Contre-mémoire du Gouvernement de la République du Honduras

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6575
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRERELATIVEAU DIFFERENDFRONTALIERTERRESTRE
INSULAIREET MARITIME
(EL SALVADO-HONDURAS)

CONTRE -MEMOIRE
DU GOUVERNEMENTDE LA
REPUBLIQUEDU HONDURAS

VOLUME1

10FEVRIE1989 TABLE DES MATIERES

(VOLUME 1)

INTRODUCTION .............................................. 1

CHAPITRE 1 CONSIDERATIONS GENERALESAU SUJET DU MEMOIRE
DELAREPUBLIQUED'EL SALVADOR ............... 1

CHAPITRE II L'OBJET DU DIFFEREND ......................... 5
PREMIERE
PARTIE LE DIFFEREND FRONTALIER TERRESTRE ............ 19

TITRE 1 QUESTIONS GENERALES .......................... 19

CHAPITRE III L'OBJET DE LA DEMANDE ........................ 19

CHAPITRE IV LE DROIT APPLICABLE ........................... 23
CHAPITRE V LES DOCUMENTS EMANANT DES AUTORITES
ESPAGNOLES QUI DESIGNENT LES LIMITES DES
ANCIENNES JURIDICTIONS ET, EN PARTICULIER,
LES TITRES DE TERRE DES COMMUNAUTES
INDIGENES .................................... 41
Section 1 Introduction ................................. 41

A. Les références audroit espagnol en vigueur
en Amérique dans le mémoire d'El Salvador .... 41

B. Les erreurs et inexactitudessur le droit
dans le mémoire d'El Salvadorue f................ 45

Section II Questions relatives aux"ejidos" ............. 50

A. Les thèses soutenues par El Salvador i........ 50

B. Les "ejidos"en Amérique:
la classification ............................ 53
1. Introduction ............................ 53 2. Les "ejidos de peuplement" .............. 55

3. Les "ejidos de réduction" ............... 57

4. Les "ejidos de composition" ............. 63

présentés par El Salvador correspondent821
aux "ejidos de composition" ................... 68

La nature des "ejidos decomposition" ........ 74

Propriété privéeet "termino",
"territoire"et juridiction .................. 77
Section III Questions relatives aux "tierras
realengas" ................................... 83

Les thèses soutenues par El Salvador, ......... 83

Les "tierras realengas"ou biens de la
Couronne ..................................... 88
L'absence de fondementjuridique de la
thèse défendue par El Salvador ............... 95

Section IV Les documentscoloniaux comme moyens de
preuve des limites territorialesdes
anciennes provinces .......................... 101
Introduction ................................. 101

"Titulos ejidales" et autres documents
coloniaux comme moyen de preuve .............. 102

1. Les documentsde l'époque coloniale
relatifs à des "juridictions",en
Général de Paix de 1980u T................. 103

2. "Titulos ejidales"et autres
documents relatifs à la propriété
de la terre ............................. 109

juridictions ouprovinces, dans lesnciennes
documents coloniaux .......................... 115 (iii)

1. Les documentsde l'époque coloniale
sont les limitesdes provinceslle.......... 116

2. Les documentsde l'époque coloniale
mentionnent expressément qu'un terrain
se trouve dansle ressortde l'une
des provinces ........................ :..118
3. Le document'del'époquecoloniale
n'indiquepas les limitesdes
juridictions.mais les terrainssont
arpentéspar les autoritésde
l'une des provinces ..................... 119
TITRE II LES LIMITES DE LA FRONTIERE TERRESTRE ........ 123

CHAPITRE VI LE SECTEUR DE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE
LE POINTAPPELE EL TRIFINIO, SOMMETDU CERRO
MONTECRISM. ET LE SOMMET DUCERRO EL ZAPOTAL
(TEPANGUISIR) ................................ 123
Section 1 La localisation du différend ................. 123

1. Les points d'accorddes Parties .............. 123
Le Cerro de Montecristo ...................... 123
A.
1. L'accordde principe .................... 123

2. Le désaccordtechnique .................. 125
Le Cerro El Zapotal .......................... 126

Les divergencesdes Parties .................. 127

Le tracésalvadorien ......................... 127

1. Citala de 1776d.......................... 128

2. Le tracésalvadorienet les négociations
d'Antiguade 1972 ....................... 129

B. Le tracé hondurien ........................... 131
Section II Les principesqui sous-tendentla
position du Honduras ......................... 1341. Le principe de l'uti possidetis
juris de 1821 ................................ 134

A. L'accord des Parties sur la prééminence de
ce principe dans leprésent différend ........ 134

1. La position hondurienne ................. 134
2. La position salvadorienne ............... 137

3. Conclusion .............................. 140

B. Œuvre du principe de l'utiur posçidetiç juriç
dans la zone de Tepangüiçir .................. 142

1. Pour le Honduras, les titres l'emportent
sur les effectivités .................... 142

2. les effectivitésre........................ 145

II. Le principe de la non-identitédes limites
des juridictionsprovinciales et des
limites des terres ........................... 150

A. par le Honduras p.............................. 150

B. La contestationdu principe de non-identité
par El Salvador .............................. 154

C. Le défaut de pertinence de la thèse
principe de non-identitépar le Honduras ..... 156

1. L'exposé de la thèçe salvadorienne
s'appuie sur des documents incomplets ... 156

2. La thèse salvadoriennerepose sur
un postulat inexact ..................... 161
3. La thèçe salvadorienneest dépourvue
de tout fondement juridique ............. 164 a) La non-identitédes limites
administratives etdes limites
de terres .......................... 165

i) La non-identitédes limites
de terres en Amériques limites
espagnole ..................... 167

ii) La non-identitédes limites
administratives et des
limites de terres en Afrique:
l'exemple BurkinaFaso/
République duMali ............ 174
b) La non-identitédes limites
internationales et des limites
de terres .......................... 178

i) La dissociationdes limites
de souveraineté etdes limites
foncièresdes particuliers .... 178

ii) La dissociationdes limites
limites patrimoniales des
collectivités publiques ....... 181

iii) La dissociationdes limites
de souverainetés et des
limites de territoires ........ 187

Conclusion .................................................. 190

Section III Lzone de Tepangüisir .......................... 193

1. La revendicationdu Honduras sur les terres
de la Montagne de Tepangüisir,décrites dans
le "tituloejidal" de 1776 ................... 193

II. La revendicationdu Hondurassur les "tierras
realengas"de la Province de Gracias a Dios,
situées à l'ouest de 1'"ejido"de 1776 ....... 194 1. L'identificationdes sites dans le
mémoire d'El Salvador est contraire
à l'arpentagede 1776 ................... 196

a) L'erreur d'identification de
"la source du Rio Pomola" .......... 197

b) L'erreurde la direction donnée
partir de "la source du Pomola" .... 199

c) L'erreur d'identificationdu point
terminal de la limite Ouest du
titre de Citala .................... 200

2. La revendicationd'El Salvador sur
"tierraseejidales" de Citala est
dépourvue de tout fondement juridique ... 203

a) Il s'agit de "tierras
realengas" ......................... 203

b) Il s'agit de "tierras realengas"
relevant de la juridictionde la
Province de Gracias a Dios ......... 204
Conclusion ..

CHAPITRE VI1 LE SECTEIJR DELA PRONTIWE TERRESTRE ENTRE LE
ROCHER DE CAYAGUANCA ET LA CONFLUENCEDU
RUISSEAU DU CHIQUITA OU OSCURA AVEC LA RIVIERE
sma (MONTAGNE DE CAYAGUANCA) .............. 209

Section 1 ce secteura................................... 209

Les points d'accord entre les Parties ........ 209

Les divergences des Partiessur le tracé
de la ligne frontière ........................ 210

1. Le tracé de la ligne frontière selon
El Salvador ............................. 211
2. Le tracé de la ligne frontière selon
le Honduras ............................. 215 (vii)

3. Conclusion .............................. 217
Section II Le fondement juridiquedes positions des
Parties sur la délimitation .................. 217

A. L'accord des Parties sur la prééminencedu
principe de l'uti possidetis juris de 1821
dans ce différend ............................ 217
1. La position du Honduras ................. 217

2. La position d'El Salvador ............... 219

3. Conclusion .............................. 220

B. Œuvre du principe de l'uti possidetisn iuris
dans la zone de la Montagne de Cayaguanca
ou le recours par El Salvador aux
effectivités ................................. 222

1. Pour le Honduras, le titre
l'emporte sur les effectivités .......... 222
2. El Salvador, en revanche, privilégie
les effectivités ........................ 224

Section III Le tracé de la ligne frontière dans ce
secteur en applicationdu principe de
l'uti possidetis iuris ....................... 228
A. Les titres du Honduras ....................... 228

B. Les arguments et documents invoquéspar El
Salvador n'infirmentpas les titres
du Honduras .................................. 234

1. Introduction ............................ 234
2. L'interprétation salvadorienne du titre
de La Palma de 1829 est erronée ......... 240

3. La mauvaise applicationpar El Salvador
de la législationespagnole applicable
aux ~ndes ............................... 245 (viii)

a) Les errements d'ElSalvador
concernant les questions relatives
aux "ejidos" ....................... 247

b) Les errements d'ElSalvador
concernant les questions relatives
aux "tierras realengas" ............ 249
c) Les errements d'ElSalvador
concernant les documents coloniaux
comme moyens de preuve des limites
territorialesdes anciennes
provinces .......................... 251

CHAPITRE VIII LE SECTEUR DE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE
DEL CAJON (SAZALAPA-LA VIRTUD)E D............... 255

Section 1 Introduction ................................. 255

Section II La localisationdu différend dans
le secteur ................................... 261

A. extrêmes du secteurs .......................... 261

B. Les divergences des Partiessur le tracé
de la ligne frontière ........................ 263

1. Le tracé de la ligne frontière
selon El Salvador ....................... 263
2. La tracé de la ligne frontière'
selon le Honduras ....................... 269

3. Conclusion .............................. 273

Section III Le fondement juridiquedes positions des
Parties sur la délimitation .................. 274
A. Le principe de l'uti possidetis juris
de 1821 ...................................... 274

1. L'accord des Parties sur la prééminence
du principe de l'uti possidetisjuris ... 275 2. L'inconsistanced'El Salvador dans
l'application du principe ............... 277

3. Conclusion .............................. 279
B. L; recours par El Salvador aux
"effectivités" ............................... 279

1. Le tracé salvadoriendu secteur
implique un recours aux effectivités .... 280

2. Titres juridiques eteffectivités ....... 283
3. Conclusion .............................. 285

Section IV Le tracé de la ligne frontière dans ce
secteur en application du principe de
l'uti possidetis juris de 1821 ............... 285

A. L'interprétationsalvadorienne dutitre
dlArcatao de 1724 ............................ 286
1. Les référencesau titre dlArcatao de
1724 dans le mémoire d'El Salvador ...... 286

2. L'interprétation erronée que fait
El Salvador du titre dlArcatao
de 1724 ................................. 289
3. Les limites des terres dlArcatao et
les limites des terres limitrophes:
comparaison destitres juridiqu.es ....... 293

B. Les limites des terres d'Arcatao et les
limites des terres avoisinantes .............. 294

1. La rivière Sazalap........................
de la Golondrina 295
2. Le Guanacaste, la ~a:ada ou le
Platanar ................................ 297

3. La sectionde Gualcimaca: du tripoint
du mont Arcataguera aux terres de
Nombre de Jesus ......................... 301
C. Les autres sectionsde la ligne frontière
non viséespar le titre d'Arcatao ............ 310CHAPITRE IX LA SOURCE DU RUISSEAU LA ORILLA ET LA BORNE
DU MALPASO DE SIMILATON (NAGUATERIQUE-
COLOMONCAGUA) ................................ 315

Section 1 Introduction .................................. 315

Section II La localisation du différend dans
ce secteur ................................... 321
Le désaccord des Parties sur la localisation
des points limites du secteur ................ 321

1. La localisation despoints limites
du secteur .............................. 321
2. La borne du Malpaso de Sirnilaton ........ 323

Les divergencesentre les Parties surle
tracé de la ligne divisoire aunord du
Rio Negro ou sectionde Naguaterique ......... 325

1. Le tracé de la ligne divisoire
selon El Salvador ....................... 325
2. Le tracé de la ligne divisoire
selon le Honduras ....................... 330

Les divergencesentre les Parties surle
tracé de la ligne divisoire ausud du
Rio Negro ou sectionde Colomoncagua ......... 331
1. Le tracé de la ligne divisoire
selon El Salvador ....................... 331

2. Le tracé de la ligne divisoire
selon le Honduras ....................... 335

D. Conclusion ................................... 338
Section III Le fondement juridiquedes positions des
Parties sur la délimitation .................. 339

Le principe de l'uti possidetis juris
de 1821 ...................................... 339 1. L'accord des Parties sur la
prééminencede l'uti possidetis juris ... 339
2. L'inconsistance d'ElSalvador dans
l'applicationdu principe ............... 342

3. L'application incorrecte du principe
par El Salvador ......................... 343

B. Salvador dans ce secteurté..................... 348

1. Le tracé salvadorien implique un
recours aux effectivités ................ 348

2. Titres juridiques et effectivités '...... 351

Section IV Rio Negro et la borne du Malpaso de le
Similaton dans le secteur deNaguaterique
en application de l'uti possidetisjuris ..... 355

A. La limite du Rio Negro d'après le titre
de terre de Perquin y Arambala de 1815 ....... 356
1. L'arpentagede 1769 et le titre
de 1815 ................................. 356

2. Les limites des anciennes provinces
et le titre de 1815 ..................... 363

B. entre Jocoara et Perquin'ay Arambalatige
de 1770-1773 ................................. 367

1. Le litige sur la montagne de
Naguaterique ............................ 367

2. juridictionses............................ 369

C. La limite du Rio Negro d'après les
négociationssur les limites entre El
Salvador et le Honduras de 1861et 1869 ...... 375 D. La localisation de la borne du Malpaso
de Similaton ................................. 377

Section V Orilla et le Rio Negro dans le secteur de
Colomoncagua en application de l'uti
possidetis juris ............................. 381

A. Les titres salvadoriensde Torola et de
Perquin y Arambala ........................... 381

1. incomplets............................... 381

2. Le titre de Torola de 1844: un
document en dehors de l'article 26
du Traité Général de Paix de 1980 ....... 382

3. Le titre de Perquin y Arambala:
l'irrégularitéde l'arpentage de 1769 ... 386
4. L'interprétation erronéepar El
Salvador des titres de Torola
et de Perquin y Arambala ................ 391

B. La limite des anciennes provinces d'après
les documentsde l'époque coloniale
présentés par le Honduras .................... 397

1. et Quecruzi.............................. 398

2. La ligne divisoire entre Quecruz
et le Rio Negro ......................... 402

LISTE DES ANNEXES WCUMENTAIRES ............................. 411 (VOLUME II)

CONFLUENCE DU TOROLA AVEC LE RUISSEAU DERE LA
MANSUPUCAGUA ET LE PASO D'UNIRE (DOLORES) .... 419

Section 1 Introduction ................................. 419

Section II La localisationdu différend dans
ce secteur ................................... 428
L'accord des Parties sur la localisation des
points limites du secteur .................... 428

Les divergencesentre les Parties sur le
tracé de la ligne divisoire .................. 430
1. Le tracé de la ligne divisoire selon
El Salvador ............................. 430

2. Le tracé de la ligne divisoire selon
le Honduras ............................. 433
Le fondement juridiquedes positions des
Section III Parties sur la délimitation .................. 435

A. Le principe de l'uti possidetis juris
de 1821 ...................................... 435

1. prééminence du principer l................. 435

2. L'inconsistencede la part d'El
Salvador dans l'applicationdu
principe ................................ 440

dans ce secteur e.............................. 441

1. Le tracé d'El Salvador implique un
recours aux effectivités ................ 441

2. Titres juridiques et effectivités ....... 442Section IV Le tracé de la ligne divisoire dansce
juris de 1821pl................................ 447

A. Le titre de Poloros de 1760 et
l'interprétationd'El Salvador des limites ... 447

1. Le titre de Poloros de 1760 ............. 447
2. Les références aux limites du terrain
dans l'arpentagede 1760 ................ 452

3. Les interprétationssuccessivesde
l'arpentagede 1760 de la part
d'El Salvador ........................... 459
B. Les limitesdes anciennes provinces selon
les documents de l'époque coloniale .......... 465

1. Les références auxlimites de
juridiction dansle titre de
Poloros de 1760 ......................... 465
2. Les limitesde San Miguel de Sapigre
par rapport à celles de Poloros ......... 469

3. Les limitesde Poloros par rapport
d celles de Cacaoterique ................ 473
4. Les limites de Poloros par rapport
d celles de San Antoniode Padua ........ 476

CHAPITRE XI LE SECTEUR DE LA FXONTIERE TERRESTRE
ENTRE LOS AMATES ET LA BAIE DE FONSECA
(GOASCORAN) .................................. 481
Section 1 Les données géographiquesde la zone
du Goascoran ................................. 481

1. Les incertitudesde la terminologie
utilisée dans le mémoire d'El Salvador ....... 481
A. La confusion entre "estuaire"et "delta" ..... 482

B. La confusion entre "estuaire"et "estero" .... 486 II. La localisation du différend ................. 489

A. La déterminationdu point de départ de
la zone contestéedu Goascoran ............... 489
1. L'accord de principe sur le lieu-dit
"Los Amates" ............................ 489

2. La divergence quant à la détermination
technique de ce point ................... 491

B. Le désaccord des Parties sur la
détermination du point d'aboutissementde
Goascoranèr.................................... 493

1. La position respective des Parties ...... 493

2. L'identificationde la zone
contestée du Goascoran .................. 495

Section II Le rejet de la thèse salvadoriennedans
la zone du Goascoran ......................... 497
1. La revendicationd'El Salvador sur lazone
du Goascoaran est tardive .................... 499

II. La position d'El Salvador face à la zone
du Goascoran a varié dans le temps ........... 502

1. La Convention Cruz-Letonadu 10 avril
comme frontière dansncla zone dulvador,
Goascoran, du cours actueldu Rio
Goascoran ............................... 502

2. L'échange de propositions au cours des
négociationsd'Antigua le 11 juin 1972:
la revendicationpar El Salvador, comme
frontière dans la zone du Goascoran,
d'un ancien lit du Rio Goascoran
l'"Estero El Coyol"rre..................... 505

a) Première observation: la
dualite de nature du tracéd'El
Salvador ........................... 506 b) Seconde observation: la référence
à la description du Dr. Barberena .. 508
3. Le mémoire d'El Salvador du ler juin
1988: la revendicationpar El Salvador,
comme frontière dansla zone du
Goascoran d'un ancien lit du Rio
Goascoran dont l'embouchure
correspondrait à l'"Estero La Cutu' ..... 509

a) Première observation: une
définition hésitante del'"ancien
lit''du Rio Goascoran .............. 511
b) Seconde observation: le
déplacement de la ligne
frontière vers l'Est ............... 512

III. La thèse d'El Salvador est dépourvue de
tout fondement juridique ..................... 512

A. Le titre de propriété de Don Juan Bautista
un titre imaginairezo.......................... 514

1. La pétition de Don Juan Bautista de
Fuentes ................................. 515

2. L'arpentage du Capitaine Don Francisco
de Goicochea y Uriarte du 30 octobre
1694 .................................... 519

a) 1694 ne correspond pasocàolae
représentation quien est donnée
par El Salvador .................... 524

b) L'aire arpentée le 30 octobre
1694 ne correspond pas à la
localisationqui en est donnée par
El Salvador ........................ 527 (xvii)

i) Une "montagne"imaginaire le
long de l'embouchurede
l'"Estero La Cutu' ............ 528

ii) Une toponymie imaginairedans
le secteur compris entre
1"'~çte~oLa Cutu'in"............ 535

- "La zone dite Los Arnates" ... 536
- "La plaine de Sabana Larga" . 540

B. Le changementde lit du Rio Goascoran,
un fait inopposableau Honduras dans le
présent différend ............................ 543
1. Les développementsdu mémoire d'El
Salvador sur le changementde lit du
Rio Goascoran, une série d'affirmations
sans preuves ............................ 544

2. un phénomène géographiquenaturel non,
pertinent dans le présent différend ..... 549

a) La prétendue "règle" de
l'inaltérabilitédu tracé
frontalier en cas d'avulsion ....... 550
.....
i) La jurisprudencefédérale 555
ii) Les pratiques nationales ...... 559

iii) La pratique conventionnelle ... 561

iv) La jurisprudence
internationale ................ 566
- La sentence El Chamizal ..... 566
- La sentence Honduras
Borders ..................... 568

b) ~'ino~~osabilitéau Honduras de
la prétendue "règle" de l'..........
dans le présentdifférend 572 i) Le Rio Goascoran a toujours
constitué, pendant la période
coloniale, la limite entre la
Province de Gracias a Dios et
la Province de San Miguel ..... 573
ii) Le Rio Goascoran empruntait
son cours actuel dèsla période
coloniale ..................... 576

iii) Les phénomènesnaturels ayant
affecté le coursdu Rio
Goascoran avant 1821ne sont
pas pertinents dans le présent
différend ..................... 581

3. le Rio Goascoran ne peut rejoindree
son ancien lit, une insinuation
sans preuves ............................ 585

Section III La réaffirmationde la thèse hondurienne
dans la zone du Goascoran .................... 592

1. L'irrecevabilitéde la revendicationd'El
Salvador dans la zone du Goascoran ........... 593
A. L'acquiescementet la reconnaissancepar El
Salvador de la souverainetédu Honduras
sur la zone du Goascoran ..................... 593

1. Première phase 1821-1880:le silence
d'El Salvador et son acquiescement à la
souverainetéhondurienne sur la zone du
Goascoran ............................... 594

2. la reconnaissanceexpresse par El
Salvador de la souverainetéhondurienne
sur la zone du Goascoran ................ 596

3. Troisième phase 1888-1972:
la confirmationpar El Salvador de la
souveraineté hondurienne
sur la zone du Goascoran ................ 601 (xix)

4. Quatrième phase 1972-1988:
àela souverainetédu Honduras surs face
la zone du Goascoran .................... 606

B. Par son comportement,El Salvador a créé un
estoppel en faveur du Honduras ............... 610

II. L'uti possidetis iuris de 1821, fondement
Goascorans.................................... 618

A. Les documents de l'administrationcivile ..... 619

1. Le rattachementdu village indien de
Goascoran, pendant toutela période
coloniale, aux entitésadministratives
1'Etat du Hondurast ...................... 619

2. Le déplacementdu village indiende
Goascoran, de la côte vers le Nord ...... 621

3. L'implantation desterres du village
indien de Goascoran jusqu'au Rio
Goascoran ............................... 622
B. Les documents de l'administration
ecclésiastique ............................... 623

C. Les titres de terres ......................... 626

1. La mer, limite méridionaledes terres
du village indiende Goascoran .......... 626
2. Le Rio Goascoran,limite occidentale
des terres du village indiende
Goascoran, jusqu'à ce qu'il se jette.
dans la mer ............................. 628

Conclusions ................................................. 631DEUX1EME
PARTIE LE DIFFEREND INSULAIRE ........................ 633

CHAPITRE XII LE DIFFEREND INSULAIRE ....................... 633

Section 1 L'objet du différend et le droit applicable .. 633
A. L'objet du différend ......................... 633

B. Le droit applicable .......................... 636.

Section II Les fondements de la position d'El Salvador
et l'exercice de la juridictiondans la
période pertinente:1522-1821 ................ 640
A. La réfutation des argumentsbasés sur un
prétendu accordsur les iles en 1833 ......... 641

B. La réfutationde l'argumentde la
contigüité géographique ...................... 642

C. La réfutationde la prétendue non
àtla Province du Honduras et des titres
historiques d'ElSalvador .................... 644

D. La réfutationdes exercices de
juridictions postérieurs à 1821 .............. 661

Section III La non pertinencedes prétendues
par El Salvadorde.............................. 662

TROISIEME
PARTIE LE DIFFEREND MARITIME ........................ 667

CHAPITRE XII1 L'OBJET DU DIFFEREND MARITIME ................ 669

Section 1 L'interprétationdu Compromis ................ 669
A. La nature juridiquedu Compromis et ses
conséquences ................................. 669

B. Historique du différend et contexte dans
lequel s'insère le Compromis ................. 673 1. Du Traité Cruz-Letonaau Traité de
Paix (1884-1980) ........................ 673

2. Le Traité de Paix et les négociations
au sein de la Commissionmixte des
limites (1980-1985) ..................... 675
3. Le Compromis du 24 mai 1986 ............. 678

Section II La nécessité de la délimitation .............. 681

A. La Communautéd'intérêts implique la
délimitation ................................. 681
La déterminationdu statut juridiquedes
eaux suppose la délimitation ................. 684

CHAPITRE XIV LE STATUT JURIDIQUE DES EAUX A L'INTERIEUR
DU GOLFE ET LA SENTENCE DE 1917 .............. 689

Section 1 àlla sentence de 1917la........................ 689

L'intérêt restreintde la sentence de 1917
pour la présente affaire ..................... 690

B. La portée juridique dela sentence de 1917 ... 694

Section II l'argumentationde la sentence de 1917 ....... 696

CEAPITRE XV LE DROIT DU HONDURAS SUR DES ESPACES
MARITIMES DANS L'OCEAN PACIFIQUE,AU-DELA
DE LA LIGNE DE FERMETURE DU GOLFE
DE FONSECA ................................... 711
Le fait de refuser auHonduras une présence
sur la ligne de fermeture,ou sur une
quelconque partie de cette ligne ............. 712

L'affirmationque le Honduras n'estpas un
Etat côtier par rapport à l'océan
Pacifique .................................... 716
L'importancede la bonne foi:forclusion
et estoppel .................................. 726 (xxii)

CONCLUSIONS ................................................. 731

A. frontalier terrestre di......................... 731

B. En ce qui concernele différend
insulaire .................................... 736
C. En ce qui concernele différend
maritime ..................................... 736

..............................
LISTE DES CARTES ILLUSTRATIVES 739
LISTE DES ANNEXES DOCUMENTAIRES ............................. 743

Annexe 1 .................................................... 743
Annexe II ................................................... 743

Annexe III .................................................. 746
Annexe IV ................................................... 746

Annexe V .................................................... 747
Annexe VI ................................................... 747

Annexe VI1 .................................................. 747

Annexe VI11 ................................................. 748
Annexe IX ................................................... 748

Annexe X .................................................... 749
Annexe XI ................................................... 750 CONTRE-MEMOIRE DU GOUVERNEMENT DE LA

REPUBLIQUE DU HONDURAS

(VOLUME1)

INTRODUCTION
O

1. Ce contre-mémoire est déposé conformément à
l'ordonnance rendue par la Chambre de la Cour Internationale

de Justice le 12 janvier 1989 dans l'Affaire du différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador/Honduras~ fixant au 10 février 1989 la date
d'expiration du délai pour le dépôt d'un contre-mémoire par

le Honduras et El Salvador.

CONSIDERATIONS GENERALES AU SUJET DU MEMOIRE DE LA
REPUBLIQUE D'EL SALVAWR

2. Le Gouvernement de la République du Honduras

estime utile, avant mème de réfuter lesthèses et arguments
que la République d'El Salvador a avancés dans son mémoire,

de relever les caractères les plus saillants de cd eocument.

3. Le mémoire du Gouvernement d'El Salvador a été
présenté dans une forme négligée dont témoigne son défaud te

toute pagination1, ses multiples lacunes ainsi que le
désordre dans lequel sont présentées ses annexes dont

certaines sont quasi-illisibles.Le Gouvernementdu Honduras
se réserve le droit de solliciter le rejet de toutes pièce

et document dont la présentation ne satisferait pas
strictement aux conditions fixées aux articles 50 a 57 .du

Règlement de la Cour Internationalede Justice.

1 Cette observation vaut pour le texteoriginal et
non pour la traduction française effectuée par le Greffe de
la Cour Internationalede Justice. Un seul exemple témoigne dela hâte avec laquelle ce

mémoire a été rédigé. Au chapitre 4.19, le mémoire d'El
Salvador fait référence à un chapitre III consacré à

l'histoire du différend frontalier entre El Salvador et le
Honduras,.un chapitre qui est inexistant comme tel et qui

est consacré au droit applicable.

4. La méthode selon laquelle lemémoire d'El Salvador
semble avoir été rédigé explique vraisemblablementle

radicalisme des positions adoptées par la République d'El
Salvador qui se borne à rejeter en bloc toutes les

conclusions présentées par le Honduras au sujet de la
frontière terrestre, de la situation juridique des îles

ainsi que de la situation juridique des espaces maritimes
situés, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la Baie de

Fonseca.

Procédant par voie d'affirmations catégoriques, le
Gouvernement d'El Salvador tente ainsi de rejeter sur le

Honduras la charge de la preuve contraire de ses propres
affirmations. A titre d'exemple de ce procédé, on relèvera

ici la prétention d'~l Salvador selon laquelle la
souveraineté sur les anciennes "tierrasrealengas" (terres

de la Couronne) doit lui ëtre reconnue "jusqu'aupoint où le
Honduras peut produire un titre comparable, par sa force et

ses effets juridiques, à ceux présentés par la République
d'El ~alvadorl."Ainsi avancée, cetteprétention ne peut

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.5: trad. fr.,

p. 24. Le contre-mémoire du Honduras se référera à la
traduction fran~aise du mémoire d'El Salvador effectuéepar
le Greffe de la Cour Internationalede Justice.être accueillie que dans la seule mesure où les titres
produits par El Salvador, à supposer qu'ils existent et

qu'ils soient de nature à prouver l'existence de la
souveraineté, seraient d'une force probante supérieureux

titres avancés par le Honduras.

Il sera établi, dans la suite du présent contre-
mémoire, qu'il n'enest pas ainsi dans tous les secteurs

contestés. Qu'il s'agisse des "tierras realengas" ou de la
notion d'"ejidos" l'interprétation proposée par El Salvador

méconnait le sens clair de l'article 26 du Traité Généralde
Paix du 30 octobre 1980.

5. Les contradictions abondentdans le mémoire d'El

Salvador. S'agissantdu droit applicable à la délimitation
de la frontière terrestre, le Gouvernemen te la République

d'El Salvador se rallie ouvertementau principe de l' uti
possidetis iuris dans lequel il déclare voir "la norme

fondamentale servant de base à la délimitation de la
frontière terrestreM1, ce qui ne l'empêche pas, dans les

exposés consacrés aux diverssecteurs contestés, tantôt de
se fonder sur l'effectivitéou sur des arguments méta-

juridiques2 et tantôt de présenter des titres de simple
propriété comme étant des titres de souveraineté.

6. Quant aux espaces maritimes, la position adoptée

par El Salvador est manifestement équivoque, ce qui ressort
notamment du faitqu'en termes de conclusions (1II.B) le

Gouvernement d'El Salvador a estimé devoir "réserversa
position" quant aux espaces situés au-del de la ligne de

fermeture du golfe sous prétexte qu'il ignorerait les

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; trad. fr.,
p. 13.

2 Mémoired'El Salvador, chap. 7; trad. fr., p. 51.prétentions du Honduras, ce qui est pour lemoins surprenant
alors que, sur cet objet, des propositions et des contre-

propositions ont été faitespar les deux Partiesau sein de
la Commission mixte deslimites.

7. L'attitude adoptée sur ce point par El Salvador

est, au surplus, contradictoireen ce qu'elle admet d'une
part que les eaux du Golfe de Fonseca font l'objet d'un

"condominium" entre les trois Etats riverainset d'autre
part que le Honduras, à la différence des deux autres Etats

riverains, n'accède à la mer et ne pénètre dans le golfe
qu'au même titre que tous les autres ~tatsl, ce qui revient

à dire que le Nicaragua et El Salvador pourraient
discrétionnairement, suspendre, réglementer et réduire à

néant les droits que le Honduras tient du statut objectifde
condominium.

Dans la troisième partie du présent contre-mémoire, il

sera démontré avec plus de détails que la communauté
d'intéréts qui caractérise lesrelations entre les Parties à

l'intérieur du Golfe de Fonseca ne s'oppose nullement à une
délimitation des eaux de celui-ci et que le Honduras doit

dès lors être considéré, par l'existence méme de cette
communauté d'intéréts, comme "Etat côtier" et, partant,

comme titulaire, deplein droit, de pouvoirs de souveraineté
et de juridiction sur des espaces maritimes situés au-delà

de la ligne de fermeture du golfe, espaces dont la
délimitation entre El Salvador et le Honduras relève de la

compétence de la Chambre de la Cour, en vertu de l'alinéa 2
de l'article 2 du Compromis du 24 mai 1986.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 14.6; trad. fr.,

p. 85. CHAPITRE II

L'OBJET DU DIFFEREND

1. Dans le chapitre 1 de la première partie de son
mémoire, le Gouvernement d'El Salvador décritl'objet du

différend en se référant à l'article 2 du Compromis du
24 mai 1986 qui précise l'objet de la demande adressée à la

Chambre de la Cour à propos du différend.

Si la distinction entre l'objet d'un différend et
l'objet d'une demande présente une importance capitale

lorsque la fonction judiciaire est appelée à s'exercer sur
base d'une requête unilatérale, cetteimportanceest moindre

lorsque, comme en l'espèce, la Cour est saisie par le moyen
d'un Compromispar lequel les Parties ontconvenu de limiter

ou de préciser les aspects du différend qu'elles demandent à
la cour de trancher.

2. Si le Gouvernement du Honduras croit cependant

nécessaire de relever la manière dont la Partie adverse a
défini l'objet du différend, c'est parce que cette

présentation a permis à celle-ci d'escamoterla nature et
les traits spécifiquesdu différend tel qu'il s'estprésenté

au cours des années qui ont précédé la conclusion du
Compromis du 24 mai 1986.

Alors que le Gouvernement d'El Salvador omet d'exposer

l'histoire du différend, le Gouvernement du Honduras y a

consacré de longs développementsdans son propre mémoire, à
savoir l'entièreté du chapitre II de l'introduction de

celui-ci (pages 7 à 78). On ne saurait sous-estimer l'importance de ces

développements dont il ressort que le différend frontalier
entre les Parties est ancien, et qu'à diverses reprises il a

revêtu un caractère aigu et dangereux pour la paix en
Amérique centrale, dégénérant même en conflit armé en

juillet 1969. L'étude des négociations diplomatiques menées
entre les Parties, soit directement soit indirectement au

sein de la Commission mixte des limites prouve,au surplus,
que la volonté commune des Parties a toujours été de

rechercher une solution globale et définitive de tous les
aspects de leur différend frontalierterrestre, insulaire et

maritime. Le mémoire du Honduras a décrit l'extension
progressive du différend dans l'espace et dans le temps et

cette description permet de constater d'une part que le
différend insulaire, né en 1854, n'a jamais eu d'autre objet

que les seules îles de Meanguera et de Meanguerita et que,
d'autre part, le différend maritime,entendu dans le sens

d'un différend de délimitation des espaces maritimessitués
tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du Golfe de Fonseca, a

figuré à l'ordre du jour des négociations préalables à la
demande et qu'il a notamment donné lieu à des échanges de

vues précis en 1985 rapportéssous la section "Espaces
Maritimes" de la Commissionmixte des limites1.

3. Parallèlement aux négociations qui témoignent du

développement progressifdu différend, il y a lieu de tenir
compte de l'évolution constitutionnelle et législativedes

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
v.1.20, p. 902. Voir aussi la Convention des limites, non
ratifiée, du 10 avril 1884 en Annexe 111.1.54, p. 179,
mémoire du Honduras, Annexes,vol. 1.deux Etats en cause et notamment, quant aux espaces

maritimes situésau-delà de la ligne de fermeture de la baie
de Fonseca, du décret hondurien no 103 modifiant la loi

foncière du 7 mars 1950 et dont les articles 1 et 3 visent
expressément, comme relevant de la juridiction du Honduras,

le plateau continental et les eaux surjacentes dans
l'Atlantique et dans le Pacifique. On consultera également,à

ce sujet le décret du Congrés du Honduras no 25 du
17 janvier 19511.

4. En bref, l'histoire du différend éclairela portée

du Compromis du 24 mai 1986: elle est un élément du contexte
de l'article 2 de cet instrument diplomatique et elle doit

être prise en considération pour en déterminer l'objet. En
refusant d'y faire allusion, leGouvernement d'El Salvador a

manifesté sa crainte de voir révéler au grand jour l'unité
fondamentale qui existe entre toutes les étapes d'une

procédure de négociation par le moyen de laquelle les
Parties, à la poursuite d'une paix stable et définitive2,
ont cherché à régler, sans en omettre aucun, tous les

aspects de leur différend fronta1ie.r.

5. Sous réserve des observations qui précèdent,le
Gouvernement du Honduras est d'accord avec le Gouvernement

d'El Salvadorpour reconnaitreque c'est dans l'article 2 du

1 U.N. Legislative series, Laws and Requlations on
the Reqime of the Hiqh Seas, ST/LEG/SER. B/1, 11 janvier
1951, vol. 1, D. 302. Mémoire du Honduras, Annexes. vol. 1,
Annexe 11.2.2, P. 37

2 Voir al. 2 du préambule du Traité Général de Paix

du 30 octobre 1980, mémoire.du Honduras, Annexes, vol. II,
Annexe IV.1.55, p. 808 et mémoire du Honduras, vol. 1,
introduction,chap. 1, p. 3, par. 4.compromis qu'il y a lieu de voir la description de l'objet

de la demande soumis à la Chambre de la Cour et, par là
même, la mission assignée à celle-ci.

Selon l'article 2 du Compromis, l'objet de la demande

adressée à la Chambre de la Cour est:

"1. De délimiter la ligne frontière dans les zones
ou secteurs non décrits a l'article 16 du Traité
Général de Paixdu 30 octobre 1980.
2. De déterminer la situation juridique des iles
et des espaces maritimes."

6. L'alinéa 1 de ce texte est clair; il ne donne pas
lieu à contestation entre les Partieset l'interprétation

que le Honduras en a donnée dans l'introduction de son
mémoire chapitre 1, section II n'est pas contestée par la

Partie adverse. S'agissant .du différend frontalier
terrestre, qui est un conflit de délimitation, la Cour est

priée de procéder elle-même à la délimitation de la
frontière dans les secteurs non délimitespar le Traité

Général de Paixde 1980.

7. S'agissant du différend insulaire, la Chambre de
la Cour est invitée à "déterminer le statut juridique des

iles". Ce texte fait l'objet d'une interprétationextensive
de la part duGouvernement d'El Salvador qui soutientque la

demande a pour objet "l'ensemble des iles du Golfe de
Fonseca, à l'exception de l'île de Zacata Grande qui peut

être considérée comme faisant partie de la côte du
~ondurasl."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 10.1 et 10.2; trad.
fr., p. 64 et 65; Conclusion finale no II, trad. fr.,
p. 87. Ainsi qu'il sera démontré de manière plus précise dans

le chapitre 1 du titre 1 de la deuxième partie du présent

contre-mémoire, pareille interprétation est insoutenable.
Interprété dans son contexte et à la lumière des

négociations prolongées qui ont été consacrées à cet objet
entre parties, les iles dont il est question à l'article 2.1

du Compromis ne peuvent être que les seules iles dont la
souveraineté étaitcontestée à la date du Compromis et au

sujet desquelles des négociations avaientété engagées au
sein de la Commission mixtedes limites. Le lien logique qui

existe entre le différend et la demande, joint au fait que
seules les iles de Meanguera etMeanguerita ont fait l'objet

de contestation entre parties,commande à la Chambre de la
Cour, à peine de statuer ultra petita, de limiter sa

fonction d'attribution à ces deux iles exclusivement.

8. Deux circonstances justifient cette affirmation.
Lors de la session de Caracas à la troisièmeconférence des

Nations Unies sur le droit de la mer, le représentant d'El
Salvador, M. Galindo pohll, abordant la question des iles au

cours de la séance du 16 juillet 1974, s'est borné à
qualifier de salvadoriennes lesseules iles "de Corichaguita,

Meanguera et Meanguerita situées entre le territoire
hondurien et l'entrée du golfe" en précisant que "au cas ou

le Honduras prétendrait revendiquer quelque droit sur
lesdites îles" El Salvador n'admettrait en aucune hypothèse

qu'il soit porté atteinte à son intégritéterritoriale.

1 Nations Unies, TroisièmeConférence sur le droit
de la mer, doc. off., vol. II, p. 115, par. 2. Ultérieurement, en 1985, lorsque, dans sa note no 1508

du 24 janvier 1985, El Salvador émit une prétention à la
souveraineté sur "toutes les îles", cette prétention a été

aussitôt réfutéepar le Honduras et n'a plus été reprise par
El Salvador dans la suite1.

9. La divergence de vues entre les Parties au sujet
de la mission que la Chambre de la Cour est appelée à

exercer sur base du second alinéa de l'article 2 du
Compromis, porte également sur le sens qu'il convient

d'attribuer à l'expression "déterminer la situation
juridique des ... espaces maritimes". Deux questions sont

liées à ce problème d'interprétation.Il s'agit, d'une part,
de savoir de quels espaces il est question dans ce texte et,

d'autre part, de savoir ce qu'il y a lieu d'entendre par
"déterminerle statut juridique"des espaces maritimes.

10. ~uant à la première question, le Gouvernement du

Honduras soutient que le sens naturel des termes utilisés
par les Parties commande à la Chambre de la Cour de

considérer que l'expression "espaces maritimes" vise à la
fois les espaces maritimes situésau-delà de la ligne de

fermeture du Golfe de Fonseca et les espaces maritimes
situés à l'intérieur du golfe. Le fait que le Compromis a

été rédigé après la signature de la Convention de Montego

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIII,
p. 488-490, par. 8-9.Bay sur le droit de la mer, à la négociationde laquelle les

deux Parties ont pris part, conforte sur ce point
l'interprétationfondée sur le texte même de l'article 2 du

Compromis. On peut en effet difficilementimaginer qu'à une
époque où l'exercice par les Etats côtiers d'un droit

d'exploration et d'exploitation de la zone économique
exclusive était au cŒur des débats de la troisième

conférence diplomatique sur le droit de la mer, les
signataires du Compromis du 24 mai 1986 auraient voulu

exclure de l'objet de la demande le règlement du problème
des espaces maritimes situés au-delà de la ligne de

fermeture du golfe, alors surtout que ce problème avaitété
débattu au sein de la Commission mixte des limites,

spécialement à partir dumois de juin 1985l.

11. La seconde questiona trait à l'interprétationde
l'expression "déterminer le statut juridique" appliquée aux

espaces maritimes.

Pour le Gouvernement du Honduras, cetteexpression ne
peut avoir d'autre sensque de demander à la Chambre de la

Cour de procéder à la délimitation de ces espaces. Un des
principes les plus élémentaires qui président à

l'interprétation destraités est celuiselon lequel le juge
doit toujours s'efforcerde préférer l'interprétationqui

confère un sens aux termes d'un traité à l'interprétation
qui aurait pour effet de priver le texte de tout sens

quelconque.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.20 et suiv, p. 898 et suiv. C'est en vain que l'on chercherait à donner un sens
quelconque à l'expression "déterminer la situation

juridique ... des espaces maritimes'' si l'on devait se
refuser à y voir la volonté des parties de confier à la

Chambre de la Cour le soin de délimiter ces espaces. Les
Parties ont clairement adopté cette phrase parceque c'était

celle utilisée dans l'article 18 du Traité Général de Paix,
définissant le mandat de la Commission mixte. Et dans la

Commission mixte les deux Parties avait considéré que la
phrase incluait la tâche de délimitation1.

De toute évidence, l'expressionutilisée par l'alinéa 2

de l'article 2 du Compromis l'a été par souci de concision
de manière à éviter l'expressionplus lourde qui eut été de

confier à la Chambre de la Cour lamission de "déterminerle
régime juridique des îles et de délimiter les espaces

maritimes". La fonction de délimitation des espaces
maritimes est en effet la forme habituelle et, en l'espèce,

la seule forme concevable de détermination du régime
juridique de ces espaces,étant donné que la Chambre de la

Cour n'a pas pour mission de confirmer ou d'infirmer la
sentence de la Cour de Justice centre-américainede 1917. Le

mémoire d'El Salvador lui-mêmen'a pas réussi à donner une
autre interprétation à l'expressionutilisée par les Parties

et il se borne à dénier tout sens à l'alinéa 2 de
l'article 2 du Compromis en recourant à un pur sophisme

selon lequel "pour des raisons de logique il n'est pas
possible de délimiter un régime juridique2."

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 1.8; trad. Er., p. 5. 12. L'interprétation restrictive suggéréepar El

Salvador est d'autant moins admissibleque l'expression
"régime juridique" doitêtre considérée comme synonymede

"statut" et que, dans l'affaire du plateau continental de la
Mer Eqée, la Cour Internationalede Justice n'a pas hésité à

donner une interprétation largeà l'expression "statut
territorial" en soulignant avec force que "la question des
limites de la mer territoriale d'un Etat non seulement a

trait au 'statut territorial' mais concerne directement
celui-ci1."

13. L'interprétation proposéepar le Honduras se situe

au surplus danç la lignede l'évolution récentedu droit de
la mer qui a élargi les zones maritimes sur lesquelles les

Etats côtiers possèdent des droits inhérents en yenglobant,
outre le plateau continental, lazone économique exclusive.

Cette interprétation est également danç la lignede
l'évolution de la pratique diplomatique. qui utilise

indifféremment les termes "limites maritimes" et "frontières
maritimes2."

L'interprétation proposéepar le Honduras est aussila

seule qui réponde à la volonté, maintes fois exprimée par
les Parties, de mettre un terme final à touç les aspects du

différend que ni les négociations directesni la procédure

1 C.I.J. Recueil 1978, Arrêt du 19 décembre 1978,
p. 37, par. 89.

2 P. Weil, Perspectives du droit de la délimitation
maritime, Paris - Pedone, 1988, p. 101-103.de médiation présidée par l'éminent juriste péruvien, le
Dr. José Luis Bustamante i Rivero, ni les négociateurs du

Traité de Paix du 30 octobre 1980, ni la Commission mixte
des limites n'avaient réussi à régler.

14. C'est en vain qu'El .Salvador a tenté de mettre en

doute cette interprétation en déclenchant ce qu'il est
permis d'appeler "la guerre de la virgule", c'est-à-direen

soutenant que l'insertion d'une virgule dans l'intitulé du
texte original du Compromis après les mots "fronteriza

terrestre" prouverait que le différend frontalier et par
conséquent la mission de délimitation assignée à la Chambre

de la Cour ne s'étendait pas aux espaces maritimesl. On sait
que cette thèse a été avancée devant la Cour plénière in

limine litis à propos du titre qu'il convenait de donner à
l'affaire en langues anglaise et française et on sait aussi

que la Cour n'a pas modifié les intitulés choisis par les
deux Parties dans la lettre conjointe qu'elles avaient

adressée au Greffe le 11 décembre 1986~. La Cour a cependant
précisé que sa décision était prise "aux seules fins de

déterminer le titre à donner à l'affaire" et que "l'adoption
de ce titre (était) sans préjudice de l'interprétation

adéquate des dispositionsdu Compromis définissant l'objet
du différend."

Les termes dont la Cour s'est servie prouvent, d'une

part, qu'il y a lieu d'attacher plus d'importance aux
dispositionsdu Compromis définissant l'objet du différend,

1 ~émoire d'El Salvador, chap. 1.11; trad. fr.,

p. 6.

1 C.I.J. Ordonnance du 11 décembre 1986. c'est-à-dire à l'article 2 qu'au titre du Compromis et,
d'autre part, que la Cour s'est soigneusement abstenue dese

prononcer sur le sens, en langue espagnole, du titre du
Compromis.

L'argument qu'El Salvador a cru pouvoir déduire du

titre du Compromis est, au surplus, contredit par la lettre
du 6 octobre 1986 par laquelle les Parties ont demandé au

Secrétaire général des Nations Unies de procéder à
l'enregistrementdu Compromis. Dans son second alinéa, cette

lettre précise, en effet, que .les Parties s'obligent par ce
Compromis à soumettre "el diferendo limitrofe" à la

juridiction de la cour1. De toute évidence, cette expression
qualifie tous les éléments du différend et, notamment, ses

aspects maritimes.

15. La Chambre de la Cour ne manquera pas non plus
' d'écarter l'argument que le Gouvernement d'El Salvador a cru

pouvoir fondersur l'article 6 du Compromis qui a trait à

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe

VI.1.2, p. 996. Voir aussi le texte du titre duCompromis
traduit en anglais et en français par le Greffe:

"Special Agreement concluded at Esquipulas
(Guatemala) on 24 May 1986 between the Republic of El
Salvador and the Republic of Honduras for the submission to
the decision of the International Court of Justice of a
dispute between the two States."

Compromis conclu à Esquipulas (Guatemala) le
24 mai 1986 entre la République d'El Salvador et la
République du Honduras visant à soumettre à la décision de
la Cour Internationale de Justice un différend entre les
deux Etats."l'"exécution de l'arrêt de la Cour" et qui dispose, en son
alinéa 1, que la Commission spéciale de délimitation

"entreprendra, dans les trois moissuivant la date de la
sentencel" les travaux de démarcation de la ligne frontière

telle qu'elle aÙra été fixée par l'arrêt et les poursuivra
diligemment jusqu'à leur conclusion2." Il semble que, du

rapprochementque l'on peut faire entre les articles2 et 6,
le Gouvernement d'El Salvador entend soutenir que,

puisqu'une "démarcation" ne se conçoit pas dans les espaces
maritimes, il ne serait pas non plus concevable qu'il y ait

"délimitation" de ces espaces par la Chambre de la Cour. A
cet étrange argument qui revient à accorder plus

d'importance à l'accessoire qu'au principal, le Gouvernement
du Honduras peut se borner à répondre que l'article 6 du

Compromis, intitulé "Exécution de l'arrêt", concerne
l'exécution "en toute bonne foi" de touç les éléments du

dispositif de l'arrêt et que si la Chambre de la Cour,
suivant en cela l'interprétation du Honduras, s'estime

compétente, sur base de l'article 2 du Compromis pour
statuer sur ladélimitation des espaces maritimes, ce n'est

pas la présence dans l'article 6 du mot "démarcation" qui
devrait l'empêcher d'exercer cettecompétence.

1 11 faut lire "de l'arrêt".

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 1.10; trad. fr.,
p. 5. 16. Quant aux'espaces maritimes situés à l'intérieur

du Golfe de Fonseca, le mémoire d'El Salvador fait état de
la sentence prononcée le 9 mars 1917 par la Cour de Justice

centre-américainedans le différend opposantEl Salvador au
Nicaragua, sentencepar laquelle les eaux du golfe ont été

qualifiées de "condominium".

Outre que cette sentence n'est pas opposable au
Honduras, ainsi qu'il seradémontré au chapitre XII1 de la

troisième partie, au volume II du présent contre-mémoire,
il y a lieu de rappeler que le prétendu statut de

"condominium" appliqué' aux eaux du golfe n'a pas été
considéré comme faisant obstacle à une délimitation, au

profit de chacun des riverains, d'une mer littorale1 et qu'A
supposer même que l'on accepte la qualification de

"condominium",il faudrait y voir une raison supplémentaire
pour considérer les trois Etats riverains comme "Etats

côtiers" au sens du droit internationalgénéral et, partant,
comme titulaires de plein droit de pouvoirs propres de

souveraineté et de juridiction sur les espaces situés au-
delà de la ligne de fermeture du Golfe de Fonseca. Le

Gouvernement du Honduras renvoie pour le surplus aux
développements qu'il a consacrés à cette question dans le

chapitre XIX de son mémoire.

1 Voir au sujet de l'accord de délimitationdes eaux
du golfe entre le Honduras et le Nicaragua en date du 12
juin 1900; mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX,
p. 666-668,par. 57-60. PREMIWE PARTIE

LE DIPPERENDFRONTALIER TERRESTRE

TITRE 1

QUESTIONS GENERALES

CHAPITRE III

L'OBJET DELA DEMANDE

1. Selon le mémoire d'El Salvador, la frontière

terrestre entre les Parties aurait une longueur
approximative de 405 kilomètres1. Cette affirmation est

inexacte. La longueur totale de la frontière terrestreest,
selon le Gouvernementdu Honduras, de 343 kilomètres dont
220 kilomètres et 500 mètres ont déjà étédélimités par le

rai tGénéral de Paix de 1980, si bien que 123 kilomètres
et 100 mètres restent à délimiter par la Chambre de la Cour.

Cette différenced'appréciation résulte vraisemblablemen te
l'opinion que chaque Partie s'est faite du tracé de la

frontière dans les six secteursnon encoredélimités.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 2.1; trad. fr.,p. 7. Dans son mémoire1, le Gouvernement du Honduras a
rappelé comment, au cours des temps, s'est dégagée la notion

de "frontière traditionnellement admise"par opposition aux
"secteurs contestés" et comment cette distinction a été

finalementacceptée par El Salvador.

Il a également été rappelé dans le mémoire du Honduras
que, suite à 1a.médiation du Dr. José Bustamante i Rivero,

le Traité Général de Paix a eu pour effet de décrire avec
précision la quasi totalité de la frontière terrestre, à

l'exception toutefois de six secteurs dont la délimitation

devait, aux termes de l'article 18, être faite par une
Commission mixte des limites dans un délai de cinq ans et, à

défaut de ce faire, par la Cour Internationalede Justice ou
par une Chambre de celle-ci qui pourrait (articles31 et 34)

être saisie soit par un compromis, soit par requête
unilatérale de l'une ou l'autre des Parties à défaut

d'accord sur les termes de ce compromis (article 33).

2. Le 24 mai 1986, les Parties ont signé à Esquipulas
(Guatemala) le Compromis par lequel elles ont décidéde

soumettre à une Chambre de la Cour l'ensemble de leur
différend terrestre, insulaireet maritime.

Aux termes de l'article 2, alinéa 1 de ce Compromis,

les Parties ont demandé à la Chambre de la Cour:

"de délimiter la ligne frontière dans les zones ou
secteurs non décrits à l'article 16 du Traité
Général de Paix du 30 octobre 1980."

1 ~émoire du Honduras, vol. 1, chap. V, p. 171-175,
par. 9-11. Ce texte est parfaitement clair et ne donne lieu à

aucune divergence de vues entre les Parties. Il s'agit pour
la Chambre de la Cour d'achever la tâche entreprise par les

Parties et partiellement achevée par le Traité Général de
Paix de 1980, en procédant elle-mème à la délimitation

précise de la ligne frontièredans chacun des six secteurs
contestés de manière telle que les Parties puissent, en

exécution de l'arrèt, procéder à la démarcation complètede

la frontière. terrestre par l'entremise de la Commission
spéciale de démarcation instituéepar l'accord du 11 février

1986 et visée à l'article 6, paragraphe 1 du Compromis du
24 mai 1986. CHAPITRE IV

LE DROIT APPLICABLE

1. Le Gouvernement du Honduras a consacré une partie

importante de son mémoire1 à démontrer que l'article 5 du
Compromis du 24 mai 1986, par la double référence qu'il fait
au Statut de la Cour Internationale de Justiceet au Traité

Général de Paix du 30 octobre 1960, devait déterminer la'
Chambre de la Cour à trancher le différend frontalier

terrestre par application du principe de l'uti possidetis
juris de 1821.

C'est en effet à ce principe que l'article 26 du Traité

Général de Paix fait référence en disposant que 1a
Commission mixte des limites,

"prendra pour base les documents émanant de la
Couronne d'Espagne ou de tout autre autorité
espagnole, laïque ou ecclésiastique de l'époque
coloniale qui désignent les ressorts ou limites
des juridictions ou des localités" (souligné par
nous ).

Le mode de preuve instrumentaireretenu par cet article
désigne indirectementmais indubitablementla norme de droit

applicable.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 81-154,
par. 1-34. . La Chambre de la Cour noteraque le Honduras a
changé le mot "séculaire" utilisé dans l'Annexe IV.1.55,
p. 815 du volume II, Annexes au mémoire, traduite par les
Nations Unies, par le mot "laïque" qui.est plus correct.
Dans la mesure où la traduction d'espagnol en français d'un
texte apparaissant dans une annexe n'apparaîtrait pas
correcte, le Honduraspeut avoir modifié la traduction dans
le présent contre-mémoire. 2. Il a également été rappelé dans le mémoire du

~ondurasl que l'article 26 du Traité Général de Paix, conçu
à l'intention particulière de la Commission mixte des

limites, devait être appliqué également par la Chambre de la
Cour, dans la mesure où les dispositions de cet article sont

compatibles avec celles de l'article 38, paragraphe 1 du
Statut de la Cour Internationale de Justice. Il a été fait

état à ce propos du précédent que constitue l'arrêt de la
Cour Internationale de Justiceprononcé le 18 novembre 1960
dans l'affaire de la sentence arbitraledu Roi d4~spaqne2.

Enfin, sur base d'une étude de la jurisprudence et de

la pratique diplomatique, la portée du principe de l'*
possidetis juris en matière de limitation des frontières

terrestres en Amérique centrale a été exposée dans le
chapitre III du mémoire du Honduras.

Il parait d'autant moins nécessaire de revenir dans le

présent contre-mémoire sur l'ensemble de ces données que,
sur le plan des principes, le mémoire déposé par le

Gouvernement d'El Salvador, aboutit aux mêmes conclusions
que le mémoire du Gouvernement du Honduras.

3. Au chapitre 3.4 du mémoire d'El Salvador, il est

écrit que:

"l'article 26 (du Traité Général de Paix) établit
de manière claire et catégorique que le principe
de l'uti possidetis iuris est la norme
fondamentale qui doit servir de base à la
délimitationde la frontière terrestre en litige"

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 85-86,
par. 4.

2 u., p. 88-90, par. 6-10.et que:

"ce principe aurait dû trouver application, même
en l'absence d'une dispositionexpresse, sur base
du paragraphe 1 de l'article38 du Statut de la
Cour Internationale de Justice; entre Etats
latino-américainsd'origine hispanique ce principe
est une 'coutume internationale comme preuve d'une
pratique générale acceptée comme étant de droit'."

4. Au chapitre 3.5, le mémoire d'El Salvador se
réclame en outre de l'arrêt prononcé par la Chambre de la

Cour instituée dans l'affaire du différend frontalier
~urkina-Faso/Républiquedu Mali selon lequel le principe de

l'uti possidetis juris doit ëtre considéré,en matière de
succession dlEtats, comme un "principe d'ordre général

nécessairement lié à la décolonisation où qu'elle se

Quant .à la portée du principe de l'uti possidetis

juris, le mémoire du Gouvernement d'ElSalvador précise:

- que la date de référence qui doit être prise en

considération dans l'application du principe est celle
de 1821 qui est celle de l'accession à l'indépendance

des deux Etats en litige2;

- qu'en vertu du principe de l'uti possidetis juris de
1821 "toutes délimitations établies postérieurement à
-
cette date (à moins d'être fondéessur des titres

1 C.I.J. Recueil 1986,p. 566, par. 23.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.7; trad. fr.,
p. 14. délivrés par les autorités espagnoles avant 1821) sont

dépourvues de toute force probante face aux

délimitations établies avantla fin du régime-colonial1
et,

- qu'en cas de discordance entre plusieurs documents
émanant de la Couronne d'Espagne et/ou d'autres

autorités eZpagnoles, les documents les plus récents

devront clairement prévaloir,pour autant toutefois
quoils soient antérieurs à la date de 1'indépendance2."

5. La Chambre de la Cour ne manquera pas d'observer

la parfaite coïncidence entre les positions adoptées
respectivement par El Salvador et le Honduras quant à la

primauté du principe qénéral de l'uti possidetis juris en
tant que source de droit applicable à la solution du

différend frontalierterrestre qui les oppose. Il en va de
même quant à la signification de ce principe et quant à

l'adoption de la date de 1821 comme date de référence à
prendre en considération dans la mise en aeuvrede ce même

principe.

6. D'où vient-il dès lors que, dans l'application
concrète que le Gouvernement d'El Salvador suggère à la

Chambre de la Cour de faire du principe de l'uti possidetis
iuris à chacun des secteurs contestés, ElSalvador ait

abouti à des conclusions diamétralement opposées à celles du
Honduras ?

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.8: trad. fr.,
p. 14.

2 ibid. Les raisons en sont multiples. Ainsi qu'il sera
démontré dans le titre II du présent contre-mémoireconsacré

à la mise en puvre du principede l'uti possidetis iuris, El
Salvador a systématiquementignoré ou minimisé la portée des

titres coloniauxdont le Honduras peut se prévaloir, tout en
s'efforçant de justifier ses propres prétentions en

qualifiant de titres de souveraineté des titres de propriété
privée, contrairement au droit espagnol applicable, à

l'époque en Amérique.

7. La principale raison de la divergence de vues

entre les Parties tient cependant à la manière tendancieuse

dont le Gouvernement d'El Salvador interprète la seconde
phrase de l'article 26 du Traité Général de Paix du

30 octobre 1980.

Après avoir rappeléque l'application du principe de

l'uti possidetis juris a donné lieu, dans le passé, à des
difficultés pratiques résultant de l'absence de titres

coloniaux ou de leur obscurité, le Gouvernement d'El
Salvador affirme au chapitre 3.10 de son mémoire que c'est

dans le but de suppléer à de telles carences que
l'article 26 du Traité Général de Paix a prévu, dans sa

seconde phrase, qu'il "'sera également tenu compte' des
autres preuves, thèses et argumentationsd'ordre juridique,

historique ou humain et de toute autre élément présentés par
les parties et admissiblesen droit international".

C'est en s'appuyant sur cette seconde phrase,

qualifiée, pour les besoins de la cause, de
"particulièrementimportanteo1que le Gouvernementd'El

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.11; trad. fr.,

p. 15.Salvador s'est cru autorisé à faire état d'un ensemble

hétéroclite de facteurs d'ordre géographique, économique,
humain et sentimental qu'il qualifie audacieusement

d'"effectivités" dans l'intitulé du chapitre 7 de la
partie II de son mémoire.

8. A la lecture de ce chapitre 7, on constate que

l'article 26 du Traité Général de Paix fait l'objet d'une
dérive fontamentale qui en altère le sens littéral, le

contexte et la finalité et qui a pour effet de rendre
purement platonique l'hommage rendu,au seuil du mémoire

d'El Salvador, au principe de l'uti possidetis juris et
d'inviter ainsi la Chambre de la Cour à statuer tantôt

aequo et bono, et tantôt en fonction des occupations de
fait.

9. C'est ainsi que, d'entrée de jeu, le mémoired'El
Salvador qualifie le Traité Général de Paix de 1980 de

"traité de fraternitéw1 et qu'il croit pouvoir déduire du
préambule que "l'article 26 qui fixe les modes de preuve à

employer pour résoudre les différends entre les Parties ne
vise pas seulement des moyenspurement juridiques2."

C'est dans cet esprit que le mémoire d'El Salvador fait

état de considérations qui visent à créer autour de la
présente affaire un climat sentimental, en dépeignant la

pauvreté d'El Salvador, défavorisé par l'exiguïté de son
territoire volcanique3, dont la population pléthoriqueet en

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.1; trad. fr.,

p. 51.
2 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.2; trad. fr.,

p. 51.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.3; trad. fr.,
p. 52.croissance constante - et cependant industrieuse1 - confine

au Honduras, pays relativement peupeuplé2 qui dispose d'un
territoire six fois plus étendu3 qui a accès aux deux océans

et dont les richesses naturelles spécialement forestières4
sont particulièrement enviableset aisément utilisables

grâce, notamment, aux nombreuses rivières5 dontdispose le
pays. Engagé dans cette voie, El Salvador semble faire grief

au Honduras d'avoir triomphé dans l'affaire de la sentence
du Roi d'~spaqne6 et d'avoir conclu avec la Colombie le
Traité de délimitation maritime du 2 août 19~6~. Pareilles

affirmations constituent autant de manŒuvres de diversion
qui n'ont d'autre but que de présenter le peuple d'El

Salvador comme un peuple assiégé face à un Honduras
expansioniste8.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.6; trad. fr.,
p. 53.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.22; trad. fr.,
p. 61-62.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.8 et 7.12; trad.
fr., p. 54-55 et 57-58.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.8; trad. fr.,

p 54-55.

5 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.13; trad. fr.,
p. 58.

6 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.15; trad. fr.,
p. 58.

7 -bid.

8 Mémoire d'El, Salvador, chap. 7.11; trad. fr.,
p. 56-57. Ce tableau de la misère d'El Salvador comparée à la

richesse du Honduras ne correspond guère à celui que
1'"Encyclopaedia Universalis" a dressé, en 1985, sous la

plume de Roland Novaro qui s'exprime commesuit:

"Pays de volcans, dont 77 % de la surface est
cultivée, El Salvador a une économie
essentiellement agricole. Mais cela ne l'empêche
pas d'être aussi le centre industriel le plus
important d'Amérique centrale. Cette prospéritéa
pour origine l'existence d'une bourgeoisie
nationale active qui a investi sur place ses
propres capitaux.
Le dynamisme démographique. et économique est
pourtant à la source des problèmes majeurs d'El
Salvador. D'une part, trop à l'étroit dans ses
frontières, le pays a une tendance à l'expansion
qui ne peut que porter ombrage à ses voisins. La
guerre qui l'opposa en 1969 au Honduras en est
l'illustration extrême. D'autre part, la
prospérité d'El Salvador reposesur une structure
sociale explosive. A la misère de la plupart des
Salvadoriens causéepar le chômage et une mauvaise
répartition des terres s'oppose l'excessive
concentration des grands domaines, du grand
commerce et de la finance, entre les mains d'une
minorité.
Ce contraste est à l'origine de nombreux conflits
qui ont dégénéré en 1981 en une véritable guerre
civilel."

Pour sa part, le World Bank Atlas relève, dans son

édition 1988, qu'en 1986 le Produit National per capita
était de U.S $ 820 par habitant au El Salvador et de

U.S $ 740 au Honduras.

1 Encyclopaedia Universalis, vol. 16, p. 412-413. Enfin, dans un ouvrage récent intitulé "Fronts et

frofltières",l'auteur français Michel Foucher constate que
le mouvement migratoiredes populations s'est opéré - ce qui

est exceptionnel - ''d'unEtat moins démuni vers un Etat très
sous-développé1."

10. Sous réserve de nombreuses autres inexactitudesde

fait dont cet exposé, volontairementdramatisé, est émaillé
et qui seront relevées dans la suite du présent contre-

mémoire, le Gouvernement du Honduras se propose de
développer ci-dessousquelques considérations fondamentales

relatives à l'interprétation de l'article 26 du Traité
Général de Paix de 1980 et à la hiérarchie des moyens de

preuve susceptibles d'être produits par les Parties à
l'appui de leurs prétentionsrespectives.

11. Une saine interprétationde l'article 26 du Traité

Général de Paix de 1980 commande de voir dans la
présentation formelle, en deux alinéasdistincts, des divers

modes de preuve susceptibles d'être invoqués par les
Parties, un ordre hiérarchique qui s'oppose à ce que les

arguments humainsou d'effectivitévisés à l'alinéa 2 soient
placés sur pied d'égalité avec les titrescoloniaux.

1 M. Foucher, Fronts et frontières.Un tour du monde

géopolitique.Paris, Fayard, 1988, p. 101. Les titres coloniaux sontceux qui, selon les termes
mêmes de l'article 26, doivent être pris "comme base" pour

procéder à la délimitation alors que les autres moyens de
preuve sont ceux dont il peut être "tenu compte"pour autant

qu'ils soient "admispar le droit international".

12. En dehors de cet argument de texte, il convient de
rappeler le contexte de l'article 26 qui, au moment où il a

été rédigé, était destiné,dans une première étape, à la
Commission mixte des limites, organe de conciliation qui

n'était pas tenu de fonder ses propositions sur le seul
droit international. Dès l'instant où le différend a été

soumis à une Chambre de la Cour Internationalede Justice,
le mode de règlement du différend changeait nécessairement

de nature et revêtait un caractère juridictionnel avec
toutes les conséquencesque cette qualification comporte

quant au droit applicable et quantaux modes de preuve
admissibles.

13. Si les Parties au Traité Général de Paixde 1980

ont rédigé l'article 26 à la fois à l'intention de la
Commission mixte des limites et de la Cour Internationalede

Justice, il est clair que ces deux destinataires ne
disposent pas de la même liberté dans l'usagequ'ils sont

susceptibles d'enfaire.

.
A la différence de la Commission mixte des limites qui,
dans l'exercicede sa mission restait l'émanation des deux

Etats souverainsqui l'avaient instituée et qui, à ce titre,
restait soumise aux injonctions que ces Etats pouvaient lui

adresser, la Cour, "organe judiciaireprincipal des Nations
Unies" est tenue de trancher par un arrêt obligatoirela

totalité du différend, à peine de commettre un déni dejustice et elleest tenue de le faire dans lerespect de son

Statut, c'est-à-dire 'conformémentau droit international1."

