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090-20030303-ORA-01-01-BI
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090-20030303-ORA-01-00-BI
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CR 2003/15 (traduction)
CR 2003/15 (translation)
Lundi 3 mars 2003 à 10 heures
Monday 3 March 2003 at 10 a.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez-vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui pour entendre la réplique orale de la République islamique d’Iran. L’Iran aura la
parole ce matin jusqu’à 13 heures et cet après-midi de 15 heures à 16 h 30 sur ses propres
demandes. Je donne donc la parole à M. Bundy. Monsieur Bundy, vous avez la parole.
M. BUNDY : Je vous remercie, Monsieur le président.
LA PERTINENCE DU CONTEXTE FACTUEL DE L’ESPECE ET LE SOUTIEN
APPORTE PAR LES ETATS-UNIS A L’IRAQ
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, dans la déclaration finale qu’il a
faite mercredi dernier, l’agent des Etats-Unis a affirmé que l’Iran avait réalisé devant la Cour une
«prestation stupéfiante» lors de son premier tour de plaidoiries, en omettant ou en niant des faits
solidement établis, et jugés comme tels par les observateurs avisés qui se trouvaient dans le golfe
Persique (CR 2003/13, p. 45, par. 22.2 (Taft)). S’il y eut «prestation stupéfiante», c’est bien celle
des Etats-Unis qui, tout au long de leurs quatre journées d’exposés, ont systématiquement refusé de
débattre de l’arrière-plan factuel, pourtant fondamental, qui permet de replacer dans leur vrai
contexte toutes les motivations ¾ toutes les motivations ¾ qui animent les Etats-Unis quand ils
attaquent les plates-formes iraniennes, et qui révèle ce qu’étaient leurs véritables intentions pendant
la guerre Iran/Iraq.
2. Un des traits caractéristiques de cette façon de faire est que tous les conseils des
Etats-Unis ont commencé leur récit en 1984, soit quatre bonnes années après le début de la guerre
Iran/Iraq. L’agent a bien reconnu brièvement que l’Iran n’avait pas déclenché la guerre, mais à part
cela, il n’a jamais été fait mention des événements intervenus de 1980 à 1983, ni du soutien patent
que les Etats-Unis ont manifesté à l’Iraq au cours de cette période et par la suite.
3. On voit bien la raison de ce silence. Les Etats-Unis n’ont pas intérêt à rappeler que l’Iran
a été contraint de prendre des mesures de légitime défense par suite d’un conflit dont il n’était
nullement responsable. Les Etats-Unis n’ont pas intérêt à faire savoir à la Cour que leurs propres
preuves documentaires révèlent qu’au cours de cette période, on n’a jamais fait état d’une
quelconque attaque iranienne qui fût dirigée contre les navires des Etats-Unis ou contre des navires
- 3 -
neutres. Les Etats-Unis n’ont pas intérêt à reconnaître que c’est l’Iraq qui a fait naître la guerre
dans le golfe Persique. Et les Etats-Unis n’ont pas intérêt à dire la vérité à la Cour sur ce qu’ils
faisaient pour soutenir l’Iraq pendant cette période.
4. Aux termes de l’agent des Etats-Unis, les actions que l’Iraq a menées pour mettre en péril
la liberté de commerce et de navigation dans le golfe Persique sont «tout simplement dénué[es] de
pertinence en l’espèce» (CR 2003/13, p. 47, par. 22.6 (Taft)). Et pour M. Matheson, l’Iran ne s’est
livré qu’à des «spéculations dénuées de tout fondement» au sujet des motivations des Etats-Unis et
de leurs transactions avec l’Iraq tout au long de la guerre (CR 2003/12, p. 45, par. 18.38
(Matheson)). Je vais répondre à chacune de ces thèses.
*
1. Les attaques de l’Iraq contre les navires neutres et le soutien apporté par les Etats-Unis à
l’Iraq
5. J’en viens aux faits que nos contradicteurs ont passés sous silence.
6. Selon des sources que les Etats-Unis ont eux-mêmes données, depuis janvier 1981
jusqu’en mai 1984, l’Iraq a attaqué jusqu’à cinquante-six navires de commerce dans le golfe
Persique (contre-mémoire, annexe 9). Les attaques de l’Iraq ont causé des dommages
considérables. Par nature, elles frappaient aveuglément; et elles ont porté atteinte à la liberté de
commerce que prévoyait le traité d’amitié, précisément la liberté que les Etats-Unis prétendent
avoir tenté de protéger. Comme l’ont noté des observateurs avisés, la politique de l’Iraq consistait
à «tirer d’abord ¾ identifier ensuite» (mémoire, annexe 15). Un bon nombre de navires iraniens
ont sauté sur des mines iraquiennes; d’autres ont été touchés par des roquettes et des missiles.
7. Les Parties reconnaissent l’une et l’autre que la présente instance concerne les
réclamations formulées en vertu du paragraphe 1 de l’article X, non les réclamations formulées à
l’encontre de l’Iraq. Les Etats-Unis ont cependant insisté sur le fait que leurs intérêts vitaux sur le
plan de la sécurité consistaient à protéger cette liberté du commerce dans le golfe Persique et la
sécurité de leurs navires et de leur personnel (CR 2003/12, p. 38, par. 18.17, 18.25 (Matheson)).
Mais qu’ont fait les Etats-Unis face à ce genre d’attaques unilatérales de l’Iraq ? Rien. Ils n’ont
pas essayé de mettre un terme à ce genre d’attaques qui est précisément celui dont les Etats-Unis
- 4 -
prétendent aujourd’hui qu’il peut justifier un recours à la force armée contre l’Iran. Bref, les
Etats-Unis n’ont rien fait pour protéger ces intérêts auxquels ils accordent aujourd’hui ce caractère
absolument essentiel.
8. En vérité, c’est au moment précis où ces attaques avaient lieu que les Etats-Unis ont
adopté pour politique de soutenir l’Iraq dans son effort de guerre. Les documents produits par les
Etats-Unis révèlent que, pour la seule année 1982, l’Iraq a mené vingt-deux attaques contre le
transport maritime dans le golfe Persique (contre-mémoire, annexe 9). Il n’a pas été fait état
d’attaques iraniennes. M. Beaver n’a signalé aucun de ces faits et a rendu l’Iran responsable de
toutes les attaques dirigées contre des navires neutres. Comment les Etats-Unis ont-ils réagi à ces
attaques ? Tout d’abord, le Gouvernement des Etats-Unis raye l’Iraq de la liste des Etats partisans
du terrorisme, libérant au profit du régime iraquien des centaines de millions de dollars sous forme
de crédits. Ensuite, les Etats-Unis et le président Reagan signent en 1982 une directive portant
décision de sécurité nationale aux termes de laquelle les Etats-Unis vont prendre toutes les mesures
voulues pour empêcher que l’Iraq ne perde la guerre qui l’oppose à l’Iran.
9. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, si vous voulez savoir quels
étaient à l’époque les intérêts des Etats-Unis en matière de sécurité, il vous suffit de regarder cette
directive de sécurité nationale. Comme son intitulé même le démontre, cette directive concernait
précisément ce que les Etats-Unis considéraient comme leurs intérêts en matière de sécurité dans la
région.
10. Les Etats-Unis sont bien résolus à vous empêcher de voir ce document. On peut
imaginer que les Etats-Unis ne veulent pas non plus que la communauté internationale voie ce
document, vu ce qui fait actuellement l’actualité dans la région. Mais nous connaissons la
substance du document parce que son auteur en a exposé la teneur lors d’une déposition sous
serment devant une juridiction fédérale des Etats-Unis. Et ce que dit ce document, purement et
simplement, c’est que les Etats-Unis prendront toutes les mesures voulues pour empêcher que
l’Iraq ne perde la guerre qui l’oppose à l’Iran (réplique, annexe 10; voir aussi l’onglet no
6 dans le
premier classeur du dossier de plaidoiries que l’Iran a soumis à la Cour.)
- 5 -
11. Dans les deux séries de pièces écrites, puis dans leur exposé oral la semaine dernière, les
Etats-Unis n’ont pas nié avoir publié cette directive de sécurité nationale et n’en ont pas non plus
contesté la teneur. S’ils décident de le faire mercredi, alors qu’ils montrent le document à la Cour,
que vous puissiez en juger par vous-mêmes; mais en l’absence de ce document et tant qu’il n’aura
pas été produit, rien ne viendra ébranler la thèse de l’Iran.
12. En 1983, l’Iraq attaque quatorze navires (contre-mémoire, annexe 9). A aucun
moment ¾ aucun moment ¾ on ne parle de la moindre attaque iranienne. Et l’Iraq commence à
utiliser des armes chimiques contre l’Iran.
13. Comment les Etats-Unis réagissent-ils ? En décembre 1983, Donald Rumsfeld rend
visite à Sadam Hussein à Bagdad pour intensifier la coopération bilatérale entre les Etats-Unis et
l’Iraq. Il ne reproche pas à l’Iraq les attaques qu’il mène contre le trafic maritime.
14. Comment, dans ces conditions, est-il possible de prétendre que la politique des
Etats-Unis était motivée par une volonté de protéger le transport maritime dans le golfe Persique,
quand les Etats-Unis n’ont absolument rien fait pour empêcher l’Iraq d’étendre la guerre au Golfe ?
15. Pour bien situer les événements dans leur contexte, permettez-moi de prendre un
exemple précis du comportement de l’Iraq. Le Jane’s Intelligence Review, publication sur laquelle
M. Beaver s’est si largement fondé la semaine dernière, confirme que, le 27 mars 1984, un pétrolier
appelé le Filikon L. est touché par un missile iraquien (demande reconventionnelle, annexe 4).
16. Monsieur le président, le Filikon L. est un pétrolier grec affrété par la Koweït Petroleum
Corporation qui a pris son chargement au terminal pétrolier koweïtien de Mena Al Ahmadi juste
avant d’être frappé par un missile. Nous avons entendu nos contradicteurs spéculer abondamment
sur des missiles iraniens tirés à partir de Mina Al Ahmadi. Mais incontestablement, cette attaque-là
est l’œuvre de l’Iraq. Et elle est dirigée contre un pétrolier appartenant à un Etat prétendument
«ami», ou du moins censé l’être ¾ le Koweït.
17. Comment les Etats-Unis réagissent-ils face à ce genre d’attaques ? Tout d’abord,
en 1984, le vice-président Bush intervient auprès de l’United States Export-Import Bank pour offrir
à l’Iraq des centaines de millions de dollars sous forme de crédits (rapport de M. Freedman,
réplique, vol. II, p. 14-20). Ensuite, en novembre 1984, Tarek Aziz est invité à la Maison-Blanche
afin de rétablir les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et l’Iraq.
- 6 -
18. Pendant tout le reste de l’année 1984, l’Iraq attaque cinquante-deux navires, pas moins
(contre-mémoire, annexe 9). Par ailleurs, le General Council of British Shipping, l’une des autres
sources de prédilection des Etats-Unis, reconnaît que l’Iran a adopté «une approche plus défensive
qu’offensive dans ce qu’il est convenu d’appeler 'la guerre des pétroliers'» (contre-mémoire,
annexe 2).
19. Pendant ce temps, l’Iraq bénéficie du soutien non seulement des Etats-Unis, mais aussi
d’autres alliés. Un rapport présenté en 1987 à la commission des affaires étrangères du Sénat des
Etats-Unis confirme que le Koweït autorisait l’Iraq à utiliser son espace aérien pour des sorties
dirigées contre l’Iran, acceptait d’ouvrir ses ports et son territoire pour le transbordement de
matériel de guerre destiné à l’Iraq et fournissait à l’Iraq des milliards de dollars pour financer
l’effort de guerre iraquien. Ce rapport concluait : «[d]e façon claire et indubitable, le Koweït a pris
parti» (mémoire, annexe 28, p. 37).
20. Avant même de commencer à réimmatriculer des navires koweïtiens, les Etats-Unis se
sont livrés à d’autres provocations consistant à se servir de leurs navires de guerre pour empêcher
l’Iran d’exercer légitimement le droit d’arraisonnement et de fouille.
21. En mai 1986 par exemple, un navire de guerre iranien a hélé le President McKinley,
navire marchand battant pavillon américain, alors que celui-ci transitait dans le golfe d’Oman
(mémoire, annexe 30, p. 550). Un destroyer de la marine américaine qui se trouvait dans les
environs a lancé un avertissement aux Iraniens leur enjoignant de rester à 5 milles du navire
marchand américain, empêchant de ce fait l’Iran d’exercer un droit dont les Etats-Unis
reconnaissent la parfaite légitimité. Cette dénégation des droits fondamentaux de l’Iran en tant
qu’Etat belligérant s’est trouvée exacerbée par la décision prise ensuite par les Etats-Unis de
réimmatriculer et d’escorter les navires qui se rendaient au Koweït. L’Iran a largement exercé son
droit d’arraisonnement et de fouille dans le golfe Persique au cours de la guerre. Mais les navires
de guerre américains ont agi de façon à empêcher l’Iran de vérifier quelle cargaison transportaient
un grand nombre des navires marchands en question.
22. Les Etats-Unis ont voulu défendre leur politique de réimmatriculation qui visait,
disent-ils, à protéger le transport maritime dans le Golfe. Mais ce n’est pas ce que pensait le
président de l’INTERTANKO, l’une des autres sources que les Etats-Unis ont citées la semaine
- 7 -
dernière. En mai 1987, le président de l’INTERTANKO a dit très clairement que la politique de
réimmatriculation de navires koweïtiens mise en œuvre par les Etats-Unis était «plus néfaste que
bénéfique» parce qu’elle avivait les tensions et qu’elle mettait en péril les navires qui ne battaient
pas pavillon américain (contre-mémoire, annexe 1, p. 32). C’est également ce que pensaient
d’autres personnalités haut placées, lesquelles ont observé que la réimmatriculation opérée par les
Etats-Unis ne servait qu’à soutenir l’Iraq, au mépris du fait que c’était précisément l’Iraq qui avait
déclenché non seulement la guerre terrestre, mais également la guerre des pétroliers (mémoire,
annexes 12 et 32). Et pendant ce temps, l’Iraq a continué d’attaquer les navires neutres sans
interruption jusqu’à la fin de la guerre.
*
2. La pertinence du comportement des Etats-Unis
23. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, j’ai projeté à l’écran une
chronologie (qui figure aussi sous l’onglet no
1 de votre dossier) résumant les mesures prises par les
Etats-Unis pour soutenir l’Iraq au cours de cette guerre qui dura huit ans. En même temps, pour
reprendre les termes de l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, les Etats-Unis adoptent une
politique d’«hostilité implacable» envers l’Iran (réplique, annexe 6). Parmi les actes d’hostilité des
Etats-Unis contre l’Iran, ces deux attaques contre les plates-formes pétrolières de l’Iran qui font
l’objet de la présente espèce. Dans ces conditions, on peut aisément comprendre que les
représentants de l’Iran, comme M. Rafsanjani, président du Majlis, aient parfois exprimé leur
exaspération face à l’incroyable manque de perspicacité dont témoignait la politique américaine.
24. En quoi cela est-il pertinent aux fins de notre espèce ? Pour répondre à cette question-là,
je prie respectueusement la Cour d’en examiner une seconde. Pourquoi, pourquoi les Etats-Unis
ont-ils adopté des politiques aussi fondamentalement différentes à l’égard de l’Iraq et à l’égard de
l’Iran tout au long de la guerre ? Nous savons que l’Iraq est responsable du déclenchement de la
guerre. Nous savons que l’Iraq est responsable de l’utilisation d’armes terribles au cours de cette
guerre. Nous savons ¾ et le conseil des Etats-Unis l’a d’ailleurs expressément reconnu lors de la
phase consacrée à la compétence ¾ que l’Iraq a déclenché la «guerre des pétroliers» (CR 96/12,
- 8 -
p. 23 (Neubauer)). Et nous savons que l’Iraq a attaqué le Stark. Pourtant, en dépit de tout cela, les
Etats-Unis ont détruit les plates-formes pétrolières de l’Iran cependant même qu’ils continuaient de
soutenir l’Iraq. Pourquoi ? Les Etats-Unis avaient conclu un traité d’amitié avec l’Iran, non avec
l’Iraq. En vertu de ce traité, les Etats-Unis avaient l’obligation d’assurer la liberté de commerce et
de navigation avec l’Iran, non avec l’Iraq.
25. La réponse va de soi. Ce ne sont pas de prétendus intérêts américains qui imposent
d’assurer la sécurité des transports maritimes dans le golfe Persique. Cet argument-là n’a
absolument aucun sens lorsqu’on le confronte au contexte : l’Iraq est responsable du
déclenchement de la guerre des pétroliers et les Etats-Unis ne font rien à la suite de ces attaques.
En réalité, comme le dit clairement la directive de sécurité nationale de 1982, l’objectif
fondamental des Etats-Unis était d’empêcher que l’Iraq ne perde sa guerre contre l’Iran. Voilà quel
était le véritable intérêt des Etats-Unis en matière de sécurité, et il annonce quel comportement les
Etats-Unis vont adopter vis-à-vis de chacun des belligérants tout au long de la guerre.
26. Le conseil des Etats-Unis prétend que les conclusions de l’Iran sur les motivations des
Etats-Unis et sur leurs transactions avec l’Iraq sont «de pures spéculations dénuées de tout
fondement» (CR 2003/12, p. 45, par. 18.38 (Matheson)). Permettez-moi de mettre cette thèse à
l’épreuve des pièces versées au dossier.
27. Les motivations des Etats-Unis ¾ leurs véritables intérêts en matière de sécurité ¾ ont
été formulées noir sur blanc par de nombreux hauts représentants du Gouvernement américain. Je
ne vais pas donner à nouveau lecture de ces citations. Vous pouvez les voir à l’écran et sous
l’onglet no
2 de votre dossier. Mais il s’agit notamment de déclarations émanant de trois anciens
secrétaires d’Etat, d’un secrétaire adjoint à la défense, d’un membre du conseil de la sécurité
nationale et du directeur du contre-terrorisme au ministère de la défense.
28. Une chose est claire. Ces sources ne constituent pas des «spéculations dénuées de tout
fondement». En réalité, l’uniformité des déclarations émanant des plus hauts responsables du
Gouvernement des Etats-Unis nous apporte deux preuves irréfutables : premièrement, il n’y avait
pas de lien entre les intérêts américains en matière de sécurité et la protection des navires neutres
dans le golfe Persique. Ce que les Etats-Unis voulaient, c’était soutenir l’Iraq. Deuxièmement, en
mettant cette politique en œuvre, les Etats-Unis étaient par principe disposés, peu importe
- 9 -
l’événement, à fermer les yeux sur l’agression iraquienne et à «donner une leçon aux Iraniens»,
selon les propres termes d’un haut représentant du Gouvernement des Etats-Unis (mémoire,
annexe 51).
29. C’est à la lumière de ce contexte factuel, Monsieur le président, que la Cour doit juger de
la licéité des attaques menées par les Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières offshore de
l’Iran au regard du paragraphe 1 de l’article X du traité d’amitié.
*
30. Monsieur le président, je remercie la Cour de son attention et je vous prie de donner à
présent la parole à M. Momtaz. M. Sellers et moi-même lui succèderons pour parler des questions
de fait qui continuent d’opposer les Parties. Puis nous en viendrons aux questions de droit avec les
exposés de MM. Pellet, Bothe et Crawford. Enfin l’agent reprendra la parole pour formuler
quelques dernières observations et présenter les conclusions de l’Iran sur ses propres demandes. Je
vous remercie, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Bundy. Je donne maintenant la parole à
M. Momtaz.
Mr. MOMTAZ: In the name of God, the Merciful and Compassionate.
THE ENVIRONMENT HOSTILE TO THE ISLAMIC REPUBLIC OF IRAN
DEFEATED ITS DIPLOMATIC EFFORTS ON BEHALF OF
FREEDOM OF NAVIGATION IN THE PERSIAN GULF
1. Mr. President, Members of the Court, in his introductory statement, Mr. William Taft, the
distinguished Agent of the Government of the United States, reproached the Islamic Republic of
Iran for having said nothing in its oral argument about the diplomatic efforts made from 1984 by
his country and other governments to persuade Iran to halt the alleged attacks on neutral shipping
in the Persian Gulf1
.

