Réponse des auteurs de la déclaration d'indépendance aux questions posées par MM. les juges Koroma, Bennouna et Cançado Trindade au terme de la procédure orale (traduction)

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I. Q UESTION DU JUGE K OROMA

1. Le juge Koroma a posé la question suivante :

«Il a été affirmé que le droit international n’interdit pas qu’un territoire fasse
sécession d’un Etat souverain. Les participants à la présente procédure pourraient-ils

indiquer à la Cour quels sont, selon eux, les éventuels principes
et règles de droit
international qui autoriseraient, en dehors d’un contexte colonial, un territoire à faire

sécession d’un Etat souverain sans le consentement de ce dernier ?»

2. Pour commencer, nous tenons à rappeler que la question soumise par l’Assemblée
générale dans la résolution 63/3 1 ne concerne pas la conformité au droit international de la

sécession du Kosovo d’avec la Serbie ni la r econnaissance de la République du Kosovo par
d’autres Etats, dont le nombre atteint à ce jour 64 2, ni encore la qualité d’Etat. La question

adressée à la Cour est de savoir si la décl aration d’indépendance du 17février2008 était en
conformité avec le droit international. Comme nous l’avons bien précisé dans notre contribution
orale, «[v]ous êtes … appelés à répondre à la seule et unique question, très précise et restreinte, de
3
la conformité de la déclaration d’indépenda nce du 17février 2008 avec le droit international» , et
«[l]a question ne porte sur rien d’autre et il n’y a aucune façon, ni aucune nécessité, de lui accorder
4
un sens plus «complet»» .

3. La très grande majorité des Etats qui ont pa rticipé à la procédure ont confirmé le caractère
bien circonscrit de la question 5. Même la Serbie, qui est le promoteur de la résolution 63/3 de
6
l’Assemblée générale, est de cet avis . Il n’est ni nécessaire ni souhaitable que la Cour élargisse le
champ de la question que lui a soumise la Serbie par l’entremise de l’A ssemblée générale, pour se

prononcer sur le problème ⎯ distinct ⎯ de la sécession en droit international et de sa licéité.

4. Quoi qu’il en soit, pour répondre à la qu estion du juge Koroma, nous rappelons que le
droit international général n’interdit pas la sécession d’un territoire d’avec un Etat, que ce dernier y

consente ou non. Cela a été exposé par de nombr eux Etats dans les pièces écrites et pendant les
audiences .7

1 o
Pièce n 7 du dossier ONU.
2 Le Malawi est le dernier Etat en date à avoir reconnu le Kosovo, le 16décembre2009. On trouvera les

dernières informations concernant les reconnaissances sur le site : http://www.ks-gov.net/mpj/?page p. 233.
3 er
CR 2009/25, 1 décembre 2009, p. 32, par. 7 (Müller).
4 Ibid., p. 33, par. 8.

5 CR2009/26, 2décembre2009, p.26, par.5-6 (Wasum-Rai ner) ; CR 2009/27, 3 décembre 2009, p. 6, par. 3
(Tichy) ; CR 2009/28, 4 décembre 2009, p. 23, par. 18-21 (Dimitroff) ; CR 2009/29, 7 décembre 2009, p. 52, par. 10

(Metelko-Zgombić) ; ibid., p. 67 (Winkler) ; CR 2009/30, 8 décembre 2009, p.36, par.35 (Koh); CR2009/31,
9 décembre 2009, p. 9, par. 4 (Belliard) ; ibid., p. 27-28, par. 3-6 (Prince Al Hussein) ; ibid., p. 44, par. 10.
6 er
CR 2009/4, 1 décembre 2009, p. 41, par. 17 (Djerić).
7 Voir, par exemple, CR2009/25, 1 erdécembre2009, p.9-45, par. 19-31 (Müller;) 2009/26,

