Réponses de la République argentine aux questions posées par MM. les juges Koroma et Cançado Trindade au terme de la procédure orale

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21 DIC. 2009 19:23 P3
)E :SEREE N°DETEL :7355

Question poséepar M. lejnge Korroma :

« Il a été affinné que le droit international n'interdit pas qu'un territoire fasse
sécession d'un Etat souverain. Les participants à la procédure orale pourraient-ils
indiquer àla Cour quels sont, selon eux, les principes et règles de droit international,
le cas échéant, qui autorisent, en dehors du contexte de la décolonisation, un territoire

à faire sécession d'un Etat souverain sans le consentement de ce derni?»

Réponsede la Répnbliqueargentine:

1. Certains participants à la procédure consultative ont en effaffirmé que le droit
lnternational n'interdit pas qu'un territoire fasse sécession d'un Etat souvera•De

l'avis de1a République argentine, cette affirmation n'est pas correcte. L'application

des principes fondamentaux du droit international tels que ceux du respect de

l'intégrité territoriale et de la non-ingérence dans .les affaires qui relèvent

essentiellement de la juridiction interne des Etats conduit à l'interdiction de la

sécession sur le plan international. La position des Nations Unies, qui s'est révélée

contraireàla sécession du Katanga et favorable au respect de l'intégrité territoriale du

Congo, marque probablement le point d'inflexion quant à l'opposabilité du principe
du respect de l'intégrité territoriale aux mouvements sécessionnistes. La pratique

subséquente vient confirmer cette opposabilité, comme le montrent les prises de

position de la communauté internationaleà l'égard des situations à l'intérieur de la

Bosnie-Herzégovine, de la Géorgie, de la République fédérale de Yougoslavie

(aujourd'hui la République de Serbie), de l'Azerbaîdjan, de la Somalie, du Soudan,

des Comores etdes Philippines, parmi d'autres2.

2. L'existence d'une règle de droit international qui autoriserait la sécessioncas

de violations graves aux droits humains ou des minorités a été avancée durant cette

procédure. Il s'agit là de la théorie dite de laécession corrective» ou « sécession
remède ». L'Argentine a déjà expliqué pourquoià , son avis, une telle règle n'existe

pas en droit internationalpositif. Elle a également expliqué pourquoi le principe du

1
Exposéoral de l'Albanie·(M. Frowein), CR2009/26, par.12-13; Exposé oral del'Autriche (M.
Tichy),CR 2009/27, par19-22; Exposéoral deiEtats-Unid'Amérique (M. Koh),CR 2009/30,
par.19;xposéoral de la Jordanie (princeZeid Al Hussein), CR 2009/31, par. 43 ; Exposéoral du
Royaume Uni (M. (,rawford), CR 2009/32, par. 17-22 ; Exposé oral des auteurs (M. MUiler), CR
2009/25, par.30.
:zObservations écritesde la Serbie,par. 263-274.
3Exposéécrit de l'Argentine, par. 97, Observationécrites de l'Argentine, par. 59, Exposéoral de
l'Argentine (Mme Ruiz Cerutti), CR2009/26, par. 25.)E :SEREE N°DETEL :7355 21 DIC. 2009 19:23 P4
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2

droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'est pas applk.able pour justifier la

séparationnonconsensuelled'unepartieduterritoired'un Etatsouvera n

3. Unprétendu «principed'effectivité>aégalementétéavancéduraJn atprocédure
5
orale à titre d'éventuelle règlejustifiant sécession•Or, l'essence même de tout

système juridique, tout comme la pratique internationale, offre un démenti
catégorique àla prétentionselonlaquelleunesituation defacto qui perdureestensoi

unejustificationjuridiquedecettemêmesituationL . aCoursuprêmecanadienne,dans

sonrenvoisurleQuébec,a correctementétablilarelationentrelepouvoiret ledroit:

« Un droit est reconnu par la loi ; la simple possibilité matérielle n'a pas

nécessairementle statut de droit. Le fait qu'unepersonneou un groupepuisse agir
d'une certaine manière ne détennine aucunement la qualité ou les conséquences

juridiques de l'acte.Un pouvoirpeutêtre exercémêmeen l'absenced'undroit d'agir,

mais ce pouvoir est alors exercé sans fondementjuridique »6. Ou encore: « On

soutientenoutreque,si leprojetsécessionnisteréussissait,unnouvelordrejuridique
seraitcréé dans la provincequi serait alorsconsidéréecommeun Etat indépendant.