1CR 2003/9, p. 11.
- 10 -
2. Mr. President, the United States dates its diplomatic efforts back to 1984, as if neutral
shipping in the Persian Gulf was unimpeded and unthreatened by any danger before then. The
attacks by Iraq’s air force on neutral vessels both within and outside Iraq’s exclusion zone to which
I referred in my first oral statement attest to the fact that such was not the case. In fact, Iraq
attacked some 56 neutral commercial vessels during that period ¾ a figure confirmed by the
United States itself2
. Accordingly, it may well be asked why the United States felt no concern
about the harm thus caused to free neutral navigation and took no action to put an end to it.
3. Unlike the United States, the Islamic Republic of Iran was concerned from the outbreak of
the armed conflict about the infringement of freedom of navigation and the attacks on oil tankers
under neutral flags. Iran spared no diplomatic effort to put a stop to this and to safeguard the free
flow of oil through the sea lanes in the Persian Gulf, on which it was wholly dependent for the
export of its oil to the international market. Not only did the United States refuse to support those
efforts, but it completely ignored them in its written pleadings and during its oral argument last
week.
4. Thus it was that Iran, anxious to ensure the unimpeded passage out of the Shatt al-Arab
(Arvand-Roud) of 63 neutral commercial vessels trapped during Iraq’s attack, agreed that they
could sail under the United Nations flag, as suggested by Olaf Palme, the Special Representative of
the Secretary-General, so as to be able to quit the combat zone and enter international waters. The
intransigence of Iraq, which insisted that they fly the Iraqi flag, in breach of the relevant provisions
of the Treaty on International Borders and Good Neighbourly Relations of 13 June 1975 between
Iran and Iraq, caused the plan to fail. All these neutral ships were permanently lost and their
wrecks can still be seen in the Shatt al-Arab3
.
5. Mr. President, in their oral statements Mr. Taft, the Agent of the United States4
, and
Mr. Beaver5
persisted in calling the war zone established by Iran at the beginning of the conflict an
exclusion zone, doing so with the aim of clouding the issue. They contended that Iran refused to

2Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 9.
3Cameron R. Hume, The United Nations, Iran and Iraq How Peacemaking Changed, Indiana, University Press,
1994, p. 40; Yearbook of the United Nations, Vol. 34, 1980, p. 315; S/14214.
4CR 2003/9, p. 22.
5CR 2003/10, p. 30.
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allow neutral commercial vessels not en route to Iranian ports to sail through this zone. They
maintained that Iran, by refusing them access to its war zone, forced them to sail in southern
Persian Gulf waters, which are shallower and therefore more hazardous to navigation. Lastly, the
United States contended that, by pushing these ships towards its oil platforms, Iran sought to make
the vessels easy prey for its naval forces. These assertions, Mr. President, are wholly unfounded.
6. In fact, four months after the conflict began, specifically on 21 January 1981, even neutral
commercial vessels not making for Iranian ports were granted permission, on the initiative of the
Iranian Ministry of Foreign Affairs, to use the sea lanes lying in Iran’s war zone. Before doing so,
the masters of these vessels were asked to inform the Iranian naval authorities of the characteristics
of their vessels and the approximate time they expected to enter Iran’s war zone6
. Thus, contrary to
the allegations by the United States, it was of their own free will that neutral merchant ships chose
their routes and that some entered the southern waters of the Persian Gulf. Accordingly,
Mr. President, the zone established by Iran cannot be characterized as an exclusion zone. The zone
was created in full compliance with the law of naval warfare because it did not exclude neutral
commercial shipping and, unlike the case of Iraq’s exclusion zone, provisions were included to
ensure the safety of that shipping by establishing shipping lanes for the passage of these
neutral-flagged vessels.
7. Mr. President, the Iraqi air force’s use beginning in 1983 of Super Etendard aircraft
equipped with Exocet missiles, which are highly effective in destroying their targets, was a further
source of serious concern on the part of Iran. In order to prevent the blocking of the Persian Gulf
shipping lanes through which all of its oil exports transited, Iran set its diplomatic efforts in motion
once again. Thus, it suggested on 29 October 1983 that the Security Council prohibit ¾ and I
repeat, prohibit ¾ all hostilities in the waters of the Persian Gulf7
. Iran’s concerns in this respect
were relayed by Pakistan and Nicaragua, Security Council Members at the time, and included in
the draft of resolution 540 presented to the Security Council.

6Notice to Mariners 23/59 of 21 January 1981, A. De Guttry and N. Ronzitti, The Iran-Iraq war (1980-88) and
the Law of Naval Warfare, Cambridge, 1993, p. 38.
7AFP 29 October 1983.
- 12 -
8. The draft resolution, affirming the right of free commerce in international waters, called
upon “the belligerents to cease immediately all hostilities in the region of the [Persian] Gulf”. The
United States, which has stressed over and over again throughout its oral argument that any
infringement of freedom of navigation in the Persian Gulf jeopardized its essential security
interests, naturally should have seized this occasion to express its concerns and condemn the
attacks by the Iraqi air force on neutrally flagged oil tankers in the Persian Gulf. The summary
record of the debate on 31 October 1983 in the Security Council devoted to consideration of this
draft resolution shows that the United States representative distinguished himself by his silence
during that Security Council meeting8
.
9. Unfortunately, resolution 540, adopted by the Security Council on 31 October 19839
, did
not put an end to Iraq’s attacks on neutral oil tankers. (Mr. President, the text of resolution 540,
adopted on 31 October 1983, and the text of the other 11 resolutions adopted by the Security
Council relating to the armed conflict between Iraq and Iran appear under tab No. 4, for the French
version of these resolutions, and tab No. 5, for the English version, in the judges’ folders for the
second round.) Mr. President, notwithstanding the adoption of this resolution, Iraq’s attacks on
neutral shipping were to continue. They were to increase in number and destructiveness, to the
point where Iraq was able seriously to disrupt the export of Iranian oil from the Kharg Island oil
terminal during that period.
10. What was the attitude of the United States of America towards these attacks in breach of
Security Council resolution 540? One would have expected it to react quickly and vigorously to
safeguard freedom of navigation and thus protect its essential security interests. Oddly, it did
nothing. The only plausible explanation is that the United States did not ascribe the attacks carried
out at the time to Iran, hence its inaction. Clearly, for our opponents, it was only the alleged
attacks attributed to Iran which jeopardized the essential security interests of the United States of
America.

8
S/PV 2493 - 31 October 1983.
9
See the judges’ folders for the second round, tabs Nos. 4 (French version) and 5 (English version).
- 13 -
11. The same observation must be made in respect of the attitude of the Arab States,
specifically those on the Persian Gulf littoral, towards the attacks on oil tankers in the Persian Gulf.
Those States preferred to remain silent and not to react to the Iraqi raids on the oil tankers even
though in some cases their own flags were not spared in the attacks. By contrast, the reaction of
those same Gulf Arab States was very sharp indeed within bodies such as the Arab League and the
Gulf Co-operation Council when the United States reported that the attacks on neutral merchant
shipping were attributable to Iran ¾ proof if ever there was any that these States aligned
themselves with Iraq.
12. The alignment of the Arab States bordering the Persian Gulf lay at the root of their effort
in the Security Council to condemn Iran’s alleged attacks on neutral commercial vessels. The
result of the démarche of these States was Security Council resolution 552, adopted on
1 June 198410. (I refer you once again to the judges’ folders, where you will find the French text of
this resolution adopted on 1 June 1984 under tab 4 and the English text under tab 5.) This
resolution, to which the United States has referred on several occasions in its oral argument, does
not, it must be recalled, condemn Iran. It condemns only the “recent attacks on commercial ships
en route to and from the ports of Kuwait and Saudi Arabia”. Unfortunately, the resolution says
nothing about the Iraqi attacks on commercial ships en route to and from Iran. Moreover, Iran
protested and questioned the impartiality of the Security Council, which in effect ended up
encouraging the raids by the Iraqi air force on neutral merchant shipping11
.
13. The alignment of the Persian Gulf Arab States must undoubtedly be credited to the
diplomatic efforts of Iraq, which succeeded from the outset of the conflict in garnering the
sympathy and support of a majority of Arab States. This result was achieved by instilling the belief
that the Islamic Republic of Iran posed a threat to the security of the Arab world and that Iraq was
the best bulwark against Iran’s alleged expansionist designs. This was indeed the notion advanced
by Kuwait in the Security Council in 198612. Iraq’s invasion of Kuwait in 1990 laid bare this
subterfuge and led the senior authorities of Kuwait to offer their apologies for the hostile attitude

10See the judges’ folder for the second round, tabs Nos. 4 (French version) and 5 (English version).
11Memorial of Iran, Exhibit 23.
12 S/PV 2664, 19 February 1986.
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adopted towards Iran during its armed conflict with Iraq. The Kuwaiti Minister for Foreign Affairs
publicly deplored “the old resolutions” adopted by the Gulf Co-operation Council, stating that
“those resolutions had been adopted under Iraq’s pernicious influence”13. Thus, following the
events in the Persian Gulf region, in 1990, we were, fortunately, to see the end of the hostile
environment prevailing in the Arab world towards Iran. The environment hostile to Iran should,
Mr. President, be kept in mind in assessing the positions taken by the Arab States during the
Iraq-Iran conflict.
14. Despite this hostile environment, Iran was not discouraged from continued diplomatic
efforts to increase the security of commercial shipping in the Persian Gulf. I submit as evidence of
this the 1986 letter from the Permanent Representative of the Islamic Republic of Iran to the United
Nations Secretary-General, in which he stated:
“I wish to reiterate that since the initiation of Iraqi attacks on ships in the
Persian Gulf, we have repeatedly announced in international fora the readiness of the
Islamic Republic of Iran to co-operate in every possible way with the
Secretary-General of the United Nations and/or other relevant international
organisations in securing the freedom of navigation in and the security of the Persian
Gulf.”14
15. Regrettably, this letter from the Islamic Republic of Iran’s Permanent Representative to
the United Nations produced no result. As Sir Anthony Parsons, the Permanent Representative of
the United Kingdom to the United Nations, was later to observe: “there was no specific
international condemnation of the Iraqi attacks and no serious attempts made to persuade or coerce
Iraq into desisting from them”15. The hostile environment then prevailing played a decisive role in
the adoption of this position.
16. Before completing my statement, I would like, Mr. President, to say a few words about
the series of Notes Verbales the United States sent to Iran, to which the United States referred
during its oral argument last week16. The United States considers these Notes to be diplomatic
démarches with which Iran did not comply. In reality, the four Notes sent by the United States are
four barely masked threats against Iran.

13Reply and Defence to Counter-Claim of Iran, Exhibit 13.
14Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 2, p. 30.
15Observations and Submissions on the U.S. Preliminary Objection of Iran, Exhibit 16, p. 19.
16See CR 2003/9, p. 11, paras. 1.7-1.8 and pp. 13-14, para. 1.19 (Mr. Taft); CR 2003/10, pp. 12-13, para. 8.2 and
p. 56, paras. 11.18-11.20 (Mr. Mattler); CR 2003/12, p. 39-40, paras. 18.21-18.23 (Mr. Matheson); and CR 2003/13,
p. 23, para. 20.19 (Mr. Mattler).
- 15 -
17. The first Note, dated 23 May 198717, in effect serves notice on Iran to honour the
ceasefire and to withdraw its forces from Iraq’s territory, even though Iraq continued to occupy
important positions in, and substantial parts of, Iran’s territory.
18. The second Note, dated 18 July 198718, essentially deals, Mr. President, with the
“re-flagging” of the Kuwaiti oil tankers and warns Iran against attempting to intercept or search
them. This was truly a threat by the United States, made with a view to preventing Iran from
exercising the rights which the jus in bello confers on all belligerents during armed conflict at sea.
19. The third Note, allegedly communicated to Iran on 31 August 1987, enjoined Iran to
accept resolution 598. It should be pointed out that Iran had not rejected that resolution out of
hand, and that negotiations were then in progress with the United Nations Secretary-General to
provide for its implementation19. However, this resolution did not condemn Iraq; as later noted by
Gary Sick, former United States national security adviser, the United States had clearly made it
known during the negotiations on the draft of that resolution that it would not agree to having Iraq
designated as the aggressor20
.
20. Iraq did not seize the opportunity thus offered it to end the armed conflict and responded
to Iran’s goodwill, as Gary Sick has pointed out moreover, by an intense aerial attack on 37 Iranian
cities by means of Scud missiles21. Those, Mr. President, are the circumstances in which the
United States felt itself justified in using force against the platforms of Salman and Nasr.
21. Finally, the fourth diplomatic Note from the United States is in reality merely an attempt
on its part to justify the destruction of the Iran Ajr. Moreover, this Note relates, with no expression
of regret, that three Iranian sailors were killed and two others reported missing.
22. Those, Mr. President, are the purported diplomatic efforts, equivocal at the very least,
made by the United States. Far from helping to re-establish peace, the United States was, to the
contrary, at the root of the escalation of the armed conflict, and was thus in violation of

17Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 39.
18Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States, Exhibit 42.
19Memorial of Iran, Exhibit 39, letter of 11 August 1987 from Iran’s Permanent Representative to the United
Nations.
20Memorial of Iran, Exhibit 9.
21Memorial of Iran, Exhibits 9 and 41.
- 16 -
resolution 59822, which called upon all non-belligerent States to exercise the utmost restraint and to
refrain from any act which could have such a consequence. Paradoxically, the United States has
relied on the failure of its alleged diplomatic démarches to justify the destruction of Iran’s oil
platforms in the Persian Gulf 23
.
Having come to the end of my statement, I would be grateful to you, Mr. President, to be
kind enough to call Mr. Sellers to the Bar.
Thank you, Members of the Court, for your kind attention to my presentation.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Momtaz. Je donne maintenant la parole à
M. Sellers.
M. SELLERS : Je vous remercie, Monsieur le président.
L’ATTAQUE D’OCTOBRE 1987 CONTRE LES PLATES-FORMES DE RESHADAT
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vais quant à moi vous parler des
faits relatifs aux événements d’octobre 1987. Mon exposé comprend deux parties, pour faire
pendant à l’exposé du conseil des Etats-Unis sur ce point. Je commencerai par la prétendue attaque
au missile menée contre le Sea Isle City. La Cour se souviendra que c’est précisément cet incident
dont les Etats-Unis soutiennent qu’il justifiait à l’époque de leur part une attaque contre les
plates-formes menée au titre de la légitime défense. J’aborderai ensuite certains faits qui sont
contestés au sujet de la situation des plates-formes visées par l’attaque de 1987.
A. L’incident du Sea Isle City
1. Monsieur le président, lorsqu’il a saisi la Cour de la présente affaire, l’Iran savait qu’à
l’époque des faits en cause, des sources américaines et koweïtiennes l’avaient accusé d’avoir lancé
des missiles Silkworm contre le Koweït. Il savait également que les Etats-Unis prétendaient ¾ du
moins à l’époque ¾ être en possession de fragments des missiles utilisés. Et il savait que les
Etats-Unis pouvaient obtenir des photos satellite et des photos de reconnaissance aérienne de la
péninsule de Fao. Toutes ces informations furent largement rendues publiques à l’époque.

