Affaire relative à la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks
et South Ledge (Malaisie/Singapour)
Réponse de Singapour à la question posée aux Parties par le juge Keith le 16 novembre 2007
Question
1. L’appel formé devant la commission judiciaire du Privy Council de la décision de la cour
d’appel de Pitcairn à laquelle se sont référées les deux Parties a été rejeté le 30 octobre 2006. La
référence de cette décision est Christian & others v. The Queen [2007] 2 WLR 120, [2006] UKPC.
Ma question aux deux Parties est la suivante : y a-t-il dans la décision de la commission
judiciaire en cette affaire des éléments ayant une pertinence pour la présente instance ?
Réponse
1. La réponse de Singapour à cette question est que les décisions de la commission judiciaire
du Privy Council sont pertinentes, en ce qu’elles ne tendent pas à remettre en question le point de
droit énoncé par la cour d’appel de Pitcairn sur la pratique britannique en matière d’acquisition de
territoire (que Singapour a cité à l’audience) . L’énoncé de la cour d’appel demeure donc revêtu
d’autorité.
2. 2’étant penchée de près sur «l’abondante documentation présentée à la cour par le
conseil» , aux fins d’étudier, dans la mesure où cette documentation le faisait ressortir, les
«fondements historiques de la revendication britanni que de souveraineté sur l’île Pitcairn et son
3
statut d’établissement britannique» , la cour d’appel a formulé à propos de la pratique britannique
le point de droit suivant (par. 46) :
«Il n’est pas nécessaire d’arrêter le mo ment précis auquel l’île Pitcairn est
devenue une possession britannique. Parfois, la juridiction exercée à l’égard d’un
territoire peut être établie progressivement , ainsi qu’il a été reconnu dans l’affaire
Attorney-General for British Honduras v. Bristowe (1880), 6 App Cas 143. Le
Honduras britannique fut formellement annexé en 1862, mais la Couronne y concéda
des terres dès 1817. Le Privy Council [c’est-à-dire la dernière juridiction d’appel de
l’Empire britannique] a jugé que la souveraineté était acquise à cette dernière date,
sinon avant. De même, un acte officiel d’acquisition n’est pas requis. C’est
l’intention de la Couronne, attestée par ses propres actes et par les circonstances, qui
détermine si un territoire a été acquis au regard du droit anglais. Le même principe
s’applique dans le cadre du règlement de différends internationaux relatifs à la
souveraineté.» 4
1CR 2007/21, p. 47, par. 60-61 (Brownlie) ; CR 2007/23, p. 59, par. 19 (Jayakumar) ; CR 2007/28, p. 61, par. 50
(Brownlie).
2
127 ILR 232, p. 291, par. 34.
3
Ibid.
4Ibid., p. 294-295, par. 46 ; les italiques sont de nous. - 2 -
3. Cet énoncé du droit n’était pas un élément nécessaire aux fins de trancher l’appel. Il n’en
constituait pas moins une appréciation mûrement réfléchie, rendue au terme d’un examen
approfondi du droit et des faits de l’affaire, et prenant en compte l’intégralité des arguments. Son
caractère d’énoncé du droit anglais par la cour d’appel faisant autorité, est donc confirmé.
4. Les points suivants méritent d’être relevés en ce qui concerne le point de droit énoncé par
la cour d’appel :
⎯ il s’agit d’un énoncé mûrement réfléchi, faisan t autorité, du droit relatif à la pratique
britannique ;
⎯ cet énoncé vient à l’appui de la thèse singapourienne selon laquelle un acte officiel
d’acquisition n’est requis ni au regard de la pratique britannique ni au regard du droit
international public ;
⎯ l’affirmation, par la cour d’appel, qu’«[i]l n’est pas nécessaire d’arrêter le moment précis
auquel l’île Pitcairn est devenue une possession britannique» corrobore la thèse de Singapour ;
⎯ l’énoncé de la cour d’appel est d’application gé nérale, et ne se limite pas à une situation
donnée. De ce fait, il s’applique à celle de Pedra Branca ;
⎯ le critère retenu, dans cet énoncé, est «l’intention de la Couronne, attestée par ses propres
actes et par les circonstances» . Singapour a satisfait à ce critère en l’espèce, ainsi qu’elle l’a
exposé dans ses écritures et que M. Brownlie l’a montré, au nom de Singapour, à l’audience . 5
Veuillez agréer, etc.
__________
5 MS, p. 29-87, par. 5.1-5.113 ; CMS, p. 73-128, par. 5.1-5.139 ; RS, p. 35-94, par. 3.1-3.134 ; CR 2007/21,
p. 36-39, par. 12-154 (Brownlie) ; CR 2007/28, p. 52-61, par. 8-49 (Brownlie).
Réponse écrite de Singapour à la question posée aux Parties par M. le juge Keith à l'audience tenue le 16 novembre 2007 (traduction)