2 décembre 2009, p. 26-27, par. 9 (Wasum-Rainer); CR2009/27, 3décembre 2009, p. 11-12, par. 19-21 (Tichy) ;
CR 2009/30, 8 décembre 2009, p. 29-30, par. 18-19 (Koh) ; CR 2009/31, p. 12, par. 12 (Belliard) ; CR 2009/31, p. 49-52,
par. 11-22 (Crawford). - 3 -

8
5. La sécession n’est ni interdite ni autorisée par le droit international . De nombreux Etats
ont adopté cette position dans leurs pièces écrite s et dans leurs présentations orales en cette
9
instance . La sécession, comme l’a écrit James Crawford, n’est «ni licite ni illicite au regard du
droit international, mais est un acte juridiquement neutre dont les conséquences sont régies au
10
niveau international» . Comme l’indiquent Daillier, Forteau et Pellet : «quelle que soit sa légalité
au plan interne, la sécession est un fait politique au regard du droit international, qui se contente

d’en tirer11es conséquences lorsqu’ elle aboutit à la mise en place d’ autorités étatiques effectives et
stables» .

6. Le droit international reconnaît en revanc he qu’un peuple ayant été privé de l’exercice
effectif du droit à disposer de lui-même peut prét endre au libre choix de son statut politique, ce qui

peut aboutir à la création d’un Etat par la voie d’une sécession. Comme l’a reconnu la Cour
suprême du Canada dans l’avis qu’elle a rendu sur le renvoi relatif à la sécession du Québec, «[l]e

droit à l’autodétermination en droit interna tional donne tout au plus ouverture au droit à
l’autodétermination externe dans le cas des anci ennes colonies ; dans le cas des peuples opprimés,
comme les peuples soumis à une occupation milita ire étrangère; ou encore dans le cas où un

groupe défini se voit refuser un accès réel au gouvernement pour assurer son développement
politique, économique, social et culturel. Dans ces trois situations, le peuple en cause jouit du droit

à l’autodétermination externe parce qu’on lui refuse la faculté d’exercer, à l’interne, son droit à
l’autodétermination.» . 12

7. Ainsi, dans des circonstances exceptionnelles caractérisées par des violations graves et

persistantes des droits de l’homme et par un déni prolongé, strict et abusif de son droit à disposer
de lui-même, un peuple peut en dernier ressort exercer son droit à l’autodétermination externe 13.
Le peuple du Kosovo, comme on l’a indiqué, pouvait clairement prétendre, dans les circonstances

particulières où il se trouvait, exercer son droit à l’autodétermination externe, ce qu’il a fait en
choisissant de créer un Etat souverain et indépendant. 14

II. Question du juge Bennouna

8. Le juge Bennouna a posé la question suivante :

«Est-ce que les auteurs de la décl aration unilatérale d’indépendance des
institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo ont fait auparavant

campagne, lors de l’élection de novem bre2007 de l’assemblée des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo, sur la base de leur volonté de

8 er
CR 2009/25, 1 décembre 2009, p. 44, par. 30 (Müller).
9Voir, par exemple, CR2009/26, 2décembre2009, p.12, par.13 (Frowein); ibid., p. 20, par. 7 (Gill) ;

CR 2009/28, 4 décembre 2009, p. 32 (d’Aspremont) ; CR 2009/31, 9 décembre 2009, p. 15, par. 18 (Belliard) ; ibid.,
p. 38, par. 43 (Prince Al Hussein).
10 e
J. Crawford, The Creation of States in International Law, 2 éd., Oxford University Press, 2006, p. 390.
11P. Daillier, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public (Ngyuen Quoc Dinh) , 8 éd., LGDJ, Paris, 2009,

p. 585.
12Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998], 2 S. C. R. 217, par. 138.