Cettepropositionest un énoncéde fait,cen'estpas un énoncéde droit.Ellepeutêtre

ou nepas êtrevraie;ellen'a de toutefaçonaucunepertinencequantauxquestionsde

droitdoritnou sommes.saisis. Si,.pâtèontrë,cèttepropositiones trésentéceomme..

un énoncéde droit,elle revienttoutsimplement à soutenirque l'onpeutviolerla loi
tant que la violationréussit.Unetelleaffinnationest contrairàla primautédudroit

etdoitdoncêtre rejetée»7•Lapratiqueinternationalemontreclairementquecertaines

situationsqui pourraientêtre qualifiéesd'effectivesne permettentpas pour autantde

parler de la créationd'un Etat. L'on en veut pour preuve les cas de la Rhodésiedu

Sud, de la soi-disant«Républiqueturque du ChypreNord» et du « Somaliland »,
parmi d'autres. Ainsi, le prétend«principed'effectivité»n'est pas un fondement

juridiquepermettantlasécession.

4. L'Argentine ne voit donc aucune règle de droit international autorisant

explicitementou implicitement lasécessiond'une partied'un Etat souverainsansle

~Exposé écrit del'Argentine, par. 87-100, ObservationArgentinear. 59-61, Exposéoral
5el'Argenti(MmeRuiz Cenmi),CR 2009/26par.21-26.
MmeWasum-Reiner (Allemagne),C2009/26,p.30,par.29:"Ofcoursenot every facsituation
is in accordawiththe law just becaitis factuWhen icornestothe questionostatehood,
however, internatipracticclearly rcftothe principle of effectivencss."
~Renvoi sur certaines questions ayant trait à la sécessiondu Qudbecdu reste du Canada, par. l06
7extin:http://csc.lexum·.umontreal.ca/fr/l 998/1998rcs:Z...l27/1998rcs2-217 .html.
Ibid.par. 107-108. N°DETEL :7355 21 DIC. 2009 19:24 P5
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consentementde ce dernier.La pratiqueinternationaledepuis 1945est constante et

unifonne à cet égard: toutes les sécessionsréussies depuis lors l'on éttéavec le

consentementdesEtatssouverains.Ce consentementa présentéplusieursfonneset a

été donné à des moments différents, aussi bien avant qu'après la tentative

sécessionniste,maisil est incontestablequ'il a belet bienété donné.Celaa été lecas
8 9 10
de Singapour d, Bangladesh des Etats baltes , des autresEtats issusde l'Union
soviétique11,del'Erythrée etduMonténégro 13•

5. Comme on sait, les cas de dissolution doivent être distingués des cas de

sécession.Danslepremiercas,l'Etat prédécesseurcessed'exister; ilenrésultequele

principede l'intégrité territorialen'est pas en cause car il n'y a alors plus d'Etat

pouvantfairevaloir le droit au respectde son intégritéterritoriale.La communauté

internationale a estimé que le cas de la Républiquesocfaliste fédérative de

Yougoslavie (RSFY) était un cas de dissolution et non un cas de sécession 14,

contrairement à la position initialement adoptée par la République fédérale de
15
Yougoslavie(SerbieetMonténégro) •

6. En conclusion,il n'existe pasde règlesjuridiquesautorisantla sécession·d'une

partie.d'un Etatsouverainsansleconsentementdecelui-ci. !

* *

QuestionposéeparleJuge CançadoTrindade:

<<Lr aésolution1244(1999)du Conseilde sécurit fait référence à,l'alinéaa) de son

paragraphe 11, à « l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une auto­
administrationsubstantielles »,comptepleinementtenu des accordsde Rambouillet.