22See the judges’ folders for the second round, tab Nos. 4 (French version) and 5 (English version).
23CR 2003/12, p. 40, para. 18.23 (Mr. Matheson).
- 17 -
2. S’agissant de cet incident du Sea Isle City, l’Iran se trouve devant la Cour ¾ quand il fait
l’objet de ces accusations ¾ obligé de devoir prouver quelque chose qui n’existe pas. Il ne faut
toutefois pas oublier que ce sont les Etats-Unis qui sont tenus de démontrer que l’Iran a mené de
telles attaques. Ce sont les Etats-Unis qui invoquent l’incident du Sea Isle City, à la fois pour en
faire un moyen de défense face aux demandes de l’Iran et pour fonder leur demande
reconventionnelle. Par conséquent, c’est aux Etats-Unis qu’il incombe d’établir la responsabilité
de l’Iran et de l’établir avec des preuves convaincantes. L’Iran est cependant certain que les
Etats-Unis ne pourront s’acquitter de cette charge de la preuve.
3. A cet égard, il ne suffit pas aux conseils des Etats-Unis de s’appuyer sur des rapports
établis à l’époque par des organismes de la navigation internationale et d’autres sources du même
ordre qui laissent entendre que l’Iran était responsable de ces attaques (CR 2003/9, p. 38, par. 4.7).
Mais la provenance et la nature des missiles tirés n’ont pas été rendues publiques ¾ et n’auraient
pu l’être. Or, si l’Iran fut tenu responsable de ces incidents précis, c’est uniquement parce que les
Etats-Unis, à l’époque, déclarèrent aux médias du monde entier qu’ils avaient retrouvé des
fragments de missile Silkworm iranien sur le Sea Isle City et le Sungari. Ces déclarations étaient
mensongères, comme je l’ai déjà dit au premier tour. Aujourd’hui, les Etats-Unis nous disent
qu’aucun fragment de ce genre n’a été retrouvé (CR 2003/6, p. 57-58, par. 28-32).
4. Toujours à propos de ces attaques, l’un des conseils des Etats-Unis qualifie d’imaginaire
l’idée que l’Iraq ait pu en être responsable (CR 2003/9, p. 39, par. 4.9). Permettez-moi cependant
de rappeler le contexte dans lequel elles ont eu lieu. L’Iraq était fortement menacé après
l’offensive iranienne contre la péninsule de Fao. En outre, à cette époque, l’Iraq cherchait depuis
plusieurs années à internationaliser le conflit, notamment en menant des attaques contre ses
prétendus alliés dont on a beaucoup parlé. J’ai déjà évoqué plusieurs de ces incidents au premier
tour, en particulier les attaques au missile Silkworm menées par l’Iraq contre des navires
koweïtiens et saoudiens dans les eaux proches du Koweït, où le Sea Isle City fut touché
(CR 2003/6, p. 64-65, par. 57). M. Bundy vient de vous parler de l’attaque contre le Filikon L., qui
venait de quitter le port de Mina al Ahmadi. M. Freedman a lui aussi montré que ces attaques
procédaient de la tactique adoptée par l’Iraq pour tenter d’internationaliser le conflit (réplique,
vol. II, par. 47).
- 18 -
5. Le conseil des Etats-Unis dément que les missiles qui ont touché le Sungari et le
Sea Isle City puissent avoir été lancés par l’Iraq à partir d’un aéronef ou d’un navire. Il affirme que
ces missiles «n’ont pu [être tirés] qu’à partir du sol» (CR 2003/9, p. 43). Mais comment peut-il le
savoir si aucun fragment lié à ces deux incidents n’a été retrouvé ? Et sur quoi se fonde-t-il pour
qualifier d’imaginaire la possibilité que l’Iraq ait tiré ces missiles Silkworm à partir d’un aéronef
sur des cibles amies ? Pour répondre à ces questions, qu’il me suffise de rappeler ce compte rendu
des événements de février 1988, dont un extrait est projeté devant vous :
«[d]es bombardiers iraquiens ont, pendant deux nuits consécutives, lâché des
missiles Silkworm. L’un d’eux a atteint un pétrolier géant danois en pleine charge qui
venait juste de quitter le port de l’[Arabie saoudite] alliée de l’Iraq… Deux autres
Silkworm lâchés la nuit suivante sont passés en sifflant près d’un convoi de pétroliers
koweïtiens battant pavillon américain et conduits par une unité des Etats-Unis, avant
de tomber dans la mer. Le Koweït est aussi un allié de l’Iraq.» (Mémoire,
annexe 68.)
6. L’attaque contre le Stark est elle aussi significative. Plusieurs sources, dont des
commandants de l’armée américaine en poste à l’époque dans le golfe Persique, ont déclaré qu’il
pouvait s’agir d’une attaque délibérée (mémoire, annexe 55; réplique, rapport de M. Freedman,
par. 46 et suiv.). L’Iran a démontré que l’Iraq avait transformé un avion civil de façon qu’il puisse
transporter des missiles sans être repéré; l’Iran a également prouvé qu’un avion civil de ce genre
avait été utilisé pour attaquer le Stark (réplique, vol. VI, déclaration de M. Pakan). Pourquoi l’Iraq
aurait-il fait une chose pareille si ce n’était pour rejeter la responsabilité sur l’Iran ?
MM. Cordesman et Wagner, deux auteurs abondamment cités par les Etats-Unis, ont fait observer
que selon toute apparence, l’avion iraquien qui avait attaqué le Stark transportait deux Exocet, soit
le double de sa capacité nominale. Toujours selon ces mêmes auteurs, le pilote iraquien avait suivi
un itinéraire inhabituel; il a prétendu n’avoir reçu aucun signal d’avertissement du Stark, ce que les
auteurs qualifient d’«absurde», puis a branché son radar de poursuite quelques secondes avant
d’ouvrir le feu, ce qu’il n’aurait pas fait s’il avait ignoré avoir affaire à un navire de guerre (The
Lessons of Modern War, vol. II, p. 556). Le commentaire de M. Freedman sur cet incident est
également révélateur (réplique, vol. II, par. 46-49). M. Freedman cite une source selon laquelle
«une partie des membres de l’administration Reagan nourrissait des soupçons concernant le
caractère non accidentel de l’attaque [contre le Stark] conçue en réalité par les Iraquiens pour
- 19 -
entraîner les Etats-Unis dans la guerre» (ibid., par. 47). M. Freedman précise que cette tactique
porta ses fruits. Deux jours après l’incident du Stark, le président Reagan s’est dit heureux de
l’initiative tendant à réimmatriculer des pétroliers koweïtiens aux Etats-Unis, et dans les trois jours
suivants, les effectifs de l’armée américaine déployés dans le golfe Persique furent
considérablement augmentés (ibid., par. 48).
7. L’attaque contre le Sea Isle City eut lieu quelques mois après celle du Stark. Quoi de plus
efficace pour l’Iraq que de faire en sorte qu’une attaque lancée à partir de la péninsule de Fao soit
imputée à l’Iran ? L’Iraq espérait peut-être inciter ainsi les Etats-Unis à l’aider à libérer de
l’occupation iranienne cette péninsule stratégiquement importante.
8. Mais les Etats-Unis n’attaquèrent pas la péninsule de Fao après l’incident du Sea Isle City;
manifestement, ils ne croyaient pas qu’il y eût le moindre missile Silkworm iranien à Fao. Comme
je l’ai dit au premier tour (CR 2003/6, p. 61, par. 44), des sources américaines ont affirmé à
l’époque «qu’il n’y avait aucun site de lancement de Silkworm à Fao, et qu’une attaque contre cette
zone était donc sans intérêt» (mémoire, annexe 69). En outre, toutes les sources, y compris des
sources américaines, situaient uniquement dans le détroit d’Ormuz, et nulle part ailleurs, la menace
d’une attaque iranienne au missile Silkworm. Les démarches diplomatiques entreprises par les
Etats-Unis auprès de l’Iran en juillet 1987 concernaient les essais de tirs de missile Silkworm
réalisés par ce dernier dans le détroit d’Ormuz en février 1987 (contre-mémoire, annexe 42).
Aucune attaque au missile Silkworm contre le Koweït ne fut évoquée, même si les Américains
affirment maintenant que l’Iran avait alors déjà tiré deux Silkworm contre ce pays à partir de la
région de Fao, au mois de janvier précédent. Le bulletin du département d’Etat américain en date
d’octobre 1987, que je vous ai montré au premier tour, ne fait lui aussi état uniquement que du
risque d’attaque iranienne au missile Silkworm dans le détroit d’Ormuz, alors que l’Iran est accusé
d’avoir déjà mené à cette date au moins cinq attaques au Silkworm contre le Koweït (mémoire,
annexe 67). Si une menace d’attaque iranienne au missile Silkworm au large des eaux
koweïtiennes avait réellement existé à l’époque, il est incroyable que les Etats-Unis ne l’aient pas
signalée. Or, il ne fut jamais fait mention à l’époque d’une prétendue campagne d’attaques
iraniennes au Silkworm contre le Koweït. Au contraire, les éléments de preuve disponibles
montrent qu’aucune menace iranienne de ce genre n’était ressentie dans la région.
- 20 -
9. Le conseil des Etats-Unis fait grand cas des photos satellite et de l’analyse de ces photos
réalisée par un expert du Gouvernement américain (CR 2003/9, p. 44 et suiv.). Cependant, les
photos satellite fournies par les Etats-Unis confirment en réalité la position de l’Iran. Ces photos
ne montrent aucun site de missiles Silkworm en service sur le territoire contrôlé par l’Iran sur la
péninsule de Fao. Les bombardements ont détruit ces sites et dévasté le terrain alentour, comme on
le voit clairement sur les photos produites par les Etats-Unis dans le dossier d’audience. Pour être
opérationnel, un site de lancement de missiles Silkworm nécessite un vaste complexe comprenant
des installations auxiliaires et des camions. La documentation technique du fabricant chinois décrit
en détail les quarante-deux camions nécessaires pour les installations auxiliaires (réplique, vol. VI,
déclaration de M. Youssefi, annexe C, p. 4-8 et 4-9). Or, on n’en voit aucun sur les photos
produites. Il n’y a tout simplement pas le moindre signe d’activité sur aucun des sites iraquiens
abandonnés, pas même d’une quelconque «activité de routine», pour reprendre les termes de
Hans Blix.
10. Dans ce cas, comment les Etats-Unis savent-ils d’où les missiles ont été tirés ? Dans la
lettre qu’ils ont adressée au Conseil de sécurité après l’incident (mémoire, annexe 73), dans leur
exception préliminaire (par. 1.25-1.29 et carte no
2), et dans la déclaration sous serment des
militaires koweïtiens (contre-mémoire, annexe 82), il est dit que les missiles venaient de la
péninsule de Fao. On n’y parle pas d’un prétendu quatrième site en territoire iranien, à
Nahr-e Owyeh, un endroit qui ne se trouve pas à Fao. Ce prétendu site est évoqué pour la première
fois dans le contre-mémoire des Etats-Unis, quinze ans après les faits allégués. Mais là encore, les
photos satellite ne montrent rien qui ressemble à un site de missiles opérationnel à Nahr-e Owyeh.
11. Que les Etats-Unis se trompent sur la véritable trajectoire du missile est révélateur, et
leur conseil n’a apporté aucun éclaircissement en parlant en général de la «région de Fao»
(CR 2003/9, p. 40, par. 4.11). Une chose est sûre, les Etats-Unis ne savent pas exactement d’où le
missile Silkworm a été lancé. Mais dans ce cas, Monsieur le président, pourquoi n’ont-ils pas
recours aux éléments de preuve qu’ils ont eux-mêmes produits sur ce point, à savoir le témoignage
de militaires koweïtiens (annexe 82) ? Dans leur déclaration, ces prétendus témoins oculaires
indiquent précisément que les missiles ont été lancés de la péninsule de Fao ou d’un endroit situé
dans cette direction. Cependant, ils ne disent pas que les missiles ont été lancés de l’Iran, et ne
- 21 -
disent pas non plus que ces missiles ont été lancés du territoire contrôlé par l’Iran sur la péninsule
de Fao. La déclaration est soigneusement formulée, et elle ne dit rien en ce sens. Mais comme je
vous l’ai démontré au premier tour, la direction sud sud-est indiquée par les observateurs
koweïtiens ¾ dont le conseil des Etats-Unis confirme qu’ils connaissaient bien le terrain ¾ ne
laisse aucun doute. Elle montre que le missile en cause ne peut avoir été tiré que du territoire sous
contrôle iraquien à Fao.
12. Permettez-moi de vous montrer de nouveau la trajectoire sud sud-est dont parlent les
observateurs koweïtiens, dessinée à l’écran en surimposition sur la carte produite par les Etats-Unis
dans le dossier d’audience (onglet no
41). On constate que le Sea Isle City ne peut avoir été touché
que par un missile ayant suivi cette trajectoire sans faire de virage coudé significatif, et que pour
suivre cette trajectoire, le missile n’a pu être lancé que d’un site situé en territoire iraquien ou à
partir des frégates iraquiennes qui croisaient derrière l’île de Bubiyan (mémoire, annexe 18; voir
également les observations et conclusions de l’Iran sur l’exception préliminaire des Etats-Unis,
annexe, par. 27). Autrement dit, une fois de plus, ces éléments de preuve confirment la position de
l’Iran.
13. Les Etats-Unis démentent bien sûr l’existence d’un quatrième site iraquien sur la
péninsule de Fao à l’endroit répondant aux coordonnées précises données par l’Iran. Mais ils ne
nient pas expressément qu’un quatrième site iraquien ait existé dans cette région à l’époque en
question (CR 2003/9, p. 50-51). En tout état de cause, les experts iraniens ont confirmé l’existence
de ce site, ainsi que le fait qu’il avait été utilisé pour des tirs de missiles (voir la déclaration de
M. Youssefi, vol. VI, par. 21-22). D’ailleurs, seule l’existence de ce site peut expliquer le
témoignage des observateurs koweïtiens. Enfin, je relève qu’on nous dit que les seuls fragments
retrouvés provenaient des attaques de janvier et de septembre (contre-mémoire, par. 1.55-1.60).
Mais on nous dit aussi maintenant que ces fragments ont disparu, qu’ils auraient été récupérés par
les forces iraquiennes après l’invasion du Koweït (annexe 82). C’est là un geste bien curieux
quand on pense à la quantité de matériel militaire que les Iraquiens ont laissé derrière eux lorsqu’ils
se sont retirés précipitamment du Koweït.
- 22 -
14. En conclusion, rappelons que l’Iraq avait déjà attaqué des pays amis par le passé et qu’il
était prêt à recourir à n’importe quel moyen tant il tenait à «entraîner les Etats-Unis dans la guerre»
(réplique, vol. II, rapport de M. Freedman, par. 47). Le témoignage des observateurs koweïtiens
n’est plausible que s’il porte sur une attaque iraquienne, et tant les photos satellite que les
informations de l’époque confirment que l’Iran n’avait aucun site de lancement de missiles qui fût
opérationnel, pas plus sur la péninsule qu’en territoire iranien à l’est de la péninsule. Force nous
est également de souligner encore une fois le manque d’éléments de preuve avancés par les
Etats-Unis. Grâce aux moyens technologiques énormes dont ils disposent, les Etats-Unis
connaissaient en détail tous les mouvements iraniens sur Fao, ils pouvaient intercepter les
communications iraniennes et leurs AWACS pouvaient suivre à la trace un missile de type
Silkworm. Les Etats-Unis reconnaissent d’ailleurs que des AWACS étaient présents dans la région
au moment de l’incident (contre-mémoire, par. 1.74). Or, ils n’ont fourni aucune preuve de ce
genre.
15. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les Etats-Unis ont affirmé à
l’époque que les attaques contre les plates-formes avaient été menées au titre de la légitime
défense, en réponse à une agression antérieure contre le Sea Isle City. Les Etats-Unis n’ont pas
prouvé que l’Iran les ait ainsi attaqués antérieurement. Mais quand bien même ils pourraient
démontrer que l’Iran a attaqué le Sea Isle City et qu’il s’agissait là d’une agression dirigée contre
eux, les Etats-Unis pourraient-ils également démontrer, comme ils sont tenus de le faire, que leur
attaque contre la plate-forme constituait une réaction nécessaire et proportionnée à la prétendue
attaque au missile de l’Iran ? Pour l’Iran, la réponse est négative. Je vais vous parler des
plates-formes dans un moment, mais permettez-moi auparavant d’examiner la question de la
nécessité et de la proportionnalité par rapport aux attaques menées contre des navires aux alentours
du terminal de Mina Al Ahmadi au Koweït. Le Koweït a mis au point «des déflecteurs de
radar … pour neutraliser cette menace». Ces réflecteurs étaient placés près du terminal. Le
général Crist, qui est cité par les Etats-Unis (CR 2003/10, p. 45-47), a indiqué que cette «mesure de
défense passive» était parfaitement efficace (annexe 44, par. 14). Voilà quelle mesure nécessaire et
proportionnée il fallait prendre face à n’importe quelle menace d’attaque au missile dans la région,
qu’elle vienne de l’Iran ou de l’Iraq.
- 23 -
B. L’attaque américaine contre les plates-formes de Reshadat et la situation des
plates-formes
16. J’en arrive à la question des plates-formes elles-mêmes. En ce qui concerne la situation
des plates-formes, un certain nombre de faits essentiels ne sont pas contestés : premièrement, il y
avait des militaires sur ces plates-formes; deuxièmement, ces militaires étaient affectés à des
opérations de reconnaissance défensives; troisièmement, les plates-formes étaient équipées d’une
radio et d’un radar Decca; quatrièmement, la communication était régulièrement établie entre le
personnel militaire et des unités navales locales. Le conseil des Etats-Unis fait grand cas de ces
faits, mais gardons à l’esprit que ces faits ont été présentés à la Cour par l’Iran (voir aussi
CR 2003/10, p. 35-36, par. 10.6-10.9).
17. Les Parties divergent cependant sur un certain nombre de points essentiels concernant
ces plates-formes. Je vais tenter de les récapituler. Pour commencer, le conseil des Etats-Unis
affirme que les documents découverts sur la plate-forme de Reshadat et sur l’Iran Ajr prouvent que
la plate-forme de Reshadat se livrait à des activités offensives (CR 2003/10, p. 39-43). Il n’en est
rien. Je vais présenter ces documents l’un après l’autre. Premièrement, le conseil des Etats-Unis a
parlé d’un document intitulé «consignes pour le déploiement d’observateurs sur des plates-formes
pétrolières dans le golfe Persique» (annexe 115). Ces «consignes» étaient exactement conformes à
ce qu’elles étaient censées être, à savoir des «consignes pour les observateurs». Comme le conseil
des Etats-Unis l’a fait observer, elles concernaient «l’établissement de communications» entre les
observateurs et le quartier général de la marine, ainsi que «l’échange de renseignements secrets».
Ces consignes avaient été établies en 1980, avant le début de la «guerre des pétroliers». Elles ne
comportent rien de répréhensible. Il s’agit de mesures ordinaires et raisonnables à prendre en
temps de guerre. Ces consignes ne contiennent, de surcroît, pas la moindre mesure offensive.
18. Deuxièmement, il y a le «plan d’opérations» découvert à bord de l’Iran Ajr (annexe 203).
Comme le conseil des Etats-Unis l’a reconnu, il s’agit d’un plan «à suivre en cas d’urgence», établi
en 1984, exposant les mesures défensives à prendre en cas d’attaque iraqienne soutenue par les
Etats-Unis qui serait dirigée contre les îles, les navires marchands ou les installations pétrolières de
l’Iran. L’Iran invite la Cour à examiner ce document dont l’objet lui apparaîtra très clairement. En
- 24 -
outre, les observations liminaires du département de la défense des Etats-Unis concernant le
document confirment qu’il s’agit d’un scénario hypothétique (annexe 203, lettre d’introduction, et
p. 7-9 et p. 21-23).
19. Le troisième document évoqué par le conseil des Etats-Unis correspond à une série de
messages émis à partir de la plate-forme de Reshadat (annexe 118). Ces derniers attestent à
l’évidence la présence, sur la plate-forme, de quelques personnes occupées à suivre les
mouvements des navires de guerre alentour, bien qu’au début du mois de septembre 1987 le radar
soit signalé comme hors service (annexe 116). Est-il cependant vraiment surprenant que, en temps
de guerre, les mouvements des navires de guerre soient suivis à partir des plates-formes ? Les
plates-formes étaient extrêmement vulnérables comme l’expérience l’a prouvé. En outre, le «plan
d’opérations» réservé aux situations d’urgence, que je viens de mentionner, confirme que l’Iran
redoutait une attaque concertée contre ses installations pétrolières ou ses îles. Compte tenu de cette
menace véritable, l’Iran avait tous les droits de procéder à ce contrôle. Cette série de messages,
dont certains sont simplement manuscrits sur des bouts de papier, ne prouve cependant pas qu’il y
ait eu un suivi systématique des mouvements des navires marchands. Il ne peut notamment pas
non plus y avoir de lien entre des notes indiquant qu’un convoi dont aurait fait partie le Sea Isle
City était passé à proximité des plates-formes en août 1987 et l’incident du Sea Isle City qui a eu
lieu trois mois plus tard (CR 2003/10, p. 42-43, par. 10.32). Ce ne sont là que pures insinuations.
20. Que dire alors des rapports émanant des services d’information relatifs aux transports
maritimes et des prétendus rapports de témoins oculaires faisant état d’attaques à proximité des
plates-formes, ainsi que de la multitude de points rouges prétendant signaler, sur la carte présentée
par les Etats-Unis qui figure dans le dossier des juges, les lieux de ces attaques (dossier d’audience
présenté par les Etats-Unis, deuxième classeur, onglet no
7) ? Il y a un certain nombre d’éléments à
prendre en considération à cet égard. Premièrement, il est vrai qu’il y aurait eu, notamment
en 1986, toute une série d’incidents à proximité des plates-formes de Reshadat, bien qu’un certain
nombre de ces incidents correspondent à des attaques iraquiennes contre les plates-formes comme
le conseil des Etats-Unis semble le reconnaître (CR 2003/11, p. 51, par. 15.66). Deuxièmement,
des hélicoptères iraniens auraient été impliqués dans un certain nombre de ces incidents. Pourtant,
- 25 -
les hélicoptères des forces navales iraniennes opéraient à partir des îles iraniennes durant cette
période et n’étaient pas utilisés, ni ne pouvaient d’ailleurs l’être, à partir des plates-formes
(réplique, vol. VI, déclaration de M. Salehin).
21. Quoi qu’il en soit, il n’existe pas de documentation qui fasse état de ces incidents
impliquant des hélicoptères, ni d’ailleurs pratiquement aucun autre incident qui aurait eu lieu
en 1987 ou 1988 à proximité des plates-formes (réplique, par. 3.78). Les sources sur lesquelles les
Etats-Unis se fondent, y compris INTERTANKO et le General Council of British Shipping,
confirment qu’il n’y eut presque plus aucun incident dans le voisinage des plates-formes au cours
de ces années (annexe 10, p. 41; annexe 2, p. 19, 21 et 23). Ces preuves, qui sont présentées par les
Etats-Unis, vont à l’encontre de la thèse américaine qui est que les attaques contre les plates-formes
se sont, pour ainsi dire, révélées nécessaires et ont constitué un moyen efficace de mettre un terme
aux incidents survenant à proximité des plates-formes. Il n’y eut aucun incident de ce type à cette
époque. D’ailleurs, les preuves des Etats-Unis montrent aussi que la zone située au sud des
plates-formes, par laquelle transitent les pétroliers koweïtiens depuis 1985, était celle où la prime
d’assurance pour risque de guerre était la plus faible de tout le golfe Persique (annexe 7).
22. En dernier lieu, et il s’agit du point le plus important, à aucun moment il n’a été signalé,
à aucun endroit situé à proximité des plates-formes, la moindre attaque contre un navire américain
ou un autre navire qui aurait appartenu à des intérêts américains (voir dossier des juges,
premier classeur, onglet no
11).
23. Monsieur le président, le conseil des Etats-Unis a rejeté avec mépris les preuves par
lesquelles l’Iran a montré que des réparations avaient lieu sur ces plates-formes qui étaient censées
être remises en service le 23 octobre 1987, quatre jours seulement après avoir été attaquées
(réplique, vol. IV., déclaration de M. Hassani, par. 16 et annexe D; voir aussi le CR 2003/6,
p. 53-54). Les preuves en question consistent en un rapport de travail de l’époque et des
déclarations sur la foi du serment du personnel de la NIOC qui était effectivement présent sur les
plates-formes et en avait la charge au moment des attaques. Ces preuves ont été déposées avec la
réplique de l’Iran et n’ont pas été contestées dans la duplique des Etats-Unis. En outre, nous
observons que le conseil des Etats-Unis s’est appuyé, lui aussi, sur ces pièces dans son exposé oral
(CR 2003/10, p. 36). Les Etats-Unis n’ont présenté quant à eux aucune preuve qui réfute ces
- 26 -
points, bien que, une fois encore, comme ils surveillaient constamment les faits et gestes et les
communications de l’Iran dans le golfe Persique, ils eussent dû être en mesure de produire de telles
preuves si elles avaient existé. Finalement, comme l’Iran l’a exposé dans son premier tour de
plaidoiries, ces plates-formes constituaient assurément des objectifs économiques d’importance
capitale pour l’Iraq (CR 2003/6, p. 52-53). De l’avis de l’Iran, les preuves qu’il présente sur cette
question doivent être tenus pour irréfutables. Le fait est que les plates-formes étaient à nouveau sur
le point de produire du pétrole. Leur destruction par les Etats-Unis a retardé la réalisation de cet
objectif de plusieurs années, le temps qu’il a fallu pour les reconstruire complètement et qu’elles
soient en mesure de reprendre la production.
C. Remarques de conclusion
24. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, l’attaque américaine du mois
d’octobre 1987 n’était pas un acte de légitime défense en réaction à une agression armée de l’Iran.
Les preuves qui vous ont été présentées le confirment. Les preuves révèlent aussi que, même si
l’Iran avait attaqué le Sea Isle City, il y avait, selon l’expression du général Crist, des «mesures de
défense passive» à prendre qui se seraient révélées efficaces à l’encontre de cette menace. Dès
lors, l’attaque contre les plates-formes peut au mieux être considérée comme un acte illicite de
représailles. Les preuves montrent aussi qu’il n’y eut aucun lien entre ces plates-formes et
l’incident du Sea Isle City ou tout autre incident allégué impliquant des navires des Etats-Unis ou
des navires représentant des intérêts américains aux dires des Etats-Unis. Cela conforte davantage
encore la position de l’Iran quand ce dernier affirme que l’attaque contre les plates-formes revenait
à utiliser la force de façon injustifiée.
25. Les différents points que je viens d’énoncer sont valables malgré les prétendues actions
iraniennes qui auraient été menées par le personnel militaire présent sur les plates-formes, car les
Etats-Unis ne prouvent pas que ces actions ont porté atteinte à des navires américains. Par
conséquent, qu’en est-il des prétendus incidents concernant des navires d’Etats tiers qui ont eu lieu
à proximité des plates-formes ? Il convient de souligner trois points ici. Premièrement, il s’agit
d’une question relevant de la compétence de ces Etats eux-mêmes. Ce n’est pas l’affaire des
Etats-Unis. Les Etats-Unis ne sont pas les gendarmes du monde. En outre, ils ne prétendent même
- 27 -
pas avoir agi au titre de la légitime défense collective. Deuxièmement, les attaques américaines
contre ces plates-formes n’étaient ni nécessaires ni utiles ¾ comme je l’ai fait remarquer, très rares
sont les incidents signalés à proximité des plates-formes en 1987 et 1988. Troisièmement, l’Iran
estime que les Etats-Unis ne peuvent même pas en l’espèce se fonder sur l’interprétation fort large
qu’ils donnent d’une action vitale sur le plan de la sécurité laquelle viserait à protéger le commerce
dans le golfe Persique ou à justifier leurs attaques contre les plates-formes, puisque parallèlement
les Etats-Unis toléraient les attaques iraquiennes à l’encontre de ce commerce et de ces
plates-formes, attaques iraquiennes auxquelles il leur arrivait même d’apporter leur concours.
26. La conclusion est que, quelle que soit l’interprétation raisonnable que l’on donne des
faits, les Etats-Unis ne peuvent justifier l’attaque menée contre les plates-formes de Reshadat en
octobre 1987. Telle est, Monsieur le président, la conclusion de mon exposé. Je vous prierai de
bien vouloir, éventuellement après la suspension, rappeler à la barre M. Bundy qui parlera des
attaques du mois d’avril 1988.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Sellers. L’audience est à présent suspendue pour
15 minutes.
L’audience est suspendue de 11 h 10 à 11 h 30.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne à présent la parole à M. Bundy.
M. BUNDY : Je vous remercie, Monsieur le président.
LA DESTRUCTION DES PLATES-FORMES DE SALMAN ET DE NASR
LE 18 AVRIL 1988 NE SE JUSTIFIAIT PAS
Introduction
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, mon exposé d’aujourd’hui
portera essentiellement sur quatre questions examinées par les Etats-Unis au cours du premier tour
de plaidoirie, lesquelles sont pertinentes quand il faut déterminer si les attaques par les Etats-Unis
des plates-formes de Salman et de Nasr le 18 avril 1988 se justifiaient et si le paragraphe 1 de
l’article X du traité de 1955 autorisait les Etats-Unis à employer la force contre les plates-formes.
- 28 -
2. En premier lieu, je montrerai que les Etats-Unis s’obstinent toujours à fermer les yeux sur
le penchant avéré de l’Iraq à attaquer les navires par différents moyens, y compris les mines.
Comme lorsqu’ils exposent leur thèse sur la «guerre des pétroliers», les Etats-Unis, lorsqu’ils
examinent l’incident du Samuel B. Roberts, tiennent pour acquis que l’Iran était responsable de
chaque opération de minage hostile menée dans le golfe Persique au cours de la guerre. Or, les
documents produits par les Etats-Unis montrent eux-mêmes que cette hypothèse n’est pas fondée.
3. En deuxième lieu, je montrerai une nouvelle fois que rien ¾ absolument rien ¾ ne
prouve que les plates-formes de Salman et de Nasr aient jamais participé à la moindre attaque de
navire américain, ni qu’elles aient eu un lien quelconque avec l’incident au cours duquel le
Samuel B. Roberts heurta une mine. Et aucun des propos tenus par les conseils des Etats-Unis la
semaine dernière à ce sujet ne vient modifier cette conclusion fondamentale.
4. En troisième lieu, je reviendrai brièvement sur les événements du 18 avril 1988
eux-mêmes et j’examinerai deux points essentiels que les Etats-Unis ont soit passé sous silence,
soit gravement dénaturés au cours du premier tour de la procédure orale. Ces deux points sont les
suivants :
i) Les attaques menées par les Etats-Unis contre les plates-formes ont coïncidé et furent
lancées de concert avec la plus grande offensive menée par l’Iraq depuis qu’il avait
envahi l’Iran en septembre 1980.
ii) D’après le capitaine du navire américain lui-même qui conduisit l’attaque contre les
plates-formes de Salman et de Nasr, ni l’une ni l’autre de ces plates-formes n’était censée
être la cible principale ce jour-là. Leur destruction était gratuite et n’était absolument pas
nécessaire pour protéger d’éventuels intérêts des Etats-Unis en matière de sécurité.
5. Dans la quatrième et dernière partie de mon exposé, j’examinerai brièvement les
événements pertinents de l’année 1988 qui sont postérieurs aux attaques des plates-formes. Et,
lorsque je dirai quels sont ces faits, je montrerai que l’argument plaidé par les Etats-Unis la
semaine dernière selon lequel leurs attaques auraient contribué à un retour au calme pendant la
«guerre des pétroliers» n’est aucunement fondé (CR 2003/10, p. 49, par. 10.58).
- 29 -
1. Les Etats-Unis ne tiennent aucun compte des actions hostiles de l’Iraq lui-même,
notamment l’emploi de mines
6. Après cette introduction, j’aborde donc la question des mines. Les Etats-Unis cherchent à
donner l’impression que l’Iran était responsable de toutes les opérations de minage menées dans le
golfe Persique, ce qui voudrait forcément dire que l’Iran était responsable du mouillage de la mine
heurtée par le Samuel B. Roberts. Or, raisonner ainsi, c’est méconnaître les nombreux éléments qui
prouvent le contraire.
7. Je vais commencer par l’incident du Maréchal Tchouikov, qui eut lieu au moment où, aux
dires des Etats-Unis, les opérations de minage de l’Iran auraient débuté (CR 2003/9, p. 27,
par. 3.6). La Cour sait que le Maréchal Tchouikov heurte une mine le 16 mai 1987. Et c’est le
lendemain, le 17 mai, que l’Iraq attaqua le navire américain Stark dans le même secteur du
golfe Persique où le Samuel B. Roberts avait heurté une mine.
8. Permettez-moi de faire état de quatre documents déposés par les Etats-Unis qui nous
permettent de voir l’incident du Maréchal Tchouikov sous son vrai jour, mais dont nos
contradicteurs n’ont tenu aucun compte au cours du premier tour de plaidoirie.
9. Le premier document est un rapport remontant aux faits de l’époque établi par l’une de ces
prétendues «sources indépendantes faisant autorité» ¾ la Lloyd’s List ¾ sur lesquelles s’appuient
les conseils des Etats-Unis. Le 28 mai 1987, seulement douze jours après que le
Maréchal Tchouikov eut heurté une mine, voici ce qu’on pouvait lire dans la Lloyd’s List : «l’une
des explications dont on discute dans la région du Golfe est que des mines navales auraient dérivé
en provenance de la zone de la guerre Iran/Iraq, qui se situe au nord» (contre-mémoire, annexe 36).
10. Ce récit concorde entièrement avec le rapport produit en 1988 par le General Council of
British Shipping dont j’ai parlé au cours de mon intervention au premier tour de plaidoirie
(contre-mémoire, annexe 2, p. 48). Des rapports comme ceux-ci ne vont guère dans le sens de la
thèse des Etats-Unis pour qui, par hypothèse, les mines sont automatiquement iraniennes. L’Iraq,
comme il a été amplement démontré, mena de vastes opérations de minage tant dans la zone de
guerre située au nord que dans le golfe Persique.
11. Le deuxième document date de juillet 1987 ¾ c’est-à-dire deux mois après que le
Maréchal Tchouikov eut heurté une mine qui, selon les Etats-Unis, avait été mouillée par l’Iran. Il
s’agit d’un rapport secret de la CIA dans lequel on peut lire ce qui suit : «A la fin du mois de
- 30 -
juillet 1987, rien n’indique que la République islamique d’Iran ait mouillé des mines navales dans
le golfe Persique.» (Contre-mémoire, annexe 46.) Nous rappelons que ce document est postérieur
à l’incident du Maréchal Tchouikov.
12. Le troisième document est de ceux qu’ont produits les autorités navales américaines
elles-mêmes ¾ et dont les Etats-Unis n’ont pourtant pas tenu compte ¾, lesquels prouvent que
l’Iraq a mouillé des mines jusque dans le détroit d’Ormuz, c’est-à-dire encore plus loin au sud qu’à
l’endroit où le Samuel B. Roberts fut touché (mémoire, annexe 16). J’ai examiné ces éléments de
preuve au cours de mon intervention du premier tour, mais les Etats-Unis n’ont pas réagi.
13. Le quatrième document est le rapport du haut commandement des forces armées des
Etats-Unis relatif aux révélations faites par les forces militaires de l’Iraq concernant l’emplacement
de ses champs de mines avant qu’il n’envahisse le Koweït. Il s’agit d’un document élaboré par des
fonctionnaires américains; que nous dit-il au sujet des opérations de minage iraquiennes ?
Premièrement, que l’Iraq a reconnu avoir mouillé des mines dans les eaux internationales et,
deuxièmement, que l’Iraq était très peu désireux de révéler quelles cibles il cherchait à atteindre en
mouillant ces mines. Je cite mot pour mot le rapport : «Lorsque nous avons tenté de glaner des
informations sur les objectifs et cibles visés par chacun de leurs champs de mines, les Iraquiens ont
réagi avec circonspection.» (Contre-mémoire, annexe 37.)
14. Compte tenu de la conduite de l’Iraq pendant la guerre qui l’opposa à l’Iran, et
notamment des attaques que ce pays mena contre les navires des Etats-Unis et les navires neutres, il
n’est guère surprenant que les Iraquiens aient manifesté de la circonspection.
15. Pour examiner la thèse selon laquelle les mines étaient systématiquement iraniennes, il
convient également de rappeler, comme M. Sellers l’a fait remarquer vendredi dernier, qu’au
moment où ils réagirent à l’incident du Bridgeton, les Etats-Unis n’ont pas été en mesure d’en
attribuer la responsabilité (mémoire, annexe 57). S’agissant de la mine qui heurta le
Texaco Carribean ¾ un navire qui transportait du pétrole brut iranien ¾, l’Iran lui-même adressa
une note de protestation au Conseil de sécurité et envoya des dragueurs de mines dans le secteur
(mémoire, annexe 58; observations et conclusions, annexe 27).
- 31 -
16. Quant au Samuel B. Roberts, au bout du compte, nous n’avons toujours pas la preuve
directe que la mine qu’il heurta était iranienne. En revanche, les preuves documentaires produites
par les Etats-Unis eux-mêmes montrent bel et bien que l’Iraq pouvait mouiller des mines partout
dans le golfe Persique; or les Etats-Unis n’en tiennent aucun compte lorsqu’ils attribuent à l’Iran la
responsabilité de toutes les attaques à la mine.
*
2. Les Etats-Unis n’ont produit aucun élément prouvant que les plates-formes de Salman ou
de Nasr participaient aux attaques contre la navigation
17. Monsieur le président, cela m’amène à mon deuxième point. Quelle qu’aient pu être les
responsables du mouillage de la mine qui heurta le Samuel B. Roberts, il est de fait qu’en l’espèce
on ne trouve pas le moindre élément de preuve indiquant que l’une ou l’autre des deux
plates-formes avait une part dans cet incident ou dans toute attaque avérée de navires neutres ou
américains à quelque moment que ce fût, malgré les affirmations en sens contraire dont les
Etats-Unis se font une religion.
18. Au cours de mon exposé du premier tour, j’ai mis les Etats-Unis au défi d’apporter les
preuves en question. Où peut-on trouver ¾ ai-je demandé ¾ le moindre rapport de capitaine ou de
membre d’équipage d’un navire marchand ou d’un bâtiment de guerre étranger indiquant que ces
navires avaient été victimes d’attaques lancées à partir de ces deux plates-formes ? Où sont les
«récits de témoins oculaires» mettant en cause Salman et Nasr que le coagent des Etats-Unis a
évoqués à plusieurs reprises la semaine dernière ? (Voir par exemple le CR 2003/10, p. 34, 36 et
38; par. 10.1, 10.11 et 10.14.) Où sont les preuves montrant que les plates-formes de Salman et de
Nasr étaient des «éléments décisifs» ¾ pour reprendre une nouvelle fois les termes du
coagent ¾ de la campagne qu’aurait menée l’Iran contre les navires neutres ? (CR 2003/10, p. 34,
par. 10.1 et 10.3). Et où peut-on trouver la moindre note diplomatique ou la moindre protestation
d’un Etat tiers qui se serait plaint d’activités menées à partir de ces deux plates-formes ?
19. Réponse : nulle part. Les Etats-Unis n’ont produit strictement aucun récit de témoin
oculaire, aucun rapport documenté faisant état d’attaques lancées à partir de l’une ou l’autre des
plates-formes. Qui plus est, il n’y a pas le plus infime élément de preuve établissant l’existence
- 32 -
d’un lien entre les plates-formes et l’incident du Samuel B. Roberts, qui eut lieu à des centaines de
kilomètres de là. Tout ce que les Etats-Unis nous ont offert, ce sont de longs exposés riches en
rhétorique creuse mais étonnamment pauvres en force probante.
20. Je vous invite à examiner une nouvelle fois les documents évoqués par le coagent, qui
sont reproduits sous les onglets nos C1 à C5 du dossier de plaidoiries communiqué par les
Etats-Unis la semaine dernière. Il n’y est fait état nulle part d’une quelconque attaque avérée qui
aurait été lancée à partir de l’une ou l’autre des plates-formes. Sur ces cinq documents, il y en a
trois qui ne disent rien des plates-formes. Les deux autres ne sont rien de plus que des
avertissements à caractère général qui laissent entendre ¾ sans le moindre élément de preuve à
l’appui ¾ que l’Iran utilisait des hélicoptères à partir des deux plates-formes. L’un de ces
documents ¾ celui reproduit sous l’onglet no
C3 ¾ est une des recommandations émanant du
General Council of British Shipping. Il s’agit d’un document dont j’ai parlé au cours du
premier tour de plaidoirie et dans lequel il est précisé que «selon les services de renseignement»,
des hélicoptères étaient utilisés depuis Salman et Nasr. Mais où sont donc ces prétendus rapports
des «services de renseignement» ? Les Etats-Unis ne les ont pas produits : ils n’existent pas, tout
simplement.
*
21. Qu’en est-il des autres documents sur lesquels le coagent s’appuie ¾ ces pièces dites
«extrêmement compromettantes» saisies à l’Iran ?
22. Il y a d’abord les enregistrements de messages récupérés sur l’Iran Ajr (contre-mémoire,
annexes 69-72). Or, dans aucun de ces messages il n’est fait mention de Salman ou de Nasr.
23. Il y a ensuite les «instructions aux stations radars» émises en 1983, soit cinq ans avant les
faits (contre-mémoire, annexe 114). Les plates-formes de Salman et de Nasr ne figuraient même
pas sur la liste des destinataires de ces instructions ¾ des instructions qui en tout cas étaient
totalement anodines. Elles n’avaient tout simplement rien à voir avec les plates-formes.
24. Il y a enfin le «plan d’opérations» élaboré en 1984, que M. Sellers a évoqué, lequel
envisageait divers «scénarios catastrophe» pour le cas où le territoire iranien serait occupé pendant
la guerre. Or, indépendamment du caractère hypothétique de ce plan, il était parfaitement
- 33 -
raisonnable de s’attendre à ce que l’Iran cherche à surveiller les mouvements dans le
golfe Persique, tant pour suivre les déplacements des forces iraquiennes que pour exercer
légitimement son droit d’arraisonnement et de fouille.
25. Pour résumer, les Etats-Unis n’ont pas été en mesure d’établir qu’il existait le moindre
rapport ¾ le moindre lien de causalité ¾ entre les plates-formes de Salman et de Nasr et les
attaques lancées contre le Samuel B. Roberts ou les navires neutres en général. Dans ces
conditions, il est impossible de soutenir que la destruction de ces plates-formes s’imposait au titre
de la légitime défense ou pour protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité.
*
3. Les plates-formes n’étaient pas, et n’auraient pas dû être, la cible d’opérations militaires
le 18 avril 1988
26. Monsieur le président, j’en arrive aux événements du 18 avril 1988 eux-mêmes. Je ferai
deux observations.
27. En premier lieu, les Etats-Unis passent totalement sous silence le fait que les attaques
qu’ils ont menées contre les plates-formes de Salman et de Nasr ont coïncidé avec une offensive
terrestre majeure que l’Iran a lancée le même jour.
28. Ce n’était pas là simple coïncidence. Les Etats-Unis ont manifestement apporté des
renseignements militaires à l’Iraq tout au long de la guerre. Ils ne le contestent d’ailleurs pas.
29. Grâce à cet échange de renseignements, les Etats-Unis savaient que l’Iraq prévoyait de
lancer une offensive le 18 avril 1988. Ce ne sont pas là pures suppositions. Un haut responsable
du conseil de la sécurité nationale des Etats-Unis chargé des affaires moyen-orientales et
politico-militaires l’a explicitement confirmé (réplique, annexe 10). Un observateur bien informé a
également confirmé que «les services de renseignement américains ont fourni à l’Iraq des
informations concernant les forces mobilisées et les équipements iraniens; ces informations ont
permis aux forces militaires iraquiennes de mettre au point et de réaliser une répétition générale de
l’offensive» (Los Angeles Times, 16 février 1998).
- 34 -
30. Ces faits sont directement liés aux motifs qu’avaient les Etats-Unis d’employer la force
contre l’Iran ce jour-là.
31. En second lieu, je voudrais dire que les preuves fournies par le capitaine du navire qui a
mené les attaques contre les plates-formes démontrent que celles-ci n’étaient pas la principale cible
visée par les Etats-Unis le 18 avril. Le coagent des Etats-Unis a reconnu lundi dernier que mon
interprétation des ordres du capitaine était «apparemment plausible». L’agent a pour sa part été
moins charitable. Il a qualifié mon argument de mensonger (CR 2003/13, p. 48, par. 22.9). Le
coagent a soutenu qu’à la lecture du rapport du capitaine, on constate que les forces américaines
avaient manifestement reçu pour instruction d’attaquer à la fois les plates-formes de Salman et de
Nasr et une frégate iranienne, le Sabalan. Le conseil des Etats-Unis a poursuivi en soutenant que
c’était seulement au cas où elles ne trouveraient pas le Sabalan que les forces américaines devaient
également attaquer une troisième plate-forme : celle de Rakhsh (ou Resalat) (CR 2003/10, p. 47,
par. 10.49).
32. Sauf le respect que je dois à mes collègues, Monsieur le président, cet argument est
inexact. Ce n’est pas mon interprétation des ordres donnés à la flotte américaine ce jour-là qui est
«apparemment plausible», et moins encore mensongère. C’est ce que les ordres disent
effectivement. Les voici à nouveau à l’écran, la Cour pourra donc juger d’elle-même (les ordres
sont également reproduits sous l’onglet no
3 de votre dossier). En voici le texte :
«Les objectifs étaient clairs :
¾ couler la frégate iranienne Sabalan qui est de type Saam ou un autre navire
équivalent;
¾ neutraliser les postes de surveillance situés sur les plates-formes de séparation
gaz/pétrole de Sassan et de Sirri et celle de Rahkish, s’il n’était pas possible de
couler un navire.»
33. Veuillez noter qu’il est dit que les objectifs étaient «clairs». Rien n’est ambigu dans ce
qui suit. Les plates-formes de Salman et de Nasr, ainsi qu’une troisième plate-forme, celle de
Rakhsh (ou Resalat), devaient être «neutralisées» seulement s’il n’était pas possible de couler une
frégate ¾ une seule frégate. Ces ordres «clairs» sont contraires à l’interprétation avancée par les
Etats-Unis la semaine dernière.
- 35 -
34. La Cour connaît la fin de l’histoire. A la suite d’une opération qui était destinée à couler
une seule frégate iranienne, les Etats-Unis ont attaqué et détruit deux ensembles de plates-formes
pétrolières, deux frégates, quatre patrouilleurs et un avion de chasse F-4. Cinquante-six Iraniens
ont été tués et cent cinquante blessés. A l’inverse, le Samuel B. Roberts a été entièrement réparé;
aucun américain n’a été tué, et neuf des dix membres d’équipage atteints sur le lieu de l’incident
n’ont pas été grièvement blessés.
35. S’agissant des plates-formes elles-mêmes, les Etats-Unis ont systématiquement visé les
plates-formes centrales, ce qui a eu pour effet d’interrompre la production de tous les puits et
plates-formes annexes. Comme M. Zeinoddin l’a expliqué, le pétrole des puits et plates-formes
annexes ne pouvait pas simplement être acheminé directement par oléoduc vers la terre, le gaz
devant en être préalablement extrait. Mais cela était impossible, puisque les Etats-Unis avaient
détruit les séparateurs de gaz et les stations de pompage des plates-formes centrales. Les forces
américaines sont aussi montées sur la plate-forme de Salman le 18 avril, mais n’y ont trouvé
aucune preuve à charge, ce qui ne les a pas empêchées d’y poser de nouvelles charges explosives.
Etant donné que le complexe de Salman était à l’époque l’installation pétrolière offshore iranienne
la plus vaste et la plus importante, le dommage économique et commercial subi par l’Iran fut
énorme. Je l’ai déjà dit : il serait tout à fait abusif d’affirmer que les attaques étaient nécessaires;
elles ont en outre été totalement disproportionnées.
*
4. Les événements qui ont suivi les attaques du 18 avril 1988
36. J’en viens à la dernière partie de mon exposé : je me propose d’examiner très brièvement
les événements qui ont eu lieu après le 18 avril 1988 afin de bien situer dans la perspective voulue
l’argument des Etats-Unis quand ils disent que leur emploi de la force armée fut «efficace». La
réponse à cet argument est tout simplement que les hostilités ont pris fin dans le golfe Persique
parce qu’un accord de cessez-le-feu a été signé. Il est toutefois utile de présenter certains faits
élémentaires (CR 2003/10, p. 50, par. 10.61).
- 36 -
37. Tout d’abord, je rappellerai que c’est l’Iraq, et non pas l’Iran, qui est responsable des
dommages très graves subis par des navires en 1988. Cela ressort d’un autre document que les
Etats-Unis ont déposé mais n’ont pas cité lors de leurs plaidoiries. Il s’agit d’un rapport
d’INTERTANKO de juin 1988. On y lit ceci :
«les informations dont nous disposons montrent que soixante et onze personnes ont été
tuées au cours des quatre premiers mois de 1988, constituant ainsi les pertes les plus
graves survenues. Celles-ci sont dues essentiellement à l’attaque aérienne iraquienne
du 19 mars… Cette attaque a provoqué les plus graves pertes en vies humaines en
mer au cours des sept années qu’a duré la guerre du Golfe.» (Contre-mémoire,
annexe 1.)
38. Le 9 mai 1988, trois semaines après les incidents du 18 avril, le Conseil de sécurité a
adopté la résolution 612 dans laquelle il a une fois de plus condamné l’emploi d’armes chimiques
dans la guerre. L’Iraq employait des armes chimiques depuis cinq ans avec la même intensité sans
que les Etats-Unis prennent les mesures qui s’imposaient; ceux-ci ont en fait continué à soutenir le
régime iraquien.
39. Dans son exposé liminaire, l’agent des Etats-Unis a déclaré que son pays avait employé
la force contre l’Iran à trois occasions : lors des deux opérations menées contre les plates-formes et
de celle menée contre l’Iran Ajr (CR 2003/9, p. 14, par. 1.20). Cela est faux. Les Etats-Unis ont
aussi détruit la moitié de la flotte iranienne, comme on vous l’a dit. Et le 3 juillet 1988, les
Etats-Unis ont à nouveau affiché leur hostilité de principe à l’égard de l’Iran lorsqu’un croiseur
lance-missiles américain a abattu un Airbus civil iranien qui effectuait un vol commercial régulier
d’Iran à Doubaï. Deux cent quatre-vingt-dix civils ont été tués. Comme auparavant, la réaction
immédiate des Etats-Unis à cet incident a été de justifier leurs opérations par la légitime défense.
Ils ont soutenu que l’avion de ligne, un avion de ligne civil, était en train de plonger vers un navire
de guerre américain comme s’il l’attaquait, qu’il volait en dehors du couloir aérien commercial
prévu, que le signal émis par le transpondeur du cockpit n’était pas le signal habituel des avions de
ligne, et que la marine américaine devait simultanément faire face à des attaques de surface par de
petits bâtiments iraniens. Ainsi que l’a clairement déclaré le capitaine d’un navire de guerre
américain qui naviguait en coopération avec le croiseur qui a abattu l’Airbus le 3 juillet, toutes ces
allégations se sont révelées fausses (le rapport est reproduit à l’annexe 55 du mémoire).
- 37 -
40. Le 18 juillet 1988, le ministre iranien des affaires étrangères a envoyé une lettre au
Secrétaire général des Nations Unies par laquelle il acceptait officiellement la résolution 598.
L’Iraq a réagi par une nouvelle occupation du territoire iranien, en employant à nouveau des armes
chimiques contre l’Iran ¾ fait que l’équipe d’enquête des Nations Unies a confirmé et qui figure
dans la résolution 620 du Conseil de sécurité en date du 26 août 1988 (mémoire, annexe 24).
41. Le cessez-le-feu est enfin entré en vigueur le 20 août 1988. C’est pour cela que les
hostilités ont cessé dans le golfe Persique. En application du paragraphe 6 de la résolution 598, le
Secrétaire général a chargé un organe impartial d’enquêter sur la responsabilité du conflit. Comme
l’a expliqué l’agent de l’Iran, le rapport du Secrétaire général a par la suite confirmé que l’Iraq était
responsable de la guerre.
*
42. Pour paraphraser ce que le conseil des Etats-Unis a expliqué mercredi dernier, je dirai
que si les Etats-Unis avaient reconnu cette réalité élémentaire dès le début de la guerre, s’ils
n’avaient pas fourni une assistance militaire, financière, logistique, et diplomatique à l’Iraq et
n’avaient pas échangé avec lui des renseignements à partir de 1982, s’ils avaient pris des mesures
pour empêcher l’Iraq de déclencher et prolonger la guerre des pétroliers et pour lui interdire de
recourir à des armes chimiques, s’ils n’avaient pas été disposés par principe à traiter l’Iran avec
hostilité et à détruire ses plates-formes pétrolières, nous ne nous trouverions pas devant vous
aujourd’hui.
43. Monsieur le président, voilà qui met fin à mon exposé. Je vous serais reconnaissant de
bien vouloir appeler M. Pellet à la barre.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Bundy. Je donne la parole à M. Pellet.
- 38 -
Mr. PELLET:
REPLY TO THE ARGUMENTS OF THE UNITED STATES CONCERNING THE
BREACH OF THE TREATY OF AMITY, ECONOMIC RELATIONS,
AND CONSULAR RIGHTS OF 15 AUGUST 1955
1. Mr. President, Members of the Court, during his oral argument last Tuesday,
Professor Weil set out two principles. We will revert briefly later on to the second of these. I
hardly need say that Iran clearly has no objection to the first of them ¾ I am quoting
Professor Weil: “The Court’s jurisdiction to consider the conformity with the 1955 Treaty of the
actions of which the United States stands accused relates to one provision of the Treaty only:
Article X concerning freedom of commerce and navigation.”24 However, we would have preferred
him not to have taken the liberty, “for the sake of convenience” as he put it25, of referring to
paragraph 1 of that provision simply as “Article X”; this gives a distorted picture of the problems
at issue. The question, Mr. President, is whether the United States breached Article X, paragraph 1.
It did breach it ¾ and it is on this that I am going to focus this morning.
2. Professor Murphy used two arguments to dispute this:
“First, Iran has not proven that the United States actions against the platforms
impeded any ‘freedom of commerce and navigation’ as that phrase has been defined
by this Court.
Second, Iran has not proven that the United States actions against the platforms
impeded commerce and navigation ‘between the territories’ of Iran and the United
States.”26
Mr. Bettauer also made two main points, as follows:
1. “United States actions had no relevant or legally cognizable effect on Iran’s international
commerce in oil.”27
2. “The use of the platforms for offensive military activities precludes recovery under Article X,
paragraph 1.”28