13 CR 2009/26, 2 décembre 2009, p. 21, par. 10 (Gill), ibid., p.30, par.32 (Was um-Rainer) ; CR 2009/30,
décembre 2009, p. 56-57, par. 12 (Kaukoranta) ; ibid., p.26, par.23 (Kosjennie mi) ; CR 2009/32, 10 décembre 2009,

p. 8-10, par. 4-11 (Lijnzaad).
14CR2009/25, 1 décembre2009, p.45-46, par.33-34 (Müller). Vo ir aussi la contribution écrite additionnelle

du Kosovo, p.76-86, par.4.32-4.52; CR2009/26, 2 décembre 2009, p. 21-23, par. 11-16 (Gill) ; ibid., p.30, par.33
(Wasum-Rainer), CR 2009/30, 8 décembre 2009, p.38, par.39 (Koh): CR2009/31, 9 décembre 2009, p. 37, par. 38
(Prince Al Hussein). - 4 -

déclarer unilatéralement, une fois élus, l’indépendance du Kosovo, ou bien ont-ils, au
moins, présenté à leurs électeurs la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo
comme l’une des alternatives de leur action future ?»

9. Les élections pour l’Assemblée du Kosovo, ainsi que pour les assemblées municipales et
les maires, eurent lieu le 17novembre2007 apr ès une campagne électorale de trois semaines

entamée le 26octobre2007. Il convient de noter que la campagne s’était déroulée alors que les
négociations conduites par la troïka étaient en cours; en faisant campagne, les dirigeants des
principaux partis politiques se sont gardés de toute action risquant de perturber ce processus.

10. Dans ses observations écrites du 14juillet2 009, la Serbie a affirmé que «les questions

relatives au statut du Kos15o [ont] été délibérément exclues de la campagne électorale par accord
entre les participants» . La Serbie continue en prétendant, à tort, que ceux qui ont déclaré
l’indépendance ne peuvent avoir agi en qualité «d’organe cons tituant» parce qu’ils avaient été

nommés au terme d’une élection dont l’indépendance n’était pas un enjeu. La Serbie cite à l’appui
de cette thèse un article qui fait état d’un «accord» conclu entre les principaux partis politiques
le5octobre2007. En réalité, cet accord visa it simplement à faire en sorte que le processus
16
électoral se caractérise par un esprit de tolérance et de compréhension , dans un cadre général où il
était tout à fait manifeste que la très grande ma jorité du peuple du Kosovo était en faveur de
l’indépendance. Ni cet accord, ni aucun autre ne contient la moindre allusion à la mise à l’écart,

pendant la campagne, des questions relatives au statut du Kosovo.

11. Il ne peut faire aucun doute que l’écrasante majorité du peuple du Kosovo était en faveur
de l’indépendance. Ce choix avait été exprimé par le peuple lui-même qui avait massivement voté
en faveur de l’indépendance à l’occasion d’un ré férendum tenu en1991; il a été défendu par les

représentants du Kosovo pendant les négociations Hill et à Rambouillet et les représentants du
Kosovo s’y sont conformés tout au long des négoc iations finales sur le statut tenues en 2005-2007.
Il convient en particulier de rappeler que, comme l’ a indiqué le Secrétaire général, l’Assemblée du

Kosovo a adopté à l’unanimité le 17novembre2005 une résolution reconfirmant l’engagement
politique du peuple du Kosovo en faveur d’un Etat indépendant et souverain au Kosovo; cette
résolution définissait le mandat de la délégation du Kosovo dans le processus sur le statut futur . 17

12. La mission du Conseil de l’Europe pour l’observation des élections au Kosovo a indiqué
que la campagne électorale avait largement porté sur les thèmes de l’emploi, de l’économie, de
18
l’éducation, de la santé et des questions locales, et non sur la question du statut futur du Kosovo .
Il n’en reste pas moins qu’à ces élections de novembre2007, les candidats savaient bien que
l’indépendance continuait d’avoir de très loin la préférence du peuple. L’idée de rechercher

l’indépendance à la première oc casion bénéficiait d’une très large adhésion populaire, comme en
témoignaient les programmes politiques de l’ensemble des principaux partis et comme le

confirment les informations publiées à l’époque par les médias. Dans une émission en langue
albanaise du 25 octobre 2007, par exemple, la BBC indiquait que «la majorité des forces politiques

15
Observations écrites de la Serbie, par. 40.
16
Le texte original albanais et la traduction anglaise de l’accord sont joints au présent document.
17Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’admini stration intérimaire des NationsUnies au Kosovo
(S/2006/45, par. 4 [pièce n 75 du dossier ONU]).