14. Que la Cour soit tenue de ne statuer qu'en droit
est d'ailleurs souligné par la première phrase de

l'article 26 qui précise que les documents émanant de la
Couronne d'Espagne ou des autorités civiles et

ecclésiastiques ne seront prisen considérationque dans la
mesure où "ils indiquent les juridictionsou les limites des
territoires ou localités". A fortiori, en est-il ainsi des

modes de preuve subsidiairesde toute autre nature (e
cualquier otra indole) dont la deuxième phrase de l'article

26 précise qu'ils ne seront pris en considérationque dans
la mesure où ils sont "admispar le droit international",

c'est-à-dire juridiquement pertinents aux fins d'application
de la norme de droit applicableau règlement du différend, à

savoir le principede l'uti possidetis juris.

15. Ainsi qu'il a été exposé plus haut, le mémoire
d'El Salvador s'est longuement appesanti sur les inégalités

de fait qui existent entre les Parties au point de vue
géographique, économiqueet humain. Cet exposé, dont il a

déjà été souligné qu'il était de caractère méta-juridique en
ce qu'il revient à inviter la Chambre de la Cour à statuer

ex aequo et bono, tend en réalité à inviter insidieusement
la Chambre à redresser les "injusticeshistoriques"*dont El

Salvador aurait été vict-ime en lui accordant des
compensations territoriales aux dépens du Honduras.

1 c.I.J., Statut, art. 38, par. 1.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.16; trad. fr.,
p. 58-59. 16. La Chambre de la Cour qui est tenue de respecter

l'égalité souveraine des Etats, notamment dans
l'administration des preuves, ne saurait s'engager dans

cette voie de l'égalité constructiveou compensatrice qui est
celle de la diplomatie et de la politique.

Les normes du droit international ont été conçues à

l'intention d'une communautédlEtats souverains et égauxen
droit; elles sont "formulées d'une manière abstraite et font

nécessairement abstraction de tout élément de force ou de
grandeur physique1."

17. C'est pour cette raison qu'à deux reprises au

moins, la jurisprudence internationale, statuanten matière
de délimitation, a refusé de prendre en considération des

facteurs tenant à l'inégalité de fait entre les Etats en
litige.

Dans l'affairedu plateau continentalTunisie/Jamahiriya

arabe libyenne, la Cour Internationalede Justice a rejeté
l'argumentation tunisiennequi tendait à faire de la pénurie

économiqueun facteur de délimitation.

"Il s'agit (dit la Cour) de facteurs quasiment
extrinsèques, puisque variableset pouvant à tout
moment faire pencher la balance d'un côté ou de
l'autre de façon imprévisible, selon les heuro su

1 P. Reuter, Droit international public, Paris,
P.U.F. - Coll. themis, 6e ed., 1983, p. 181. . malheurs des pays en cause. Un pays peut être
pauvre aujourd'hui et devenir prospèredemain à la
suite d'un événement tel que la découverte d'une
nouvelle richesse économique1."

Dans la ligne de cet arrêt, le tribunal arbitral pour

la délimitation de la frontière maritime Guinée/Guinée
Bissau a déclaré pour sa part que:

"Certes, pas plus que la Cour Internationale de
Justice en l'affaire du plateau continental
jTunisie/Jamahiriya libyenne1 (C.I.J. Recueil
1982, p. 77-78, par. 107) le tribunal n'a acquis
la conviction que les problèmes économiques
constituent des circonstances permanentes à
prendre en compte en vue d'une délimitation."

mais bien plutôt:

"...que ces préoccupations économiques si
légitimement avancées par les Parties doivent
pousser tout naturellement celles-ci à une
coopération mutuellement avantageuse susceptible
de les rapprocher de leur objectif qui est le
développement2."

18. Au même titre que le Gouvernement d'El Salvador,

le Gouvernement du Honduras n'ignore pasque le principe de
l'uti possidetis juris ne permet pas toujours de résoudre

tout différend quelconque de délimitation des frontières
terrestres.

1 C.I.J. Recueil 1982, Arrêt du 24 février 1982,
p. 77, par. 107.

2 Sentence du 14 février 1985, par. 122-123. L'imprécision des titres coloniaux et des cartes
géographiques du début du XIXe siècle, la connaissance

imparfaite que l'on avait du terrain a la même époque, les
empiètements commis au cours des temps par des communautés

rurales, sont autant de facteurs qui ont régulièrement
compliqué la tâche des juges et des arbitres appelés à

statuer dans les différends frontaliersentre les Etats
issus du démembrement de l'ancien Empire espagnol1.

19. Sauf les cas, relativement fréquents, où les

arbitres ont été autorisés par lesparties à statuer
aequo et bono, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le

règlement judiciairequi ne saurait jamais déboucher sur un
non liquet ne peut remplirsa mission pacificatricequ'en se

gardant de tout radicalisme dans l'application du principe
de l'uti possidetis, voire en recourant à un ensemble de

présomptions ou d'analogies empruntées aux principes
généraux, sans jamais perdre de vue le principe directeurde

lluti possidetis juris2.

1 Sur la relativité du principe de l'uti possidetis
juris, voir D. Bardonnet: Les frontières terrestres et la
relativité de leur tracé. R.C.A.D.I. 1976, IV. vol. 153 et
mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p.97-100,
par. 17-20.

2 Il en va ainsi même lorsque le compromis
d'arbitrage a reconnu à l'arbitre le pouvoir de statuer
"équitablement".On citera en ce sens l'article IV du Traité
du 30 décembre 1902 entre la Bolivie et le Pérou, reproduit
à la page 122 du mémoire du Honduras ainsi que la sentence
prononcée dans cette affairepar le Président José Figueroa
Alcorta le 9 juillet 1909 et citée aux pages 132-133 du
mémoire du Honduras, Stuyt, International Survey of
internationalarbitration, Nijhoff, 1939,p. 261, no 249. 20. C'est ainsi que dans le différend frontalier qui a

opposé le Guatemala et le Honduras, le Chief Justice des
Etats-Unis, M. Charles Evans Hughes a pu logiquement

considérer comme relevant de l'esprit de l'uti possidetis
m, la possession de fait assortie d'un "contrôle

administratif" existant avant l'indé~endance lorsque ce
contrôle, à défaut d'avoir été autorisé par des "reales

cedulas", a été exercé de manière ininterrompue et non
contestée et devait dès lors êtreprésumée régulariséepar

"assentimentdu Monarque espaqnoll."

Lorsqu'un titre de souveraineté préciset non équivoque
est invoqué par un Etat à l'encontre d'une possession

effective dont se prévaut un autre Etat, la priorité doit
indubitablementêtre reconnue au titreet la possession être
tenue en principe comme étant "sans portée" selon

l'expression utiliséedans l'affaire du différend entre la
Colombie et le Venezuela par la sentence prononcée le

24 mars 1922 par le Conseil fédéral suisse2 ou encore comme
une pure "usurpation' selonla terminologie utiliséepar le

Chief Justice Hughes dans la sentence prononcée le
23 janvier 1933 dans le différend frontalier entre le

Guatemala et le ~onduras3.

1 Voir l'extrait de cette sentence dans le mémoire
du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 140 et le texte complet
dans R.S.A. vol. II, p. 1307-1366.

2 R.S.A. vol. 1, p. 228 citée dans le mémoire du
Honduras, vol. 1, chap. III, p. 136.

3 R.S.A. vol. 11, p. 1324, citée dans le mémoiredu

Honduras, vol. 1, chap. III, p. 141. 21. La Cour Internationale de Justice a fait

application de ce principe dans l'affaire relative à la
souveraineté sur certaines parcelles frontalières lorsque,

invitée par les Pays-Bas à constater que la possession
effective exercée par certains actes de souveraineté des

autorités néerlandaises avait "déplacé le titre juridique
résultant de la Convention de délimitation1",elle n'a "pas

craint d'écarter une effectivitéréelle en faveur de la
lettre explicitede la onv vent ion^."

22. Pour qu'il en soit autrement, il faudrait
justifier d'un nouveau titre d'acquisition de territoire

établi soit par un accord exprès entre les parties, soit par
un ensemble de comportements parallèles et convergents

susceptibles d'être analysésen -un accord tacite, soit par
une simple possession de fait comportant des actes de

souveraineté3 prolongée dans le temps, notoires et n'ayant
suscité aucune réaction "dans un délai raisonnable4.

1 C.I.J. Recueil 1959, p. 217.

2 S. Bastid, Les problèmes territoriaux dans la
-
jurisprudence de la C.I.J., R.C.A.D.I. 1962, III, vol. 107,
p. 467.

Ainsi que la C.I.J. l'a affirmé dans son arrêt
précité du 20 juin 1959 en relevant que les actes de
possession effectiveinvoqués par les Pays-Bas étaient, dans
une large'mesure, "des actes courants et d'un caractère
administratif accomplispar des fonctionnaireslocaux" à une
époque où la Belgique éprouvait des difficultés manifestes
"à découvrir les empiètements sur sa souveraineté et à
exercer sur ces deux parcelles, entourées comme elles
l'étaient par le territoire néerlandais..." C.I.J. Recueil
1959, p. 229.

4 C.I.J. Recueil 1962, Affaire du Temple
préah-Vihéar,p. 23. 23. Dans un différend dont la solution est régie par

le principe de l'uti possidetis juris, la possession de fait
ou le "contrôle administratif" nepeuvent être pris en

considération que dans la mesure où ils se sont exercés
"avant l'indépendance en accord avec la volonté de la

Couronne d4~spagne1", cet accord pouvant résulter d'un
acquiescement exprèsou tacite du souverain espagnol.

Toute autre forme de possession de fait, acquise

postérieurement à l'indépendance, doitêtre considérée comme
sans portée, sauf à démontrer par la partie qui s'en réclame

que la partie adverse qui en a eu connaissance n'a pas
protesté dans un délai raisonnable. Dans cette hypothèse un

nouveau titre, de nature conventionnelle,est substitué au
titre établi par les actes coloniaux émanant dela Couronne

d'Espagne.

C'est en fonction des principes rappelés dans le
présent chapitre que sera étudiée, dans letitre II de la

première partie du présent contre-mémoire, la situation
juridique concrète des six zones ou secteurs non encore

délimités de la frontière terrestre entrele Honduras et El
Salvador.

1 Sentence Hughes du 23 janvier 1933, R.S.A.
vol. II, p. 1324. PLAN DU CONTRE-MEMOIRE

Le contre-mémoire de la République du Honduras sera

.divisé en trois parties. La première sera consacrée au
différend frontalier terrestre (Volume 1 et Volume II), la

deuxième au différend insulaire etla troisième au différend
maritime (Volume II). Le contre-mémoire se terminera avec

les conclusionsde la République du Honduras.

Le contre-mémoire comprend un volumedl~nnexesl.

1 Ce volume d'Annexes comprend en particulier une

Annexe XI.l relative aux observationsde la République du
Honduras sur les chapitres 2 et 7 du mémoire d'El Salvador. CHAPITRE V

LES DOCUMENTS EMANANT DES AUTORITES ESPAGNOLES QUI DESIGNENT
LES LIMITES DES ANCIENNES JURIDICTIONS ET, EN PARTICULIER,

LES TITRES DE TERRE DES COMMUNAUTES INDIGENES

Section 1. Introduction

A. LES REFERENCES AU DROIT ESPAGNOL EN VIGUEUR EN
AMERIQUE DANS LE MEMOIRE D'EL SALVADOR

1. Ainsi qu'il l'a été indiquéau chapitre précédent,

il y a entière convergence entre les positions adoptées
respectivement par El Salvador et le Honduras en ce qui

concerne la primauté accordée au principe général de l'e
possidetis juris pour la solution du conflit frontalier

entre les deux Républiques. Cette convergence s'étend
également à la date critique du 15 septembre 1821 pour ce

qui est de la date à prendre en compte pour l'application
dudit principel.

Ces deux hypothèses expliquent que, aussi bien dans le

mémoire du Honduras que dans c&ui d'El Salvador, il y ait
autant de références à des actes des autorités espagnoles

antérieures à 1821, ainsi qu'au droit espagnol, en vigueur
jusqu'à cette date, qui régissait ces actes. En ce qui

concerne le mémoire d'El Salvador, lesréférences figurent
principalementaux chapitres 3, 4, 5 et 6.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4-3.7; trad. fr.;
p. 13-14; mémoire du Honduras, vol. 1, première partie,
chap. III-IV, p. 81-163. 2. DU reste, cette référenceau droit espagnol et aux

actes des autorités espagnolesen Amérique ne surprendrapas
la Cour. En effet, ces références figurent également dans

divers arbitrages internationaux relatifs à des conflits
frontaliers entre Etats américains, dans lesquels le

tribunal arbitral a statué en faisant application du
principe de l'uti possidetis iuris. Ce fut le cas dans les

exemples suivants, auxquels il a été fait référence au
chapitre III, première partie du mémoire du Honduras, à

savoir:

- L'affaire des frontières entre la Colombie et le
Venezuela, sentence prononcée le 16 mars 1891 par la

Reine-RégenteMarie-Christine d'~s~agnel.

- L'affaire du différend frontalier entre la Colombie et
le Costa Rica, sentenceprononcée le 11 septembre 1900

par le Président de la République française, M. Emile
~oubet~.

- L'affaire des limites entreles Républiques du Honduras

et du Nicaraqua, sentence prononcée le23 décembre 1906
par le Roi d'Espagne,Alphonse ~1113.

- L'affaire du litiqe de frontières entre la Bolivie et
le Pérou, sentence prononcéele 9 juillet 1909 par le

Président de la République argentine, José Figueroa
~lcorta~.

1 R.S.A., vol. 1, p. 292-296.

2 C.T.S., vol.189, p. 54 et 87; Journal Officiel de
la République francaise, 250-1900, G184.

3 C.I.J. Recueil 1960, Mémoires, Plaidoiries et
Documents, t. 1, p. 354-361.

4 R.s.A.,'vo~. XI, p. 133 et suiv.- L'affaire des frontières entre la Colombie et le
Venezuela, sentence prononcée le 24 mars 1922 par le

Conseil Fédéral suisse1.

- L'affaire des limites entre le Guatemala et le
Honduras, sentence prononcée le 23 janvier 1933 'parle

Tribunal siégeant sous la .Présidencede M. Charles
Evans Hughes,Chief Justice des ~tats-unisZ.

3. La portée de la référence au droit de 1'Etat

colonisateur dans un conflit frontalier entredeux Etats a
été précisée dans l'arrêt prononcé - par la Cour le

22 décembre 1986 dans l'affaire du différend frontalier
entre le BurkinaFaso et la République du ~ali~, dans lequel

il a également été fait applicationdu principe général de
l'uti possidetis juris.

En effet, la Chambre de la Cour, après avoir indiqué

que:

"Par le fait de son accession à l'indépendance,le
nouvel Etat accède à la souveraineté avec
l'assiette et les limites territorialesqui lui
sont laissées par 1'Etat colonisateur4."

1 R.S.A., vol. 1, p. 223 et suiv.

2 R.S.A., vol. II, p. 1307-1366.

3 C.I.J. Recueil 1986, 1986, p. 554.

4 C.I.J. Recueil 1986, p. 568, par. 30. et que le droit internationallui est applicable, non avec
effet rétroactif, mais "en l'état, c'est-à-dire, à

l'"instantané" du statut territorial existant à ce moment-
1à1", a apport'édeux précisions importantessur le droit

interne de 1'Etat colonisateur, en l'occurence le droit

français. En premier lieu, la Cour a indiqué que celui-ci
comprend'aussi bien "le droit interne français" en général

que "plus particulièrement celuique la France a édicté pour
ses colonies et territoires d'outre-mer".Ce qui implique,

dans le cas présent, une référence au droit espagnol
antérieur à 1821 ainsi qu'au droit particulier édicté pour

les possessions, espagnoles jusqu'à cette date, en Amérique
ou 'Droit des 1ndesM2.

En second lieu, conformément à l'arrêt précité de la

, Cour, l'applicationdu droit interne de 1'Etat colonisateur
n'implique en aucun cas un renvoi à cette législation de la

part du droit international. Pour le litige sur lequel la
Cour doit statuer conformément au droit international - et,

en particulier, conformément au principe de l'uti possidetis
juris - le droit interne de 1'Etat colonisateur,

1 ibid.

2 Voir sur ce point la consultation de A. Nieto
Garcia à l'Annexe 1 du présent contre-mémoire. Selon F.
Thomas y Valiente, Manual de Historia del Derecho espanol,
4e éd., Madrid, 1983, p. 327, "au sens strict, on entend par
droit indien l'ensemble des lois et dispositions
réglementaires promulguéespar les rois et par les autorités
subordonnées, en vue d'instaurer un régime juridique spécial
aux Indes. Selon ce concept, droit indien équivaut a "lois
des Indes". Au sens large, il faut également considérer
comme ~arties intéarantes du droit indien~ ~ aussi bien le
droit de Castille que les coütumes indigènes." Le titre de
l'Œuvre de J.M. Ost Capdequi, Historia del derecho espanol
en América y del derecho indiano, Madrid, 1968, est
significatif à cet égard. "...peut intervenir non en tant que tel (comme
s'il y avait un continuum juris, un relais
juridique entre ce droit et le droit
international), maisseulement comme un élémentde
fait, parmi d'autres, ou comme moyen de preuve et
de démonstration de ce qu'on a appelé le 'legs
colonial', c'est-à-dire, de l''instantané
territorial' à la date critique1."

B. LES ERREURS ET INEXACTITUDESSUR LE DROIT ESPAGNOL EN

VIGUEUR EN AMERIQLJEFIGURANT DANS LE MEMOIRE
D'EL SALVADOR

4. Si, comme le Gouvernement du Honduras vient de

l'indiquer, le droit espagnol en vigueur au El Salvador et
au Honduras jusqu'en 1821 constitue un "élément de fait" ou

un "moyen de preuve et de démonstration"pour déterminer le
statut territorial d'une République à la date de son

indépendance, certaines exigences apparaissent inéluctables
pour les Parties. D'une part, il est.nécessaire d'établir

avec rigueur et exactitude la teneur et la portée des
dispositions du droit espagnol pertinentes dans la

perspective du présent litige; et cela exclut, a contrario,
que ces dispositions soient, arbitrairement ou

capricieusement,tronquées ou modifiées, ainsi que l'a fait
El Salvador dans son mémoire.

D'autre part, lesconséquences juridiques découlant de

l'application du droit espagnol antérieurement à 1821
doivent être clairement établies; et il convient de ne pas

occulter ces conséquencesni de les exposer de façon

1 C.I.J. ~ecueil 1986, p. 568, par. 30intéressée pour tenter de justifier ses propres positions,

ainsi que l'a également fait El Salvador dans ledit
document.

5. Dans un but purement explicatif, les erreurs et

inexactitudes relatives audroit espagnol et figurant dans
le mémoire d'El Salvador peuvent être classées en trois

groupes principaux:

i) Sur le caractère ou. la nature des "ejidos" ou
"tierras ejidales" des communautés indigènes et
leurs effets en ce qui concerne les limites des

anciennes juridictions espagnoles.Elles figurent
pricipalement auxchapitres 4 et 6 du mémoire d'El

Salvador.

ii) Sur les "tierras realengas" (terres de la
Couronne) et leurs effets en ce qui concerne les

limites des anciennes juridictions espagnoles.
Elles figurent principalementaux chapitres 5 et 6

du mémoire d'El Salvador.

iii) En particulier, sur certaines dispositions du
droit espagnol et leur application dans le ressort

de la Capitainerie et de 1'"Audiencia" de
Guatemala. Elles figurent dans plusieurs

paragraphes des chapitres 4 et 6 du mémoire d'El
Salvador.

6. On pourrait certes penser que ces erreurs et

inexactitudes du mémoire d'El Salvador sont le fruit d'un
examen incompletou hâtif du droit espagnol en vigueur aux

Indes et de la littérature scientifiquesur le régime de lapropriété dans cette législation. Mais, comme cela est

fréquent dans le mémoire d'El Salvador, les citations non
seulement sont incomplètes, mais prétendent en outre

dénaturer délibérémentla réalité.

Ainsi, par exemple, en ce qui concerne la citation des
dispositions du droit espagnol aux Indes, El Salvador fait

allusion à une "Cédula" (brevet royal) de 1591''incorporé à
la "Recopilaci6n" des lois des Indes de 1680, dont il

transcrit un Or, si l'on consulte le "Cédulario de
Tierras, Compilacion de législacion agraria colonial

(1497-1820)", de F. de solano2, on pourra facilement
vérifier que le Roi d'Espagne a édicté quatre "Cédulas"

royales le ler novembre 1591 (Annexe 11.1 à 11.4 au présent
contre-mémoire,p. 63). Or une référence plus précise à ces

dispositions était possible car El Salvador a fourni,
postérieurement au mémoire, un certificat du Titre de Los

Amates dans lequel figure précisément deux des quatre
"Cédulas" du ler novembre 1591; de même que le Titre de

Arcatao, également présenté par El Salvador, comprend la
"Cédula" royale du 30 octobre 1692 (Annexe 11.12 au présent

contre-mémoire,p. 85), incluse dans celle du 10 mars 1717.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.10: trad. Er.,

p. 18.

2 F. de Solano, Cedulario de Tierras, Compilacion de
la leqislacion aqraria colonial (1497-1821, Mexico,
U.N.A.M., 1984. En ce qui concerne la "composition"de 1591,
il est dit ce qui suit, à la page 43 de 1'"Etude
préliminaire" à cette compilation: "Il ne fallut au Roi pas
moins de quatre "Cédulas"royales pour expliquer les raisons
et les circonstances quil'amenaient à exiger la restitution
des 'terresde la Couronne'...". Mais, en second lieu, il convient de signaler que toute

référence aux "Cédulas" royales du ler novembre 1591 ou la
présentation 'de la "Cédula" royale du 30 octobre 1692 ne

peut passer sous silence la teneur et la portée de ces
dispositions. Les premières, comme on le verra plus loin,

constituent la base juridique de ladite "composition" de
terres, institution qui permet de déterminer clairement:la

nature des "ejidos" et, corrélativement, leurs effetspar
rapport aux limites des anciennes juridictions espagnoles.

La "Cédula" royale du 30 octobre 1692 constitue, pour sa
part, une autre disposition importante dans le système des

"compositions" de terres car elle crée, au sein du Conseil
des Indes, une Superintendance chargée dece domaine, avec

des sous-délégués en Amérique. Inutile de dire que ces
dispositions sur le régime des terres ont fait l'objet de

di£férentes études1.

7. Etant donné les erreurs et inexactitudes contenues
dans le mémoire d'El Salvador, le Gouvernement du Honduras a

sollicité une consultation juridique du Professeur Alejandro
Nieto Garcia, éminent spécialiste espagnol de l'histoird eu

régime juridique de la propriété communale, Professeur à

1 Une première étude est celle réalisée par J.M. Ost
Capdequi, El Derecho de propiedad en nuestraleqislacion de
Indias dans Anuario de Historia del Derecho Espanol, t. II,
1925, p. 49-168, où il examinait la "vente et 'composition'
de terres de la Couronne", p. 83 et suiv. Du même auteur:
~s~aza en América: el réqimen de tierras en la época
colonial, Mexico, 1959, et la note 2, p. 230 et suiv. dans
l'op. cit.; plus récemment, F. de Solano: Tierra v sociedad
en el Reino de Guatemala, Guatemala, 1977, spécialement
D. 84-173, avec une "Sélection documentaire sur le réaime
$es terreç, 1509-1813", p. 175-445, et Estudio ~relimina; de
cet auteur dans l'op. cit., note 3,p. 15-100.l'université Complutensede Madrid. Dans sa consultation,il
examine l'institutiondes "ejidos" en Espagne et en Amérique

ainsi que les relations entre les "ejidos" américain est les
frontièresdes anciennes juridictions espagnoles1.

Sur la base de cette étude, on examinera dans le

présent chapitre les thèses défendues dans le mémoire d'El
Salvador sur les questionsrelatives au droit espagnol, afin

de mettre en évidence les erreursou inexactitudes
susmentionnées concernant les "ejidos"et les "tierras

realengas" et figurant aux chapitres 4, 5 et 6 dudit
document. A cet effet, seront abordées:

- à la section II, les questions relatives aux "ejidos";

- à la section III, les questions relatives aux"tierras

realengas".

- A la section IV, enfin, les conséquences découlantdes

conclusions précédentes, pour la détermination des
frontières des anciennes juridictions espagnoles seront

présentées.

1 Contre-mémoire duHonduras, Annexe 1.1, p. 1-58 Section II. Questions relativesaux "ejidos"

A. LES THESES SOUTENUES PAR EL SALVADOR

8. -Le mémoire d'El Salvador consacre son chapitre 4 à
certaines "Considérations générales relatives à la validité

et à la force probante des titres officiels de terrains
communaux (titres des "ejidos"), et au chapitre 6 relatif

aux "zones en litige" et notamment à la section A sur la
zone en litige de la montagne de ~epangüisir~sont également

exposées des considérationssur les "ejidos" et les titres
des "tierrasejidales".

Pour l'essentiel, les thèses défendues par El Sa1vado.r

en ce qui concerne les "ejidos"et les titres des "tierras
ejidales" sont les suivantes:

Premièrement: l'origine espagnole de l'institution des

"ejidos" et le caractère imprescriptible et inaliénable de
ces terres2. Le Gouvernement du Honduras partage évidemment

cette opinion d'~1'Salvador, bien qu'il faille nuancer et
préciser les références figurant dans le mémoire d'El

Salvador, conformément aux éléments figurant aux sections II
et III de la première partie de l'Annexe 1 du contre-mémoire

du Honduras concernant le concept des "ejidos" et l'origine

de l'institution, en mentionnant la littérature juridique
espagnole la plus autorisée.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.1-6.13: trad. fr.,
p. 24-28.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.2-4.4; trad. fr.,

p. 16. Deuxièmement: l'adaptationdu "ejido" espagnol aux
villages indiens d'Amérique1. Tout en admettant cette

adaptation, le Gouvernementdu Honduras ne partage pas la
position d'El Salvador qui aboutit à une réduction

arbitraire ou une simplification intéressée du concept et de
la signification des "ejidos" en Amérique. La raison en est

simplement que, dans le présent litige, tous les "ejidos"et
"titulos ejidales" auxquels ont fait référence l'un et

l'autre des Gouvernements ne sont pas des "ejidos" de
"peuplement" ou de "réduction" mais des hresguardos" ou
"ejidos" attribués dansle régime de "composition de terres"

(Voir sections IIIet IV de la première partiede l'Annexe 1
au présent contre-mémoire),ce qui affecte leur nature

juridique (m., section VI).

Troisièmement: en occultant les éléments précédents, El
Salvador soutient, sans aucun fondement dans le droit

espagnol en vigueur en Amérique jusqu'en1821, que:

"Les terrains communaux constituent en effet une
institution politiquequi appartientnon seulement
au village auquel ils sont rattachésmais aussi à
la province dont le village faitpartie2."

que le "tituloejidal":

"...constitue une preuve déterminante quant aux
droits terrritoriauxde 1'Etat dont fait artie le
village considéré - en l'occurenceCitala 9."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.5-4.10; trad.fr.,
p. 17-18.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,
p. 27.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.14: trad. fr.,

p. 20.et soutient aussique:

"Vu qu'il n'est pas contesté que le village de
Citala appartenait à la province de San Salvador,
et qu'un titre officiel de terrains communauxsur
la montagne de Tepangüisir a été accordé à ce
village, l'autorité administrative sur cette
montagne a nécessairement été elle aussi attribuée
à la province dont relevait le village détenantce
titre -en l'occurence la province de San
salvadorl."

Le Gouvernement du Honduras ne peut accepter ces

affirmations, non seulement à cause du caractère des
"ejidos" auxquels se réfèrent les parties - "ejidos"

attribués par un titre de "composition" de terres - mais
aussi parce qu'elles ignorent la distinction fondamentaledu

droit espagnol entre "termino"et "territoire",c'est-à-dire
entre attribution de la propriété des "ejidos" à une

communauté indigène et limites des juridictions des
anciennes provinces; distinction qui correspond à celle,

communément reconnu dans tout le droit européen avant et
après 1821, entre dominium et impérium2.

9. Dans le but de démontrer les erreurs et

inexactitudes précédentes, on examinera en premier lieu la
question des "ejidos" aux Indes et leurs catégories (B). En

second lieu, on établira que les "titulos ejidales"
antérieurs à 1821, qu'El Salvador a produit devant la

Chambre de la Cour, correspondent à des "ejidosde

~émoire d'El salvador, chap. 6.9; trad. fr.,
p. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, Annexe II, seconde
partie, 1-111.composition" (C). On exposera ensuite la nature de cette

catégorie d'"ejidos" (D) et, enfin, on abordera la
distinction entre,d'une part, propriété privéeet "termino"

et, d'autre part, "territoire"et juridiction (E). Ceci,
outre les données exposées aux paragraphes précédents,

exclut que les "ejidos" soient une "institutionpolitique"
rattachée à un village et à une ancienne province, ainsique

le prétend El Salvador.

B. LES "EJIDOS" EN AMERIQUE: LA CLASSIFICATION

1. Introduction

10. En ce qui concerne "l'adaptationde 1"ejido' aux

villages indiens dtAmérique"l, El Salvador cite, quoique
sans la précision requise, les "Ordonnances faitespour les

découvertes, nouveaux peuplementset pacifications" en date
du 13 juillet 1573~ et l'une des "Cédulas" royalesédictées

à El Pardo le ler novembre 1591.Se basant.exc1usivementsur
ces citations. le mémoire d'El Salvador soutient:

- que les Ordonnances de 1573,modifiant sur ce point la

législation en vigueur en Espagne, ont établi que:
"...dans le cas de villages espagnols ou indiens déjà

peuplés, les 'ejidos' devaient avoir une étendue de
guatre lieues3" (soulignépar nous).

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.5-4.10; trad. fr.,
p. 17-18.

2 F. de Solano, Cedulario de Tierras,op. cit.,
note 3, Doc. no 91, p. 216 et suiv.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.8; trad. fr.,

p. 17.- que l'interdiction,ayant cours en Espagne, de cultiver
les "ejidos": "...a été levée pour la population

indienne. Dans le même esprit, les 'ejidos' ont été
étendus à mesure que la population de chaque village

s'est accrue1...''(soulignépar nous). Et enfin,

- que, s'appuyant sur la "Cédula" royale de 1591, la

Couronne d'Espagne donna ordre aux autorités déléguées

en Amérique de "...distribuer aux indiens les terres
indispensables à leurs cultures2" ainsi que des
semences et autres secours.

11. La première des affirmationsque l'on vient de

mentionner est inexacte car le chapitre 89 des Ordonnances
de 1573 ne fixe pas l'étendue del'"ejidol'des villages

d'Espagnols et les quatre lieues se réfèrent à leur
"terminoM3. En revanche, la "Recopilaci6nW des Lois des

Indes de 1680, ainsi que les dispositions ultérieures,ont
fixé pour les villages d'indiens "un 'ejido' d'une lieue de

longueur4.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.9; trad. fr.,

p. 18.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.10; trad. fr.,
p. 18.

3 Le chapitre 89 des Ordonnancesde 1573 stipulait,
en ce qui concerne les "villages d'Espagnolsw que ceux-ci
auraient "quatre lieuesde "termino"et territoire,en carré
ou en prolongation". Le chapitre 90 distingue nettement
diverses propriétés à l'intérieur du "termino", parmi
lesquelles les "terrainsà bâtir" pour les édifices, les
"ejidos", les "pacages" et les "parcellesde terres".

4 "Recopilaci6ndes Lois des Indes, Loi 8, titre 3,
livre 6; "Cédula" royale du 15 octobre 1713; "...et un
"ejido" d'une lieue" F. de Solano, Cedulario de Tierras,
op. cit. note 3, doc. no 195, p. 404. Et, il y a dans les affirmations précédentes un élément

plus important: El Salvador considère qu'il n'a existé en
Amérique qu'un seul type ou qu'une seule catégorie de

"ejido" dont l'étendue et les caractéristiques ont varié
avec le temps, eu égard aux nécessités des communautés

indigènes. Mais cela est inexact, ainsi que l'a mis en
évidence la consultation de M. Alejandro Nieto ~arcial: il y
a eu des "ejidos de peuplement", des "ejidos de réduction"

et des "ejidos de composition". Cette dernière catégorie est
particulièrement pertinentedans la perspective du présent

litige.

2. Les "ejidos de ueuplement"

12. Les premiers dans le temps sont les "ejidos de
peuplement" auxquelsse réfèrent plusieurs des chapitres des

ordonnances de 1573 (chapitres 71, 90, 129 et 130). Mais il
s'agit des "ejidos" des "nouveaux peuplements" d'Espaqnols

ainsi que l'indique clairement l'ordonnanceaux chapitres
34 à 131. Si l'on veut, selon la caractérisation de F. de

solanoz, outre la "terre du conquistador" qui est attribuée
par "capitulacion" ou contrat conclu avec la Couronne,

celle-ci est la "terre du colonisateur", c'est-à-dire des
Espagnols qui peuplent un lieu dans un territoire déjà

conquis et pacifié, ainsi que l'indique le chapitre 33.de
l'ordonnance de 1573.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 1.1, p. 11-20.

2 F. de Solano, Estudio Preliminar dans op. cit.,

note 3, p. 18. L'"ejido de peuplement" est une terre communale à
proximité d'un lieu peuplé. Les Ordonnances de 1573

(chapitre 129) se bornent à ordonner qu'il y ait "une
étendue convenable" tenant compte de l'accroissement de la

population. Jouxtant les "ejidos",on trouve les "dehesas"
ou terrains destinés aux pâturages, le reste du "termino" de

la localité - en principe d'une étendue de quatre lieues
pour 30 habitants, comme l'indique le chapitre 89 des

Ordonnances de 1573 - étant destiné aux culturesou "terres
d'exploitation", distribuées en proportion des terrains à

bâtir se trouvant dans la localité ou, si l'on veut, en
fonction du nombre de familles de colons espagnols

(chapitre130). Diverses dispositions, étudiéespar F. de
solanol, édictées à partir de 1573, indiquent les dimensions

des concessions de terres,en fonction de leur nature ("site
de gros bétail" "parcelle de terre", etc.) en utilisant

d'ordinaire la "caballeria" et la "peonia" comme unités de
mesure des terres.

Les "ejidos" auxquels il est fait référence dans le

présent différendne sont pas des "ejidos de peuplement" car
ilsont appartenu avant 1821 à des communautés indigènes des
actuelles Républiques d'ElSalvador et du Honduras et non à

de "nouveaux peuplements" d'Espagnols. C'est pourquoi,
l'allusion faite par El Salvador aux Ordonnances de 1573 est

non seulement inadéquate, mais encore, comme il l'a été
indiqué, elle confond les quatre lieues du "termino" d'une

localité d'Espagnols avec l'étendue des "ejidos" d'une
communauté indigène(chapitre80 de l'ordonnance).

1 F. de Solano, Estudio Preliminar dans op. cit.,

note 3, p. 32 et suiv. 3. Les "ejidos de réduction"

13. La seconde catégorie, qui apparaît égalementà
l'époque de la Conquête, sont les "ejidos de réduction''

destinés aux communautésindigènes. En effet, ainsi que l'a
mis en relief la précieuse étude de Linda Newson sur la

population du Honduras durant l'époque coloniale:

"At the time of the Spanish conquest the Indian
population of western and central Honduras was
dispersed in small Settlements throughout the
countryside, and during the first half of the
sixteenth century its dramatic decline reinforced
this pattern as villages disappeared or were
.reduced in sizel."

C'est pourquoi, compte tenu de diverses motivations
- enseignement de la religion catholique, ut'ilisationde la

main d'Œuvre indigène par les colons, facilités pour le
paiement des impôts2 - la Couronne adopta dès le XVIe siècle

une politique de concentration en villages des populations
indigènes. Commencée à Saint-Domingue depuis 1503, elle est

instaurée pour le Royaume de Guatemala par la "Cédula"
royale du 26 février 15383 et, spécifiquement,pour le

1 L. Newson, The Cost of Conquest, Indian Decline in

Honduras under Spanish Rule, Dellplain Latin American
Studies, no 20, Boulder/Londres,1986, p. 206.

2 L. Newson, op. cit., note 10, p. 206 et suiv.

3 F. de Solano, Cedulario de Tierras, op. cit.,
note 3, doc. no 37, p. 160 et suiv.Honduras par la "Cédula' royale du 31 août 1560~. Mais, pour
mener à bien cette politique de concentration de la

population en villages, confirmée par les Ordonnances de
1573 (chapitre148), il était nécessaire d'attribuer des

terres aux "réductions"ou villages d'indiens,ce qui donna
naissanceaux "ejidos de réduction".

Ainsi l'ordonnance Royale du 21 mars 15512, en

ordonnant la concentration de la population indigène en
villages, disposa que ces villages d'indiens auraient

"...des 'terminos' suffisants sur lesquels ils pourront
cultiver, semer et élever leur bétail" et que, une fois les

villages créés, des impôtsleur seront levés. Al'intérieur
du "termino" du village apparaissent les "ejidosde

réduction" auxquels la loi 8, titre 3 livre VI de la
"Recopilacion" des lois des Indes de 1680 attribue une

étendue limitée,en disposantque:

"...sera près du village, qui aurades unendlieue de
lonqueur, et où ceux-ci pourront mener leur
bétail, sans qu'il se méle à celui des espagnols"
(soulignépar nous).

Cette "lieue d'ejidos" à laquelle font allusion

certains documents dans le présent différend n'a pas un
caractère "élastique" comme leprétend El Salvador. Selon la

1 L. Newson, op. cit. note 10, p. 206, note 2.

2 F. de Solano, Cedulario de Tierras,op. cit.,
note 3, doc. no 57, p. 181."Cédulal*royale du 12 juillet 1695l, édictée en vue de
prévenir les conflits entre lesvillages d'indiens et ceux

des Espagnols, on devait arpenter "depuis le centre du
village", en considérant comme tel l'église du village, et

"non pas depuis la dernière maison", du fait de la distance
qui séparait les maisons dans les villages d'indiens.

Par conséquent, 1'"ejido de réduction" a une étendue

réduite - d'une lieue - mesurée à partir du centre du
village et se distingue nettement des autres terres

attribuées à une communauté indigène. En effet, la "Cédula"
royale du 15 octobre 1713~, après avoir cité les

dispositions de la loi 8 titre 3 livre VI de la
"Recopilacion", disposeque:

"il sera donné aux nouvelles réductions et
villages constitués d'indiens des, eaux, terres,
friches, sortieset entrées afinqu'ils pratiquent
leurs cultures, ainsi qu'un 'ejido' d'une
lieue..." (soulignépar nous).

Par conséquent aussi, du XVIe au XVIIIe siècle, les

"ejidos de réduction" coexistentavec d'autres terres des
communautésindigènes.La distinctionentre les deux est

1 F. de Solano, Cédulario de Tierras, op. cit.,
note 3, doc. no 191, p. 384.

2 F. de Solano, Cédulario de Tierras, op. cit.,
note 3, doc. no 195, p. 404.importante car, ainsique le met en évidence la consultation
de A. Nieto ~arcial, les "ejidos de réduction" ne sont

qu'une partie,de cette institution plus générale: les
"terres communales"ou "resguardos"des villages.

Dans une étude de J. M. Ots capdequi2 datant de 1925,

ce fait a déjà été mis en relief car il affirmait que:

"parmi tous les objectifs que poursuivait la
réduction des indiens en villages, on note la
préoccupation constante du législateur pour que
lesdits villages d'indiens ne manquent pasde
biens communaux."

Et dans une Œuvre ultérieure, cet historien du droit
des Indes et spécialistedu régime des terres préciseraque:

"L'usage était que les terres des villages ou
réductions ('reducciones') d'indiens relevaient
d'une exploitation communale et étaient cultivées
collectivement par les communautés indigènessous
le régime desdits 'resguardos' ...L'exploitation
économique des terres 'resguardo' s'effectuait
généralement en divisant en trois parties le
lot3...Il

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 1.1, p. 14.

2 J.M. Ots Capdequi, El Derecho de Propiedad en
nuestra leqislacion de Indias dans "Anuario de Historiadel
Derecho Espanol", t. II, 1925, p. 49 et suiv.

3 J.M. Ots Capdequi, Espana en América: el réqimen
de tierras en la época colonial, Mexico, 1959, p. 85-87. En particulier, en ce qui concerne le ressort
géographique de '"Audiencia de Guatemala", F. de solanol

confirme ce fait en indiquant que les propriétés des
indigènes étaient de trois types. En premier lieu, les

"resguardos"ou propriété communale dont l'étendue ne devait
jamais ëtre inférieure à la lieue carrée des "ejidos";en

second lieu, à l'intérieur des terres d'une communauté
indigène, celles assignéesaux "confréries"religieuses; et

enfin les propriétés individuelles des "caciques" ou chefs
dei communautés indigènes.

Pour le Honduras, plus spécifiquement, les mëmes

éléments sont confirméspar l'étude de Linda Newson qui
comporte d'autres pointsintéressants2. Ainsi, elle montre

l'importance des terres communales assignées aux
"confréries" religieuses, de certaines cultures collectives

appelées "champs de maïs de communauté" et des "biens de
communauté".

15. En somme, les "ejidosde réduction" d'une lieue
carrée font partiedes "resguardos"ou terres communales des

villages d'indiens. Celles-ci jouxten te village tandis que
les autres terres de "resguardo"peuvent être plus

éloignées. Mais, du fait que les unes et les autres
faisaient l'objetd'une exploitationcommune et sous l'effet

d'un usage linguistiquebien connu, selon lequella partie

1 F. de Solano, Tierra y sociedad en el Reino de

Guatemala, Guatemala,1977, p. 92 et suiv.

2 L. Newson, op. cit., note10, p. 209 et suiv.en vint à désigner le tout, des terres des communautés

indigènes éloignées du village étaient qualifiées de
"ejidos" alors qu'elles n'étaient,au sens propre, que des

"resguardos",terres communales.

L'étude de Linda Newson, basée sur les titres de
propriétés indigènes au Honduras, offre à cet égard deux

affirmations intéressantes. D'une part, cet auteur indique
que:

"Apart £rom communal pastures, Indian villages
also held other lands within their jurisdiction,
which were used for cultivation. Some of the land
was worked communally, but it would appear that
most was generally allocated to individuals for
cultivationl" (soulignépar nous).

Mais d'autre part, elle ajoute une affirmation encore
plus significativesur la propriété indigène au Honduras:

"In addition to lands that were owned by the
community by right, there were other lands,
generally in the vicinity of thevillage, that
been purchased either by the community or by
individual indians2" (soulignépar nous).

1 L. Newson, op. cit., note 10, p. 211.

2 L. Newson, op. cit., note10, p. 217. 4. Les "ejidos de compositionw

, 16. Le troisième groupe comprend les "ejidos de

composition". Pour comprendre le processus de formation de
ces terres communales, ilfaut tenir compte d'un élément que
l'on vient d'exposer: le fait que l'on appelle "ejidos"non

seulement la lieue de terre qui entoure le village, mais
aussi les autres terres communalesou "resguardos".

En outre, il y a, pour ce type de "ejidos", deux autres

éléments fondamentaux, intimement liés. D'une part, le
phénomène que F. de Solano qualifie à juste titre de

"occupation illégale de terres"en Fimérique1,et qui est à
l'origine d'irrégularités et d'abus. D'autre part, une

politique de la Couronne d'Espagne qui, bien que destinée à
remédier à l'occupation illégalede terres, poursuivait en

même temps certains objectifs financiers: c'est ladite
"composition' de terres avec le Roi, qui donne lieu aux

"resguardos"ou "ejidos de composition".

En ce qui concerne le phénomène d'occupation illégale
de terres'en Amérique, son apparition 'ne peut surprendre

car, selon l'auteur susmentionné, sur des espaces aussi
vastes "...ce dont on regorgeait, c'étaitprécisément de

terres2." De surcroît, il ne faut pas oublier le grand

1 F. de Solano, Estudio Preliminar op. cit., note 3,

p. 41 et suiv.

2 F. de Solano, studio Preliminar op. cit., note 3,
p. 41.déclin subi par la population indigèneau XVIe siècle1 ainsi

que les limitations de la colonisation espagnoledans cette
phase initiale. Or, F. de Solano fournit quelques

informations intéressantes: en premiel rieu, il indique que
l'occupation illégale de terres "a commencé très tôt", dès

le XVIe siècle. En second lieu,qu'elle s'est opérée, soit
en élargissant les limites des propriétés légalement
acquises, soiten occupant la terre sans aucun titre. A cela

s'ajoute, dans de nombreux cas, le fait que les terres
obtenues par don ou concession, aprèsla Conquète, n'ont pas

été confirmées par la Couronne, comme cela était exigé, ce
qui invalidait le titre d'acquisition. Enfin, les

occupations illégales causèrent préjudice à la Couronne,
titulaire de toutes les terres en friches ou "tierras

realengas" (terres de la Couronne) en LJmérique2.

17. En ce qui concerne la politique de "composition"
de terres avec la Couronne, A. Nieto Garcia a longuement

étudié le concept, ses justifications légales, son
articulation juridique, les différentes variétés de

"composition" et autres éléments importants (Annexe 1, au
présent contre-mémoire premièrepartie, page 1); ce qui

permet de connaître dans le détail les "ejidos de
composition". En outre, les effets de la "composition" de

terres pour les Financesroyales, ainsique le processus

Sur ce phénomène, L. Newson, op. cit., note10,
p. 125 et suiv., le qualifiant de "Demographiccollapse".

2 F. de Solano, Estudio Preliminar op. cit.,
note 10, p. 43-48.général ont été soigneusement exposéspar F. de ~olanol.

Sans qu'il soit nécessairede reproduire ici ses études, il
convient toutefois d'exposer, pour le moins, les éléments

essentiels de la "composition" de terres d'une manière
sommaire:

i) Le point de départ est la propriété universellede

la Couronne sur toutes les "friches, sols et
terres" des- Indes, ainsi que le stipule une

"Cédula" royale du ler novembre 15912. C'est
pourquoi le Roi, face à l'occupation illégale de

terres en friche ou "tierras realengas", dispose
que "il convient que la terre possédée sans titre

juste et authentique me soit restituée...".
Cependant, la restitution peut être évitée au

moyen de la "composition"du possesseur illégitime
de la terre avec la Couronne, c'est-à-dire par le

versement d'une somme qui légitime l'occupation de
fait3.

ii) A cet effet, les autorités doivent solliciter

auprès des possesseurs de terres, sans
distinction, la présentation de leur titres.

Celle-ci peut donner .lieu à diverses situations
qui constituentles variantes de la "composition".

Dans certains cas, ceux qui possèdentla terre

1 F. de Solano, Estudio Preliminar op. cit.,
note 10, p. 48-49, 64-67, 72-74.

2 Contre-mémoire duHonduras, Annexe 11.2, p. 68.

3 Contre-mémoire duHonduras, Annexe 11.3, p. 70. sont dépourvus de titrede propriété ou invoquent,

comme on le verra plus loin, que le titre a été
perdu ou détruit. Dans d'autres, ainsi qu'ilest

dit dans la "Cedula" de 15911, les terres sont
possédées "avec des titres fallacieux et nuls

émanant de personnes ne disposant pas du pouvoir
ni de la faculté de les donner". Selon la même

"Cédula" royale, il y a également des cas où ceux
qui avaient un titre légitime se rapportant à une

certaine étendue de terre "pénétrèrent dans de
nombreuses autres et les occupèrent sans titre";

d'où il résultait un excès de terres par rapport à
celles concédées par le titre. Finalement, la

Couronne admettait que le propriétaire, bien que
possédant un titre légitime, puisse, pour sa

sécurité juridique, en solliciter la
"~onfirmation"~;cette pratique est parfois liée à

l'existence d'excès ou excédents de terres, par
erreur d'arpentage.

iii) Toutes les hypothèses précédentes admettentla

possibilité d'une "composition" de terres avec la
Couronne, procédure qui a été décrite dans ses

diverses phases par F. de ~olano3. Il suffit

1 contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.2,p. 68.

2 Sur la "confirmation" de titres par la Couronne,
F. de Solano, Estudio Preliminar op. cit., note 3, p. 28-30,
47, 69.

3 F. de Solano, EstudioPreliminar op. cit., note 3,

p. 24-28 et 46-48. d'indiquer ici qu'un des éléments essentielsde la

"composition" est l'arpentage ou le réarpentage
des terres par un professionnel (arpenteur) sous

le contrôle du Juge sous-délégué des Terres de
chaque province ou district. L'arpentage, ou le

réarpentage, outre qu'il en fixait les limites et
l'étendue de point à point avec indication des

directions, permettait de déterminer la superficie
ou étendue du terrain arpenté. On fixait ensuite

le prix ou valeur du terrain, sur enquête
testimoniale, ainsi que le stipulait l'Instruction

du 17 décembre 1598 du Président de 1'"Audiencia
de ~uatemala"~. L'acquittement, à la Caisse
Royale, de la valeur des terrains et autres droits

permettait l'établissement du titre de propriété.
Ainsi, une situation defait - la possession de la

terre - se convertissait en une situation de
droit, en attribuant au possesseur le dominium ou

propriété de la terre.

iv) Enfin, il est intéressant de souligner que la
"composition" de terres est, du XVIe au XVIIIe

siècle, applicable non seulement aux colons
espagnols mais aussi aux indiens et communautés

indigènes. Le point 7 de ladite Instruction du17
décembre 1598 le montre clairement, en ce qui

concerne les "compositions" procédant des
"Cédulas" royales de 1591. Il est stipulé en effet

que les terres destinées à la culture du maïs, aux

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.5, p. 74. pacages, prairies, pâturages et "ejidos' des
indiens et communautés indigènes soient

conservées, mais il est ajouté que:

"...si certains de ces indiens ont des titres et
d'autres non, on néqociera la composition avec
ceux-ci comme avec les autres,en leur proposant
une 'composition' modérée au prorata des
'estancias' et terres qu'ils possèdent1..."
(soulignépar nous).

D'autres dispositions ultérieures, comme par exemple
l'Instruction à l'intention des sous-délégués de

l'Intendance de la Composition des Terres en date du
ler juillet1746, chapitre g2 confirmentce document.

C. LES "TITULOSEJIDALES" ANTERIEURS A 1821 PRESENTES PAR

EL SALVAWR CORRESPONDENT AUX"EJIWS DE COMPOSITION"

18. Parmi les trois catégories de "ejidos"
susmentionnées, les "titulos ejidales' antérieurs à 1821

présentés à la la Chambre de la Cour par El Salvador se
réfèrent aux "ejidos de composition". Pourle vérifier, il

suffit d'examiner les titres par rapport aux principales
dispositions du droit espagnol en matière de "composition"

de terres, citées ou intégrées auxdits titres. A cet effet,
conformément à l'évolution du droit espagnol ence domaine,
il convient de distinguer troispériodes: de 1591 à 1692, de

1692 à 1754 et de 1754 à 1821.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.5, p. 76.

2 ibid. 19. La première période s'ouvre sur les "Cédulas"
royales du ler novembre 15911, dispositions qui furent

appliquées dans le ressort de 1'"Audiencia" royale de
Guatemala par les instructions édictéespar son Président le

17 décembre 1~98~. Il convient d'ajouter également à ces
dispositions les "Cédulas'royales du 13 septembre 1621, du

27 mai 1631, du 16 mars 1642et du 4 mars 16613.

Le titre dit de Los Amates est daté du 6 janvier 1695,
c'est-à-dire de la seconde des périodesprécitées. Mais son

établissement s'est effectué en vertu des dispositions
édictées dans la période 1591-1692. En effet, le titre

commence par l'insertion de deux des "Cédulas" royalesdu
ler novembre 1591. Ledit titre stipule, en ce qui concerne

la requête de Don Juan Bautista de la Fuente, que les terres
situées dans un siteappelé Los Amates sont "en friche et

terres de la Couronne", le requérant étant disposé "à les
composer et à en payer la valeur", ainsi qu'il le fit

(soulignépar nous).

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 11.1 a 11.3,
p. 63-73.

2 Contre-mémoiredu Honduras,Annexe 11.5, p. 74.

3 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 11.6 à 11.8,
p. 78-81 et 11.10, p. 83. 20. La période 1692-1754 est celle de l'existence de

ladite Superintendancedu Bénéfice et de la Composition des
Terres, créée au sein du Conseil des Indes par la "Cédula"
royale du 30 octobre 1692~. Parmi les dispositions de cette

période figurent l'instruction royale à l'intention de
Maître Don Antonio de Pineda en'date du 24 novembre 1735,

l'ordonnance du Juge des Terres de l'"Audiencial' Royale de
Guatemala en date du 11 mars 1744 et l'instruction à

l'intention des Sous-délégués de la Composition des Terres
en date du ler juillet 1746~. C'est de cette période que

date un autre des "titulos ejidales" des communautés
indigènesproduits par El Salvador.

Il s'agit - en ce qui concerne la zone en litige de

Sazalapa et La Virtud - du titre dit de Arcatao, du
12 février 1724. Comme pour le titre de Los Amates, il
commence par la "Cédula" royale du 30 octobre 1692~, repris

dans deux autres "Cédulas" royales, celles du 10 mars 1717
et du 10 novembre 1720, ne figurant pas dans le Cédulariode

F. de solano4. Selon le titre,la communauté indigène de San

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.12, p. 85.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.14,p. 95.

3 Par erreur, sans doute, letexte espagnol produit
par El Salvador indique l'année 1622 mais le contenu est
celui de la "Cédula" royale du 30 octobre 1692.

4 La pratique consistant à insérer une "Cédula"
royale antérieure - en l'occurence, celle du 30 octobre
1692 - dans des "Cédulas" ultérieures se vérifie avec les
"Cédulas" royales du 6 juillet 1696 et du 7 mai 1697,
insérées par F. de Solano dans son Cédulario de Tierras, op.
cit Docs. no 192 et 193, p. 386-387 et Doc. no 200,
p. 414.Bartolomé de Arcatao, alléguant que, il y a une vingtaine

d'années, les titres de terres qu'elle possédait"...avaient
été brûlés", en sollicita l'arpentage. Celui-ci ayant été

effectué, il lui fut adjugé seize "caballerias" pour
"ejidos", ainsi que six autres considérées comme "terresde

la Couronne". Elle paya ces dernières à raison de 14
tostones chacune, augmenté de l'impôt d'une demi-annate et

autres droits. La "composition" de terres,par conséquent,
supposait, en partie, "confirmation" de la propriété

d'"ejidos" antérieure et, pour les 6 "caballerias" de terres
de la Couronne, attribution d'unnouveau titre qui validait

la possession de fait antérieure.

21. La dernière période de la "composition" de terres
s'étend de 1754 à 1821. En effet, à partir de l'"instruction

royale ordonnant de nouvelles dispositions relatives aux
dons, ventes et 'compositions' de biens de la Couronne,

propriétés et 'terres en friche', promulguée à San Lorenzo
de l'Escorial le 15 octobre 17541, la Superintendance du

Bénéfice et Composition des Terresau Conseil des Indesest
dissoute; et la faculté de nommer des Sous-délégués en ce

domaine est conférée aux Vice-Rois et aux "Audiencias"
(chapitre 1 de l'instruction). D'autre part, ainsi que l'a

mis en évidence la consultation de A. Nieto ~arcia~, cette
disposition accomplit une importante réforme en faisant

table rase des titres de terres délivrés avant 1700, qui
étaient soumis à révision, bien que l'occupation illégale

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.13, p. 88.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 1.1, p. 29-35.pût être légitimée au moyen de la "composition" avec la

Couronne. En outre, il ne faut pas oublier qu'on enregistre,
dans cette période, une augmentation considérable de la

population indigène, comme l'a montré l'étude de L. Newson
relative au ~ondurasl, ce qui engendre une plus forte

demande de terres de la part des communautés indigènes.
Trois des titres produits par El Salvador correspondent à

cette période:

i) En ce qui concerne la zone en litige'de Dolores,
c'est le cas du titre dit de ~oloros en date du

30 juin 1760. Le titre stipule que la communauté
indigène se trouvait "dépourvue de titre de

propriété''de ses terres, en invoquant un "ancien
arpentage" de 1725 dont ils n'avaient pas de

titre. D'autre part, il est fait expressément
allusion a l'instruction royale du
15 octobre 1754. Mais, il est plus significatif

encore que le titre fasse état du fait qu'a été
acquitté à la Caisse Royale, au titre desdites

terres, "...leur prix de vente ou de
'composition'..." (souligné par nous), en sus de

l'impôt d'une demi-annate et autres droits. Il
s'agit par conséquent d'un cas de "composition" de

terres qui légitime une possession de fait
préalable, pour la totalitédes 27 "caballerias"

et des cinq "cordes". On reviendra plus loin sur
les éléments de ce titre et la régularité de

l'arpentagedes terres de ~oloros, par rapport à

1 L. Newson, op. cit., note 10, p. 287 et suiv.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.13,p. 88. l'instruction du ler juillet 174'6et au rapport

sur la pratique des arpentages, en date du 2 mars
1746.

ii) En ce qui concerne la zone en litige de

Tepangüisir, le titre des "ejidos" de la Montagne
de Tepangüisir, dont le texte intégral a été

fourni par le ~ondurasl,date de cettepériode. Le
titre de 1776 permet de distinguer clairement les

"ejidos de réduction" des "ejidos de composition"
car dans la requête de la communauté indigènede

Citala il est consigné que "...nous n'avons mëme
pas la lieue carrée que Sa Majesté donne comme

"ejido", à savoir 1'"ejido de réduction". C'est
pourquoi, compte tenu de l'accroissement de la

population dans la communauté, ils sollicitent
comme "ejidos" ou "resguardos" les terresde la

Montagne de Tepangüisir qui étaient terres de la
Couronne, afin qu'elles s'adjoignent aux "ejidos"

d'une étendue de 15 caballerias qu'ilspossédaient
déjà. Il s'agit donc d'une "composition" deterres

avec la Couronne, qui attribue à Citala des terres
en friche ou "tierras realengas" dans la Province

de Gracias a Dios, en excédent par rapport aux
"ejidos"qui étaient propriété de Citala.

iii) Enfin, en ce qui concerne la zone en litige de

Naguateriqueet Colomoncagua,c'est à cette

1 Mémoire du Honduras, Anqexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1795. dernière période que se rattache le titre de

Perquin y Arambala de 1815, dont les terres ont
été arpentées en 1769. Comme dans d'autrescas, la

communauté indigène déclare dans sa requëte
qu'elle "est dépourvue des titres de ses ejidos,

ceux-ci ayant été brûlés dans un incendie", et
demande qu'on lui confirme ses terres ou qu'on lui
rétablisse ses titres. Celui délivré en 1815 fait

expressément allusion à l'instruction royale de
1754 qui autorise cette confirmationde titre par

voie de "composition" avecla Couronne. Les terres
attribuées à Perquin y Arambala se trouvant en

partie dans la Province de San Miguel et en partie
dans la Province de Comayagua - ainsi que l'avait

souligné 1"'Audiencia de Guatemala" dans un
jugement de 1773, inséré dans le titre - il est

ordonné "...à tous les juges et officiers de
justice de la Province de San Mique1 et ce celle

de Comayaqua de les protéger et les défendre''dans
la propriété de leurs terres (soulignépar nous).

D. LA NATURE DES "EJIDOS DE COMPOSITION"

22. S'il s'agit de "ejidos de composition", commele

Gouvernement du Honduras vient de le souligner, il convient
de se demander quelle en est la nature juridique. Ceci exige

de préciser la nature de la relation juridique qui lie les
terres "ejidales" et le titulaire de ces biens, ainsi que la

personne qui est titulaire des "ejidos", question étudiée
par A. Nieto ~arcial.

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 1.1, première
partie, p. 36. 'La Chambre de la Cour pourra sans doute penser qu'il

s'agit d'une question purement théorique. Or, il s'agit
d'une question qui revët une importance pratique pour le

présent litige, car El Salvador, outre qu'il commet un
erreur en réduisant à une seule les trois catégories de

"ejidos", affirme ensuiteque:

"Les terrains communaux constituenten effet une
institution politiquequi appartient non seulement
au village auquel ils sont rattachés mais aussi à
la province dont le village fait partie1.''

23. En ce qui concerne cette assertion, deux
observations s'imposent. En premier lieu, la Cour pourra

vérifier que cette thèse a déjà été exposée par El Salvador
le 17 novembre 1888 - c'est-à-dire ily a cent ans - au

cours des négociations avec le Honduras portant sur les
frontières et qui eurent lieu à la Union et à Guanacastillo.

Les délégués salvadoriens déclarèrent en effet à cette
époque que:

"...les 'ejidos' en aucun cas ne peuvent étre
confondus avec les propriétés territoriales
acquises par les municipalités à d'autres titres,
étant donné qu'elles sont une institution
olitique, inhérente non seulement au villaqe
:uquel elles appartiennent, mais aussi à la
province dont elles font partie" ..." (souligné par
nous).

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,

p. 27.

2 Mémoire du. Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.8, p. 233. La même idée est reprise dans les mêmes termesen 1988.

24. En second lieu, cette thèse d'El Salvador - qu'il

prétend fonder, en 1888 comme en 1988, sur le droit
espagnol - est manifestement erronée. Sans reproduire ici

l'examen minutieux effectué par A. Nieto ~arcial, il
convient pour le moins d'exposer deuxde ses conclusions:

Premièrement: s'agissant dans lecas présent de "ejidos

de composition", ceux-ci ne constituent en aucune façon des
biens appartenant au domaine public des municipalités.

Deuxièmement: bien aucontraire, il font l'objet d'une

relation patrimoniale dont le titulaire est la communauté
des habitants d'un villaged'indigène.

Il s'agit donc de biens faisant l'objetd'une propriété

privée. Les "titulos ejidales", puiçqu'il mentionnent le
titulaire des ,biens, font généralement référence à la
"communauté d'Indiensn d'une localité, c'est-à-dire à une

collectivité indigène concrète, identifiée par son village.
Il ne faut pas oublier - et cela confirme les deux

conclusions précédentes - que, dans le titre de Los Amates,
la propriété est attribuée à un particulier, Juan Bautista

de la Fuente, et non à une collectivitéindigène.

25. En somme, la thèse susmentionnée d'El Salvador
relative à la nature des,"ejidos" est consécutive à deux

erreurs, liées entreelles. D'une part, l'affirmation selon

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 1.1, première
partie, p. 43-44. laquelle lesdits biens appartiennent au domaine public des

municipalités, alors qu'ils font en réalité l'objet d'une
relation patrimoniale de propriété. D'autrepart, partant de

ce qui précède, l'argument selon lequel le titulaire de
ll"ejido" est la municipalité, personne de droit public

selon la terminologie moderne, alors que la titularité
échoit, en réalité, à la communauté des habitants du

village, dotée d'une personnalité de droit privé. Cette
séparation entre personnalité de la municipalité et

personnalité de la communauté des habitants est un fait
juridique qui est évident en Europe depuis le XIIe siècle et

existe dans le droit espagnol en vigueur en Amérique
jusqu'en 1821.

E. PROPRIETE PRIVEE ET "TERMINO","TERRITOIRE"ET JURIDICTION

26. Mais, d'autre part, il convient d'observerque la

thèse précédente d'El Salvador va de pair avec une autre
thèse, également contraireau droit espagnol des Indes, à

savoir la thèse se référant aux effets de la concession
d'"ejidos" sur les frontières des juridictionsdes anciennes

provinces. En effet, pour ce qui est du titre de Citala de
1776 relatif à la Montagne de Tepangüisir, El Salvador

soutient que, étant donné que Citala faisait partie en 1776
de la Province de SanSalvador:

"...et qu'un titre officiel a été accordé à ce
village, l'autorité administrative sur cette
montagne (Tepangüisir) a nécessairement été elle
aussi attribuée à la province dont relevait le
village détenant ce titre - en l'occurence la
province de San ~alvadorl."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,
p. 27. Par conséquent, selon la thèse défendue par El
Salvador, l'attributiond'un "ejido" dans une autre province

implique "nécessairement" attribution dela juridiction,
"l'autorité administrative", sur les "ejidos". Le fait

d'attribuer à une communauté indigène un "ejido" dans une
autre province modifierait ainsiles limites du territoire

de ladite province.

27. Cette thèse d'El Salvador se fonde sur une
confusion délibérée entre deux concepts qui sont pourtant

clairement différenciésdans le droit romain: le dominium et
l'imperium. Le premier est un jus in re, une relation de

propriété du dominus avec une chose; le second est lié aux
pouvoirs des Magistrats (imperium ac potestas) qui

s'exercent dans les limites d'un territoire1. Ladistinction
est reprise par le droit espagnol et également par le droit

espagnol en vigueur enAmérique.

En effet, les textes juridiques espagnols concernant
les municipalités emploient deux expressions, fréquemment

associées, le "termino"et le "territoireu2,expressions

1 Sur l'imperium et la potestas en tant que pouvoirs
des magistrats, voir A. Torrent. Derecho pùblico romano Y
sistema de fuentes, Oviedo, 1982, p. 156-161 et la
biblioaraohie aui v est citée. En ce aui concerne le
dominium, voir P. Fuentesa, Derecho privado romano, Madrid,
1978, p. 96 et suiv. et les références à d'autres auteurs.

Par exemple, aux chapitres90, 91, 92 et 101 des
Ordonnances pour les découvertes, les nouveaux peuplements
et les pacifications,en date du 13 juillet 1573.impliquant l'idée de limite ou confin. Mais, ainsi que l'a

souligné la consultation de A. Nieto ~arcial, les textes
juridiques espagnols et la doctrine des XVIe et XVIIIe

siècles différencientnettement le sens juridique de chacune
de ces expressions. Le "termino" a un caractère patrimonial

et se réfère à la propriété, communale ou individuelle, de
la municipalité. Le "territoire", en revanche, est le

ressort spatial dans lequel une autorité exerce ses
fonctions et possède une "juridiction" ou des pouvoirs2.

Ainsi, un grand- juriste du XVIe siècle, Jeronimo

Castillo de Bovadilla, affirme à propos d'une autorité
municipale, le "corregidor",que "...chaque 'corregimiento'

a un pouvoir simple et mixte, et un territoire distinct
(et), quoique petit, il est comparable à une province3."

C'est donc un territoire ou circonscription
juridictionnelle.Mais cette distinction setrouve également

dans les textes juridiquesdu droit espagnol envigueur aux
Indes.

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 1.1, deuxième

partie, p. 44.

2 La différenciationapparaît, entre autres auteurs,
chez Antonio Fernandez de Otero, Tractatus de pascuis et
iure pascendi, Madrid, 1631,chap. 34, no 5, ed. de Cologne
de 1750, "Verbum hoc termino..." et chez J. Loperraez
Corvalan, Description historica del Obispado de Osma, t. II,
Madrid, 1788, p. 120, note 1 concernant les "terminos" de la
ville de Soria, en indiquant qu'il existe des "terminos
séparés" et que "les terminos sont de dominium
particulier...", tandis qu'il fait allusion à certains
hameaux "soumis à la juridictionde la ville".

3 ~eronirno~ Castillo de Bovadilla, ~olitica para
Correqidores y Senores de vasallos, en tiempo de paz y de
guerra, y para Jueces Eclesiisticos y Seqlares, y para
Reqidores y Aboqados, y del valor de los Correqimientos y
Goviernos realenqos y de las Ordenes, éd. de Madrid, 1649,
vol. 1, p. 19-20, Livre 1, chap. 2, no 8-9. "Termino" et "territoire" sont nettement différenciés

dans la loi 15 titre 2 livre 5 et dans la loi 1 titre 2
livre V de la "Recopilaci6n"des lois des Indes de 1680. La

seconde interdit aux autorités d'exercer leurs fonctions ou

"actes de juridiction" en dehors du ressort de leur
territoire, sous peine des sanctions prévues par la loi. La

première ordonne aux autoritésd'agir avec prudence pour
restituer les "terminos usurpés", en distinguant deux cas:

dans le cas où les coupables sont de sa juridiction,
l'autorité devra les sanctionnerpar une procédure sommaire;

mais si les coupables "nesont pas de leur juridiction", les
autorités s'abstiendrontd'agir contre eux et se borneront à

informer des faits ll"Audiencia". C'est-à-dire que
l'autorité est incompétente pour toute action excédantles

limites de son "territoire" et de sa "juridiction"; en
revanche, cette compétence échoit à l'"Audiencia", autorité

supérieure aux deux juridictionslocales.

28. On trouvera dans la procédure suivie pour la
concession des terres de la Montagne de Tepangüisir, à la

requëte de la communauté indigène de Citala, en 1776, une
illustration pratique des dispositionsdu droit espagnol sur

la compétence territorialedes autorités desprovinces.

