deemed to be war reparations, not susceptible of compensation. As
24ILC Draft Articles on Diplomatic Protection, Doc. A/CN.4/L.647, 24 May 2004, p. 6.
25CR 2004/25, pp. 43-45, paras. 6-11.
26
Article 15 of the ILC Draft Articles on Diplomatic Protection, doc. A/CN.4/L.647, 24 May 2004, p. 6.
27CR 2004/26, p. 27, para. 9.
28Ibid. - 13 -
29
AmbassadorMarxer incidentally stated the other day ⎯ but I see no harm in remaking the
point ⎯ the Czech Republic lost no time in drawi ng the appropriate conclusions: in 1999, it
refused to respond to the Liechtenstein claims concerning the confiscations of 1945, because those
claims “were dealt with in the past by the Czech and German courts, the proceedings of which . . .
resulted in verdicts rejecting the clai ms raised by the Liechtenstein party” 30. In other words, the
new German position destroys any chances Liechtenst ein might have had of securing a review, by
the successors of the former Czechoslovakia, of their refusal to provide compensation ⎯ even
though such refusal was not and could not be b ased on the reparations régime: you heard a little
while ago from JamesCrawford what Chris tianTomuschat had written on this subject in
connection with the assets of the Sudeten Germans 31 ⎯ and he is not the only one. And this can be
extrapolated, a fortiori, to the Liechtenstein property.
16. It goes without saying, moreover, that the extent of Germany’s responsibility and the
forms and amount of the reparation are merits issues par excellence.
III. The allegedly inadequate substantiation of the Application
17. Mr.President, in the first part of hi s statement yesterday Pr ofessor Tomuschat again
devoted a lengthy discussion to the allegedly in adequate substantiation of Liechtenstein’s
32
Application . With all the respect I owe him ⎯ and do genuinely feel! ⎯ this, the fourth,
19 Preliminary Objection of Germany was not worth so much effort. As my friend and colleague
33
Professor Bruha showed so clearly on Wednesday , the Application fully meets the requirements
of the Statute and Rules of Court ⎯ which our opponents admit from the start 34 ⎯ and, if Germany
is not convinced of the merits of the Application, then it will be for it to sway you to its view when
we come to the merits stage.
29
CR 2004/25, p. 10, para. 7.
30
Written Reply of the Czech Republic, dated 26May 1999, to the statement of the Principality of Liechtenstein
of 25 May 1999 (EF.DEL/57/99), Memorial of Liechtenstein (hereafter “ML”), Vol. III, Ann. 44, p. A495.
31
“Die Vertreibung der Sudetendeutschen ⎯ Zur Frage des Bestehens von Rechtsansprüchen nach Völkerrecht
und deutschem Recht”, Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, Vol. 56, 1996, pp. 1-69.
32CR 2004/26, pp. 19-24, paras. 1-17.
33CR 2004/25, pp. 36-42, paras. 1-18.
34CR 2004/26, p. 19, pa. 2. - 14 -
18. Mr. Tomuschat complains, ardently and voci ferously, that we on this side of the Bar all
repeat the same formula, harping on the fact that Germany has “included the Liechtenstein property
in the war reparations scheme”; he claims to discer n a “concerted strategy” in this formula. I pay
tribute to his perspicacity: this is a concerted strategy! But a strategy which, quite simply,
corresponds to reality: the German courts, and later German diplomats acting on behalf of the
German Government, did . . . “include the Liechtens tein property in the war reparations”. “It is as
simple as that”, as James Crawford would say!
19. Professor Tomuschat does not, of course, admit defeat. “Okay”, he tells us in substance,
“the German courts have refused to rule on the Prince of Liechtenstein’s claim, but they were
unable to do so: they were prevented by Ar ticle3 of the Settlement Convention”. This
non possumus is, moreover, the leitmotif, the “Delphic refrain” 35, of the German side because we
36 37 38
also hear it, with little variation, from the mouths of Messrs. Läufer , Frowein and Dupuy .
Assuredly, a “concerted strategy” ⎯ but a strategy . . . how can I put this? . . . of half-truths. True,
the German courts did rely on this provision in re fusing to rule on PrinceHansAdamII’s claim.