18Rapport final de la mission du Conseil de l’Europe pour l’observation des élections au Kosovo (CEEOMV),
Strasbourg, 28 mars 2008, par.106. - 5 -

engagées dans ces élections ont inscrit en prior ité dans leur programme l’indépendance et le
développement économique» . 19

13. Dans son rapport concernant les élections, le Secrétaire général de l’ONU a indiqué ce
qui suit :

«Tout au long de la campagne électorale, les membres de l’Equipe d’unité du
Kosovo ont continué de participer aux négociations conduites par la troïka sur le statut

futur du Kosovo. Dans le même temps, ses représentants ont à de nombreuses reprises
réaffirmé que toute nouvelle prolongation de ces pourparlers serait inacceptable,

rappelant qu’une date pour la déclarati on de l’indépendance du Kosovo devrait être
fixée rapidement, après le10décembre, en concertation avec la communauté
internationale. Cela a fait naître au sei n de la communauté albanaise du Kosovo un

nouvel espoir de voir le Kosovo devenir indé pendant dans un avenir proche. La
pression exercée par l’opinion publique sur le nouveau gouvernement et sur
l’Assemblée pour que le nécessaire soit fait rapidement afin de déclarer
20
l’indépendance à l’issue de la période d’engagement est forte.»

14. Les célébrations populaires qui ont eu lieu le jour où la déclaration a été faite,
notamment, témoignent de l’appui du peuple en fa veur de l’indépendance, tel qu’annoncé par les
vainqueurs des élections de2007; loin d’être im prévu, l’événement a été pleinement accepté et

approuvé par le peuple. Comme le Secrétaire général de l’Organisation des NationsUnies l’a
indiqué au Conseil de sécurité le lendemain, le 18 février 2008 «[ u]n peu partout au Kosovo, des
21
dizaines de milliers de personnes ont célébré dans la paix la proclamation de l’indépendance» .

III. Question du juge Cançado Trindade

15. Le juge Cançado Trindade a posé la question suivante :

«La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité fait référence, à l’alinéa a) de
son paragraphe 11, à «l’instauration au Kosovo d’une autonomie et d’une

auto-administration substa ntielles», compte pleinement tenu des accords de
Rambouillet. De votre point de vue, que faut-il entendre par ce renvoi aux accords de
Rambouillet? Celui-ci a-t-il une incidence sur les questions d’aut odétermination, de

sécession ou les deux? Dans l’affirmative, à quelles conditions un peuple devrait-il
satisfaire pour pouvoir prétendre au statut d’ Etat, dans le cadre du régime juridique
établi par la résolution 1244 (19 99) du Conseil de sécurité ? Et quelles sont, en droit

international général, les c onditions factuelles devant au préalable être remplies, pour
constituer un «peuple», et pouvoir prétendre à la qualité d’Etat ?»

19http://www.bbc.co.uk/albanian/regionalnews/2007/10/071025-hyseni_electi… . La radio allemande

Deutsche Welle indiquait dans son bul letin du16novembre2007: «La campagne électorale au Kosovo a été dominée
par la question du statut futur de la province. Alors un trio d’envoyés diplomatiques de l’Union européenne, des
Etats-Unis et de la Russie sont censés définir un plan poula province avant le10décembre, les partis albanais du
Kosovo réclament l’indépendance avec de plus en plus de force.» Un bulletin d’information de la Voix de l’Amérique en
date du 17novembre2007 indiquait: «Le peuple du Kosovo vote ce samedi pour un nouveau gouvernement local.
L’ensemble des principaux partis politiques de la province à majorité albanaise se sont engagés à obtenir l’indépendance
de la Serbie…»

20Rapport du Secrétaire général sur la mission d’admi nistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo
S/2007/768 du 3 janvier 2008, par. 8 [pièce n 84 du dossier ONU].

21Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, 63 année, 5839 séance, 18 février 2008 (S/PV.5839), p. 2
[pièce n 119 du dossier ONU]. - 6 -

16. Le paragraphe11 de la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité contient deux

références aux accords de Rambouillet. La référence figurant à l’alinéa a) concerne la
responsabilité qui incombait à la pr ésence civile internationale de faciliter la mise en place des
institutions d’administration autonome au Kosovo pe ndant la période intérimaire, en attendant un

règlement définitif, tandis que celle qui figure à l’alinéa e) concerne la responsabilité de faciliter un
processus politique visant à déterminer le statut final du Kosovo.

17. A l’alinéa a) du paragraphe11 de la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité a
indiqué que les principales responsabilités de la pr ésence internationale civile au Kosovo (dont la
mise en place était autorisée aux termes du paragraphe 10) seraient les suivantes :

«a)Faciliter, en attendant un règlement définitif, l’instauration au Kosovo d’une
autonomie et d’une auto-administration s ubstantielles, compte pleinement tenu de
l’annexe 2 et des accords de Rambouillet (S/1999/648).»

La proclamation de l’indépendance le 1févri2r008 par les représentants
démocratiquement élus du peuple du Kosovo n’al lait pas à l’encontre des responsabilités de la

présence civile internationale, notamment celle qui est énoncée au paragraphe11 a). Dans ces
conditions, la déclaration était en accord avec la résolution 1244, y compris son paragraphe 11 a).

p1ra.gr11he a), le Conseil visait à faciliter l’instauration au Kosovo d’une
autonomie et d’une auto-administration substantielles, en attendant un règlement définitif, «compte
pleinement tenu … des accords de Rambouillet». Nombre des dispositions de l’accord intérimaire

de Rambouillet concernaient la création d’institutions d’administration autonome au Kosovo,
protégées de la volonté politique arbitraire des auto rités de Belgrade, pour une période intérimaire.
Ainsi, la version finale de l’accord intérimaire de Rambouillet contenait des dispositions détaillées

concernant la police et la sécurité publique civile (chap.2), la conduite et la surveilla22e des
élections (chap.3), la reconstruction et le développement économiques (chap.4), etc. . Dans la
période qui a immédiatement suivi l’adoption de la résolution1244, la mission des NationsUnies
au Kosovo (MINUK) et le Secrétaire général se sont reportés aux accords de Rambouillet pour

créer les institutions gouvernantes intérimaires du Kosovo et pour transférer progressivement les
pouvoirs à celles-ci. Par exemple, le Secrétaire général a conseillé en juin2000 que les rapports
entre la MINUK et le peuple du Kosovo au cours de cette période s’inspir ent des principes énoncés

à Rambouillet, notamment grâce à la mise en Œ uvre des moyens d’assurer la protection des
habitants actuels et déplacés du Kosovo . 23

19. Ce renvoi aux accords de Rambouillet tradu it le souhait exprimé par le Conseil dans la
résolution1244 d’instaurer au Kosovo une fo rme de gestion autonome très complète,
préalablement au règlement du statut final, malgré le rejet par Belgrade desdits accords. Ce faisant,

le Conseil a permis l’apparition, au cours de la période 1999-2000, des conditions dans lesquelles
le peuple du Kosovo pourrait choisir l’indépend ance, ayant développé sa capacité d’assurer
lui-même l’exercice des fonctions législative, exécutive et judiciaire dont il avait été privé si

longtemps.