Devant cette requête, le Juge Sous-délégué des Terres
de.Chalatenango, aujourd'huiau El Salvador, déclara queil

n'était pas pourvu "des pouvoirs nécessaires" pour effectuer
l'arpentage des terres qui lui était demandé car "les terres

litigieuses se trouvent dans une autre province"; et qu'il
ne pourrait le faire que si le pouvoir lui en était conféré

par l'"Audiencian, ce qu'elle fit. Mais l'ordonnance de
1'"AudienciaU précise que la délégation de pouvoirs est

notifiée au Sous-délégué des Terres de Gracias a Dios,autorité territorialement compétente,en indiquant qu'il

"...s'est introduit dans le domaine de sa compétence
seulement pour l'affaire qui nous occupe et que l'on n'y
.
déroge sous aucun prétexte" dans les autrescas1.

29. On peut donc en conclure.- ainsi que le mettent en
évidence les éléments ci-dessus du droit espagnol et,
concrètement, le titre-même de Citala de 1776 - que la

concession d'un "ejido" dans une autre province ne modifie
en aucune façon les frontièresdu "territoire" de celle-ci

ni la compétence territoriale ou "juridiction" de ses
autorités.

Mais, en outre, cette conclusion est corroborée par un

élément mis en relief par la consultation de.A. Nieto
~arcia~, à savoir que la compétence pour établir ou modifier

les frontières des ,provinces ou autres "territoires"
incombait exclusivement à la Couronne d'Espagne. Leslimites

des "juridictions", ainsi quele stipule la loi 1 titre V
livre 1 de la "Recopilacion" des lois desIndes de 1680:

"...sont définies par les lois du présent livre,
les titres officiels, les ordonnances du
Gouvernement supérieur des provinces, les us et
coutumes légitimement établies."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.1.2, p. 1795-1798.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 1.1, p. 48. Par conséquent, le "territoire" et la "juridiction"qui

s'exerce sur lui se trouvent juridiquement définispar la
Couronne d'Espaqne. Par ailleurs, cela a été nettement mis

en évidence par la sentence prononcée en 1933 par le
tribunal arbitral siégeantsous la Présidence de M. Charles

Evans Hughes, dans le différend frontalier entre le
Guatemala et le Honduras. Quant à la significationde l'a

possidetis juris de 1821, cette décision arbitrale indique
que chacune des anciennes provinces n'était que "simply a

unit of administration in al1 respects subject to the
Spanish King" et qu'il n'y avait pas de possession ou de

compétence territoriale en dehors de la volonté de la
Couronne d'Espagne.Ainsi:

"Where administrative control was exercised by the
colonial entity with the will of the Spanish
monarch, there can be no doubt that it was a
juridical control and the line drawn according to
the limits of the control would be a juridical
line" (soulignépar nous).

Par contre, comme l'ajoute cette sentence de1933:

"If, on the other hand, either colonial entity,
prior the independencehas asserted administrative
control contraryto the will of the Spanish Crown,
that would have been mere usurpationand. .. such
usurpation could .not confer any status of
'possession'as against the Crown's possession in
fact and lawl" (soulignépar nous).

1 R.S.A., vol. II, p. 1324 30. Ainsi, l'attribution à une communauté indigène

d'un "ejido" dans une autre province ne modifie pas les
limites des territoires etdes juridictions. Laconséquence

en est, ainsi qu'il le sera exposé de façon détaillée au
chapitre VI de cette première partie du contre-mémoire

consacrée au secteur de Tepangüisir, la non-identité entre
limites 'administratives des provinces et limites des

propriétés "ejidales" des communautés indigènes. Cette
conclusion est d'ailleurs confirmée par la sentence précitée

de 1933, et, également, par l'arrët prononcé en 1986 par la
Cour ~nternationalede Justice dans l'affaire du différend

frontalier entre le Burkina Faso et la République du Mali,
ainsi qu'il le sera vu plus loin.

Section III. Questions relativesaux

"tierras realengas"

A. LES THESES SOUTENUESPAR EL SALVADOR

31. Le mémoire d'El Salvador se réfère aux "tierras
realengas" (terres de la Couronne) en diverses occasions, à

savoir :

- Au chapitre 5 consacré précisément aux "tierras

realengas" sousforme d'exposé generall.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.1-5.5; trad. fr.,
p. 23-24.- Dans divers paragraphes du chapitre 6, lorsqu'il
indique ses prétentions sur les zones en litige: telles

que celle de la Montagne de ~e~angüisirl, celle de Las
Pilas ou cayaguanca2, celle de Perquin, Sabanetas ou

~ahuateri~ue~ et celle de Monteca ou ~oloros~. Il
convient d'observer cependant que le mémoire d'El

Salvador ne comporte aucune allusion aux "tierras
realengas" en ce qui concerne les zonesde "Arcatao ou

Zazalapa" et de l'"Estuaire du Goascoran".

- Dans la conclusion du chapitre 6, lorsqu'il indique le

fondement de la ligne frontalière revendiquée par El

Salvador, et de même dans les Conclusions soumises à la
Cour sur "la délimitation de la frontière terrestre"
(point 2).

- Enfin, dans le mémoire figurent les cartes 6.7 à 6.11,

intitulées "Localizationof Crown Land ("terres de la
Couronne") beyond the Common Land (Terres "ejidales")

described in the title of...": Citala (Tepangüisir
Mountain)", Map 6.7; La Palma, Map 6.8; Arcatao, Map.

6.9; Perquin-Arambalaand Torola, Map 6.10 et Poloros,
Map. 6.11. La carte 6.12 concernant Goascoran ne fait

pas référence aux "tierras realengas".

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.13; trad. fr.,

p. 28.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21-6.22; trad. fr.,
p. 31.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.30, 6.35, 6.48;
trad. fr., p. 33, 35, 41.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.51; trad. fr.,
p. 42. 32. Ainsi que la Chambre de la Cour l'auraobservé, le
simple énoncé des références faites dans le mémoire d'El

Salvador aux "tierras realengas" fait apparaître certaines
contradictions;ce qui manifeste une fois de plus l'une des

caractéristiques de cet écrit, signalée au chapitre 1 du
présent document.

En effet, il faut en premier lieu tenir compte du fait

que le mémoire d'El Salvador ne fait pas. allusion aux
"tierras realengas" dans leszones en litige qu'il appelle

"Arcatao ou Zazalapa" (La Virtud et Sazalapa) et "l'estuaire
du Goascoran" (Goascoran). Cependant, El Salvador présente

une carte 6.9, qui indique la "localisation" des "tierras
realengas" pour le premier desdits secteurs, "localisation"

qui ne figure pas sur la carte 6.12 concernant le second.
Malgrè cela, au point 2 des "bases" pour délimiter la

frontière terrestre, figurant dans les conclusions soumises
à la Cour, la référence aux "tierras realengas" a un

caractèregénéral pour les six zones en litige.

En. second lieu, lorsque ElSalvador fait allusion aux
"tierras realengas", il semble poursuivre des objectifs

divers. Dans certains cas, cela est lié à l'étendue des
zones en litige, commeen ce qui concerne le secteur dénommé

"Perquin, Sabanetas ou ~ahuateriqueW1 et "Monteca ou
~olores"~; ce qui n'est pas fait, on le notera, pour les

autres secteurs. Mais dansd'autres cas, les "tierras

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.30; trad. fr.,

p. 33.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.51; trad. fr.,
p. 42.realengas" sont utilisées par rapport à la thèse d'El

Salvador des "effectivités"; c'est le cas pour la zone
appelée de "Las Pilas ou Cayaguanca" (Montana de

Cayaguanca), lorsqu'il parle des "...droits exercés par El
Salvador dans les tenures foncières royales(Royal Land
Holdings) environnantes1.''

33. Or, en dépit des considérations susmentionnées et

de la pluralité des objectifs pour lesquels est employée
cette expression, les références faites danl se mémoire d'El

Salvador aux "tierras realengas" convergent vers une thèse
principale.Selon El Salvador, les

"...'tierras realengas' appartiennent à El
Salvador, jusqu'au point ou le Honduras peut
produire un titre comparable, par sa force et ses
effets juridiques, à ceux présentés par la
République d'El salvador2."

Dans les Conclusions soumises à la Cour, après avoir

demandé que la délimitation de la frontière terrestre se
fasse sur la base des:

"1. ...droits résultant des titres de terrains
communaux détenus en faveur d'El Salvador et la
souveraineté effectiveque El Salvador a exercée
et exerce encoresur ces zones contestées..."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22; trad. fr.,
p. 31.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.5; trad. fr.,

p. 24.il est ajouté, sur la base du:

"2. ...rattachement à ces régions ainsi attribuées
à El Salvador des terres de la Couronne (tierras
realengas) situées entre les terrains communaux
d'El Salvador et du Honduras respectivementqui
reviennent à iuste titre à El Salvador a~rès une
comparaison dés concessions des terrains6ommunaux
faites par la Couronne d'Espagne et les autorités
espagnoles en faveur des provinces de San Salvador
et de Comayagua et Tegucigalpa au ~ondurasl"
(soulignépar nous).

Le Gouvernement du Honduras rejette la thèse d'El
Salvador, car elle est contraire au droit espagnol en

vigueur en Amérique jusqu'en 1821. De la même manière, il
rejette le fait que cette thèse sur les "tierras realengas"

puisse s'appuyer sur "...la doctrine établiepar la sentence
arbitrale rendue sur le différend entre le Guatemala et le

ond durZ..." (souligné par nous). Sur ce dernier point, la
simple lecture du texte de la sentence arbitrale de 1933

suffit à démentir l'assertion d'El Salvador. Le Gouvernement
du Honduras examinera donc le droit espagnol pour faire

apparaître, une fois de plus, que les affirmations
précédentes d'El Salvador sont dénuées de tout fondement

juridique et sont, en vérité, téméraires.

1 Mémoire d'El Salvador, Conclusions, 1; trad. fr.,
p. 87.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.5; trad. fr., p. 24 B. LES "TIERRAS REALENGAS" OU BIENS DE LA COURONNE

34. Les chapitres 5.2 a 5.4 du mémoire d'El Salvador

exposent, sans faire référence à la moindre disposition du
droit espagnol en vigueur en hérique, quelques

considérations sur la propriété de la terre et, en
particulier, sur lesdites "tierras realengas". Ces

considérations doivent ëtre corrigéesou nuancées du fait
des imprécisionsqu'elles renferment. Mais cependant, il est

intéressant de relever préalablementtrois points parmi les
affirmations d'El Salvador contenues dans lesdits chapitres

du mémoire.

En premier lieu, il est inexact d'affirmer, comme le
fait El Salvador,que les "...terres de la Couronne sont une

institution de l'ère coloniale1.. ." car de même que pour les
"ejidos", leurs antécédents se trouvent dans le droit

espagnol antérieur à 1492. En second lieu, El Salvador
soutient que "...tous les territoires d'Amériqueétaient reç
nullius et qu'en conséquence, en vertu du droit du

conquérant, ils étaient susceptibles d'appropriation''par la
couronne2 (souligné par nous). Face à de telles

affirmations, il suffit de rappeler, d'une part, que le
fondement de l'incorporation des Indes à la Couronne de

Castille n'est pas la conquête mais la bulle Inter Cetera du
3 mai 14933; et d'autre part, que, entre 1511et 1570, se

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.2; trad. fr.,

p. 24.

3 A. Garcia Gallo, Las Bulas de Alejandro VI y el
ordenamiento juridico de la expansion portuquesa Y
castellana en ~frica e Indias dans "Anuario de Historia del
Derecho espaiïol",t. XXVII-XXIII,1958, p. 461-829.déroule en Espagne ladite "polémique des justes titres" à
laquelle participent les plus éminents juristes de l'époque,

sans que l'on admette ni le caractère de res nullius de
l'Amérique, du fait de l'existence des "Républiques

d'IndiensN, ni la conquête comme "juste titreM1. En tout
état de cause, quel que soit le, ou les, titre(s) de la

présence espagnole en Amérique, cela n'affecte en rien
l'attribution à la Couronne des "tierrasrealengas", en tant

que catégorie particulièrede biens.

35. Enfin, El Salvador affirme que, lorsqu'ont été
concédés les "ejidos", il restait entre les communautés

voisines des "tierras realengas"et que:

"C'est là la principale cause des différends
frontaliers, qui a rendu très difficile toute
délimitation précise des frontières terrestres
dans la plus grande partie de l'Amérique
latine2."

Cette affirmation peut être nuancée en tenantcompte de
deux éléments figurant dans la sentence arbitrale de 1933

dans le différend frontalier entre le Guatemala et le
Honduras. Le tribunal arbitral, en effet, a indiqué que les

1 J. Manzano Manzano, La incorporacionde las Indias
a la Corona de Castilla, Madrid, 1948, F. Tomas y Valiente,
op. cit., note 2, p. 332-337 et, en particulier, A. Garcia
Gallo, Las Indias en el Reinado de Felipe II, La solucion al
problema de los justos titulos dans ses Etudes de l'Histoire
du Droit Indien, Madrid, 1972,p. 425-471.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.4: trad. fr.,
p. 24."titulos ejidales" et la procédure pour leur concession

offraient, comptetenu des circonstances propres à l'époque
et aux lieux:

"...ample opportunity for examining and
determining questions of territorial jurisdiction.
Through these land grants'it is possible to trace
the area in which each of the colonial entities,
and the States which succeeded them, asserted
administrative controll."

Mais il n'excluait pas d'autres sources pour déterminer
les frontières desjuridictionscoloniales, bien que celles-

ci fussent de moindre importance,car

"It must be noted thatparticular difficulties are
encountered in drawing the line of uti possidetis
during colonial times withrespect to a large partn
of the territory in dispute. Much of this
territory was unexplored. Other parts which has
occasionaly been visited were but vaguely known.
In consequence, not only had boundaries of
jurisdiction not been fixed with precision by the
Crown, but there were great areas in which there
had been no effort to assert any semblance of
administration authority2."

Comme on pourra l'observer, 'le tribunal arbitral met

l'accent sur l'absenced'informations adéquates sur les
frontières des anciennes juridictions de provinces, dans

certaines zones; ce qui constitue l'élément déterminant dans

1 R.s.A., vol. II, p. 1345

2 R.S.A., vol. II, p. 1325tout litige auquel s'applique le principe de l'*
possidetis juris. Il est évident qu'il ne se réfère en rien

au caractère de "tierras realengas"des zones en litige. Il
sera revenu surce point plus loin.

36. Ces précisions préliminaires étant faites, il est

intéressant de déterminer la significationet la portée de
cette notion. Il faut en premier lieu tenir compte du 'fait

que dans le droit historique espagnol le concept de "tierras
realengas" apparaît conjointement à ceux de "terres

abbatiales", de "seigneurie" ou de "ville libre",
classificationqui se rapporte au titulaire de la propriété.

C'est pourquoi, à côté des terres de seigneuries, de
1'Eglise et.des hommes libres, existent celles appartenant

au Roi ou à la Couronne: les "tierras realengas". Dans le
langage courant, ces terres sont également appelées

"baldias" (terres en friche) car elles n'ont pas de
cultivateur.

Dans le droit espagnol des Indes, on trouve cette
notion dès le XVIe siècle. Les textes soulignent également

que les "tierras realengas"ou "baldias",sont des terres du
Roi ou de la Couronne. Une "Cédula" royale de 1568 affirma

en effet que:

"...les terres en friches. sols et terres des
Indes qui n'ont pas été concédées particulièrement
par Nous, ou nos prédécesseurs, à des localités ou
personnes particulières, sont à notre charge et
font partie de notre Royale Couronne et nous
pouvon& en disposer à not;e guise et selon notre
volonté1..." (soulignépar nous).

1 F. de Solano, Cédulario de Tierras, op. cit.,
note 2, Doc. no 82, p. 209. La "Cédula" royale du ler novembre 1591 - citée à

propos de la "composition" de terres - réaffirme que "les
terres en friche et terres de ces provinces ... comme cela

est notoire, sont miennesu1. La "Cédula" royale du 17 juin
1617 relative aux ventes de terres aux enchères publiques,

précise que hormis les terres appartenant aux indiens
"...doivent être vendues... comme ladite propriété qui est
mienne2."

37. Or, l'existencede."tierras realengas" en Amérique

n'est pas due exclusivement, comme leprétend El Salvador,
au fait que toute la surface comprise entre "ejidos" de

communautésvoisines n'a pas été distribuée3.

Comme le montrent les ordonnances du 13 juillet 1573
sur les "nouveaux peuplements", lorsqu'un village

d'Espagnols était fondé, son "termino" et son "territoire"
étaient aussi déterminés, mais toute la terre comprise dans
le "termino" n'était pas répartie entreles colons. A titre

de propriété individuelle,une partie était concédée aux
fins de "terrain à bâtir" ou édification de maisons,une

autre aux fins de "parcelles" ou terres d'exploitation,aux
fins de "sites" ou terres d'élevagepour bétail petitou

1 Contre-mémoiredu Honduras,Annexe 11.1,p. 64.

2 F. de Solano, Cédulario de Tierras, op. cit.,
note 3, Doc. no 155, p. 311.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.4; trad. fr.,

p. 24.gros. A l'intérieur du "termino", les biensde propriété
communale comme les "ejidos" oules "pacages", sans division

en quote-parts étaient également délimitésl. En vertu de la
"Cédula" royale duler décembre 1573, les villages d'Indiens

devaient posséder des

"commodités en eaux, terres et friches, entrées et
sorties, des terres de culture et un ejido d'une
lieue de long, où les indiens peuvent avoirleurs
troupeaux sans que ceux-ci se mêlent à ceux des
~s~a~nols~"(soulignépar nous).

Malgré l'existence de ces différentes catégories de
propriété, en fonction de leur titularité ou de leur

destination, il est évident que, dans les villages
d'Espagnols, tout le "termino" ne faisait pas l'objet

d'attribution; et au-delà des terres des villages des
communautés indigènes,il restait égalementdes terres sans

titulaire. Ces terres sont les "friches"ou "tierras
realengas", celles qui ne sont pas concédées "à des

localités ou personnes particulières" selon la "Cédula"
royale de 1568. Conformémentau droit castillan, tout bien
immeuble ne faisant pas l'objetd'un titre de propriété,

individuelle ou communale, était réputé "terres en friche"
ou "tierras realengas" et appartenait à la ~ouronne3.

Sur les différentes catégoriesde propriétés et
leur étendue, F. de Solano, Estudio Preliminar op.cit.,
note 3, p. 30-38.

2 F. de Solano, Cédulario de Tierras, op. cit.,
note 3, Doc. no 92, p. 224. C'est la loi 8 titre 3 livreIV
de la "Recopilacion"des lois des Indes de 1680.

3 Jéronimo Caçtillo de Bovadilla, op. cit., note 36,
vol. 1, p. 615, Livre 2, chap. 16, no 52. 37. Enfin, il convient de souligner que, la Couronne
étant titulaire des "terres en friche" ou "tierras

realengas", ellepouvait en disposer "à sa guise et selon sa
volonté", selon l'expression de ladite "Cédula" royalede

1568.

Par conséquent, la Couronne d'Espagne, par le
truchement de ses autorités compétentesen la matière,

pouvait concéder les "terres en friche" ou "tierras
realengas" sous forme de dons aux conquistadores ou aux

colons, ou les attribuer à des communautés indigènes ou à
certains indiens; ou aussi, en ordonner la vente aux

enchères publiques, commeon l'a vu dans la "Cédula" royale
du 17 juillet 1617.Par ailleurs, comme cela a été examiné

précédemment, ces biens font l'objet, à partir de 1591,
d'une politique de "composition" de terres avec la Couronne

pour convertir une situation de fait - usurpation des
"tierras realengas" - en titre légitimede propriété.

Les "terres en friche" ou "tierras realengas"

constituent de cette façon l'élément de base de la
"composition de terres". Le chapitre 13 de l'instruction du

ler juillet 1746l, montre qu'il n'était pas rare que la
"composition de certaines terres considérées comme 'terres

en friche' soit sollicitée et que, en pratiquant
l'arpentage, il s'avère qu'elles étaient"...déjà arpentées

et composées avec Sa Majesté" et englobées dans un titre
antérieur. Ce cas de figure, commeon le verra dans d'autres

chapitres de cette première partie consacrée au différend
terrestre, se présente dans certaines terres comprises dans

les zones en litige.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe11.14, p. 101. C. L'ABSENCE DE FONDEMENT JURIDIQUE DE LA THESE
DEFENDUE PAR EL SALVADOR

38. Ainsi que le Gouvernement du Honduras l'a

précédemment indiqué, El Salvador prétend que les "tierras
realengas" lui appartiennent, sauf si le Honduras présente

"un titre comparable par sa force et ses effets juridiques"
à ceux d'El ~alvadorl. Dans ces conditions, ilsollicite de

la Chambre de la Cour:

"Le rattachement à ces régions ainsi attribuées à
El Salvador des terres de la Couronne (tierras
realengas) situées entre les terrains communaux
d'El Salvador et du Honduras respectivement qui
reviennent à juste titre à El Salvador après une
comparaison des concessions des terrains communaux
faites par la Couronne d'Espagne et les autorités
espagnoles en faveur des provinces de San Salvador
et de Comayagua et Tegucigalpa au ond duras^."

39. La Cour remarquera dans le texte ci-dessus qu'El
Salvador fait allusion aux concessions de terrains communaux

faites "...en faveur des provinces...". Il faut reconnaître
que sur ce point l'affirmation d'El Salvador est cohérente

car, en ce qui concerne les "titulos ejidales", il a
prétendu que les terrains communaux sont une "institution

1 Mémoire d'El Salvador; chap. 5.5; trad. fr.,
p. 24.

2 Mémoire d'El Salvador, Conclusions, 1.2; trad.
fr., p. 87.politique" liée non seulement à un village "...mais aussi à

la province dont le village fait partiel", thèse dont

l'inexactitude a été démontrée à la section II du présent
chapitre.

Or, outre ce point, la conclusion d'El Salvador, qu'on

examine maintenant, relative aux "tierras realengas",
suscite une interrogation fondamentale, à savoir: si les

"tierras realengas" sontdes biens de la Couronne d'Espagne
et, .par conséquent, l'une des catégories de propriété de la

terre existant en Amérique, quel est le titre qui, selon le
droit espagnol, justifie que lesdites terres appartiennent

au El Salvador ?

40. Le mémoire d'El Salvador n'offre, en réalité,
aucune justification permettant de revendiquer "à juste

titre" que les "terres en friche" ou "tierras realengas" lui
appartiennent et non au Honduras. En vérité, cela n'est pas

étonnant car, comme le Gouvernement du Honduras l'a déjà
indiqué, il n'y a pas la moindre référenceau droit espagnol

dans les divers passages du mémoire d'El Salvador traitant
de cette question.

S'il s'agit d'un argument lié aux "effectivités"

invoquées par El Salvador, ainsi qu'on peut en déduire de la
référence faite à propos de la zone en litige dite de "Las

Pilas ou ~a~aguanca"~,la conclusion ne se justifie pas non
plus. En effet, la "date critique étant l'année 1821", le

seul contrôle qui doit être pris en considérationdans la

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,
p. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22; trad. fr.,
p. 31.perspective du présent litige est celui des anciennes
provinces qui composent aujourd'hui El Salvador et le

Honduras; c'est-à-dire la situation de fait mise en évidence
par les actes des autorités coloniales antérieurement à

1821. La Cour remarquera qu'El Salvador ne fournit pas la
moindre preuve concernant cettesituation coloniale.

41. En réalité, pour juger de l'absence de fondement

de la thèse d'El Salvador, il n'y a qu'un seul fait à
considérer, à savoir que le caractère de biens de la

Couronne des "tierrasrealengas" est dépourvu de pertinence
en matière de délimitation territoriale. Ce qui importe,

c'est de déterminer si, antérieurement à 1821, ces terres se
trouvaient sur le terrain de l'une ou de l'autre des

provinces.

C'est, de l'avis du Gouvernement du Honduras, la
doctrine établie par la sentence arbitrale rendue en 1933

dans le différend frontalier opposant le Guatemala et le
Honduras, ainsi que le montrent les extraits de cette

décision précédemment cités; car l'objectif fondamental du
tribunal arbitral fut de:

"...trace the area in which each of colonial
entities, and the States which successed them,
asserted administrative controll."

C'est également la doctrine qui ressort d'autres
conflits frontaliers dans lesquels il fut fait application

de l'uti possidetis juris, et enfin de la Cour, en ce qui

1 R.S.A., vol. II, p. 1345.concerne le même principe, lorsqu'elle affirme à juste titre

que "le principe de l'uti possidetis juris gèle le titre
territorial" et que l'essentiel est de déterminer

"l'instantané du statut territorial" au moment de

42. D'autre part, la thèse d'El Salvador a un

caractère radical. Elle dit apparemment se fonder sur une
"comparaison" des "titulos ejidales" honduriens et

salvadoriens. Mais, s'il y avait entre les uns et les autres
des "tierras realengas",pourquoi devraient-elles appartenir

exclusivement auEl Salvador ?

Dans le cas des "ejidos", El Salvador prétendque, de
par leur nature "politique", ils se rattachent à l'une des

anciennes provinces, thèse dontle Gouvernement du Honduras
a déjà démontré l'inexactitude.Mais, en ce qui concerne les

"tierras realengas", même en admettant à titre d'hypothèse
la thèse d'El Salvador, il ne se passerait riende plus; car

il est évident que ces terres se trouvent aussi bien dans
l'une commedans l'autre des provinces existantavant 1821.

Prétendre, par conséquent, comme le fait El Salvador, que
les "tierras realengas" lui appartiennentexclusivement, et

non au Honduras, revient à affirmer qu'El Salvador est
l'unique successeurde la Couronne d'Espagne.

Bien que la logique conduise à un tel résultat, le

Gouvernement du Honduras ne considère pas que telle puisse
être la prétention d'El Salvador. Il n'oublie pas toutefois

1 C.I.J. Recueil 1986,p. 568, par. 30.un autre argument, aussi singulier, présenté par les

délégués salvadoriensen 1888 et réactualiséun siècle après
au chapitre 8 du mémoire d'El Salvador, à savoir l'argument

selon lequel la distribution des terres en Amérique
centrale, à titre de succession de la Couronne d'Espagne,

était "arbitraire"; El Salvador étant la zone "la plus
pauvre en territoireet le Honduras le plus riche1."

43. Ce radicalisme apparaît en outre en ce qui

concerne la "localisation" des "tierras realengas" selon les
cartes 6.7, 6.8, 6.9, 6.10 et 6.11 figurant dans le mémoire

d'El Salvador. La zone ombrée de ces cartes, sur laquelle
figurent les expressions "Crown Land" ou "tierras

realengas", est potentiellement illimitée comme si, à
priori, il existait un no man's land du côté du Honduras.

Le Gouvernementdu Honduras rejette énergiquement cette

"localisation" des "tierras realengas" et, en ce qui
concerne lesdites cartes,tient à faire deux observations.

En premier lieu, la ligne tracée sur les cartes 6.7 à 6.11
n'est pas celle que fait apparaître l'interprétation d'El

Salvador des "titulos ejidales" protéqeant les cinq
secteurs: c'est une ligne distincte qui correspond à celle

indiquée au paragraphe G du chapitre 6 pour ces cinq zones
et dont le fondement juridiquen'a pas été fourni par El

Salvador dans son mémoire. Il suffit, à cet effet, de
comparer la ligne desdites cartes 6.7 à 6.11 avec elle

tracée sur les cartes figurantdans le "Book of Maps" et

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.8, p. 236.numérotées 6.1 à 6.V; les lignes indiquées dans ces

dernières cartes constituant l'interprétation salvadorienne
des "titulos ejidales". Par conséquent, la ligne des cartes

6.7 à 6.11 est arbitraire, et au-delà de celle-ci, -El
Salvador a également localisé de façon arbitraire les

"tierras realengas".

En second lieu, la "localisation" des "tierras
realengas", selon les cartes6.7 à 6.11, est contraire aux

exigences élémentaires debonne foi. En effet, El Salvador
n'ignore pas qu'au Sud des lignes figurant sur lesdites

cartes le Honduras possède des "titulos ejidales" et que
ceux-ci font apparaître l'inclusion des terres dans

l'ancienne Provincede Comayagua. La raison en est que dans
les négociations sur les frontières, qui eurent lieu entre

les deux Républiques de 1861 à 1985, les délégués des deux
Républiques ont examiné et discuté dans le détail les titres

protégeant les droits respectifs et, en particulier, dans la
période 1880-1888. Le mémoire d'El Salvadormet en évidence

ce fait et, ainsi, en ce qui concerne Tepangüisir,il fait
allusion aux négociationsde 1884 en indiquant que, lors de

celles-ci, a prévalu le titre de Citala de 1776~. De même,
en'ce qui concerne le titre de Torola dans le secteur de

Nahuaterique et Colomoncagua, il indique qu'en 1884 "les
titres de propriété respectifsont été examinés2",et pour

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.11; trad. fr.,
p. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.46; trad. fr.,

p. 40. 1
la zone de Dolores ou "Monteca ou Poloros", égalementpar

rapport à 1884, il affirme que les titres coloniauxont été
"dûment étudiés, comparéset analysés1."

44. En résumé, la "localisation" des "tierras

realengas" sur les cartes 6.7 à 6.11 est arbitraire,
dépourvue de fondement et contraire aux exigences de bonne

foi. Le Gouvernement du Honduras estime que ce sont les
"titulos ejidales" eux-mêmes qui doivent déterminer la

localisation des "terresen friche" ou "tierras realengas"
et leur situation sur le territoire de l'une ou l'autre des

anciennes provinces,et le cas échéant, au moyen d'autres
documents antérieurs à 1821 et permettant de fixer les

limites des juridictions.

Section IV. Les documents coloniaux comme moyensde preuve
des limites territoriales des anciennes provinces

A. INTRODUCTION

45. Jusqu'alors l'examen que le Gouvernement du

Honduras a entrepris s'est limité à relever, dans le mémoire
d'El Salvador, les diverses erreurs et inexactitudes

relatives au droit espagnol envigueur en Amérique, et cela
aussi bien en ce qui concerne les "ejidos" que pour les

"tierras realengas" (sections IIet III respectivement).
Cependant, il faut tenir compte du fait que les thèses d'El

Salvador sur les "ejidos"figurent dans un chapitre consacré
à certaines "Considérations générales relatives à la

validité et la force probantedes titres officiels des

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.56; trad. fr.,
p. 43.terrains communaux ('titulos ejidales')"1, et que les
inexactitudes susmentionnées sui les "ejidos" ont

précisément pour finalité certaines conclusions concernant
la force probante desdits documents, conclusions qui

naturellement sont également inexacte et erronées.

46. En ce qui concerne lespositions défendues par El
Salvador, il sera examiné, en premier lieu, la pertinence

des "titulos ejidales"et d'autres documents coloniaux comme
preuve des limites des anciennes provincesen 1821 (B). En

second lieu, il sera indiqué les différents cas dans
lesquels les "titulosejidales" et, le cas échéant, d'autres

documents constituent un témoignage dans la perspective
d'établir le statut territorial des anciennes provinces à

cette date (C).

B. "TITULOS EJIDALES" ET AUTRES WCUrnNTS COLONIAUX
CO- MOYEN DE PREWE

47. Le mémoire d'El Salvador expose deux thèses qu'il

convient d'examiner préalablement.D'une part, El Salvador
affirme que les "titulos ejidales" sontles seuls documents

de l'époque coloniale pertinents pour la détermination des
frontières des provinces de 1821, ce qui suppose

d'identifier, de façon erronée, les documents de l'époque
coloniale avec les "titulos ejidales".

D'autre part, que la force probante des "titulos

ejidales" ne peut être attribuéequ'à ceux qui ont attribué
des terrains à une communauté indigène, aprèsune procédure

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 4; trad. fr., p. 16.suivie par les autorités espagnoles de l'époque. Le

Gouvernement du Honduras estime que cela entraîne une
restriction supplémentaire desdispositions de l'article

26 du Traité Général de Paix de1980.

1. Les documents de l'époque coloniale relatifs à des

"juridictions", en vertu de l'article 26 du Traité
Général de Paix de 1980

48. Selon El Salvador, l'article 26 du Traité Général
de Paix de 1980 "...autorise la Cour à fonder sa décision

sur les seuls documents qui répondent à deux conditions
distinctes", à savoir: en ce qui concerne leur origine, ils

doivent émaner d'autorités espagnoles, civiles ou

ecclésiastiques, de l'époque coloniale, et en ce qui
concerne leur objet, ils doivent indiquer "les ressorts ou

les limitesde territoiresou de 1ocalités":Il ajoute que:

"cette mention des localités vise les titres

'tituloçs ejidaleç'r)lus(soulignépar nous).espagnol

En réalité, comme cela se produit avec beaucoup
d'autres textes entre Etats américains et, en particulier,
entre El Salvador et le Honduras, l'article 26 du Traité

Général de Paix de 1980 a une portée plus large puisqu'ilse

réfère à des documents de l'époque coloniale indiquantdes
limites de territoire ou de localités. Ainsi que l'a écrit

le Gouvernement du Honduras, il témoigne de la volonté
commune des Parties devoir réglerleurs différends sur la

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.9; trad. fr.,
p. 14.base du principe de l'uti possidetis jurisl. C'est pourquoi

une interprétation restrictive, telle que celle défenduepar
El Salvador, n'est pas recevable. Mais il existe en outre

des raisons spécifiquesde rejeter l'identification entre
"titulos ejidales"et documents coloniaux.

49. En premier lieu, si l'on considère le sens

ordinaire des termes employés à l'article 26 du Traité
Général de Paix de 1980, on pourra noter que cette

disposition se réfère à des documents de l'époque coloniale
indiquant les ressorts ou limites "de territoires de

localités".

Par conséquent, associer les "titulos ejidales"
exclusivement aux limites de localités, ainsi que le prétend

El salvador2, est doublement inexact.Ces documents, de même
que d'autres documents coloniaux, peuvent indiquer les

limites non seulement d'une municipalité,mais aussi d'une
province ou d'un district ou circonscription. En outre, il

ne faut pas oublierque les "titulosejidales" n'indiquent
que la situation géographiqueet l'étendue des biens faisant

l'objet d'une propriété communale: les "ejidos". Ces
derniers n'englobent pas la totalité du "termino" d'un

village. Comme on l'a dit, à l'intérieur du "termino" d'un
village se trouvent les "ejidos"au sens traditionnel

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 85.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.9; trad. fr.,
p. 14.du terme -d'une lieue carrée pour les communautés
ïndigènes -, les pacages, pâturages, lesterres de culture

et, souvent, les "ejidos decomposition".

El Salvador a d'abord soutenu que les "ejidos" sont une
"institution politique" liée à un village1; et il tente

maintenant d'associer "titulos ejidales' et '10calités"~.
Mais l'hypothèse est inexacte, comme on l'a vu à la
'sectionII du présent chapitre et la conséquence qu'El

Salvador prétend en tirer est non seulement erronée mais
contraire aux termesmêmes de l'article26 du Traité Général

de Paix de 1980.

50. En second lieu, la restriction des documents
coloniaux aux "titulos ejidales" comme moyen de preuve des

frontières des anciennes "juridictions"est contraire au
droit espagnolen vigueur en Amérique. En effet, en vertu de
la loi 1 titre 5 livre 1 de la "Recopilaci6nMdes lois des

Indeç de 1680, qui ordonnait aux autorités derespecter "les
limites de leurs juridictions",il est stipulé que les

frontières des territoiresou "juridictions":

"...sont définies par les lois du présent livre,
les titres de leurs offices, les ordonnances du
Gouvernement Supérieur des provinces, us et
coutumes légitimementétablies."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,

p. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.9; trad. fr.,
p. 14. Par conséquent, si une "Cédula" royale définit les

frontières d'un territoire - Vice-Royaume, Audiencia,
Province - il est indubitable que ce document de l'époque

coloniale, quoique n'étant pas un "titulo ejidal", est
juridiquement pertinentdans l'esprit de l'uti possidetis
juris de 1821. D'autre part, il en est de même si la

nomination des autorités - "les titres de leurs officiers" -
indique le ressort ou les limites d'un territoire ou d'une

localité. Il est évident que l'on peut en dire tout autant
de tout document judiciaire, administratif, fiscal ou

notarial qui, se référant à l'action d'une autorité dans un
espace géographique, indique que ce lieu se trouve à

l'intérieur d'une province ou quelles sont les limites de
celle-ci.

51. Enfin, il est facile de vérifier que l'arbitre ou

le juge international, en apppliquant le principe de l'uti
possidetis juris, n'a pas considéré commemoyen de preuve un
seul groupe ou catégorie de documents coloniaux, mais tous

ceux indiquant les frontières des anciens territoires;et
également, à titre complémentaire, d'autres moyens de

preuve, documentairesou cartographiques.

~st significative à cet égard, la sentence arbitrale
rendue en 1933 dans le différend frontalier entre le

Guatemala et le Honduras, qu'El Salvador cite largement,
bien que seulement du point de vue de la "force probante"

des "titulos ejidalest1lCette décision a sans aucun doute

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 4.14-4.18; trad. fr.,
p. 20-22.pris en considération les titres d'attributionde terres

délivrés par la Couronne d'Espagne et a déclaré, très
justement que:

"Through these land grants it is possible to trace
the area in which each of the colonial entities,
and the States which succeeded them, asserted
administrative controll."

Or, en appliquant le principede l'uti possidetis iuris
de 1821, le tribunal arbitralne s'est pas limité, comme le

prétend El Salvador, aux "titulos ejidales". Partantde
l'hypothèse que l'autorité de la Couronne d'Espagne sur les

territoires d'Amérique était "absolue" et, par conséquent,
"the concept of uti possidetis juris of 1821 thus

necessarily refers to an administrative control which rested
on the will of the Spanish Crown", la sentence énonce que:

"In ascertaining the necessary support for that
administrative controlin the will of the King of
Spain, we are at liberty to resort to al1
manifestationsof that will - to royal cedulas, or
rescri~ts, to royal orders, laws and decrees, and
also, In the absince of precise laws or rescripts,
to conduct indicating royal acquiescencein
colonial assertions of administrative
authority2..."

La "continuedand unopposed assertionof administrative
authority" à laquelle fait allusion cette sentence

correspond aux "us et coutumes légitimement établies" de la
loi 1 titre 5 livre 1 de la "Recopilacion"des lois des

2 R.s.A., vol. II, P. 1324.Indes de 1680, précitée. Mais il faut également signaler

que, outre qu'elle reconnaît une valeur déterminante aux
documents mettant en évidence les actes des autorités

coloniales espagnoles,la sentence de 1933 indique, à titre
complémentaire, d'autres moyens de preuve des limites

territoriales, tels que "Statements by historians andother,
of repute, and authenticated mapsl...", bien que leur valeur

soit moindre. Selon la sentence arbitrale de 1933, ce
recours aux moyens complémentaires est justifié par

l'absence d'information sur le territoire en litige, durant
l'époque coloniale,si bien que:

"...net only had boundaries of jurisdiction not
been fixed with precision by the Crown, but there
were great areas which there had been no effort to
assert anY semblance OE administration
authority2."

52. Enfin, on peut constater la même attitude dans
diverses décisions arbitrales ou judiciaires qui ont fait

application de l'uti possidetis juris.

Sans citer ici de longs extraitsdesdites décisions, il
suffit d'indiquer, à titre d'exemple, les documents et

autres moyens de preuve utilisésdans la sentence prononcée
le 16 mars 1891 par la Reine-Régente d'Espagne dans le

différend frontalier entre la Colombie et le venezuela3; la

1 R.S.A., vol. 11, P. 1325.

2 -bid.

3 R.S.A., vol. 1, p. 292-296, cité dans le mémoire
du Honduras, vol. 1, chap., III, p. 123.sentence arbitrale du 11 septembre 1900 prononcée par le
Président Emile Loubet dans le différend frontalier entre la
Colombie et le Costa ~ical ou la sentence arbitrale rendue

par le Roi d'Espagne le 23 décembre 1906 dans le conflit
frontalier entre le Honduras et le ~icaraqua~; et plus

récemment, en ce qui concerne les actes des autorités
françaises, l'arrêt de la Chambre de la Cour du 22 décembre

1986 dans l'affaire du différend frontalier entre le Burkina
Faso et la République du ~ali~.

2. "Titulos ejidales" et autres documents relatifs à la

propriété de la terre

53. Après avoir décrit, très sommairement, les
autorités et la procédure d'attribution des "ejidos" en
Amérique - dénommée, de façon erronée, procédures suivies

pour l'"extension" des "ejidos"- en se fondant sur
l'exemple du titre de Citala de 17764, El Salvador affirme

ensuite que:

1 C.T.S., vol. 189, p. 54, cité dans le mémoire du
Honduras, vol. 1, chap., III, p. 127.

2 Texte français dansC.I.J. Recueil 1960, Mémoires,
Plaidoiries et Documents, t. 1, p. 354-361, cité dans le
mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 128. On peut en
juger plus nettement dans le Rapport de la commis'sion
d'examen de 1906, qui a effectué un examen documentaire et
historique et un examen géographique, m., p. 622-723.

C.I.J. Recueil 1986, p. 554.
4 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.11-4.13;trad. fr.,

p. 18-19. "On comprend qu'un titre obtenu en conformité avec
toutes ces qaranties de procédure constitue une
preuve déterminante quant aux droits territoriaux
de 1'~tatl.. ."(soulignépar nous).

Comme on vient de le voir, El Salvador a tenté de

réduire arbitrairement les documents del'époque coloniale
aux "titulos ejidales". Or, selon la phrase précitée, il

semble vouloir entreprendre une autre restriction, à savoir
que seul le "titulo ejidal" ayantfinalement accordé la

propriété de la terre puisse servir de base à la
détermination des limites territorialesdes provinces en

1821.

54. Cette interprétation restreint à nouveau les
dispositions de l'article 26 du Traité Général de Paix de

1980. Cet article, on l'a vu, ne se réfère pas exclusivement
aux "titulos ejidales" mais à tout document d'une autorité

espagnole de l'époque coloniale indiquantdes limites de
territoires ou de localités. Cela comprend aussi bien les

"titulos ejidales" que d'autres documents et, par
conséquent,on ne peut en aucune façon leréduire à certains

"titulos ejidales" à l'exclusiondes autres.

Mais en outre, l'interprétation d'El Salvador ignore
deux aspects importants des documents relatifs à

l'attribution de terres, qu'il convient de rappeler.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.14; trad. fr.,
p. 20. 55. En premier lieu, la procédure d'attribution des
"ejidos" par voie de "composition" avec la Couronne

d'Espagne comporte plusieurs phases dans lesquelles
apparaissent différents documents: et n'importe lequel

d'entre eux, pris séparément, peut être pertinent pour
déterminer les limites des "juridictions" en 1821. En

général:

a) le dossier d'attribution de terres commence
ordinairement par une requête ou "dénonciation"émanant

d'un particulier ou d'une communauté indigène qui
désire que lui soient attribuées certaines "tierras

realengas". Ainsi, par exemple, dans la requête de la
communauté de Citali en date du 10 février 1776, le

Juge Sous-délégué des Terres de Chalatenango déclare
clairement, en ce qui concerne la Montagne de

Tepangüisir que "...cette montagne se trouve dans la
juridictionde Gracias a ~iosl."

Dans d'autres cas, la procédure s'engage d'office,

l'autorité ayant connaissance de ce qu'une "tierras
realengas" est occupée sanstitre. Comme le montre le

titre de Gualcimaca de 1783, la décision de ladite
autorité et la déclaration de l'occupant devantcelle-

ci énoncent que ladite terre se trouve dans la
"juridiction de Gracias a Dios", dans la zone en litige
de Sazalapa-La ~irtud2.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.1.2, p. 1795.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.6.A, p. 1920.b) Après la requête, le Juge Sous-déléguédes Terres de la

Province pratiquait généralement une enquéte
testimoniale pour établir que les terres étaient

"tierràs realengas". Il procédait ensuite à une
reconnaissance ou inspection oculaire du terrain,

appelée audience de visu, à caractère général.
. Finalement, après avoir nommé l'"arpenteur" et le

"tireur de corde", on procédait à l'opération
d'"arpentagew ou de "réarpentage" du terrain.

L'arpentaqe déterminaitses limites et, compte tenu des
distances entre les points géographiques relevés, on

établissait la superficiedu terrain.

L'enquête testimoniale fournit, dans de nombreux cas,
des éléments pertinents sur les limites des provinces.

On citera pour exemple celle du titre de Perquin y
Arambala de 1815, présenté par El Salvador, dans
laquelle trois témoins déclarentsavoir que, entre les

terres sollicitées et les terres des villages de
Jocoara, au Nord, "...passent les limites des deux

juridictions et il y a une certaine distance entre
ladite limite et les bornes du village de ~ocoaral"; ce

qui permet de déterminer que la rivière Negro était la
"raya" ou limite des provinces, ainsi que l'a affirmé

le ond duras^.

1 Mémoire d'El Salvador, Annexes,p. 308, 310-312.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VI, p. 218-222. Mais les documents lesplus importants sontsans aucun

doute les "arpentages"et "réarpentages" du terrain.
Ceux-ci, sous peinede nullité, devaient étre pratiqués

avec citationdes voisins limitrophes; et, commeon l'a
dit, ils se réfèrent à des accidents géographiques
précis et, souvent, au fait que ces accidents sont

limites de juridictions.Entre autres exemples,on peut
citer le titre salvadorien dlArcatao de 1724 dans

lequel, au Nord du terrain, l'arpentage stipule que
"...en surplomb de Sazalapa, jouxtant la province de

Gracias a Dios...": et, à l'Est, il fait allusion à un
mont, avec borne de pierre, en ajoutantque "...ce mont

sépare les deux juridictions, de San Salvador et de
Gracias".

c) Enfin, après avoir arpenté la terre et en avoir

déterminé la superficie, le dossier d'attributionétait
transmis au Procureur de la "Audiencia" de Guatemala;

dans l'hypothèse où un favorable était émis, le
Juge des Terres procédait à la délivrance du titre,

après acquittement du prix de la "composition" et
autres droits. Le titre étant délivré, on donnait

possession de la terre aux nouveaux propriétaires,par
des actes symboliques. Dans cette phase finale, le
titre ou attribution indique généralementla situation

des terres dans une province, et lorsque les terres se
trouvent de part et d'autre, comme c'est le cas du

titre de Perquin y Arambala de 1815, il est ordonné que
la communauté soit protégée dans ses droits par "...les

Juges et officiers judiciaires de la Province de San
Miguel et de celle de ~omayagual..."

1 Mémoire d'El Salvador, Annexes,p. 355. 56. En second lieu, il apparaît, outre les documents

joints au dossier d'attribution d'un "titulo ejidal",
d'autres documents liésaux conflits relatifs à la propriété

des terrains de particuliers ou de commmunautés, conflits
qui résultent généralement de l'oppositiondes voisins

limitrophes aux arpentages ou réarpentagesd'un terrain.

Dans le présent litige, on en a un exemple, à
l'occasion de l'arpentage desterrains de Perquin y Arambala

en 1769, avec l'opposition de la communauté de Santa Helena
Jocoara; opposition qui, après enquête sur le terrain et

avis du Procureur, culmine dans l'arrêt du Juge des Terres
de Guatemala de 1773, partiellement reprisedans le titre

accordé à Perquin y Arambala en 1815. Ainsi que l'a montré
le ~ondurasl, ce litige illustrequelle était la limite des

juridictions dans le secteur de Naguaterique. De même, en ce
qui concerne la zone en litige de Cayaguanca, l"actuaci6n"

de 1742 ou actes de procédure concédant la montagne de
Cayaguanca aux indiens dlOcotepeque, engagée par les

autorités respectives de chacune des provinces, sont
juridiquement pertinentes2. Ces documents ne sont certes pas

des "titulos ejidales", maisdoivent indiscutablementêtre
pris en considération pour déterminer l'uti possidetis juris

de 1821.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1,chap. VI, p. 218-222.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 351-353. C. LES REPWENCES AUX FFZONTIWES DES ANCIENNES JURIDICTIONS
OU PROVINCES, DANS LES DOCUMENTS COLONIAUX

57. Ces précisions étant faites, et compte tenu des

conclusions formulées en ce qui concerne les "ejidos"
(section II) et les "tierras realengas" (section III), il

convient d'indiquer,en termes généraux, les différents cas
dans lesquels les documents de l'époque coloniale et,

notamment, les "titulos ejidales" comportend tes références
aux frontières des anciennes provinces. Ces références

constituent en effet l'élément fondamental pour
l'applicationde 1'uti.possidetisjuris de 1821.

58. A cet effet, et pour les besoins du présent

exposé, il convient de distinguer troiscas, en fonctionde
la façon dont les documents coloniauxse réfèrent aux

frontièresdes anciennesprovinces.

Soit les documents coloniaux mentionnent expressément
un point géographique ou une ligne, comme limite des
juridictions (1), soit les documents indiquent,de façon

générique, qu'un terrain déterminése trouve dans le ressort
d'une des provinces (Z), ou soit enfin, bienque le document

de l'époque colonialen'indique pas concrètement les limites
des juridictions, leditdocument, du fait qu'il se réfère à

des actes de l'autorité de l'une des provinces, permetde
présumer que ladite autorité a agidans les limites de son

"territoire" oude sa "juridiction"(3).

En effet, on n'oubliera pas, en ce qui concerne la
troisième hypothèse, que les limites des juridictions

étaient définies par la Couronne d'Espagne, et que les
autorités, sous peine d'engager leur responsabilité,devaient respecter à tout moment les limites de leur
territoire, sauf à agir dans d'autres en vertu d'une

autorisation ou d'une délégation spécifique de l'autorité
supérieure, en l'occurence 1'"Audienciade Guatemala".

1. Les documents de l'époque coloniale mentionnent

expressément quelles sont les limites des provinces

59. Cette hypothèse est sans doute la plus concluante
dans la perspective de l'application de l'uti possidetis

juris de 1821 car l'autorité de l'époque coloniale,
notamment à l'occasion des "arpentages" ou "réarpentages"

des terrains, a indiqué dans de nombreux casquelles étaient
les "rayas", "guardarrayas" ou limites du territoire de

chacune des p;ovinces. Dans le présent litige, on pourra
trouver cette déterminationprécise:

a) pour le secteur en litige de Sazalapa-Lavirtudl;

b) pour le secteur en litige de ~a~uaterique~ et de

~olomonca~ua3;

c) pour le secteur en litige du ~oascorin~;

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337;
contre-mémoiredu Honduras, chap. VIII, p. 255.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VI, p. 216-223;
contre-mémoiredu Honduras, chap. IX, p. 315.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VI, p. 240-245;
contre-mémoiredu Honduras, chap. IX, p. 315

4 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 392-398;

contre-mémoire du Honduras, chap. XI, p. 469.d) pour le secteur en litige de Dolores, à 1'~stl.

60. Les limites de juridictions mentionnées dans les
documents coloniaux présentent deux caractéristiques

distinctes. Dans certains cas, la référence étant une
rivière - ainsi, dans le secteuren litige du Goascoran, la

rivière du même nom; dans celle de Naguaterique, la rivière
Negro - ou un affluent, la limite de juridictions possède

une certaine extension. Il en est de mëme lorsque la
référence se rapporte à un chemin, comme c'est le cas du

"chemin royal" dansla zone de Colomoncagua.

Dans d'autres cas, la référence n'indiquequ'un point
déterminé, pouvant être un me, colline ou éminence, un

accident naturel ou une construction humaine, dans le cas
des bornes des terres. Mais la Chambre de la Cour notera
que, mëme dans cette hypothèse, la "raya" ou limite des

provinces peut être déterminée, les diverspoints étant très
proches, comme c'est le cas dans le secteur de Sazalapa-La

Virtud et dans celui de Colomoncagua. Ainsique l'a montré
la jurisprudence internationale,il n'est pas nécessaire de

déterminer la possesio pedis pour la totalité d'une zone en
litige.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII, p. 247;
contre-mémoire du Honduras, chap. X, p. 407. 2. Les documents de l'époque coloniale mentionnent

expressément qu'un terrain se trouve dans le ressort de
l'une des provinces

61. Dans le présent .litige, cette détermination

apparaît dans trois cas:

a) pour le secteur en litige de Tepangüisir, selon le

titre de Cita16 de 1776l;

b) pour le secteur en litige de Cayaguanca, selon

1'"actuacion"de 1742~.

c) pour le secteur de Naguaterique, selon le litige de

1770-17733.

En ce qui concerne la Montagne de Tepangüisir,on a
indiqué précédemment que, conformément au droit espagnol,

l'attribution dl"ejidos" dans une autre province ne modifie
en rien les limites du territoire ou des "juridictions",

contrairement à ce que prétend El salvador4. La même
conclusion est applicable à la zone de Naguaterique, en ce

qui concerne les terres attribuées, en 1815, à Perquin y
Arambala au Nord de la rivière Negro, limite des provinces.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,
p. 313-316; contre-mémoiredu Honduras, chap. VI, p. 123.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 351-355;

contre-mémoiredu Honduras, chap. VII, p. 209.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VI, p. 193;
contre-mémoiredu Honduras, chap. IX, p. 315.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.14; trad. fr.,
p. 20 et spécialementchap. 6.9; trad. fr.,p. 27. Quant au secteur en litige de Cayaguanca, le
Gouvernement du Hondurasse bornera à indiquer que celui

d'El Salvador n'a produitdans son mémoire aucun document de
l'époque coloniale contredisant 1'"actuacion" susmentionnée

de 1742. En effet, le titre des nouveaux "ejidos" de La
Palma de 1829, sur lequel El Salvadorprétend fonder ses

prétentions, ne revét pas ce caractère.

3. Le document de l'époque coloniale n'indique pas les
limites des juridictions, mais les terrains sont

arpentés par les autorités de l'une des provinces

62. Ainsi qu'on l'a dit précédemment, les autorités
espagnoles compétentes en matière d'attribution de terres

étaient, pour tout le Royaume, 1'"Audiencia"de Guatemala et
son "el jusgado privativodel real derecho de tierras" ou

(Tribunal Privatif des Terres.) etdépendant de celui-ci dans
chaque province, lesJuges Sous-déléguésdes Terres.

Ces derniers ne pouvaient évidemment agir qu'à

l'intérieur des limites du territoire de la province, sans
empiéter sur celui d'une autre "juridiction". C'est
pourquoi, comme le montre l'exemple des terres de la

Montagne de Tepangüisir, en 1776, le Juge Sous-délégué des
Terres de Chalatenango s'est déclaré incompétent pour

connaître de la requéte initiale des habitants de la
communauté indigène de Citala, du fait que ces terres se

trouvaient sur le territoire de Gracias a Dios. 11 ne
pratiqua ensuite l'arpentage que lorsqu"i1 eut reçu

l'autorisation ou la délégation de la part de l'autorité
supérieure en matière de "composition" de terres, le

Tribunal de 1'"Audiencia" de Guatemala. Mais, ainsi que lestipule la délégation de pouvoirs, celle-ci n'est valable
que pour ce cas particulier et elle est assortie de

l'obligation de notifier son intervention à l'autorité
territorialementcompétente, le Juge Sous-délégué des Terres

de Gracias a ~iosl.

63. Compte tenu de cela et des dispositions
susmentionnées du droit espagnol, le fait qu'une autorité

exerce ses pouvoirs par rapport à un espace géographique
déterminé peut agir comme une présomption à l'égard des

limites d'une province, découlant de la compétence ratione
territori de ladite autorité. On présume en effetque ladite

autorité aqit à l'intérieur des limites de son territoire ou
de sa "juridiction".

Cette présompt,ionest opérante en ce qui concerne,
notamment, les arpentageset réarpentagesde terres. On peut

en juger, dans le présent litige, en ce qui concerne les
secteurs en litige de Sazalapa-La Virtud, Colomoncagua et

Dolores, ainsi que l'indique le mémoire du Honduras et qu'il
le sera mis en évidence plus loin. Mais il convient de

signaler qu'il ne s'agit que d'une présomption, à défaut
d'une indication claire des limites de territoires dans les

documents de l'époque coloniale. Il peut se produire, en
effet - comme c'est le cas pour l'arpentagedes "ejidos" de

1 , ~émoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,
p. 313-316; contre-mémoire du Honduras, chap. VI, p. 123. IPerquin y Arambala de 1769 -que l'arpenteurne consigne pas

qu'il intervient dans une autre juridiction,bien qu'il eût
traversé la rivière Negro, et que ce soit d'autresdocuments

qui mettent en évidence cette frontière des anciennes
provinces. Il en est de même en ce qui concerne le secteur

de Dolores.

64. Enfin, la présomption selon laquelle l'autorité
agit à l'intérieur des limites de sa "juridiction" doit

également tomber dans d'autres hypothèses.

C'est le cas d'une part, lorsqu'un "arpentage" ou
"réarpentage" effectué par l'autorité d'une province

s'introduit ou empiète le terrain arpenté ou réarpenté
antérieurement par l'autorité d'une autre province. On

trouvera des exemples de cettesituation, ainsi qu'on le
verra, dans lesecteur en litigede Dolores comme dans celle

de Colomoncagua.

C'est le cas d'autre part,lorsque les données d'un
"arpentage" de terres sont erronées ou insuffisamment

précises pour pouvoir.fixer les limites des juridictionsen
faisant référence à des lieux, directions ou distances entre

points géographiques.On peut, par exemple, en juger dans leI
secteur de Dolores, en ce qui concerne le titre de Poloros

de 1760. Il est inutile d'indiquer à cet égard que les
erreurs ou insuffisances sont celles figurant dans le

document de l'époque colonialeet qu'elles peuvent, dans un
cas précis, être détectées à l'aide d'autres documents,

grâce par exemple à une comparaison entre deux "titulos
ejidales" ou plus. Autre chose sont les erreurs commises

dans l'interprétation ou la représentation géographique
actuelle d'un "arpentage" ou "réarpentage", erreurs si

fréquentes dansle mémoire d'El Salvador. TITRE II

LES LIMITES DE LA F'FiONTIWETERRESTRE

LE SECTECIRDE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRELE POINT
APPELE EL TRIFINIO,SOMMET DU CERRO MONTECRISTO,ET

LE SOMMET DU CHlRO EL ZAPOTAL
(TEPANG~ISIR)

Section 1. La localisationdu différend

1. Les points d'accord des Parties

1. Dans leurs mémoires respectifs, les Parties au

présent différend se rejoignenttrès exactement dans la
détermination du point d'aboutissementde la zone contestée

de Tepangüisir, c'est-à-dire le Cerro El Zapotal (BI. Elles
se rejoignent également, sous réserve de quelques

divergences techniques, dansla détermination du point de
départ de cette même zone, à savoir le Cerro de

Montecristo (A).

A. LE CERRO DE MONTECRISTO

1. L'accord de princi~e

2. Pour le Gouvernement du ~ondurasl comme pour le
Gouvernement d'El ~alvador2, le point Ouest de la zone

contestée de Tepangüisirest commun. Il s'agit du point

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII, p. 293,
par. 1.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.1; trad. fr.,
p. 24.triple ("El Trifinio"; "the tripoint") correspondant au

point terminal de la frontière entre le Guatemala, le
Honduras et El Salvador, c'est-à-dire, plus précisément, à

la borne située sur le Cerro de Montecristo.

Il est normal que ce point soit reconnu par les Parties
dans le présent différend, puisqu'elles avaientadmis, dans

l'article 16 du Traité Général de Paix du 30 octobre 1980,
que n'était pas "sujet à contestation" le:

"point appelé El Trifinio, c'est-à-dire le sommet
du Cerro de Montecristo, arrëté par les
représentants des trois Etats au point 5 'du
procès-verbal no XXX de la Commission spéciale El
Salvador-Guatemala-Honduras établi les23 et 24
juin 1935 a Chiquimula (République du
Guatemala)l."

La fixation d'un point triple implique eneffet le
consentement de tous les Etats concernés, l'existence d'un

tel point incontesté, comme l'est précisément le sommet du
Cerro de Montecristo, supposant, ainsi que l'a rappelé

l'arrét du 22 décembre 1986 en l'affaire du différend
frontalier entre le Burkina Faso et la République du Mali,

"à la fois la présence du territoire d'un Etat tiers2 au-
delà du point terminal et l'exclusivité des droits

souverains des parties3 jusqu'à ce point4."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
IV.1.55, p. 812.

En l'espèce, le Guatemala, non partie au présent
différend.

3 C'est-à-dire, en l'espèce, le Honduras et Él
Salvador.

4 C.I.J. Recueil 1986, p. 579, par. 49. 2.Le dr5saccord technique

3. Il convient cependant de remarquer que, si le

Honduras et El Salvador sont d'accord, sur le plan des
principes, pour considérer "El Trifinio" comme correspondant

à la borne située sur le sommet du Cerro de Montecristo, ils
divergent quant à la détermination des coordonnées

géographiques de ce point. Il est en effet situé, pour le
Honduras, à "14O 25' 20" de latitude Nord et 89O 21' 28" de

longitude 0uest"l alors que, pour El Salvador, le
"Montecristo Peak" est localisé à "L.N. 14O 25' 10.784"et à

"L.W.G. 89O 21' 21.5682."

La Partie adverse n'a pas précisé la source des
coordonnées qu'elle a retenues. Mais si l'on se réfère au

document officiel qui fait foi sur ce point, à savoir
l'"Informe detallado de la Cornisiontécnica de Demarcacion

de la Frontera entre Hondurasy ~uatemala~,'publié en 1937,
on constate que les coordonnées géogra'phiquesdu point

démarqué correspondantau "Trifinio de Guatemala, Hondurasy
El Salvador" sont celles-là mêmes avancées par le Honduras

dans le présent différend: "14O 25' 20"07" de latitude Nord
et "8g0 21' 28"46" de longitudeOuest.

1 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions, p. 741,

A.1.

2 Mémoire d'El Salvador, Carte6.7.

3 Cette Commission était présidée par l'expert
américain Sidney H. Birdseye. B. LE CERRO EL ZAPOTAL

4. Il n'existe en revanche aucune divergence dans la

détermination du point Est, qui correspond au point
d'aboutissement de la zone de Tepangüisir. Pourle ~ondurasl

comme pour El salvador2, il s'agit du sommet d'El Zapotal
que les deux Gouvernements ont reconnu, dans l'article 16

précité du Traité Général de Paix du 30 octobre 1980, comme
point de départ du second secteur de "frontières reconnues"

compris précisément entre "le s'ommetdu Cerro El Zapotal"et
"le rocher de ~a~aguanca~."

A la différence de ce qui a été relevé précédemment

pour le Cerro de Montecristo, les coordonnées géographiques
du Cerro El Zapotal - également dénommé "Chiporro Hill"par

la Partie adversè - sont rigoureusement identiques pour les
deux Gouvernements. Elles correspondent en effet à

14O 23' 26" de latitude Nord et 89O 14' 43" de longitude
0uest4.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII, p. 293,
par. 2.

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.2; trad. Fr., p.
24-25.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe IV,

p. 812.

4 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions, p. 742,
A.l.; mémoire d'El Salvador, carte6.7. II. Les divergences des Parties

5. Les Parties au présent différend sont en revanche

en complet désaccord sur le tracé de la frontière entre les
deux points précités,dans la zone dite de Tepangüisir. En

effet, la ligne séparative entre le Cerro de Montecristo et
le Cerro El Zapotal m'avait pas été définie dans

l'article 16 du Traité Général de Paix et la Commission
mixte visée à l'article 18 de ce même ~raitél n'était pas

parvenue à s'acquitter de la mission de délimitation qui lui
avait été assignée. Il appartient par conséquent à la

Chambre, conformément à l'article 2 paragraphe 1 du
Compromis signé à Esquipulas le 24 mai 1986, "de délimiter

la ligne frontière''dans la zone de Tepangüisir.

A. LE TRACE SALVADûRIEN

6. Pour le Gouvernement d'El Salvador, la ligne
frontière devrait correspondre dans cette zone au tracé

suivant:

"De la zone ou tripoint du Cerro de Montecristoau
sommet du Cerro Obscuro en ligne droite vers le
Nord-Est. Du sommet du Cerro Obscuro à la source
de la Quebrada de Pomola en prenant le bras le
plus septentrional de celui-ci. Dudit bras de la
Quebrada de Pomola en aval jusqu'à la borne de
Talquezalar. De là au sommet du Cerro de Piedra
Menuda. Du sommet du Cerro de Piedra Menuda au
sommet d'El zapota12."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
IV.1.55, p. 813.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.12 et 6.69; trad.
fr., p. 28 et 48. Ce tracé appelle deux observationspréliminaires.

1. Le tracé salvadorienet le titre de Citali de 1776

7. La Partie adverse soutientque la ligne frontière

ainsi définie "reste celle indiquée par le titre officielde
terrains communauxde la montagne de Tecpangüisir délivré en

1776l." Le Gouvernement du Honduras montrera, dans des
développements ultérieurs,que l'interprétation donnée par

El Salvador de ce "titulo ejidal" de 1776 est dépourvue de
fondement juridique mais il entend remarquer dès maintenant

que l'affirmation précitée du mémoire d'El Salvador est
inexacte à un double point de vue.

Sur le plan formel de l'origine dela définition de la

frontière dans la zone de Tepangüisir - que le mémoire d'El
Salvador ne précise d'ailleurs pas, suivant un procédé qui

lui est familier - il est inexact de suggérer, comme lefait
la Partie adverse, que son "libellé" serait extrait de

l'arpentage effectuéles 20 et 21 mars 1776 par Don Lorenzo
Jiménez Rubio, le Juge des Terres du District de

Chalatenango. On n'en trouve pas la moindre trace ni dans le
document - au demeurant incomplet - publié en espagnol et

traduit en anglais dans les Annexes du mémoire d'El
Salvador, ni dans le texte intégral du titre de Citala

traduit en français dans les Annexes du mémoire du
~onduras2.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.12; trad. fr.,

p. 28.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1795. Il ne saurait d'ailleurs en être autrement pour une
raison évidente, lié au contenu du titre de 1776, c'est-à-

dire en se situant sur le plan matériel. En effet, la
citation salvadorienne précitée faitpartir le tracé de la

frontière dans la zone de Tepangüisir du Cerro de
Montecristo. Or, il n'est jamaisquestion de ce sommet dans

le "titulo ejidal" de Citala de 1776. Méme s'il y a
désaccord, comme on le verra plus loin, sur l'aire couverte

par ce titre, dans l'interprétation qu'en donnent
respectivement les Parties au présent différend, le point

Nord-Ouest de 1'"ejido" de Citala n'est pas le Cerro de
Montecristo. Pour El Salvador, qui donne cependant une

interprétation extensivedu titre, ce point est au Nord-Est
du Cerro de Montecristo, à la source de la Quebrada de

pomola: la carte .6.1 du mémoire d'El Salvador porte la
mention "Headwaterof the Pomola Gorge". Comme on le sait,

le Cerro de Montecristone deviendra le "tripoint" entre les
trois pays voisinsqu'en 1935.

2. Le tracé salvadorien et les néqociations
dlAntiqua de 1972

8. La ligne frontière définie dans le mémoire d'El

Salvador non seulement ne correspond pas avec
l'interprétation salvadoriennedu "titulo ejidal" de Citala

de 1776, mais elle ne correspond pas non plus exactement
avec la thèse que la délégation d'El Salvador a soutenue

lors des négociations sur les frontières qui se sont
déroulées en 1972 à ~nti~ual.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII, p. 293,
par. 2 et Annexes, vol. II, Annexe IV.1.22.A, p. 580. En effet, d'après le procès-verbal de la séance du
11 juin 1972, la description de la ligne salvadorienne est
assez succincte et il est notamment indiqué que la ligne

divisoire va directement, du point de vue de la délégation
d'El Salvador, du Trifinio à la source de la Quebrada de

Pomola. En revanche, la description donnée dans le mémoire
d'El Salvador est curieusement différente,puisqu'elle fait

état d'un premier segment de droite qui relie la borne
située sur le Cerro de Montecristo au sommet du Cerro

Obscuro, puis d'un second segmentde droite qui va de ce
point à la source de la Quebrada de Pomola. En d'autres

termes, dans le présent différend, la Partie adverse - à la
différence de la thèse qu'elle a soutenue à Antigua - semble

considérer que le Cerro Obscuro ne coïncide pas avec la
source de la Quebrada de Pomola.