8 Accord entre le Gouvernement de Malaisie et le Gouvernement du Singapour, 7 ao0t 1965, 563
lJNTS 89. Voir la résolution 213 (1965) du Conseil de sécurité elta. résolution 20!0 (XX) de

9'Assemblée générale.
Le Bangladesh fut reconnu par le Pakistan le 2 février1974. Voir la résolution 351 (1974) du Conse.il
d10sécuritetla résoluti3202(XXIX) de l'Assembléeg6nérale.
L'Union Soviétiquea reconnu l'indépendance desEtats baltes le 6 septembre 1991. Voir les
commentaires faites par le président du Conseil de sécurité,M. Merimée (France), S/PV.3007, 12
septembre 1991 ; résolutions 709 (1999), 710 (1999) et 7l l (1991) du Conseil de sécurité.
1Cf. la Déclaration de Minsk du 8 décembre 1991 et le Protocoled'Alma.Ara du 21 décembre1991.
J.L.M.,1992, volXXXl, pp.142-149.
12Résolutions 47/114et47/230 de l'Assemblée générale; résolution 828 (1993). uonseil de
sécurité.
1Application de la comiemion polir la prévention et la répression du crimede génocide (Bosnie­
Herzégovine c. Serbie-er-Moménégro),CJJ 2007, pp. 29-31, par. 67-75: résolution 60/264 de

l1Résolution 1326 (2000) du Conseil de sécurité; résolutionl'eAssembl6e générale.
15
Note datée du 27 avril 1992, adressée au Secrétaire général parla Mission permanente de la
Yougoslavie auprès de l'Organisation des Nations Unies, NU doc. A/46/915, 7mai 1992. N"'DE TEL :7355 21 DIC. 2009 19:24 P6
)E :SEREE

·4

Devotrepointdevue,quefaut-ilentendreparcerenvoiauxaccordsdeRambouillet ?
Celui-cia-t-iluneincidencesurlesquestionsd'autodétermination,desécessionoules
deux ? Dans l'affirmative,à quellesconditionsun peuple devrait-ilsatisfairepour
pouvoirprétendreau statut d'Etat, dans le cadre du régimejuridique établi par la

résolution1244(1999)du Conseilde sécurité? Et quellessont,endroitinternational
général,lesconditionsfactuellesdevantaupréalableêtreremplies,pourconstituern
«peuple»,etpouvoirprétendreà laqualitéd'Etat>?>

RéponsedelaRépubliqua ergentine :

1. Il convient de releveà titre liminaire que les «accords de Rambouille»

constituent seulement une proposition d'accord faite aux autorités centrales de

Belgradeet aux représentantsde la communautéalbanaisedu Kosovo,qui n'a pas
abouti.Le renvoifait par la Résolution1244(1999)aux« accordsde Rambouillet>>

ne transformepas ce texte en un instrumentobligatoire; il signifieseulementqu'il

fauttenircomptedecequiavaitétéproposéauxpartiesenmars 1999.
. 2. L'Argentinea déjà discutédelaportéede ce renvoiau paragraphe11 e) de la

Résolution1244(1999)et montréque celan'autorisepas unedéclarationunilatérale

d'indépendance C•pendant,la questionposée porte sur laréférencecontenue à

.....falia)aduparagraphe11decetterésolution:
« 11. Décide que les principalesresponsabilitésde la présenceinternationale
civile seront les suivantes: a) Faciliter,en attendantun règlementfinitif,

l'instauration au Kosovo d'une autonomie et d'une auto-administration
substantielles, compte pleinement tenu de l'annexe 2 et des Accords de
Rambouillet(S/1999/648) »

A. Premièrebranchedelaquestion

3. La premièrebranchede la questionportesurcequ'il fautentendrepar cerenvoi

aux « accordsde Rambouillet».De l'avis de l'Argentine,cette référenceimplique
que les autoritésinternationalesen chargede l'administrationdu territoiredevaient

tenirpleinementcomptedu régimed'autonomieprévude manièretrès détailléedans

le texte présentéà Rambouillet.La pratique subséquentemontre qu'en effet la
MTNUKa organisé le régime d'autonomieet d'auto-administrationen suivant le

modèledes «accordsdeRambouillet».