20. Le paragraphe11 e) de la résolution1244 renvoie lui-aussi aux accords de Rambouillet

en ce qu’il confie à la présence civile internati onale la responsabilité de faciliter «un processus

22
o Accord intérimaire pour la paix et l’autonomie au Kosovo, 23février1999, reproduit dansS/1999/648
[pièce n 30 du dossier ONU].
23Rapport du Secrétaire général sur la mission d’admnistration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
6 juin 2000, S/2000/538, p. 22, par. 132 [pièce n 44 du dossier ONU]. - 7 -

politique visant à déterminer le statut futu r du Kosovo, en tenant compte des accords de
Rambouillet» . Ici, il convient de considérer que la référence aux accords de Rambouillet vise
particulièrement le paragraphe3 de l’article premier du chapitre8 de l’accord intérimaire, aux

termes duquel «un règlement définitif pour le Kosovo» serait défini sur la base de divers éléments,
dont le premier était «la volonté du peuple», et qui ne contenait aucun terme exprimant un appel à

un accord entre Belgrade et Pristina 25omme l’avait demandé Belgrade) ou à une nouvelle
résolution du Conseil de sécurité .

21. Ce renvoi aux accords de Rambouillet exprimait le souhait du Conseil de sécurité
d’engager un processus de détermination du statut fi nal qui ne reposerait pas sur le consentement

de la Serbie à la sécession et qui pourrait aboutir à l’indépendance si telle se révélait être la volonté
du peuple du Kosovo.

22. Comme nous l’avons exposé dans nos contributions écrites et orales, la Cour peut
répondre à la question qui lui a été posée en statuant que la déclaration d’indépendance n’a violé ni

la résolution 1244 ni le droit international général, sans pour autant aborder la question de savoir si
le peuple du Kosovo a exercé son droit à l’autodéterm ination en février 2008. Si toutefois la Cour
aborde cette dernière question, alors les références aux «accords de Ra mbouillet» contenues au

paragraphe 11 de la résolution 1244 confirment le fait que le peuple du Kosovo est un «peuple» au
sens qui est donné à ce terme dans l’expression «dro it des peuples à disposer d’eux-mêmes» et que

ce peuple a été exposé à des conditions justifiant qu ’il puisse, s’il en décide ain26, exercer ce droit
par le moyen de l’indépendance, même sans le consentement de Belgrade . Les dispositions de la
résolution1244 reflètent les conditions telles qu’elles avaient évolué en juin1999. Comme le

constatait le Conseil de sécurité, ces conditions comprenaient «une situation humanitaire
grave…au Kosovo», qui donnait lieu à «des actes de violence à l’encontre de la population du
Kosovo» et qui avait causé une «menace pour la paix et la sécurité internationales» . De surcroît,

le Conseil considérait qu’il était nécessaire de «f aire en sorte que tous les réfugiés et personnes
déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et liberté» et que ce retour en toute sécurité
constituait pour ces personnes un droit 28. En vue de remédier à cette situation, et de parvenir à un

règlement durable et pacifique de la crise, le Conseil ⎯ invoquant le chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ⎯ exigeait le retrait du Kosovo de la part des forces militaires et de police de

République fédérale de Yougoslavie (RFY) et de la Serbie, prévoyait le déploiement des présences
internationales civile et militaire et chargeait celles-ci d’aider à promouvoir une gestion autonome
des affaires publiques au Kosovo. Comme l’a conclu Christian Tomuschat,

«on peut considérer que la résolution 1244 ( 1999) du Conseil de sécurité constitue la

première décision formelle de la communauté internationale par laquelle il est reconnu
qu’une communauté humaine vivant sur le te rritoire d’un Etat souverain peut sous
certaines conditions jouir d’un droit à l’autodétermination» . 29

24
Contrairement au paragraphe11 a), cette disposition ne renvoie pas à l’annexe2, qui concernait la période
intérimaire et qui contenait notamment la clause relative au «principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie…».
25
CR 2009/25, p. 52-56, par. 27-41 (Murphy) ; contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 5.05-5.18.
26
Voir contribution écrite additionnelle du Kosovo, par. 4.45-4.48.
27Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, 10 juin 1999, préambule [pièce n 34 du dossier ONU].

28Ibid.

