Observations du Royaume de Thaïlande sur la réponse écrite du Cambodge à la question posée par M. le juge Yusuf au terme de l'audience publique tenue le mercredi 17 avril 2013 à 15 heures

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Lettre en date du 3 mai 2013 adressée au greffier
par l’agent du Royaume de Thaïlande

[Traduction]

Me référant à l’affaire rel ative à la Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en
l’affaire du oemple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), ainsi qu’à
votre lettre n141840 en date du 26 avril 2013, par laquelle vous m’avez transmis la réponse écrite
du Royaume du Cambodge à la question posée aux Par ties par M.le juge Yusuf au terme de
l’audience publique du 17 avril 2013, j’ai l’honneur de vous faire tenir ci -joint les observations du
Royaume de Thaïlande sur cette réponse du Royaume du Cambodge.

Veuillez agréer, etc.

___________ Observations du Royaume de Thaïlande sur la réponse écrite du Royaume du Cambodge
à la question posée par M. le juge Yusuf

1. Conformément à l’article 72 du Règlement de la Cour et à l’instruction donnée par celle-ci
le 19 avril 2013, la Thaïlande présente ci-après ses observations sur la «réponse du Cambodge à la
question du juge Yusuf».

2. M. le juge Yusuf a demandé aux Parties de définir «précisément la portée territoriale que
chacune [d’elles] considère être celle des «environs» du temple de PréahVihéar «situés en
territoire cambodgien», mentionnés au deuxième point du dispositif de l’arrêt rendu par la Cour
en 1962», et de le faire en se référant à «une séri e de coordonnées géographiques» ou à «l’une des

cartes qui ont été présentées à la Cour dans la procédure initiale». Le Cambodge n’a fait ni l’un ni
l’autre, mais a saisi l’occasion pour entamer indûment un nouveau tour de procédure écrite tout à
fait dépourvu de pertinence .

3. Le Cambodge n’a pas fourni de «coordonnées géographiques» pour définir les «environs»
du temple. A u lieu de cela, il a choisi de présenter de nouveau à la Cour la «carte» qu’il avait
établie en vue de la procédure écrite, carte qui correspond à la superposition, par ses soins, de
deuxcroquis réalisés par le professeurSchermerhorn, expert de la Thaïlande dans la procédure

initiale.

4. Cette approche présente un certain nombre de problèmes.

Premièrement , au paragraphe 4 de sa réponse, le Cambodge se réfère au «chevauchement de
la ligne de la carte de l’annexe I et [de] la ligne de partage des eaux proposée par les experts de la
Thaïlande telles quelles apparaissaient devant la C our lors de la procédure à l’origine», et ajoute
que ce chevauchement est illustré par la superposition des cartes n os3 et 4. Le Cambodge remplace
donc une fois encore la carte de l’annexe I par la carte n o3, partant du principe qu’elles ne diffèrent

que par 2eur échelle eo sont par ailleurs identiq ues. Or, ainsi que la Thaïlande l’a maintes fois
précisé , la carte n 3 n’est pas la carte de l’annexe I. Premièrement, il s’agit d’une carte
unilatéralement produite par la Thaïlande. Deuxièmement, il s’agit d’un agrandissement, mais
aussi d’une reproduction simplifiée d’une partie de l’ une des versions de la cart e de l’annexe I,

reproduction réalisée par M Schermerhorn afin d’évaluer la précision des indications
topographiques figurant sur la carte de l’annexe I. Les nombreuses différences de forme entre la
carte de l’annexe I et la carte n o3 notamment en matière de toponymie et d’indication du

relief sont manifestes, même pour un profane. Ce qui l’est peut-être moins, c’est le fait que le
rapport entre la ligne et la topographie — et, partant, l’emplacement de la ligne — est différent sur
les deux cartes présentées par le Cambodge. La comparaison graphique jointe aux présentes
observations (voir annexe) met en évidence certaines de ces importantes différences. Celles-ci
représenteraient un écart de 200 à 300 mètres sur le terrain.