24CR 2003/11, p. 16, para. 13.11.
25Ibid., p. 13, para. 13.2.
26Ibid., p. 35, paras. 15.4 and 15.5.
27Ibid., p. 54.
28Ibid., p. 57.
- 39 -
3. With your permission, Mr. President, I shall for the time being reserve consideration of the
latter point, which I shall address this afternoon. On the other hand, I shall this morning consider
the other three American arguments.
I. The destruction of the oil platforms by the United States affected “freedom of commerce”
as construed by the Court
4. Since, unlike the United States29, Iran does not claim to engage in navigation without
ships, freedom of navigation is not at issue in this case, the platforms attacked by the United States
being fixed installations30. On the other hand, there is no doubt that their destruction affected the
freedom of commerce guaranteed by the Treaty ¾ this will be my first point, Mr. President.
5. I have no quarrel with Professor Murphy on his analysis of your 1996 Judgment. We
agree with him that you did not make any determination on the merits (and did not, therefore,
determine whether the United States had actually violated Article X, paragraph 1, of the Treaty)
and we do not dispute that, for this to be so, there must be “acts entailing the destruction of goods
destined to be exported, or capable of affecting their transport and their storage with a view to
export” 31 ¾ these are your exact words in the 1996 Judgment. So, was this the case?
6. The short reply to this question seems to me to be that it self-evidently was, for it is absurd
to assert that freedom of commerce is not breached when one of the parties to the Treaty destroys
the means of production and transport of goods destined for export ¾ and it is obvious that, in
destroying the three platforms, whose function was precisely this, the United States made
commerce in one product, oil ¾ whose export is essential, not to say vital for Iran ¾ impossible;
and without commerce, there can be no freedom of commerce. Furthermore, as you observed in
the 1996 Judgment when analysing Article X, “Iran’s oil production [and I emphasize the word
‘production’], a vital part of that country’s economy, constitutes an important component of its
foreign trade”32. “[T]he procurement of goods with a view to using them for commerce” is an