But consideration must also ⎯ must above all ⎯ be given to the meaning of that provision and the
implications of that refusal.
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20 20. ProfessorFrowein was certainly right to reread paragraph1 of Article3 . I shall also
take my turn at doing so ⎯ commenting on it as necessary ⎯ so as to give us a more complete, and
hence more accurate, view of matters:
⎯ “the Federal Republic shall in the future rai se no objections against the measures which have
been, or will be, carried out . . .” ⎯ this undertaking was the basis on which the German courts
rejected the Prince of Liechtenstein’s claim concerning the Pieter van Laer painting and it is the
applicability of this undertaking to the Li echtenstein assets (wherever they may be,
moreover...) which the Principality disputes, because that undertaking does not cover, and
cannot cover, those assets;
35CR 2004/26, p. 21, para. 6 (Mr. Tomuschat).
36CR 2004/26, p. 9, para. 5 (Mr. Läufer).
37
CR 2004/26, p. 12, paras 7-8, p. 14, para. 17 (Mr. Frowein).
38CR 2004/26, pp. 29-30, paras. 8-9, p. 32, para. 15 (Mr. Dupuy).
39CR 2004/26, p. 12, para. 6. - 15 -
⎯ these are obviously not “German external assets”; that is clear; they are Liechtenstein, not
German, assets;
⎯ nor are they “other property seised for the purpose of reparation or restitution”; I showed that
40
much the day before yesterday and have not been contradicted;
⎯ they cannot have been seized “as a result of th e state of war”: there was no “state of war”
between Liechtenstein, which was neutral, and Czechoslovakia;
⎯ nor can Germany invoke an agreement between th e three Powers and a neutral country: there
is no such agreement with the Principality.
21. Naturally, Mr. President, I could discuss each of these points at length, and Liechtenstein
has indeed done so in its Memorial, but we are obvi ously not at the merits stage and I do not wish
41
“to succumb to the [German] siren-song” by discussing the merits prematurely (even if, as I
believe, “The Little Mermaid” [La petite sirène] is by Andersen, not the Brothers Grimm . . .). All
that matters at this stage for purposes of Germa ny’s fourth Preliminary Objection is that the
Applicant has, more than adequately, shown that its Application raises genuine legal issues in a
dispute between it and the Respondent, if only as far as the interpretation of the 1954 Convention is
concerned, and that the Court would fail in the mission assigned to it by Article 38 of its Statute if
it refused to settle that dispute.
21 22. “Very well,” continues Mr.Tomuschat, “but the German courts confined themselves to
respecting the international obligations deriving from Article3 of the Convention.” First,
Liechtenstein is not bound by the Convention either as a party or as a belligerent ⎯ assuming that
this “status”, if it is one, could suffice; Article 3 may perhaps have been adopted “for the benefit of
the victorious Allied Powers, including the former Czechoslovakia” 42, but certainly not for the
benefit of Liechtenstein, which does not fall into the category of “victorious Allied Power” and
which is not bound by the Convention. Next (assuming that the Convention could nonetheless be
applied), the non possumus of the German courts can only be explained by the treatment of
Liechtenstein assets as German assets, which they clearly are not ⎯ unless the notions of German
4CR 2004/25, p. 56, para. 19, p. 59, para. 26.
41
CR 2004/26, p. 31, para. 14 (Dupuy).
4CR 2004/26, p. 23, para. 13 (Tomuschat). - 16 -
“nation” or “race” are given a meaning which we would like to think has become a thing of the
past. Liechtenstein would not dream for a minute of accusing present-day Germany, which so
unfailingly demonstrates its attachment to democratic principles, of taking that view. But then the
conclusion is inescapable: by applying the Convention to Liechtenstein property, the German
courts were wrong in their interpretation of it and it is for you, Members of the Court, to find as
much because that is compatible neither with Li echtenstein’s sovereignty nor with its neutrality
during the war. This satisfactorily answers the questions posed in fine by our opponent:
⎯ “First, what is the internationally wr ongful act that Germany has allegedly
committed?
43
⎯ Second, what legal principles or rules has Germany allegedly violated?”