9. Une telle description du tracé salvadorien est non

seulement révélatrice des variations successives de la
position de la Partie adverse, de seshésitations ou de son

défaut de cohérence et de rigueur, mais elle est, de
surcroît, rigoureusement incompatible avec la carte

officielle du Gouvernement d'El Salvador, à l'échelle de
1:50 000 qu'elle a annexée à son mémoire1. En effet, si l'on

en croit les indications qui figurent sur cette carte, le
Cerro Obscuro serait localiséau Nord-Est de la source de la

Quebrada de pomola2, cette dernièremention ne figurant

1 Mémoire d'El Salvador, Book of Maps, Carte 6.1.

2 On voudrait remarquer, en ce qui concerne ce
point, les flottements du vocabulaire utilisé dans le
mémoire d'El Salvador. Alors que le texte parle de "the
headwaters of the Quebrada de Pomola" (Mémoire d'El
Salvador, chap. 6.12; trad. fr., p. 28), le croquis intégré
dans le mémoire d'ElSalvador et la carte qui figure dans le
Book of Maps annexé - l'un et l'autre figurant sous le
libellé "Map 6.1" - portent la mention "Headwater of the
Pomola gorge."d'ailleurs pas sur la carte salvadorienneprécitée et ayant

été rajoutée, en quelque sorte pour les besoins de la cause,
sur la carte présentée devantla Chambre.

Si l'on tient à donner un sens à la description du

tracé frontalier présenté par le mémoire d'El Salvador, il
convient de se référer à la carte de 1'Instituto Geografico

Nacional hondurien (Hojas 2359 11-2359 III), telle qu'elle
figure dans le mémoire du ~ondurasl. En effet, sur cette

carte, le Cerro Obscuro - également dénommé Cerro del
Burro - est situé, comme il convient si l'on veut que le

tracé salvadorien ne soit pas absurde, au Sud-Ouest de la
source de la Quebrada de Pomola, qui correspondraitalors,

selon toute vraisemblance, au Cerro Chamuscadoou à l'un de
ses contreforts. C'est seulement en adoptant cette

interprétation, en absolue contradiction avec les documents
cartographiques salvadoriens,que la Partie adverse pourrait

prétendre que le Cerro Obscuro et la source de la Quebrada
de Pomola constituentdeux points distincts.

B. LE TFlACEHONDURIEN

10. Quelles que soient les incohérences que fait

apparaître le mémoire d'El Salvador dans le tracé de la
frontière dans la zone de Tepangüisir, son dessin général

est entièrement différentde celui qui est revendiqué par le
Honduras dans son mémoire. Non seulementle tracé hondurien

correspond, commeon le rappellera à nouveau plus loin, à

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII, p. 294,

B.4.1.une interprétation'correctedu "titulo ejidal" de Citala de

1776, mais il est également rigoureusement conforme à la
position qu'avait soutenue la délégation hondurienne au

cours des négociations précitéesd'Antigua.

11 apparaît en effet, à la lecture du procès-verbal du

11 juin 1972, que le Honduras avait soutenu que la ligne
divisoire correspondaitau tracé suivant, d'Est en Ouest,

"...de la colline El Zapotal... au point de
confluence de la rivière Jupula avec la rivière
Lempa; de ce point de confluence en ligne droite
jusqu'à la rivière San Miguel Ingenio ou
Tagüilapa, en passant par la propriété El Cobre et
Las Cruces; de là, en descendant la rivière ci-
dessus mentionnée jusqu'à sa source; et de là,
jusqu'à la borne on te cr 'i stol.

11. Les conclusions du mémoire du Honduras dans le
présent différend sont rigoureusement identiques, tout en

étant plus complèteset plus précises. La frontière dans la
zone de Tepangüisir, comprise entre le sommetdu Cerro de

Montecristo ("El Trifinio") et le sommet du Cerro El
Zapotal, doit en effet correspondre, d'Ouest en Est, au

tracé suivant2:

"Du sommet du Cerro Montecristo (14' 25' 20" de
latitude Nord et 89O 21' 28" de longitude Ouest),
Tripoint entre le Honduras, El Salvador et le
Guatemala et en direction Sud-Est, jusqu'à la
Miguel laIngenio souteTagüilapa,de (14O 24' 00"ande
latitude Nord et 89O 20' 10" de longitude Ouest),
connu sous le nom de torrent de la Chicotera, d'où
l'on poursuit en aval par le milieu du lit de

1 Mémoire du ond durasvol. 1, chap. VIII, p. 294,

par. 3 et Annexes, vol. II, Annexe IV.1.22.A, p. 580.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,
p. 741-742, A.l. ladite rivière jusqu'au gué du chemin qui vient de
Citala en direction de Metapan (14O 20' 55" de
latitude Nord et 89O 19' 33" de longitude Ouest),
sur le site de Las Cruces. Du point précédent en
direction Est, en ligne droite jusqu'à la
confluence de la rivière Jupula avec la rivière
Lempa (14O 21' 06" de latitude Nord et 89O 13' 10"
de longitude Ouest), ladite ligne passant par le
site El Cobre, et de cette confluence, en ligne
droite jusqu'à la cime du mont Zapotal
(14O 23' 26" de latitude Nord et 89O 14' 43" de
longitude 0uest)l."

1 Si l'on superpose le croquis salvadorien (Mémoire

d'El Salvador, carte 6.1) sur le croquis hondurien (Mémoire
du Honduras, B.4.1) qui correspondent à l'interprétation
respective des Parties au présent différend du "titulo
ejidal" de 1776 (voir le croquisci-joint 2.1, plusieurs
différences apparaissent. On reviendra plus loin (infra.,
par. 67 et S.) sur les divergences touchant la limite Ouest
de l'"ejidoW de Citala. Mais on voudrait dès maintenant
relever l'existence de différences dans le tracé de la
limite Sud de ce même "ejido", dans la mesure où elle
correspond, pour le Honduras, à un segment de la frontière
reliant le confluent de la rivière Jupula avec la rivière
Lempa et le site de Las Cruces. Le point Sud-Est de ce
segment est le même pour les deux pays et il est
incontestable puisqu'il s'agit du confluent de deux cours
d'eau dont l'identification est certaine: le fait que le
Honduras mentionne le confluent entre leRio Lempa et le Rio
Jupula et El Salvador le confluent entre le Rio Lempa et le
Rio Nunuapa est sans conséquence, le Rio Jupula et le Rio
Nunuapa se rencontrant avant de se jeter dans le Rio Lempa.
En revanche, le point Sud-Ouest de ce mème segment est
légèrement différent selon lesdeux interprétationsdu titre
de 1776, car le site de Las Cruces n'est pas identifiéde la
méme façon: s'il est au milieu du lit du Rio San Miguel
Ingenio ou Tagüilapa pour les deux pays, il est sensiblement
plus au Sud pour El Salvador que pour le Honduras. Ce
dernier maintient néanmoins sa position initiale, car il
considère qu'elle correspond à une interprétation correcte
de l'arpentage effectué le 21 mars 1776 par le Juge des
Terres du ~istrict de Chalatenango, Don Lorenzo Jiménez
Rubio, le site de Las Cruces se trouvant "sur le chemin qui
vient du village de Citala et qui va vers le District de
Metapan' (Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p.1806). Ce qui signifie que, pour le Gouvernement
du Honduras, le segment le plus méridional de la frontière
dans la zone de Tepangüisir doit relier le confluent du Rio
Jupula et du Rio Lempa à un point dont les coordonnées sont
14O 20' 55" de latitude Nord et 88' 19' 33" de longitude
Ouest (Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions, p. 741,
A.l). 12. Les positions respectivesdes Parties au présent

différend touchant la frontière dans la zone de Tepangüisir,
entre le Cerro de Montecristo et le Cerro El Zapotal sont

par conséquent inconciliables. Partant de ce constat, le
Gouvernement du Honduras entend commenter les observations

du mémoire d'El Salvador consacrées à cette zone. Dans ce
but, il rappellera d'abordles principes qui sous-tendent sa

thèse dans ce secteur (Section II), avant de montrer que le
tracé salvadorien n'est pas conforme, suivant la formule de

l'article 5 du Compromis du 24 mai 1986, aux "normes de
droit international applicables entre les Parties"

(Section III).

Section II. Les principes qui sous-tendent la position
du Honduras

1. Le principe de l'uti pôssidetis juris de 1821

A. L'ACCORD DES PARTIES SUR LA PREEMINENCE DE CE PRINCIPE

DANS LE PRESENT DIFFEREND

1. La position hondurienne

13. Le Gouvernement du Honduras a constammentrappelé
dans son mémoire que le fondement juridique sur lequel

repose au premier chef sa thèsedans la zone de Tepangüisir
est le principe de l'uti possidetis iuris de 18211. De toute

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,

p. 310-316, par. 21-29.évidence, ce principe est la composante essentielledu droit

applicable au présent différend dont "la Chambre tiendra
compte, pour rendre son arrét", pour reprendre la formule de

l'article 5 précité du Compromis.

Comme l'a proclamé le Conseil fédéral suissedans la
sentence qu'il a rendue, le24 mars 1922, dans l'affaire des

frontières colombo-venezuelienneçr

"L'uti possidetis juris de 1810, c'est-à-dire les
limites des anciennes Provinces Espagnoles de la
Nouvelle Grenade et du Venezuela font donc loi
pour les deux Etats, non seulement envertu d'une
théorie générale sud-américaine, maisen vertu de
dispositions constitutionnelles explicites et
spéciales. Chacun des deux Etats était réputé
souverain et possesseur du territoire a
l'intérieur des limites tracées par l'ancien
souverain espaqnol, et cela depuis 1810, soit
depuis le début de l'existence de la Colombie
comme du venezuelal" (soulignépar nous).

Ce raisonnement qui porte, pour les pays d'Amérique du
Sud, sur l'uti possidetis juris de 1810, est naturellement

transposable, pour les Etats d'Amérique centrale, à l'c
possidetis juris de 18212.

La jurisprudence internationale la plus récente a, de

surcroît, renforcé le caractère juridique de ce principe de
l'uti possidetis juris et généralisé sa portée. Elle n'y

voit plus seulement unprincipe généralde droit américain,

1 R.S.A., vol. 1, p. 229.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 81-154,
par. 1-34 et contre-mémoire du Honduras, çupra., chap. V,
p. 41, par. 2.mais bien, comme l'a fortement souligné l'arrêt rendu le 22

décembre 1986 en l'affaire du différend frontalier Burkina
Faso/Républiquedu Mali, "une règle deportée générale", "un

principe d'ordre général nécessairement lié à la
décolonisation où qu'elle se Elle le situe "au

rang des principes juridiques les plus importants2."

14. Or, pour le Gouvernement du Honduras, la
signification de ce principe de l'uti possidetis juris de

1821 n'est pas douteuse. Ainsique l'a bien montré l'arrêt
précité du 22 décembre 1986, la présence du "génitif latin

juris" a pour conséquence de mettre en relief l'idée suivant
laquelle ce principe, tel qu'il a trouvé constamment son

application en Amérique hispanique, "accorde au titre
juridique la prééminence sur la possession effective comme

base de souveraineté3" (soulignépar nous).

Cette primauté du titre sur la possession se trouve

confirmée et renforcée dans les relations particulières
entre le Honduras et El Salvador par l'article 26 du Traité

Général de Paix du 30 octobre 1980. La structure même de
cette disposition, sur laquelle on reviendra plus loin,

implique que, prima facie, la Commission mixte des limites
instituée par le Traité - et par voie de conséquence la

Chambre de la cour4 - "fondera ses travaux sur les documents
établis par la Couronne d'Espagne ou par toute autre

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 565-566, par. 21 et 23.

2 ibid. p. 567, par. 26.

3 c.1.J. Recueil 1986,p. 566, Par. 23.

4 ~émoire du Honduras, vol. 1, chap. III, p. 84-89,
par. 3..9. autorité espagnole, laïquel ou ecclésiastique, durant
l'époque coloniale, qui indiquent les ressorts ou les

limites de territoiresou de localités" (soulignépar nous).
La formulation utiliséepar les rédacteurs du Traité Général

de Paix, en langue espagnole est encore plus forte et plus
expressive, puisqu'elle indique que, pour la détermination

du tracé de la ligne frontière dans les zones contestéesl ,a
Commission mixte - et partant la Chambre - "tomara como base

los documentos expedidos ... durante la época colonial, que
senalen jurisdicciones O limites de territorios O

poblaciones2" (soulignépar nous).

2. La position salvadorienne

15. Le Gouvernementd'El Salvador reconnaît également,
dans son mémoire, cette primauté de l'uti possidetis juris

de 1821. Il admet en effet que la convergence de la première
phrase de l'article 26 du Traité Général de Paix et de

l'article 38 paragraphe 1du Statut de la Cour a pour

1 Le texte espagnol du Traité fait état de toute
autre autorité espagnole'"seglar O eclesiastica", c'est-à-
dire "laïque ou ecclésiastique". Une coquilles'est par
conséquent glissée dansla traduction françaisedu rai té,
qu'on trouve en annexe du mémoire hondurien,qui mentionne
"toute autre autorité espagnole, séculaire ou
ecclésiastique" (Mémoiredu Honduras, Annexes, vol. II,
Annexe 1V.1.55, p. 815).

/ 2 Les différentestraductions qui ontété faites de
cette disposition sont tout aussi significatives. La
traduction du Greffe de la Cour donne en effet le texte
suivant: "shall take as a basis the documents which were
iççued... during the colonial period,and which indicate the
jurisdictions or limits of territories or Settlements". La
---~~~~ion faite Dar la Partie adverse indiaue auant à elle:
"shall take as its basis the documents iss;ed..-.during the
colonial period which indicate the jurisdictions or
boundaries of territories or towns" (souligné par nous),
mémoire d'El Salvador,chap. 3.3; trad. fr., p. 12-13.conséquence que "le principe de l'uti possidetis juris est
la norme fondamentale ("the fundamental norm") servant de,

base à la délimitation de la frontière terrestre en
litigelu (souligné par nous). Et de cette prémisse, la

Partie adverse tire les conséquencessuivantes.

16. En premier lieu, la Partie adverse admet le "fait,
incontesté,.que sous le réqime colonial espaqnol, tous les

droits territoriaux étaient dévolus à la Couronne
d'~spa~ne~" (soulignépar nous). Dès lors les droits que les

particuliers ou les communautés pouvaient exercer sur telle
ou telle zone de terres "en étaient nécessairementdérivés3"

et "la Couronne d'Espagne pouvait discrétionnairement
modifier ces droits à tout moment dans le cadre de

l'exercice de sa souveraineté exclusivesur ses possessions
coloniales4."

17. En second lieu, la Partie adverse reconnaît que

"la date cruciale est celle à laquelle l'indépendance aété
effectivement réalisée5" (souligné par nous), c'est-à-dire,

en Amérique centrale, 1821. Ce qui signifie, pour le
Gouvernement d'El Salvador,que:

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; trad. fr.,
p. 13.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.7; trad. fr.,

p. 14.

3 ibid.

4 ibid.

5 ibid. "toute prétendue délimitation effectuéepar la
suite (à moins qu'elle n'ait été fondée sur des
titres délivréspar les autorités espagnoles avant
1821) est dénuée de valeur probante à l'encontre
de délimitations effectuéesavant la disparition
du régime colonial1. "

Et la Partie, adverse n'a pas manqué d'appuyer sa

démonstration sur le dictum de l'arrét précité du 22
décembre 1986 rendu en l'affaire du différend frontalier

entre le Burkina Faso et la République du Mali, aux termes
duquel le principe de l'uti possidetis est applicable au

nouvel Etat (en tant quVEtat):

"en l'état, c'est-à-dire à l'instantané du statut
territorial existant à ce moment-là. Le principe
de l'uti possidetis qèle le titre territorial; il
arrête la montre sans lui faire remonter le
temps2" (soulignépar nous).

18. Aussi bien la Partie adverse peut-elle conclure

- et c'est la troisième conséquence qu'elletire du principe
de l'uti possidetis juris - à:

"l'importance déterminante destitres officiels de
terrains communaux (en espagnol "titulos
ejidales") pour la délimitation de la frontière
terrestre entre El Salvador et le Honduras dans
les régions où elleest en litige3" (souligné par
nous) .

et 'plus précisément encore à "la valeur probante ("the

conclusive character") des 'titulos ejidale~'~" (souligné

1 Mémoire d' El Salvador, chap. 3.8; trad. fr.,
p. 14.

2 C.I.J. Recueil 1986, p. 568, par. 30.

3 Mémoire d' El Salvador, chap. 4.1; trad. fr.,
p. 16.

4 Mémoire d' El Salvador, chap. 4.14; trad. Er.,
p. 20.par nous). Pour la Partie adverse, ces titres de terres

constitueraient des moyensde preuve d'autant plus décisifs
dans le présent différend, pour déterminer les droits

territoriaux respectifs des deux Etats,et seraient d'autant
plus opposables au Honduras que la sentence arbitrale

rendue, le 23 janvier 1933, dans le différend frontalier
entre le Honduras et le Guatemala,s'y est constamment

référée et l'a fait jouer au bénéfice du Honduras, en
particulier dans le secteur compris entre le Cerro Oscuro et

le parallèle de Copan. Le Tribunal arbitral aen effet jugé
que:

"the land grants made prior to independence as
evidencing the extent of the recognised provincial
jurisdiction, it appears that the line of uti
possidetis of 1821 may be deemed to be established
from a point on the Copan River, West of the
village and ruins of Copan, at the western border
of the Potrero Grant, running thence along the
western limits of the Potrero grant to its
southern boundary; thence in a southeasterly
direction to and along the eastern limits of the
Tixiban grantl."

3. Conclusion

19. Le Gouvernement du Honduras partage, sousréserve
de quelques précisions, le point de vue de la Partie

adverse, tel qu'il vient d'être systématisé dans les
précédents développements. Il considère en effet, comme le

Gouvernement d'El Salvador, que le principe de l'e
possidetis juris de 1821 est la clé de voûte pour résoudre

le présent différend dans la zone de Tepangüisir avec les
trois conséquences quien découlent: 1.) la compétence de

1 R.S.A., vol. II, p. 1349: mémoire d'El Salvador,
chap. 4.16: trad. fr., p. 21.principe de la Couronne d'Espagne, pendant la période

coloniale, en matière d'attribution des droits territoriaux
et de délimitation des différentes entités constitutivesde

l'Empire espagnol en Amérique; 2.) la non-opposabilité aux
Parties au présent différend des délimitations effectuées

postérieurement à leur accession à l'indépendance en 1821,
leur statut territorial à cette date devant seul, à

l'exclusion de tout autre, être pris en compte et 3.) la
valeur probante, pour la détermination des frontières

actuelles entre le Honduras et El Salvador, des "titulos
ejidales", au moyen desquels les autorités espagnolesont

attribué jusqu'en 1821 des terres aux villages ou aux
communautés indigènes étant entendu, comme il sera précisé

plus loin (paragraphes 36-38 et paragraphes 45-48) que ces
titres de terres doivent être interprétés à la lumière des

règles de répartition des compétences en vigueur en droit
colonial espagnol et qu'en tout état de cause les limites

des terres et les limites desjuridictions provinciales ne
coïncident pas nécessairement.

Cet accord des Parties au présent différend sur le

principe de l'uti possidetis juris n'est cependant qu'un
accord apparent. Alors que le Honduras, conformémentau jeu

combiné de l'article 5 du Compromis du 24 mai 1986 et de
l'article 26 du Traité Général de Paixdu 30 octobre 1980,

applique le principe de l'uti possidetis juris avec toutes
ses conséquences à la zone de Tepangüisir, El Salvador ne

l'accepte qu'en apparence et il s'efforce avant tout d'en
minimiser la portée et de recourir le plus souvent possible

aux effectivités.B. LE DESACCORD DES PARTIES Sm LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE
DE L'UT1 POSSIDETIS JURIS DANS LA ZONE DE TEPANGÜISIR

1. Pour le Honduras, les titres l'emportent sur

les effectivités

20. Le principe de l'uti possidetis juris constitue la
norme de droit international applicable ma facie entre

les Parties au présent différend dans la zone de
Tepangüisir. Du point de vue du Honduras en effet, le

recours à ce principe général de droitse suffit à lui-mëme
et exclut tout recours aux effectivités pour déterminer le

tracé frontalier dans cette zone. Il ne saurait en être
autrement qu'en l'absence de titresjuridiques antérieurs à

1821 ou dans l'hypothèsede titres obscursou incomplets.

On ne peut interpréterautrement l'article26 du Traité
Général de Paix, aux termes duquel,il convient de le

rappeler une nouvellefois, la Commission mixte des limites,
et partant la Chambre, doit fonder ses travaux d'abord,

"sur les documents établis par la Couronne
d'Espagne ou toute autre autorité espagnole,
laïque ou ecclésiastique, durant 1'époque
coloniale, qui indiquent les ressorts ou les
limites de territoiresou de localités".

Par conséquent, ce n'est qu'à défaut, qu'à titre en quelque

sorte subsidiaire, qu"i1 sera également tenu compte", ainsi
que l'indique la seconde phrase de l'article26, "des autres

preuves, thèses et argumentations d'ordre juridique,
historique ou humain et de tout autre élément présentés par

les Parties et admissibles en droit international",c'est-à-
dire des effectivités. La hiérarchie des moyens de preuve

pour établir le tracé de la frontière dans les zonescontestées n'est donc pas douteuse: les titres prévalent;

les effectivités ne peuvent être utilisées qu'en seconde
ligne.

21. Cette interprétaion du droit particulier

applicable aux relations entrele Honduras et El Salvador
correspond d'ailleurs exactement aux principes généraux du

droit international concernantles relations entre titres et
effectivités dans les différends de ce genre. Ces principes

ont été systématisés"de façon très approfondie" - comme l'a
admis la Partie adverse elle-même1 - par la Chambre de la

Cour Internationalede Justice dans l'arrët qu'elle a rendu,
le 22 décembre 1986, dans l'affairedu différend frontalier

entre le Burkina Fasoet la République du Mali. La Chambre a
en effet indiqué "en termes généraux, la relation juridique

qui existe entre les 'effectivités' et les titres servant de
base à la mise en Œuvre du principe de l'uti possidetis2"
(souligné par nous) et elle a ainsi dégagé une

classification des situations qui comporte quatre
éventualités.

22. Suivant une première éventualité, ''le fait

correspond exactementau droit". Dès lors, dans ce cas, les
effectivités n'interviennent"en réalité que pour confirmer

l'exercice du droit né d'un titre juridique3";elles ne font
que corroborer le titre.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.12 et chap. 7.19;
trad. Pr.,p. 15 et 60.

2 C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63. Suivant une seconde éventualité,"le fait ne correspond
pas au droit". Le territoire contesté "est administré

effectivement par un Etat autre que celui qui possède le
titre juridique". Dans ce cas, les titres prévalent surles

effectivités;suivant la formule de la Chambre, "il y a lieu
de préférer le titulaire dutitre1."

Suivant une troisième éventualité, "l'effectivité ne

coexiste avec aucuntitre juridique".Dès lors, en l'absence
de titre, seules les effectivités peuvent ètre utilisées.

Comme le dit la Chambre, l'effectivité "doit inévitablement
être prise en compte2."

Enfin, dans une dernière éventualité, "le titre

juridique n'estpas de nature à faire apparaître de façon
précise l'étendue territoriale sur laquell il porte". Dans

cette hypothèse, dans laquelle le titre est obscur ou
imprécis, "les 'effectivités' peuventalors jouer un rôle

essentiel pour indiquer comment le titre est interprété dans
la pratique3."

23. Si l'on applique les règles ainsisystématisées à

la zone de Tepangüisir, il est inutilede prendre en compte
les effectivités.En.effet, comme le mémoire duHonduras l'a

1 ibid., p. 587, par. 63.

2 ibid.

3 ibid.établi1 et comme on le montrera à nouveau dans les présents

développements, les "titulos ejidales" délivrés avant 1821
par les autorités espagnoles, correctementinterprétés à la

lumièredes principes de répartition des compétences ratione
loci et ratione materiae en vigueur en Amériquecentrale

pendant la période coloniale, suffisent pour établir le
tracé de la ligne divisoire dans la plus grande partie de la

zone comprise entre le Cerro El Zapotal et le Cerro de
Montecristo. Si les effectivités ont un rôle à jouer, c'est

seulement dans le secteur non couvert par les "titulos
ejidales" précités, sur l'étendue desquels il conviendra de

revenir, c'est-à-dire en fait dans le secteur des "tierras
realengas" situé à l'Ouest du titre de Citala de 1776.

2. El Salvador, en revanche, priviléqie les effectivités

24. La position de la Partie adverse quant à la mise

en ceuvredu principe de l'uti possidetis juris 'de 1821 dans
la zone de Tepangüisirest toute différente et ne s'accorde

nullement avec ses affirmations répétées - mais en réalité
purement formelles - de soumission à ce principe.

D'une façon générale,,le mémoire d'ElSalvador consacre

d'importants développements aux effectivités,puisque son

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,
p. 293-316, par. 1-29.chapitre 7 leur est entièrement consacré1. Le Gouvernement

d'El Salvador prétend qu'il "possède traditionnellement et
indiscutablement les territoiresque le Honduras prétend
être les siens2" (soulignépar nous). Sans doute précise-t-

il que "cette possession" est "fondée sur des titres
historiques3", mais, oubliant aussitôt ce rappel du

principe, il souligne surtout lefait que "cette possession"
repose "sur des nécessités humaines vitales4" (souligné par

nous). Il développe l'idée que, dans les zones en litige, il
a "mis en Œuvre les moyens administratifset financiers de
1'Etat et de la société d'El salvador5" et créé les

différents services publics. Par ailleurs, excipant
d'arguments de nature sentimentale,il insiste longuement

sur la "nouvelle injustice historique"que représenterait
"pour ce petit Etat" la perte des zones litigieuses. Et le

mémoire d'El Salvador de conclure ces développements
significatifs dans les termessuivants:

"C'est la raison pour laquelle, en l'espèce,
compléter la doctrine de l'uti possidetis juris
par des arguments de caractèrehumain est un moyen
supplémentaire indispensable pour obtenir
justiceo."

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 7.1-7.22; trad. fr.,

p. 51-62.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.16; trad. fr.,
p. 58-59.

3 -bid.

4 -bid.

5 -bid.

6 ibid.
-En réalité, la Partie adverse ne "complète" pas, comme elle

le prétend, le principe général de droit qu'est l'-uti
possidetis juris, elle le vide de son contenu. ,

De surcroît, le mémoire d'El Salvador met l'accent sur

les "difficultés pratiques dues aux insuffisances de la
documentation espagnole relative à certains secteurs de la

frontière en litigel". Et il en conclut que, nonobstant la
première phrase de l'article 26 du Traité Général de Paix,

il convient de privilégier la seconde phrase de cette
disposition. La Partie adverse considèreen effet que:

"Dans cette phrase, la référence aux thèses et
argumentations d'ordrehumain est particulièrement
importante car elle implique la nécessité de tenir
compte de ce qu'il convient d'appeler la
géopolitique et la géo raphie humaine de certains
des secteurs en litige y.@*

C'est dire que' la conception des effectivitésainsi
mise en avant par El Salvador est particulièrementextensive

et que, si la Chambre devait suivre la Partie adverse sur ce
terrain, on aboutirait à éliminer tout recours aux titres

juridiques antérieurs à 1821, c'est-à-dire à faire
disparaître du présent différend le principe même de 1'-

possidetis juris.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.18; trad. fr.,
p. 59; chap. 3.10; trad. fr., p. 14.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 7.18; trad. Er.,
p. 60; chap. 3.11, trad. fr., p. 15. 25. La thèse qu'a développée la Partie adverse dans la

zone de Tepangüisir illustre exactement l'analyse
précédente. Non seulement elle tend à déformer, comme on le

verra plus loin, la portée du "titulo ejidal" de Citala de
1776 en ignorant, purement et simplement, le problème

fondamental de la répartition des compétences entre les
autorités coloniales espagnoles, mais en ramenant

constamment sa démontration, dans les développements que le
mémoire d'El Salvador a consacrés à cette zone1, sur le

terrain des effectivités.

La Partie adverse remarque ainsi que "Le secteur non
encore délimité (dans la zone de Tepangüisir)est habité et

cultivé depuis des temps immémoriaux par les habitants de
San Francisco Citala de la province coloniale espagnolede

San salvador2" et elle répète quelques pages plus loin: "El
Salvador a toujours exercé sa juridiction et sa souveraineté

sur cette zone3." A supposer que ces affirmations soient
exactes, elles seraient sans conséquence,puisqu'on se
trouverait dans le cas de figure, prévu par l'arrêt Burkina

Faso/République du Mali, dans lequel le territoire contesté
est "administré effectivement par un Etat autre que celui

qui possède le titre juridique":or, comme on l'a déjà dit,
dans une situation dece genre, il y a lieu "de préférer le

titulaire du titre4."

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.1-6.13; trad. fr.,
p. 24-28.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.3; trad. fr.,
p. 25.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.10; trad. fr.,

p. 27.

Supra. par. 22. 26. La Partie adverse considère également comme un
fait décisif la présence de la population indienne

d'ocotepeque à l'arpentage de 1776 et leur décision de se
retirer dans leur village après avoir déclaré qu'"il ne leur

était porte aucun préjudice car les terres en cause étaient
très éloignées des limites de leurs terresl." Et elle en

conclut que:

out au long de la période coloniale jusqu'à
l'indépendance et même après, aucun village
hondurien n'a contesté le fait que ces terres
étaient possession légitime des habitants de
citala2."

Or c'est là un argument dépourvude toute pertinence,
non seulement parce que El Salvador a tronqué le texte du

titre de Citala de 1776 et escamoté le problème fondamental
précité des compétences, mais aussi parce que des terres

peuvent avoir été attribuées aux habitants deCitala et

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.13; trad. fr.,
p. 19.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.3; trad. fr.,

p. 25On ne manquera pas de remarquer le caractère
contradictoire de cette affirmation avec les propos répétés
du mémoire d'El Salvador, suivantlesquels "les indiens
d'ocotepeque, dans la province du Honduras, ont voulu priver
de ses terrains communauxla population de Citala, dans la
province de San Salvador" (mémoired'El Salvador, chap. 6.4;
t.rad.fr., p. 25) et qu'ils "ont persistédans leurs actions
hostiles visant à s'approprier" les terres en question
(mémoire d'El Salvador,chap. 6.6; trad. fr.,p. 26). Dans
le même sens, la Partie adverse Fait état des "nombreux
incidents qui se sont produits, à propos des terrains
communaux, avec les habitants d'ocotepeque au Honduras"
(mémoire d'El Salvador, chap. 6.10; trad. fr.,p. 27).avoir toujours été cultivées par la population

indienne de ce village et en même temps relever de la
juridiction de la Province voisine de Gracias a Dios. En

développant une argumentation de ce genre, la Partie adverse
a ignoré une pratique courante et un principe général commun

aux différents systèmes juridiques, suivantlequel les
limites des juridictions et les limites des terres ne

coïncident pasnécessairement.

II. Le principe de la non-identitédes limites des
juridictions provincialeset des limites des terres

A. L'AFFIRMATIONDU PRINCIPE DE NON-IDENTITEPAR LE HONDURAS

27. Le second principe sur lequel repose la thèse du

Gouvernement du Honduras dans la zone de Tepangüisir - qui
vient compléter le principe de l'uti possidetis iuris de

-821 et en préciser la portée - est celui de la non-
identité, pendant l'époque coloniale, des limites des

juridictions des anciennes provincesou des anciennes
intendances et des limites des terres attribuées par les

autorités espagnoles compétentes à des communautésindigènes
ou à des villages. Pour le Honduras,par conséquent, il n'y
a pas similitude rigoureuse et coïncidence nécessaire des

unes et des autres: le tracé multilinéaire est une donnée
juridique constante.

28. La signification du principe de non-identité est

claire: titres de juridictions provincialesd'une part et
titres de terres d'autre part, s'ils correspondent

naturellement le plus souvent entre eux, ne correspondent
cependant pas nécessairement. Il peut y avoir des

différences dans la sphère d'application spatiale decesdeux types de titres. Plus précisément, ce n'est pas parce

que certaines terres, situées dans la juridiction d'une
province donnée, ont été attribuées,par les autorités

eçpagnoles compétentes, à une communauté indigèneou à un
village situés dans la juridiction d'une autre province

qu'il y a eu transfert de ces terres à cette autre province
et que les limites coloniales interprovinciales antérieures

- et partant les frontières des Etats sucesseurs après leur
accession à l'indépendance -s'en trouveraient pour autant

ipso facto, de plein droit, automatiquement modifiées.

29. Un tel principe se justifie aisément. Son
fondement repose en effet sur la primauté, la prééminence

logique des limites des provincessur les limites des terres
Non pas, bien entendu, que les limites interprovinciales

dans l'Empire colonial espagnol en Amérique, c'est-à-dire
les limites administratives des entités qui le composaient,

fussent intangibles. Elles pouvaient naturellement être
modifiées pour des motifs, parfaitement avouables, de bonne

gestion des territoires d'outre-mer. Mais ces limites
interprovinciales ne pouvaient pas être modififées dans

n'importe quelles conditionset notamment elles ne pouvaient
pas être modifiées à l'occasion de l'attribution des terres

à des communautés indigénes ou à des villages. Les
modifications des limites administratives coloniales

devaient obéir à certaines procéduresbien précises relevant
de la compétence de certaines autorités espagnoles bien

spécifiées.

30. Ce principe de non-identité des limites des
provinces et des limites des terres résultait de

l'organisation administrative des colonies espagnoles et de
l'ensemble des règles qui régissaient les activités desorganes institués.Elles se caractérisaientnotammentpar une
rigoureuse hiérarchisation à un double point de vue.

A un point de vue organique d'abord,au regard de la

compétence des autoritésen cause: la modification du tracé
des limites interprovinciales relevait de la seule

compétence de la Couronne espagnole,c'est-à-diredu pouvoir
central. à l'exclusiondes autorités provincialeslocales.

A un point de vue matériel ensuite, au regard de la

nature de l'acte: la modification du tracé des limites
interprovincialesimpliquait l'adoption d'une "Realcedula1"

ou encore d'une décisiondu "Consejo Supremo de 1ndiasWZ, à
l'exclusion de tout autre acte et notamment des diFférents

titres d'attributiondes terres, en particulier des "titulos
ejidales."

1 Une "Real Cedula" était un acte ou brevet, délivré
au nom du Roi d'Espagne. Ainsi une "Real cedula" pouvait-
elle conférer une dignité ou un bénéfice. Elle pouvait
également déterminer l'assise territoriale des
circonscriptions administratives coloniales et leurs
limites.

2 Le "Consejo Supremo deIndias" fut créé en 1528.
Il était à la fois un organe administratifet judiciaire,
mais aussi un organe consultatif, voire académique.Composé
de deux départements de gouvernement de 11 membres chacunet
d'un département de justice de 7 membres, il était doté de
compétences très diversifiées en matière de défense,
d'administration (nomination de hauts fonctionnaires,ar
exemple), de finances, de commerce, de navigation, mais
aussi pour tout ce qui touchait la politique coloniale, les
nouvelles découvertes, les missions ecclésiastiques etc. 31. C'est pourquoi le Gouvernement du Honduras, se

fondant sur ces principes de base du droit colonial
espagnol, soutient que la délivrance d'un titre de terres

située dans une province par les autorités d'une autre
province n'entraine pas le transfert de ces terres à cette

autre province. En d'autres termes, desterres situées dans
la juridiction d'une province donnée pouvaient appartenir à

une communauté indigène ou à un village relevant de la
juridiction d'une province voisine. Les terres qui

correspondent à la plus grande partie de la zone contestée
de Tepangüisir, telle qu'elle a été décrite précédemmentl,

relevaient, avant 1821, de la juridiction de la province de
Gracias a Dios (l'actuel Honduras), bien qu'elles aient été

attribuées par un "titulo ejidal" du 2 août 1776 à la
.communauté indigène deCitala, laquelle était située dansla

juridiction de la province de San Salvador (l'actuel El
Salvador). Ce titre de 1776 n'avait pas affecté le tracé

antérieur des limites entreces deux provinces.

Comme l'avait mis en évidence le mémoire du Honduras:

"selon la législation en vigueur en Amérique
centrale au XVIIIe siècle, il n'y avait pas
identité entre limites de terres et limites de
juridictions, car les terres de la montagne de
Tepangüisir qui se trouvaient dans la juridiction
de la province de Gracias a Dios furent
attribuées, pour la jouissance communale, (à une)
commune située dans la province de San salvador2.;'

1 ç,pra. par. 1-12.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII, p. 315,
par. 28. B. LA CONTESTATION DU PRINCIPE DE NON-IDENTITE PAR
EL SALVADOR

32. La Partie adverse adopte sur ce point une toute
autre position. Plus précisément, tout en partant d'une

prémisse indiscutable, elletire des conclusions inexactes.

En effet, dans les développements généraux que 'e
Gouvernement d'El Salvador consacre, dans son mémoire, aux

"titulos ejidales" et à leur force probante dans le présent
différendl, il rappelle justementque l'instruction royale

du 15 octobre 1754* avait déterminé la compétence de la
"Real Audiencia" de Guatemala - c'est-à-dire de la plus

haute instance judiciaire espagnoleen Amérique centrale -
et des "Jueces de Tierras" dans les diverses

circonscriptions territoriales comprises dans 1a
Capitainerie générale de Guatemala en matière de

distribution et de vente de terres domaniales de la Couronne
connues sous le nom de "tierras realengas". Ce même texte

avait également précisé les modalités de protection et
d'extension des "ejidos", attribués par la Couronne aux
communautés indigènes etaux villages.

De cette prémisse qui correspond à une analyse correcte

de l'instruction royale du 15 octobre 1754, la Partie
adverse a déduit, par une extrapolation hasardeuse, sans

apporter le moindre commencement de preuve et sans établir
le moindre lien entre les deux propositions,que:

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.12; trad. Er.,
p. 18-19.

2 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 11.13,p. 88. "les titres officiels de terrains communaux
J1'titulosejidales") sont des documents délivrés
par les autorités civiles espaqnoles durant l'ère
coloniale qui indiquent les ressorts ou les
limites de territoires ou de localités1" (souligné
par nous).

La Partie adverse, omettant ainsi unmaillon décisif dans la
chaîne du raisonnement, a commis une faute logique

caractérisée, une véritable pétition de principe,
puisqu'elle a tenu pour admise la proposition qu'il

s'agissait précisémentde démontrer.

33. La démonstration d'El Salvador est d'autant plus
significativeque, pour illustrer les règles générales qu'il

vient de dégager, de façon erronée, du décret royal du
15 octobre 1754 et pour montrer commentces procédures ont

été concrètement misesen Œuvre par la "Real Audiencia" de
Guatemala et par les "Jueces de Tierras" des districts qui

la composent, il a précisément choisi la zone de la Montagne
de ~e~angüisir~. Le mémoire d'El Salvador a rappelé la

pétition adressée, en février 1776, par la communauté
indienne de San Francisco Citala, aux autorités judiciaires
du District de Chalatenango de la Province de San Salvador,

pour que soit procédé à un arpentage de la Montagne de
Tepangüisir, afin d'étendre leurs "ejidos" devenus

insuffisants. Il a montré enfin comment, à l'issue de cette
procédure, le titre de 1776a attribué aux habitantsde

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.12: trad. fr.,
p. 19.

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 4.13; trad. fr.,
p. 19.Citala les terres de la Montagne de Tepangüisir:

"le président de la 'Real Audiencia' a donné ordre
au 'juez de tierras' délégué établi à
Chalatenango, de transmettre à la population
indigène de Citala la possession des terres visées
et le transfert fut régulièrement opéré le 2 août
1776l."

C. LE DEPAUT DE PERTINENCE DE LA THESE SALVAWRIENNE ET LA

REAFFIRMATION DU PRINCIPE DE NON-IDENTITE PAR LE HONDURAS

1. L'exposé de la thèse salvadoriennes'appuie sur
des documents incomplets

34. La Partie adverse, suivant unprocédé constamment

utilisé tout au long de son mémoire, a exposé de façon
incomplète, partielle et partiale, le dossier relatif au

"titulo ejidal" de Citali. Elle a omis de présenter, dans
les Annexes à son mémoire, l'ensemble des documents

archivistiques qui permettent de comprendre la genèse du
titre de 1776 et d'en avoir une vision complète. Elle s'est

en effet bornée à donner, dans l'Annexe 1 du chapitre 6 de
son mémoire2, un extrait en espagnol certifié par le

Directeur des Archives générales du Honduras, M. Antonio
Vallejo, et sa traduction en anglais. Ce texte, qu'on

trouve, traduit en français, dans les Annexes du mémoire
hondurien3, correspond au procès-verbal de l'inspection

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.13; trad. fr.,
p. 19.

2 Mémoire d'El Salvador, Annexes,p. 1-6.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.1.2, p. 1804-1807.effectuée sur le terrain, dansla zone de la Montagne de

Tepangüisir, le 18 mars 1776, et de l'arpentage qui a été
réalisé les 20 et 21 mars suivantspar le Juge.des Terres du

District salvadorien de Chalatenango, Don Lorenzo Jiménez
Rubio. Cette pièce, que le Gouvernement du Honduras ne

conteste naturellement pas, doit cependant,pour être
pleinement comprise, être replacée dans son contexte. Elle

ne peut être correctement interprétée qu'àla lumière des
différents documents, qui ont étépubliés dans les Annexes

du mémoire du Honduras et qui constituent l'ensemble du
dossier relatif au titre de Citala de 1776, depuis la
requête de la communauté indienne deSan Francisco Citala du

10 février 1776, jusqu'aux différentes mesures d'exécution
de la décision du Juge des Terres, la dernière en date du 9

juillet 1776~.

35. La Partie adverse a ainsi omis de tenir compte de
plusieurs pièces essentielles qui constituent autant

d'étapes dans le déroulement de la procédure qui a conduit à
la décision finale de Don Lorenzo Jiménez Rubio,par

laquelle les terresde la Montagne de Tepangüisir, si elles
ont été effectivement attribuéesau village de Citala, ont

été en même temps reconnues comme étant situées, non pas
dans la Province de San Salvador, mais dans la Province de

Gracias a Dios. Le mémoire du Honduras a publié et analysé

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1795-1813.ces pi,ècesl,mais il convient de rappeler les pièces les
plus significatives d'un dossier administratif beaucoup plus

complexe que ne le laisse croire la seule lecture du mémoire
d'El Salvador.

36. En premier lieu, il faut rappeler l'ordonnance,
par laquelle Don Lorenzo Jiménez Rubio, leJuge subdélégué

des terres du District de Chalatenango (Province deSan
Salvador), a statué sur la requête des Indiens de San

Francisco Citala tendant à obtenir la concession de
certaines terres de la Couronne ("tierras realengas"),

situées, en dehors des limites des "ejidos" qui leur avaient
été jusque là attribués, dans la zone de la Montagne de

Tepangüisir. Or, dans cette ordonnance, le Juge desTerres
s'est déclaré incompétent - d'une incompétence ratione

loci - pour statuer au fond, puisque précisément"les terres
litiqieuses se trouvent dans une autreprovince2" (souligné

par nous), à savoir la Province de Gracias a Dios. Pour que
son intervention dans cette Province voisine,en dehors de

la sphère spatiale normale deses activités, soit possible
et légale, il lui fallait obtenir une autorisation spéciale,

par laquelle il obtiendrait une extension de ses pouvoirs.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,
p. 313-314, par. 24-26.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1796. 37. En second lieu, il faut également rappeler

l'ordonnance du 20 février 1776, par laquelle Don Manuel
Antonio de Arredondo y Pelegrin, ~uge supérieur des terres,

de la "Real Audiencia" de Guatemala, a accepté la requëte
des habitants de Citala. Il a décidé que l'arpentage de la

zone de la Montagne de Tepangüisir serait effectué.par le
Juge subdélégué des terres du District de Chalatenango, Don

Lorenzo Jiménez Rubio, mais en soulignant bien qu'il
s'agissait là d'une mesure d'exception,qui ne remettait pas

en cause la répartition des compétences ratione loci des
deux juges des terres voisins, celui de Gracias aDios et

celui de Chalatenango. La décision du 20 février 1776
précise en effet que l'arpentage qu'effectuera, dans cette

zone de la Montagne de Tepangüisir, le Juge des Terres de
Chalatenango, soit notifié à .son homologue de Gracias a

Dios:

"...pour qu'il prenne connaissance du fait que ce
Tribunal Principal s'estintroduit dans le domaine
de sa compétence seulementpour l'affaire qui nous
occupe et que l'on n'y déroqe sous aucun
prétexteL" (soulignépar nous).

38. Ces deux ordonnances du Juge des Terres du
District de Chalatenangoet de son supérieur hiérarchique,

le Juge des Terres de la "Real Audiencia" de Guatemala, que
la Partie adverse ignore dans sa présentation du dossier

relatif au titre de Citala de 1776, sont donc décisives pour
interpréter correctement ce titre de terres et donner toute

sa dimension juridique au présent différend entre le
Honduras et El Salvador dans la zone de Tepangüisir.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.1.2, p. 1798. Sans qu'il soit utile de préciser si ces deux juges
sont intervenus à titre juridictionnel ou à titre

administratif, les deux décisions qu'ils ont ainsi adoptées
montrent bien qu'au cŒur de ce chapitre du contentieux entre

les deux pays se trouve un problème de compétence des
autorités provinciales coloniales espagnoles, l'incompétence

constituant, dans tous les systèmes juridiques, levice
majeur des actes administratifs et des actes

juridictionnels, l'incompétenceratione loci en constituant
l'une des formes toujours sanctionnéeavec une particulière

vigilance. Une autorité juridictionnellecomme une autorité
administrative, qu'elle soit centralisée ou décentralisée,

ne peut intervenir que dans les limites de ses pouvoirs:
elle a un pouvoir de statuer dans un périmètre donné; elle

est sans aucun pouvoir pour statuer en dehors de ce
périmètre.

Les deux ordonnances précitées montrent bien qu'il

n'appartenaitpas au Juge subdélégué des Terresdu District
de Chalatenango (Provincede San Salvador) d'exercer ses

pouvoirs prévus par la législation espagnole en matière
d'arpentage en vue de délivrer un "ejido" aux habitants de

Citala dans la zone de la Montagne de Tepangüisir. Son
intervention en dehors des limites normalesde ses pouvoirs

avait un caractère tout à fait exceptionnel, qui se
justifiait par des préoccupations de bonne administration,

c'est-à-dire tout simplement par des raisons d'économie pour
les habitants de citalal. Le Juge supérieur de la "Real

1 Si les' habitants de Citala se sont adressés au
Juge des Terres de Chalatenango et non pas à celui,
normalement compétent, de Gracias a Dios, ce n'est pas parce
qu'ils doutaient de l'appartenance des "tierras realengas"
de la Montagne de Tepangüisir à la Province voisine, mais
pour des raisons évidentes d'économie. Pour justifierle
bien fondé du choix du destinataire de leur requête, ils
avaient précisément fait valoir l'éloignement "de l'autre
juge, celui de Gracias a Dios" et l'accroissementdes frais
qui en aurait résulté pour eux s'il avait procédé à
l'arpentage dans la zone de la Montagne de Tepangüisir
(mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe IX.1.2, p.
1796, in fine).Audiencia" de Guatemala a d'ailleursrésolu le problème de

compétence interprovincialeen prévoyant une procédure de
concertation entre les deux Juges subdélégués des Terres,

celui de Chalatenango et celui de' Gracias a Dios et en
insistant sur l'idée qu'une dérogation de ce genre ne
saurait se renouveler. On ne peut donc l'interpréter

autrement que de façon stricte et on ne peut lui
reconnaître, comme lefait la Partie adverse,la valeur d'un

transfert administratif de la propriété ou de l'affectation
des terres de la Montagne de Tepangüisir du District

dlOcotepeque (Province de Gracias a Dios) au District de
Chalatenango (Province de San Salvador).

Ainsi se trouvait clairement affirméela compétence de

principe du Juge des Terres de la Province de Gracias a Dios
pour statuer - en dehors de cette mission particulière qui

était confiée, à titre exceptionnel, au Juge des Terres de
la province voisine - dans la zone de la Montagne de

Tepangüisir. En d'autres termes, les ordonnances précitées
proclamaient, sans ambigüité possible, en la confirmant,

l'appartenance du nouvel "ejido" délivré aux habitants de
Citala à la juridiction de la Province de Gracias a Dios.

2. La thèse salvadorienne reposesur un postulat inexact

39. La Partie adverse conclut les développements

qu'elle a consacrés, dans le chapitre 4 de son mémoire, aux
"titulos ejidales" en général et à l'illustrationqu'elle en
donne avec la zone de la Montagne de Tepangüisir,dans les

termes suivants:

"On comprend qu'un titre obtenu en conformité avec
toutes ces qaranties de procédure constitue une
preuve déterminante ("conclusive evidence") suant aux droits territoriaux de 1'Etat dont fait partie
le villaqe considéré - en l'occurence CitalaLw
(soulignépar nous).

Une telle conclusion est singulière et le Gouvernement
du Honduras voit mal la logique qui préside à la

démonstration salvadorienne.En effet, on ne comprend pas
comment la Partie adverse peut y parvenir sur la base du

seul document figurantdans les Annexes de son mémoire et
correspondant à l'inspection sur le terrain ("la vista de

ojos") et à l'arpentage (''lamedida") du "terreno Realengo"
appelé Montagne de Tepangüisir, effectué, les20 et 21 mars

1776, par le Juge des Terres du District de Chalatenango,
Don Lorenzo Jiménez Rubio, accompagné d'un arpenteur, d'un

tir,eurde corde et des représentants des villages de Citala
et dlOcotepeque. Il s'agit seulement d'un procès-verbal

donnant une description des limiteset de l'abornement des
"tierras realengas" qui deviendront, lorsque la procédure

sera achevée, le nouvel "ejido" de Citala.

40. Une telle conclusion du mémoire d'El Salvador est
d'autant plus surprenanteque, si l'on ne s'en tient pas, à

l'instar de la Partie adverse, à une présentation tronquée
des pièces et si l'on analyse l'ensembledes documents qui

ont abouti à la délivrance de l'"ejidoM de 1776, force est
de constater, commeon l'a déjà souligné précédemment,

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.14; trad. fr.,
p. 20).qu'une telle procédure a été exécutée par le Juge des Terres

du District de Chalatenango dans la juridiction d'une
province autre que celle ou il exerce normalement ses

pouvoirs et qu'en tout état de cause les Juges des Terres
sont incompétents pour modifier les limites
i,nterprovinciales.Cette décision ne pouvait pas être prise,

pendant la période coloniale, par les autorités locales,
mais seulement par l'administration centrale dela Couronne

espagnole, par une "Real Cedula" ou par une mesure du
"Consejo Supremo de ~ndiasl." L'arpentage effectué les 20 et

21 mars 1776 par Don Lorenzo Jiménez Rubioet l'attribution
de la Montagne de Tepangüisir aux habitants de Citala qui en

a résulté n'ont pu avoir pour conséquence d'en transférer
l'administration ipso facto dela Province de Gracias a Dios

à la Province de San Salvador.

Affirmer, comme le fait le mémoire d'El Salvador,que:

"Vu qu'il n'est pas contesté que le village de
Citala appartenait à la Province de San Salvador,
et qu'un titre officiel de terrains communaux sur
la Montagne de Tepangüisir a été accordé à ce
village, l'autorité administrative sur cette
montaqne a nécessairement été elle aussi attribuée
à la province dont relevait le villaqe détenant ce
-itre - en l'occurence. la Province de San
Salvador. Les terrains communaux constituent en
effet une institutionpolitique qui appartient non
seulement au villaqe auquel ils sont rattachés
mais aussi à la province dont le villaqe fait
partieL" (soulignépar nous)

1 Supra., par. 30.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. Er.,
p. 27.correspond non seulement à un raisonnement qui consiste à
supposer vrai ce qui est en question, mais encore à une

affirmation dépourvue detout fondement juridique.

3. La thèse salvadorienne est dépourvue de tout
fondement juridique

41. Le Gouvernement du Honduras ne conteste pas que le

village de Citala appartenait, pendant la période coloniale,
à la province de San Salvador. Il ne conteste pas davantage

qu'un titre de terres a été délivré en 1776 dans la zone de
la Montagne de Tepangüisir à ce même village de Citala. Mais

il soutient que l'attribution de ces terres situées dans la
province de Gracias a Dios à un village de la province de

San Salvador n'a pas eu pour effet de les transférer
automatiquement à cette dernière province. S'il en était

autrement, si la délivrance d'un "ejido" rattachait de plein
droit les terres concernées, mëme si elles se trouvaient

dans une autre province, à la province dont le villagefait
partie, cela voudrait dire que la limite des juridictions

provinciales devait nécessairementcorrespondre, pendant la
période coloniale, à la limite des terres. Plus

généralement, cela voudrait dire qu'une limite
administrative ou internationale - entre deux entités

territoriales de même nature - relevant de la mëme
souveraineté ou de deux souverainetés différentesne saurait

être qu'unique, c'est-à-dire, end'autres termes, qu'elle ne
pourrait faire l'objet d'aucun fractionnement. Or la

pratique et le droit, dans l'ordre interne comme dans
l'ordre international,montrent à l'évidence qu'il n'en est

rien: une entité territoriale donnée peut posséder des
terres au-delà des limites de sa juridiction. Comme on l'a

déjà relevé, le tracé multilinéaire est admis dans tous les
systèmes juridiques. a) La non-identité des limites administratives etdes

limites de terres

42. Le droit administratif interne, dans les Etats
unitaires comme dans les Etats fédéraux, connaît

d'innombrables exemples montrant qu'une collectivité
territoriale peut posséder des terres en dehors de ses

limites légales.

Ainsi, en droit français, s'agissant d'un Etat à
structure unitaire, il est fréquent que les collectivités

territoriales soient propriétaires de biens immobiliers
(terrains ou autres) situés en dehors des limites de leur

juridiction.La doctrine est unanimesur ce point:

"Une commune peut acquérir la propriété d'un
immeuble se trouvant sur le territoire d'une autre
commune. Une commune peut posséder un domaine
privé et même un domaine public sur le territoire
d'une autre commune1."

En effet, la législation régissant les appropriations
des collectivités territoriales commela jurisprudence du

Conseil d'Etat montrent bien que, dans l'hypothése où une
collectivité de ce genre se porte acquéreur de terrains

situés sur le territoire d'une autre collectivité de même
nature, elle est soumise pour cet acte particulier à la

1 L. Imbert, Les
structures communales et
infracommunales, Jurisclasseur administratif, fascicule
125.1, Paris, 1987, p. 6, par. 55; Cf. J.M. Auby, Note sous
Conseil dlEtat, 6 mars 1981, Association de défense des
habitant- du auartier de Chèvre-Morte. Revue du Droit uublic
et de la science politique en France'et à l'étranger,A1981,juridiction localement applicable. En d'autres termes, les
compétences relatives à la délimitation du terrain, à la

passation ou à l'authentification de l'acte, sont
déterminées, du point de vue des règles de compétence

territoriale, par le droit applicable à la commune du lieu
d'implantation du terrain en question. D'où l'on peut

déduire que lorsqu'une collectivité localeest soumise, pour
la passation d'un acte depropriété ou de jouissance, à une

juridiction autre que celle qui territorialement s'applique
à cette collectivité, c'est que le terrain en cause est

situe en dehors du territoire de celle-ci1.

De même, en droit suisse, s'agissant par conséquent
d'un Etat à structure fédérale, il est fréquent que les

cantons soient propriétairesde biens immobiliers (terrains
ou autres), voire possèdentdes enclaves, en dehors des

limites de leur juridiction, sur le territoire d'un canton
voisin. Il existe même, dans les rapports intercantonaux,

des mécanismes qui ne vont pas sans rappeler ceux utilisés
lors de la délivrance du "titulo ejidal" de 1776 relatif à

la Montagne de Tepangüisir: en effet un canton peut
autoriser, par une convention, un autre canton à exercer sur

1 On aboutit à des conclusions similairesen droit
musulman. Ainsi au Maroc, où la question des terres
collectives appartenant à certaines ethnies du Sud de
l'Atlas est particulièrement aigüe, le découpage
administratif et le découpage foncier ne coïncident pas.son territoire certaines compétences administratives et il

va de soi qu'une convention de ce genre n'entraîne aucune
modification des limites territoriales des cantons

concernés1.

On pourrait multiplieraisément les exempleset dégager
de cette pratique commune un véritable principe générad le

droit commun aux différents systèmes juridiques. On se
bornera seulement à l'illustrer par deux précédents, l'un de

droit colonial espagnol, l'autrede droit colonial français,
qui ont été pris en compte devant des juridictions

internationales.

i) La non-identité des limites administratives etdes
limites de terres en Amérique espaqnole

43. Le droit colonial espagnol applicable en Amérique,
et notamment en Amérique centrale,n'a jamais connu de règle

prescrivant de façon impérative une rigoureuse coïncidence
entre les limites de Provinceset les limites de terres. De

surcroît, dans la législation des Indes, les autorités
centrales espagnoles, commeon l'a déjà souligné2, étaient

seules compétentes pour déterminer, et par conséquent pour
modifier, les limites provinciales, à l'exclusion des

autorités locales. Un simple "titulo ejidal" attribuant des

1 Voir B. Knapp, Précis de droit administratif,
Bâle, Helbing et Lichtenhahn, 2e éd. 1982, p. 32, par. 124.

Supra., par. 30.terres situées dans une province à un village situédans une
autre province ne pouvait transférer.les terres en question

à cette autre province etrectifier de la sorte les limites
interprovinciales, sinon leJuge des Terres qui l'aurait

prescrit dans le titre ainsi délivré aurait commisun
véritable excès depouvoir.

44. Le mémoire d'El Salvador consacre d'importants

développements à la notion dl"ejido" en droit espagnol
métropolitain et à son adaptation aux possessions espagnoles

dt~mériquel. Le Gouvernement du Honduras accepte la
présentation généraleque la Partie adverse a ainsi donnée

de cette institution, de sa nature juridique de biens
domaniaux ne pouvant faire l'objet d'appropriation privée,

ainsi que de son régime juridiquequi a été modifié pour
tenir compte des réalités sociologiques et économiques que

les colonisateurs espagnols ontrencontrées sur le continent
américain, notamment des problèmes liés à l'agriculture

collective des communautésindiennes. Il partage également
le point de vue d'El Salvador lorsque ce dernier analyse les

différents contrôles, administratifs et judiciaires,
auxquels est soumise l'extension des "ejidos" par

l'intrégration, à la suite d'arpentages effectuéspar les
Juges des Terres, de "tierras realengas".

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 4.2-4.13; trad. fr.,
p. 16-19. 45. Mais le Gouvernement du Honduras ne peut, en

revanche, accepter les conséquencesque la Partie adverse
tire de cette analyse, au demeurant exacte, de la

législation coloniale en la matière. En particulier, il
rejette l'idée constamment avancée dans le mémoire d'El

Salvador, suivant laquelle les "titulos ejidales"
constitueraient de plein droitla preuve déterminante des

limites des cir~onç'cri~tionsadministratives considéréeset
partant des droits territoriaux de 1'Etat dont fait partie

la circonscription en question. Cette idée est en effet
contraire à la législation des Indes et à sa pratique.

46. Le Gouvernement d'El Salvador essaie de trouver

une justification à ses assertions dans la sentence
arbitrale rendue le 23 janvier 1933 dans l'affaire des

frontières entre le Honduraset le Guatemala. Il s'appuie en
particulier sur un passage de cette décision qui, après

avoir décrit la procédure suivie pendant la période
coloniale en matière d'attribution de terres à des

particuliers, conclut:

"...it is difficult to see what procedure could
have afforded more ample opportunity for examining
and determining questions of territorial
jurisdictionl."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.15; trad. fr.,
p. 20; R.S.A., vol. II, p. 1345. ès lors, pour la Partie adverse, s'il en est ainsi de
la concession .de terres à de simples particuliers, a
fortiori en est-il de même de la délivrance des "ejidos" aux

villages, comme en a d'ailleurs décidé la sentence précitée
du 23 janvier 1933 dans le secteur compris entre le Cerro

Oscuro et le parallèle de Copan, le "titulo ejidal" du
village indien de Pueblo Nuevo - octroyé par les autorités

de Comayagua - ayant permis de fixer la ligne de l'u
possidetis juris de 1821 au bénefice du ~ondurasl. Dès lors,

du point de vue de la Partie adverse, le Honduras - ayant
invoqué, dans le différend qui l'a opposéau Guatemala, "des

'titulosejidales' comme base déterminante de délimitation
de la frontière et... a fait triompher ses prétentions sur

ce fondement pour ce qui concerne Pueblo Nuevo" - "ne peut
donc légitimement nier la pertinence et la valeur probante

des ' titulos ejidales ' invoqués par El salvador2;" Le
Gouvernement du Honduras considère que c'est à tort que la

Partie adverse s'appuie sur cette sentence du 23 janvier
1933 car les deux situations - celle qui s'est présentée

dans le différend Honduras-Guatemala à propos du "titulo
ejidal" de Pueblo Nuevo (Intendance deComayagua) et celle

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.16; trad. fr.,

p. 21; R.S.A., vol. II, p. 1348.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.18; trad. fr.,
p. 21-22.qui se présente dans le différend Honduras-El Salvador à
propos du "titulo ejidal" de Cita12 (Province de San

Salvador) - sont absolumentdifférentes.

47. Le premier cas de figure, dans la zone comprise
entre le Cerro Oscuroet le parallèle de Copan,aux confins

contestés du Honduras et du Guatemala, correspondait à la
procédure de droit commun d'octroi de titres de terres,

comme le montre bien le texte intégralde la partie de la
sentence arbitrale de 1933 consacrée à ce segment de la

frontièrel. Le Tribunal arbitral, aprèsavoir procédé à un
examen des différents titresde terres délivrés dans cette

zone avant 1821, a écarté les thèses respectives des
Parties, considérantque les arpentages de certainsde ces

"ejidos" permettaient de conclure à leur rattachement à la
Province de Chiquimula (Guatemala) alors que les arpentages

d'autres "ejidos" permettaient de conclure à leur
rattachement à la Province de Gracias aDios (Honduras).

Or, que peut-on.induire de cette partie de la sentence
arbitrale du 23 janvier 1933 ? On ne peut en dégager que les

deux données de fait suivantes. Il apparaît d'abord que le
titre de 1737 relatif aux terres de Potrero, situées dansla

vallée de ~opdn, avait été approuvé par les autorités
supérieuresde Guatemala:

1 R.S.A., vol. II, p. 1347-1349; contre-mémoiredu
Honduras, Annexe111.1, p. 129. "the officers of the Royal.Treasury reciting in
their receipt that thelands had been measured in
the jurisdiction of Gracias a ~iosl."

Il apparaît par ailleurs que les habitants du village

indien de Pueblo Nuevo ont déposé,en 1817, une pétition
auprès des autorités compétentes de la province de Comayagua

pour que leur soient attribuées les terres situées à l'Est
et au Sud-Est de 1'"ejido" Tixiban et le Juge supérieur des

Terres de Guatemala a ordonnéau Gouverneur de Cornayagua que
soit demandé au géomètre du District de "measureand delirnit

a league of the best lands" à l'usage des indiens2 .l n'est
pas surprenant, dans ces conditions, que le Tribunal

arbitral se soit référé à ces titres de terres délivrés
avant 1821 pour déterminer l'assise territoriale de la

province de Comayagua car, dans ce dossier, il n'y avait eu
aucune interférence des autorités de la province voisine de

Chiquimula: ces titres de terres n'avaient été délivrés
qu'après l'intervention des seules autoritéd se la province

de Comayagua, sous le controle des autorités supérieures de
~uatemala3. Ils n'ont procédé à aucun transfert

administratifde ces terres à la province de Chiquimula.On

1 R.S.A., vol. II, p. 1348.

2 ibid., p. 1348.

3 Voir F.C. Fisher, The Arbitration of the
Guatemalan-Honduran BoundaryDispute, American Journal of
International Law1933, vol. 27, p. 423-424.ne peut donc conclure, commele fait la Partie adverse,que

la sentence arbitrale de 1933 constitueun précédent
pertinent pour démontrer qu'untitre de terres peut modifier

des limites interprovinciales préexistantes.

48. Tout autre est la situation dans le présent
différend, en ce qui concerne les conditionsd'octroi du

"titulo ejidal" de Citala de 1776. Ce n'est pas eneffet la
procédure de droit commun qui a été appliquée,ainsi qu'elle

est décrite dans la sentence arbitrale de 1933pour le
segment de la frontière reliant le Cerro Oscuro et le

parallèle de Copanet reprise dans le mémoire d'El Salvador.
On se trouve dans un tout autre cas de figure, correspondant

à une hypothèse exceptionnelle.

Le titre délivré à Citala en 1776 n'indique pas que la
Montagne de Tepangüisir se trouve dans la province de San

Salvador, à l'instar du titre de 1737 qui précise
expressément, comme le rappelle la sentence arbitrale de

1933, que les terres de Potrero sont situées dansla
province de Gracias a Dios. Il faut répéter unefois encore

que c'est à titre exceptionnel et à la suite d'une
autorisation expressede l'instance supérieureque le Juge

des Terres du District de Chalatenango (province de San
Salvador) a pu procéder à l'arpentageet à l'abornementdans

la province voisine de Gracias aDios et qu'en tout état de
cause il avait l'obligation d'informer son homologue de la

province de Gracias a Dios qu'il avait effectué un arpentage
des terres de la Montagne de Tepangüisir situées dans la

sphère de compétence de ce dernier. Cette autorisationque
donne l'ordonnance en date du 20 février 1776 du Juge

supérieur des Terres de la "Real Audiencia" de Guatemala a
purgé de son vice, a légalisé une procédure quiaurait été caractérisée, sans cette intervention expresse du
supérieur hiérarchique du Juge des Terres du District de

Chalatenango, par un excès de pouvoir pour incompétence
ratione loci, puisqu'une autorité aurait prisune décision
hors du ressort géographique qui lui était attribué. C'est

dire que la sentence arbitrale du 23 janvier 1933 est
excipée à tort par El Salvador pour prétendre que les titres

de terres fixent les frontières provinciales et partant, que
les limites des terres doivent obligatoirement coïncider

avec les limites administratives. Cette analysepeut
d'ailleurs ëtre confirméepar de multiples exemples qu'offre

le droit colonial comparé. On se bornera à en donner une
illustration, avec l'affaire constamment invoquéepar la

Partie adverse, Burkina Faso/Républiquedu Mali.

ii) La non-identité des limites administrativeset des
limites de terres en Afrique: l'exemple Burkina

Faso/Républiquedu Mali

49. Une question similaire à celle soulevée par El
Salvador dans la zone de Tepangüisir se trouve dans le

différend frontalier déjà cité qui a opposé, devant une
Chambre de la Cour, le Burkina Faso et la République du

Mali. Les Parties étaient en effet en désaccord sur le sens
qu'il convenait de donner au concept de "village", car les
textes réglementaires, dont l'objet était de déterminer les

limites des circonscriptions administratives des colonies
françaises en Afrique occidentale, se contentaient, en

général, d'énoncer la liste des villages composant la
circonscription considérée, qu'il s'agisse d'un canton ou

d'un cercle. Or la difficulté tenait au fait que, dans la
zone contestée entre les deux Etats successeurs, les

habitants des villages cultivent fréquemment "des terrainsassez éloignés de ces'villages, parfois séparésde ceux-ci

par des terres incultes ou incultivables et... s'installent
dans des 'hameaux de culture' dépendant d'un village

principall." Des lors, la Chambre a dû décider, pour
procéder à la détermination du tracé frontalierdans cette

région, si les "hameaux de culture" font partie ou non des
villages dont ils dépendent, comme, dansla présente

affaire, la Chambre doit décider, pour procéder à la
délimitation dans la zone de Tepangüisir, si l'"ejidon de

1776 fait partieou non du village de Citala.

50. Pour la République du Mali, il convenait de tenir
compte, pour définir les villages, des activités agricoles

des "hameaux de culture" et elle revendiquait "les terres
relevant administrativement desvillages maliens2." Pourle

Burkina 'Faso,au contraire, il était impossiblede prendre
en considération les activités de culture d'autant que des

distances considérablespouvaient séparer les villages des
"hameaux de culture" qui en dépendent en raisonde la

pauvreté de la terre et des modes de culture qui en
résultent. Il soutenait par conséquent, comme le soutient

dans le présent différend le Honduras à propos des "ejidos",
qu'"une utilisation trop extensive dela notion de hameaux

de culture à des fins de délimitation peut avoir des
conséquencesnéfastes3."

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 615, par. 114.

2 C.I.J. Recueil 1986,p. 616, par. 115.

3 ibid. 51. La Chambre, dans l'arrêt qu'elle a rendu le 22
décembre 1986 danscette affaire, a nettement rejetésur ce

point la thèse de la République du Mali et accepté le point
de vue du Burkina Faso, dans des termes qu'il convient de

citer car ils peuvent être transposés, presquemot pour mot,
au présent différend:

"Dans le système colonial le village apu, à
certaines fins administratives, comprendre tous
les terrains qui en dépendaient, mais la Chambre
est loin d'être convaincueque, lorsqu'un village
constituait un élément servant à définir la
composition - et partant l'extension
géographique - d'une entité administrativeplus
large, les hameaux de culture aient toujours dû
être pris en considération pour le tracé de la
limité de cette entité. E; effet, à l'époque
coloniale, le fait que les habitants d'un villaqe
se trouvant dans~une colonie française aillent
cultiver des terres çituées sur le territoire
d'une colonie française voisine,et à plus forte
raison çur celui d'unautre cercle relevant de la
même colonie, n'était nullement en contradiction
avec la notion de limitebien déterminée entre les
diverses colonies ou cercles. C'est de cette
situation que les Parties ont héritéau moment de
leur accession à l'indépendance et c'est la
frontière, telle qu'elle existait à ce moment-là,
que la Chambre est appelée à identifier1"
(soulignépar nous).