29See CR 2003/14, p. 37, para. 38 (Pellet) and p. 46, para. 6 (Crawford); cf. CR 2003/13, pp. 26-27, para. 21.10
(Murphy).
30CR 2003/11, p. 36, para. 15.8 (Murphy).
31Judgment of 12 December 1996, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 819, para. 50.
32Ibid., p. 820, para. 51.
- 40 -
“antecedent activit[y]” clearly “essential to maintain commerce”33; and there is no doubt that the
extraction of oil carried out on the three platforms meets this definition. Yet Mr. Murphy doubts
this. Let us have another look at his arguments.
7. First, he states, the destruction of the platforms did not entail the “destruction of goods
destined to be exported” as “the oil extracted by [the] platforms was not in a form capable of being
exported”34. For the reason I have just stated, I think this proposition is based on an erroneous
assumption: the question is not whether the oil in question was “in a form capable of being
exported”, but, as the Court said, whether it was “capable of being exported”.
8. And there can be no doubt about the reply: the oil extracted by the Resalat, Reshadat,
Salman and Nasr platforms was capable of being exported. First, quite simply, because it
represented the first step in the production of a product whose extraction was “essential to maintain
commerce” and which, as you said, was an “important component” of Iran’s foreign trade.
Furthermore, and contrary to what the United States suggests35, this oil underwent some initial
processing on site: crude oil just extracted cannot be transported by pipeline, so some initial
processing had to be carried out on the platforms themselves, consisting of the separation of oil
from gas, failing which the product would have been highly unstable and have posed a major
hazard36. All the installations required for this separation process vital to transport (separators,
compressors, turbines, pumps) were, in all three cases, destroyed by the American attacks.
9. After this initial processing, the oil was piped to Lavan Island (from the Reshadat and the
Salman platforms) and Sirri Island (from the Nasr platform). These islands lay 108, 142 and 33 km
respectively away from the platforms. Here, therefore, the oil began its journey to its final
destination. Professor Murphy tells us, which is not in fact quite accurate37, that the American
attacks “were limited to the ‘jackets’ of the platforms” and that, consequently, there was nothing to