1Exposéécritde l'Argentine. 8-99,Observationécritesdel'Argentine,par. 60,Exposéoralde
l'Argentine(MmeRuizCcrutti),CR2009/26,par.23. N°DE TEL :7355 21 DIC. 2009 19:25 P7
)E :SEiREE

5

B. Deuxième branche de la question

4. La deuxièmebranche de la questiona trait à une éventuelleincidencede ce
renvoi sur les questions d'autodétermination,de sécession ou sur les deux.

L'Argentineestd'avis quele sensde cerenvoiest d'organiseruneautonomieet une

auto-administration qui implique nécessairement une forme d'exercice de

l'autodétenninationsur le plan interne,ce qui exclutpar conséquenttoute sécession
unilatéraleou la reconnaissanced'un droitd'autodéterminationexterne.Comptetenu

du fait que des violations graves aux droits humains et au droit international

humanitaireavaient été commisespar le gouvernementde Belgrade,on peut lire

également dans Pinstaurationde ce régimeun rejetde la doctrinede la« sécession
corrective»ou « sécessionremède ».

5.Le verbe «faciliter» est égalementd'importance.Il implique que la tâche de

l'instauratio« d'une autonomie etd'une auto-administrationautonome» ne devait
pasêtrel'Œuvreexclusivede laprésenceinternationale(autrement,leverbeapproprié

auraitété «instaurer»), maisqu'elle revenaitaussiaux deuxpartiesintéresséePar

ailieurs,leverbe«facilite>estsuivide « enattendantlerèglementdéfinitif»,cequi

autoriseégalement àinterprétercetalinéa-commesignifiantque t. perspectivfüturë·
envisagée àl'époqueétaitbienl'autonomieet l'auto-administrationautonomeau sein

del'Etat souverain.Lorsqu'ellea défendusonvotedela résolution1244,l'Argentine

a expliquél'avoir interprétéeainsi.Sonreprésentantau Conseildesécuritéa en effet

s_outenuque« cetterésolutionpose les basesd'une solutionpolitiquedéfinitivela
criseduKosovoquirespectelasouverainetéetl'intégritéterritorialed eRépublique

fédéralede Yougoslavie.Les droitsdesminoritéset de tous les habitantsduKosovo

sansexception à vivredans un climatde paixet detolérancedoiventêtreégalement
reconnussanséquivoque »17•Demême,le représentant:françaisa clairementaffirmé

quant au régimeétabli par la résolution1244(1999)que «(}JeConseilde sécurité
18
garderaensuitelamaîtrisede lamiseenŒuvre deceplandepaixpourleKosovo » ,

cequinécessairementexcluttoutepossibilitédesécessionunilatérale.

C. Troisième branche de la question

17
18M.Dcjamct(France),S/PV.4011,p. 12. 20.)E :SEREE N°DE TEL :7355 21 DIC. 2009 19:25 PB _ __

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6. La.troisièmebranchede la questionest conçuede la manièresu«Danse:

l'affirmative, à quelles conditions un peuple devrait-il satisfaire pour pouvoir

prétendreau statutd'Etat, dans le cadredu régimejuridique élarésolution
1244(1999)du Conseilde sécuri? »Du point de vue deJArgentine,le régime

juridique établi par la résolution 1244 (1999)ne pennet nullementde parler d'un
<<peuple»titulaire d'un dàos'ériger en Etat indépendant.Ni Rambouilletni la

Résolution1244(1999)n'ont reconnul'applicabilitéduprinciped'autodétermination
à la communautéalbanaiseoà l'ensembledeshabitantsdu Kosovo.La seulefaçon

pources populationsd'obtenir le statutd'Etat indépendantrésidedans l'acceptation
par l'Etat souverain de cette possibilité. Même le Conseil de sécurité n'a pas

compétencepourdéciderdu destindu territoirerelevantde la souverainetédesEtats
membresde l'Organisation.

D. Quatrième branche de la question

7. La quatrièmebranche de la question iàvexpliciter quelles sont, en droit

internationalgénéral,lesconditionsfactuellesdevantêtrerempliesau préalablepour
-_,,,ëonstltù -iii-i,-<<p'eÛpouve>i>prétendrr Ïa-qualitéd'Etat. e-P-âv-ds

l'Argentine,la pratiqueinternationalequia suivil'adoptionde laChartedesNations
Uniespermetde dégagerdescritèresjuridiquesimportantsen lamatière.Cescritères

sontaunombredecinq.