Mëme çi la Chambre a refusé, prudemment, de

systématiser à l'excès cette distinction faite entre"le
village considéré en tant qu'entité territoriale et les

terrains de culture quien dépendent*"et justementadmis

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 616-617, par. 116.

2 M. p. 617, par. 117.que "Tout est, dans ce domaine, question de circonstance1",

il n'en demeure pas moins qu'ellea jugé n'avoir pas été
chargée par les Parties "de régler le sort des droits

fonciers ou autres" qui s'exerçaient,de part et d'autre de
la limite séparant, à la veille de leur accession à

l'indépendance, les deux entités préexistantes.Dès lors, de
son point de vue:

"Si de tels droits (fonciersou autres) étaient
sans effets sur l'emplacement de cette limite
jséparant les deux colonies préexistantes), ils
n'affectent pas non plus le tracé de la
frontièrewL (soulignépar nous).

52. Le Gouvernement du Honduras soutient qu'ilen va
de même dans le présent différend dans la zone de la

Montagne de Tepangüisir.Le fait que les habitants deCitala
se trouvant dans la province de San Salvador aillent

cultiver des terres dans la zone précitée, situéesur le
territoire de la province voisine de Gracias a Dios, ne

contredit pas l'existenced'une limite bien définie entre
les deux provinces. En d'autres termes, les terres

attribuées au village de Citala n'ont pas à être prises en
considération pour le tracé de la limite entre ces

provinces: l'exercice des droits fonciers ne l'affecte pas.
Il n'y a pas identité nécessaireentre la limite des terres

et la limite des juridictionsdes provinces.

C.I.J. Recueil 1986,p. 617, par. 117.

2 -bid. p. 617, par. 116. Q La non-identité des limites internationales etdes
limites de terres

53. Le droit administratif commele droit colonial

comparés apportent donc la preuve de l'existence d'une
pratique courante ek d'un véritable principe général de

droit commun aux différents systèmes juridiques, suivant
lesquels les limites .administratives et les limites

foncières ne coïncident pas nécessairement: l'unet l'autre
montrent par conséquent que la thèse de la Partie adverse

est dépourvue de fondement. La pratique des Etats dans
l'ordre internationalinfirme à son tour l'analyse présentée

dans le mémoire d'El Salvador, qu'onse situe au plan des
droits fonciers des particuliers,au plan des droits

patrimoniaux des collectivités publiquesou mëme au plan de
l'exercice des compétences étatiques. A tous ces niveaux, on

retrouve le phénomène du tracé multilinéaire.

i) La dissociationdes limites de souverainetéet des
limites foncièresdes particuliers

54. La pratique internationale n'ignore pas les

situations de ce genre. Elles sont cependanttrès rares, car
les "faiseurs de frontières"doivent s'adapter, lorsqu'ils

procèdent à la concrétisation de la ligne divisoire sur le
terrain, aux conditions propresdu milieu où ils opèrent et

éviter les inconvénients qui en résulteraient pour les
populations locales. Comme l'a souligné le Professeur Paul

de Lapradelle,une frontière:

"doit respecter dans la mesure du possible les
groupements qu'elle rencontre et éviter de les
sectionner, qu'il s'agisse d'agglomérations ou
d'unités économiques, agricoles et
industrielles1."

1 La frontière. Etudede droit international, Paris,
Les éditions internationales, 1928, p. 93-94.Et c'est pourquoi, au nom de principes comme celui du
respect des conditions locales d'exploitation, les

conventions frontalièresreconnaissent très fréquemment aux
Commissions de délimitation - et sous la condition d'êtrede

faible importance et de respecter certains principes, comme
le principe de compensation équitable- le pouvoir de

modifier le tracé de la ligne-type qui est prévu dans la
convention et de procéder à certains ajustements. Ainsi,

pour ne citer qu'un exemple parmi beaucoup d'autres,
l'article 9 du Protocole de paix.,d'amitié et de limites
signé, le 29 janvier 1942, à Rio de Janeiro entre 1'Equateur

et le Pérou dispose-t-il que:

"The parties may, however, whenthe line is being
laid out on the ground, grant such reciprocal
concessions as they may consider advisable in
order to adjust the aforesaid line to geographical
realitiesl."

55. Il existe cependant certains casoù il n'est pas
tenu compte des intérêts fonciers des particuliers lorsde
l'établissement de la frontière. En d'autres termes, les

limites foncières, les limites cadastrales - les limiteS.que

1 William L. Krieg, Ecuadorean-Peruvian Rivalry in -
the Upper Amazon. A Study prepared for the Department of
State under its External Program, 1980, Appendix 1.Jones appelle les "property linesl'l - ne coïncident pas

nécessairementavec les limitesinternationales.

Une parfaite illustration de cette situation
particulière est donnée par le principe V qu'ont adopté, le

16 octobre 1937 (Procès-verbal XV), les membres de la
Commission mixte de délimitation de la frontière entre El

Salvador et le Guatemala, aux termes duquel:

"Lorsqu'une propriété se trouvera située sur les
deux territoires nationaux,la frontière ne sera
pas tracée au préjudice du pays voisin, mais
continuera à diviser la propriété, qui
appartiendra ainsi aux deux juridictions~"
(soulignépar nous).

La Partie adverse est par conséquent mal fondée à nier
la possibilité de dissocier les limites de souverainetéet
les limites foncières. Elle le peut moins encore en ce qui

concerne la dissociation des limites de souveraineté et des
limites patrimoniales des collectivités publiques car cette

situation, à la différence de la précédente, est communément
reconnue dans la pratique des Etats.

1, Boundary Making, A Handbook for Statesmen, Treaty
Editors and Boundary Commissioners, Washington, Carnegie
Endowment for InternationalPeace, 1945, p. 9.

2 Annexe au Traité de délimitation de la frontière
entre le Guatemala et El Salvador, signé le 9 avril 1938,
S.D.N. Recueil des Traités, vol. 189, p. 302: contre-mémoire
du Honduras, Annexe 111.3, p. 144. ii) La dissociationdes limites de souverainetéet des

limites patrimonialesdes collectivités publiques

56. Il est fréquent que des collectivités publiques
- le plus souvent, des collectivités locales d'uEtat

donné, voire 1'Etat lui-même - soient propriétairesde biens
fonciers (terres, pâturages, forêts, minese ,tc.) situés sur

le territoire d'un Etat voisin1. L'exemple de la frontière
franco-allemande, parmibeaucoup d'autres, est, à cet égard,

particulièrementriche.

1 De telles situations doivent naturellementêtre
distinguées de l'hypothèse des enclaves frontalières une
enclave correspondant à "toute portion de territoire d'un
Etat entièrement enfermée dans le territoire d'un Etat
voisin" (P. Raton, Les enclaves, Annuaire français de droit
international1958, vol. IV, p. 195; Cf. J. Charpentier,
problème des enclaves, in La frontière, Société française de
droit international, Colloquede Poitiers, Paris, Pedone,
1980, p. 41). Comme on le sait, il en existe encore de
fréquents exemples,ainsi qu'en témoignent les enclaves de
la commune belge de Baerle-Duc en territoire néerlandais,
dont "plusieurs portions ... sont isolées non seulement du
territoire principal de la Belgique, mais encore l'une de
l'autre" (Arrêt du 10 juin 1959, Affaire relative à la
souveraineté sur certaines parcelles frontalières,C.I.J.
Recueil 1959, p. 213), les enclaves de la commune
néerlandaise de Baarle Nassau dont "le territoire n'est -as
Belgique" (ibid. C.I.J. Recueilune 1959, p.de213), l'enclaven
espagnole de~livia en France, l'enclave allemande de
Büsingen en Suisse, l'enclave italienne de Campione en
Suisse, etc. (Ch. Rousseau, Droit international public,
t. II, Les sujets de droit, Paris, Sirey 1974,p. 43-44). 57. Dans une étude consacrée aux frontières dela
France, publiée en 1933, le Professeur Jules Basdevant

pouvait rappeler que, sur la section de la frontière franco-
allemande entre l'Alsace et le Pays de Bade, la frontière

internationale était déterminée par l'axe du thalweg du
Rhin. Il ajoutait:

"C'est là une limite de souveraineté dont
l'établissement n'a pas affecté les droits des
particuliers. A l'égard des biens et des droits
des communes des deux rives du Rhin, la question
de leur délimitation a donné lieu,au cours des
.-m&-. à- de nombreux débats et à des solutions
diverses. Après que les traités de Westphalie
eurent fixé la limite de souverainetéau thalweq,
on conserva une autre limite,remontant à un temps
immémorial, pour les propriétés des communes
riveraines, la limite des propriétés ou des bans
des communesL. Un travail de délimitation des
propriétés entreprisen 1769 par les gouvernements

intéressés n'etait pas terminé en 1790.Le traité
de ~unéville~ voulut faire de la limite de
souveraineté la limite des propriétés, mais les
traités de paix de 1814 et de 1815 revinrent à la
distinction traditionnelle. Après de longues
négociations, une convention du 5 avril 1840
détermina la limite des propriétés ou des bans des
communes. A la suite du traité de Versailles, les
biens des communes badoises en territoire français
ont été liquidées,mais certaines communes

1 En Alsace, les bans correspondent à l'ensemble des
terres exploitablesd'une commune.

2 Le traité de Lunéville a été signé le 9 février
1801. françaises conservent des biens communaux en
territoire allemand et letraité du 14 août 1925
leur assure certaines facilités pour
l'exploitation de ces biensl" (souligné par
nous).

C'est dire que, pendant des siècles, les limites

territorialesde certaines communes alsaciennes dans le Pays
de Bade et de certaines communes badoisesen Alsace ont

dépassé la limite de souveraineté des deux Etats.
Aujourd'hui encore et depuis 1542, la commune française de

Rhinau, dans le département du Bas-Rhin, possède sur la rive
droite du Rhin, par conséquent en territoire allemand,997
.
hectares de ,champs, prairies, forêtset cours d'eau. Le 22
décembre 1982, deux conventionsont été conclues entre la

commune de Rhinau et le Land de Bade-Wurtemberg afin de
réglementer la protection et l'exploitation deces parcelles

de la commune française sisesen territoire allemand. Il est
bien évident qu'il ne s'agitpas d'une enclave française

située sur la rive droite du Rhin, mais seulement de

1 Extrait de l'ouvrage collectif "France",de la
collection "La vie juridique des peuples", Bibliothèqu de
droit contemporain sous la direction de H. Levy-Ullmann et
B. Mirkine-Guetzévitch, Paris, Librairie Delagrave, 1933,
p. 387.propriétés de la commune de Rhinau faisant partie du

territoire de la République fédérale d'Allemagne et
auxquelles s'appliquent les lois allemandes1.

1 Ch. Rousseau, Les frontières de la France, Revue
qénérale de droit international public, 1954, t. 58,
p. 43-44 et, du même auteur, Droit international public,
t. III, Les compétences, Paris, Sirey, 1977, p. 296,
par. 209.

On trouve une situation similaire à la frontière franco-
italienne, des communes françaises étant propriétaires de
pâturages en territoire italien. En effet, à la suite de la
cession de la Savoie et de Nice à la France par la
Sardaigne, les conventionsde délimitation ont partagé,pour
des raisons purement contingentes - il s'agissait de
conserver au Roi d'Italie certains terrains de chasse - le
territoire des communes de la Tinée et de la Vésubie,
séparant ainsi les agglomérations de leurs biens communaux
immobiliers.
Aux termes de l'article 5 du Protocole du 27 juin 1860 pour
régler les bases de la délimitation entre la France et la
Sardaigne, en exécution du Traité conclu à Turin le 24 mars
1860, "il est entendu que la fixation de la limite de
souveraineté ne portera aucune atteinteaux droits de
propriété et d'usage, non plus qu'aux servitudes actives et
passives des particuliers, des communes et des
établissements publics despays respectifs. Un arrangement
particulier règlera le mode d'exploitation des propriétés
riveraines de la frontière, sous le rapport du régime des
douanes, de manière à ménager le plus possible les intérêts
des ayants droit dont le domicilese trouve placé sous une
souveraineté différente de celle de la situation de leurs
propriétés" De Clercq, Recueil des traités dela France,
t. 8 (1860-1863),p. 60: dans le même sens, l'article de la
Convention de délimitation, signée à Turin le 7 mars 1861,
entre la France et la Sardaigne, De Clercq, W. t. 8, p.
189-190; et l'étude de Madame Bastid, Le rattachement de
Tende et de Brigue, Revue qénérale de droit international
public, 1949, t. 53, p. 321-340. 58. La dissociation des limites de souverainetéet des

limites patrimoniales ne se trouve pas seulement dans
l'hypothèse de biens fonciers appartenant à des

collectivités locales, elle est également utiliséedans le
cas de biens appartenant à 1'Etat lui-même. Un exemple

récent en est donné avec l'échangede notes du 10 mai 1984
entre la France et la République fédéraled1A12emagne sur le

statut de la forêt du ~undatl.

Ses principales dispositions méritent d'être rappelées.
D'abord, la République fédérale d'Allemagne s'est engagée "à

reconnaître à la République française la propriété du
territoire de la forêt du Mundat' qui est située à proximité

de la commune française de Wissembourg, mais au-delà de la
limite de souveraineté entre les deux Etats, en territoire

allemand. Par ailleurs, la République française est
"enregistrée au livre foncier en tant que propriétaire

conformément au droit allemand". Enfin,il en résulte pour
la République françaiseet ses ayants droit "dans le cadre

des lois en vigueur le droit d'exploitationde la foret, des
sources et de la chasse", ce qui implique:

"A. Le droit perpétuel de captage, de transport et
d'utilisation des eaux... ainsi que le droit
d'entretien des installations correspondantes, au
profit des zones frontalières françaises et en

1 Journal Officiel de la République française,

16 janvier 1985, p. 569-572: contre-mémoire du Honduras,
Annexe 111.2, p. 132-135. particulier de la commune de Wissembourg; B. Le
libre accès à la forët et aux sources du personnel
chargé de leur entretien et de leur exploitation
ainsi que des matériels correspondants1."

Comme le remarquait un commentateur, cet accord "a
consisté à dissocier là souveraineté sur la forêt de la

propriété de cette dernière2."

59. On trouve également des illustrations de ce même
phénomène du tracé multilinéaire, dans l'hypothèse de

l'exploitation degisements miniers transfrontières, situés
de part et d'autre de la frontière internationale. Il y a

alors dissociation de "la frontière politique" ("die
Landesgrenze") et de "la frontière d'exploitation''("die

Betriebsgrenze"), que Jones appelle "the working-boundary"
ou "the mining-boundary3." Qu'il suffise de citer, comme

exemple de cette situation, les différents accords germano-
néerlandais tendant à fixer une frontière

Journal Officiel de la République fran~aise, =.
p. 571; contre-mémoiredu Honduras, Annexe 111.2, p. 134.

2 J. Mvard. L'accord du 10 mai 1984 sur le Mundat.
Annuaire francais de Droit international1985, vol. XXXI, pi
892, par. 15.

3 op. cit., Boundary-Making, p. 31.d'exploitation pour les mines de charbon situées des deux

côtés de la frontière le long de la rivière Worm. Ainsi, aux

termes de l'article 1 du Traité du 17 mai 1939, "il est,
abstraction faite de la frontière politique du Reich, fixé,
d'un commun accord, pour les travaux du fond, une frontière

d'exploitation1"et l'article 1 du Traité du 18 janvier 1952

dispose qu'"il a été convenu de fixer une nouvelle,limite
d'exploitation, sanségard à la frontière politique2.'

iii) La dissociation des limites de souverainetés et

des limites de territoires

60. A un troisième niveau enfin, la pratique
internationale connaît des situationsqui se caractérisent

par la dissociation entre une limite qui sépare les
territoires de deux Etats voisins et une limite qui concerne

l'exercice d'un attributou d'un faisceau d'attributs de la
souveraineté.

Ainsi, pour rappeler un exemple bien connu, à la
frontière franco-suisse, les trois zones franches des Pays

de Gex, de Saint-Julien et de Saint-Gingolph, dont la
superficie est d'environ550 kilomètres carrés,se trouvent

1 S.D.N., Recueil des Traités, vol. 199, p. 250.

2 Recueil des Traités des Nations Unies, vol. 179,
p. 159.en dehors du territoire douanier français. Pourreprendre la
formule de la sentence arbitrale, dite du Territet, sur
l'importation des produits des zones franches dla

Haute-Savoie et du Pays de Gex, du ler décembre 1933, le
"cordon douanier", c'est-à-dire la ligne des douanes

françaises, se trouve en retrait de la "frontière
politique", laquelle coïncideavec le "cordon f iscall."

Tout aussi significatif de ce fractionnement des

limites de souverainetés et des limites de territoiree sst
le statut de l'aéroport international de Bâle-Mulhouse, tel

qu'il a été aménagé par la Convention franco-suisse du
4 juillet 194g2. Cet aéroport, d'une superficied'environ

400 hectares, bien qu'entièrement construit sur le
territoire français, peut être utilisé par les autorités

helvétiques comme s'il était situé sur le territoire suisse.
Ainsi a été établie, en dehors de la limite inchangéedes

deux territoires, une nouvelle limite permettant aux
usagers, à partir ou à destination de la Suisse voisine,

d'utiliser cet aéroport sans être soumisau contrôle de la
douane et de la police de 1'Etat français. Le Conseil

1 R.S.A., vol. III, p. 1458-1459, II.

2 Journal Officiel de la République française,
3 juin 1953, p. 4971-4981.fédéral suisse avait précisé,dans un message relatif à la
Convention précitée, adressée, le 24 octobre 1949, à

l'Assemblée fédérale:

"La Suisse devait tenir compte du fait qu'en
principe un aéroport sis complètement sur le
territoire français était soumis à la souveraineté
de la France et la France a dü de son coté
abandonner une partie de ses droits de
souveraineté pour que cet aérodrome rende à la
Suisse les services qu'elleen attendait1."

1 Cité par G. Ladet, Le statut de l'aéroport de
Bâle-Mulhouse,Paris, Pedone, 1984, p. 51.

On pourrait aisément multiplier les exemples montrant, dans
la pratique des Etats, qu'une frontièreterrestre peut faire
l'objet d'un fractionnement pour résoudre des problèmes de
nature diverse, économique, techniqueou autre. L'examen de
la pratique conventionnelle en matière de délimitation
maritime confirme l'analyse qui vient d'être esquissée et,
en ce domaine également, les tracés multilinéaires sont
possibles (Cf. P. Reuter, Une ligne unique de délimitation
des espaces maritimes? Mélanqes Georqes Perrin, Payot,
Lausanne, 1984, p. 262-263). Ainsi l'Accord conclu le
18 décembre 1978 entre l'Australie et la Papouasie-Nouvelle
Guinée (U.S. Department of State, Limits in the Seas, no 87,
August 20, 1979 et le commentaire de H. Burmester, The
Torres Strait Treaty: Ocean Boundary Delimitation by
Agreement, American Journal of International Law, 1983,
vol. 76, p. 321-349) - que le Professeur Prosper Weil
qualifie justement "d'importance"(Perspectives du droit de
la délimitation maritime, Paris, Pedone,1988, p. 143) - a-
t-il établi des limites distinctes. notamment wour le
plateau continental et l'exercice des compétences âe pêche
dans les eaux surjacentes, afin de résoudre les problèmes
propres au secteur à délimiter dans la zone du Détroit de
Torres. Conclusion

61. La thèse du Gouvernement d'El Salvador dans la

zone de Tepangüisir ne saurait, dans ces conditions, être
admise. Il ne peut ignorer, comme il le fait, les conditions

très particulières dans lesquelles le Juge des Terres de la
Province de San Salvador est intervenu, en 1776, pour

attribuer au village de San Francisco Citali les terresde
la Montagne de Tepangüisir situéesdans la province voisine

de Gracias a Dios: en d'autres termes, le problème dela
compétence ratione loci de cette autorité locale espagnole

doit être pleinement mis en lumière. Le Gouvernement d'El
Salvador ne peut davantage prétendreque le "titulo ejidal"

délivré au village de San FranciscoCitali a entrainé le
transfert des terres de la Montagne de Tepangüisir à la

Province de San Salvador: en d'autres termes,il est inexact

que les limites des terres doivent nécessairement et
exactement coïncideravec les limites des provinces et 5
fortiori que les limites des terres doivent prévaloir sur

les limites des provinces. L'existence de limites
fonctionnellement indépendantes était reconnuen Amérique

latine à l'époque coloniale comme elleest couramment admise
aujourd'hui dans l'ordre juridique interneou dans l'ordre

juridique international. Les terres de la Montagne de
Tepangüisir, situées dansla juridiction de la Province de

Gracias a Dios, bien qu'ayant été attribuéesen 1776 à un

village de la Province de San Salvador par un Juge des
Terres de cette dernière province, sont demeurées rattachées

et étaient rattachées,sur le plan administratif, en 1821
lors de l'accession à l'indépendance du Honduras et d'El
Salvador, à la même Province de Gracias aDios. 62. Le principe. de non-identité des limites
provinciales et des limites de terres vient d'ailleurs

compléter le principe de l'uti possidetis juris de 1821. Le
contester reviendrait à reconnaître aux autorités espagnoles

locales un pouvoir de modification des limites entre les
entités coloniales de même nature, ce qui a toujours été

contraire au droit applicable en Amérique centrale pendant
la période coloniale. Les Etats successeursne pourraient

être liés par une situation entachéed'illégalité.

Telle est d'ailleurs la solution retenue, dans le
domaine sans doute différent mais en définitive de même

nature que le présent différenddans la zone de Tepangüisir,
par l'article 11 de la Convention de Viennedu 23 août 1978

sur la succession d'Etats en matière de traités,aux termes
duquel: "Une succession d'Etats ne porte pas atteinte en

tant que telle: a) à une frontière établiepar un traité..."
Ce qui ne veut pas dire que la survenance d'une succession

d0Etats viendrait valider un traité de frontières par
ailleurs entaché de nullité. Comme l'a bien souligné la

Commission du Droit international dans son commentaire de
l'article 11 précité:

"Une telle disposition n'influerait enrien sur un
autre motif qui pourrait être invoqué pour
réclamer la révision ou le rejet d'un règlement de
frontière... Elle n'influerait non plus, bien
entendu, sur aucun des arguments juridiques qui
pourraient être invoqués pour s'opposer à une
telle revendication. En résumé, la simple
survenance d'une succession d'Etats ne saurait
avoir pour effet de consacrer la frontière
existante si elle était sujette à contestation,
pas plus qu'elle ne saurait lui enlever son
caractère de frontière établie sitel était son
caractère à la date de la succession d'~tatsl."

1 Conférence des Nations-Unies sur la succession

d'Etats en matière de traités. Doc. off., vol. III,
A/Conf.80/16/Add.2,p. 34, par. 17. De son côté, l'Ambassadeur Mustapha Kami1 Yasseen,
Président du Comité de rédaction à la Conférence de Vienne

pouvait souligner, en analysant ce même article 11:

"Bien compris, cet article vise simplement à
assurer le maintien du statu quo, mais certainement
pour autant que ce statut puisse se maintenir. Il
ne s'agit pas en effet de reconnaître au traité
considéré une force qui n'est pas la sienne..Ce
traité vaut ce qu'il vaut à la date de la
succession d'Etats. Mais, s'il ne peut être
contesté uniquement à cause de la succession
d'Etats, il peut certainement l'être pour tout
autre motif qui peut être invoqué pour contester
la validité du traité ou sa continuité1."

La situation dans la zone de Tepangüisir se présente,
mutatis mutandis, dans des termessimilaires. L'acte de 1776

ne saurait valoir plus qu'il ne vaut à la date de la
succession dlEtats: tel est bien le sens de l'uti possidetis

juris de 1821.

1 La Convention de Vienne sur
en matière de traités, Annuaire lafrancaisiode d'droit

O international 1978, vol. XXIII, p. 85. Section III. Le trace de la ligne divisoire dans la zone

de Tepangüisir

1. La revendicationdu Honduras sur les terres de la
Montagne de Tepangüisir, décritesdans le
"titulo ejidal" de 1776

63. Sur la base des principes exposés dans les

développements précédents, le Gouvernement du Honduras
soutient que la thèse de la Partie adverse, suivant laquelle

la frontière dans la zone de Tepangüisir doit relier le
point triple du Cerro de Montecristo au sommet du Cerro El

Zapotal en passant par la source du Rio Pomola, la branche
la plus septentrionale de ce cours d'eau, la borne de

Talquezalar et le sommet de la Piedra ~enudal est contraire
au droit applicableau présent différend.

Le Gouvernement du Honduras maintient par ailleurs pour
cette zone de Tepangüisir, les conclusions de sonmémoire2.

L'attribution, en 1776, des terres de la Montagne de
Tepangüisir - incontestablement situées dans la Province de

Gracias a Dios - au village de Citala - indiscutablement
situé dans la Province de San Salvador - par un "titulo

ejidal" délivré par le "Juez de Tierras" du District
salvadorien de Chalatenango ne s'analyse pas comme un

transfert de propriété à la Province de San Salvador, mais
comme une simple affectation fragmentaire et Spécialisée de
ces terres pour qu'elles soient exploitéespar les habitants

de Citala. En revanche, la juridiction - le dominium
directum pourrait-on dire - bien que partiellement

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.12; trad. fr.,
p. 28.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,

p. 741-742.démembrée, demeurait celle dela Province de Gracias aDios,
ainsi qu'en attestent les mesuresque ses autorités y ont

prescrites ou avaient la possibilité d'y prescrire après
comme avant la délivrance du titre de 1776. En tout état de

cause, le "Juez de Tierras" de Chalatenango était
incompétent, d'une incompétence majeure ratione materi.de,

pour procéder à une modification des limites
interprovinciales.

64. Dès lors, pour le Gouvernement du Honduras, la

ligne divisoire, dans la zone de Tepangüisir, doit
correspondreau tracé reliantles points suivants: le sommet

du Cerro de Montecristo,la source du Rio San Miguel Ingenio
connu sous le nom,dans sa partie supérieure, de torrent de

la Chicotera, le point d'intersection sur le site de Las
Cruces de ce même Rio San Miguel Ingenio et du gué du chemin

reliant Citali à Metapan, le site de la propriété dénommée
El Cobre, le confluentdu Rio Lempa et du Rio Jupula, et le

sommet du Cerro El Zapotal. En d'autres termes, les terres
de la Montagne de Tepangüisir -telles qu'elles sont

décrites dans le "titulo ejidal" de 1776 - se trouvent dans
les limites de la juridictiondu Honduras.

II. La revendicationdu Honduras sur les "tierrasrealengas"
de la Province de Gracias a Dios, situées à l'Ouest de

l'"ejidon de 1776

65. Par ailleurs, le Gouvernementdu Honduras soutient
que la Partie adverse n'est pas fondée à revendiquer les

terres situées à l'Ouest des "tierras ejidales" de Citala.,
Ces terres entrent dans la catégorie des "tierrasrealengas"

relevant de la juridiction de Gracias a Dios et ne sont
couvertes par aucun titre de terres. Or une contradictionfondamentale doit être relevée dans le mémoire d'El Salvador
entre d'une part la revendication globale par la Partie

adverse de toute la zone contestée de Tepangüisir et d'autre
part l'interprétation qu'elle avancedu "titulo ejidal" de

Citala de 1776 quant à l'aire qu'il recouvre. En effet,
comme il a été indiqué précédemment1, El Salvador

revendique, dans la partie occidentalede la zone contestée,
le secteur compris entre lepoint qu'il dénomme la naissance
du Rio Pomola - dont l'identification à laquelle il prétend

est incertaine2 - le sommet du Cerro de Montecristo - dont
les coordonnées géographiques qu'il propose sont

inexactes3 - et la source la plus septentrionaledu Rio San
Miguel Ingenio, connu également sousle nom de Rio Taguilapa

ou Quebrada de la Chicotera. Ce secteur, qui a la forme d'un
triangle, dont le sommet correspond au Cerro de Montecristo,

est couvert par la revendication globale d'El Salvador sur
la zone de Tepangüisir puisque, de son point de vue, la

ligne divisoire doit relier le point triple du Cerro de
~ontecristo, le sommet du Cerro Obscuro, la source de la

Quebrada de Pomola, la borne de Talquezalar, le Cerro de
Piedra Menuda et le sommet d'El zapota14.

Supra. par. 6.

2 Supra. par. 8-9

3 ~upra. par. 3.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.12; trad. fr.,
p. 28. 66. C'est dire que la revendication de la Partie
adverse sur l'ensemble de la zone de Tepangüisir ne coïncide

pas avec .ladéfinition qu'elle a donnée de l'aire à laquelle
s'étend le "titulo ejidal" de Citala ni avec la définition

indiquée dans l'arpentage effectué les 20 et 21 mars 1776
par Don Lorenzo Jiménez ~ubiol. En d'autres termes, le

secteur compris entre la droite Nord-Sud/Sud-Ouestqui relie
la source de la Quebrada de Pomola et la source de la

Quebrada de la Chicotera et le point triple du Cerro de
Montecristo n'est pas couvert par le titre de 1776.

L'analyse du mémoire d'El Salvador fait apparaître non
seulement son imprécision quant à l'identification des

sites, mais également le défaut de base juridique de sa
revendication sur les terres ainsi situées à l'Ouest des

"tierras ejidales"de 1776.

1. L'identificationdes sites dans le mémoire d'El Salvador
est contraire à l'arpentaqede 1776

67. La limite Ouest de ll"ejido" de 1776, telle

qu'elle est décrite dans le mémoire d'El Salvador, est
contraire à la lettre même du procès-verbal de l'arpentage

de Don Lorenzo Jiménez Rubio.' La Partie adverse étend
abusivement l'aire du titre de Citala et réduit d'autant le

secteur occidental de la zone de Tepangüisir. Une
interprétationcorrecte de l'arpentage effectué les 20 et 21

mars 1776 - dont le mémoired'El Salvador, rappelons-le,a

1 Mémoire d'El Salvador, carte 6.1.donné en annexe le texte original en espagnol et sa

traduction en anglais et le mémoire du Honduras sa
traduction en français - fait apparaître que la Partie

adverse a commis une triple erreur d'identification
concernant le point de départ de la droite qui correspond à

la limite Ouest de 1'"ejido" de 1776, sa direction générale
et son point terminal.

a) L'erreur d'identification de "la source du Rio

Pomola"

68. Il convient, en premier lieu, de relever que

l'identificationdu point Nord de la limite Ouest du "titulo
ejidal", c'est-à-dire de "la source du Rio Pomola", tel

qu'il figure sur la carte 6.1 du mémoire d'El Salvador,est
fausse. Le compte-rendu de l'arpentage effectué le20 mars

1776, par le Juge des Terres du District de Chalatenango,
Don Lorenzo Jiménez Rubio, indique en effet qu'à partir du

"grand tas de pierres qui servira de marqueet de borne"
- c'est-à-dire à partir d'un point qui semble correctement
identifié dans le mémoire d'El Salvador et qui correspond

selon toute vraisemblance au "Mojon de Pomola en el
Talquezalar" - les arpenteurs:

"changèrent de direction et s'orientant vers
l'Ouest en remontant le torrent de Pomola à
travers une -or-e profonde et des précipices,
(ont) évalué à vue d'Œil, à cause de l'aspérité du
terrain, quarante cordes iusqu'à la source de
~omolal" (soulignépar nous) .

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1805-1806. 69. Or il est manifeste que "la source de Pomola"
ainsi déterminée par le "titulo ejidal" de 1776 ne peut

correspondreau point dénommé sur la carte salvadorienne6.1
"Headwater of the Pomola Gorge". D'une part, en effet, ce

point est situé en direction non pas de l'Ouest, comme le
précise le procès-verbal de l'arpentage, mais bien du Nord-

Ouest à partir du "Mojon de Pomola en el Talquezalar".
D'autre part, ce même point, "la sourcede Pomola", ne peut

évidemment pas êtresitué, ainsi que l'indique le texte, à
"40 cordes', c'est-à-dire à 1660 mètres environ2,du "Mojon

de Pomola en el Talquezalar": la droite reliant ces deux
points sur la carte salvadorienne6.1 dépasse 4000 mètres;

quant à la longueur du Rio, puis de la Quebrada de Pomola
entre ces deux mêmes pointsen suivant les méandresdu cours

d'eau, elle est naturellementsupérieure.

Même si l'on tient compte du milieu difficile dans
lequel cet arpentage a été réalisé (le texte parle,

rappelons-le, d'"une gorge profonde", de "l'aspérité du
terrain"),mëme si l'on considère qu'il a été effectué, d'un

point de vue technique, d'une façon très approximative (le
texte indiqueque l'évaluation a été faite "à vue d'Œil"),

même si l'on peut imaginer - ce qui reste à prouver - une
certaine hâte des arpenteurs à terminer leur travail (car,

Il est admis qu'une corde équivaut à 41,50 mètres.comme dit le texte, "il est six heures du soir"), la marge

d'erreur ne peut être aussi considérable et aller du simple
au triple. "La source de Pomola' telle qu'elle est indiquée

dans le relevé cadastral du 20 mars 1776 ne peut
manifestement pas coïncider avec le point marqué "Headwater

of the Pomola Gorge" sur la carte salvadorienne6.1 - que ce
point corresponde au Cerro Obscuro, au Cerro Chamuscado ou à

l'un de ses contreforts, il s'agit là, comme on l'a vu1,
d'un autre problème. Le point retenu par les arpenteurs de

1776 était nécessairement plus à l'Est, comme le confirme la
démonstration suivante.

b) L'erreur de la direction donnée au seqment de droite

mesuré à partir de "la source du Pomola"

70. Le texte du procès-verbal.de l'arpentage effectué
par Don Lorenzo Jiménez Rubio et ses collaborateurs

(arpenteurs et tireurs de corde) indique clairement que
l'arpentage réalisé le lendemain, c'est-à-dire le 21 mars

1776, a été Fait à partir de "la source du Pomola, ou en
était resté le relevé hier... en direction du sud-ouest2"
(soulignépar nous)..

Supra. par. 8-9.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1806. Il suffit cependant deconsulter la carte salvadorienne

6.1 pour constater que, pour la Partie adverse, ce segment
de droite qui correspond à la limite Ouest du titre de

Citala ne s'oriente pasdu tout vers le Sud-Ouest, ainsique
le prescrit le texte, mais en plein Sud. L'erreur peut sans

doute provenir, comme on l'a établi précédemment,de la
mauvaise déterminationpar El Salvador du point à partir

duquel ce segment de droite est tracé, celui-ci ayant été
localisé trop loin du "Moj6n de Pomola en el Talquezalar",

trop au Nord-Ouest. Mais l'erreur peut également provenir
d'une mauvaise orientation donnéepar la Partie adverse à ce

segment de droite. Les deux erreurs ne s'excluent d'ailleurs
pas. Ce qui, en tout état de cause, est indiscutable, c'est

que la direction donnée à ce segment de droite sur la carte
salvadorienne 6.1 n'est pas conforme à l'arpentage du 21

mars 1776 et que l'interprétationainsi donnée par la Partie
adverse au titre de Citala est entachée d'une erreur

manifeste. Pourque la "direction du sud-ouest" à donner à
ce segment de droite soit respectée, son point de départ

aurait dû être réellement fixé à 40 cordes du "Moj6n de
Pomola en el Talquezalar" et non pas, comme l'a fait El

Salvador, au "Headwater of the Pomola Gorge".

C) L'erreur d'identification du point terminal de la
limite Ouest du titre de Citala

71. Dans son relevé du 21 mars 1776, Don Lorenzo

Jiménez Rubio indiquequ'à partir de:

"la source du Pomola...en direction du sud-ouest
..l'on a marché dans ladite direction par le
confluent du torrent appelé Taquilapa et en aval
l'on a continué dans l'épaisseur de la montagne,
en comptant à vue d'Œil, à cause de
l'impraticabilité du terrain, quarante cordes jusqu'à un endroit appelé Las Cruces qui se trouve
sur le chemin qui vient du villaqe de Citala et
qui va vers le District de ~eta~asl" (soulignépar
nous) .

L'interprétation de ce passage peut prêter à
discussion, car on peut hésiter sur le point de savoir si la

distance de 40 cordes, c'est-à-dire 1660 mètres, a été
mesurée à compter de "la source du Pomola" ou du "confluent

du torrent appelé Taguilapa". La première interprétation est
celle qui a été retenue dans le "planillo" annexé au relevé
21 mars 1776 et publié dans l'ouvrage de Vallejo2 et elle
du
semble la plus conforme à la méthode de travail suivie par
Don Lorenzo Jiménez Rubio et ses collaborateurs. Mais la

seconde interprétation semble la plus conforme à la
structure du texte, puisque la mesure de 40 cordes semble

s'articuler sur le second membre de la phrase et qu'en tout
état de cause lepoint ad quem de ces 40 cordes ne peut ëtre

autre que "l'endroit appelé Las Cruces".

72. Quelle que soit la portée de ce texte, sur
laquelle il est inutile d'insister pour le moment, il est

certain que l'interprétation qu'en donnela Partie adverse
est inexacte. D'une part, ce document ne dit pas, comme

l'implique la carte salvadorienne 6.1, que le segment de
droite tracé à partir de "la source du Pomola" doit aller

jusqu'à la source de la Quebrada de la Chicotera, - à
supposer, ce qui reste à démontrer, qu'il y ait similitude

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p.1806.

2 Contre-mémoire du Honduras, croquis 2.2 en regard.
Voir aussi croquis 2.3 page suivante.rigoureuse entre la Quebrada de la Chicotera et la Quebrada
de Teguilapa, étant bien entendu qu'il s'agit de la partie

supérieure, indéterminée,du Rio San Miguel Ingenio. Le
document de 1776 indique seulement que les arpenteurs ont

marché dans la direction du Sud-Ouest "parle confluent du
torrent appelé Taguilapa"("por la junta de la quebrada que

nombran de Taguilapa", dit le texte original): on pourrait
ainsi penser que les arpenteurs ont marché de "la source au

Pomola' jusqu'au confluent de la Quebrada de la Chicotera ou
de la Quebrada de Teguilapa avec l'un ou l'autre de leurs

affluents innommés qui descendent - comme on peut le voir
sur la carte hondurienne1 - à l'Est, de la Cuchilla del

Guamilar ou du Cerro Los Papeles ou à l'Ouest du Cerro El
Seitiiïai ou du Cerro P~~SCO Blanco.

Il n'est pas possible de suivre l'interprétation

salvadorienne pour une autre raison: la distance de
40 cordes, c'est-à-dire de 1660 mètres, que mentionne

l'arpentage ne s'accorde en aucun cas avec le croquis
salvadorien 6.1de ll"ejido" de Citala, qu'elle soit mesurée

à compter de "la source du Pomola" ou de la source de la
Chicotera. Si l'on considère que les 40 cordes ont été

mesurées à partir de "la source du Pomola", cette distance
ne correspond qu'à la moitié de la longueur de la droite

reliant "la source du Pomola" à la source de la Chicotera,
qui est d'environ 3300mètres. Si l'on considère que les

40 cordes ont été mesurées à partir de la source de la
Chicotera, cette distance correspond à moins du quart de la

longueur du torrent,depuis,sa source jusqu'au site de Las

"Hojas" 2359 II et 2359 III.Cruces, tel qu'il figure sur la carte salvadorienne 6.1,
longueur qui est d'environ 7 kilomètres. C'estdire que, de

toutes manières, l'interprétationque donne la Partie
adverse du "titulo ejidal" de 1776 ne peut être retenue.

2. La revendication d'El Salvador sur les terres

situées à l'Ouest des "tierras ejidales"de Citala est
dépourvue de tout fondement juridique

73. L'interprétation que donne la Partie adverse du

"titulo ejidal" de 1776n'est pas seulement inexacte quant à
la localisation géographiquede la limite Ouest du fitre de

Citala, elle est par ailleurs insuffisante sur le plan
juridique. Plus précisément, elle ne fournit aucune

justification à sa revendication sur les terres situées à
l'Ouest des "tierras ejidales" deCitala. A supposer qu'El

Salvador ait apporté la preuve de ses droits sur les terres
couvertes par le titre de 1776 - ce qui, comme on l'a vu,

n'est nullement établi - il n'a pas démontré qu'il avait des
droits sur les terres situées en dehors de l'"ejidoV de

1776, comprises entre la droite reliant "la source du
Pomola" à la source de la Chicotera et la droite reliant "la

source du Pomola" et le sommet du Cerro de Montecristo,
indépendamment du point de savoir quelle est la

determination exacte de la limite Ouest des "tierras
ejidales" de Citala. La nature juridiquede ces terres est

cependant incontestable: il s'agit en effet de "tierras
realengas" relevantde la juridiction de la Province de

Gracias a Dios.

a) Il s'aqit de "tierras realenqas"

74. L'arpentage effectué le 21 mars 1776 par Don
Lorenzo Jiménez Rubio nepermet aucun doute sur ce point. Ilindique en effet que, lorsque les arpenteurssont partis de

"la source du Pomola", "en direction du Sud-Ouest", ils
avaient sur leur droite "des terres royales" ("tierras

realengasW)l (souligné par nous) et sur leur gauche les
terres qu'ils étaient en droit de mesurer et qui allaient

devenir des "tierras ejidales2."

b) Il s'aqit de "tierras realenqas" relevant de la
juridiction de la Province de Gracias a Dios

75. La Partie adverse n'a jamais prétendu que ces
terres situées à l'Ouest des "tierras ejidales" de Citala

éta,ientdes "tierras realengas" dépendantde la Province de
San Salvador.

Les deux croquis pertinents du mémoire d'El Salvador,

c'est-à-dire le croquis 6.1 ("Interpretationof the Common
Lands title of Citala, which protects the zone of

Tecpangüisir") et le croquis 6.7 ("Localization of Crown
Lands (Tierras realengas)beyond the Common Land (Tierras

ejidales) describedin the title of Citala (Tecpangüisir

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.1.2, p. 1806.

2 Le même document indique, quelques lignes plus
loin, que, lorsque la limite de l"'ejidoV de Citala, après
le lieu dit Las Cruces, change de directionvers "l'est-sud-
est", les arpenteurs avaient "toujourssur la droite des
terres royales" (M., p. 1806). Le "titulo ejidal" infirme
par conséquent, sur ce point également, le croquis
salvadorien 6.1, sur lequel la limite Sud des "tierras
ejidales", à partir de Las Cruces, ne se dirige pas du tout
vers "l'est-sud-est", mais plutôt vers l'est-nord-est, en
tout cas vers l'est-est-nord-est.Mountain)") n'indiquent pas que les terres comprises entr,e

la limite Ouest de l'"ejidoW de Citala et le Cerro de
Montecristo entrent dans la catégorie des "tierras

realengas" relevant de la juridiction de la Province de San

Salvador. Seul le croquis 6.7 mentionne des "tierras
realengas", mais dans untout autre secteur, dans la zone

située au Nord de la frontière à laquelle la Partie adverse
prétend, entre le Cerro de Montecristo et le Cerro El

Zapotal.

Le mémoire d'El Salvador n'apporte par ailleurs, dans
les développementsqu'il consacre à la zone de la Montagne

de ~'e~angüisir, pas le moindre commencement de preuve pour
établir que ces terres, au demeurant fort éloignées de
Citala, relevaient de la juridiction de la Province de San

Salvador, même au simple titre de "tierras realengas". Dans

les très brefs développements qu'il consacre, dans son
chapitre 5, aux "tierras realengas"en général, il se borne
à affirmer que les "terres de la Couronne" pourraient être

prises en compte par la Chambre, pour déterminer le tracé de

la frontière dans les zones contestées, dans la mesure où
les arpentages effectués lors de l'établissement des
"'titulos ejidales' n'épuisent pas les droits territoriaux

que possède El salvadorl." Il rappelle par ailleurs que ces

"tierras realengas" sont une institutionde l'époque
coloniale fondée sur le postulat selon lequel tous les

territoires, enAmérique espagnole, étaientres nullius et
étaient susceptiblesd'être incorporés, à ce titre, au

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.1: trad. fr.,
p. 23.domaine de la Couronne. De toutes manières, au fur et à

mesure que la colonisation s'est développée: "la Couronne
d'Espagne, par l'intermédiaire des autorités compétentes, a

peu à peu accordé aux 'conquistadores' et autres personnes
privées, ainsi qu'aux communautés indiennes, une partie de

ces terresu1, étant entendu qu'il subsistait souvent entre
"ejidos" délivrés à des villages voisins "des superficies de

terre non attribuées qui restaient donc 'tierras realengas'
en dehors du 'titulo ejidal' de chaque village ou

communauté2.

Le Gouvernement du Honduras souscrit à cet exposé
général de la Partie adverse sur le régime juridiquede ces

"tierras realengas", mais il n'admet pas les conséquences
qu'elle en tire sur le terrain de la preuve.

76. Il n'est pas douteux que les terres qui ont fait

l'objet de l'arpentage, les 20 et 21mars 1776, étaient bien
des "tierras realengas" qui relevaient de la juridiction de

la Province de Gracias a Dios puisque, comme on l'a indiqué,
le Juge des Terres du District de Chalatenango a demandé à

son supérieur hiérarchique de la "Real Audiencia" de
Guatemala l'autorisation de procéder au relevé de "ces

terres litigieuses quise trouvent dans une autre province".

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.3; trad. fr.,

p. 24.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.4; trad. fr.,
p. 24.Il n'est pas davantage douteux que les terres situées à
l'Ouest des "tierras realengas" ainsi arpentées les 20et 21

mars 1776, étaient certesdes "tierras realengas", commel'a
précisé l'arpentage précité, mais également des "tierras

realengas" relevant, ellesaussi, de la juridiction de la
Province de Gracias a Dios: il ne saurait en être autrement

pour des raisons de contigüité géographique évidente et
parce qu'on ne voit pas de quelle autre province pourrait

dépendre ce secteur.

La présomption d'appartenance de ces "tierras
realengas" à la juridiction de Gracias a Dios ne saurait

être contestée. Sans doute ne s'agit-il pas d'une
présomption irréfragable, mais seulementd'une présomption

simple, réfragable, quipeut par conséquent être combattue
par la preuve contraire. Néanmoins, la Partie adverse ne

saurait appliquer à ce secteur de la zone de Tepangüisir le
principe qu'ellea arbitrairement posé, suivant lequel:

"Ces 'tierras realengas' appartiennent à El
Salvador, jusqu'au point où le Honduras peut
produire un titre comparable, par sa force et ses
effets juridiques, à ceux présentés par la
République d'El salvadorl."

Il y aurait, dans ce cas, pour les "tierras realengas"

situées à l'Ouest de 1'"ejido" de Citala un renversement
inacceptable de la preuve. C'est, bien au contraire, au

Gouvernement d'El Salvador, qui procède seulementpar

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.5; trad. fr.,

p. 24.affirmations et n'avance aucuntitre ni aucune preuve, à
établir que les "tierras realengas" en question relevaient

de la juridiction de la Province de San Salvador. La
présomption joue donc en faveur du Honduras qui peut

s'appuyer à la fois sur la référence qui a été faite à ces
terres dans le procès-verbal d'arpentage du 21 mars 1776 et

sur le principe de la proximité géographique, l'ensemble
constituant, sinon un texte juridique parfait, du moins un

"inchoate title'que la Chambre ne peut négliger.

Conclusion

77. Pour les différentes raisons qui viennent d'être
exposées, le Gouvernement du Honduras prie respectueusement

la Chambre de rejeter les revendicationsd'El Salvador sur
les "tierras realengas" situées à l'Ouest des "tierras

ejidales" de Cita16 jusqu'au Cerro de Montecristo et de
juger que la souveraineté territorialesur ce secteur de la

zone de Tepangüisirappartient au Honduras. LE SECTEUR DE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE LE ROîHXR DE

CAYAGUANCA ETLA CONFLUENCE DU RUISSEAUDU CHIQUITA
OU OSCURA AVEC LA RIVIERE SUMPrJL
(MONTAGNE DE CAYAGUANCA)

1. La Chambre de la Cour notera que les Parties ne

sont pas d'accord sur la dénomination de ce secteur en
litige de la frontière terrestre. Pour El Salvador, il

s'agit du secteur de "Las Pilas ou ~ayaguanca"~. Par
l'emploi du mot "Las Pilas".quise réfère à un torrent près

de la rivière Sumpul (a l'Est du secteur) et de la
conjonction "où", El Salvador tente d'accréditer la thèse

qu'il s'agit d'un seul et mëme espace géographiqueet met
ainsi en évidence l'absence de rigueur de son mémoire. Le

Honduras, pour sa part, a dénommé ce secteur par -référencea
la montagne de Cayaguanca (au centre de ce secteur), qui a

été l'objet du différend entreles communautés d'ocotepeque
et de Jupula depuis 17012.

Section 1. La localisationdu différend dans ce secteur

A. LES POINTS D'ACCORD ENTRE LES PARTIES

2. Il ressort de leurs mémoires respectifs que les
Parties reconnaissent que le point Ouest de la zone

contestée est le rocher de Cayaguanca qui a été fixé par
l'article 16 du Traité Général de Paix de 1980 consacré au

point final du deuxièmesecteur de la frontière reconnueet

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 2.8; 6.14 et 6.70;
trad. fr., p. 9, 28 et 48.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 349 et
suiv.que le point Est de la zone contestée est la confluence du

ruisseau de Chiquita ou Obscura avec la rivière Sumpul fixé
par le point initial du troisième secteur de la frontière

reconnuel.

3. Il faut noter une légère divergence entre les
Parties en ce qui concerne les coordonnées géographiques

permettant de situer le rocher de Cayaguanca (pour le
Honduras: 14O 21' 55" de latitude Nord et 89O 10' 05" de

longitude Ouest; pour El Salvador: 14O 21' 54" de latitude
Nord et 89O 10' 04" de longitude Ouest) et le confluent du

ruisseau Oscura ou Chiquita avec la rivière Sumpul (pour le
Honduras: 14O 20' 25" de latitude Nord et 89O 04' 57" de

longitude Ouest; pour El Salvador: 14O 20' 26" de latitude
Nord et 89O 04' 58" de longitude Ouest). Il s'agit de

divergences à caractère technique,qui, de par leur portée
limitée, n'affectent pas de façon notable le tracé de la

frontière entre ces deuxpoints de la frontière reconnue.

B. LES DIVERGENCES DES PARTIES SUR LE TRACE DE
LA LIGNE FRONTIERE

4. Les Parties au présent différend sont en revanche

en parfait désaccord sur le tracé de la frontière entre les
deux points précités dans la zone dite de la Montagne de

.Cayaguanca. Puisque la ligne séparative entre le Rocher de
Cayaguanca et la confluence du ruisseau de Chiquita avec la

rivière Sumpul n'a pas été définie dans l'article 16du
Traité Général de Paix et que la Commission mixte des

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, no 1, p. 339

et mémoire d'El Salvador,chap. 6.14; trad. fr., p. 28.limites visée à l'article 18 de ce même Traité, n'est pas

parvenue à s'acquitter de la mission de délimitation qui lui
avait été assignée1, il appartient par conséquent à la

Chambre de la Cour, conformément à l'article 2, paragraphe 1
du Compromis signé à Esquipulas le 24 mai 1986 "de délimiter

la ligne frontière" dansla zone de Cayaguanca.

1. Le tracé de la liqne frontière selon El Salvador

5. Dans ses Conclusions, le Gouvernement d'El
Salvador indique que la délimitation "précise'de cette zone

est mentionnée aux chapitres6.14 à 6.22 de son mémoire2.

La lecture de ces paragraphes du chapitre 6 du mémoire
d'El Salvador consacrés à cette zone ne montre pas d'une

manière "précise" les prétentions d'El Salvador, en raison
de l'absence de rigueur du mémoire d'El Salvador, déjà

maintes fois dénoncée. En fait, il faudra se réferer au
chapitre 6.70 de son mémoire qui dispose:

"Depuis le confluent du ruisseau Oscura ou
Chiquita avec le Sumpul à 14O 20' 26" de latitude
nord et 89O 04' 58" de longitude ouest, la
frontière suit le cours du Sumpul vers l'amont sur
10 500 mètres jusqu'à sa source située à
14O 24' 17" de latitude nord et 89O 06' 45" de
longitude ouest. De là, elle continueen ligne

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
IV.1.55, p. 812-813.

2 Mémoire d'El Salvador, Conclusions1.1; trad. fr.,

p. 87. droite dans la direction sud 53O 46' 31" oue2t sur
7404 mètres jusqu'à la colline de Pena de
Cayaguanca à 14O 21' 54" de latitude nord et
89O 10' 04" de longitudeouest."

6. Pour représenter sa ligne de délimitation El

Salvador se réfère à deux cartes: l'une est la carte 6.8
intitulée "localization of crown land ("tierras realengas")
beyond the common land ("tierras ejidales") described in the

title of La Palma". L'autre se trouve à la fin du chapitre 7
du mémoire d'El Salvador consacré aux "effectivités" et a

pour titre "Human Settlements included in the nondelimited
zones, El Salvador-Honduras frontier, Las Pilas or

Cayaguanca sector."

7. El Salvador produit une autre carte, carte 6.2 ou
6.11 intitulée "Interpretationof the common land title of

La Palma which protects thezone of Las Pilas or Cayaguanca.

8. Sans préjudice des autres considérations
précédentes et ultérieures, le tracé salvadorien de la ligne

frontière dans ce secteur, selon les chapitres6.14 et
suivants du mémoire d'El Salvador, suscite trois
observations qui par elles-mêmes mettent en évidence le

caractère injustifié et arbitraire des prétentions d'El
Salvador dans ce secteur.

9. En premier lieu, il convient de distinguer, dans

le tracé salvadorien de la ligne certains points
géographiques qu'ilconvient de mentionner.

"La frontière suit le cours du Sumpul... jusqu'à
sa source... de là, elle continue en ligne droite
dans la direction sud 53O 46' 31" ouest sur 7404
mètres jusqu'à la colline de la Pena de
Cayaguanca..." (soulignépar nous). Aucun de ces points géographiques (soulignés)
n'apparaît dans les titres salvadoriens (notamment celui de

La Palma), dans d'autres documents de l'époque coloniale
ainsi que dans les prétendus droits exercés par El Salvador

dans les "tierras realengas"ou tenures foncières royales
environnantes (carte 6.8) et qui justifieraient "totalement

la position sal~adorienne~'~.

A défaut de tout moyen de preuve, commec'est le cas en
l'occurence,le Gouvernementdu Honduras peut estimer, à bon

droit, que la ligne prétendue par El Salvador dans son
mémoire est injustifiée et totalement arbitraire (voir

carte 3.1 en regard).

Cette conclusion est corroborée par l'examen des

documents fournispar le mémoire du Honduras. Le tracé est
arbitraire car la ligne décrite au chapitre 6.70 du mémoire

d'El Salvador a pour base les prétendues "effectivités" d'El
Salvador. Laprétention salvadorienneest représentéesur la

carte 3.1 en regard. Elle est démentie par les documentsde
l'époque coloniale produitspar le Honduras. Plus arbitraire

encore, est la référence de ladite carte 6.8 à des "tierras
realengas" au-delàde la ligne de prétention tracée par El

Salvador au chapitre 6.70 afin de la renforcer. Celles-ci
n'existent pas au-delà de ladite ligne, non seulement selon

le titre de La Palma produit par El Salvador, mais encore

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22; trad. fr.,

p. 31. elle est démentie par les documents de l'époque coloniale
produits par le Honduras tel que le titre d00cotepequede de

,1816 et de 1818~.

10. En second lieu, si, à titre de pure hypothèse,
l'on admet le titre de La Palma de 1829 présenté par El

Salvador, la Chambre de la Cour observera une discordance
entre les limites du titre de La Palma telles

qu'interprétées par El Salvador et la ligne réclaméepar El
Salvador aujourd'hui. Ceci apparaît- clairement sur la

carte3.2 en regard, où la différence entre son
interprétation du titre de La Palma et la prétention

actuelle d'El Salvadorest représentée sous la forme ombrée.
Dans cette zone ombrée, El Salvador ne peut invoquer de

titre, même postérieur à l'indépendance, comme l'est celui
de La Palma.

11. En troisième lieu, letracé de la ligne frontière

présenté par El Salvador est celui, parmi les nombreux
présentés depuis 1884, qui aboutit à un maximum de

prétentions territoriales2.

En tout état de cause, le Gouvernement du Honduras est
convaincu que la Chambre de la Cour appréciera comme il se

doit l'absence de fondement documentaire des prétentions
successives d'El Salvador ainsi que son comportement

erratique au cours des négociations.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.l.l.D,p. 1768 et Annexe IX.l.l.C, p. 1677.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 341-346

et carte B.6.4 montrant les prétenions successives d'El
Salvador dans le secteur de la Montagne de Cayaguanca
1892-1985. 12. Le mémoire d'El Salvador ne mentionne pas les

positions prises, et mentionnées dans le mémoire du
Honduras, les négociations de La Hermita en 1881 les

négociations des limitesde 1884, les Œuvres de Bustamente
et Barberena entre 1890 et 1892, ni même la proposition

salvadorienne lors de la réunion de la Commission mixte des
limites en 1985l.

2. Le tracé de la liqne frontière selonle Honduras '

13. Le tracé hondurien est radicalement différent du

tracé salvadorien. Il correspond tant à l'interprétation
correcte de l'"actuaci6n"de 1742 ou acte pris dans le cadre

de la procédure d'adjudication de la Montagne de Cayaguanca
à la communauté d'ocotepeque qu'à ce que le Honduras a

traditionnellement soutenu.

14. Le tracé de la ligne frontière dans ce secteur,
selon le Honduras, repose sur l'"actuaci6n" de 1742 ainsi

que sur la frontière des anciennesprovinces et est étayé
par une justification documentaire. Ces documents permettent

d'appliquer sans difficulté le principe de l'uti possidetis
juris de 1821.

15. Par ailleurs, la Chambre de la Cour appréciera la

continuité des positions défendues par le Honduras en ce qui
concerne le tracé de la ligne dans ce secteur. La lecture du

procès-verbal de la réunion du 11 juin 1972 entre les
délégués du Honduras et d'El Salvador à Guatemala fait

ressortir,que, dans le sens est-ouest:

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 342-345. "Depuis la rencontre du ravin Chiquita ou Oscura,
le Honduras soutient que la ligne de frontière
continue -usqu'à la Pena de ~ayaquancal" (souligné
par nous).

Cette position a été confirmée par la délégation du

Honduras, lors de la réunion finale de la Commission mixte
qui s'est tenue les 9 et 10 décembre 1985:

J
"De la Pena de Cayaguanca à la confluence du
torrent Chiquita ou Oscura avec la rivière
sumpui2."

16. Les Conclusions du Honduras dans le présent

différend sont identiques, tout en étant plus complètes et
plus précises. Le tracé de la frontière entre El Salvador et

le Honduras est constitué sur la ligne suivante:

"2. Secteur de la frontière terrestre compris
entre le Rocher de Cayaguanca et la confluence du
ruisseau du Chiquita ou Oscura avec la rivière
Sumpul. Du Rocher de Cayaguanca (14O 21' 55" de
latitude Nord et 89O 10' 05" de longitude Ouest),
en ligne droite jusqu'à la confluence du torrent
Chiquita ou Oscura avec la rivière Sumpul (14O 20'
25" de latitude Nord et 89O 04' 57" de longitude
0uest)3."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
IV.1.22.A,p. 579.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe

V.1.27, p. 980.

3 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions, p. 742. 3. Conclusion

17. Les positions respectives des Parties au présent
différend touchant la frontière dans la zone de la Montagne

de Cayaguanca entre le Rocher de Cayaguanca et la confluence
du ruisseau de Chiquita ou Oscura avec la rivière Sumpul
sont inconciliables. Compte tenu de ceci, le Gouvernementdu

Honduras commentera les observationsdu mémoire d'El
Salvador consacrées à cette zone. Dans ce but, il rappellera

d'abord les principes qui sous-tendent sa thèse dans ce
secteur (section II) avant de montrer que si le tracé du

Honduras est conforme, suivantla formule de l'article5 du
Compromis du 24 mai 1986, aux "normes du droit international

applicables entre les Parties" (sectionII), celui d'El
Salvador n'y est pas conforme.

Section II. Le fondement juridiquedes positions des

Parties sur la délimitation

A. L'ACCORD DES PARTIES SUR LA PREEMINENCEDU PRINCIPE
DE L'UT1 POSSIDETISJURIS DE 1821 DANS CE DIFFEREND

1. La position du Honduras

18. Le Gouvernementdu Honduras rappelle qu'il invoque

comme fondement de sa position, dans cette zone contestée de
la Montagne de Cayaguanca,selon laquelle la ligne frontière

va depuis le Rocher de Cayaguanca en ligne droite jusqu'au
point de confluence du torrent Chiquita ou Oscura avec la

rivière Sumpul, l'uti possidetis juris de 1821. En effet,
cette ligne correspond aux limites de juridictionsentre les

anciennes provinces qui forment aujourd'hui El Salvador et
le Honduras. 19. Comme l'a précédemment indi'quéle Gouvernement du

Honduras, le principe de l'uti possidetis juris de 1821 est
la composante essentielle des "normes du droit international

applicables entre les Parties" que la Chambre de la Cour
prendra en compte pour rendre son arrêt, comme les parties

lui ont demandé dans l'article 5 du Compromis du 24 mai
1986.

Il semble inutile de revenir sur les écrits du Honduras
concernant la sentence du Conseil fédéral suisse du 24 mars

1922 dans l'affaire des frontières colombo-vénézuelienneset
l'arrét rendu par la Cour Internationale de Justice le

22 décembre 1986 en l'affaire du différend frontalier entre
le Burkina Faso et la République du Mali, jurisprudence

ayant établi le principe d'accorder "au titre juridique la
prééminence sur la possession effective comme base de

souveraineté1."

Par contre, il convient de rappeler que l'article 26 du
Traité Général de Paix oblige la Commission mixte des

limites et donc, en principe, la Chambre de la Cour à se
fonder :

"sur les documents établis par la Couronne
d'Espagne ou toute autre autorité espaqnole laïque
ou ecclésiastique, durant l'époque coloniale, qui
indiquent les ressorts ou les limites de
territoires ou de localités2" (soulignépar nous).

1 C.I.J. Recueil 1986,p. 566, par. 23.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe

IV.1.55, p. 815. En effet, cet article confirme et renforce entre El

Salvador et le Honduras le principe de la primauté du titre
sur la possession qui a été dégagée par la jurisprudence

internationale.

2. La position d'El Salvador

20. Comme il a été indiqué précédemment, le
Gouvernement d'El Salvador reconnaît également, dans son

mémoire, la.primauté de l'uti possidetis juris de 1821 sur
la possession effective.

21. En outre, la Partie adverse admettout d'abord "le

fait incontesté, que sous le régime colonial espagnol, tous
les droits territoriaux étaient dévolus à la Couronne

dl~spagnel" et que par conséquent "la Couronne d'Espagne
pouvait discrétionnairement modifierces droits à tout

moment dans le cadre de l'exercice de sa souveraineté
exclusive sur ses possessions coloniales2". Elle admet

ensuite que "la date cruciale est celle à laquelle
l'indépendance a été effectivement réalisée3"et que par

conséquent "toute prétendue délimitationeffectuée par la

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; trad. fr.,
p. 13.

2 ~émoire d'El Salvador, chap. 3.7; trad. fr.,
p. 14.

3 ibid.suite est dénuée de valeur probante à l'encontre des

délimitations effectuées avant la disparition du régime
colonial1." Elle admet enfin, "1'importance déterminante des

titres officiels des "titulos ejidales" pour la délimitation
de la frontière terrestreentre El Salvador et le Honduras

dans les régions ou elle est en litige2."

3. Conclusion

22. Le Gouvernement du Honduras partage, sous réserve
de quelques précisions, le point de vue du Gouvernement d'El

Salvador sur la primauté du principe de l'uti possidetis
juris de 1821 tel qu'il vient d'être rapporté. Il en est de

même non seulement de la compétence de principe de la
Couronne d'Espagne,pendant la période coloniale, en matière

d'attribution des droitsterritoriauxet de délimitationdes
différentes entités constitutives de l'Empire espagnol en
Amérique mais aussi de la non opposabilité aux Parties au

présent différend des délimitations effectuées
postérieurement à l'indépendance de 1821; leur statut

territorial, à cette date devant seul, à l'exclusionde tout
autre être pris en compte et, enfin de la valeur probante,

pour la détermination des frontières actuelles entre le
Honduras et El Salvador des "titulosejidales" au moyen

1 ~émoire d'El Salvador, chap. 3.8; trad. fr.,
p. 14.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.1; trad. fr.,
p. 16.desquels les autorités espagnoles ont attribué en 1821 des
terres aux villages ou aux communautés indigènes. Il est

bien entendu, comme il- sera précisé plus loin, que ces
titres de terre doivent être interprétés à la lumière des

règles de répartition des compétences en vigueur en droit
colonial espagnol et qu'entout état de cause les limitesde

terre et les limites des juridictions provinciales ne
coïncident pas nécessairement.

23. Il y a accord des Parties au présent différend sur

le principe de l'uti possidetis juris. Cependant, alors que
le Honduras, conformémentau jeu combiné de l'article 5 du

Compromis du 24 mai 1986 et de l'article 26 du Traité
Général de Paix du 30 octobre 1980, applique le principede

l'uti possidetis juris avec toutes ses conséquences à la
zone de la Montagne de Cayaguanca,El Salvador ne l'accepte

qu'en apparence et il s'efforce avant tout d'en minimiser la
portée et de recourir le plus souvent possible aux

effectivités.

Plus importante encore est la divergence entre les
Parties sur la date critique de 1821. Le Honduras s'y

conforme pleinement en produisant des titres de terres
antérieurs à 1821 alors que la Partie adverse, en

contradiction avec elle-même invoque un titre de 1829. Par
ce moyen, El Salvador tente de renverser la charge de la

preuve qui lui incombe pour la raison que les prétendus
titres de 1695 et 1778, invoqués, maisnon produits, ne sont

pas des précédents au titre de 1829. En outre, la Chambre de
la Cour notera l'absence de la localisation géographiquede

l'Haciendade Sumpul et de Santiago de Valle.B. LE DESACCORD DES PARTIES SUR LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE

DE L'UT1 POSSIDETIS JURIS DANS LA ZONE DE LA MONTAGNE DE
CAYAGUANCA OU LE RECOURS PAR EL SALVADOR

AUX EFFECTIVITES

1. Pour le Honduras, le titre l'emporte sur
les effectivités

24. Pour le Gouvernement du Honduras, le recours au

principe de l'uti possidetis juris de 1821 ressortant de la
première phrase de l'article 26 du Traité Général de Paix

suffit pour délimiter la zone contestée de la Montagne de
Cayaguanca (il ne saurait en être autrement qu'en l'absence

de titres juridiquesantérieurs à 1821 ou dans l'hypothèse
de titres obscurs ou incomplets). Il n'est pas nécessaire de

recourir, en quelque sorte à titre subsidiaire, à la seconde
phrase de l'article 26 du Traité Général de Paix qui

mentionne qu':

"Il sera également' tenu compte des autres preuves,
thèses et argumentations d'ordre juridique,
historique ou humain et de tout autre élément
présenté par les Parties et admissibles en droit
international."

25. Le Gouvernement du Honduras rappelle la position
qu'il a précédemment indiquée à savoir son interprétationdu

droit particulier applicable aux relations entrele Honduras
et El Salvador et qui correspond aux principes généraux de

droit international concernantles relations entre titres et
effectivités dans les différends de ce genre; principes

systématisés par l'arrét du 22 décembre 1986, rendu par la
Chambre de la Cour Internationalede Justice, dans l'affairedu différend frontalier entrele Burkina Faso et la

République du ali i l,mme suit:

- Si le fait correspond exactement au droit, les

effectivitésne font que corroborer le titre;

- Si le fait ne correspond pas au droit et que le
territoire contestéest administré effectivement par un

autre Etat que celui que possède le titre juridique,le
titre prévaut sur les effectivités;

- En l'absence de titre l'effectivitédoit inévitablement
être prise en compte;

- Si le titre est obscuret imprécis, les effectivités
peuvent jouer alors un rôle pour indiquer comment le

titre est interprétédans la pratique.