33Ibid., p. 818, para. 45.
34CR 2003/11, p. 37, paras. 15.14 and 15.15.
35See Rejoinder, pp. 94-95, paras. 3.44-3.46, and pp. 97-98, para. 3.52 or CR 2003/11, p. 37, para. 15.15
(Murphy).
36See Reply, pp. 28-29, paras. 3.6-3.8, and Vol. IV, Statement of Mr. Sehat, p. 10, para. 3; Statement of
Mr. Emami, p. 1, para. 1, and Statement of Mr. Alagheband, p. 4, para. 16; Rejoinder, Ann. 212; CR 2003/6, p. 45,
para. 29 (Zeinoddin).
37See Reply, Vol. IV, Statement of Mr. Sehat, p. 7, para. 18.
- 41 -
prevent the transportation of the oil since the pipelines themselves had not been destroyed38
.
Mr. President, I am not too sure what these “jackets” are, and I note that the normally highly
competent Registry translation department has declined to translate this word (of which I have
found no mention, in this sense, in my Collins Robert); but what I do know is that it takes a
considerable dose of cynicism to claim that Iran could continue to transport its oil from the
platforms (what oil by the way? The platforms could obviously no longer produce any . . .).
10. Moreover, Members of the Court, look at what remains of Reshadat-4 after the attack on
19 October 198739
. . . and the Salman platform40
. . .
Further, on Salman, the American military had placed explosives at the point where the oil
was pumped, which left no doubt as to their intentions, and it was only thanks to the failure of the
detonator that the charge did not explode41
.
And here is what remains of the Nasr platform42
. . . or Reshadat-743
.
11. Mr. President, I am at a loss to see how anything whatever could have been sent (by any
means one cares to name) from what remained of these unfortunate platforms! As for storage,
while it is true that the facilities for this were at Sirri and Lavan, given the state in which the
American actions had left the platforms, it is rather hard to see what might have been stored either!
What is true is that the destruction of the platforms had purely and simply excluded any possibility,
any freedom (it is freedom of commerce which is at issue, let me remind you) to market the oil,
since it could no longer be extracted.
12. Mr. President, the destruction of the platforms obviously breached the “freedom of
commerce” guaranteed to Iran by the 1955 Treaty. All well and good, Professor Murphy tells us,
but Iran still has to show that it was freedom of commerce “between the territories of the two High
Contracting Parties” that was affected.

38CR 2003/11, p. 38, para. 15.16.
39Tab No. 14 in the judges’ folders, first round.
40Tab No. 15 in the judges’ folders , first round.
41See Reply of Iran, Vol. IV, Statement of Mr. Emami, p. 3, para. 9.
42Tab No. 18 in the judges’ folders, first round.
43Tab No. 13 in the judges’ folders, first round.
- 42 -
II. The destruction of the platforms by the United States affected “freedom of commerce
between the territories of the two High Contracting Parties”
13. “The ordinary meaning [of the phrase, he says] is that the commerce . . . must commence
in the territory of one State and then proceed to the territory of the other State.”44 I agree, but
subject to a clarification and to a qualification.
14. The clarification is as follows: it is true that the product concerned ¾ in this case, oil ¾
must leave the territory of one of the parties ¾ Iran in this case ¾ to be sent to the other, the
United States. But it can go there directly or transit through one or more other States. In other
words, the commerce may be direct or indirect. And, as Iran has shown45, it is plainly evident that
commerce between the two countries continued, after the embargo, via western Europe; this was a
very convenient way for the United States of circumventing its own decision, where it proved
contrary to its interests. As Professor Odell showed in his report: “over the 3-year period from
1986-88, the flow of Iranian crude to Europe increased very significantly and, at the same time,
there was a similar significant increase in European products’ exports to the United States”46
.
15. The qualification is more in the nature of an addition: once again, Mr. Murphy lumps
together “commerce” and “freedom of commerce”, disregarding the Court’s caveat, in which it
however clearly indicated that it “should not in any event overlook that Article X, paragraph 1, of
the Treaty of 1955 does not strictly speaking protect ‘commerce’ but ‘freedom of commerce’’’47
.
That freedom is not founded on a momentary reality; it implies a possibility for the future. It does
not presuppose that such commerce must actually be taking place; it would be absurd, for example,
to claim that, by virtue of Article X, paragraph 1, the United States was obliged to buy all the oil
from Iran which that country wanted to sell to it; the requirement of this provision is that the
United States should not make such commerce (between the territories of the two parties)
impossible, or more difficult, or simply less free.