23. “Not so fast”, Professor Tomuschat then tells us:
“I have three other questions to ask you: (1)Where is the damage? (44The
German courts adopted a purely ‘passive’ attitude (‘pure passivity’) ; how can their
refusal to adjudicate on the Prince’s application in the Painting case have any effect
on the other property of Liechtenstein nati onals that has remained in the Czech
Republic? (3)How can the neutrality of a State during the Second World War be
violated today?”
24. I will finish by addressing those three qu estions, Mr. President, even though I am bound,
once again, to emphasize that the answers are really matters for the merits. I will do so out of
22 courtesy for Germany and to put paid to the accusation ⎯ astonishing as it is ⎯ of “inadequate
substantiation”. But I will do so briefly out of courtesy for the Court and for James Crawford, so as
to remain within the logical confines of the Pr eliminary Objections, which our German friends
seem to be stretching well beyond their limits.
25. The first question: “Where is the damage ?” Quite frankly, the question is not a serious
one. We have repeatedly stated: Germany has qu ite directly infringed Liechtenstein’s sovereignty
by regarding as “German” the property of its nationals; at the same time, it has impugned
Liechtenstein’s neutrality. That is quite sufficient to establish that the Princi pality has, as a result,
suffered very serious damage, at the very least in moral form ⎯ and it will be up to the Court to
decide on the reparation for that damage.
43
Ibid., p. 23, para. 15.
44
Ibid., p. 23, para. 14. - 17 -
26. But that is not all: the damage is also mate rial and concrete. First, of course, there is the
van Laer painting, which Germany should not have regarded as a war reparation falling outside the
jurisdiction of its courts. But the pecuniary da mage goes far beyond that: as I said just now, the
Czech Republic has already “appropriated” that regr ettable precedent in order to “recharacterize”,
so to speak, the Beneš confiscations, thus furthe r compromising the chances of a settlement with
Czechoslovakia’s successor States. And why should we be told that this “turns them into”
necessary third parties? That is simply a direct consequence of Germany’s new position. For the
purposes of the present case, that is merely a fact that will, once again, have to be taken into
account when the Court comes to assess the form a nd amount of the reparation. In any event, as
Liechtenstein showed in its Memorial, Germany h as unjustly enriched itself by the sole fact of
45
assimilating Liechtenstein property to German assets for the purposes of war reparations . Those
are sufficient answers, at least at this stage, to the second question.
27. There remains the third question, Mr.President: “How could Germany, 50years after
the Second World War, possibly have violated Liechtenstein’s rights as a ‘neutral’ State?” 46 Apart
from having to distinguish between the source and the violation of the obligation, as
James Crawford pointed out just now, the answer is quite simple; it is the answer to any form of
revisionism: because, by assimilating Liechtenstein property to German assets, Germany is
23 denying a historical and proven fact ⎯ a source of legitimate pride for Liechtenstein and its people:
the Principality did remain neutral and free throughout the wa r, despite the obstacles and despite
the difficulties. It is entitled to invoke that f act and its consequences should be taken into account,
in particular with respect to the fate of its nationals’ property.
28. Germany has complained that we “keep singing the same song” 47. It is a song that I do
not believe it wishes to hear. There are none so deaf, Mr. President, as those who do not wish to
hear. Liechtenstein is convinced that the Court will listen to it more attentively.
45ML, pp. 155-161, paras. 6.35-6.52.
46
CR 2004/26, p. 23, para. 14 (Tomuschat).
47Ibid., p. 24, para. 16. - 18 -
Members of the Court, I would like to thank you very much for your attention and I would
ask you, Mr. President, kindly to give the floor to Mr. Goepfert, Agent of the Principality, for some
brief conclusions.
Le PRESIDENT: Merci, MonsieurPellet. Je donne maintenant la parole à M.Goepfert,
agent du Liechtenstein.
M. GOEPFERT :
3. Observations finales et conclusions
1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, il m’appartient à présent de
mettre un terme au second tour de plaidoiries au nom de la Principauté de Liechtenstein.
2. La plupart des propos tenus hier par la délé gation allemande ne concernaient que le fond.
Pour ma part, je m’efforcerai de ne pas suivre mes éminents collègues allemands sur cette voie
dans les quelques observations sur leurs interven tions d’hier que je vais faire en guise de
conclusion.