8. Lepremiercritèreest quetoutecommunautéhumainequi serevendiquecomme
«peuple» n'est pasnécessairementtel,auseriru/aidu droià disposer de lui­

même .'Argentineafaitréférenecettequestiondansses exposésécrittraux,
citantlajurisprudencepertinentedelaC•ur

9. Le deuxièmecritère est que le droit international distingue entre peuples,
minoritéset peuplesautochtones,que cestrois catégoriesont des droitsdifférentset

queseulslespremiersbénéficientdudroitautodéterminationexterne.
1O.Le troisièmecritère est que le droit internationaldistingueentre les peuples

soumisà dominationcolonialeou étrangèreet ceuxqui sontdéjàdotésd'un Etat.La
Résolution56/141de l'Assembléegénéralerelaàila "Réalisationuniverselledu

droit des peuplesl'autodétennination"réaffinne d'une part le droit des peuples

1Exposéécrde l'Argentine, par. 89-91,Observationsécritesde l'Argentine, par.59; Exposéoral de
l'Argentine(MmeRuizCerutti),par.26)E :SEREE N°DETEL :7355 21 DIC. 2009 19:26 P'9
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7

"soumis à unedominationcoloniale,étrangèreou extérieure àl'autodéterminatione ,t

relèved'autrepart que l'interventionet l'occupationétrangèresrisquentde réduire à

néant "le droit de nations et depeuples souverains à l'autodétermination·,2L°.s

premiersont droit àcréerleursEtats; lesdeuxièmesl'ont déjàet c'est alors l'aspect
intemedel'autodéterminationquiestpertinent.

11. Le quatrièmecritère, corollairedu précédent, est que le statutjuridique du

territoire s'avère essentiel pour déterminer l'existence d'un peuple titulaire de

l'autodéterminationexterne.Comme ila été soutenu: "[c]ontrairemen àt ce qui se

produitpour Jespeuplescoloniaux,on ne peut donc déduiredu droit des peuples à
disposerd'eux-mêmesun droità la sécessions'agissantd'un peupleintégrédansun

Etat : la différencede nature des territoiresen cause interdittoute analogie" Et

l'ancienne PrésidenteRosalynHigginsd'affirmer: « [u]ntil it is determinedwhere

territorialsovereigntylies,itis impossibleto seifthe inhabitantshavea rightofself­
detennination »22•

12. Le cinquième critère qui se dégage de la pratique internationaleest le rôle

fondamental que jouent les organes internationauxcompétents pour déterminer

l'existenceou nond'un« peuple» titulairedu droit àdisposerde lui-même.Comme
.l'affirmêPie.rre.;MariDupuy~-« [I]areëomiaissàricepar la.collectivitéinternationa..

d'un peupletitulairedu droit à l'autodéterminationse fait le pluscommunémentpar

Pintermédiaired,un vote exprimé au sein de l'organe plénier des institutions

universellesourégionales àvocationpolitiquedontaupremierchef,pour lapremière
catégorie,l'Assemblée généraledesNations Unieselle-même(dont, au demeurant,

Pextensionconsidérabledes compétencesen matière de décolonisationne fait en

pratique pas de doute) et pour la seconde,les différentesorganisationsrégionales

(...). La déterminationd'un titulairedu droià l'autodéterminationne se faitpas en

pratiquepar l'auto-électionmaispar la désignationeffectuéepar un organetiers. Il
s'agit typiquementd,un casdanslequell'appréciationde la légalitéestsubordonn ée

unjugementfondésur lalégitimitédesonexercic» e23•

13. Quant à d'autres éléments factuels aidan t la déterminationd'un peuple

titulaire de l'autodétermination, on peut mentionner les critères retenus par

20Adoptéele 19décembre2001(italiquesajoutés).
zi P. Dailler,M. Forteau,A. Pellet,Droitintelublic, Seéd,Paris:LGDJ,2009,pp.584-585,
~ar.344.
2R.Higgins,"Internatil aw andtheAvoidance,ContainmentandResolutionofDisputes.General
23urseonPublicIntemationalLaw",R.C.A.D.l.,1991,vol.p.0174.
P.-M.Dupuy,Droit international pu9céd.,Paris,Dalloz,2008,pp. 149-150,par. 133.)E :SEREE N°DETEL :7355 21 DIC. 2009 19:26 P10