26. L'application de ces principes en l'espèce rend
inutile de "tenir compte" des effectivités. En effet, comme
le mémoire du Honduras l'a établiet comme on le montrera à

nouveau dans les présents développements, les "titulos
ejidales" délivrés avant 1821par les autorités espagnoles
ainsi que l'"actuaci6n" de 1742 concédant la Montagne de

Cayaguanca à la communauté d'ocotepeque, suffisent pour
etablir le tracé de la ligne divisoire entrele rocher de

Cayaguanca et la confluence du ruisseaude Chiquita ou
Obscuro avec la rivière Sumpul.

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63. 27. Si les effectivités ont un rôle à jouer, c'est

seulement pour montrer que le Honduras n'a jamais abandonné
le titre et le Honduras se réserve de montrer que les titres

républicains qu'il a émis ainsi que les exercices de
juridictions et de souveraineté après l'indépendance

couvrent la zone qu'il réclame devantla Chambre de la Cour.

2. El Salvador, en revanche, priviléqie les effectivités

28. Le Gouvernement d'El Salvador soutient une
conception extensive des effectivités qui tend, dans la zone

de la Montagne de Cayaguanca, à éliminer le recours aux
titres juridiquesantérieurs à 1821 puisque le Honduras - à

l'encontre des prétendus titres datés de 1695et 1778 non
fournis, et qui se trouveraient dans les Archives Générales

d'Amérique centraleet du document d'arpentage des terres de
la Montagne de Rio Chiquito ou Sesemiles de 1829 - possède

ceux dont la date est la plus proche avant l'année 1821, à
savoir l'"actuaci6n"de 1742 ou actes pris dans le cadre de

cette procédure d'adjudication concédant la Montagne de
Cayaguanca à la communauté dlOcotepeque). De plus, le

Gouvernement d'El Salvador tente de faire disparaître du
présent différend non seulement le principe de l'*

possidetis juris mais encore celui de sa primauté sur le
"subsidiaire" des effectivitésprévue par l'article 26 du

Traité Général de Paixde 1980.

En effet, El Salvador tente d'introduire une confusion
entre ses affirmations, répétées et formelles, de soumission

au principe de l'uti possidetis juris de 1821:

"La position salvadorienne dans ce secteur, face
au Honduras est totalement justifiée par les
titres de terrains communaux délivrés dans son intérêt, par d'autres documents de l'époque
coloniale ainsi que par les droits exercés par El
Salvador dans les tenures royalesenvironnantes1."

et sa prise de position en faveurdes "effectivités",par

exemple relativement à la propriété rurale de Sumpul (et
plus particulièrement les "tierras realengas" ou terres de

tenures royales):

"...le laborieux peuple salvadorien (qui)
produisait et continue de produire du bois et où
il exerçait et continue d'exercer certaines
compétences dans les domaines civil, pénalet
militaire ainsique d'autres attributs du droit de
propriété2.'

29. La thèse qu'a développée le Gouvernement d'El
Salvador, dans la zone de la Montagne de Cayanguanca, si la

Chambre devait suivre la Partie adverse sur ce terrain,
aboutirait à éliminer tout recours et mëme à faire
disparaître du présent différend le principe de l'uti

possidetis iuris.

La Partie adverse ignore tout d'abord 1"'actuaci~n" de
1742 concédant la Montagne de Cayaguanca à la communauté

d'ocotepeque, titre autrement plus pertinent, dans le présent
différend que les prétendus titres salvadoriens datés de

1695 et de 1718.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22, trad. fr.,
p. 31.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21; trad. fr.,

p. 31. La Partie adverse produit,relativement aux "terrains

communaux de la Palma" un titre ou figurerait le document

d'arpentage des terresde la Montagne de Rio Chiquito ou
Sesemiles en date de 1829. El Salvador reconnaîtque "ce

titre soit postérieur à l'indépendance"et par conséquent le
Gouvernement du Honduras est fondé à en démontrer le rejet

pa'rceque sa prise en considération par la Chambre de la
Cour reviendrait tout d'abord à éliminer le recours au

principe de l'uti possidetis juris de 1821 en ce qui
concerne la partie visée par lg"actuaci6n"de 1742 concédant

la Montagne de Cayaguanca à la communauté d'ocotepeque.
Ensuite, cela reviendrait aussi à préférer un titre

postérieur à'la date de l'indépendance en1821 qui irait à
l'encontre des titres d'ocotepeque de 1816 et 1818,

antérieurs à l'indépendance. Le Honduras rappelle qu'il a
déjà dénoncé le non respect d'El Salvador de la date

critique dans ce secteur contesté de la montagne de
Cayaguanca.

Enfin, la Partie adverse considère commeun fait

décisif, en ce qui concerne la propriété rurale de Sumpul
que :

"ce secteur de la frontière n'a (n'aurait) jamais
été contesté au siècle dernier, même dans le cadre
des procédures visant à exécuter le titre officiel
des terrains communaux de la Palma en faveur de
ses habitants salvadoriens. Les habitants voisins
d'ocotepeque au Honduras dûment convoqués, n'ont
cependant jamais opposé d'objections aux
opérations d'arpentage, pas plus qu'ils n'ont
prétendu que ces titres appartenaientau Honduras.
Une telle prétention a été pour la première fois
formulée dans le cadre de la Commission mixte de
délimitation de 1916, mais sans qu'aucune preuve
documentaire soit produite pour le justifier1."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21; trad. fr.,
p. 31. 30. Ce passage du mémoire d'El Salvador mélange les

arguments afin d'augmenter la confusion. Dans un souci de
clarté, il convient de faire un certain nombre de remarques.

31. Tout d'abord, la tentative d'El Salvador est une

fois de plus consacrée à faire disparaître du présent
différend le principe même de l'uti possidetis juris. En

effet, les faits qu'allègued'ailleurs à tort El Salvador,
sont postérieurs à 1821.

32. Ensuite, il est inexact que la première prétention

du Honduras n'ait été effectuée, dans des négociations qu'en
1916. En effet, comme l'a montré le mémoire du Honduras, le

Honduras a affirméses droits, au cours des négociations de
La ~ermita en 18811 et des négociationsdes limites de 18842

et n'a jamais acquiescé aux prétentions avancées par El
Salvador.

33. Enfin, le Gouvernement d'El Salvador, en se

plaçant sur le terrain des effectivités postérieurement à
l'indépendance (par ailleurs non établies ni prouvées), veut

ignorer le problème fondamental de la répartition des
compétences entre les autorités coloniales espagnoles. En

effet, comme l'a démontré le Gouvernement du Honduras dans
son mémoire, la ligne frontière qu'ildemande correspond aux

limites de juridiction entre les anciennes provincesqui
forment aujourd'huiEl Salvador et le ond duras^.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.35,p. 124.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.51, p. 169; mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X,
p. 341 et suiv.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1,chap. X, p. 347. Section III. Le tracé de la ligne frontièredans ce secteur

en applicationdu principe de l'uti possidetis iuris

A. LES TITRES DU HONDIJRAS

34. Sur le fondement du principe de l'uti possidetis
juris de 1821 exposé dans les développements précédents, le

Honduras soutientque, dans la zone contestée de la Montagne
de Cayaguanca, la ligne frontière va depuis.le rocher de

Cayaguanca, en ligne droite jusqu'au point de confluence du
torrent Chiquita ou Oscura avec la rivière Sumpul.

Le Gouvernement du Honduras maintient que la ligne que

l'on vient de décrire correspond à des documents tels que
l'adjudicationdes terres de la Montagne de Cayaguanca à la

communauté d'ocotepeque de la province de Comayagua en 1742.
Ces documents établis par les autorités espagnolesdu XVIII~

siècle mettent en évidence les limites des anciennes
juridictions d'avant1821.

35. El Salvador affirme avoir eu traditionnellementla

possession de ce secteur tant à l'époque coloniale qu'après
l'indépendance. Pour le Gouvernement du Honduras, El

Salvador n'a pas eu la moindre possession surce secteur. La
Chambre de 'la Cour observera qu'El Salvador n'a fourni

aucune justificationdocumentaire sur sa "possession" sur le
secteur pendant la période coloniale et qu'au contraire,

pour cette période pertinente aux fins de l'application de
l'uti possidetis juris de 1821, le Honduras a invoqué un

titre juridique reposant sur l'"actuaci6nM de 1742
susmentionné 36. Pour la période postérieure à 1821, le Honduras a

montré que les négociations entre 1884 et 1985 démontre la
position constante du Honduras dans ce secteur. Il n'y a eu

aucun litige dans ce secteur avant 1884 et le Honduras se
réserve de produire ses titres républicainset ses actes de

juridictionset de souveraineté.

37. Il faut rappeler que les conflits sur les limites
des terres entre les communautésindigènes de San Andrés de

Ocotepeque et de San Franciscode Cital.4se trouvant situées
de part et d'autre de la rivière Lempa sontpertinents pour

la délimitation de la frontière dans le secteur de
~a~aguancal.

Les droits du Honduras sur la zone contestée sont

mentionnés dans 1'"actuacidn" de 1742 concédant la Montagne
de Cayaguanca à la communauté des indiens de San Andrés de

0cotepeque2.Le passage pertinentest reproduit ci-après:

de Jupula qu'on prétend donner aux habitants derres
Citala, ils (les notables du village d'ocotepeque)
n'ont rien à objecter sinonqu'ils s'en remettent
à ce qu'ils ont dit; et qu'ils sollicitent
seulement qu'on leur laisse la montaqne dite
Cayaquanca, qui se trouve au-dessusde la rivière
Jupula, qui est patrimoine royal et que les
indiqènes du quartier de San Sebastian dudit
village ont culfivé, ce par quoi ils s'estimeront
satisfaits et dédommaqés des terres de Jupula...
Les indiqènes du villaqe d'ocotepeque déclarèrent

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIII,

,p. 295-298.
2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe

.XI.1.1,p. 2069. que la montaqne qu'ils avaient sollicitée ainsi
quÏil figure au présent dossier, était celle qui
s'étendait depuis cette derniere borne ë6
direction de l'est, qu'ils appellent Cayaquanca,
et qui est celle que cultivaient et cultivent les
habitants d'ocotepeque et qu'ils se contenteraient
de cette montaqne; et en effet, nous luqes,
~~nstatant qu'ils Y ont leurs chaumes,
... déclarons (les juges qu'elles leur
appartiennentet que cela ne porte pas préjudice à
des tiers et qu'elles ne fiqurent sur aucun titre
du villaqe de Citala, c'est pourquoi, conformément
aux dispositions de Votre Excellence, nous
ordonnons aux habitants d'ocotepeque de faire
usaqe de ladite montaqne,ce dont les uns et les
autres s'estimèrent satisfaits et il leur fut
ordonné de se contenir à l'intérieur de ces
limites et bornes, en les avisant que dans le cas
contraire ils seraient punis; ils répondirent
qu'ils s'y conformeraient..."(soulignépar nous).

38. Les droits du Honduras peuvent être aussi relevés
dans le titre des terres d'ocotepeque de 1816. En effet,

après avoir effectuédes opérations d'arpentage, l'arpenteur
Manuel Sanchez rend compte, le 5 mai 1817, que:

"Les Indiens de Ocotepeque possëdent le territoire
de Cayaquanca où ils ont partout leurs culturesde
maïs, leurs culturespotagères et arbres fruitiers
car la plupart de ces terres sont abondamment
arrosées et les pentes des montaqnes à leurs
extrémités sont bonnespour la culture du maïs
-tc. Les ancêtres des Indiens ont possédé
pacifiquement ces étenduesl..." (souligné par
nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.l.l.D, p. 1793. 39. Suite à cette procédure,une autre s'engageet les
pièces en sont regroupées dans ledocument intitulé "Le

réarpentagedes terres dlOcotepequede 1818~. Au cours de ce
réarpentage effectué, sous l'autorité du Juge privatif des

terres de Guatemala, par le sous-délégué chargé de mission
spéciale par le Gouverneur intendant de la province de

Comayagua, des témoins furent amenés à dire qu'ils étaient
en possession depuis des temps immémoriaux,du terrain

délimité par des bornes qu'ils signalèrent. Parmices
témoignages, on peut relever celui de Santiago Arita qui
déclare que:

"...les Indiens de Ocotepeque ont été en
possession des terres délimitéespar.. . le mont de
cayaquanca2...*'(soulignépar nous).

Trois autres témoins, Feliciano Aguilar, Cayetano Duban
et Patricio Andrada, pour leur part déclarèrent que les

bornes des terrains appartenant aux indiens dlOcotepeque
étaient "la pointe de Cayaguanca qui faitface au nord", "le

mont de Cayaguanca",ou encore "l'extrémitéSud du méme mont
de cayaguanca"3.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe .
Ix.l.l.C,p. 1677 et suiv.

2 ibid., p. 1698.

3 ibid.,p. 1717. Le juge chargé de l'arpentage des "ejidos" des indiens

d'ocotepeque signale que "dans le but de faire l'inspection
du terrain à arpenter" il a grimpé "au sommet du mont de

Cayaguanca et qu'il vit les bornes que les témoins avaïent
mentionnées". Le lendemain, le 17 novembre 1818, le juge

rapportequ'il prit:

"...le chemin du mont appelé Cayaquanca qui fait
face au nord, et ayant ordonné au tireur de corde
et à l'ar~enteurde tendre les cordes aue ie leur
ai remises, longues de 50 varas castillarks,
prit la direction du mont de Sedros, qui se trouve
à l'est 4a au nord est, et étant arrivés à la
borne contiqüe à 50 cuerdas, j'ai ordonné de la
remettre en- état en ajoutant des pierres et en
érigeant une croixde bois, et chanqeant de cap,
on se diriqea au nord est eton arriva au mont de
San Antonio à 40 cuerdas où se trouve une autre
borne ancienne que j'ai également ordonné de
remettre en état en- ajoutant des pierres et en
érigeant une autre croix. En siqnalant bien que
les terres arpentées se trouvent sur la qauche, et
sur la droite les terres de la couronne, et
chanqeant de direction, on prit vers le nord nord-
est, et cheminant par des crêtes montant et
descendant, on trave'sa le chemin royal qui mène
de Sensenti au villa de Ocotepeque et on arriva à
50 cuerdas à un lieu qu'ils disent se nommer El
Carrisal où j'ai ordonné d'érigerun monticule de
pierre contre le tronc d'un chêne, et changeant de
direction on prit vers le nord, nord est, 4a à
l'ouest et on arriva à 64 cuerdas à la colline
qu'ils appellent de los Huezos où l'on rassembla
également quelques pierres1..." (souligné par
nous).

1 Mémoire du Honduras, ~nnexes, vol. IV, Annexe
IX.l.l.C,p. 1718. Le 24 novembre 1818, lejuge rapportequ'il se trouvait
au sommet du mont de Cayaquanca qui fait face au sud et

ordonna "de tendre la corde en direction du même mont qui
fait face au nord". Etant donné qu'il était impossiblede

mesurer avec la corde car le passage par la montagne, les
ravins et les rochers étaient impratiquables,il mesura à

vue d'Œil, et arriva au pic qui fait face au nord à
80 cuerdas, là où il avait commencél'arpentage1.

Il peut être nécessaire de préciser que le terme "La

montagne de Cayaguanca" n'a pas une acceptation étroite
selon laquelle il ne couvrirait qu'un "cerro" ou une hauteur

déterminée. En vérité, ce terme s'entend de tout le massif
et c'est ce que tant les indiens exploitant et ayant l'usage

des deux côtés de la montagne, que les deux juges délégués
avaient à l'esprit. Il s'agissait d'un terme de référence et

d'une acceptation largeet non d'une hauteurdéterminée2.

De mëme, il convient de préciser le village
d'ocotepeque correspond sur la carte 3.1 ou 3.2 mentionnées

ci-dessus à "Antigua Ocotepeque" et non à "Nueva Ocotepeque"
qui se trouve bien plus au Nord.

40. La carte A.6 intitulée "Carte de 1'Etat Fédéral

d'El Salvador''et dessinée en 1839 par le Colonel Juan
Galindo, démontre clairementque la zone de la Montagne de

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
Ix.l.l.C, p. 1721.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 354-355,
par. 21.Cayaguanca se trouve, non au El Salvador, mais au Honduras.

Il en est de même de la Carte A.8 "carte de 1'Etat du San
Salvador et d'une partie de celui du Honduras (Amérique

Centrale) indiquant le tracé du chemin de fer projeté
interocéaniquedu Honduras publiée par Ephraim George Squier

en 1853". En outre, sur la carte A.12 "Carte Générale de la
République d'El Salvador" dressée par Maximilien V.

Sonnestern en 1859, par ordre du Président de la République
d'El Salvador, montre qu'à Cayaguanca, la frontière

intercepte la rivière Sumpul très au Sud de la source. Enfin
la carte A.19 intitulée "Cartedu Honduras" et préparée par

Francisco Altschull par le Directoire National du Honduras
en 1898 montre clairement que la zone contestée de la

Montagne de Cayaguancase trouve en territoire hondurien2.

B. LES ARGUMENTS ET DOCUMENTS INVOQUES PAR EL SALVADOR
N'INFIRMENT PAS LES TITRES DU HONDURAS

1. Introduction

41. Au chapitre 6.14, El Salvador reconnait le

caractère géographiqueparticulier et peu peuplé du massif
où "culmine le Cerro El Pital", au Nord de la ligne

prétendue par le ~ondurasl.

42. La Chambre de la Cour notera que le Gouvernement
d'El Salvador n'a produit dans son mémoire aucun document de

l'époque colonialecontredisant la décision susmentionnéede
1742. En effet, le titre des nouveaux "ejidos" de la Palma

de 1829, et où figure le document d'arpentage des terres de

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.14; trad. fr.,

p. 28.
2 Ces cartes se trouvent dans 1'Annexe

cartographiqueau mémoire du Honduras, vol. VI.la montagne de Rio Chiquito ou Sesemites sur lequel El

Salvador prétend fonderses prétentions ne revêt pas ce
caractèrel. El Salvador le re,connaîtlui-même en indiquant

que "ce titre (est) postérieur à l'indépendance2". Par
ailleurs, 1e Honduras montrera plus loin que

l'interprétation d'El Salvador des nouveaux "ejidos" de La
Palma est erronée.

Le mémoire d'El Salvador ajoute, sans l'ombre d'une

preuve que:

"sa proximité par rapport à la date de
l'indépendance permet de vérifier certains
précédents antérieurs à l'indépendance qui
corroborent les titres salvadoriensdans ce
secteur" (soulignépar nous).

43. Selon le mémoire d'El Salvador, des documents

conservés dans les "Archives Générales d'Amérique Centrale",
relevant du XVIIe siècle (El Salvador ne les a pas produits

et l'on ne sait s'il s'agit des précédents antérieurs à
l'indépendance et au titre de La Palma de 1829)

démontreraient3qu':

"Entre ces sommets (CerroEl Pital et Cerro Barro)
et le cours du Sumpul, des habitants d'El Salvador
ont fondé il y a très longtemps le hameau du
Sumpul dans la propriété rurale(ou l'Hacienda)du
même nom... (qui) se trouve à quelque
10,3 kilomètres au nord-est de San Ignacio,
village d'El Salvador, dans le district de Tejutla
en Républiqued'El Salvador."

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 2, P. 11 v-l4 v.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.19; trad. fr.,
p. 30.

3 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.15-6.18; trad. fr.,
p. 28-30. Le mémoire ajouteque:

"Depuis ces temps reculés, le cours supérieur du
Sumpul a toujours constituéla frontière entre les
régions devenues aujourd'hui les Etats d'El
Salvador et du ~ondurasl."

La Chambre de la Cour notera que le Gouvernement d'El
Salvador mentionne un document de 1689 figurant dans les

Archives Générales d'Amérique Centralepour 1'année 169s2.
Ce document de l'époque coloniale,par ailleurs, non produit

dans les annexes au mémoire d'El Salvador, ne contredit pas
la décision susmentionnée de1742. Ce document, non produit

est en outre, à l'évidence incomplet dans le sens où il
mentionne des procédures engagées en1687 en vue de faire

déclarer la valeur exacte de deux "caballerias"de terre
arpentées dans la région de la Concepcion d'une part et de

onze "caballerias" et dix sept "cuerdas qui auraient été
arpentées suivant les instructions du Gouvernement suprême

du Sumpul.

Le Gouvernement d'El Salvador mentionne un autre
document conservé dans les mêmes archives, dontil n'indique

pas la date, mais qui doit se situer autour des années
17183. Ce document, n'est pas non plus reproduitdans les

annexes au mémoire d'El Salvador. S'il a été produit
seulement en langue espagnole,postérieurement au dépôtdu

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.18; trad. fr.,
p. 30.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.16; trad. fr.,

p. 29.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.17; trad. fr.,
p. 29.mémoire, il est par ailleurs incomplet. Selon El Salvador ce

document se réferrait à des terres appartenant à la Couronne
["tierras realengas") situées dansla vallée de Sumpul et

indiquerait que les opérations d'arpentage auraient été
ordonnées par le juge principal des mesures, ventes et

compositions de terres du Royaume de Guatemala,le 7 janvier
1718. El Salvador, bien qu'il n'indique pas l'issue de la

pr,océdure,ni mëme la location exacte, amène à induire,
d'une mesure implicite, dans le paragraphe suivant de son

mémoire que les "ejidos de composition"concernaient:

"Les terres de la vallée Sumpul (qui) s'étendaient
à l'ouest et au sud-est des chutes et du cours
initial du Sumpul, dans leressort de ce qui était
à l'origine 1'"Alcaldia Mayor" et est ensuite
devenu 1' intendance de San salvadorl. "

44. Le mémoire d'El Salvador poursuitque:

"La propriété rurale de Sumpul, relevant du
district judiciairede Tejutla au El Salvador et
englobant un ancien peuplement, appartenait en
1820 à Santiago Valle, s'étendant au nord de la
du Sumpul et jouxtanto,a l'ouest une grande partie

du Cerro El pita12."

Il faut noter que le mémoire d'El Salvador ne produit

aucune preuve pour soutenir cette affirmation ni pour

localiser cette'hacienda.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.18; trad. fr.,

p. 30.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21; trad. fr.,
p. 31. 45. La non production du titre avancé par El Salvador,

sur les terres de la vallée de Sumpulle conduit à se fonder
sur les "effectivités" au sujetdesquelles le Honduras a

déjà indiqué qu'elles nepouvaient aller à l'encontre d'un
titre colonial, ou le contredire, en l'occurence celui

invoqué par le Honduras, à savoir 1'"actuacfdn" de 1742
concédant la Montagne de Cayaguanca à la communauté des

indiens d'ocotepeque.En effet, El Salvador affirme que:

"Ses colonisateurset propriétairesultérieurs ont
toujours été des salvadoriens et ce district,
selon les archives (non produites) a été occupé et
civilisé par des familles originaires de la
province de San Salvador. Depuis ces temps
reculés, le cours supérieur du Sumpul a toujours
constitué la frontière entre lesrégions devenues
aujourd'hui les Etats d'El Salvador et du
~ondurasl' (la parenthèse est de nous).

46. Pour le Gouvernement du Honduras, les affirmations
d'El Salvador ne contredisent pasles documents établispar

les autorités espagnoles du XVIIIe siècle mettant en
évidence les limites des juridictions d'avant 1821 tel que

son titre susmentionné et qui se trouve être 1'"actuacion"
de 1742 concédant la Montagne de Cayaguanca ,aux indiens

d'ocotepeque.

47. La Chambre de la Cour notera enfin, pour autant
que de besoin, que le mémoiredu Honduras a déjà répondu, en

quelque sorte en avance, aux allégationsdu Gouvernement
d'El Salvador selon lesquelles, après l'indépendance, "ce

secteur de la frontière n'a jamais été contesté au siècle
dernier" et qu'"une telle prétentiona été pour la première

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.18; trad. fr.,
p. 30.fois formulée dans le cadre de la Commission mixte de

délimitation de 19161." Le Gouvernement du Honduras
rappelera seulementla section II de son mémoire consacréau

différend sur la ligne frontière dansla zone, notamment la
période de 1884 à 1900 et celle de 1900 à 1985 où le

Gouvernement du Honduras démontreque la ligne qu'il réclame
aujourd'hui devant la Chambre de la Cour a été

continuellement réclamée depuisla date de la naissance du
différend dans le secteur de la Montagne de Cayaguanca,

c'est-à-diredès 18842.

Au surplus, cette allégation du Gouvernement d'El
Salvador est mal venue. En effet, El Salvador reconnaissait

encore en 1936 que la montagne d'"El Pital" était sous
juridiction hondurienne.En fait foi, une note verbale du
Ministère des Relations Extérieures dela République d'El

Salvador, en date du 22 août 1936, adressée à l'Ambassadeur
du Honduras au El Salvador. Cette note, transmet

officiellement un message entre le Ministre salvadorie de
la Guerre et celui des Relations Extérieures dont le texte

est le suivant:

"Le Commandant local de La Palma m'informe que,
selon les informations qu'il a obtenues, les
généraux révolutionnaires Encarnacion Arita et
Santos Chinchilla se trouvent dans la montaqne
d'"El Pital, juridiction de Ocotepeque (Honduras)
et qu'ils se dirigent vers Nuevo Ocotepeque3"
(soulignépar nous).

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21; trad. fr.,
p. 21.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. X, p. 341 et

suiv.

3 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe V.l, p. 181. 2. L'interprétationsalvadoriennedu titre de La Palma
de 1829 est erronée

48. Le périmètre du titre de La Palma, tel

qu'interprété par El ,Salvador, ne coïncide absolument pas
avec la ligne décrite au chapitre 6.14 et suivants du

mémoire d'El Salvador ainsique le montre la comparaison des
lignes figurant sur les cartes 6.8 et 6.11 d'El Salvador que

le Honduras a reproduit sur sa carte 3.2 en regard de la
page 214 du présent contre-mémoire. Comme le Honduras l'a

précédemment indiqué, au paragraphe 10 du présent chapitre,
la zone ombrée ne trouve aucun fondement dans letitre même

de la Palma, tel qu'interprété par le Gouvernement d'El
Salvador lui-même.

49. Plus encore, le périmètre du titre de La Palma,

tel qu'interprété par El Salvador, est erronée. Le
Gouvernement du Honduras a, dans un souci de clarification

de l'exposé, sur la carte 3.1, à la page 212 du présent
chapitre, reproduit 1a ligne correspondant à

l'interprétation d'El Salvador du titre des nouveaux
"ejidos" de La Palma ainsi que la ligne correspondant à son

interprétationde ce titre.

A titre d'exemple de l'interprétation erronéepar El
Salvador du titre de La Palma de 1829, le Gouvernement du

Honduras discutera de la section du tracé salvadorien de la
ligne frontière située entre la source de la rivière Sumpul

et la Pena de Cayaguanca.

50. Le 30 septembre, le juge rapporte qu'il se
trouvait à la confluence de la "Copantillo Gorge" avec la

rivière Sumpul et indiqué,marcha: "...to the Southwest with four deqrees of
declination to the South-Southwest, and walkinq
alonq this route were measured thirtyfive cords
more, till the place named El pitall" (souligné
par nous).

La Chambre de la Cour noteraque la ligne d'El Salvador

interprétantle titre ne va pas en ligne droitealors que le
juge indique que c'est ce qu'il fit. En outre, il est

certain que le juge n'escalada pasle sommet du Cerro El
Pital, qui est situé à 2780 mètres d'altitude. S'il avait

effectué une telle performance en une seule journée, il
l'aurait sûrement mentionné. On ne peut qu'en conclure que

"the place named El Pital" se trouve à l'Est du sommet du
Cerro El Pital et que la ligne salvadorienne n'est pas
correctementinterprétée.

Le ler août, le juge rapporteque:

"...sited in the place of El Pital and followinq
the same way than yesterday, extended the cord &
the nearbv of Copo de Cayaquanca and these were
sixty of the said cordsL" (soulignépar nous).

La Chambre de la Cour notera que le juge n'escalada pas
non plus la montagne de Cayaguanca, mais ici ceci est

clairement confirmé puisqu'il utilise les mots "nearby" qui
implique une idée de voisinage avec la Pena de Cayaguanca.

On doit en conclure que la montagne de Cayaguanca quise
trouve à l'Est de la ligne du Honduras interprétantle

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 2, p. 3.

2 Mémoire d'ElSalvador, Annexe 2, p. 4.titre, n'est pas couverte par l'arpentage de 1829et que le

"nearby of Copo de Cayaguanca" n'est pas correctement
interprétépar El Salvador.

Il convient de faire une remarque commune sur ces deux
extraits. Le juge, à partir de la confluence de la

"Copantillo Gorge" avec la rivière Sumpul s'est toujours
dirigé en ligne droite, dansla direction Sud-Sud-Ouest. Il

en résulte qu'il a laissé non seulementle Cerro El Pital
mais encore le Cerrode Cayaguanca à l'Est de la ligne selon

laquelle le Honduras interprète le titre de La Palma et
qu'en aucune manière la ligne prétendue par El Salvador

comme représentant les limites du titre de La Palma, n'est
correcte.

51. Au surplus, le juge indiqué que: "du nearby of
Copo de Cayaguanca, il poursuivit stll in that course

were extended thirtyseven (cords) more to reach the
headwatersof the Jupula ~iverl.. ."

Le 3 août, le juge rapporteque:

" ..having been warned of the inaccessibility of
the way between the (headwaters of the Jupula
River) and the hillock of Santa Rosa (he) reached
this last through anotherpath and once there (he)
found the dividing ling ("El Lindero") which
coincides with the commons of this town
accordingly to the general saying and to the map
of the surveyor... Being then, there, 1 ubicated
the compass needle in the NauticRose and oriented
it towards the landmark precedent to this last,
and it pointed to theWest-Northwest, two degrees
to the Northwest,being it so that this landmark

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 2, p. 4. of Santa Rosa (otherly known as Marrano) in
relation to its precedent, is in the same
orientation that we extended the cord from
Copantillo. Here 1 was convinced of the
impossibilityof the gorges which go £rom here to
~er?ascoBlanco, therefore 1 decided to make the
same operation than the one accomplished in the
anterior case, and the compass needle pointed
towards the East-Southeast, twodegrees to the
Southeast. Thus demarcated this place by the
coincidence of the lines, 1 looked the scaled
compass and measured, to the landmark consistent
in the headwaters of the Jupula river, eightyfour
and a half cords, and to the said Penasco Blanco,
one hundred and twentyone, and 1 indicated both
distances with points in the mapl."

Enfin, le titre de La Palma rapporte que le juge, a
atteint le 27 septembre:

"...The ~einascoBlanco... this stone as landmark
in the boundary of their cornons.. and
(representatives of the citizens) manifested...
that it was there £rom they wished the present
measu'rementto be begun in order it may coincide
with their cornons... the cord was extended to the
East and a quater to Southeast.. . till the place
of Las ~ruces2."

Les extraits ci-dessus rapportésdu titre de La Palma
relativement à l'interprétationd'El Salvador du titre des

nouveaux "ejidos" de La Palma entre le "nearby de Copo de
Cayaguanca" méritent la Formulation d'un certain nombre

d'observations à l'attentionde la Chambre de la Cour.

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 2, p. 4-5.

2 Mémoire d'El Salvador,Annexe 2, p. 1. Tout d'abord, dans la section entre le "nearby of Copo

de Cayaguanca" et le ~eGasco Blanco, le juge n'a pu aller,
sur le long de la ligne interprétée par El Salvador qu'en

deux points intermédiaires. Le premier est le Head Water of
Jupula River, mais il sera noté non seulement une erreur
dans l'identificationde la localisationexacte de ce point

mais encore qu'aucun titre de terrain ou témoignage lui ont
été présenté. Le second est le Santa Rosa Hillock, et il

sera noté qu'aucun titre ne lui a été présenté et qu'il se
base sur le "general saying" des habitants de cette ville et

sur une carte d'un "surveyor" qui l'accompagnait, mais qui
n'est pas jointe aux pièces de procédures. De même, il

aurait établi une carte, mais elle n'est pas produite. En
tout cas, ayant pris un autre chemin que celui qui suit leur

ligne il n'a pas rencontréles titulaires d'"ejidosV qu'ils
soient salvadoriensou honduriens.

Ensuite, le juge n'a pas utilisé de cordes pour

l'arpentage mais, comme l'indique El Salvador, l'ancêtrede
la théodolite.

Enfin, l'on est intéressé de noter que ce n'est qu'à

compter de ~erïascoBlanco que les habitants demandent que
l'arpentage "coïncide with their commons". On relèvera

également que le juge des terres en conséquence ne s'est pas
dirigé vers l'Ouest, c'est-à-dire vers Santa Rosa Hillock,

mais vers l'Est-Sud-Esten direction de la Cumbres.

52. De ce qui précède, il découle que la
représentationd'El Salvador du titre des nouveaux "ejidos"

de La Palma, en particulier entre la "Confluence of the
Copantillo Gorge" avec la rivière Sumpul et le rocher de

Cayaguanca est incorrecte et arbitraire. En d'autres termes,
le secteur compris entre la source du cours Sumpul et SantaRosa Hillock, c'est-à-dire à l'Ouest de la ligne selon
laquelle le Honduras interprète le titre de La Palma, n'est

pas couvert par ce titre. Plus encore, le secteur compris
entre la source du cours Sumpul et le ~e;iascoBlanco, à

l'Ouest de la ligne d'interprétationhondurienne n'est pas
couvert du titre de La Palma, et le Gouvernementdu Honduras

est fondé à réclamer l'exacte interprétation du titre.
L'analyse du mémoire d'El Salvador faitainsi apparaître le

défaut de base factuelle et juridique de sa revendication
sur les terres de La Palma, qui on le rappellera, ont fait

l'objet d'un arpentage postérieur à la date critique de
1821.

3. La mauvaise applicationpar El Salvadorde la léqislation

espaqnole applicable aux Indes

53. Le Gouvernement du Honduras désire faire quelques
observations sur la mauvaise application par El Salvador de

la législation espagnoleapplicable aux Indes avant la date
de l'indépendance.

Le Gouvernementdu Honduras rappelle que tout d'abord,

El Salvador fonde sa position sur l'affirmation selon
laquelle dans la zone contestée:

"...s'étendaientdurant l'ère coloniale desterres
appartenant à la Couronne d'Espagne en vertu du
droit du conquérant, comprises administrativement
dans le district judiciaire presque' totalement
inhabité de Tejutla, lequel faisait partie de la
province et de l'intendancede San Salvador.. .Ces
terres... n'étaient soumises à aucune autorité
communale, sont alors passées du fait de leur
colonisation, sous l'autorité administrative,
politique et judiciaire du district déjà mentionné
de ~ejutlal."

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.14; trad. fr.,

p. 28. Ensuite, El Salvador fonde sa prétention sur un

fondement selon lequel:

"Les terrains communaux constituenten effet une
institution politique qui appartient non seulement
au village auquel ils sontrattachés mais aussi à
la province dont le villagefait partie1."

puisque dans la thèse d'El Salvador, le"titulo ejidal":

"constitue une preuve déterminante quantaux
droits territoriaux de 1'Etat dont fait partie le
village considéré2."

En droit comme en fait, le Gouvernement d'El Salvador
invoque des "ejidosde composition".

Le premier est basé sur le document de 1689 rapportant

d'une part la procédure de composition engagée par un
résident de la vallée de Guarabuqui dans le ressort de

Tegucigalpa pour les terres arpentées dans la région de
Conception et d'autre part, une autre procédure de
composition par un résident de San.Salvador pour des terres

arpentées suivant les instructions du Gouvernement Suprême
de la vallée de Sumpul. Un membre du conseil de Sa Majesté

avait été officiellement saisi de ces procédures de
composition3.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.9; trad. fr.,

p. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 4.14; trad. fr.,
p. 20.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.16; trad. fr.,
p. 29. Le deuxième est basé sur le document de 1718 rapportant
une procédure de composition par un résident de la vallée

d'El Dorado dans le ressort de San Miguel pour des terres
arpentées, sur des terres appartenant à la Couronne, en

vertu d'un décret publié par le juge principaldes mesures,
vente et évaluations foncièresdu royaume colonial de

~uatemalal.

54. Comme le Gouvernement du Honduras l'a indiqué, la
prétention salvadorienne nerepose sur aucun fondementdans

le droit espagnolen vigueur en Amérique jusqu'en 1821. Ces
affirmations doivent être rejetées car il s'agit d'"ejidosM

attribués par un titre de "composition" de terres et
qu'elles ignorent la distinction fondamentale du droit

espagnol en "termino" et territoire, c'est-à-dire entre
attribution de la propriété des "ejidos" à une communauté

indigène et limites de juridictions des anciennes provinces,
distinction correspondant à celle entre dominium et

imperium2.

a) Les errements d'El Salvador concernant les questions
relatives aux "ejidos"

55. Premièrement, en effet, un "ejido" n'est pas une

"institution politique" rattachée à un village et à une
ancienne province,ainsi que le prétend El Salvador. Comme

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.17; trad. fr.,

p. 29.

2 Contre-mémoire du Honduras, chap. V, p. 77, par.
26.le Gouvernement du Honduras l'a démontré les "ejidos de

composition" ne constituent en aucune façon des biens
appartenant au domaine public des municipalités, mais des

biens faisant l'objet d'une propriété

56. Deuxièmement, en ce qui concerne le 'término"
contrairement à ce qu'affirme El Salvador la concession

d.'"ejidosW n'a aucun effet sur les frontières des
juridictions des anciennes provinces. L'attribution d'un

"ejido" dans une autre province n'implique pas l'attribution
de la juridiction de l'autorité administrative sur cet

"ejido" et le fait d'attribuer un "ejido" dans une autre
province ne modifie pas les limitesdu territoire de ladite

province, ni la compétence territorialeou "juridiction"de
ses autorités2. En ce qui concerne le territoire, la

compétence pour établir ou modifier les frontières des
provinces ou autres "territoires"incombait exclusivement à

la Couronne d'Espagne. A cet égard, il convient de se
référer à la loi 1, titre V, livre 1 de la "Recopilaci6ndes

lois des Indes" de 1680 qui stipule que les limites de
juridictions:

"...sont définies par les lois du présent livre,
les titres officiels, les ordonnances du
Gouvernement supérieur des provinces, les us et
coutumes légitimementétablies."

1 Contre-mémoire du Honduras, chap. V, p. 74,
par. 22.

2 Contre-mémoire du Honduras, chap. V, p. 77,
par. 26. Comme le Gouvernement du Honduras l'a déjà indiqué
précédemment, l'attribution d'un "ejido" dans une autre
province ne modifiepas les limites des "territoires" et des

"juridictions" et par conséquent, il n'y a pas identité
entre les limites administratives, les provinceset les

limites des propriétés "ejida1es"l.

b) Les errementsd'El Salvador concernantles questions
relatives aux "tierras realenqas"

57. A l'opposé de ses thèses sur la zone contestée de

~aguateri~ue~ et de ~olores3, dans lesquelles El Salvador
fait allusion aux "tierras realengas" en vue de l'étendue

des zones en litige, dans la zone de Cayaguanca,El Salvador
utilise les "tierras realengas"en relation avec sa thèse

des prétendues "effectivités" lorsqu'il parle des "...droits
exercés par El Salvador dans les tenures foncièresroyales

(Royal land Holdings) environnantes4."

1 Contre-mémoire du Honduras, chap. VI, p. 150,

par. 27.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.30; trad. fr.,
p. 33.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.51; trad. fr.,
p. 42.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22; trad. fr.,
p. 31. 58. La référence d'El Salvador aux "tierras realengas"

relève de sa thèse principale selon laquelle,les:

"...'tierres realengas' appartiennent à El
Salvador jusqu'au point où le Honduras peut
produire un titre comparable, par sa force et ses
effets juridiques, à ceux présentés par la
République d'El ~alvadorl."

Cette thèse principale s'appliqueau cas particulier de
la zone de la Montagne de Cayaguanca puisqulEl Salvador

écrit, concernantla propriété rurale de Sumpul, que:

"...s'étendentd'anciennes terresde tenure royale
habitées et possédées par des salvadoriens: El
Salvador serait parfaitement en droit de
revendiquer ces terres et il appartiendrait alors
au Honduras de présenter les pièces fondant son
autorité sur elles2."

59. Cette thèse est contraire au droit espagnol en

vigueur en Amerique jusqu'en 1821. Comme on l'a indiqué,
tout le "término" ne faisait pas l'objet d'attribution et

qu'il restait égalementdes terres sans titulaire privé au-
delà des terres des villages des communautés indigènes et

ces terres appartenaient à la Couronne en vertu de la
"Cédula Real" de 1568 et conformémentau droit.castillan3.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 5.5; trad. fr.,
p. 24.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.21; trad. fr.,

p. 31.

3 Voir les développements consacréspar le contre-
mémoire sur les "tierras realengas"ou biens de'la Couronne;
contre-mémoire du Honduras, chap. V, p. 88, par. 34. 60. Mais la Chambre de la Cour notera que le mémoire
d'El Salvador n'offre, en réalité, aucune justificationou

référence au droit espagnol permettant de revendiquer "à

juste titre" que les "tierras realengas" lui appartiennent
et non au Honduras. Il s'agit en vérité d'un argument lié

aux prétendues "effectivités" invoquéespar El .~alvadorl.
Mais ceci ne peut être pris en considération car non

seulement El Salvador ne fournit pas la moindre preuve
concernant la situation de fait à l'époque coloniale et la

situation postérieure à la date de l'indépendance de 1821
est en dehors de la perspective du présent litige qui est

celui des anciennes provinces composant aujourd'huiEl
Salvador et le Honduras. La seule chose qu'importe, selonle

Gouvernement du ond duras, est de déterminer si,
antérieurement à 1821, ces terres se trouvaient sur le

terrain de l'un ou l'autre des provinces.

C) Les errements d'El Salvador concernant les documents
coloniaux comme moyens de preuve des limites

territorialesdes anciennes provinces

61. Il convient de rappeler que l'article 26 du Traité
Général de Paix de 1980 impose à la Chambre de la Cour de se

référer aux documents de l'époque colonialeindiquant les
limites de territokes ou de localités en conformité avec la

volonté commune des Parties de voir régler leur différend
sur la base de l'uti possidetis iuris.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.22; trad. fr.,
p. 31. Si les "titulos ejidales"peuvent indiquer les limites

non seulement d'une municipalité mais aussi d'une province
ou d'un district ou circonscription, ces derniers

n'englobent pas la totalité du "termino" d'un village. En
outre, la restriction des documents coloniaux aux "titulos

ejidales" est contraire au droit en vigueur en Amérique.
Dans la mesure où une "Cédula" royale définit les frontières

d'un territoire, ce document, quoique n'étant pas un "titulo
ejidal" est juridiquement pertinent dans l'esprit de 1'&

possidetis juris de 1821. Il en est de même si les
nominations des autorités indiquent le ressort ou les

limites d'un territoire ou d'une localité. Ceci vaut aussi
pour tout document judiciaire, administratif, fiscalou

notarial qui, se référant à l'action d'un autorité dans un
espace géographique, indique que ce lieu se trouve à

l'intérieur d'une province sur laquelle sont les limitesde

Pour le Gouvernement du Honduras, l'article 26 du

Traité Général de Paix ne se réfère pas uniquement aux
"titulos ejidales" mais à tout document d'une autorité

espagnole de l'époque coloniale indiquant les limites de
territoires ou de localités. En premier lieu, chacun des

documents peut être pertinent pour déterminer les limites
des "juridictions" en 1821. En second lieu, d'autres

doc'uments que ceux joints au dossier d'attribution d'un
titre de terre peuvent êtrepertinents2.

1 Contre-mémoiredu Honduras, chap. V, p. 63-69.

2 Contre-mémoiredu Honduras, chap. V, p. 70-74. 62. Comme 'le Gouvernement du Honduras l'a indiqué

précédemment, lorsque le document de l'époque coloniale
n'indique pas concrètement les limites des juridictions,

ledit document, du fait qu'il se réfère à des actes de
l'autorité de l'une des provinces, permet de présumer que

ladite autorité a agi dans les limites de son "territoire"
ou sa juridiction. Il faut rappeler que les limites des

juridictions étaient définiespar la Couronne d'Espagne et
que les autorités, souspeine d'engager leur responsabilité,

devaient respecter à tout moment les limites de leur
territoire, sauf à agir dans l'autre en vertu d'une

autorisation ou d'une délégation spécifique de l'autorité
supérieure, en 1'occurence1 '"Audienciade ~uatemala"~.

63. En l'espèce, 1'"actuacion" de 1742 concédant la

montagne de Cayaguanca aux indiens d'ocotepeque a été
effectuée par deux juges nommés par le juge du droit royal

des terres de 1'Audiencia de Guatemala: l'un, Pedro Diaz del
Castillo, juge sous-délégué des terres de San Salvador, et

l'autre Juan Secundino Lanuza, lieutenant du village
d'Esquipulas (dans la province de ~omayagua)~. S'il n'est

pas contesté par le Gouvernement du Honduras que le village
de Citala se trouvait dans les limites du territoire d'El

Salvador, il ne peut ëtre non plus contesté que Esquipulas
et le village d'ocotepeque se trouvaient dans les limitesdu

territoire de Comayagua. Etant donné que le conflit des
terres entre les communautés d'ocotepeque et de Citala

1 Contre-mémoiredu Honduras, chap. V, p. 75-76.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
X1.1.1, p. 2069.mettaient en jeu des communautés se trouvant sur des

territoires différents, lejuge du droit royal des terres de
1'Audiencia de Guatemala a nommé deux juges délégués, chacun

ressortissantd'un territoire.Ceci confirme que la Montagne
de Cayaguanca se trouvait située dans leterritoire de la

province de Comayagua, actuellement leHonduras.

Cette conclusion est confirmée par les documents du
réarpentage des titres de terres d'ocotepeque de 1818. Ce

réarpentage a été effectué par le juge Cornelio Ballesteros
dépendant de la province de Comayagua, et ce par décision du

juge privatif des terres de llAudiencia de ~uatemalal. Ces
quatre documents fournisen annexe au mémoire du Honduras

confirme que les autorités compétentes en matière
d'arpentage étaient celles de la province de Comayagua et

non celles de San salvador2.

64. En vue de ce qui précède, le Gouvernement du

Honduras réitère ses Conclusions A.2 selon lesquelles la
souveraineté territorialesur ce secteur de la zone de

Cayaguanca appartientau Honduras et prie respectueusement
la Chambre de la Cour de rejeter les prétentions d'El

Salvador.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

IX.l.l.C,p. 1677 et suiv.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
IX.l.l.B, p. 1654. CHAPITRE VI11

LE SECTEUR DE LA FRONTIWE TERRESTRE ENTRE LA BORNE DE

PACACIO ET LA BORNE DITE POZADEL CAJON
(SAZALAPA-LAVIRTUD)

Section 1. Introduction

'1. La Chambre de la Cour observera que les Parties ne

sont pas d'accord sur la dénomination de ce secteur en
litige de la frontière terrestre. Pour El Salvador, il

s'agit du secteur de "Arcataoou ~azalapa"~, dénomination
qui, par l'emploi de la conjonction disjonctive "ou",

associe le nom d'une commune salvadorienne (Arcatao) à celui
d'un village hondurien (Sazalapa), comme s'il s'agissait

d'un seul espace géographique. Le recours à cette fausse
synonymie, outre sa totale inexactitude, est en vérité
ingénu; mais, il met en évidence, une fois de plus,

l'absence de rigueur du mémoire d'El Salvador.

Le Honduras, en revanche, a désigné ce secteur par'les
termes employés à l'article 16 du Traité Général de Paixde

1980 lorsque ce dernier décrit le point final du troisième
secteur et le point initial du quatrième secteur de la

"frontière définie" dans cette disposition,la borne de
Pacacio et la borne dite Poza del Caj6n. A titre

complémentaire et à des fins purement explicatives et
descriptives, il s'est référé à la zone de "La Virtud-

Sazalapa" eu égard aux noms de la commune et du village
honduriens proches de la ligne frontière et, également, à

l'éventuelle différenciation de la zone en deux sous-

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 2.9, 6.23-6.29 et
6.71; trad. fr., p. 9, 31 et 48.secteursl. La première référence peut difficilement être

contestée compte tenu des stipulations de l'article 2 alinéa
1 du Compromis signé à Esquipulas le 24 mai 1986. La seconde

est géographiquement objective et ne préjuge pas du tracé de
la ligne frontière dans la zone en litige, qu'il
appartiendra à la Chambre de la Cour de déterminer ainsi que

le demandent les Partiesdans le Compromis de 1986.

2. Mais, par ailleurs, cette dénomination arbitraire
de la zone sert les prétentions injustifiées d'ElSalvador.

En effet, en décrivant "géographiquement"ce qu'il appelle
la zone de "Arcatao ou Zazalapa", le mémoire d'El Salvador

affirme que:

"Une grande partie de la commune d'Arcatao est
située dans cette zone contestée, quicomprend une
partie des districts de Zazalapa, Los Pilos et
Guacimaca avec un ,grand nombre de leurs villages,
ainsi qu'une partie de la commune de Nombre de
p es us"^.

Il l'affirme ultérieurement en soutenant que ledit
secteur "...comprend une partie des communes dlArcatao et de

Nombre de Jesus dans le département de Chalatenangoau El
salvador3. "

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX,p. 317.

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 2.9; trad. fr., p. 9

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.23; trad. fr.,

p. 31. En vérité, ces affirmations sont aussi gratuites
qu'injustifiées.Gratuites car il appartient à la Chambre de

la Cour, en vertu du Compromis de 1986, de délimiter la
frontière dans ce secteur; et, par conséquent, la référence

du département de Chalatenangoau ''ElSalvador' ne constitue
qu'une simple prétention. Elles sont en outre injustifiées

' comme il le sera vu plus loin aux sections III et IV du
présent chapitre. Mais il convient d'ores et déjà de

signaler ce qui suit: El Salvador se réfère, en deux
occasions, à la commune de Nombre de Jesus; mais il n'a

présenté que .le titre des terrains d'hrcatao de 1724 et non
celui des terres de Nombre de Jesus. Par conséquent, ses

prétentions sur le secteur ne peuvent que se limiter, en
vérité, à ce qui est établi dans le titre dl~rcataol. La

référence au secteur de Nombre de Jesus, à l'Est des terres
dQArcatao, n'apparaît que sur la Carte 6.9 qui, ainsi qu'on

le verra, est arbitraire et dépourvue de toute
justification, de même que les prétentions qu'elle essaie

d'illustrer.

3. Au surplus, les affirmations historiques qui
accompagnent ce qui précède surprennent également par leur

inexactitude.En effet, il y est affirmé que: "El Salvador a
eu traditionnellementla possession de ce secteur pendant

des siècles tant à l'époque coloniale qu'après

1 Mémoire d'El Salvador, cartes 6.3 et 6.111 du
"Books of Maps".l'indépendancew1, en ajoutant, à la phrase suivante, que,

contrairement à ce qui précède, les prétentions honduriennes
sur la zone sont récentes et qu'en outre elles "...ne sont

étayées par aucun titre officiel."

En ce qui concerne ces affirmations, il convient
d'indiquer qu'à l'époque coloniale la République d'El

Salvador aurait eu du mal à avoir la moindre "possession"
sur ce secteur. Car, si la référence fallacieuse au "El

Salvador" tente d'englober tant 1'Etat né en 1821 que les
entités coloniales espagnoles sur lesquelles il s'est

constitué, ces affirmations sont aussi erronées que
gratuites. D'unepart, la Chambre de la Cour observera que,

hormis le titre d'Arcatao de 1724 -incorrectement
interprété, ainsi qu'il le sera vu - El Salvador n'a fourni

aucune justificationdocumentaire sur sa "possession"sur le
secteur. Mais, d'autre part, ces affirmations sont en

contradiction flagrante avec les faits exposés dansle
mémoire du Honduras, à savoir, pour la période'antérieure à

1821 - qui est la période pertinente aux fins d'application
de l'uti possidetis juris - avec les divers titres de terre

établis par les autorités espagnoles et définissant
clairement les limites territoriales des anciennes

provinces2. Pour la période immédiatementpostérieure à

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.23; trad. fr.,

p. 31.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337;
et Annexes, vol. IV, Annexes X.l.1-X.1.7, p. 1815.1821, le Honduras a également fourni d'autres documents
relatifs au sous-secteur de La virtudl, titres de l'époque

républicaine qu'il possède également en ce qui concerne le
sous-secteur de sazalapa2.

4. Enfin, selon El Salvador, "cen'est que récemment

que le Honduras a fait valoir des prétentions sur ce
secteur3..." Or, d'une part, ce n'est pas le Honduras qui

revendique face à 1'Etat qui "possède" la zone en litige,
comme le prétend El Salvador; et, d'autre part, il ne faut

pas oublier l'origine et l'évolution du différend, tel que
l'a montré le ond duras^.

Sans qu'il soit nécessairede reprendre ici cet exposé,
il convient neanmoins de rappeler trois points fondamentaux.

En premier lieu, la délivrance par la République du Honduras
de divers titres de terredans le secteur, à partir de 1837;

ceux-ci, il faut le souligner, sont concédés à l'intérieur
des mêmes limites que celles définies par les titres de la

période colonialeet les arpentages de terrains s'effectuent

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 322; et
Annexes, vol. IV, Annexes X.1.8-X.1.13, p. 1999.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 324.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.23; trad. f.r.,
p. 31.

4 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 320-327.sans la moindre opposition de la part des salvadoriens

limitrophes1. En second lieu, il n'y a aucun litige sur les
frontières de ce secteur avant 1884. Et, précisément, dans

les négociationsqui ont eu lieu à cette date, les délégués
Letona et Cruz reconnurentqu'à partir de la Poza del Caj6n

sur la rivière Amati110 "...la ligne de démarcation
existante" entre "...Nombre de Jesus au El Salvador et La

Virtud au Honduras" était, en outre, une ligne "...çanç
discu~sion"~ (soulignépar nous).

En troisième lieu, signalons que le désaccord relatif à

la ligne n'apparaît officieusement qu'à l'issue destravaux
de l'ingénieur salvadorien Barberena, en 1889. Il faut

attendre 1972 pour qu'El Salvador fasse valoir des
prétentions qui, faisant abstraction de tous les éléments
antérieurs, étendent lelitige de la borne Poza del Cajon à

la borne pacacio3. L'examen de la correspondance
diplomatique entre les deux Républiques fait apparaître, par

ailleurs, que' les incidents frontaliersn'adviennent qu'à
partir de 19494 et, il faut le souligner,se limitent à la

zone de Gualcimaca (carte4.1 en regard), c'est-à-dire à une
partie très réduite du secteur en litige de la frontière, au

Nord-Ouest des terres de Nombre de Jesus.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 321-322.

2 ibid., p. 322-324 et carte B.5.3.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 324-325.

4 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IV.2, p. 150. 5. Cependant, les divergences ci-dessus sont liées à

d'autres plus fondamentales opposant les Parties, comme le
montrent les mémoires respectifs.On commencera par examiner

la localisation du différend (section II), puis, le
fondement juridiquedes positions des Parties (section III)

et, finalement, le tracé de la ligne frontière, sur la base
des documents de l'époque coloniale indiquant les limites

des anciennes juridictions (section IV).

Section II. La localisationdu différend dans le secteur

A. L'ACCORD DES PARTIES SUR LES POINTS EXTREMES DU SECTEUR

6. Selon les mémoires respectifs, il n'y a pas
divergence entre les Parties en ce qui concerne les points

extrêmes de la zone en litige. Celles-ci sont: à l'Ouest, la
borne de Pacacio, sur la rivière du même nom; et à l'Est, la

borne dite Poza del Cajon, sur la rivière Amati110 ou
Gualcuquin. Il ne peut en être autrement, attendu que
lesdits points géographiquesconstituent, dans le cas de la

borne de Pacacio, le point terminal du troisième secteur
décrit à l'article 16 du Traité Général de Paix de 1980; et,

dans le cas de la borne Poza del Cajon, le point initial du
quatrième secteur fixé dans cette même disposition

établissant la frontière "définie" ou délimitée par les
~artiesl.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. V, p. 179 et
317; Mémoire d'El Salvador, chap. 6.71;trad. Fr., p. 48. 7. Il y a également accord sur la localisation
géographique de ces deux points, bien qu'il convienne de

noter une légère divergence entre les Parties en ce qui
concerne les coordonnées géographiquespermettant de les

situer. Pour ce qui est de la borne Pacacio, à l'extrémité
occidentale du secteur, les coordonnées géographiquessont,

respectivement, lessuivantes:

- Selon El salvadorl .: 14" 06' 27' Latitude Nord

88O 49' 18" Longitude Ouest

- Selon le ond dur :as^ 14O 06' 28" Latitude Nord
88O 49' 20" Longitude Ouest

En ce qui concerne le point extrême situé à l'Est du

secteur, la borne dite Poza del Cajon, les coordonnées
géographiques sont respectivement:

- Selon El Salvador : 14O 01' 28" Latitude Nord
88O 41' 09" Longitude Ouest

- Selon le Honduras : 14O 01' 28" Latitude Nord

88O 41' 10" Longitude Ouest

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.71. trad. Er.,
p. 48.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,
p. 742-743. Quoiqu'il en soit, il s'agit de divergences à caractère
technique qui, compte tenu de leur portée limitée,

n'affectent pas notablement le tracé de la ligne frontière
entre ces deux points extrêmes. Cependant, il y sera revenu

plus loin.

B. LES DIVERGENCESDES PARTIES SUR LE TRACE DE LA
LIGNE FRONTIERE

8. Par contre, il existe un profond désaccord entre

les Parties quant au tracé de la ligne frontière entrela
borne Pacacio et la borne Poza del Caj6n. On peut en juger à

l'examen du tracé de la ligne selon El Salvador (1) et selon
le Honduras (2). Par conséquent, il appartient à la Chambre

de la Cour de déterminer la frontière dans ce secteur en
litige de la frontière terrestre, selon les termesdu

Compromis conclu à Esquipulas le 24 mai 1986.

1. Le tracé de la liqne frontière selonEl Salvador

9. En ce qui concerne le tracé salvadorien de la
ligne frontière,il convient de signaler un élément qui est

commun aux autres secteurs: l'obscurité délibérée des
prétentions d'El Salvador figurant dans les "Conclusions" de

son mémoire et dans d'autres chapitresdudit document. Ceci
contraste singulièrement avecl'exposé du~ondurasl.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 328 et

vol. II, Conclusions,p. 742-743., En effet, en premier lieu, l'obscurité d'El Salvador
apparaît, d'une part, dans le fait qu'il n'indique pas le

tracé de la ligne lors de l'examen de ce secteur de la
frontière1; d'autre part, bien que, dans ces chapitres, il

fasse allusion à plusieurs reprisesau "secteur" d'"Arcatao
ou Zazalapa", il n'y a pas coïncidence entresa description

du secteur et la zone, ainsi que les limites, figurant dans
le titre d'Arcatao de 1724, ainsi que cela ressort de la

carte 6.9 en liaison avec la carte 6.3 du mémoire d'El
Salvador. Ceci n'empêche pas que, dans les "Conclusions",il

soit de nouveau fait référence aux chapitres 6.23, 6.29,
Conclusions 1.1 du mémoire d'El Salvador,de sorte que le

renvoi entraîne un vide.

Cependant, en second lieu, El Salvador, au chapitre 1.1
dernier alinéade ses "Conclusions",se réfère, sans plus de

précision, à des "Conclusions" ("andConclusions..."). Il ne
peut probablement s'agir que de celle intitulée

"conclusion", et non pas "Conclusions", et qui figure au
paragraphe G du chapitre 6 du mémoire d'El Salvador. Or

surgit une nouvelle obscurité car l'expression "and
conclusions" est suivie de "...and chapter 6.. .", ce qui

semble démentir cette interprétation. Une fois de plus, El
Salvador met en évidence l'absence de rigueur et la

précipitation qui président à son mémoire, ainsi que le
Gouvernement du Honduras l'a indiqué au chapitre 1 du

présent contre-mémoire.Cela découle, en l'occurence de la
confusion manifestede ses fondements juridiques.

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.23-6.29;trad. fr.,

p. 31. 10. Quoiqu'il en soit, le mémoire d'El Salvador décrit
la ligne suivante pour le secteur dit dl"Arcatao ou

Zazalapa", selon la direction généraleEst-Ouest:

"Partant de la borne de Mojon Poza del Cajon sur
la rivière dénommée Guayquiquin,Gualcuquin ou El
Amatillo située à 14O 01' 28" de latitude nord et
88O 41' 09" de longitude ouest, la frontière suit
ladite rivière en amont sur 5000mètres jusqu'àsa
source située à 14" 02' 45" de latitude nord et
88O 42' 33" de longitude ouest. De là, elle
continue en ligne droite dans la direction nord
du Cerro El oFraile situé3àm14- 07' 49" de latitude

sommet,t elle 44continue dansngiladedirectione nord
60° 30' ouest sur 7550 mètres jusqu'au sommet du
Cerro La Pinta1 situé à 14O 09' 49" de latitude
nord et 88O 47' 55" de longitude ouest. De là,
elle continue en ligne droitedans la direction
sud 21° 30' ouest sur 2830 mètres, jusqu'à la
source du ruisseau - ou rivière - Pacacio situéea
14O 08' 23" de latitude nord et 88' 48' 30" de
longitude ouest. De là, elle suit le cours du
ruisseau - ou rivière - connu sous le nom de
Pacacio en aval sur 5125mètres jusqu'à un
point dudit Pacacio situé à 14°06'27" de
latitude nord et 88O49'18" de longitude
ouestl".

11. Pour représenter cette ligne, El Salvador se

réfère à la "carte 6.9 reproduite dans le présent mémoire"
dans une note de bas de page, carte qui non seulement

projette cette ligne mais indique, au-delà de celle-ci, les
"tierras realengas", point déjà examinéau chapitre V du

présent contre-mémoire.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.71; trad. Er.,

p. 48. Or, sans préjudice des autres considérations
ultérieures, le tracé salvadorien de la ligne frontière dans
ce secteur, selon le chapitre6.71 du mémoire, suscite trois

observations principales qui, par elles-mêmes, mettent en
évidence le caractère injustifié et arbitraire des

prétentions d'El Salvador dans ce secteur.

12. En premier lieu, et aux fins d'analyse, il
convient de distinguer, dans le tracé salvadorien de la

ligne, cinq sections, séparées par certains points
géographiques qu'il est intéressant de mentionner. La

première section est celle qui va de la Poza del Cajon à
source de la rivière Guaycuquin, Gualququinou El Amatillo.

La seconde va de ce point au sommet du Cerro El Fraile. La
troisième, de ce dernier point jusqu'au 'sommet du Cerro La

Pintal. La quatrième, de ce Cerro jusqu'à la source de la
rivière Pacacio; et enfin, la cinquième est celle comprise

entre ce dernier point et, en suivant en aval le cours de la
rivière Pacacio, la borne de Pacacio.

Des cinq points que l'on vient de mentionner dans le

tracé salvadorien de la ligne frontière, aucun d'eux
n'apparaît dans le titre d'Arcatao de 1724 qui, d'après El

Salvador, "protège"ce secteur. Si l'on représente la ligne
de la carte 6.9 en regard de la ligne résultant, selon El

Salvador, dudit titre dlArcatao de 1724l, comme cela a été
fait sur la carte 4.1 (infra. p. 260), on pourra facilement

1 Mémoire d'El Salvador, carte 6.111du Book of Maps
ou carte 6.3 incluse dans lemémoire.constater que la première suit une orientation générale plus
à l'Est et nettement plus au Nord que la seconde. On
remarquera qu'une partie de la représentation salvadorienne

du titre va au-delà de la ligne de la carte 6.9.

13. En second lieu, la Chambre de la Cour observera
qu'El Salvador n'a fourni dans son mémoire aucun document de

l'époque coloniale - ou même postérieur à 1821 - indiquant
ou se référant aux points géographiques ci-dessus, à savoir:

la souice de la rivière Gualcuquin ou El Amatillo, le Cerro
~i Fraile, le Cerre La Pintal, la source de la rivière

Pacacio ou le cours de cette rivière en aval. Ceux-ci, comme
il l'a déjà été dit, ne figurent pas sur le titre d'hrcatao

de 1724.

Par conséquent, il convient de se demander quel est le
fondement du tracé salvadorien de la ligne frontière dansce

secteur. A défautde tout moyen de preuve, comme c'est le
cas en l'occurence, le Gouvernement du Honduras peut

estimer, à bon droit, que le tracé d'El Salvador est
injustifiéet totalementarbitraire.

On aboutit, par ailleurs, à cette conclusion par .
l'examen des documents fournispar.le mémoire du ~ondurasl.

Le tracé est arbitraire, en effet, car la ligne décrite au
chapitre 6.71 du mémoire d'El Salvador et représentéesur le

carte 6.9 qui y est incluse,est démentie par divers

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337;
mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe X.l.l,
p. 1815.documents de l'époque colonialeindiquant les limites des
anciennes provinces. Plus arbitraire encore, à cet égard,

est la référence de ladite carte 6.9 à des "tierras
realengas" au-delà de la ligne tracée par El Salvador, alors

que celles-ci n'existent pasen-deçà de ladite ligne. Sans
recourir aux documents honduriens,il suffit à cet égard de

considérer que le titre d'Arcatao de 1724, lui-mëme, indique
que, au Nord de l'arpentage, on s'est dirigé "en amont du

Zazalapa, en lonqeant la province de Gracias a Dios, qui
sont des terres appartenant à l'Haciendade Zazalapa".

14. Enfin, le tracé de la ligne frontière examiné

dans le présent contre-mémoireest le quatrième qui présente
El Salvador depuis 1889. Parmi ceux-ci, c'est celui qui

aboutit à un maximum de prétentions territoriales.

En effet, le Gouvernementdu Honduras a indiqué dans
son mémoire qu'il existe une première prétention

salvadorienne, celle exposée en 1889 par l'ingénieur
Barberena. La deuxième est celle présentée lors des

négociations sur les frontières qui se sont tenues à
Antigua, Guatemala, en 1972. La troisième, au sein de la

Commission mixte des limites El Salvador-Honduras en 198~~.
A celles-ci s'ajoute, en quatrième lieu, cellequi figure au

chapitre 6.71 du mémoire d'El Salvador.

1 Mémoire du ond durasv,ol. 1, chap. IX, p. 324-327
et 317-318. Or, si l'on compare le tracé de ces quatre lignes1,on
observera, en premier lieu, que la ligne initiale de 1889

représente le minimum de prétentions territoriales;en
second lieu, que celle de 1985 occupe une place

intermédiaire et, enfin, que celles de 1972 et de 1988
impliquent un maximum de prétentions territorialesde la

part d'El Salvador. Le Gouvernement du Honduras a dit
précédemment, eu égard à son absence de fondement

documentaire, qu'il s'agissait d'une ligne arbitraire. Il
n'y a donc pas lieu, pour la même raison, d'être surprisde

ce que la ligne soit capricieusement modifiée à quatre
reprises entre 1889 et 1988; ni du fait que celle

représentée à la Chambre de la Cour constitue la prétention
maximale. En tout état de cause, le Gouvernement du Honduras

est convaincu que la Chambre de la Cour appréciera comme il
se doit ce comportement erratique d'ElSalvador et l'absence

de fondement documentaire de ses prétentions successives

2. Le tracé de la ligne selon le Honduras

15. Le tracé de la ligne frontière dans ce secteur,
selonle Honduras, figureen premier lieu, lorsqu'il indique

les fondements juridiques de la position hondurienne2 et,
avec davantage de détails, dans les"Conclusions"finales de

son mémoire3. Le tracé hondurien est, d'Ouest en Est, le
suivant:

1 Mémoire du ond duras,ol. 1, chap. IX, carte B.5.5
pour les trois premières,p. 326 en regard.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. LX, p. 326.

3 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,

p. 742-743. "De la borne Pacacio (14O 06' 28" de latitude Nord
et 88O 49' 20" de longitude Ouest), sur la rivière
du même nom, en ligne droite jusqu'à la confluence
du torrent La Puerta avec la rivière Gualcinga
(14O 06' 24" de latitude Nord et 88" 47' 04" de
longitude Ouest) et de là en aval de ladite
rivière, par le milieu de son lit pour parvenir à
la borne Poza del Toro (14O 04' 14" de latitude
Nord et 88O 47' 00" de longitude Ouest), situé à
rivièreluSazalapa sur rLaièLagartera; de alàc en
suivant ladite rivièreen amont par le milieu de
son cours jusqu'à la borne de Poza de la
Golondrina (14O 06' 55" de latitude Nord et 88O
44' 32" de longitude Ouest), de ce point, en ligne
droite, jusqu'à la borne La ~aiiada,Guanacaste ou
Platanar (14" 06' 04" de latitude Nord et
88O 43' 52" de longitude Ouest); de cette borne,
en ligne droite, à la borne de El Portillo du mont
del Tambor (14O 04' 47" de latitude Nord et
88O 44' 06" de longitude Ouest), également connue
sous le nom de Portillo de El Sapo; de cette
borne, en ligne droite, jusqu'à la borne Guaupa
(14" 04' 33" de latitude Nord et 88O 44' 40" de
longitde Ouest), en passant par la colline de El
Sapo; de là, en ligne droite, jusqu'à la cime de
la Loma Redonda (14" 03' 46" de latitude Nord et
88O44' 35" de longitude Ouest); de la Loma
Redonda, en ligne droite, jusqu'à la cime du mont
de El Ocotillo ou Gualcimaca (14O 03' 25" de
latitude Nord et 88O 44' 22" de longitude Ouest),
en passant par le mont de El Caracol. De la borne
de El Ocotillo, en ligne droite, jusqu'à la borne
de La Barranca ou Barranco Blanco (14O 02' 55" de
latitude Nord et 88O 43' 27" de longitude Ouest);
de là jusqu'au mont de La Bolsa (14" 02' 05" de
latitude Nord et 88O 42' 40" de longitudeOuest);
et de ce lieu, en ligne droite, jusqu'à la borne
Poza del Cajon (14O 01' 28" de latitude Nord et
88" 41' 10" de longitude Ouest), sur la rivière
Amatillo ou Gualcuquin."