3. Force est de constater qu’hier l’Allemagne a plusieurs fois infléchi sa position. Le
premier infléchissement concerne les exceptions préliminaires de l’Allemagne ayant trait à la
portée du différend et à l’ouverture de voies de recours internes. L’Allemagne a créé l’impression
que l’instance introduite par le Liechtenstein mé rite d’être rejetée au stade des exceptions
préliminaires au motif qu’elle ne porte que sur un simple tableau. L’Allemagne avait-elle invoqué
sérieusement cet argument ? S’il subsistait des doutes, ils ont été levés hier. Vous l’avez entendu
de la bouche de M. Tomuschat : «[b]ien sûr, si demain un autre tableau confisqué en 1945-1946 par
24 les autorités tchécoslovaques était découvert et re vendiqué par son ancien propriétaire, la position
juridique serait la même» 48. C’est ce qu’allègue le Liechtenstein depuis le début 49, mais vous en
avez désormais la confirmation de la part de l’Etat concerné ―le seul protagoniste
indispensable ― l’Allemagne.
48
CR 2004/26, p. 22, par. 11 (Tomuschat).
49
Voir par exemple ML, par. 6.10. - 19 -
4. L’autre infléchissement que nous avons c onstaté est que l’Allemagne s’intéresse non plus
50
aux décrets Beneš mais à la convention sur le règlement. Dans ses exceptions préliminaires ,
l’Allemagne souligne que «ce qui se trouve en réalité au cŒur de la présente espèce est la saisie de
certains biens liechtensteinois opérée en vertu des décrets Beneš» adoptés par la Tchécoslovaquie.
Depuis hier, c’est la convention sur le règlement im posée par les Alliés, et en particulier la règle
d’abstention prétendument immuable énoncée à l’ar ticle3 du chapitre sixième, qui se trouve au
cŒur du différend. On a l’impression que l’ Allemagne modifie l’année où s’applique son
exception ratione temporis , qui passe de1945 à1955, puis e lle dit que les tierces parties
indispensables mais absentes sont les Alliés, et non plus la République tchèque et la République
slovaque, et enfin elle remanie de fond en comble ses principales exceptions préliminaires.
5. La position du Liechtenstein , quant à elle, reste la même. C’est seulement en1995 que
l’Allemagne a appliqué pour la première fois la règle d’abstention pour assimiler des biens
liechtensteinois manifestement neutres à des biens allemands au titre ― et c’est important ― de la
convention sur le règlement.
6. L’Allemagne ne peut avoir raison lorsqu’e lle dit que les Alliés lui imposèrent de ne pas
exercer sa compétence même à l’égard des différends portant sur des biens neutres qualifiés
d’avoirs allemands à l’étranger confisqués ― que l’Allemagne était «pieds et poings liés», comme
l’a dit le professeur Dupuy. On ne saurait admettre que la convention sur le règlement ne laisse
même pas la porte entrebâillée pour laisser pénétrer le bon sens et le droit international. Or l’un et
l’autre interdisent à l’Allemagne de disposer des biens d’un Etat neutre et de ses ressortissants à
titre de réparation, de restitution ou de toute autre forme de spoliation en raison de l’état de guerre.
Comme M.Crawford l’a déjà indiqué, cette pos ition n’est pas même confortée par la doctrine
allemande, pas même dans les éminents travaux de M. Tomuschat qui sont publiés.
7. Même si nous admettons un instant, pour l es besoins de l’argumentation, que l’Allemagne
était d’une façon ou d’une autre fondée à dire, aux dépens du bon sens et du droit international, que
les Alliés entendaient bien appliquer l’article 3 du chapitre sixième de la convention sur le
25 règlement même aux biens neutres qualifiés d’avoirs allemands à l’étranger confisqués, la
50
EPA, par. 51. - 20 -
délégation allemande a hier à nouveau omis un él ément essentiel à cet ég ard. Les Alliés ne
considéraient pas cette façon de procéder co mme un bienfait dont l’Allemagne pourrait jouir pour
toujours. Il ne faut absolument pas oublier que l’article5 de ce même chapitre sixième a fait
obligation à l’Allemagne d’indemniser les propriétaires de tous les biens confisqués rentrés dans le
champ de l’article 3 à titre de répa rations de guerre, de restitutions ou de spoliations. L’article 5 a
été supprimé lors de la négociati on, en1990, du traité «Deux-pl us-Quatre», mais l’obligation de
droit international qu’il exprimait subsiste.
8. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je reconnais m’être aventuré
assez loin dans des questions d’interprétation de tra ités et de droit international matériel, questions
qui relèvent normalement du fond. Mais c’est l’Allemagne qui a prématurément introduit ces
questions au stade des exceptions préliminaires, et j’espère que la Cour me pardonnera d’avoir
succombé à la tentation de les développer quelque peu pour y répondre.
9. J’en reviens aux exceptions préliminai res de l’Allemagne pour faire une dernière
observation. Mon éminent collègue, M.Läufer, a dit de nouveau hier que « [l]e Liechtenstein ne
51
clarifie ni les faits, ni la base de droit international sur laquelle sa demande repose» . Au
contraire, si l’on s’en tient aux critères minimaux requis au stade des exceptions préliminaires, la
thèse du Liechtenstein est sans ambiguïté. En voici les éléments principaux :
⎯ premièrement, depuis1995, pour la première fois, les juri dictions allemandes et le
Gouvernement fédéral allemand traitent les biens liechtensteinois confisqués en application des
os
décrets Beneš n 12 et108 comme des «avoirs allemands à l’étranger ou d’autres biens saisis
au titre des réparations» au sens de l’article 3 du chapitre sixième de la convention sur le
règlement. Ce comportement ne tient pas comp te du fait que le Liechtenstein jouit du statut
d’Etat neutre, non-belligérant, ni du fait que les décrets Beneš n os12 et 108 furent adoptés dans
l’intention expresse de promouvoir la justice sociale et la réforme agraire;
⎯ deuxièmement, la Tchécoslovaquie (aujourd’hu i la République tchèque et la République
slovaque) n’a joué aucun rôle dans cette question du classement des biens liechtensteinois ainsi
pratiqué par l’Allemagne;
51
CR 2004/26, p. 8, par. 1 (Läufer). - 21 -
26 ⎯ troisièmement, un principe fondamental de dr oit international interdit de traiter les biens
neutres comme des réparations de guerre et de les «saisi[r] en raison de l’état de guerre»;
⎯ quatrièmement, le fait que l’Allemagne a traité des avoirs liechtensteinois comme des avoirs
allemands à l’étranger au sens de la convention su r le règlement a, quels que soient les autres
préjudices qui ont pu être occasionnés de ce fait, causé un préjudice moral à la Principauté de
Liechtenstein;
⎯ enfin, l’Allemagne entend ne jamais verser de dommages et intérêts. Qu’elle soit peut-être
tenue de le faire une fois le jugement déclara tif rendu, manifestement el le s’en occupera plus
tard.
10. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je tiens, au nom de l’ensemble
de notre délégation, à vous remercier de votre ai mable attention. Nous exprimons également notre
reconnaissance au greffier et à ses collaborateurs, ainsi qu’aux interprètes.
11. Pour les motifs développés dans ses observa tions écrites et durant la procédure orale, la
Principauté de Liechtenstein prie respectueusement la Cour :
a) de dire et juger que la Cour est compét ente pour connaître des demandes formulées dans sa
requête et que celles-ci sont recevables;
et, en conséquence,
b) de rejeter les exceptions préliminaires de l’Allemagne dans leur intégralité.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Goepfert. La Cour prend acte des conclusions
finales dont vous avez donné lecture au nom de la Principauté de Liechtenstein, comme elle a pris
acte hier de celles de la République fédérale d’Allemagne.
Nous sommes donc au terme de cette sema ine d’audiences consacrées aux plaidoiries des
Parties.
Je tiens à remercier les agents, conseils et avocats pour leurs exposés.
27 Conformément à la pratique, je prie les agents de rester à la disposition de la Cour pour le
cas où celle-ci aurait besoin d’informations supplémentaires. Sous cette réserve, je déclare close la
procédure orale en l’affaire relative à Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne). - 22 -
La Cour va se retirer pour délibérer. Les agents des Parties seront informés en temps utile de
la date à laquelle la Cour rendra son arrêt.
La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.
L’audience est levée à 11 heures.
___________
Traduction