Deuxièmement , le Cambodge dénature indûment le but que poursuivait M. Schermerhorn en
comparant, dans sa déposition d’expert, les cartes n o3 et 4. Cette déposition visait en effet à
établir le véritable tracé de la ligne de partage des eaux dans la partie du promontoire de

PhraViharn dans laquelle est situé le temple. Il ne s’agissait pas de transposer la cart e de

1Voir, en particulier, le paragraphe 3 de la réponse du Cambodge à la question de M. le juge Yusuf, mais aussi le
document dans son ensemble.
2
CR 2013/3, p. 36, par. 7-8 et CR 2013/6, p. 27,16 (Miron). Voir également supplément d’information du
Royaume de Thaïlande (ci-après «SIT») ; par. 1.37. - 2 -

3
l’annexe I aux fins de déterminer une zone en litige . L’inutilité d’une superposition des croquis en
vue de déterminer une zone en litige est d’autant plus évidente que la bonne méthode pour procéder
à pareille superposition 4aurait pour résultat, il convient de le rappeler, de laisser une partie du
5 6
temple lui-même à l’extérieur de la «zone en litige» . La Thaïlande l’a souligné à l’audience , et
cela explique pourquoi le Cambodge, après avoir souscrit à la méthode de superposition
7
recommandée dans le rapport de l’IBRU , est à présent reve nu à la superposition qu’il avait
présentée dans sa Réponse, où avait été fait en sorte que les signes représentant le temple
coïncident.

Troisièmement , la superposition de ces croquis pour n’ en constituer qu’un seul n’a, en tout
état de cause, jamais été présentée à la Cour en1962, et il n’y a d’ailleurs pas été fait référence

dans les procédures écrites ou orales ultérieures. Dès lors, cette superposition ne saurait être
considérée aujourd’hui comme étant «l’une des cartes qui ont été pr ésentées à la Cour dans la
procédure initiale» 8

Quatrièmement, dans sa réponse à la question posé e par M. le jugeYusuf, le Cambodge ne
définit pas «précisément la portée terr itoriale» des «environs» du temple, tel qu’il la conçoit.
o o
Le fait de superposer la carte n 4 à la carte n 3 ne permet pas d’obtenir une indication claire de la
topographie de la zone. De fait, le résultat est illisible 9. Cette «carte» ne comporte en outre ni

carroyage en coordonnées ni carroyag e de méridiens et parallèles. Il n’est donc guère surprenant
que le Cambodge n’ait pas four ni de «coordonnés géographiques» précisant sa conception des
«environs» 10. Sur la base de la «carte» que le Cambodg e a jointe à sa Réponse, il est tout

simplement impossible de fournir des coo rdonnées géographiques définissant la zone qu’il
préconise et de déterminer «précisément la portée territoriale» de cette zone, comme l’a demandé
M. le juge Yusuf.

5. Etant donné que le croquis obtenu par superposition tel que présenté par le Cambodge ne

permet nullement, en lui-même, de discerne r les «environs» du temple, celui-ci l’a assorti de
commentaires, indiquant que

«l’utilisation par la Cour du terme «environs» peut être mieux comprise à la lumière
du chevauchement de la ligne de la carte de l’annexe I et [de] la ligne de partage des
eaux proposée par les experts de la Thaïlande telles qu’elles apparaissaient devant la
11
Cour lors de la procédure à l’origine» .

12
Ce faisant, le Cambodge renvoie à ses propres écritures en la présente instance . En revanche, il
ne renvoie jamais, pour étayer cette théorie, à l’arrêt de la Cour ou aux écritures et plaidoiries des

3
Voir également SIT, par. 2.47-2.50 ; CR 2013/3, p. 20, par. 32 (Plasai) et p. 37, par. 12 (Miron) ; CR 2013/6
p. 22-24, par. 6-7 (Miron).
4
Rapport de l’IBRU, «Etude des cartes présentées pendant la période 1959-1962 et des autres cartes préparées en
2012» (SIT, annexe 46, p. 317-318, par. 6.7).
5 Voir également ibid. (SIT, annexe 46, p. 321).