16. Dans ce long tracé, il convient, aux fins

d'analyse, de distinguer trois sections en mentionnant
certains points particuliers.La première est celle qui part

de la borne de pacacio, à l'Ouest, et passe par la borne
Poza del Toro, la Rivière Sazalapa en amont, la borne Pozade la Golondrina et, de celle-ci à la borne dite La canada,
Guanacaste ou Platanar. La deuxième section va de ce dernier

point à la borne de El Portillo du mont El Tambor, le
portillo El Sapo, la borne Guampa, la colline de Loma

Redonda, le sommet du mont El Ocotillo ou Gualcimaca et la
borne de la Barranca ou Barranco Blanco. Enfin, la troisième

section va de ce point à la Poza del Cajon, en passant,par
le Cerro de la Bolsa.

17. Ce tracé de la ligne est totalement étayé par une

justification documentaire.Ainsi, les points géographiques
pertinents de la première section sont déterminés par les
titres des terrains de San Juan El Chapulin de 1766, de

Concepcion de la Cuevas de 1719, de l'Hacienda de San
Francisco de Sazalapa de 1741,de Colopele de 1779 et, en ce

qui concerne le dernier point, par le titre de San Juan de
Lacatao de 1786l.

De mème, les points de la seconde section sont

identifiés dans les titres des terrains de San Juan de
Lacatao de 1776 et de Gualcimaca de 1783; et ceux de la

dernière section dans celui susmentionnéde San Juan de
Lacatao de 1766. Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas

surprenant que de nombreux points de la ligne frontière
soient des bornes entre terrains limitrophes, clairement

indiquées sur deux titres, ou plus; et que les titres de
terre honduriens - à l'instar du titre mëme d'Arcatao de

1724 - se réfèrent aux frontières des territoires des
anciennes provinces.

Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337
et carte B.5.2. En somme, le tracé hondurien dans ce secteur de la

frontière terrestre se fonde sur des documentç de l'époque
coloniale indiquant des limites de territoires ou de

"juridictions". Ces documents permettent donc d'appliquer
sans difficulte le principe de l'uti possidetis juris de

1821, comme il le sera vu à la section IV du présent
chapitre. Cette situation contraste à l'évidence avec le

tracé çalvadorien de la ligne, qui est aussi injustifié
qu'arbitraire.

18. D'autre part, la Chambre de la Cour appréciera la

continuité dans les positions défendues par le Honduras en
ce qui concerne le tracé de la ligne dans ce secteur. En

effet, lorsque l'ingénieur hondurien Bustamante décrit ce
secteur en 1890, il indique les points de la Poza del Toro,

la Poza de la Golondrina, la canada, le mont de Gualcimaca,
la Barranca et la ~olsal, c'est-à-dire ceux précédemment

mentionnés. Dans les négociations sur les frontières, de
1972, le Honduras présente, commeen 1985, le même tracé de
ligne que celui soutenu dans son mémoire, en faisant

référence aux mêmes points géographiquesde la zone2. Ce
comportement contraste donc avec l'attitude erratique d'El

Salvador, mise en évidence ci-dessus.

1 Mémoire du Honduras, vol.1, chap. IX, p. 325.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 318-327. Mais la continuité de la position hondurienne
s'explique, en vérité, par diverses raisons. Il ne faut pas

oublier, d'une part, que le tracé de la ligne, en tant que
frontière des anciennes provinces, est clairement fixé

depuis au moins le xvlIIe siècle. D'autre part, que les
titres de terre établis après l'indépendance suivent

fidèlement les limitesdes titres coloniaux, sansque l'on
ait enregistré d'opposition de la part des salvadoriens

limitrophes. Enfin, qu'une partie de la ligne a été
considérée en 1884 comme frontière existante et "sans

discussion" entre lesdeux ~épubli~uesl.

3. Conclusion

19. Tandis que le Honduras ne revendique dans son
mémoire qu'un seul tracé de la ligne frontière dans ce

secteur, entièrement fondé sur des documents de l'époque
coloniale2, El Salvador fournit deux lignes distinctes,

n'ayant aucun rapport entre elles. Tout d'abord, cellequi,
selon l'interprétation d'El Salvador,représente le titre

dlArcatao de 17243. Ensuite, une ligne située plus à l'Est
et au Nord qu'il ne justifie par aucun document4.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 322-324.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 326 et

742-743.
3 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.25-6.28; trad. fr.,

p. 32 et carte 6.3 incluse dans le mémoire.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.71; trad. fr.,
p. 48. C'est ainsi que se produit une double divergence entre
les Parties. En premier lieu, entre la ligne hondurienne et

le tracé du titre d'Arcatao de 1724, selon l'interprétation
d'El Salvador. Ainsi qu'il le sera vu plus loin, le

désaccord provient d'une erreur d'interprétation du titre
d4Arcatao de 1724 de la part d'El Salvador qui essaie

d'étendre l'arpentage au Nord et à l'Est, en changeant la
localisation de certains points; alors qu'en réalité ce

titre salvadorien coïncide dans ses limites avec celles
d'autres titreshonduriens.

En second lieu, il y a désaccord, plus généralet plus

'large, entre le tracé hondurien, étayé par des documents, et
le tracé salvadorien du chapitre 6.71 de son mémoire. Ce

dernier, on l'a vu, est dépourvu de justificationet est
arbitraire. Mais, dans un second cas, le désaccord résulte

des positions juridiques des Parties, ainsi qu'il lesera vu
par la suite.

Section III. Le fondement juridiquedes positions

des Parties sur la délimitation

A. LE PRINCIPE DE L'UT1 POSSIDETIS JURIS DE 1821

20. A l'instar de ce qui a été exposé concernant les
autres secteurs en litige de la frontière terrestre, El

Salvador et le Honduras sont d'accord sur l'applicatjon du
principe de l'uti possidetis juris de 1821 (1). Mais, bien

qu'admettant ledit principe,El Salvador manque de rigueur
dans sa position juridique, lorsqu'il l'applique à ce

secteur (2). 1. L'accord des Parties sur la prééminence du principe
de l'uti possidetis juris

21. Le Gouvernement du Honduras a réaffirmé dans son
mémoire l'applicationau présent litige du principe de l'uti

possidetis iuris de 1821, aussi bien à titre général1 qu'en
ce qui concerne le secteur de Sazalapa-Lavirtud2.

Conséquemment à ce principe,'il a présenté les documents
antérieurs à la date critique de 1821 qui mettent en

évidence les limites des anciennesjuridictions dans cette

22. Pour sa part, El Salvador a également reconnu dans

son mémoire l'applicationprééminente du principe de l'&
possidetis juris de 1821 en estimant qu'il constitue "...la

norme fondamentale servantde base à la délimitation de la
frontière terrestre en litigeu4. En outre, ainsi qu'il a été

montré au chapitre V du présent contre-mémoire, El Salvador
est même allé jusqu'à attribuer un caractère exclusif aux

"titulos ejidales" antérieurs à 1821 comme moyen de preuves,
en 'considérant qu'ils possèdent une force probante

"déterminante" pour la délimitation de la frontière
terrestre6.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, première partie,
titre 1, chap. III, p. 81-163.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 328-329.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; trad. fr.,
p. 13.

5 Contre-mémoiredu Honduras, chap. V, p. 50.

6. Mémoire d'El Salvador, chap. 4.1; trad. fr.,
p. 16. En particulier, El Salvador soutient, en ce qui

concerne le secteur dit dl"Arcatao ou Zazalapa", que "la
possession dont jouit El Salvador sur ce secteur est étayée
par le titre officiel des terrains communaux d'Arcatao, mis

en exécution... en 1724"~ (souligné par nous). Après avoir
décrit, non sans d'importantes déformations, les actes

figurant dans le titre, il conclut en. affirmant qu'"El
Salvador exerce entière compétencesur ce secteur, ce dont

il possède une preuve documentaire sous forme du titre
officiel des terrains communaux d1~rcataoW2 (souligné par

nous). Une représentation des limitesdu terrain d'Arcatao,
selon l'interprétation salvadorienne du titre de 1724, a été

fournie dans les cartes 6.3 et 6.111.

23. En somme, il y a accord entre les Partiesen ce
qui concerne l'applicationdu principe de l'uti possidetis
iuris dans ce secteur, application qui se base, pour El

Salvador comme pour le Honduras, sur des documents de
l'époque coloniale.Mais, cela étantadmis, il est facile de

constater l'inconsi'stancede la position d'El Salvador en ce
qui concerne l'applicationdu principe, ainsi qu'il sera vu

maintenant.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.25; trad. fr.,

p. 32.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.29; trad. fr.,
p. 33. DFP4RTAMENTODE LEMRRA1:50.000 SAZALAPA- LA.VIRTUIP , .

-==M:-:M=- m . >-,- . .".",...,,. ,h"--,w-.s~,- ,..,,.~~~"m~~m.,"-".s<~.u,
INSTITUTO GEOGRAFICOonrE NACIONAL ~. ~ --,,,-, ~r",!,,
4.2
'.i SECTEUR DE SAZALAPA-LA VIRTUD
c
9,- mxm~~ Lignes figurant sur las carter 6.9 et 6.111
.--.-.----- - .--..- ---. 72 >
...-,-.-. % =,.,,,----, --,--..,,.,.., W D"rnrnl* *\"\.,%,,,s-w",~=., ~"EI-salvodor
-____ __._. .... __-.-II.._ -.. --.. .. -.-.--
..."........--___ ........-..--,.-... - -.-.- 1 ..,-,- ..
--.- ...- ---..- i
----P....-..- ..~.....'1. ~!,-~y::~:~: .. . . .
. ..------. * 5' -,.,..W.." ,..,,,~.mm*- -
.",",_ --__ ....-..-...-. -m..** i
------A----- rUIIYrY.c"
","'"'-"A' ,,.,,..,-.;.. ,.,.-.,,.,,..-..
.--,- " -.-..--....*.....--.-,.. S..2ALAPA-LAVIRTUD,HONDURAS.C.A.
. . 2. L'inconsistance d'ElSalvador dans l'application

du principe

24. L'inconsistance de la position d'El Salvador dans
llappl'icationde l'uti possidetis juris de 1821 provient,

pour l'essentiel, du fait qu'il fait allusion à un secteur
sur lequel il dit exercer "entière ~orn~étence'~et que, par

ailleurs, il ne produit pour justifier cette assertion que
le titre du terrain d0Arcatao de 1724 qui, selon la

représentation salvadorienne dudit titre, ne "protège"
qu'une partie très réduite dudit secteur.

Cela apparait clairement sur la carte 4.2 jointe en

regard, sur laquelle figure la ligne salvadorienne du
secteur2 et la ligne du titre de 1724, selon les cartes

salvadoriennes6.9 et 6.111.

25. En effet, le titre d'Arcatao de 1724 comprend,

selon la représentation salvadorienne,un espace qui se
trouve au centre de ce secteur en litige.Par conséquent, de

la limite Ouest de la ligne que représente ce titre jusqu'à
la borne de Pacacio, sur une étendue considérable, El

Salvador n'essaie pas d'établirquelle était, en vertu de
l'uti possidetis juris de 1821, la limite des anciennes

juridictions,car il ne fournit aucun document de l'époque

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.29; trad. fr.,
p. 33.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.71; trad. fr.,

p. 48.coloniale ou même postérieur. Devant cette attitude
il convient en vérité de se demander, comme le fera la

Chambre de la Cour, s'il n'a pas existé de titres de
l'époque coloniale concern=nt des terrains proches des

actuels villages salvadoriens de Sicagüites ou Santa Lucia;
et, si c'est le cas, pour quelles raisons 'ElSalvador ne les

a pas produits.

26. Il en est de mëme à partir de la limite Est du
titre dlArcatao et jusqu'à la borne de la Poza del Cajon,
point extrême du secteur à l'Est. A cet égard, l'absence de

documents coloniauxdans le mémoire d'El Salvador est encore
plus surprenant, pour plusieurs raisons.

11 s'agit, en effet, de la section de la ligne

frontière selon le tracé hondurien, où il était reconnu en
1884 qu'il existait une frontière sans discussion entreEl

Salvador et le Honduras dans la zone comprise "entreNombre
de Jesuç, au El Salvador, et La Virtud, au j on duras" ^.

titre hondurien de San Juan de Lacatao de 1786 fait
également allusion, comme limite Sud, à l'Hacienda de

"Nombre de esu us" ^e. titre même dlArcatao de 1724
mentionne que l'arpenteur a changé de cap ou de direction

pour poursuivre l'arpentage "...en longeant les terres de
l'Hacienda de Nombre de Jesus, juridiction de la ville de

San ~alvador3.~~

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, P. 323.

2 Memoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 330.

3 On se réfère ici à la traduction en espagnol
moderne du titre d'Arcatao de 1724 fournie par El Salvador
après le dépôt de son mémoire,p. 21. Ci-après appelé "Titre
dlArcatao (espagnolmoderne)". Par conséquent, le Gouvernementdu Honduras peut, à
juste titre, se demander pour quelles raisons El Salvador

n'a pas produit le titre colonial de "Nombre de Jesus"
auquel se réfère d'autres documentscoloniaux.

3. Conclusion

27. Les Parties sont d'accord sur l'application de

l'uti possidetis juris de 1821 à ce secteur. En appliquant
ce principe, le Gouvernement du Honduras a présenté des

documents coloniaux permettantde déterminer clairement la
ligne frontière entre les anciennes provinces, de la borne

Pacacio à la borne Poza del Cajon.

En revanche, l'application du principe faite par El
Salvador présente une inconsistance manifeste car il ne

fournit que le titre dtArcatao de 1724 qui ne se réfère qu'à
une partie réduite, au centre du secteur en litige. Par

conséquent, il n'a pas montré, en vertu dudit principe,
quelles étaient les frontièresdes anciennes provinces au-

delà des limites dudit titre. Le Gouvernement du Honduras
est convaincu que la Chambre de la Cour tiendra compte de

cette conclusion et décideraen conséquence que le moment
est venu de déterminer la ligne frontière dans ce secteur.

B. LE RECOURS PAR EL SALVADûR AUX "EFFECTIVITES"

28. Ainsi qu'il l'a été dit précédemment,le désaccord

des Parties sur le tracé de la ligne frontière a une seconde
dimension, plus importante, qui affecte tout le secteur

compris entre la borne de Pacacio et la borne Poza del
Cajon. En effet, le tracé hondurien se fonde sur le principe

de l'uti possidetis juris de 1821. En revanche, le tracésalvadorien bien que paraissant se fonder sur le même
principe, impliqueen réalité un recours aux "effectivités"

(1). Mais ce fondement d'El Salvador ne peut en aucun cas
prévaloir sur ledit principe (2).

1. Le tracé salvadorien du secteur impliqueun

recours aux effectivités

29. Le Gouvernement du Honduras a déjà mentionné
l'obscurité avec laquelle El Salvador a tenté d'enrober le

fondement de ses prétentions territoriales. Cela apparaît
nettement à l'examen, d'une part, de la "conclusion" du

paragraphe G du chapitre 6 et, d'autre part, des
"Conclusions" soumises à la Chambre de la Cour et relatives

à la délimitation terrestre. Apparemment c'est leprincipe
de l'uti possidetis juris qui est invoqué mais, en réalité,

il est recouru aux effectivités,tout en déclarantque ledit
principe est "...la norme fondamentale servant de base à la

délimitationw1.

Le tracé de la ligne frontière dans lesecteur dit
dl"Arcatao ou Zazalapa" figure au chapitre 6.7 du mémoire

d'El Salvador et sur sa représentation graphique à la carte
6.9. Si l'on considère le passageintroductifdu paragraphe

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; trad. fr.,

p. 13."G. Conclusion" du chapitre 6, on pourrait penserque ledit

tracé se base sur les "titulos ejidales", car ceus-ci, selon
21 Salvador, "...nous permettent de déterminer avec une

certitude- absolue les limites du périmètre des terrains
communaux appartenant au El Salvador". Et plus loin,

précédant le tracé de la ligne, il ajoute ce qui suit:

"L'interprétationde ces titres communaux a permis
à El Salvador de tracer techniquementla ligne qui
détermine l'ensemble des terrains commnaus compris
dans les zones en litige. Cette interprétation
salvadoriens tsur les terresvade las Couronne
revendiquées, se présente comme suit: 1. La
montagne de Tecpangüisir... III. Arcatao ou
zazalapal..."

Or, comme il a déjà été dit, dans ce secteur de la

frontière, le périmétre des terrains communaux d'Arcatao
est, selon la représentation méme que fait El Salvador du

titre de 1724, distincte de la ligne décrite au
chapitre 6.71. Cela est manifeste lorsquel'on compare les

cartes salvadoriennes6.3 ou 6.111 pour ledit terrain à la
carte 6.9 pour le secteur. Par conséquent, en application du
principe de l'uti possidetis juris de 1821, la ligne tracée

par El Salvador au chapitre 6.71 est dépourvue de toute
justification et est arbitraire. Son fondement juridique

doit logiquement être différent.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6, Conclusion G.;
trad. fr.,p. 48. 30. En réalité, on trouve ce fondement en recourant

aux effectivités, ainsi que le montrent les "Conclusions"
qu'El Salvador soumet à la Chambre de la Cour. Au point 1,

en effet, El Salvador:

"prie la Chambre de la Cour Internationale de
justice de délimiter de la frontière terrestresur
la base des titres des terrains communaux" et"sur
la base de la souveraineté effective qu'El
Salvador a exercé et exerce encore sur ces zones
contestées1..."

Concrètement, la Conclusion renvoie, pour la
"délimitation précisede ces zones" ("Arcataoou Zazalapa"),

aux "chapitres6.22 et 6.23 ci-dessus" et, à l'alinéa final,
aux "conclusionset chapitre 6 les arguments d'ordre humain

(effectivités)".On notera, aux chapitres 6.23 et 6.29 qu'El
Salvador fait allusion à sa "possession" dans le secteur et

à son "autorité sur ce secteur". Il s'agit en somme du
recours aux effectivités pour le tracé de la ligne décrite

au chapitre 6.71 de son mémoire.

31. Enfin, cela est corroboré par la teneur des
documents figurant en annexes du chapitre 7 du mémoire d'El
Salvador et se référant à ce secteur dl"Arcatao ou

Zazalapa". Il s'agit de quinze attestations d'actes de
naissances ou de décès délivrés par la municipalité

d'Arcatao et relatifs à des faits survenus entre 1911 et
1985. Sans commenter en profondeur ces documents, le

1 Mémoire d'El Salvador, Conclusions;trad. fr.,
p. 86.Gouvernement du Honduras se bornera à en indiquer lanullité
juridique au regard du tracé de la ligne frontière décrite

au chapitre 6.71 du mémoire d'El Salvador. Ce qui montre à
nouveau que, mëme en recourant aux effectivités, ce tracé

salvadorien est, comme le Gouvernementdu Honduras l'a dit,
injustifié aussibien qu'arbitraire.

2. Titres juridiqueset effectivités

32. Attendu que la position juridique du Gouvernement

du Honduras quant au recours aux effectivités pratiqué par
El Salvador a déjà été exposéedans le détail aux chapitres

précédents du présent contre-mémoire, il n'y a pas lieu de
renouveler ici cette argumentation. Il convient cependant de

rappeler la conclusion finale à propos de l'interprétation
de l'article 26 du Traité Général de Paix de 1980 qui

établit une nette hiérarchiedes moyens de preuve avec
prééminence donnée aux titres juridiquessur les autres

arguments et considérations,ce qui, en toute logique,
exclut d'étayer l'uti possidetis juris et les effectivités,

ou de donner prééminence à ces dernières sur ledit principe,
ainsi que le fait El Salvador tout aulong de son mémoire.

33. D'autre part, en liaison avec ce qui précède, ce

secteur présente un intérët particulierpour l'examen de la
relation entre les titres juridiques et les effectivités.

Comme il a été dit, El Salvador ne présente qu'un seul
document colonial, le titre dlArcatao de 1724 et, selon
l'interprétation mëme d'El Salvador,le périmètre dudit

titre ne coïncide absolument pas avecla ligne décrite au
chapitre 6.71 de son mémoire, ainsique le montre clairement

la comparaison des cartes 6.3 et 6.9. En revanche, le
Honduras a produit les titres juridiques justifiant, danstoute son étendue, le tracé de la ligne en application de

l'uti possidetis juris de 1821.

Dans un éventuel conflit entre titres juridiques et
effectivités, il ne faut pas oublier que l'arrêt de 1986

rendu dans l!affaire du différend frontalier entre le
Burkina Faso et la République du Mali a énoncé qu'"il y a

lieu de préférer le titulaire du titrew1. Or, dans le
secteur de Sazalapa-La Virtud, l'on ne se trouve pas dans ce

cas de figure. Comme il a été vu, El Salvador ne fournit
aucune preuve juridiquement pertinente des prétendues

effectivités justifiant le tracé de la ligne décrite au
chapitre 6.71 de son mémoire. Au contraire, le Honduras a

fourni non seulement les titres justifiant son tracé de la
ligne mais, en outre, il a exercé sa souveraineté sur le

secteur, postérieurement à 1821, ainsi que le montrent les
divers titres républicains des terrains, ainsi que d'autres

actes.

Par conséquent, il y a absence de titre et
d'effectivités de la part d'El Salvador, face à des titres

juridiques accompagnés d'effectivités de la part du
Honduras. On est donc dans un cas où coïncident pleinement

titre et effectivités et où, aux termes de l'arrêt précité
de 1986, "...le fait correspondexactement au droitw2.

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 587, par. 63.

2 ibid. 3. Conclusion

34. En somme, le recours aux effectivitéspratiqué par

El Salvador pour fonder le tracé de la ligne frontière dans
ce secteur suppose une inversion de la hiérarchie des moyens

de preuve établie par ,le Traité Général de Paix de 1980, ce
qui est irrecevable. En outre, même en admettant à titre

d'hypothèse les effectivités invoquées par El Salvador, ce
fondement est juridiquement non pertinentface aux titres

juridiques présentés par le Honduras, titres jouissant de
prééminence pour la délimitation de ce secteur de la
frontière selon le principe de l'uti possidetis juris de

-821.

Mais, El Salvador ne fournit aucune preuve des
prétendues effectivités dans le secteur, face aux titres

juridiques du Honduras et à son exercice de 'souveraineté,
postérieurement a 1821. Par conséquent, dans ce secteur, il

n'y a pas, en réalité, conflit entre titres juridiques et
effectivités, mais concordanceparfaite entre,les deux, en

faveur du Honduras.

Section IV. Le tracé de la ligne frontièredans ce secteur
en applicationdu principe de l'uti possidetisde 1821

35. L'application du principe de l'uti possidetis

juris de 1821 doit se fonder sur des documents de l'époque
coloniale indiquant les frontières des anciennesprovinces.
Dans ce secteur, comme le Gouvernement du Honduras l'a dit,

El Salvador ne fournit qu'un seul document colonial, le
titre dlArcatao de 1724, dont il fait, au demeurant une

interprétation erronée (A). Mais les erreurs de
l'interprétation salvadorienne apparaissent clairement encomparant les données de ce titre de 1724 à celles des

autres titres honduriens du XVIIIe siècle, eu égard à
certains points indiquant les frontières des juridictions

(B). En troisième lieu, le titre produit par El Salvador ne
se réfère qu'à la section centraledu secteur en litige. Les

frontières des provincesde l'époque coloniale, à l'Ouest et
à l'Est, sont mises en évidence par divers titres

honduriens (C).

A. L'INTWPRETATION SALVRDORIENNEDU TITRE D'ARCATAO DE 1724

36. El Salvador invoque le titre des terres d'Arcatao
de 1724 auquel il se réfère en en déformant le contenu (1)

et en présentant une interprétation erronée de ses
limites '(2); ce qui exige une comparaisondu titre de 1724

avec les titres honduriensindiquant les limites dans cette
section de la ligne frontière (3).

1. Les référencesau titre dlArcatao de 1724

dans le mémoire d'El Salvador

37. En divers chapitres de son mémoire, El Salvador
s'est référé au titre des terrains de San Bartolomé

dlArcatao, établi le 12 février 1724~ et a fourni une
interprétation des limites de ce titre2 dontil affirme

qu'il "protectsthe zone of Zazalapa".

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.25-6.29; trad. fr.,
p. 32.

2 Mémoire d'El Salvador, carte6.3 et 6.111 dans le
"Books of Maps". Le texte en espagnol du titre de 1724, en photocopie

peu lisible, est joint au mémoire d'El Salvador, avec une
traduction anglaise1. C'est pourquoi, une attestationde

l'original a été présentée ultérieurement dans une
traduction en espagnol moderne. ("Titre dlArcatao (espagnol

moderne)").

38. Au chapitre 6.28 du mémoire d'El Salvador,il est
fait allusion à l'arpentage des terres d'Arcatao. La
description des limites selon letitre de 1724 est non

seulement partiale et incomplète, car elle passe sous
silence des points essentiels, mais elle commet en outre

d'importantes déformationsen ce qui concerne le texte même
dudit titre.

Ainsi, en premier lieu, après avoir indiqué que

l'arpentage est passé par les crêtes du mont Colomariguan,
il est dit que:

"De là, l'équipe monta vers Sasalapa - où il est
alors déclaré que la propriété - rurale
("hacienda") portant ce nom se trouvait dans le
ressort de la province de San SalvadorL..."
(soulignépar nous).

Mais le texte souligné déforme intentionnellement le
contenu du document, comme on l'observera à la lecture des

textes anglaiset espagnol:

1 Mémoired'El Salvador, Annexe 4.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.28; trad. fr.,
p. 33. "And following the same course upwaters the
Zazalapa, bordering with the Province of Gracias a
Dios, which are lands of the Hacienda of
Zazalapa".

"Y siguiendo el mismo rumbo arriba de Sasalapa,
lindando con la provincia de Gracias a Dios, que
son tierras de la Hacienda de sasalapa1..."

Si l'arpentage suit en amont la rivière Sasalapa,

"bordering with the province of Gracias a Dios", les terres
limitrophes de l'autre côté de la rivière, celles de
l'Hacienda de Sasalapa, ne se trouvent pas dans le ressort

.de la province de San Salvador mais dans celle de Gracias a
Dios.

39. En second lieu, la description de l'arpentage2

omet délibérément certaines référencesessentielles figurant
dans le titre dlArcatao de 1724.

C'est le cas, en effet, de toutes les références de

l'arpentage postérieures au changement de direction opéré
par l'arpenteur, du Nord au Sud; ce qu'El Salvador simplifie

en affirmant que "puis changeant de direction, elle se
dirigea du Nord au Sud pour contourner les terrains

communaux3" (soulignépar nous). Il suffit de constater que

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 4.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.28; trad. fr.,
p. 32.

3 ibid
. f P. 33.le titre mentionne "le chemin qui même à la ville de Gracias
a Dios", "la colline de Sapo", la "colline de Guampa" et il

est précisé que l'on a "longé les terres de San Juan de la
Catao", que l'on est arrivé aux "talpetates blancos", à une

petite usine habitée "sur les terres de 1'~acienda de la
Catao", au "mont du Caracol" et "à une plantation de pins

("ocotal") qui se trouve au sommet d'un mont", le titre
déclarant que "ce mont sépare les deux juridictions de San

Salvador et de Gracias a Dios" puis, à nouveau, que "depuis
le Guanacaste jusqu'à cet endroit, nous avons longé des

terres de San Juan de la Catao."

2. L'interprétationerronée que fait El Salvador du
titre d'Arcatao de 1724

40. L'interprétation d'El Salvador du titre dlArcatao

de 1724 figure aux cartes 6.3 du mémoire et 6.111 du "Books
of Maps". Mais il s'agit d'une représentation inexacte de

l'arpentage effectué en août 1723 sur au moins trois des
sections du tracé salvadorien des limites dudit terrain,

ainsi qu'on peuten juger sur lacarte 4.1 à la page 260 du
présent contre-mémoire.

4 La première erreur concerne la section la plus à

l'Ouest, où l'interprétation d'El Salvador prétend que le
terrain d'Arcatao pénètre dans les terres de l'"Hacienda de

Sazalapa" susmentionnée. Cela explique qu'El Salvador
appelle ce secteur "Arcatao ou Zazalapa": mais la simple

lecture du document de 1724 dément l'interprétationd'El
Salvador.

La déformation des limites des terrains d'Arcatao

résulte d'une localisation inexacte, plus à l'Est et plus au
Nord, de certains points indiqués dans l'arpentage effectuéle 10 août 1723; concrètement,la "source de la rivière

Gualmoro", le "torrentde Colomariguan" et le "Chupadero de
la Agua Caliente". Si les limites du terrain avaient été

celles que revendique El Salvador,ainsi que la localisation
de ces points; il est évident que l'arpenteur se serait

référé à la rivière Sazalapa en ce qui concerne le torrent
de Colomariguan, ainsi qu'il le fait ensuite lorsqu'il

mentionne le "confluent desrivières Gualquire et Sasalapa",
car El Salvador situe la "Colomariguan gorge"sur la rivière

Sazalapa. En outre, il l'aurait également mentionnée en
franchissant la rivière, comme il était obligé de le faire

pour aller là où l'interprétation salvadorienne situe le
"Chupadero de Agua Caliente".Mais cela n'est pas mentionné

dans le titre. Il est fait ultérieurement allusion à la
rivière Sazalapa, à l'endroit où elle repoit la rivière

Gualquire, le document indiquantque l'on suit son cours en
amont, "en longeant la province de Gracias a Dios".

Les éléments précédents sont concluants. Mais il

convient d'observer, en outre, qu'à partir du torrent de
Colomariguan, l'arpenteur prendla direction Nord, "par les

crêtes du mont Colomariguan" jusqu'au "Chupadero de la Agua
Caliente" et, de là, aux arbres appelés "Sigaguites". Si

l'on observe la carte 6.111, il n'existe aucun mont, ni
leurs crëtes, entre l'endroit où El Salvador situe le

torrent de Colomariguan et le point suivant:par contre, il
y en a un si l'on considère le point où se situe le torrent

sur la carte 4.1 du Honduras (supra. p. 260). Cela est
corroboré par un autre élément significatif. En effet, près

de la localisation réelle du Chupadero de Agua Caliente, il
y a un lieu appelé Sicahuites sur la carte 6.111 d'El

Salvador et Sicaquites sur la carte du Honduras, alors que
le titre de 1724 se réfère précisément au lieu où il y avait"des arbres appelés Sigaguites". Ce qui montre bien, une

fois de plus, que le document énonce clairement que
l'arpenteur n'est jamais passéau Nord de la rivière de

Sasalapa, limite des anciennes juridictions selon le titre
même de 1724, car en remontant la Sasalapa - à savoir vers

sa source - on "longea la province de Gracias a Dios".

42. La seconde erreur de l'interprétation

salvadorienne du titre dlArcatao concerne une section, à
l'Est de la précédente, située sur les terres du titre

hondurien de Colopele de 1779. El Salvador prétend sans
doute justifier ainsil'allusion au sommet du mont El Fraile

dans la description de la ligne figurantau chapi.tre 6.71 du
mémoire d'El Salvador.

Le titre n'indique pas à quel moment l'arpenteur

abandonne le cours de la rivière Sazalapa, tout en précisant
qu'il longeait les terres de l'"Hacienda de Sazalapa"; or,
les limites orientales decelle-ci sont connues grâce au

titre hondurien de 1746 (carte 4.1, çupra., p. 260). Il dit
uniquement "juçqu'à parvenir au sommet de monts très élevés,

où se trouve un arbre de guanacaste", et que de là
l'arpenteur changea de direction "duNord au Sud", en allant

juçqu'au mont, Arcataguera "qui possède un col où pasçe le
chemin qui mène à la ville de Gracias aDios."

Une fois de plus, El Salvador situe arbitrairement le

Guanacaste et le col par où pasçe le chemin, près du mont de
~rcata~ueral.Or, comme le Gouvernement du Honduras, l'adit

1 Mémoire d'El Salvador, carte6.111 du "Book of
Maps".précédemment, le mémoired'El Salvador omet toute référence

aux lieux en ce qui concerne l'arpentage dans cette section.
Cela est inexplicable car, une fois de plus, le tracé d'El

Salvador est démenti par le titre lui-même, précisémentpar
un texte postérieur. En effet, plus au Sud de. la ligne,

après avoir mentionné le mont qui "sépare les deux
juridictions" et le "col où passe le chemin royal" (Voir
carte 4.1, supra., p. 260), le titre de 1724 précise un

élément important: "...que depuis le Guanacaste jusqu'à cet
endroit, nous avons longé des terresde San Juan de la

~ataol..." (soulignépar nous).

Par conséquent, le site du Guanacaste, selon le titre
salvadorien, est le point où commencent les terres de San

Juan de Lacatao. Les titres de ces terres, ainsi que celui
de Colopele de 1779, permettent, ainsi qu'on le verra, de

situer ce point sans le moindre doute (cartes 4.1, çupra.,
p. 260 et 4.3 en regard).

43. La troisième erreur fondamentale de
l'interprétationd'El Salvador découle des deuxprécédentes.

Comme il a été dit, le périmètre des terres d'Arcatao est
arbitrairement déplacé, au Nord et au Sud, pour situer le

Guanacaste sur le mont du rai l e^.toute logique, El
Salvador se voit contraint à effectuer cette opération,

Titre dlArcatao (espagnolmoderne), p. 21.

2 Mémoire d'El Salvador, carte 6.111 du "Book of
Maps" .également inexacte,c'est-à-dire de déplacer vers le Nord

la localisation des lieux que mentionne le titre, à savoir:
la "colline del Sapo", la "colline de Guampa", les

"TelpetatesBlancos", etc. Il est évident que ce déplacement
les situe également plus à l'Est.

Cependant, les titres honduriensdu XVIIIe siècle des

terres de Colopele, San Juan de Lacatao et Gualcimaca font
clairement apparaitre cetteerreur et cela est corroboré par

les titres honduriens postérieurs à 1821.

3. Les limites des terres dlArcataoet les limitesdes
terres limitrophes:comparaisondes titres juridiques

44. L'interprétation salvadorienne du titre d'Arcatao

de 1724 est démentie, commeon l'a vu, par les données mëmes
dudit document. Mais, il y a un autre moyen de corroborer

cette conclusion: la comparaison des élémentsdudit titre
avec ceux figurant dans d'autres titres honduriens des

terres limitrophes, titres qui ont été examinésdans le
mémoire du ~ondurasl.

En premier lieu, le titre d'Arcatao se réfère, comme on

l'a dit, aux terres de San Juan deLacatao que l'arpenteur
longeait "depuis le Guanacaste". Le Honduras a produit les

"réarpentages"de ces terres effectués de 1776 à 17862 dans
lesquels il est fait clairement allusion aux terrains

d'Arcatao.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.7, p. 1964. 45. En second lieu, les terres dlArcatao jouxtaient,

au Nord, celles de l'"Hacienda de Sazalapa", de la province
de Gracias a Dios. Le Honduras a produit le titre de

l'Hacienda de Sazalapa de 1746~ qui permet de comparer les
limites sur une section de la ligne frontière, comme dans le

cas précédent. Mais, en outre, il existe deux autres titres
de terre permettant de procéder à l'examen de leurs limites

par rapport à celles d'Arcatao: celui de Pueblo Viejo de
Colopele, de 1779, arpenté à la demande des habitants de

~uarita~ et celui des terres de Gualcimaca, de 17833. Il
convient par conséquent d'examiner conjointement le titre

d'Arcatao et lesdits titres honduriens,eu égard à certains
points fondamentaux pour le tracé de la ligne frontièredans

la section centrale dece secteur.

B. LES LIMITES DES TERRES D'ARCATAO ET LES LIMITES
DES TERRES AVOISINANTES

46. Les points faisant l'objet de l'examen, selon les

titres honduriens et le titre salvadorien dlArcatao, sont
les suivants: la rivière Sazalapa jusqu'à la Poza de la

Golondrina (l), le Guanacaste, la CaÏladaou Platanar (2) et
enfin la section-de la ligne concernant les terrainsde

Gualcimaca, le tripoint et les terres de l'Hacienda de
Nombre de ~es6s (3).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.1.2, p. 1829.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.5, p. 1884.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.A, p. 1920. 1. La rivière Sazalapaiusqu'à la Poza de la Golondrina

47. Selon le titre dQArcataor l'arpenteur estarrivé

au Chupadero de la Agua Caliente, en venant des crêtes du
mont Colomariguan, points qui, comme le Gouvernement du

Honduras l'a indiqué précédemment,se trouvent plus auSud
et plus à l'Ouest de la localisation que leur attribue

arbitrairement El Salvador. Or, depuis, Agua Caliente,
l'arpenteur a changéde direction, en allant "d'Ouest en

Est''et, après avoir franchi un torrent, une petitecolline
et un site boisé appelé Sigaguites,il arriva:

"...à un petit torrent.. . lequel descend à la
rencontre de la rivière Gualquiere et Zazalapa. Et
en suivant la même direction (d'Ouesten Est) en
amont du Zazalapa, en longeant la province de
Gracias a Dios, qui sont les terres de l'Hacienda
de ~azala~al.. ."

48. Deux conclusions ressortent clairement de la
description précédentede l'arpentage du titre d'hrcatao. En

premier lieu, l'arpenteur n'a pas franchi la rivière
Sazalapa où l'indique l'interprétation salvadoriennen ,i en
aucun autre point: il va selon une direction "d'Ouesten

Est" jusqu'à un torrent qui va à la rencontre du Gualquiere
et du Sazalapa. En second lieu, il suivit en amont le cours

de la rivière Sazalapa,en longeant les terres de l'Hacienda
de Sazalapa, de,Gracias a Dios. Ce qui montre bien, sans

doute possible, que la rivière Sazalapa était la limite des
anciennes provinces dans cette section de la ligne

frontière.

Titre dlArcatao (espagnol moderne),p. 19-20. 49. L'arpentage de l'Hacienda de Sazalapa effectué le

18 septembre 1741 corrobore tout à fait cette conclusion,
car les limites de ce terrain coïncident avec celles

d'Arcatao dans cette section de la rivière Sazalapa, et
fournit d'autres éléments.

L'arpentage commença en effet à un endroit où se

rencontrent les rivières de Sazalapa et de ~ualcingal.
L'arpenteur, allant - comme celui dlArcatao - d'Ouest en

Est, poursuivit "...en remontant le ravin en question de
Sazalapa" et peu après:

"...luon a commencé à suivre la limite avec les
terres des habitantsdu village d'Arcatao où nous
avons rencontré ces habitants et ils ont dit que
le ravin en question (Sazalapa) constituait la
limite et la division des terres,et en suivant la
limite de ces terres qui sontde la juridictionde
San Salvador, on a continué jusqu'à arriver à la
jonction d'un petit ravin appelé Platanar avec
celui de sazalapa2."

Il y a donc, dans cet arpentage, parallélisme de
directions, de lieux et de limites avec celui d'Arcatao. Il

y a de surcroît, un même langage car, si en 1724 on
déclarait qu'en remontant la rivière Sazalapa on "longeait

la province de Gracias a Dios, qui sont des terres de

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.l.l, p. 1822.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.2, p. 1832.l'Hacienda de Sazalapa", on parle maintenant, en 1741, des
terres dlArcatao dont la limite est la même rivière de
Sazalapa et l'on indique que l'arpentage se poursuit en

passant par la limite de ces terres "qui sont de la
juridiction deSan Salvador".

2.Le Guanacaste, la canada ou le Platanar

50. A partir de la rivière Sazalapa en amont, le titre

d'Arcatao ne précise pas en quel point l'on abandonne ladite
rivière. Il ajoute seulement que l'on arriva au sommet de

"monts très élevés, ou se trouvait un arbre de guanacaste",
sans indiquer nonplus la direction à partir de laquelle on

abandonna le coursen amont de la rivière Sazalapa.

Cependant, jouxtant Arcatao, au Nord de la rivière
Sazalapa, se trouvent les terres de l'Haciendade ce nom et,

plus à l'Est, celles de Colopele (carte 4.1, infra.,
p. 260), arpentées le 11 mars 1779 à la demande de la

communauté indigènede Guarita, de la juridictionde Gracias
a ~iosl. Il est indiqué dans l'enquête préalable à

l'arpentage de ces terres qu'elles jouxtent celles du
"...village de Arcatao... Sazalapa, San ~uan 2..." Le

Guacanaste est donc le point qui sert de tripoint aux terres
dlArcatao,Colopele et San Juan dlArcatao.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.1.5, p. 1984.

2 -bid., p. 1888, il s'agit de "San Juan Lacatao". 51. Le titre d'Arcatao de 1724 mentionne le Guanacaste

comme point où commence la contigüité de ce terrain avec
celui de San Juan de Lacatao, en déclarant que "depuis le

Guanacaste jusqu'à cet endroit, nous avons longé desterres
de San Juan de Lacatao". Le titre de Colopele de 1779

identifie également ce point, en le localisant avec
précision, de même que celui de San Juan de Lacatao.

En effet, selon l'arpentage de Colopele:

"(on passa)... par la seconde borne de l'Hacienda
de Sazalapa et... de là, on changea de direction
vers le Sud-Est en ligne droite... (en passant par
plusieurs emplacements) jusqu'à unendroit appelé
Guanacaste où se trouve une borne des terres
concédées au village dlArcatao, où j'ai trouvé les
habitants de ce village avec leur titre1."

Mais en outre, sur le trajet allant de la Hacienda de
Sazalapa au Guanacaste, il est précisé que:

"...après avoir continué jusqu'à ce ravin à droite
des terres de Sazalapa, on a continué en restant
du même côté des terresde Arcatao jusqu'à ladite
borne de ~uanacaste~"(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.1.5, p. 1895. L'arpenteur venait endirection "Sud-Est" pour parvenir

au Guanacaste. Là, "...après avoir reconnu le titre
d1Arcatao en prenant la borne qui avait été trouvée1", on

changea la direction de l'arpentage des terres de Colopele,
l'arpenteur se dirigeant ensuite "vers le Nord-Est en

laissant sur sa droite - comme c'était le cas auparavant
pour les terres dlArcatao - la propriété de San Juan de
~acataoz."

52. Par conséquent, Colopele - arpenté à une date plus

tardive que Arcatao et San Juan de Lacatao - jouxte ces deux
terrains à la borne du Guanacaste. Cela est également

confirmé par la lecture des deux titres antérieurs. On se
rappelle en effet d'une part, que le titre d'Arcatao de 1724

stipule que "depuis le Guanacaste" il jouxte des terres de
San Juan de Lacatao et que d'autre part, le titre de cette

dernière propriété, dans l'arpentagedu ler mars 1766,
indique que l'on arriva à un coteau qu'on appelle &
Platanal, où se trouvaient les habitants d'Arcatao avec leur

titre qui déclarèrent que ce lieu constituait "la limite de
leurs terresM3.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.5, p. 1895.

2 ibid., p. 1896.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.7, p. 1988. Le Guanacaste est par conséquent le point qui en 1766
est dénommé Le Platanar, et également La Canada dans un

titre postérieur, celui de San Antonio de las Cuevas de
1840, car dans l'arpentage de ces terres, effectué le 3 mars

1837, il est dit qu'on arriva:

"...à l'endroit de la Canada, appelé anciennement
Guanacaste où l'on a rencontré deux bornes de
pierre ensemble, et il m'a été dit que l'une
d'elles appartenait aux terres du village de
Arcatao de la juridiction de 1'Etat d'El Salvador,
et l'autre aux terres du domaine déjànommé de
San juan1..." (souligné par nous).

La "Description géographique de la frontière" de J.M.
ust ta m rédigé^e en 1890 se réfère à la o ont deabla

Ca'nada".Si l'on compare la carte salvadorienne6.111 à la
carte hondurienne 4.2, (infra., p. 276), on y voit

apparaitre, à l'emplacement de la borne de Guanacaste, une
référence à "La canada", comme point de triangulation ou
comme "Cerrode la Canada".

1 Mémoire du Honduras, Annexes,vol. IV, Annexe
X.1.12, p. 2043.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.15, p. 302. 3. La section de Gualcimaca: du tripoint du mont Arcataquera

aux terres de Nombre de Jesus

53. Selon le titre d'Arcatao de 1724, l'arpenteur,
après avoir placé une bornede pierre sur le Guanacaste,

changea de direction pour aller "du Nord au Sud" et arriver
à un mont comportant un col où passait un chemin, appelé de

~rcataqueral. Ledit titre, comme on l'a dit à plusieurs
reprises, stipuleque "depuis le Guanacaste"on longeait des

terres de l'Hacienda de San Juan de Lacatao; ce que confirme
l'arpentage de ce terrain effectué en 1766 et, indiquant

que, depuis ledit point -Guanacaste, Platanar ou La
~azada - on poursuivit en laissant le village dqArcatao "sur

le côté Ouest", c'est-à-dire, en allant du Nord au Sud, sur
la droite2.

Or, en mars 1769, Manuel de Castro, Juge sous-délégué
des terres de Gracias a Dios et du district de Tencoa,

agissant d'officepour la défense des droits de la Couronne,
engagea une procédure de "composition" de terres concernant

Joaquin Ortiz qui possédait, sans titre, "la propriété de
~ualcimaca"3. Il fut procédé à son arpentage le 6 mars 1769,

après enquête auprès de témoins - qui. déclarent que ces
terres appartenaient à Gracias a Dios et qu'elles étaient

"tierras realengas" - et reconnaissancedu terrain.

Titre dQArcatao (espagnolmoderne), p. 20.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.7, p. 1989.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.A, p. 1920. 54. Ces procédures de 1769 sont importantes dans la
perspective du présent litige et ce pour trois raisons: en

premier lieu, Manuel de Castro affirme, en reconnaissant le
terrain de Gualcimaca,que celui-ci:

"...est à la limite avec les domaines deNombre de
Dios... qu'il est à la limite du domaine de San
Juan de Lacatao... de cette juridiction et
finalement qu'il est à la limite avec les terres
concédées au village de Arcatao, du district de
Chalatenango, juridiction de San salvadorl...Io

L'interprétation salvadorienne du titre d'Arcatao de

1724 ignore cette donnée. La carte 6.111, comme on peut
l'observer, présente untracé de la ligne frontière, très à

l'Est, dans le but d'englober les terres de Gualcimaca;
c'est la raison pour laquelle elle opère un déplacement, au

Nord et à l'Est, des points indiqués sur le titre d'Arcatao
de 1724.

En second lieu, l'arpentage de 1769 est important car
il détermine un autre tripoint: celui que forme, sur le

Cerro de Arcataquera, uneborne ou tas de pierres:

"...qui constitue la limite des trois propriétés
de Arcatao, San Juan de Lacatao et ~ualcimala~."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.A, p. 1926.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.A, p. 1929.où a commencé l'arpentagede ce dernier terrain. Ce point

(carte 4.1, W., p. 260) dément à nouveau
l'interprétation salvadoriennedu titre d'Arcatao de 1724.

Il suffit pour le mettre en évidence d'observer où ~l'
Salvador situe le "Portezuelo in Arcatagera" sur la carte

6.111 en sus des éléments que fournissent à contrario les
titres de San Juan de Lacatao et de Colopele, car il

jouxterait les terres de ce dernier lieu, ce qui est
impossible.

55. En troisième lieu, l'interprétation salvadorienne

du tracé de la ligne est, en outre, démentie catégoriquement
par une particularité de l'arpentage des terres de

Gualcimaca: sa référence constante aux bornes ou points du
titre d'Arcatao, dont il jouxte les terres depuis le Cerro

de Arcataguera jusqu'à l'Hacienda de Nombre de ~esds. Il y a
une parfaite concordanceentre les bornes mentionnées sur le

titre de 1724 et celles de l'arpentaqe de 1769, de même
qu'en ce qui concerne les dénominations en divers endroits.

Ce qui, d'ailleurs, n'est pas surprenant puisqueles
habitants dlArcatao étaient présents avecleur titre.

Pour apprécier cette concordance, il suffit de
présenter, sur deux colonnes, les points mentionnésdans le

titre d1Arcatao de 1724 (à gauche) et ceux du titre de
Gualcimaca,de 1769 (à droite):1. "...lequel mont s'appelle 1. "depuis cette borne en
Arcataguera" tas de pierre qui

constitue la limite des
trois propriétés"

2. "de là... je me dirigeai 2. "en recherchant une

vers la colline de hauteur dénommée Sapo"
Sapo... "borne de

pierres"

3. "...de là nous nous 3. "on a continué et on a
dirigeâmes vers la trouvé une autre borne

colline de Guampa" et qui figure dans le titre
"l'on plaça une autre du village d'Arcatao,
borne de pierres"
dont les habitants,nous
ont dit qu'ils 1e

reconnaissaient..."

4. "...Nous arrivâmes à des
4. "on a commencé à monter
"talpetates" blancs... une cote arrondie à la
qui font office de borne" recherche d'une autre

borne que nous avons
trouvé... en faisant

partie du titre
d'Arcatao3'

5. "de là, on passa par le 5. "le sommet d'une colline

sommet du mont du élevée ou se trouve une
Caracol" fabrique... et sur le

titre d'Arcatao elle est
nommée la colline de

Caracol"

6. "on arriva à l'0cotal 6. "une colline qui est
(bois d'ocotes) qui se nommée Cerro Redondo ou

trouve au sommet d'un on a reconnu une autre
mont" borne d'ArcataoW 7. "on a commencé à monter
7. "nous arrivâmes ... à un
mont, ancienne borne de une autre colline où il
pierres, et ce mont y a quelques pins eton

sépare les deux nous a dit que cette
juridictions de San colline s'appelait del
Salvador etde Gracias" Ocotillo et nous avons

trouvé une autre borne
d'ArcataoN

8. "nous arrivâmes à un col 8. "en descendant de la
où passe le chemin royal colline, à la recherche

qui a, sur son côté Est, d'un ravin d'eau où se
un mont très élevé" trouve une petite brèche
appelée Las, Lagunetas,

où se trouve une autre
borne gui est 1a

dernière d'ArcataoN et
la première de Nombre de
J~S~S"

9. "et changeant de 9. "en laissantde coté les

direction, d'Est en terres dlArcatao, on a
Ouest, et longeant des commmencé à suivre la
terres de l'Hacienda de limite à main droite les

Nombre de ~esus.." terres de Nombre de
Jesus, en continuant

jusqu'à un ravin nommé
Barranco Blanco qui sert
de borne et de

frontière... en divisant
les deux juridictions de
cette province et de

celle de San Salvador'' 56. L'arpenteur des terres de Gualcimaca,en 1769, a

sans doute suivi à vue d'Œil les limites, en se basant sur
le titre dlArcatao de 1724; et les habitants de cette

communauté reconnaissent expressément lesditeslimites. Il
n'y a donc pas lieu de s'étonner ni de la concordance de

dénomination en certains endroits - "colline de Sapo", "mont
du Caracol" - ni de la claire identificationde cinq bornes

du terrain d'Arcatao, du tripoint à la dernière. Mais, en
outre, comme on l'a vu, sont mentionnées à deux reprises les

limites des anciennes provinces de Gracias a Dios et San
Salvador: l'une, entre les terres dlArcatao et celles de

Gualcimaca; l'autre, entreces dernières et celles de Nombre
de ~esi;s.

Le Gouvernement du Honduras estime que ces éléments

sont concluants. Mais il faut enfin faire référence à la
portion de ligne comprise entre le Guanacaste et les terres

de Nombre de ~esds et au "réarpentage" du terrain de San
Juan de Lacatao effectué le 11 septembre 1786~. Cet

arpentage corobore les éléments antérieursen plusieurs
points et son importance est d'autant plus grande qu'il a

été pratiqué après ceux de Gualcimaca (1769) et de Colopele
(1779).

57. En effet, entre autres éléments significatifs du
réarpentage de 1786, il convient de mentionner les suivants,

dans le sens Nord-Sud, en tenant compte du fait que le
réarpentages'est effectuédans le sens contraire:

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IV.3, p. 151. i) contigüité entre San Juan de Lacatao et Arcatao,
du tripoint de Gualcimaca au tripoint du

Guanacaste. L'arpentage indique que l'on
poursuivit, en direction Nord, jusqu'à:

"...d'autres bornes de Gualcimaca, où se trouvent
celles qui divisent les terres de Arcatao, village
de la juridiction de San Salvador et celles que
l'on mesure, et, à cette borne, se trouvaient avec
leur titre les habitants de ce village1.. ."

Il s'agit par conséquent de la borne qui, dans le titre

de Gualcimaca, constitue"...la limite des trois propriétés
de Arcatao, San Juan de Lacatao et ~ualcimaca"~, c'est-à-

dire celle du mont de Arcataguera ou mont du Tambor.

Mais en outre, en poursuivant vers le Nord, l'arpentage
de 1786 mentionne d'autres éléments importants,à savoir

que:

"...la limite (des terres de Arcatao depuis le
tripoint de Gualcimaca) se trouve vers la
frontière à gauche des terres de ce village, en
suivant un chemin royal dénommé de los Trigueros,
iusqu'arriver à un champ de canne à sucre où se
terminent les terres de ce villaqe et où commence
à lonqer celles du villaqe de Guarita où sont
sortis les habitantspour montrer leur limite 3..."
(soulignépar nous).

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IV.3, p. 164.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6, p. 1929.

3 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IV.3, p. 164. Par conséquent, en venant du tripoint de Gualcimaca et
en allant dans le sens Sud-Nord, se trouvent à gauche les

terres dqArcatao, jusqu'à ce qu'on arrive à la borne du
Guanacaste ou La Canada, tripoint des terres dlArcatao, San

Juan de Lacatao et Colopele, arpentéen faveur des habitants
de Guarita (carte 4.1, supra., p. 260). L'arpentage de

Lacatao de-1786 corrobore doncyeux d'Arcatao, en 1724, de
Colopele, en 1779, outre le prédédent arpentage de Lacatao,

en 1766.

ii) Contigüité de San Juan de Lacatao avec Nombre de
Jesus. L'arpentage indique que l'on a suivi le

torrent del Amati110 "en longeant, sur notre
gauche, les terres de Nombre de Jesis", de San

Salvador, où l'on trouva une ancienne borne de ce
dernier terrain; on continua jusqu'à un grand mont

et un col appelé de Las Laqunetas où l'on trouva
une borne de Nombre de JesGs" et il ajoute que:

"...elle sert également (de borne) aux terres de
Gualcimaca, terrain qui est de ma juridiction,
dans lequel l'on trouva Laureano Serrano,
propriétaire des lieux, déclara qu'il
sqagissait de ses terres?:?."

Puis, il est indiqué que l'on continua "à longer ce

terrain" de Gualcimaca" en ayant cessé de longer celui de
Nombre de Jesus", et l'on changea de directiondu Nord au

Nord-Est, en "descendant une montagne abrupte,en longeant
des terres de Gualcimaca" pour rencontrer, après avoir

grimpé à nouveau la montagne, la borne de Gualcimaca "oùil
s'en trouveune autre qui sépare les terres de Arcatao... et

1 Contre-mémoiredu Honduras, AnnexeIV.3, p. 164.

"...tambien sirve (de mojon) a las tierras de
Gualcimaca, sitioque es de esta mi juridiction, en el cual
se ha110 a Laureano Serrabo,dueiiode é1 y dijo ser alli sus
tierras..."celles que l'on arpenteN1, c'est-à-dire celle que l'on a
appelé tripoint de Gualcimaca. Il y a donc totale

concordance entre l'arpentagede Lacatao de 1786 et celui de
Gualcimaca de 1769, et entre ces deux documents et le titre

dlArcatao de 1724.

58. Compte tenu de la totale concordance entre les
documents de l'époque coloniale mentionnant 1e.slimites des

anciennes provinces, toute autreréférence est superflue.
Cependant, le Gouvernementdu Honduras, ainsi qu'il l'a déjà

indiqué dans son mémoire2, pense qu'il convient de rappeler
un élément complémentaire: la concordance entre les

documents de l'époque colonialeet les titres de terre,
établis après 1821, concernant le secteur de La Virtud.

Il s'agit, d'une part, du titre de Gualcimaca de 1837
(carte 4.3, supra., p. 292), arpenté sur le même terrain que

le titre précédentde 17833; d'autre part, des titresde San
Antonio de las Cuevasde 1837~, et des nouveaux "ejidos" de

La Virtud de 18385 ceux-ci étant arpentés sur une partie des
anciens terrainsde San Juan de Lacatao.

1 contre-mémoiredu Honduras, Annexe IV.3, p. 164

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 321-322.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.B, p. 1947.

4 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.12, p. 2040.

5 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.8, p. 1999. C. LES AUTRES SECTIONS DE LA LIGNE FRONTIERE NON
VISEES PAR LE TITRE D'ARCATAO

59. Ainsi que le Gouvernement du Honduras l'a

réaffirmé au présent chapitre, le titre dlArcatao de 1724 se
réfère uniquement, selon l'interprétation même d'El Salvador

(carte 6111) à la section centrale de la ligne frontière
dans ce secteur de la frontière terrestre (carte 4.1,

supra., p. 260). El Salvador, ainsi qu'on l'observera, ne
fournit pas le moindre document de l'époque coloniale ou

postérieur à celle-ci, en ce qui concerne deux sections:

a) à l'ouest, celle comprise entre la borne de
Pacacio et le torrent qui "descend à la rencontre

de la rivière Gualquiere et Sazalapa", selon le
titre dlArcatao;

b) à l'Est, celle comprise entre la dernière borne

d'Arcatao et la première des terres de Nombre de
Jesus, jusqu'au point extrême du secteur, la Poza

del Cajon.

60 En ce qui concerne la première section, le mémoire
du ~ondurasl a indiqué les fondements juridiques de la ligne

frontière, en application de l'uti possidetis juris de 1821,
sur les points suivants, dans le sens Ouest-Est:

- rivière Pacacio, point identifié dans le titre de San

Juan d'El Chapulin de 1766, terres arpentées en 17612.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 329-337.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.3, p. 1845-1846.- Poza del Toro, point mentionné dans le titre de

l'Hacienda de Sazalapa de 1746, terres arpentées en

1741; ce titre parle d'un droit appelé Lagartera où le
Sazalapa rejoint le ~ualcin~al et dans le titre de
Conception de las Cuevas de 17412 qui signale la

rivière Sazalapa jusqu'à un ravin "qui limite les
terres dlArcatao".

- rivière de Sazalapa, identifiée dans le titre de

Concepcion de las Cuevas de 1741 et dans celui de
l'Hacienda de Sazalapa de 1746, dans lequel il est dit

que l'arpenteur a poursuivi "de l'Ouest vers l'Est en
remontant le Sazalapa" pour parvenir au point où il
jouxtait, de l'autre côté de la rivière, les terres

dS~rcatao3.

61. En ce,qui concerne la seconde section, à l'Est, le
mémoire du ond dura mes^tionne également les titres

signalant les points suivants, dans le sensOuest-Est:

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.1.2, p. 1832.
2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.l.l, p. 1826-1827.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.2, p. 1832.

4 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX,p. 329-337.- Barranco Blanco ou La Barranca, qui sépare les
juridictions de Gracias a Dios et de San Salvador,

selon le titre de Gualcimaca de 17~3~ et les terres de
San Juan de Lacatao et de Nombre de Jesus. Dans

l'arpentage de San Juan de Lacatao de 1766, il est
appelé Portillo de la Laguneta, mais c'est le même

point, étant donné que le titre déclare que le
propriétaire de Nombre de Jesus, Simon Amaya, s'y

trouvait avec le titre de ses terrés2.

- Cerro La Bolsa ou El Cerron, identifié également dans

le titre de Lacatao (arpentage de 1766) lorsqu'il
mentionne, après avoir fait référence à Barranco Blanco

ou Las Lagunetas, qu'il s'est dirigé vers un côteau au
sommet duquel "...on a identifié une autre borne de

l'Haciendadu a ache lieron Simon maya )^

Par ailleurs, en ce qui concerne cette section de La
Virtud, le Gouvernement du Honduras a invoqué la

reconnaissance expresse, faite par El Salvador en 1884, de
la "ligne de démarcation existanteet sans discussion" entre
Nombre de ~esus et La ~irtud4, ainsi que son attitude

cohérente, antérieurement etpostérieurement à cette date,
jusqu'en 1972.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
X.1.6.A, p. 1930.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

X.1.7, p. 1989.

3 ibid., p. 1989.

4 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IX, p. 337-338. 62. Dans ces deux sections de la ligne frontiere, le

Gouvernement du Honduras a justifié son tracé par des
documents de l'époque colonialementionnant les limites de

territoires ou de juridictions, sans qu'El Salvador ne
présente de justificationen ce qui concerneses prétentions
décrites au chapitre 6.71 et représentéespar la carte 6.9

de son mémoire. Le Gouvernement du Honduras est convaincu
que la Chambre de la Cour tiendra comptede ces éléments
lorsqu'elledéterminera le tracé de la ligne frontièredans

ce secteur. SOUS-TITREII

L'EXTENSIONDU DIFFEREND

CHAPITRE IX

LE SECTEUR DE LA PRONTIERETERRESTREENTRE LA BORNE
DE PACACIO ET LA BORNE DITE POZA DEL WON SUR

LA RIVIERE EL AMATILLOOU GUALCUQUIN

Section 1. La zone contestéede Sazalapa-LaVirtud

A. LA ZONE CONTESTEE

1. La zone en litige de Sazalapa-La Virtud estle

secteur de la frontière terrestre compris entre la borne du
Pacacio, sur la rivière de ce nom, et la borne dite Poza del
cajdn, sur la rivière appelée El Amatillo ou Gualcuquin. Il

s'agit de la zone qui se trouve entre le point final du
troisième secteur délimité par l'article 16 du Traité

Général de Paix de 1980 et le point initial du quatrième
secteur s'y trouvant décrit (Carte 8.5.1 à la page
suivante).

2. Dans les négociationssur les limites qui eurent
lieu à Antigua, au Guatemala,en 1972, El Salvadorprétendit

que la ligne de séparation dans cesecteur de la frontière
terrestre étaitla suivante, sur la base des calques remis à

la délégation hondurienne à cette occasion et superposés aux
cartes Chalatenango2458-111 et Arcatao 2458-11, dans le
sens est-ouest:

"Depuis la borne La Poza del cajbn, sur la rivière
Amatillo ou Gualcuquin, El Salvador soutientque la ligne de division continue en descendant la
rivière El Amatillo ou Gualcuquin, jusqu'à un
point proche du lieu El Llianito où la rivière se
divise en deux bras; depuis cepoint jusqu'à la
crête de la colline El Fraile; de là jusqu'à la
colline La Pintal; ensuite au début du ravin de
Pacacio, continuant jusqu'à son entrée dans la
rivière Sumpul" (AnnexeIV.1.22.Ap. 579).

3. Le Honduras a traditionnellement soutenuque la

ligne frontièreest celle décrite commesuit:

"Depuis la borne La Poza del ~ajdn, sur.la rivière
que la ligne de division continue jusqu'àla borne
Poza de La Golondrina,sur la rivière Sazalapa,en
passant par les bornes dénommées ainsi: Pa10
Verde, la Laguneta, Cerro de la Bolsa, la
Barranca, Gualcimaca, Cerro la Cenada; de la Poza
de la Golondrinaen descendantla rivière Sazalapa
jusqu'à la borne Poza del Toro; depuis ce lieu en
traversant la montagne jusqu'à la borne quise
trouve sur la rivière Pacacio; de là en suivant
cette rivière jusqu'à son confluent avec la
rivière Sumpul" (Annexe IV.1.22.A p. 579).

B. LES ASPECTS GEOGRAPHIQUESDE LA ZONE

4. La zone comprise entre les lignes frontières
revendiquéespar El Salvador et le Honduras a un périmètre

irrégulier,avec une partie plus largevers le nord-ouestet
une autre plus étroite vers le sud-est. Il existe un

resserremententre les deux parties au centre à proximité du
mont La Canada. C'est pourquoi il convient de dénommer la
partie située au nord-ouest zone de Sazalapa, du nom de la

localité qui s'y trouve, et celle qui se trouve au sud-est
zone de La Virtud, du fait de sa proximité avec la localité
hondurienne portantce nom. Cette dénominationde cette zone

ainsi que de ses secteurs n'a d'autre finalitéque la simple
description. Elle correspond cependant à celle d'anciensdocuments tel que le titre de terres de San Francisco

Sazalapade 1746 et celui des ejidosde La Virtud de 1738.

5. Sur toute l'étendue de la zone, le terrain est

extrêment accidenté, avec des monts. des dépressions et
quelques plaineset plateaux.Les monts ou hauteurs ont une

altitude variable de 400 mètres dans la partie sud-est à
1000 mètres dans la partie nord-ouest. Les sols sont en
majeure partie rocailleuxet argileux de sorte que les

terrains pour l'exploitation agricole sont limités. Les
hauteurs sont propices à l'élevage qui se pratique, comme

l'agriculture, à petite échelle.

Les accidents géographiquesles plus notablessont les

monts de Los Apantes, El Panteon, El Fraile ou Plan Chino,
Portillo del Fraile ou del Aguacate, Pitahaya,La Tabla, El

Sapo, El Cajete ou Cayete, Piedra Parada, Las Cuevas, El
Cucurucho, Tecolotes et Maratao. Parmi les plateaux il
convient de signaler ceux de Llano Largo, San Pablo, Los

Horcones,Corozal,Las Cuevas et Sazalapa.

Les cours d'eau existants dans cette zone ont un débit

permanent, bien que celui-ci se réduise considérablement à
la saison sèche. Parmi les principaux cours d'eau, on peut

mentionner les rivièresPacacio, Gualcinga et Sazalapa, qui
sont des affluents de la rivière Sumpul. Les rivières
Gualguis et Los Amates ou Gualcuquin,de moindre importance,

se jettentdans la rivièreLempa, au sud.

6. La population de cette zone se trouve en majeure
partie disperséeet demeure dansde petites haciendaset des
hameaux. Mais il existe' des groupements ou noyaux de

population à caractère rural, commec'est le cas de LosApantes, Portillo del Fraile, Sazalapa, Las Cuevas, Piedra
Grande, San Pablo, Los Horcones, La Tabla, La Vecina,

Llanito et Gualcimaca. Leplus importantde ceux-ci, par le
nombre de ses habitants,est celui de Sazalapa et, dans la
partie sud-est,La Virtud.

La population se consacre principalement a
l'agriculture, avec des exploitations de dimension très

réduite ainsi qu'onl'a dit précédemment. Elle cultive de
préférence le maïs, les haricotset le millet. Il existe
également des exploitations vouéeà l'élevage, de dimension

réduite.Les échangescommerciaux sont trèlimités.

SectionII. Le différendsurla ligne frontière

dans la zone de Sazalapa-LaVirtud

A. INTRODUCTION

7. Ainsi qu'il sera vu ab Chapitre XI, le différend
dans le secteur de ~oascora'npeut être qualifié, à bon
droit, de tardif, car il n'a pris naissancequ'en 1972,

c'est-à-dire plusde 150 ans après l'indépendancedes deux
Républiques.Pour ce qui est du présent secteurde Sazalapa-
La Virtud, la même donnée peut être constatée, comptetenu

de l'histoire des négociations entre les parties, car en
réalité, c'est aussi en 1972 que surgit le différend quand
El Salvador présenterdes prétentionsdans ce secteur.

Cependant, ici finissent les points communs entre le
présent secteuret celui de pas c onraen.ui concerne

Sazalapa-La Virtud, en effet, certaines différencessontà
souligner, très sommairement. D'abord, c'est l'indéter-
mination d'une partie de la ligne tracée dans la Conventionsignée le 10 avril 1884 par Cruz et Letona qui est a
l'origine du conflitdans le présent secteur.Ensuite, en
partant de cette indétermination, on enregistrera les

premières prétentions d'El Salvador, même si elles sont
exposées à titre privé, dans les étudesde l'Ingénieur M.