29C.Tomuschat, «Secession and self-d etermination» dans M.G.Kohen, Secession: International Law
Perspective, 2006, p. 34. - 8 -

23. De surcroît, la résolution 1244 prévoyait qu’un processus politique visant à déterminer le
statut final du Kosovo serait engagé, processus da ns lequel la volonté du peuple tiendrait une place

centrale. Le Conseil de sécurité lança ce processus en2005 avec la nomination du
présidentAhtisaari qui, au terme de négociations in tensives, conclut qu’une poursuite des efforts
serait vaine et que l’indépendance était la seule solution viable pour remédier à une situation
instable. Dès lors que ce processus politique était épuisé, et il l’était bien à la fin de2007, les

conditions étaient réunies pour que le peuple du Kosovo puisse exprimer sa volonté, conformément
à la résolution 1244. La déclaration d’indépendance fut l’expression de cette volonté.

24. Enfin, en ce qui concerne l’examen du sens du terme «peuple» dans le contexte du droit à
l’autodétermination au regard du dr oit international général, et de son application au peuple du
Kosovo, la Cour pourrait se reporter au paragraphe 8.40 de la contribution écrite du Kosovo et aux
paragraphes4.42 à 4.46 de la contribution écrite additionnelle du Kosovo, ainsi qu’au

compterendu de sa présentation orale CR2009/25, p.45-46, et aussi aux présentations écrites et
orales des nombreux Membres de l’Organisation des NationsUnies qui ont abordé la question de
l’autodétermination.

Je certifie que le document annexé à la présente lettre est une copie conforme au document
original et que sa traduction anglaise est exacte.

Acceptez, Monsieur, les assurances de ma très haute considération.

Le ministre des affaires étrangères
représentant de la République du Kosovo
devant la Cour internationale de Justice,

(Signé) MS. kender H YSENI .

___________ - 9 -

Annexe

Traduction française de l’accord du 5 octobre 2007, d’après la traduction anglaise du texte
original albanais

⎯ Fermement résolus à participer aux élections parlementaires et locales qui se tiendront le
17 novembre 2007 au Kosovo ;

⎯ Exprimant notre volonté de contribuer à la c onduite du processus en accord avec les normes
démocratiques internationales les plus exigeantes ;

⎯ Respectant sans réserve les dispositions applicab les au Kosovo en ce qui concerne la tenue et

l’organisation d’élections ;

Nous, représentants des partis politiques, co alitions et initiatives citoyennes autorisés par la
commission électorale centrale du Kosovo à partic iper à ces élections, répondant à l’appel du

président du Kosovo, signons solennellement et unanimement la déclaration suivante :

D ÉCLARATION

Par laquelle nous prenons les engagements suivants :

⎯ Durant la période préparatoire préélectorale, nous aiderons sans ménager nos efforts à faire en
sorte que le processus électoral soit organisé dans les meilleures conditions ;

⎯ Nous organiserons séparément nos campagnes électorales afin de présenter dignement nos
projets politiques à l’électorat, conformément aux dispositions applicables ;

⎯ Nous resterons déterminés à faire en sorte que le processus électoral se déroule dans un esprit
de tolérance et de compréhension. Nous nous abstiendrons de toute parole ou acte qui viole ou
contrarie les valeurs morales du code électoral et les dispositions juridiques applicables ;

⎯ Nos représentants aux comités électoraux, missi ons d’observation et autres dispositifs prévus
par la loi respecteront pleinement eux-aussi toutes les dispositions juridiques visant ce
processus électoral.

A cette occasion, nous appelons tous les électeurs du Kosovo à voter, à participer activement
au processus électoral le jour des élections et à voter pour les candidats de leur choix.

Nous appelons aussi tous les moyens de communication publics, qu’ils paraissent sous forme
imprimée ou électronique, à présenter le processus de façon complète et impartiale dans le respect
des critères professionnels, de la déontologie journalistique et des dispositions juridiques
applicables.

Prishtinë/Pristina, 5 10 2007.

___________

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