8

l'Assemblée générale dans sa résolution 1541 (XV), qui incluent tant la espects
territoriauxqu'humains: «un territoiregéographiquementséparéet ethniquementet

culturellementdistinct du pays qui l'administre» E• fait, ces critères permettent

d'établirl'existenceou non d'un «peuplecolonial». Commela Courelle-mêmel'a

relev~,mêmedans lecasdeladécolonisationtoutepopulationétabliesurunterritoire

non autonome ne constitue pas nécessairementun «peuple» titulaire del'auto­

détermination25.Dans le cas des populations établies sur le territoire des Etats
souverains,la distinctionentre l'ensemble(le «peuple »)et des éventuellesparties

intégrantes («minorités»,«peuples autochtones») demeure applicable. Dans le

cadredu débat sur lesminoritésnationales,l'Assembléeparlementairedu Conseilde

l'Europea adoptéune r~commandation sur "Leconceptde nation",danslaquellee11e

distinguela "nationcivique"de la "nationculturelle".Lesminoritésnationales,tout

en appartenant à la "nationcivique"de l'Etat dans lequel elles se trouvent,feraient
partie d'autres "nationsculturelles"•'La formulede "nationcivique"évoquece que

l'on entend par "peuple" en droit international lorsqu'il est question du principe

d'autodéterminationa ,lorsqueles« nationsculturelles»incluentlesminorités.

·"·Conclusion

14. En conclusion, le renvoi aux « accords de Rambouillet» à l'alinéa a) du

paragraphe11 de la résolution 1244 (1999) avait pour but de se servir du modèle

institutionnelprévupar ce projet d'accords pour faciliter l'instaurationd'un régime

d'autonomieet d'auto-administrationautonomedans le cadre de l'Etat souverain.Il

s'agissait d'appliquer l'autodéterminationinterne,excluant ainsi toute sécessionet
toute possibilitéd'invoquer valablementun droit d'autodéterminationexterne.Dans

le cadre de la résolution 1244(1999),la seule possibilitéde parvenir à la création

d'un Kosovoindépendantestd'obtenirl'accorddel'Etat souveraindansle cadred'un

processuspolitique.

15. Endroitinternationalgénéral,seulslespeuplessonttitulairesdudroi t disposer

2APrincipes qui doivent guider lesEtats membrespour déterminersi l'obligation de communiquerdes
renseignements,prévuàl'alinéa e de !'Article 73 de la Charte, leur est applicablèou non, Résolution
1541(XV),Annexe,PrincipeIV.
25Saharaoccidental,avisconsultatif,C.I.J.Recueil1975, p. 33, par. 59.
26 Recommandation 1735 (2006), adoptée le 26 janvier 2006. Texte disponible in
hUp://assemb.coe.in1/Main.f.asp?link=/Docuts/dopŒdîex.i/ta06/FREC1735.htm. 21 DIC. 2009 19:27 P11
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d'eux-mêmes. Une première distinction fondamentale est celle qui existe entre les

peuples, les minorités et les peuples autochtones. Une deuxième distinction

fondamentale estcellequi existe entrles peuples coloniaux ou soumis à domination
étrangère d'une part,etles peuples constituésàl'intérieurd'Etats souverains d'autre

part. Les premiers sontconcernés parl'aspectexterne du droitd'autodétermination,

lessecondspar sonversantinterne.Le statutjuridique duterritoireconcernéjoue un

rôle décisiftout comme la reconnaissance pardesorganesinternationaux compétents
de la qualité ou non d'une collectivitéhumaine comme «peuple» titulaire de

l'autodétermination. L'auto-qualification n'estpa:s suffisante pour reconnaître

l'existence d'un peuple titulaire droitd'autodétermination.

* * *

_SusanaRuizCerutti
Amb11ssadeur
REPUBLIQUEARGENTINE

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