44CR 2003/11, p. 40, para. 15.22.
45See Reply, pp. 32-36; CR 2003/6, p. 49, paras. 46-48 (Zeinoddin).
46See Reply, Vol. III, Odell Report, p. 12, para. 5.
47Judgment of 12 December 1996, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 819, para. 50.
- 43 -
16. My opponent believes he has found a contradiction between Iran’s position on the
principal claim and its position on the counter-claim48. This is not so. In both cases we accept that
freedom of commerce under Article X, paragraph 1, relates to commerce between the territories of
the two States. But, where the counter-claim is concerned, we note that the United States has not
found one single “example” to show that the acts it attributes without any proof to Iran injured that
commerce, notwithstanding all its undoubted efforts to substantiate its argument. In the absence of
any injury, the United States has no title for invoking a breach of the Treaty.
17. Matters are quite different where the principal claim is concerned:
¾ first, the facts are not disputed: the United States did destroy the platforms;
¾ second, as I have shown, the platforms were engaged in antecedent activities “integrally related
to commerce”49;
¾ lastly, while the United States has been unable to show that the acts it attributes to Iran “in the
Gulf” (and indeed for the most part outside the maritime areas under Iran’s jurisdiction)
affected either commerce between the two countries or the freedom to engage in it, the
destruction of the platforms quite simply removed, excluded, eliminated any possibility of
engaging in it.
18. Professor Murphy quite rightly notes50 that, in the 1996 Judgment, the Court stated that it
was “not able to determine if and to what extent the destruction of the Iranian oil platforms had an
effect upon the export trade in Iranian oil”51. It is his reply to this question which is not
convincing.
19. To begin with, he tells us, the platforms lay outside Iran’s territorial sea52. True, but they
are located within Iran’s continental shelf and exclusive economic zone, over which spaces, I
would scarcely venture to remind you, coastal States exercise “sovereign rights” for economic
purposes53. And, as the Court noted, for example in connection with the Aegean Sea Continental

48CR 2003/11, pp. 40-41, para. 15.24 and p. 50, para. 15.61.
49Judgment of 12 December 1996, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 819, para. 49.
50CR 2003/11, p. 41, para. 15.25.
51Judgment of 12 December 1996, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 820, para. 51.
52CR 2003/11, p. 42, paras. 15.28-15.31.
53See Article 2 of the 1958 Geneva Convention on the Continental Shelf, and Articles 56 and 77 of the 1982
Montego Bay Convention.
- 44 -
Shelf case, “the presumption necessarily arises that [the meaning of such a provision] was intended
to follow the evolution of the law and to correspond with the meaning attached to the expression by
the law in force at any given time”54. With respect to a treaty on “economic relations”, there can be
no doubt that the notion of “territory” refers to such “territories for economic purposes” as the
continental shelf and the exclusive economic zone. There is no doubt that the freedom of
commerce envisaged in Article X, paragraph 1, extends to them. And it is highly revealing that, for
example, Executive Order No. 12959 by the President of the United States of 8 May 1995,
imposing unilateral sanctions on Iran, states: “the term ‘Iran’ means the territory of Iran and any
other territory or marine area, including the exclusive economic zone and continental shelf over
which the Government of Iran claims sovereignty, sovereign rights or jurisdiction . . .”55
.
20. But, Mr. Murphy tells us again, there cannot have been any adverse effect on freedom of
commerce since, at the times of the American attacks, there was no oil trade between the platforms
destroyed and the United States56. This calls for various comments:
21.
(1) The Treaty of 1955 does not guarantee freedom of commerce between these three platforms
and the United States, but between Iran and the United States. In destroying the platforms, the
United States prejudiced Iran’s freedom to organize its commerce as it wished from its own
territory: whether from the platforms (or not), whether to reduce production elsewhere and
increase it on the platforms, etc.
(2) With another plentiful dose of cynicism, Professor Murphy asserts that there could not be any
commerce from Reshadat and Salman (let me, in passing, point out that this was not the case
of the Nasr platform) since, when destroyed by the United States, these two platforms were
undergoing repairs after previous Iraqi attacks57. Yes, they had been seriously damaged. Yes,
they were undergoing repairs. But these particular repairs were practically completed when,

54Judgment of 19 December 1978, Aegean Sea Continental Shelf, I.C.J. Reports 1978, p. 32; see also, for
example, the Advisory Opinion of 21 June 1971, Legal Consequences for States of the Continued Presence of South
Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), I.C.J. Reports 1971,
pp. 31-32.
55Section 2, para. (d).
56CR 2003/11, pp. 42-52, paras. 15.32-15.68.
57Ibid,. pp. 42-43, paras. 15.33-15.34.
- 45 -
by a curious coincidence, the United States arrived to finish off the work of the country with
which Iran was at war (thereby rendering redundant any fresh Iraqi attack, contrary to the
“speculation” in which my opponent sees fit to indulge58). By preventing any resumption of
production, and hence of trade, here too the United States prejudiced Iran’s freedom to trade
with it from these platforms.
(3) In this respect, Professor Murphy even went so far as to claim that the forthcoming resumption
of production was “sheer speculation”59; yet not only is such resumption borne out by
documents in the case, but subsequent events moreover showed that, in the face of the
“American challenge”, the Iranians immediately sought to repair the platforms: they resumed
production on 24 October 1990 in the case of Reshadat, 5 August 1988 in the case of Salman,
and January 1992 in the case of Nasr60, even if they did not resume full production until later
(1993 in the case of the first two and during 1992 in the case of the third61). Obviously they
had done likewise following the “Iraqi ordeal”.
(4) The embargo. Here too, I cannot help but note the cynicism in our opponents’ argument:
basically, says my learned adversary, Iran cannot accuse us of any breach of Article X,
paragraph 1, since, in any event, Iran could not export its oil to the United States because we
had prohibited imports of Iranian oil62. In other words, Mr. Murphy says, “I, United States of
America, have prohibited all trade with Iran (to which I am bound by a treaty of commerce,
which guarantees freedom of commerce) and I cannot therefore be accused of making such
commerce physically impossible by destroying the very means of that commerce!” That
certainly cannot be the law.
22. But, Mr. President, I think it might be useful to explore this point further during my
reply, in the third section, to Mr. Bettauer’s argument that the destruction of the oil platforms had
no specific effects on freedom of commerce between the two States.

58CR 2003/11, p. 51, para. 15.66.
59Ibid,. p. 50, para. 15.63; see also pp. 50-52, paras. 15.64-15.67.
60See Reply, Vol. IV, p. 6, para. 17 (Sehat); p. 4, para. 10 (Emami); p. 7, para. 21 (Hassani).
61Ibid., p. 6, para. 18 (Hassani); p. 4, para. 10 (Emami); p. 7, para. 21 (Hassani).
62CR 2003/11, pp. 43-45, paras. 15.35-15.43.
- 46 -
III. The destruction of the platforms by the United States had specific effects on Iran’s
exercise of freedom of commerce as guaranteed by the Treaty.
23. In the same spirit that impels Professor Murphy to argue that the destruction of the
platforms did not affect Iran’s freedom of commerce, the United States Co-Agent tells us:
“Whatever the case, Iran simply has not shown that it would have exported more oil than it in fact
exported had the United States actions not occurred.”63 The reason he gave for this was that Iran’s
Oil Minister stated in December 1987 (after the destruction of Reshadat, but before that of Salman
and of Nasr, incidentally), then again three years later (this time well after the events and when the
repairs to the platforms were completed or just about to be) that Iran could increase its oil
production if desired64
.
24. We have basically been told, in both cases: “we were entitled to destroy a few oil
platforms because Iran could still export what it wanted elsewhere than to the United States”. But
that is to ignore a point which is nonetheless of a certain significance to us here: the two States are
bound by a treaty which guarantees freedom of commerce between the territories of the two
countries.
25. I realize, Mr. President, that Mr. Murphy claims the embargo was lawful and that in any
event Iran cannot dispute it because it was not the subject of its Application65. There is no doubt,
Members of the Court, that you are not entitled to rule directly on this matter or to incorporate your
ruling into the operative part of your judgment ¾ and, indeed, Iran is making no such request. On
the other hand, I fail to see why you could not, if need be, address this point as an objection of
illegality [exception d’illégalité]. And to my mind there is little doubt that, if you were to do so,
you must declare ¾ declare rather than adjudge ¾ that the embargo was unlawful66
.

63Ibid., p. 54, para. 16.4.
64Ibid., p. 54, para. 16.3 ¾ see Rejoinder, Vol. II, Anns 212.C and D.
65CR 2003/11, pp. 44-45, paras. 15.42-15.43; see also, p. 55, para. 16.8 (Bettauer).
66Cf. Judgment of 27 June 1986, Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America), Merits, I.C.J. Reports 1986, p. 140, para. 279, and p. 148, para. 292.11; see also CR 2003/5,
pp. 38-39, para. 24 (Crawford).
- 47 -
26. That said, I do not believe it is necessary to go that far. As the Permanent Court stated,
“[f]rom the standpoint of International Law and of the Court which is its organ, municipal laws
[and here I would add: even the laws of the United States] are merely facts”67. The embargo relied
upon by the United States was decreed by the President of that country and is thus, without any
doubt, a mere fact which, legally speaking, from the standpoint of international law, is not binding
either on the Court or on Iran. That fact cannot represent a bar to a ruling by this Court,
independently of the fact in question, as to the legality of those other facts of which you are, by
contrast, seised ¾ namely the destruction of the three platforms by armed force ¾, and as to the
conformity of those other facts with Article XX, paragraph 1, of the Treaty. In any event, even
accepting that Iran is not entitled to request you to declare the United States embargo unlawful, the
United States cannot make you “legalize” it, even indirectly.
27. As for Mr. Bettauer’s reasoning, it too comes up against serious objections. Not only is
the argument based on OPEC quotas misconceived, as my opponent appears to acknowledge68, it is
also not compatible with the Court’s position in its 27 June 1986 Judgment in the Military
Activities case. The Court held in that Judgment that the mining of certain ports in Nicaragua
violated Article XIX, paragraph 1, of the 1956 Treaty (the equivalent of our Article X,
paragraph 1), but it did not first seek to consider whether or not such mining prevented commerce
with the United States which could also have been carried on via other ports69
.
28. In the same way, Mr. Bettauer’s reasoning amounts to saying that Iran could always sell
the United States oil extracted from fields other than those rendered unusable by the United States
armed actions. But in that case what of Iran’s freedom of commerce? Let us suppose that the
United States authorizes Iranian nationals to travel to America, but only from Meshad, a remote
airport in the north-east of Iran, and on the condition that they land at Fairbanks International
Airport, located in the wilds of central Alaska. Could it then be said that the freedom of circulation
between the two territories (as guaranteed, incidentally, by Article II of the Treaty) is respected,

67Judgment of 25 May 1926, Certain German Interests in Polish Upper Silesia, P.C.I.J., Series A, No. 7, p. 19;
see also, Advisory Opinion, 31 July 1930, Greco-Bulgarian “Communities”, P.C.I.J., Series B, No. 17, p. 32 and
Articles 3 and 4 of the Draft Articles of the International Law Commission on State Responsibility for Internationally
Wrongful Acts, annexed to General Assembly resolution 56/83 of 12 December 2001.
68CR 2003/11, p. 54, paras. 16.3-16.4.
69See I.C.J. Reports 1986, p. 45, para. 75; p. 48, para. 80 and p. 139, para. 278.
- 48 -
provided that it is still possible to travel between the two countries? Certainly not. Well, it was the
same thing for freedom of commerce after the destruction of the platforms: the United States thus
sought to dictate Iran’s export policy (telling it where it was entitled to extract the oil destined for
export ¾ not from the three destroyed platforms; and from where it could export the oil ¾ not
from Sirri or from Lavan; etc.).
29. Mr. President, all of this does not represent some hypothetical conclusion based on a
“conceivable relationship”, to use the words of Mr. Bettauer70; these are certain, direct and specific
consequences of the destruction of the platforms for Iran’s freedom of commerce. They are,
without any doubt, incompatible with the terms of Article X, paragraph 1, of the Treaty of Amity
and Commerce as you interpreted it in your 1996 Judgment.
Members of the Court, thank you for your attention, and I would ask you, Mr. President, if
you would kindly give the floor to Mr. Bothe for what should be our last statement this morning.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Pellet. Je donne maintenant la parole à M. Bothe.
M. BOTHE : Merci, Monsieur le président.
LEGITIME DEFENSE ET QUESTIONS CONNEXES
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour. Mon éminent collègue, M. Weil,
nous a dit de manière fort éloquente que le sujet de la légitime défense était sans intérêt pour la
décision que vous allez prendre71. L’Iran n’est pas de cet avis et, bien entendu, les deux Parties
continuent de débattre de la question. Il est de mon devoir de mettre les choses au point à cet
égard.
2. A titre préliminaire, je vais parler de la licéité des attaques contre les navires neutres ou
prétendument neutres, question que les Etats-Unis ont soulevée dans leur argumentation de
mercredi dernier72
.

70CR 2003/11, p. 56, para. 16.10.
71 CR 2003/11, par. 13.12.
72 CR 2003/13, par. 21.36 et suiv.
- 49 -
Pour l’essentiel, mon argumentation va s’articuler autour de trois points principaux :
1) l’existence d’une agression armée dirigée par l’Iran contre les Etats-Unis;
2) la qualification de légitime défense appliquée à l’action menée par les Etats-Unis (le principe
de nécessité);
3) l’exigence de proportionnalité.
3. Dans son argumentation de mercredi, le conseil des Etats-Unis73 a tenté de démontrer qu’il
y avait contradiction entre un des articles que j’ai publiés74 et la position défendue par l’Iran dans
ses pièces écrites. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, aux fins de cette
procédure, je n’ai à renier aucun des articles que j’ai déjà écrits. Le conseil des Etats-Unis a
purement et simplement mal rendu compte de la position iranienne. Voici ce qu’a dit le conseil des
Etats-Unis et qui figure dans le compte rendu in extenso75 ¾ et je cite ¾ : «Voilà pourquoi l’Iran
déclare 'que les attaques iraniennes alléguées contre des navires transportant du pétrole en
provenance de ports koweïtiens et saoudiens seraient licites'.» Or le texte de la pièce écrite initiale
de l’Iran est rédigé en ces termes76 : «Si l’on adopte la position qui est celle des Etats-Unis en ce
qui concerne les cibles licites dans la guerre sur mer, les attaques iraniennes alléguées contre des
navires transportant du pétrole en provenance de ports koweïtiens et saoudiens seraient licites.» La
différence entre les deux textes saute aux yeux. L’Iran, dans sa pièce écrite, cite ensuite des auteurs
qui critiquent l’opinion des Etats-Unis sur les cibles navales.
4. D’après le conseil des Etats-Unis, il eut peut-être été bon que je fusse déjà, à l’époque,
conseil de l’Iran77. C’est une bonne idée, mais pourquoi pas conseil des Etats-Unis ? Dans l’article
évoqué, j’avais entrepris de réfuter une thèse courante à l’époque dans les publications de juristes
semi-officiels d’Amérique du Nord, selon laquelle les attaques dirigées contre des navires neutres

73 CR 2003/13, par. 21.40 et suiv., en particulier le paragraphe 21.44.
74 M. Bothe, «Neutrality at Sea», in I. F. Dekker/H. H. G. Post, dir. de publ., The Gulf War of 1980-1988, 1992,
205, p. 211.
75 CR 2003/13, par. 21.40
76 Réponse additionnelle, vol. I, par. 7.24.
77 CR 2003/13, par. 21.45.
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transportant du pétrole chargés dans des ports de pays belligérants étaient licites78. C’est
précisément le point de vue que je critiquais qui est défendu dans l’article soumis par l’Iran en
annexe à son mémoire79, mais aussi cité par le conseil des Etats-Unis80 et rédigé par le capitaine de
vaisseau (ce qu’il était à l’époque) Ashley Roach81, alors l’un des principaux avocats militaires
auprès de l’armée des Etats-Unis.
5. Si les Etats-Unis citent à présent, en semblant y souscrire, les critiques que j’ai formulées
il y a plus de dix ans, ce n’est guère pour moi un motif de réconfort. La position des Etats-Unis
n’en demeure pas moins contradictoire. D’une part les Etats-Unis, s’appuyant sur l’interprétation
particulièrement contestable du droit de neutralité que j’avais alors critiquée, considèrent le pétrole
en provenance des ports iraniens comme «non neutre» parce qu’il finançait l’effort de guerre
iranien82. C’était, aux dires des Etats-Unis, une cible licite pour l’Iraq. D’autre part, faisant fi de
manière inacceptable des faits réels, les Etats-Unis qualifient le pétrole en provenance des ports
koweïtiens et saoudiens de «véritablement neutre»83. Cette opinion ne tient absolument pas compte
du fait que les recettes tirées de ce pétrole étaient en grande partie acheminées vers l’Iraq pour
financer son effort de guerre. Des deux côtés les exportations de pétrole étaient «innocentes» aux
yeux de l’acheteur, mais elles contribuaient à l’effort de guerre des parties au conflit. La position
des Etats-Unis témoigne du principe «deux poids, deux mesures» porté à l’extrême.
6. J’aborde à présent la question principale, à savoir la véritable question en l’espèce : le
droit de légitime défense. Pour commencer, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la
Cour, il n’y a pas eu agression armée contre les Etats-Unis au sens de l’article 51 de la Charte.