6 CR 2013/6, p. 24, par. 7 (tertio) (Miron).

7 CR 2013/5, p. 20-21, par. 47-49 (Bundy).
8
CR 2013/6, p. 23, par. 7 (Miron).
9
CR2013/6, p.27-28, par.15-18 (Miron). Voir également, rapport de l’IBRU, «Etude des cartes présentées
pendant la période 1939-1962 et des autres cartes préparées en 2012» (SIT, annexe 46, p. 316-319, par. 6.1-6.10).
10 Les difficultés techniq ues d’une transposition de la carte de l’annexe I ont été rappelées dans le CR2013/6,

p. 27-30, par. 17-18 (Miron).
11 Réponse du Cambodge à la question posée par M. le juge Yusuf, par. 4.

12 Réponse du Cambodge du 8 mars 2012, par. 4.61. - 3 -

Parties dans la procédure initiale. La conception qu’a le Cambodge des «environs» du temple est
sans rapport avec ce que la Cour a décidé ; elle n’est que pure conjecture.

6. Le Cambodge tente également d’étayer sa conception des «environs» du temple en se
référant à ce que le s experts de l’IBRU ont indiqué dans leur rapport , que la Thaïlande a présenté
13
avec ses observations écrites . Or, premièrement, il est absurde de laisser entendre qu’un rapport
établi par des experts techniques, non-juris tes, en2011 devrait être considéré comme une
interprétation juridique de ce que la Cour a voul u dire dans son arrêt de 1962. Deuxièmement, il

est pour le moins étrange que le Cambodge cherche aujourd’hui à étayer sa thèse en se référant à un
rapport d’expert s dont il a refusé d’examiner les conclusions principales. Troisièmement, en
soutenant que l’emploi incident d’un terme dans ce rapport d’ experts aurait valeur probante 14, le
Cambodge ne fait qu’appeler de nouveau l’attention sur le fait qu’il ne dispose d'aucun élément de

preuve étayant sa propre conception des «environs» du temple.

7. Les experts de l’IBRU s’intéressaient à la fiabilité de la carte de l’annexe I dans son

intégralité, jusqu’au col de Kel à l’ouest. Au regard de cette vaste zone, ils ont employé
l’expression «environ s du temple» pour décrire la zone limitée figurant sur les croquis de
M. Schermerhorn. Ce n’est cependant pas la zone cartographiée par M.Schermerhorn dans son
ensemble qui était en litige dans la procédure initiale 15, mais une zone bien plus restreinte, qui est
16
représentée à l’annexe 85d (reproduction partielle) .

8. Dès lors, en tentant d’établir un lien entre la notion d’«environs» du temple et la zone de
2
4,6 km située à l’ouest du temple, le Cambodge continue d’ignorer les éléments de preuve de
l’instance de1962, lesquels attestent que la zone qui se trouve à l’ouest du temple n’était tout
simplement pas en litige 17. L’argumentation du Cambodge conti nue de reposer sur le postulat

selon lequel la Cour se serait, en1962, prononcée sur un point sur lequel il ne lui avait pas été
demandé de se prononcer.

Or9. , ainsi que la Thaïlande l’a précisé, auc un des éléments contenus dans les croquis de

M. Schermerhorn n’avait trait au deuxième point du dispositif, qui portait sur le retrait des troupes
«dans le temple ou dans ses environ s situés en territoire cambodgien» 18. La présente instance
aurait pour objet (à supposer que la Cour ait com pétence et que la demande soit recevable) de

déterminer le sens de l’arrêt de 1962, et non de définir celui du terme «environs» de manière
abstraite. Le lien entre la notion d’«environs» du temple mentionné e au deuxième point du
dispositif et les croquis de M. Schermerhorn n’existe qu’aux yeux du Cambodge ; il n’est
nullement mentionné dans l’arrêt de 1962.

10. La Thaïlande relève en outre que le Cambodg e continue de «jouer au chat et à la souris»
avec la carte de l’annexe I. Sans raison apparente, il joint à sa réponse à la question de

M.ole juge Yusuf la copie d’une des versions de la carte de l’annexe I. Dans la note de bas de page
n 2 de sa réponse, il décrit ce document comme étant «la carte de l’annexe I annexée à la requête
introductive d’instance du Cambodge de 1959». Mais il ne s’agit pas de la carte annexée à sa

13Observations écrites du Royaume de Thaïlande (ci-après «OIT») annexe 96, p. 669, par. 61.

14Voir également CR 2013/6, p. 18, par. 38 (Bundy).
15
CR 2013/6, p. 24-25, par. 7-9 (Miron).
16CR 2012/3, p. 40-42, p. 16-29 et CR 2013/6, p. 25-26, par. 10-13 (Miron).

17OET, par. 2.44-2.45 ; SIT, par. 4.46-4.49 et CR 2013/3, p. 39-40, par. 18 (Miron).
18
CR 2013/6, p. 35-37, par. 17-21 (McRae). - 4 -

requête introduisant la présente procédure en interprétation. Une fois encore, le Cambodge
n’explique pas l’incohérence des documents cartographiques qu’il a présenté s à la Cour, et ne se

prononce par sur les19onséquences aux fins de la présente espèce — que la Thaïlande a soulignées
à maintes reprises — de l’existence de ces différentes versions de la carte de l’annexe I. En tout
état de cause, quelle que soit la version de cett e carte sur laquelle il se fonde, le Cambodge
n’explique pas comment ce document peut être utilisé pour définir les «environs» du temple et,

partant, ne répond pas à la question posée par M. le juge Yusuf.

11. Au total, afin de définir le term e «environs», le Cambodge présente deux documents

cartographiques, aussi peu fiable s l’un que l’autre. En tentant de définir une zone con stituant les
environs du temple au sens du deuxième po int du dispositif de l’arrêt de 1962, il continue de
confondre la question de savoir 1) quelle était la zone que la Cour av ait à l’esprit lorsqu’elle s’est
référée à la zone en litige et celle de savoir 2) quelle était la zone que la Cour avait à l’esprit

lorsqu’elle a ordonné le retr20t des troupes thaïlandaises «dans le temple ou dans ses environs situés
en territoire cambodgien» . Le seul élément contenu dans l’arrêt permettant d’éclairer le sens du
terme «environs» au regard du deuxième point du dispositif se trouve dans la demande du
Cambodge tendant au retrait des troupes des «ruines du temple» 21. De surcroît, une fois que les

«éléments de forces armées ou de police ou autres ga rdes ou gardiens [que la Thaïlande avait]
installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoire cambodgien» avaient été recensés
et s’étaient retirés, la notion d’«environs» n’avait plus aucun rôle à jouer ; elle n’en a pas davantage
aujourd’hui.

___________

19OET, par.6.18-6.24; SIT, par.1.22-1.25; CR2013/3, p.20-21, par.34 (Plasai) et CR2013/6, p.49, par.7
(Plasai).

20CR 2013/6, p. 35-37, par. 17-21 (McRae).
21
Ibid. ANNEXE

EXEMPLES DES DIFFERENCES IMPORTANTES ENTRE LA CARTE N 3ET o

LA CARTE DE L'ANNEXE I PRÉSENTEE PAR LE CAMBODGE EN 1959

e
Agrandissement au 1/50 000
de la carte de l'annexe I La ligne passe au
sud de la colline

Absence de
contour

La ligne passe au

sud de la colline

Carte n 3 jointe à l'annexe 49

o
Carte n 3 (réduite à des fins de comparaison)

La ligne passe au
sommet de la colline

Contour

La ligne passe au

nord de la colline

Partie de la carte de l'annexe I (agrandie à des fins de comparaison)

3 mai 2013

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Observations du Royaume de Thaïlande sur la réponse écrite du Cambodge à la question posée par M. le juge Yusuf au terme de l'audience publique tenue le mercredi 17 avril 2013 à 15 heures

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