78 W. J. Fenrick, «The Exclusion Zone Device in the Law of Naval Warfare», 24 CanYBIL, 1986, 91, p. 120; plus
récemment ibid., «The Merchant Vessel as Legitimate Target in the Law of Naval Warfare», in
A. J. M. Delissen/G. J. Tanja (dir. de publ.), Humanitarian Law of Armed Conflict: Challenges Ahead. Essays in
Honour of Frits Kalshoven, 1991, 425, p. 442.
79 Mémoire, annexe 13.
80 CR 2003/13, par. 21.46.
81 J. A. Roach, «Objectifs à atteindre : Choix des objectifs et zones de défense dans la guerre des pétroliers»,
vol. 31, Virginia JIL, 1991, p. 592.
82 Roach, loc. cit., p. 603.
83 Roach, loc. cit., p. 606.
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7. Les Etats-Unis prétendent qu’il y avait «une trame plus large d’actions iraniennes
recourant à l’emploi illicite de la force contre les navires neutres des Etats-Unis et d’autres pays»84
ou «une campagne d’attaques illicites contre les navires neutres, notamment américains»85. C’est
là un point important, car il détermine les limites dans lesquelles la légitime défense peut être
exercée. C’est pourquoi on ne peut pas ne pas se demander si cette affirmation des Etats-Unis est
vraie en fait et en droit. Une métaphore permet de mieux situer le problème. Il faut des arbres pour
qu’il y ait une forêt. Or s’il y a des arbres, il n’y a pas nécessairement de forêt. Mais, s’il n’y a pas
d’arbres, il n’y a pas de forêt. C’est pourquoi nous avons invité la Cour à commencer par examiner
les incidents individuels considérés par les Etats-Unis comme des agressions armées à leur égard,
c’est-à-dire pour voir s’il y a quelques arbres, et ensuite, dans un second temps, à se demander s’il
y a un système d’agressions armées, c’est-à-dire si les arbres qui forment peut-être un groupe
constituent une forêt.
8. Même dans leurs plaidoiries devant la Cour, ces derniers jours, en particulier quand ils ont
parlé de la demande reconventionnelle, les Etats-Unis ont plutôt souligné des généralités que traité
des incidents individuels. Les Etats-Unis ont à maintes reprises dénoncé une «campagne»
prétendument iranienne d’«attaques systématiques et opiniâtres contre les navires neutres,
notamment américains»86. Mais s’il y a eu un système d’agressions armées contre les Etats-Unis, il
doit y avoir eu un nombre suffisant d’agressions armées particulières contre les Etats-Unis qui
soient prouvées. A cette fin, il ne suffit pas de produire une carte où sont indiqués certains points
rouges87
.
9. Par conséquent, nous devons entrer dans les détails. Supposons un instant, pour les
besoins de l’argumentation, qu’une attaque contre un navire marchand puisse être une agression
armée au sens de l’article 51 de la Charte. Mais une agression armée contre quel Etat ? La seule
possibilité, c’est de considérer l’Etat du pavillon comme l’Etat victime de l’agression. L’idée qu’il
pourrait aussi s’agir de l’Etat dont est ressortissant le propriétaire du navire ou de la cargaison, quel

84 Contre-mémoire, par. 4.10.
85 CR 2003/9, par. 1.3.
86 CR 2003/9, par. 2.2. et 3.2.; CR 2003/10, par. 7.3.
87 Voir la carte qui accompagne l’exposé de M. Beaver, CR 2003/9, par. 2.1. et suiv.; contre-mémoire, par. 1.90.
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qu’il soit, est absurde. Ainsi, nous avons donc trois incidents sur lesquels, en l’espèce, on pourrait
fonder la thèse d’une agression armée, deux navires marchands, le Bridgeton et le Sea Isle City, et
un navire non marchand, le Samuel B. Roberts. Est-ce qu’il suffit de trois arbres pour qu’il y ait
une forêt ?
10. Mais avons-nous réellement trois arbres ? Le Sea Isle City a été heurté par un missile
alors qu’il naviguait dans les eaux territoriales koweïtiennes. Quel Etat peut-il être considéré
comme étant attaqué si un missile atteint un port situé à une centaine de kilomètres de son poste de
lancement ? Est-ce que la tête chercheuse d’un missile (nous avons eu toute une conférence à ce
sujet88) reconnaîtrait un pavillon des Etats-Unis et dirigerait le missile vers ce navire ? Non, cette
attaque, à supposer qu’elle ait été lancée par l’Iran, était dirigée contre le Koweït. La Cour n’a pas
à se prononcer sur une attaque contre le Koweït. Il ne reste plus que deux arbres pour constituer la
forêt.
11. Dans ces conditions, qu’en est-il des deux arbres de notre forêt imaginaire ? A ce stade,
il nous faut aborder la question du mouillage de mines. Mes collègues MM. Sellers et Bundy ont
démontré une fois encore qu’il n’y avait pas assez de moyens de preuve établissant que les mines
heurtées par ces navires étaient d’origine iranienne. Il n’est pas satisfait aux critères de la preuve
que la Cour a définis avec beaucoup de prudence dans l’affaire du Détroit de Corfou89. Le fait que
des mines iraniennes auraient été trouvées dans la zone des incidents porte les Etats-Unis à
conclure que le navire en question a aussi heurté l’une de ces mines90. Dans l’affaire du Détroit de
Corfou, la Cour a accepté, par principe, cette méthode de preuve indirecte ou de preuve par indices.
Toutefois, elle l’a appliquée avec beaucoup de prudence. Elle a accepté l’argument selon lequel
l’existence du champ de mines permettait de conclure que la mine en question appartenait à ce
champ. Mais la Cour a demandé qu’un autre élément confirme cette déduction. Dans l’affaire du
Détroit de Corfou, c’était le fait que le dommage correspondait aux caractéristiques du type de
mine en question. En l’espèce, les Etats-Unis n’ont avancé aucun élément de ce genre qui pourrait
confirmer leur déduction.

88 CR 2003/9, par. 5.32.
89 C.I.J. Recueil 1949, p. 14 et suiv.
90 CR 2003/9, par. 327 et suiv.; CR 2003/10, par. 8.41 et suiv.
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12. En outre, il faut aussi répondre à la question suivante : Quel est l’Etat, dans le cas du
mouillage de mines, qui est la victime de l’attaque ? Les Etats-Unis nous présentent la thèse du
mouillage de mines ciblé91. Et ce type de mouillage de mines pourrait constituer une attaque contre
l’Etat pris pour cible. Mais rien ne prouve que cette thèse est vraie.
13. Cette thèse ne cadre pas avec la méthode qu’ont semblé privilégier les Etats-Unis dans
leurs plaidoiries pour démontrer l’origine iranienne des mines mouillées, méthode qui consiste à
déduire de la présence d’un champ de mines qui serait par la suite découvert à proximité de
l’endroit où le navire est touché que c’est une mine en provenance de ce champ qui est
effectivement à l’origine de l’incident. Dans ces circonstances, la prétendue présence d’un champ
de mines n’est pas assimilable à une attaque armée contre un Etat, quel qu’il soit, dont les navires
viendraient à heurter les mines en question. Dans l’arrêt que vous avez rendu en l’affaire
Nicaragua, vous avez examiné les opérations de minage sous divers aspects. Si les mines étaient
mouillées dans les eaux intérieures ou territoriales du Nicaragua, il s’agissait d’un emploi illicite de
la force contre le Nicaragua, mais non contre les Etats dont les navires venaient à heurter ces
mines. Quant au minage en général, c’est-à-dire quand les mines étaient mouillées aussi en dehors
des eaux territoriales du Nicaragua, sa licéité ou illicéité était évaluée à l’aune des règles du droit
international humanitaire, et non de la prohibition de l’emploi de la force92. Voilà qui confirme la
conclusion avancée par l’Iran. Le minage, hormis dans les circonstances exceptionnelles de mines
individuelles visant des cibles données, ne constitue pas une agression armée contre l’Etat dont un
navire qui bat son pavillon heurte une mine. La thèse américaine selon laquelle les Etats-Unis
furent victimes d’une agression armée de l’Iran sous forme d’attaques à la mine fait donc long feu.
De sorte qu’il ne reste plus aucun arbre pour former la forêt.
14. Mais qu’en est-il des autres prétendus incidents sur lesquels les Etats-Unis ne laissent pas
d’insister et qu’ils engagent la Cour à prendre en considération ? Monsieur le président, Madame
et Messieurs de la Cour, ces incidents sont dépourvus de pertinence en l’espèce. Le droit de
légitime défense collective n’est pas invoqué dans le cadre de la présente instance. Les conditions
requises pour l’exercice de la légitime défense collective ne sont pas remplies, et les Etats-Unis ne

91 Contre-mémoire, par. 1.27 et suiv.; voir aussi CR 2003/12, par. 18.46.
92 C.I.J. Recueil 1986, p. 14; voir d’une part, le paragraphe 227 et, d’autre part, les paragraphes 215 et suivants.
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prétendent pas le contraire. Les autres Etats concernés ¾ nous ne nions ni ne sous-estimons le
fait ¾ protestaient fermement contre la situation faite à leur commerce maritime, mais ils étaient
parfaitement capables de défendre eux-mêmes leurs intérêts. Ils n’avaient pas besoin que les
Etats-Unis emploient la force en leur nom, en s’érigeant en gardiens des intérêts d’autrui ni ne
souhaitaient, manifestement, voir les Etats-Unis adopter cette attitude. Dans leurs plaidoiries, les
Etats-Unis semblent avoir eu conscience de ce problème; ils ont affirmé que l’Iran s’en prenait de
préférence à leurs navires. Mais ces quelques incidents, pour autant qu’ils soient avérés,
montrent-ils réellement que l’Iran prenait tout particulièrement, de préférence pour cibles des
navires américains ? Non, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, et la thèse que
les Etats-Unis ont échafaudée quant à un prétendu système généralisé d’agressions armées à leurs
dépens est indéfendable.
15. Mais quand bien même il y aurait eu attaque armée contre le navire américain, ou, pour
en revenir aux deux incidents, contre l’un ou l’autre des deux navires, l’action des Etats-Unis ne
remplit pas les conditions nécessaires à l’exercice de la légitime défense. La légitime défense doit
constituer un moyen adapté de se protéger contre une agression armée. Le recours à la force en
réaction à une attaque qui a cessé d’être ne relève pas de la légitime défense mais des représailles,
et il est donc illicite. Le recours à la force à des fins de dissuasion, en vue de donner une leçon à un
Etat93 ¾ pour reprendre les termes employés par les Etats-Unis ¾, ne relève pas non plus de la
légitime défense. Ces distinctions sont indispensables aux fins de restreindre l’application de la
légitime défense aux cas où une défense s’impose véritablement et d’éviter que ne soit invoquée
trop largement l’exception à la prohibition de l’emploi de la force qui constitue l’un des principes
fondamentaux de la Charte des Nations Unies et du jus cogens. Ces distinctions font, à la vérité,
partie intégrante du droit international positif. Les Etats-Unis se refusent à faire ces distinctions en
prétendant qu’elles restreindraient abusivement la portée de la légitime défense et ôteraient ainsi
toute efficacité au droit de légitime défense ¾ qu’elles le «viderai[ent] de sens»94. Les Etats-Unis
se refusent à admettre que l’interdiction de l’emploi de la force proscrit bel et bien tous les types
d’action militaire. L’article 51 n’a pas pour but de rouvrir la porte à l’utilisation unilatérale de la

93 Korb, secrétaire adjoint à la défense, mémoire, annexe 51.
94 CR 2003/12, par. 18.49.
- 55 -
force en toutes circonstances qui pourraient, aux yeux d’un Etat, sembler la justifier. La possibilité
de recourir à la force est limitée, et prendre explicitement acte de cette limitation ne revient pas à
vider cette option de son sens.
16. Aux fins de sa démonstration, le conseil des Etats-Unis a évoqué la situation de
l’après-11 septembre 200195. Cet argument est sans pertinence en l’espèce. Soyons parfaitement
clair : l’Iran, lorsqu’il défend l’idée d’une limitation raisonnable du droit de légitime défense,
n’entend pas inviter la Cour à établir une règle qui aurait interdit aux Etats-Unis d’agir en état de
légitime défense à l’issue de ces tragiques événements. Les différences entre la présente instance et
la situation de l’après-11 septembre sont nombreuses et patentes. Je n’en mentionnerai qu’une.
Après le 11 septembre, le Conseil de sécurité a, d’une part, conclu à l’existence d’une menace
contre la paix et a, d’autre part, reconnu l’existence d’un droit de légitime défense dans ces
circonstances précises. Ce qui ne saurait être interprété autrement que comme la reconnaissance
d’un état d’agression armée contre les Etats-Unis. Nulle haute instance n’a ainsi qualifié les
prétendues attaques iraniennes contre des navires américains.
Non, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, il n’est pas juste d’assimiler
les actions menées par les Etats-Unis à des actes de légitime défense au sens de la Charte des
Nations Unies.
17. Cette conclusion s’impose aussi parce que lesdites actions ont contrevenu de manière
flagrante au principe de nécessité. En vertu de ce principe, une mesure prise au titre de la légitime
défense doit apporter à la défense et à la protection de l’Etat agressé une valeur ajoutée. Elle doit
constituer un moyen adéquat de renforcer la sécurité de cet Etat. Comme l’ont souligné mes
collègues, MM. Sellers et Bundy, les plates-formes détruites par les Etats-Unis étaient des
installations commerciales et ne remplissaient pas les fonctions militaires que les Etats-Unis
continuent de leur prêter. Elles ne furent en aucun cas utilisées dans le cadre d’une quelconque
opération militaire, par exemple pour observer les cibles potentielles d’hypothétiques actions
militaires iraniennes. Par conséquent, leur destruction ne renforçait en rien la sécurité des navires
américains dans le golfe Persique. Elle n’était pas «nécessaire».

95 CR 2003/12, par. 18.51.
- 56 -
18. Mais à supposer même qu’il y ait eu légitime défense au véritable sens juridique de la
notion, hypothèse que je ne consens à envisager que pour les besoins de l’argumentation, l’action
des Etats-Unis fut entièrement disproportionnée. Pour apprécier la proportionnalité, il convient de
mettre dans la balance différentes valeurs, les avantages et les inconvénients. D’un côté de la
balance, il y a l’effet positif d’une action défensive visant la protection de l’Etat agressé. De
l’autre, il y a les dommages causés par cette action. Mes collègues, MM. Sellers et Bundy, ont déjà
réfuté les éléments de fait que les Etats-Unis ont allégués pour tenter de démontrer que le principe
de proportionnalité a bien été respecté. Je m’en tiendrai donc à un bref résumé. Du point de vue de
la protection l’incidence de la destruction des plates-formes fut, comme nous venons de le dire,
nulle. En revanche, le préjudice économique fut considérable. Le fait est que ces plates-formes
furent hors service pendant plusieurs années. Pis, les brèches de plusieurs puits ne furent pas
obturées et le pétrole continua tout simplement de se déverser en mer jusqu’à ce qu’une opération
sous-marine extrêmement délicate permît de les colmater.
19. Pour résumer, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour : quand les
Etats-Unis plaident que la destruction des plates-formes était justifiée au titre de la légitime
défense, leur thèse pêche par trois aspects, du point de vue non seulement des faits mais aussi du
droit :
¾ premièrement, il n’y eut aucune agression armée contre les Etats-Unis,
¾ deuxièmement, l’action des Etats-Unis ne pouvait être considérée comme relevant de la
légitime défense au sens juridique de l’expression, et
¾ troisièmement, l’action des Etats-Unis fut totalement disproportionnée.
20. Monsieur le président, j’ai fini d’exposer les vues de la République islamique d’Iran.
Peut-être faudrait-il prendre à présent la pause-déjeuner. Après, je vous prierai de bien vouloir
donner la parole à mon collègue, M. Crawford, pour la suite de notre plaidoirie. Je vous remercie
de votre attention.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Bothe. Voilà qui clôt l’audience de ce matin.
Elle reprendra cet après-midi à 15 heures et durera une heure et demie. Je vous remercie.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 12 h 55.
___________

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