Santiago 1. Barberena, à partir de 1892. A ces prétentions
s'opposera quelques années tard, l'étude de l'Ingénieur
.hondurien M. Bustamante. Cette querelle de limites se

prolonge, du côté salvadorien,dans la cartographie établie
par Barberana et Alcaine en 1892-1905 et 1892-1913 (Annexes

Cartographiques A.17 et A.18). Enfin, la correspondance
diplomatiqueentre les deux Etats permetde mettre en relief

des problèmes de limites depuis 1916, problèmes qui ont
reprisaprès 1946.

B. LA PERIODE ANTERImTREA 1972

8. Antérieurement à 1884, il y a plusieurs éléments qui
doivent être pris en compte en ce qui concerne le différend
dans ce secteur de la frontière terrestre.En premier lieu,

et l'élément est significatif, c'est le fait qu'on
n'enregistreaucune réclamation territoriale de la part d'El

Salvador, ni aucune protestation face à la souverainetésur
la zone exercée par les autorités honduriennes.Cette donnée
peut être confirméepar la correspondance diplomatique entre

les deux Etats et également par le fait que le secteur de
Sazalapa-LaVirtud est excludes premières négociationsdes

limites, entre 1861et 1884.

En second lieu, il faut -tenir compte du fait que, à
partir de 1836, peu de temps après l'indépendance, la
République duHonduras délivre divers titres de terres dans

le territoire. qui, en 1972, fera l'objet des prétentions
salvadoriennes. En ce qui concerne la partie de La Virtud, il s'agit du
titre des ejidos de 'ce nom de 1836-1837 (Annexe X.1.8

p. 1999), du titre des nouveaux ejidosde La Virtud de 1838
(Annexe X.l.10 p. 2027), du titre de San Sebastian de Palo
Verde de 1844 (Annexe X.1.13 p. 2054), du titre de

Gualcimacade 1837 (AnnexeX.1.6.B p. 1947) du titre de San
Antonio de Las Cuevas de la même année (AnnexeX.1.12
p. 2040), et du titre de Colopele ou Piedra del Tigre de

1837 (AnnexeX.1.9 p.2024). La superficie couverte par ces
titres peutêtre appréciée surla Carte B.5.4 en regard.

Enfin un autre élément significatif mérite d'être
souligné. Lorsqu'ont étéeffectués les arpentages de

'certainsdes terrains sus-mentionnés,limitrophes de ceux
des communes d'El Salvador, les autorités salvadoriennes

assisteront à l'arpentage sans que naisse le moindre
conflit. Ce fut le cas par exemple de l'arpentagede San
Sebastiande Pa10 Verde en 1840, égalementde l'arpentage du

terrainde Gualcimaca,en 1837 et de celui de San Antonio de
Las Cuevas, la même année. Tous ces terrains sont
limitrophes d'autresterrains d'El Salvadordans la partie

de La Virtud, ainsi qu'on peut en juger dans la Carte B.5.4
en regard.

9. Les négociationsqu'engagenten 1884 Cruz et Letona,
délégués respectifs du Honduras et d'El Salvador, sont

importantespour connaître quelle était la ligne frontière
dans le secteur cette date. En effet, lorsde la sixième

réunion de négociations,qui s'est tenue à San Miguel le 5
avril 1884, les deux délégués; "après avoir recueilliles
données nécessaires", fixèrentune ligne étendue qui, dans

ce secteur,est décrite dansles termessuivants: (1) "... en commençantau passage de Amatillo, la
liqne de démarcation existanteet sans discussion
entre Nombre de Jesus d'El Salvadoret La Virtud
de Honduras;

(2) et en suivant la ligne qui divise les
Départements de Chalatenango et de Gracias,
jusqu'à la montagne de Cayaguanca" (soulignépar
nous) (Annexe 111.1.51 p. 172).

En ce qui concerne ce texte et les deux alinéas en (1)

et (21, plusieursélémentsméritent d'être soulignés.

10. En premier lieu, de par les termes employés dans

l'alinéa (1)en liaison avec l'alinéa (2),on peut apprécier
que, si dans la zone de La Virtud on affirme clairement

l'existence d'une ligne frontière traditionnelle
- "existante et sans discussion" -, en revanche, en ce qui
concerne Sazalapa, on ne mentionne, par voie de référence,

que la ligne frontièredes deux départementshonduriens et
salvadoriensde Gracias a Dios et Chalatenango.

En second lieu, si en 1844 les deux Etats reconnaissent
une ligne frontière traditionnelle entre Nombd re Jesus et

La Virtud, il ne faut pas oublier, ainsi qu'on l'a indiqué
précédemment, que depuis 1836, le Honduras a établi
plusieurs titresde terres à La Virtud qui sont limitrophes

de terrains de communes salvadoriennes,titres qu'on a
mentionnés précédemment. Ainsi qu'on l'a déjà dit, les
arpentagesde plusieurs de ces terrains furenteffectués en

présence des autorités salvadoriennessans engendrer aucun
litige sur les limites. Par conséquent on peut affirmer
qu'en 1884,les deux délégués se bornèrent à reconnaître, en

ce qui concerne la partie de La Virtud et en liaison avec
Nombre de Jesus, la frontière traditionnelle existante,admise sans contestation par ,les deux Etats jusqu'à cette
date, situation qui allait se prolonger plusieursannées
après 1884.

11. En ce qui concerne Sazalapa, en revanche, les
délégués ne firent aucune référence à des communesr se

bornant à une référence générique à la ligne frontièredes
départements de Gracias a Dios et Chalatenango. Or, dans

cette partie,avaient déjà été établis,par le Honduras, les
titres de terres de Colopele, en 1836r de Los Naranjos en
1838 et de Sazalapa, en 1844. Il n'y avait pas eu non plus

le moindre différend entre les deux Républiques.Mais le
langage est évidemment différent et n'entraîne pas

reconnaissanced'une frontièretraditionnelle.

D'autre part, compte tenu de l'absence d'indication sur

les communes ou de points géographiques précis, les
résultats des négociations de 1884 en ce qui concerne
Sazalapa ouvraientla voie à des interprétations divergentes

de la ligne frontière.Les divergencesvont en effet surgir,
quelques années après, a la suite de la reconnaissance

effectuée par l'Ingénieur Barberena, sur ordre du
Gouvernement d'ElSalvador, en 1889. En ce qui concernece
secteur, les limitesqu'il indique sontles suivantes:

"18. ...à l'endroit où se joint à cette rivière,
du côté hondurien, le torrent du Amatillo; en ce
point se termine le département de Cabanas et le
départementde Chalatenango commence à jouxter le
Honduras.
19. Elle suit le torrent du Amatillo en amont
jusqu'àsa source.
20. De la source du torrent du Amatillo en
traversant les montagnes de Arcatao jusqu'au
21. Le torrent de Zazalapa jusqu'àse trouver en
face du mont du Cucurucho et la ligne monte au
sommet de celui-ci. 22. Du mont du Cucurucho, en passant par une
montagne, jusqu'au torrentde Pacacio.
23. Le torrent de Pacacio en aval jusqu'à sa
confluence avecla rivière Sumpul"
(AnnexeIII.2.10.Cp. 269).

12. L'interprétationde Santiago 1. Barberena de 18921
se reflète en partiedans la "nouvelle carted'El Salvador"

qu'établit aussi, avec lui, l'IngénieursalvadorienJosé E.
Alcaine (Annexe Cartographique A.17 et 18). Cette carte

inspired'autrescartes salvadoriennes postérieures.

Bustamante,se son coté, écrivit en 1890 ceci:

"De Pa10 Verde et ayant plusieurs directions,
toujours en lignedroite, notre frontière passe
par les lisières de la Laguneta, Cerro de la
Bolsa, Barranca, Gualsimaca, dans le côteau du
même nom, Montana de la Canada, Posa de la
Golondrina, au bord du torrent de Zazalapa, Posa
del Toro, ~ojdn de Pacacio, sur le bord du fleuve
qui a cette appellation, jusqu'à arriver d'ici en
fleuve,oà son point de rencontre avec le fleuve
Sumpul. D'ici, par le centre et contre le courant
du Sumpul, vers le nord ouest, jusqu'à une borne
de pierres située à la confluencedu Rio Chiquito
avec le Sumpul, près du village salvadoriende San
Fernando. De cette confluenceet continuant, par
ses différents méandres vers l'est, jusqu'à un
coude que fait ce même Sumpul, en rencontrant un
torrent appeléQuebrada Chiquita: etd'ici par une
ligne droite vers le sud 8703S1, et en comptant
2.880111jusqu'à la Pena de Cayaguanca" (Annexe
111.2.15 p. 302).

Santiano 1. Barberena: '~escripci6n geograf ica y
estadistica de la Republica de El Salvador". Travail
effectué par délégation du Gouvernement Suprême. San
Salvador, Imprimerie Nationale1,892, p.13 suiv. C. LA PWIODB DE 1972-1985

13. En réalité, ainsiqu'on l'a dit précédemment,c'est

en 1972 qu'El Salvador formule pour la première fois une
prétention territoriale sur ce secteur de la frontière

terrestre, dontl'etendueet les limitesont été indiquées à
la Section 1 du présent Chapitre. Si l'on compare avec la
ligne indiquée par Santiago 1. Barberena en 1892, on peut

noter qu'il n'existe pas de coïncidence parfaite,ni de
concordance dans les points géographiques de l'une et de
l'autre. Mais d'autre part, il convient de signaler, ainsi

qu'on peut le vérifier sur la Carte B.5.5 en regard, qu'en
1972 la prétention salvadorienneprogresse vers le nord et

que son étendueaugmente.

14. Au cours des travaux de la Commission mixte des

limites El Salvador-Honduras, entre 1980 et 1985, on
enregistre diverses propositionsde délimitation de ce

secteur. La première, faite par El .Salvadorau cours de la
session des 23 et 24 mai 1985, est présentéepar ces auteurs
comme étant "de caractère éminemmentconciliatoire", et,

relativement à ce secteur,déclare,au point 5, ce qui suit:

rivière Amati110 Guaycuquina delouajGualcuquin,en
remontant cette rivière jusqu'àsa source. De la
source de ladite rivière en ligne droite vers le
nord-ouest (au sommet) à la colline El Fraile, et
de cette collineen ligne droite versla source de
la rivière Sumpul, et en amont jusqu'à sa source
près des sommets de la montagne Sisimiles,et à
partir de là en ligne droite jusqu'au rocher de
Cayaguanca" (AnnexeV.1.20 p. 900).

Si l'on compare avec la description de Barberena de
1892 et avec la proposition salvadorienne de 1972, lesréférences utilisées ainsique la ligne elle-même sont à

nouveau modifiées(CarteB.5.5).

15. La délégationdu Honduras, lors de la réunion de la
Commission des 23 et 24 juillet 1985, renouvela la position
exposée en 1972, en indiquant dans sa proposition de

délimitation les diverses bornes et lignes résultant des
titres établispar les autorités espagnoles au XVIIIe siècle

et repris dans les titres établis postérieurement à
l'indépendance(AnnexeV.1.22 p. 911). Cette proposition fut
rejetée par El Salvador lorsde la réunionde la Commission

des 5 et 6 septembre 1985, en invoquant que "elle ne fait
aucune concession à Sazalapa" (AnnexeV.1.23 p.924). On

peut l'admettre sans aucun doute. Et enfin, lors de la
réunion finale de la Commission, qui s'est tenue à
Tegucigalpales 9 et 10 décembre 1985, El Salvador renouvela

sa proposition du moisde mai et le Honduras, une fois de
P~USI fit enregistrer au procès-verbal sa position

traditionnellesur la délimitation de ce secteur, dans les
termes suivants,dans le sens ouest-est:

"c) Section de Sazalapa. De la confluence de la
rivière Pacacio avec la rivière Sumpul, en .amont
de la rivière Pacacio, jusqu'à la borne Pacacio
qui se trouve dans la même rivière; et de cette
Poza del Toro, dans lamriviere Sazalapa; de là en
amont de ladite rivière jusqu'à la borne Poza de
la Golondrina; de ce point en passant par les
bornes dénommées Cerro La Canada, Gualcinaca, La
Barranca, Cerro de la Bolsa, La Laguneta, Pa10
Verde, jusqu'à la borne La Pozadel caj6n dans la
rivière Amati110 ou Gualcuquin" (Annexe V.1.27
p. 981). Section III. Le fondementde la positiondu Honduras dans

la zone de Sazalapa-La Virtud

A. INTRODUCTION

16. Dans ce secteur en litige de la frontière

terrestre, la République du Honduras soutient quela ligne
frontière avec la République d'El Salvador, dans le sens

ouest-est, part de la borne Pacacio, dans la rivièrede ce
nom, et de cette borne se poursuit avec une ligne droite
vers l'union du ruisseau LaPuerta avec la rivière

Gualcinga;et de ce point, en aval de la rivière Gualcinga,
jusqu'à la borne Poza del Toro, sis dans la confluencede la

rivière Gualcinga avec la rivière de Sazalapa dans
Lagartera;de là, en aval de la rivière Sazalapa, jusqu'à la
borne de Poza de la Golondrina; de ce point, en ligne

droite, jusqu'à la borne dite La Canada, Guanacaste ou
Platanar; de cette borne, en ligne droite, à la borne de El

Portillo de la colline del Tambor,.connu aussi comme El
Portillo de El Sapo; de cette borne,en ligne droite, à la
borne Guaupa, en passant par la colline de El Sapo; de là,

en ligne droite, au sommetde Loma Redonda; de ce point, en
ligne droite, au sommet de la colline El Ocotillo O
Gualcimaca, en passant par la colline El Caracol; de ce

point, où il y a une borne, en ligne droite, à la borne de
la Barranca ou Barranco Blanco; de là à la colline de La

Bolsa, et de ce point, en ligne droite, à la borne Poza del
~ajon,dans la rivièreAmati110 ou Gualcuquin.

17. La ligne frontière qu'on vient de décrire
constituait la ligne de démarcation des juridictions entre

les anciennes provincesen 1821. Après l'indépendancedes
deux Républiques, ladite lignea été la frontière admise
sans contestation par les deux Etatsjusqu'en1972. . .
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il:., Par conséquent,la République du Honduras invoque, en

premier lieuet de façon générale, l'uti possidetis juris de
1821, à titre de principe général du droit internationalet
de principe particulièrement applicabl dans les relations

entre les deux Etats. En second lieu,vu que le différend
dans ce secteur ne s'est déclarée qu'en 1972 - à la suite
des prétentions salvadoriennes dans lesnégociations

d'Antigua, au Guatemala - et que la ligne frontièrea été
traditionnellement admisepar El Salvador jusqu'à cette

date, la Républiquedu Honduras estfondée a invoquer, face
auxdites prétentions, le comportement d'El Salvador durant
plus de cent cinquante ans. Ceci implique de sa part un

acquiescementde la ligne frontiPreet en ce qui concerneLa
Virtud, sa reconnaissance expresse. Par conséquent, dansle

présent litige, toute prétention salvadoriennecontraire
doit être exclue,en applicationde ces principes.

B. LES DOCUMENTSANTERIEURS A 1821QUI METTENT EN EVIDENCE
LES LIMITES DES ANCIENNES JURIDICTIONDANS CETTE ZONE

18. Dans le secteur de La Virtud, laligne frontière
des juridictions entre les anciennes provinces de San

Salvador et Comayagua, districtsde Gracias a Dios, peut
être établie grâce aux références figurant dans les
documents suivants relatifsaux arpentages de terres, et

dont les limites peuvent s'apprécier dans la Carte B.5.2
p. 328:

i) Le réarpentage de l'Hacienda de San Juan de
Lacatao ou del Arcatao, effectué le 1 mars 1776

par le sous-lieutenant~ristdbal de Pineda, Juge
Commissaire des Arpentageset Réarpentages de
Terres dans la juridictionde Gracias a Dios, par

délégation du Juge Sous-délégué des Terres de

point où s'y jette un torrent qu'ilsnomment Tuquin, ou de
los Amatillos ou del Pa10 Verde, torrent qui constitue la

limite de juridiction et la liane de démarcation des
provinces".

Il résulte en définitive de cet arpentagede 1786, du
précédent de 1766 et d'un autre pratiqué en 1742,
que, à la
borne Poza del ~ajon, l'haciendade San Juan Lacataoou del
Arcatao jouxtaitles terresde l'hacienda Nombrede Jesus, à
El Salvador. Cette contiguïté se poursuivait jusqu'à la

borne de la Barranca. Barranco Blanco ou La Laguneta. A
partir de celle-ci, elle jouxtait le site de Gualcimaca

jusqu'a la borne Portillo Cerro del Tambor, qui était
également communeaux deux sites précités et aux terres de
San Bartoloméde Arcatao, de San Salvador.Depuis El Tambor,

la contiguïté avec San Bartolomé de Arcatao se poursuivait
jusqu'à la borne La Canada, Guanacaste ou Platanal, qui

formaient angle avec l'hacienda de Colopele. de Comayagua.
Selon les titres, ces limites étaient les lignes de
démarcation desjuridictionsdes provinces.

ii) L'arpentage du site de Gualcimaca, effectué en
1783 par Manuel de Castro, Juge Sous-délégué du

Droit Royal des Terres dans la juridiction de
Gracias a Dios, province de Comayagua (Annexe

X.1.6.A p. 1929). L'arpentage commence à un mont
Picudo, identifiableà El Tambor, où les indigèneç cette même juridictionet le réarpentageultérieur
des mêmes terrains, effectué par Manuel de Castro,

Juge Sous-délégué du Droit Royal des Terres du
District de Gracias a Dios et Tencoa (AnnexeX.1.7

p. 1964). De l'ensemble de ces documents, il
ressort clairementque la limite des juridictions

était la rivière Lempa, à l'extrême sud-est des
terres et, que depuis la borne Poza del ~ajon, où
commence l'actuelle zoneen litige, la limite se

poursuivait par les bornes de La Barranca,
Barranco Blanco ou Portillo La Laguneta "... là

nous avons trouvé le Bâchelier Monsieur Simon de
Amaya avec son titre..." selon l'arpentagede 1776
et par le mont La Bolsa ou El ~err6n. A titre

complémentaireil est prouvé que la borne connue
sous le nom de La Canada, el Platanal ou

Guanacaste fait partie de cette même ligne de
démarcation des juridictions, car c'est le point

où selon l'arpentagede 1776:

I...se trouvaient le Maire et les autres
habitants du village de San Bartolome de
Arcatao... lesquels ayant exposéleur titre
ont déclaré que cet endroit était la limite
de leurs terres" (AnnexeX.1.7 p. 1988).

Dans le réarpentage de 1786, l'arpenteur suivit le
cours de la Lempa pour arriver à un torrent appelé los,

Amates ou Gualcuquin. Le document indique qu'il sert
également de limite au site de Nombre de ~es6s que possède

Simon de Amaya dont l'haciendase trouve sur le territoire
de la juridiction de la province de San Salvador et ils

déclarent que ledit ruisseau et ses affluents font partie
des juridictionsde ladite vrovince et de celle de Comavaqua
à laquelle est annexée la juridictionde Gracias, jusqu'au

direction ouest,on arriva à la colline El Sapo,
où se trouvait une autre borne des terresde

Arcatao, celledu mont Guampa ou Guaupa selon son
titre. De là, en direction sud, et en longeant sur

la droite les terresde Arcatao, de San Salvador,
on arriva à une autre borne de ce village, à
hauteur du Portillo Las Cruces. Et en prenant en

direction sud-ouest, onarriva au mont El Obraje,
en cherchant le mont Redondo de Enmedio, puis au

mont del Ocotillo, où se trouvait uneautre borne
de Arcatao, pour arriver à la dernière borne de ce

village, aumont Portillo del ~ojo/nou del Gramal,
qui est lapremière borne de l'haciendade Nombre
de Jesus. Et en longeant sur la droite des terres

de cette hacienda, on arriva à La Barranca ou
Portillo de La Laguneta qui sert de borne et de

limite à Nombre de Jesus, de San Salvador, et à
San Juan de Lacatao, deComayagua, et le Maire de

Arcatao déclara "accepter. l'arpentage et s'y
conformer car il ne leur portait préjudice en
rien".

Ainsi qu'on peut en juger par la Carte B.5.2 à la page

328, le site de Gualcimaca arpentéen 1783 jouxtait les
terres de Arcatao, de San Salvador, à partir de la borne
Barranco Blanco,La Barranca ou Portillo de La Laguneta, en

montant en direction nord-ouest,jusqu'à la borne Cerro del 19. Dans la partie de Sazalapa, la ligne frontière des
anciennes provincesde San Salvador et de Comayagua peut,
sans aucun doute, être établie grâceaux données figurant

dans les documents suivants,relatifs à la propriété des
terres, dont les limites peuvent être appréciées sur les

Cartes B.5.2 à la page 328et B.5.3 à la page 332.

i) L'arpentage du site de Colopele, effectué en 1779

par Manuel de Castro, Juge Sous-délégué du Droit
Royal des Terres de Gracias a Dios et Tencoa, à la

requête des indigènes de Guarita, province de
Comayagua (Annexe X.1.5 p. 1884). L'arpenteurcita
les habitants limitrophes, parmi lesquels se

trouvait San Bartolomé de Arcatao, de San
Salvador. L'arpentage mentionne un site

identifiablecomme étant la Poza de la Golondrina
et celui de Guanacaste,La Canada ou El Platanal,
en indiquantqu'à droite onjouxtait les terres de

Arcatao de San Salvador,.les indigènes de ce
village étant présents à l'arpentage "avec leurs

titres".

ii) L'arpentagede l'haciendade Sazalapa,effectué en

1741 sur ordre du Capitaine José Rivera Alcalde,
Juge Commissairede l'Arpentage des Terres dans le

District de Gracias a Dios et Tencoa. L'arpentage
commença à la confluencedu ravin Sazalapa avec la
rivière Gualcinga et on chemina d'ouesten est "en

suivant ledit torrentde.Sazalapa en amont". Et,
traversant une vallee cultivée, "on commença à

jouxter les terres des indigènes du villagede
Arcatao", de San Salvador, qui étaientprésents à
l'arpentage car ils avaient été préalablement cités. Et, selon le titre de 1741, les indigènes

de Arcatao:

"... ont dit que le ravin en question
constituait la limite et la division des
terres, et en suivant la limite de ces terres
qui sont de la juridictionde San Salvador,
on a continué jusqu'à arriver à la jonction
d'un petit ravin appelé Platanar avec celui
de Sazalapa ..." (soulignépar nous) (Annexe
X.1.2 p. 1832).

Le torrent de Sazalapa estdonc parfaitement identifiée

comme limite des juridictions de San Salvador et de
Comayagua, "en amont". Et de là on se dirigea vers un
"rocher" qui sert de borne et qui est identifiable comme

étant la Poza de la Golondrina, point quicoïncide avecles
éléments obtenuslors de l'arpentagede Colopele en 1779 et
qui constitue la borne de coin de ces terres avec cellesde

Sazalapa et dlArcatao. Par conséquent, on connait les
limites des juridictions en1741, depuis la confluence du
torrent Sazalapaavec la rivière Gualcinga, à l'ouest, à la

borne Poza del Toro, et, en suivant ledittorrent en amont,
jusqu'à la borne Poza de la Golondrina.

iii) Le titre de concepcion de las Cuevas de 1719
(Annexe X.l.l p. 1815) est important à son

extrémité sud, car il indique le torrent de Las
Cuevas en un point très proche de la borne de La
Poza del Toro et fait référence"au site appelé

Santa ~ucia",,avec lequel il est limitrophe; ce
dernier terrainse trouvant dans la juridictionde
San Salvador. Est également pertinent le titre de

San Juan El ~hapolin de 1761 (Annexe X.1.3
p. 1843) concernantla limite des juridictions des
anciennes provinces entre laditeborne de la Poza del Toro et la rivière Pacacio - appelée ici

Iacacio - car l'arpenteur a suivi en aval le
Pacacio jusqu'à sa confluence avec la rivière
Sumpul, point qui fut pris comme borne. Ainsi,

conformément aux deux documents, la ligne
frontière s'établi aux points suivants: de la
borne Poza del Toro, la confluencede la rivière

Sazalapa et de la rivière Gualcinga, jusqu'au
point où celle-ci se joint au torrent La Puerta;

de là jusqu'au mont Picudo etde ce mont jusqu'à
la borne Pacacio.

C. LES POINTS QUI DETERMINENTLES LIMITES DES
ANCIENNES JURIDICTIONS DANS CETTEZONE

20. Dans la section précédenteont été présentés les
documents antérieurs à 1821 qui permettent de déterminer
quelles étaient les limites des juridictionsdans le secteur

de Sazalapaet La Virtud. Il convient maintenant de procéder
à une description de l'ensemble de la ligne frontière à

cette date, en indiquant les points pertinent sCarteB.5.2
p. 328) et, pour chacun d'entre eux, les documents
antérieurs et postérieurs à 1821, dans lesquels ils sont

désignés.Ainsi, la ligne frontière s'établit comme suit, de
la borne Poza del Cajon à la borne Pacacio, dans le sens

général est-ouest:

(1) Poza del Cajon: identifiésur le titre de San Juan

de Lacatao sur les réarpentagesde 1766 et 1786
sur le titre de San sebastian de Pa10 Verde de
1844.

(2) Cerro La Bolsa ou El Cerron: identifié sur le

titre de San Juan de Lacatao.,sur les réarpentages de 1766 et 1786 et sur celui de San Sebastian de

Pa10 Verde de 1844 ainsi que sur celui des
nouveauxejidos de La Virtudde 1838.

(3) Barranco Blanco, La Barranca ou Portillo de la
Laguneta: identifié sur le titre de San Juan de

Lacatao, sur les réarpentagesde 1766 et 1786 et
sur celui de Gualcimaca de 1783 ainsi que sur les
titres des nouveaux ejidos de La Virtud de 1837 et

de San Antonio de las Cuevasde 1840.

(4) El Ocotillo ou Gualsimaca: identifié sur le sitre

de Gualcimacade 1783.

(5) Loma Redonda: identifiésur le titre de Gualcimaca
de 1783.

(6) Guampa: identifié sur le même titre de Gualcimaca
de 1783.

(7) El Sapo: identifiésur le même titrede Gualcimaca
de 1783.

(8) Cerro El Tambor: identifié sur le même titre de
Gualcimacade 1783.

(9) La cariada,El Platanal ou Guanacaste: identifié
sur les titres de San Juan de Lacatao et sur les

arpentagesde 1766 et 1786 ainsi que sur celui de
Colopelede 1779.

(10) Poza de la Golondrina: identifié sur le même titre
de Colopelede 1779. (11) Torrent de Sazalapa: identifie sur le titre de

Sazalapade 1741.

(12) Poza del Toro: identifié sur le titrede Sazalapa
de 1741 et sur celui de Concepcion de las Cuevas
de 1719.

(13) Rivièrede Pacacio: identifié sur le titre de San

Juan de El Chapulinde 1701.

D. L'ACQUIESCEMENTET LA RECONNAISSANCEPAR EL

SALVRDOR DE LA LIGNE PRONTIERE EN CE QUI
CONCERNE LA ZONE DE LA VIRTUD

21. L'examen auquel il a été procédé dans les
paragraphes précédents justifiepleinement la position

soutenuepar laRépublique duHonduras dansce secteur de la
frontière terrestre, carles documents antérieurs à 1821

permettent d'établir clairemenq tuelles étaient les limites
des juridictionsentre les provinces de San Salvadoret de
Comayagua. La République du Honduras se trouve fondée à

invoquer, à titre préalable, face aux prétentions d'El
Salvador formulées en 1972 età des dates ultérieures:

i) Son acquiescement eu égard à ladite ligne
frontière des juridictions, car durant plus de

cent cinquanteans, El Salvadorn'a pas formuléla
moindre réclamationni la moindre protestation
face aux actes de souveraineté sur cette zone,

exercés de la part du Honduras.

ii) Sa reconnaissanceexpresse, en ce qui concerne en
particulier la partie de La Virtud, d'une "ligne de démarcation existanteet sans discussion entre
Nombre de Jesus, à El Salvador, et La Virtud, au
Honduras", c'est-à-dire des limites à l'est du

site appelé Cerro Portillo del Mojon ou del
Gramal, première bornedu titre de Nombre de Jesus

selon l'arpentagede Gualcimacade 1783.

22. Etant donné que le fondement juridiquede cette

allégation est commun à celui qui sera exposé en ce qui
concerne laligne frontièredans le secteur de Goa'scoran, on

renverra à la section correspondante duChapitre XI. Il
suffit d'indiquer ici que l'acquiescement et la
reconnaissance ont été consacrép sar la jurisprudencede LA

Cour Internationalede Justice, en tant qu'expression de
l'assentiment d'unEtat (Affairedu Temple de Preah Vihear,
Cambodge c. Thailande, C.I.J. Recueil, 1962, p. 23; Affaire

des Pêcheries, Royaume-Uni c. Norvège, C.I.J. Recueil 1951,
p. 132; Affaire de la Sentence Arbitrale rendue par le Roi

d1Espaqne, C.I.J. Recueil 1960, P. 213, 214; Affairede la
Délimitation de la Frontière Maritime dans le Golfe du
Maine, Canada c. Etats-Unis,C.I.J. Recueil, 1984, p. 305).

Au surplus son fondement juridique général résidd eans le
principe de la bonne foi (Affaire des Essais Nucléaires,

Australie c. France, C.I.J. Recueil, 1974, p. 26) ou, ainsi
qu'il a été dit dans l'Affaire duMaine, dans lesprincipes
fondamentauxde bonne foiet d'équité. (W. p. 305). COUR INTERNATlONALE DE JUSTICE

AFFAIRERELATIVEAU DIFFERENDFRONTALIERTERRESTRE
INSULAIREET MARITIME
(EL SALVADO-HONDURAS)

MEMOIRE
DU GOUVERNEMENTDE LA

REPUBLIQUEDU HONDURAS

VOLUME II

1JUIN 1988 TABLE DES MATIFXES

(VOLrn 1)

INTRODUCTION

CHAPITRE 1 L'OBJET DU DIFFEREND SOüMIS A LA
CEAMBRE DE LA COUR ........................... 1

Section 1 L'objet du différend selonl'article2
l'article 31 du Traité Général de Paix
du 30 octobre 1980 ........................... 1

Section II Les particularitésdu différend selon
la nature des espaces ........................ 4

CHAPITRE II L'HISTORIQUEDU DIFFEREND .................... 7

Section 1 L'évolutiondu statut territorialdu
Honduras ...................................... 7
La Province du Honduras sous
la Couronne d'Espagne aux XVIe et XVIIe
siècles.......................................7

2.. La période de la conquëte (1524-1552)3)... 9
3. La période de la colonisation
(1552-1700) ............................. 20

La Province du Honduras aux XVIIIeet XIXe
siècles ...................................... 25
1. Les limites de la Province et de
1'Evëchéde Comayagua ................... 25
2. Les limites de 1'Evêché de Comayagua .... 30
3. La création de l'Intendance du Honduras
en 1786 ................................. 31
Section II La Républiquedu Honduras .................... 35

A. L'Indépendance du Honduras ................... 35
La Fédérationde l'AmériqueCentrale
B. 1823-1839 .................................... 39

La période postérieure à la Fédération....... . 42 (ii)

Section111 La naissanceet les tentativesde règlement
du différend ................................. 46
A. Introduction ................................. 46

B. La période antérieure à 1884 ................. 50

C. La période 1885-1969 ......................... 55
D. La période 1969-1980 .......................... 59

SectionIV le TraitéGénéralde Paix du 30 octobre 1980 . 69

A. La Commission mixte des limites
(1980-1985) .................................. 69
.. Le recours à la CourInternationale de
Justiceselon l'article 31 du
TraitéGénéralde Paix de 1980 ............... 75

PLAN DU MEMOIRE .i........................................... 79

PREMIERE
PARTIE LE DIFFERFNDFRONTALIERTERRESTRE ............ 81

TITRE 1 LE DROIT APPLICABLEET LA DATE CRITIQUE ...... 81

CHAPITREIII LE DROIT APPLICABLEAU REGLEMENTDU
DIFPEREND .................................... 81

Section1 L'interprétation du Compromisdu
20 mai 1986 .................................. 81
Section II Le principdee l'uti possidetis .............. 91

A . l'uti possidetisi............................. 91

1. En Amérique Hispanique .................. 91
2. l'uti possidetiss........................ 92 B. possidetis jurisp............................. 97

Section III L'adhésionpar le Honduraset El Salvador
au principede'l'utipossidetis juris:
Les premiers textesconstitutionnels ......!..100
Section IV Le principede l'uti possidetisjuris
dans lestraitéset compromisd'arbitrage .... 106

SectionV principalessentencesarbitralessdans les
concernant l'Amériquehispanique .............123

SectionVI Le principede l'uti possidetisdans
la jurisprudence de la Cou..
Internationale de Justice :.................153

CHAPITREIV LA DATE CRITIQUE .............................155

TITRE II LES LIMITESDE LA FRONTIWE TERRESTRE ........165

CHAPITRE V INTRODUCTION .................................165
Section 1 La frontièreterrestreentre El Salvador
et le Honduras ...............................165

A. L'étendueet les secteursde la
frontière ....................................165
B. Les caractéristiques généralesde la
frontièreterrestre .......................... 167

Section II terrestreet les secteurs sujetsonàière
contestationen ce qui concerneleur
délimitation ................................. 170

A. distinction entre"frontière reconnue"
et "frontièrenon reconnue" .................. 171 B. Les secteursde la frontière "décrits"et
"non décrits" à l'Article 16du Traité
Général de Paix de 1980 ...................... 175
C. La délimitationde 1980 et les secteurs
qui sont sujets à contestation ............... 178

Section III Plan de l'exposé sur le différend frontalier
terrestre .................................... 182
A. Le critère géographique de l'Article 16
du Traité Généralde Paix de 1980 ............ 182

B. du différend terrestreet son extensionire
dans le temps ................................ 184

C, Conclusion:Plan historiquede l'exposé ...... 189

SOUS-TITRE 1 LE NOYAU ORIGINAIREDU DIFFEREND ............. 193

CHAPITREVI LA SOURCE DU RUISSEAU LA ORILLA ET LANTRE
BORNE DE MALPASO DE SIMILATON ................ 193

Section 1 La zone contestéede Naguaterique ............ 193
A. La zone contestée ............................ 193

B. Les aspects géographiques de la zone ......... 195

Section II dans la zone de Naguateriquero................. 197

A. Introduction ................................. 197

B. Le différend concernant la zone de
Naguaterique jusqu'à 1884 .................... 198
C. Le différend concernant la zone
de Colomoncaguajusqu'à 1884 ................. 207

D. dans la zone entre 1884et 1916ièr.............. 209 Le différendsur la ligne frontière
dans la zone entre 1917 et 1985 .............. 113
Section III Le fondementde la position du Honduras
dans la zone de Naguaterique ................. 216

Introduction ................................. 216
Le titre des terres des habitants de
Jocoara de 1776 et la limite de
la rivière Negro ............................. 218

1861 et 1869 de l'ancienne limiteen
de la rivière Negro .......................... 223

Section IV Le fondementde la position du Honduras
dans la zone de Colomoncagua ................. 229
Introduction ................................. 229

Les documents coloniaux pertinents pour
de Colomoncaguaim.............................. 231

Les limites de juridictions des Provinces
de Comayaguaet San Miguel dans la
zone en litige ............................... 240
Les références aux bornes qui démarquent
la ligne frontièredes juridictions dans
les documents des XVIIe et
XVIIIe siècles ............................... 242

CHAPITRE VI1 LE SECTEUF!DE LA E'RONTIERETERRESTRE ENTRE
LA CONFLUENCE DU TOROLA AVEC LE RUISSEAU
DE MANZUPUCAGUA ET LE GUE D'UNIRE ............ 247
Section 1 La zone.contestée de Dolores ................. 247

A. La zone contestée ............................ 247

B. Les aspects géographiquesde la zone ......... 248Section11 dans la zone de Dolorese...................... 250

A. Introduction ................................. 250

B. La période 1880-1884 .........................255
C. La periode 1888-1985 ......................... 267

Section III Le fondement dela positiondu Honduras
dans la zone de Dolores ...................... 275
A. Introduction ................................. 275

B. La partie occidentale de la ligne frontière
dans la zone et le titre deterres
de Santiagode Cacaoterique .................. 277
C. La partie orientale.dela ligne frontière
dans la zoneet les limitesdes terres
de San Miguel de Sapigre ..................... 283
D. L'extrêmitéorientale dela zone de
Doloreset le titre de San Antonio
de Padua ..................................... 289

-1TRE VI11 LE SECTEURDE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE
LE POINT APPELE EL TRIFINIO.SOMMETDU
CERRO MONTECRISTO ET LE SOMMETDU CWRO
EL ZAPOTAL ................................... 293

Section 1 La zone contestéede Tepangüisir ............. 293

A. La zone contestée .............................293

B. Les aspectsgéographiques de la zone ......... 294
Section II Le différendsur la ligne frontière
dans la zonede Tepangüisir .................. 295
\
A. du XVIe siècleau XVIIIe siècles .............. 295

B. ' La période de1881-1900 ...................... 298

C. La périodede 1901-1972 ...................... 303
.D. La période de1972-1985 ...................... 307 (vii)

Page
Section III Le fondement dela position du Honduras:
l'uti possidetis juris de 1821 ............... 310

A. en faveur deescitala en 1776a.................. 310

B. La juridiction deGracias a Dios sur les
terres de la montagne de Tepangüisir ......... 313

SOUS-TITREII L'EXTENSIONDU DIPFEREND ..................... 31.7

CHAPITRE IX LE SECTEUR DE LA FRONTIERETHZRESTREENTRE
LA BORNE DE PACACIO ET LA BORNE DITE POZA
GUALCUQUIN S.............i......T............... 317

section 1 ~a zone contestéede Sazalapa-LaVirtud ...... 317

A. La zone contestée ............................ 317
B. Les aspects géographiquesde la zone ......... 318

Section II Le différendsur la ligne frontière
dans la zone de.Sazalapa-LaVirtud ........... 320
A. Introduction................................. 320

B. La période antérieure à 1972 ................. 321

C. La période de 1972-1985 ...................... 326
Section III Le fondementde la position du Honduras
dans la zone de Sazalapa-La Virtud ........... 328

A. Introduction ................................. 328

B. en évidence leslimites des anciennes mettent
juridictionsdans cette zone ................. 329

C. Les points qui déterminentles limites des
anciennes juridictions danscette zone ....... 335
D. L'acquiescementet la reconnaissancepar
El Salvador dela ligne frontière
en ce qui concerne la zone de La Virtud ...... 337 (viii)

CHAPITRE X LE SECTEUR DE LA FRONTIERETERRESTREENTRE
DU RUISSEAU DUACHIQUITAOU OSCURA AVEC LA
RIVIERE SUMPUL ................................ 339

Section 1 Cayaguancan................................... 339

A. La zone contestée ...... ...................... 339

B. Les aspects géographiques de la zone ......... 340
Section II Le différend sur la ligne frontière
dans la zone ................................. 341

A. La période de 1884-1900 ....................... 341
B. La période de 1900-1985 ...................... 345

Section III Le fondementde la position du Honduras
dans la zone de la montagne de Cayaguanca .... 347
Introduction ................................. 347

Le précédentdu conflit relatifaux terres
de Jupula(1701-1740) entre Citala et
Ocotepeque ................................... 347
L'actuationde 1742 et la concessionde la
montagne de Cayaguanca à la communauté
d'ocotepeque ................................. 351

qui concerneles limites des deux42 en ce
Provincesdans ce secteur .................... 353

SOUS-TITREIII GOASCORANEN.................................... 357

CHAPITRE XI LE SECTEUR DE LA FRONTIERETERRESTRE ENTRE
LOS AMATES ET LA BAIE DE FONSECA ............. 357Section 1 La zone contestée du Goascoran ............... 357
A. La zone contestée ............................ 357

B. Les aspects géographiques dela zone ......... 359

Section II dans le secteur dua Goascorann................. 362

Le caractèrenon contesté de la zone
avant.1972 ................................... 362
La reconnaissancepar El Salvador de
la frontièredu Goascoran .................... 369

La contestationpar El Salvador à partir
de 1972 de la souveraineté hondurienne ....... 372
Section III La référence à l'embouchureet au cours
du fleuve Goascoran .......................... 375

La thèse salvadoriennesur "l'ancienne
Goascoran""e................................... 375

Le sens ordinaire desréférences à
la rivière ~oascoranaux XVIIIe et
XIXe siècles ................................. 378
Section IV Le fondementde la position du Honduras
dans le secteur de Goascoran ................. 385

Introduction ................................. 385
Le comportementd'El Salvador entre1821 et
1972 en ce qui concerne la ligne frontière
du Goascoran: l'acquiescementet la
reconnaissance ............................... 386
L'uti possidetis juris de 1821 et la
frontière du Goascoran ....................... 390

La rivière ~oascorkn comme limitedes
juridictionsen 1821 ......................... 395 Paqe

LISTE DES CARTES ILLUSTRATIVES ...........i.................. 399
LISTE DES ANNEXES DOCUMENTAIRES ............................. 403

LISTE DES ANNEXES CARTOGRAPHIQUES .......................... . 465

(VOLUMEII)
DEUX1EME
PARTIE LE DIFFWEND INSULAIRE ....................... 469

TITRE 1 L'OBJET, L'ORIGINEET L'EITOLUTION DU
DIFFWEND .................................... 469
L

CHAPITRE XII INTRODUCTION ................................. 469
Section 1 La description géographique des îles ....,.... 469

Section II La découverteet l'histoiredes îles ......... 476

Section III La toponymie ................................. 480

CHAPITRE XII1 L'OBJET DU DIFFERFND: LA DETERMINATION
DE LA SOWERAINETE SUR LES ILES DE
MEANGUERA ET MEANGUWITA ..................... 483

CHAPITRE XIV L'ORIGINEET L'EVOLUTIONDU DIFFEREND ........ 493

Section 1 d'El Salvadorsur l'île de Meanguera en 1854 . 493

A. La rivalité anglo-américainepour occuper
les iles du Golfe de Fonseca rend précaire
la souverainetédu Honduras .................. 493
B. La "vente" des iles par le Honduras,
détenteur souverain de celles-ci ............. 500

C. Les revendications d'El Salvador et
leurs suites ................................. 502
Section II La tentativede solutiondu différend
par le projet de délimitationde 1884 ........ 508 Page
A. La ligne de frontièremaritime dela
convention Cruz-Letona ....................... 508

B. Le rejet par le Congrés National
du Honduras .................................. 510
C. Le retour au statu quo ante qui est,
en ce qui concerne le différend
insulaire,celui de 1854 ..................... 512

Section III La position actuelle du Honduras ............. 515
A. La nouvelle confirmationdu différend
sur Meanguera dans la correspondance
diplomatiqueet les négociationsde la
Commissionmixte des limites en 1985 ......... 515

B. Cour de Justice centre-américainea,
en 1917, décidé l'attribution desîles ....... 518

TITRE II DU HONDURASTJ.................................. 521

CHAPITRE XV LE DROIT APPLICABLE .......................... 521

Section 1 Introduction ................................. 521
Section II La juridictioncivile et ecclésiastique
de la Couronne d'Espagne sur les .îles
du Golfe de Fonseca de 1522 à 1821 ........... 522

CHAPITRE XVI L---DOCUMENTS ETABLIS PAR LA COURONNE
D'ESPAGNE ET AUTRES AUTûRITES ESPAGNOLES
ATTRIBUENTAU HONDORAS LES ILES FAISANT
L'OBJET DU DIFFEREM) ......................... 527

Section 1 LDavila ne doivent pas être .occupénpsars
le Nicaraguaou El Salvador ..........:....... 527Section II Le détachement dela juridictiondu
Gîles dépendantes,et leur adjonction dàs
la ~lcaldia Mayor del Real de Minas de
Tegucigalpa,Honduras ........................ 531

Section III Le rattachement à I'Evêchéde Comayagua,
Honduras, de la Cure de Cholutecaet de la
~îles sur le plan spiritueld................... 535

Section.IV Lesactes de juridictions surles îles
Meanguera et Meangueritade la part des
autorités espagnolesdu Honduras ............. 542
Section V Les limites del'Intendancedu Honduras,
qui englobent celles de1'Evêché de Comayagua,
n''ont pas varié de 1791 à 1821 ............... 550

Section VI La Province de San Salvador en 1821 et
son Evêché établi en 1842 ne comprennent
pas les îles en litige ....................... 559

CHAPITRE XVII LA POSITION CONSTANTE DU HONDURAS FACE
AUX PRETENTIONS DE SOüVEFlAINETED'El SALVADOR
SUR LES ILES EN LITIGE ....................... 563
Section I La non-pertinence dela réclamation
de 1854 ...................................... 564

A. La possession immémoriale invoquée est
démentie par les documents coloniaux ......... 564

B. La prétendue convention territoriale
aucun effet opératoire ....................... 568

C. La non pertinence de l'argument
salvadorien dela contigüité ................. 571

Section II La suprêmatie de l'uti possidetis juris
de 1821 ...................................... 572 (xiii)

Page
A. Les limitesentre El Salvador et le
, Honduras sont définies dans leurs ,
premières constitutions....... ................ 572

B. de l'historienet,fonctionnaire honduriene
Antonio R. Vallejo de 1899 ................... 574

C. La protestationdu Gouvernementdu Honduras
a l'intentiondu Gouvernementd'El Salvador
par note diplomatiquedu 30 septembre 1916 ... 579
Section III La continuitéde l'argumentationantérieure
dans l'Œuvre d'auteurs honduriens ............ 583

A. Vallejo, 1926 ................................ 584

D. Rivas, 1934 .................................. 586

.E. Auteurs modernes, 1950-1980 .................. 587
Section IV La position actuelledu Honduras surla
base du Traité Général de Paixde 1980 ....... 588

A. La proposition hondurienne d'attribution
délimitation maritime dans legnGolfe
de Fonseca (Commissionmixte des
limites, juin et décembre 1985) ...............589

B. La propositionconciliatoirehondurienne
de doter les îles en litige
maritime spécifique (Commission emixte
des limites,octobre 1985) ................... 590 (xiv)

TROISIEME
PARTIE LE DIFFWEND RELATIF Am[ ESPACES MARITIMES ... 593

CHAPITRE XVIII LA SENTENCE DE 1917 ET LA NOTION DE
COMMüNAUTE D'INTERETS ........................ 599

Section 1 La démarche incorrectede la
sentence de 1917 ............................. 599
A. C'est à tort que la Cour de Justice
centre-américainefonde le condominiumsur
la succession dlEtats, résultantdu fait
que les trois Etats riverainsavaient,
avant leur accession à l'indépendance,fait
partie de la République Fédérale
centre-américaine ............................ 605
B. C'est à tort égalementque la Cour de Justice
centre-américainetire l'existenced'un
condominium de 1a.non-délimitation
des eaux du golfe ............................ 612
C. Au demeurant, l'examende la pratique
internationaledémontre que le recours
à la solution du condominiumreste
exceptionnelle ............................... 615

D. La nature maritime du Golfe de Fonseca
d'un condominiumop............................. 620

Section II La notion de communautéd'intérêts ........... 624

A. L'émergencede la notion ..................... 625
B. Le développement dela notion ................ 628

Section III L'inopposabilitéau Honduras de la sentence
de la Cour de Justice centre-américaine
de 1917 ...................................... 632

A. Cour de Justice centre-américaine ............ 633 Page

B. La nature de "l'appuimoral" que les
Etats devaient donner aux décisions
de la Cour ................................... 634

C. La nature de la réserve hondurienne
du 30 septembre 1916 et la signification
de sa mentiondans la sentence ............... 636

CHAPITRE XIX LA TRADUCTION DE LA COMMUNAUTE D'INTERETS
A L'INTWIEOR DU GOLFE DE FONSECA ............ 639

Section 1 du golfet..................................... 639

A. La spécificitédu statut juridique
des eaux du golfe ............................ 640

1. Le Golfe de Fonsecaest une
baie historique .......................... 640
a) 'Le constateffectuépar la Cour
de Justice centre-américaine
quant à la qualificationdu golfe
en tantque baie historique ........ 640

b) de la qualificationde baie
historiquedu Golfe de Fonseca ..... 64'4

2. Le Golfe de Fonsecaest une baie
historiqueparticulière ................. 646

a) ,Une baie historiquebordée
par trois Etats .................... 647
b) La portée de la situation
particulièredu Golfe de Fonseca
sur le statut juridique
de ses eaux ........................ 652

B. l'absencede condominiumver..................... 664

1. L'attitudedu Nicaragua ................. 665 (xvi)

Page

a) Les dispositionsconstitutionnelles
successives ........................ 666

b) L'accord de délimitationde 1900 ... 666
c) L'attitudedu Nicaragua à l'égard
de la requête salvadorienne
devant la Courde Justice
centre-américaine .................. 668

2. Honduras et d'El Salvadoru ............... 669

a) La définitionde l'assise
territorialede 1'Etat ............. 670

b) sous juridiction nationalema......... 671

c) La pratique des deux Etats,
notamment enmatière de lutte
contre la contrebandeet de
régulationdes pêches .............. 676
d) Les négociations bilatérales
relatives à la délimitationdes
espaces maritimes à l'intérieur
du golfe ........................... 683

Section II a l'intérieurdu golfepac....................... 687

A. La nécessité de la délimitation .............. 687

1. La première raisonde la nécessité
de la délimitationtient à l'existence
les trois Etatsé......................... 687

2. La Cour a été saisie pour mettre un
terme définitif au différend ............ 689

B. la délimitation .............................. 690 (xvii)

1. L'originalitéde l'opérationde
délimitation à l'intérieurdu golfe ..... 691

2. Les circonstancespertinentes à
prendre en considérationpour aboutir
à une délimitationéquitable ............ 697
a) La présence dansla baie d'un Etat
participant certes à la communauté
d'intérêts unissant lesdeux
riverainsdu golfe maisqui est
néanmoins tiers à la présente
instance, le Nicaragua ............. 697
b) La configurationgénérale des côtes
des deux Etats ..................... 699

c) La présence d'îles et îlotsdont la
souverainetéest répartieentre les
deux Etats ......................... 700
d) La pratique desEtats Parties au
différend .......................... 702

Section III La délimitation proposée ..................... 703

A. Le choix de la méthode ....................... 703
B. La ligne proposée ............................ 704

CFiAPITREXX LA COMMUNAUTE D'INTERETSAE'PLIQUEE AUX
ZONES WARITIMES AU-DELA DU GOLFE ............. 709

Section 1 qu'Etat côtier, aux,eaux de la haute mer '
et par conséquent à ses propres eaux
territorialeset zone économique exclusive
au-delà de la ligne de fermeturedu golfe .... 711

Section II Ledroit du Honduras, en tant qu'Etat côtier,
de la ligne de fermeturede l'embouchuret
du golfe ..................................... 715 (xviii)

Section III La ligne de délimitation entreEl Salvador
un résultat équitable dansla détermination
de leurs zones maritimes respectives
au-delà du golfe ............................. 717

A. , Le droit applicable .......................... 717

B. Les facteurs pertinents .........Y............ 719
1. La configuration géographique du
golfe lui-méme et ses relationsavec
les côtes des Partiesen général ........ 719

2. Les longueurs relatives descôtes
d'El Salvador et du Honduras
respectivement .......................... 720
3. La pertinence des côtes dans le golfe
à une délimitation dezones maritimes
au-delà du golfe ........................ 723

4. - La pertinence du ratio des longueurs
de côtes (le facteur de .
proportionalité) ........................ 729
5. La sécurité et les intérêts y relatifs
du Honduras ............................. 732

6. Les délimitations avecdes Etats tiers,
actuelles ou éventuelles ................ 734

C. La méthode de délimitation ................... 736
1. Le point sur la ligne de fermeture
qui marque la division entreles zones
maritimes d'El Salvadoret du Honduras .. 737

2. A quel angle faut-il effectuerla
projection en mer, à supposer qu'un
nécessaire pour des raisons d'équité? ... 738

Section IV L'équité du résultat ......................... 739 (xix)

Paqe
CONCLUSIONS .............................................. 741

A. terrestre c.................................... 741

B. En ce qui concerne le différend insulaire .... 746
C. En ce qui concerne le différend maritime ..... 746

LISTE DES CARTES ILLUSTRATIVES .............................. 749
. .
LISTE DES ANNEXES DOCUMENTAIRES ............................. 753
Annexe 1 .................................................... 753'

Annexe II ................................................... 754

Annexe III .................................................. 758
Annexe IV ................................................... 781

Annexe V ..................................................... 793
Annexe VI ................................................... 795

Annexe VI1 ................................................. 796
Annexe VI11 .................................................. 798

Annexe IX ................................................... 799
Annexe X .................................................. 799

Annexe XI ................................................... 801
Annexe XII .................................................. 801

Annexe XII1 ................................................. 803
. Annexe XIV .................................................. 813

Annexe XV ................................................... 814

LISTE DES ANNEXES CARTOGRAPHIQUES ........................... 815 CONTRE-MEMOIRE DU GOUVERNEMENT

DE LA
REPUBLIQUE DU HONDURAS

(VOLUME II)

CHAPITRE X

LE SECTEUR DE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE LA CONFLUENCE DU
TOROLA AVEC LE RUISSEAU DE MANSUPUCAGUA ET LE PASO D'UNIRE

(DOLORES)

Section 1. Introduction

1. te premier désaccord des Parties porte sur la
dénomination de ce secteur. Pour El Salvador, il s'agit du

secteur de "Monteca ou ~oloros"~ et, comme dans d'autres
zones en litige, il associe artificiellement le nom d'un

village salvadorien, Poloros ou San Juan de Poloros à
l'époque coloniale, à celui d'un terrain, Monteca.

Dans le mémoire du Honduras, en revanche, le secteur a

été dénommé conformémentaux termes employés à l'article 16
du Traité Général de Paix de 1980 lorsqu'il détermine le

point terminal du sixième secteur ("le point où la rivière
Torola reçoit sur sa rive Nord le ruisseau de Manzupucagua")

et le point initial du septième secteur ("paso ou gué
d'Unire, sur la rivière Unire"). A titre complémentaire, et

a des fins purement descriptives, le Gouvernement du
Honduras s'est référé au secteur de "~olores"~.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.50-6.58, 6.73;

trad. fr,, p. 42-44, 50.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VIIr P.
247-291. 2. La dénomination donnée par El Salvador à ce

secteur n'est pas indifférente. On peut observer que, depuis
les négociations de 1880, El Salvador estime que, sur le

titre des terrains de Poloros de 1760 "...sont inclus les
terrains appelés Monteca etEstancia de ~olores"~. Dans les

négociations de 1888, il est stipulé que "le terrain appelé
Monteca comprend la presque totalité de la zone en litige

entre Poloros et opatoro2..." Il faut cependant tenir compte
du fait que:

a) le titre de Poloros de 1760 ne comporte aucune

référence à "Monteca" ou à "des terrains de Monteca"
et, de même, ce terrain n'est pas identifié'aux

"ejidos" de Poloros. Par contre, ce document stipule
que les habitants du village dlOpatoro, de la
juridiction de Comayagua avaient une hacienda dans la

vallée de ~ansu~ucagua~. Il est possible de préciser
qu'aux XVIII~ et xIX~ siècles, les habitantsdlOpatoro

avaient, dans ladite hacienda, "...un troupeau de gros
bétail. .. appartenant à une confrérie de la Vierge de

Dolores": c'est pourquoi, elle fut appelée, avec le
temps, estancia ou haciendade ~olores~.D'autre part,

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, ~nnexe?

111.1.25, p. 103.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1 Annexe
111.2.8, p. 248.

Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.4, p. 1582-1593.

4 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.15, p. 278. cela est corroborépar un document de 1856 dans lequel
les habitants de Cacaoterique se plaignent de leurs

voisins d'opatoro et où il est dit que l'hacienda de
ceux-ci se trouve "...à la source du ~orola"~. Enfin,

dans les négociations sur les frontières de 1880 et
1888, on signale, comme un fait incontesté, la présence

des habitants d'opatoro dans la zone du Torola au cours
du XIX~ çiècie2.

b) Mais ~onteca prend naissance, de façon irrégulière, en

1842, comme propriété immeuble,puisque l'on a considéré
comme terres nationales salvadoriennes les terres de

l'ancien terrain hondurien de San Mique1 de Sapiqre
dont l'existence est incontestable. En effet - on en a

déjà parlé dans le mémoire du Honduras - deux bornes
limitrophes dudit terrain de Sapigre, vers le Sud, sont

mentionnées sur le titre colonial de Jdsus de
Cojiniquil (en 1734), à savoir les bornes de El Bolillo

et El coyolarl. Une autre borne de Sapigre, située au
Nord, à savoir celle appelée Brinca Tigre, est

mentionnée sur le titre de remise en état des bornes de
Santa Ana Cacaoterique de 1803~.

Et, sur la limite Sud de San Miguel de Sapigre,

apparaît ce que l'arpenteur du terrain, ~ésus de
Cojiniquil décrivit comme actepréalable à l'arpentage
dudit terrain, qui stipule textuellement:

1 Mémoire du Honduras, Vol. IV, Annexe VIII.1.2, p.1552-53

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,
p. 285-287. "Le Capitaine Rodrigo de Vargas ... (texte
incomplet)... Sous-délégué pour les ventes et
achats des terres dans cettejuridiction ... (texte
incomplet)... les Minas de Tegucigalpa, devant
aller faire ces arpentages en vue de la
reconnaissance du site, je suis parti, accompagné
des personnes qui ont été convoquéespar ces
ordonnances et avec les indiens du village de
Sapigre, auxquels je leur ai demandé quelles
étaient les liimites de cette juridiction, et de
celle de San Miguel, et ils m'ont répondu que,
partant du lieu où se trouve une caverne, on
traverse le torrent ou la rivière de Guajiniquil.
On va après vers des,hauts côteaux qui sont les
limites d'un site nommé Gueripe. Ils m'ont dit que
les vieillards de leur village ont toujours
signalés ces lieux comme étantla limite de cette
juridiction, jusqu'àune colline qu'on appelledu
Coyolar. De là, on va tout droit jusqu'à passer
près de leur village. C'est tout ce qu'ils savent.
Les autres ont confirmé, pareillement,que ces
lieux sont les limites de cette juridiction. Etant
laisser aucuneindispute pendante ni produire des
ennuis aux propriétaires des sites signalés, et
même ne violer aucune juridiction, j'ai procédé
uniquement à réunir cette information,notamment à
partir des témoignages des habitants, lesquels ont
signé avec moi, ceux qui étaient en mesure de le
faire, ainsi que le juge et les témoins, en
l'absence de notaire1."

L'indication selon laquelle depuis le Covolar elle va

tout droit en passant près de leur villaqe, exprime
clairement qu'il s'agit d'une ligne droite projetée
comme telle - c'est-à-dire comme droite- depuis le

Coyolar jusqu'à la borne d'El Carrizal de Santa Ana
Cacaoterique, titre également limitrophe deSapigre.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.2, p. 1552. Il ressort de ces données sûres, extraites des titres

coloniaux, que le réarpentage du titre de Poloros en
1760 a été pratiqué sur le territoire de la Province du

Honduras, pour ce qui est de la zone en litigeet,
précisément, celle qui correspondait au terrain du

village de San Miguel de Sapigre. Il est donc évident
que le réarpentage de Poloros en 1760 contrevint aux

dispositions expressesdu droit colonial espagnol et,en
particulier, à l'instruction du 11 mars 1744 du Juge

Privatif Diego Holgado de ~uzman, que rédigea, par
délégation de ce dernier, l'expertManuel de Castilla y

Portugal et qui fut approuvée à nouveau, deux ans plus
tard, par ledit Holgado de Guzman, précisément le

2 mars 1746~.

C) Par ailleurs, dès la période républicaine, le terrain
de Monteca, déclaré territoire national par El

Salvador, s'est superposé également à une autre partie
des terrains dudit village hondurien de San Miguel de

Sapigre.

En effet, José Villatoro, acquéreur du terrain de
Monteca le 20 novembre 1842, s'est présenté devant le

Gouvernement Suprême d'ElSalvador en sollicitantque
lui soit établi le titre du terrainde Monteca qui,

1 Contre-mémoire duHonduras, Annexe 11.17, p. 112. selon ses propres indications, avaitété adjugé en sa
faveur pour la somme de six cents pesos et il déclarait

dans sa lettre que toutes les formalités légales
avaient été accomplies. Il dit textuellement:

"...Toutes l'opération s'est effectuéeen présence
des voisins limitrophes et principalement de la
municipalité de Poloros dont les membres vinrent en
personne indiquer les limites et anciennes bornes
délimitant la zone du terrain de on te .cal..

Ainsi que l'a montré le mémoire du Honduras, les
limites de Monteca n'étaient pasclairement définiesau

moment de la vente2. La possession du terrain fut
néanmoins accordée à l'acquéreur. Cette absence de
définition des limitesest une raison essentielle pour

se demander quelles étaient ces "anciennes bornes"
qu'ont mentionnées, aux dires de l'acquéreur Villatoro

lui-même, les habitants dePoloros.

En ce qui concerne la situation du terrain de Monteca,
El Salvador a prétendu, depuis 1888, que celui-ci se
trouvait aussi bien au Sud qu'au Nord de la rivière

Torola. Ainsi, Santiago 1. Barberena fait allusion en
1888 au "...plateau de Monteca", expression

géographique qui, selon lui, "...s'étend le long du
terrain en litige avec le Honduras.. . et au Sud de la

~orola"3.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe VII.2, p. 229.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII, p. 251-252
et Annexes, vol. IV, Annexe VIII.1.6.A, p. 1621.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.Z.lO.B, p. 263. Mais il est difficile, d'une part, d'admettre, en
termes purement géographiques, l'existence d'un

"plateau" au Nord de la Torola s'étendant jusqu'aux
hauteurs de Guanacastillo. D'autre part, si l'on examine

la carte 6.V présentée par El Salvador, c'est au Sud de
la Torola qu'il existe troisréférence à Monteca: l'une
comme lieu, l'autre comme hauteur et enfin comme

"plaines de Monteca". C'est précisément cette partie
située au Sud et en terrain plat qui est la plus fertile

et la plus propice à l'agriculture.

Quant aux "anciennes bornes" du terrain de Monteca
mentionnées, selon M. Villatoro, par les habitants de

Poloros, on trouve la réponse, quelques années plus
tard, lorsqu'il fut procédé, en 1889, au partage du

terrain de Monteca par les héritiers de M. Villatoro et
que ledit terrain fut arpenté. Ses limites sont en

effet indiquées comme suit: "...jouxtant a l'Est et au
Nord la République du Honduras. L'on peut préciser les
bornes1.

Mais si on projette l'arpentage du terrain de Monteca

sur une carte, il -en ressort que le terrain de Monteca
s'étend, au Sud de la Torola, sur deux ou trois

kilomètres depuis ladite rivière, c'est-à-dire dansle

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.6.D, p. 1624. meme périmètre que celui qu'occupaient les anciennes

terres du village de San Miguel de Sapigre, de la
juridiction de Comayagua, village qui s'est éteint

entre 1734 et 1803~.

Il y a donc lieu de penser que les "anciennes bornes"
auxquelles il est fait allusionen 1842 sont celles qui

séparaient les terres de Sapigrede celles de Poloros,
selon leur arpentage de 1725. En ce qui concerne ces

"anciennes bornes" il convient de mettre l'accent sur
celles qui marquaient la limite Sud de Monteca, qui

constituaient égalementla limite Sud de Sapigre et qui
sont les mêmes que celles qui marquent la limite Nord

de Poloros. Selon le partage de Monteca, effectué en
1889 par l'arpenteur José Antonio Loucel, ces bornes

sont, d'Ouest en Est, les suivantes: borned'El Zapote,
borne El Talquezal ou Mal Paso, Cerro de Marias, borne

La Puerta, borne El Potrero del Ocote et borne du col
La ~uacama~a~.

3. De même que pour d'autres secteurs en litige,

l'argumentation d'El Salvador aux chapitres 6.50 à 6.58 de
son mémoire mêle les référencesau titre de Poloros de 1760

à d'autres relatives à "l'exercicede la juridictionet de

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII, p. 283-289
et section IV du même document.

2 Mémoire du Honduras, croquis cartographiquesur
Monteca et contre-mémoire du Honduras, Annexe VII.3, p. 231
relative à l'acte de partage du terrain de Monteca.la souveraineté par El Salvador dans le secteur"; ce qui

suppose en vérité un dualisme dans lequel on compare le
principe de l'uti possidetis juris au recours aux

effectivités.

Mais, dans ce secteur en litige, l'accent est mis sur
un troisième élément, très significatif:les négociationsde

1884 sur les frontières, entre MM. Cruz et Letona, et la
Convention non ratifiée du 10 avril de la même annéel. Les

négociations se terminèrent sur le plaidoyer en faveurde la
procédure de M. Cruz, délégué du Honduras dans ces

négociations2. Mais l'on observera que, en ce qui concerne
ce secteur, la ligne divisoire est tracée en 1884 eu égard

"...aux souhaits des deux gouvernements"car en vérité le
délégué du Honduras accepta - pour des raisons politiques ou

de convenance - les prétentions salvadoriennes sur toute
l'étendue de la ligne3. Il suffit pour le vérifier de voir

que Francisco Cruz déclarait en 1881: "...l'exercice
immémorial des villages limitrophes du Honduras jusqu'au

mont de ~uacama~a~." Pour Francisco Cruz, le titre de
Poloros de 1760 était, en 1881, ''...trèsconfus, il se

réfère à un arpentage quasimentad libitum5."

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexes

111.1.50 et 111.1.54, p. 168 et 179.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.56; trad. fr.,
p. 43.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.50, p. 170.

4 ' Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.26, p. 108.

5 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

III.1.38.A, p. 141. 4. Mais les Parties sont en désaccord sur d'autres
points. Ainsi, en premier lieu, sur le tracé de la ligne

divisoire (sectionII), et en second lieu, sur le fondement
de leurs positions en ce qui concerne la délimitation

(section III). Après avoir mentionné ces divergences, les
limites dans ce secteur s'établiront en application du

principe de l'uti possidetis juris (section IV).

section II. La localisationdu différend dans ce secteur

5. Dans ce secteur, les Parties sont d'accord sur la
localisation de ses points-limites, à l'Est et à

l'ouest (A). Cependant, il y a un profond désaccord surle
tracé de la ligne divisoire entre El Salvador et le

Honduras, entre lesditspoints (B).

A. L'ACCORD DES PARTIES SUR LA LOCALISATION DES
POINTS LIMITES DU SECTEUR

6. Aux termes de l'article 16 du Traité Général de

Paix de 1980, le point extrême à l'Ouest de ce secteur en
litige est "le point ou elle (la rivière Torola) reçoit sur

sa rive Nord le ruisseau de Manzupucagua". C'est lepoint
terminal du sixième secteur de la frontière définie ou

reconnue. A l'Est, le point extrême est le "paso ou gué
d'unire, sur la rivière Unire", point initial du septième

secteur décrit dans ladite disposition. Il est donc clair
qu'il y a parfait accord entre les Parties sur

l'identification deces points1.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73; trad. fr.,
p.50 et mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,
p. 744-745. 7. En second lieu, il y a également accord entre les

parties sur la localisation des points susmentionnés. En ce
qui concerne la confluence du Torola avec le torrent de

Manzupucaqua, à l'Ouest, les coordonnées géographiques sont
les suivantes:

- selon El salvadorl : 13O 53' 59" latitude Nord

87O 54' 30" longitude Ouest

- selon le ond duras^ : 13" 54' 00" latitude Nord

87O 54' 30''longitude Ouest

Pour le point extrême à l'Est, le gué d'unire, les
coordonnées géographiquessont les suivantes:

- selon El salvador3 : 13O 52' 10" latitude Nord

87O 46' 02" longitude Ouest

- selon le ond duras^ : 13O 52' 07" latitudeNord
87' 46' 00" longitudeOuest

Les divergences que l'on peut observer entre les

coordonnées géographiquesde chacune des Parties n'excèdent
pas 3". On peut donc considérer qu'elles sont d'ordre

purement technique, contrairementaux coordonnées indiquées

au chapitre précédent et concernant l'un des points du
secteur correspondant.

1&3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73: trad. fr.,

p. 50.

2&4 Mémoire du Honduras, vol. II, CO~C~US~O~S,
p. 744-745. B. LES DIVERGENCES ENTRE LES PARTIES SUR LE TRACE

DE LA LIGNE DIVISOIRE

1. Le tracé de la liqne divisoire selon El Salvador

8. De même que pour d'autres secteurs en litige de la
frontière terrestre,El Salvador présente deux tracés de la

ligne divisoire pour le secteur compris entre la confluence
du Torola avec le ruisseau Manzupucaguaet le gué d'Unire

(Voir carte 6.1 en regard). En effet:

a) une première ligne, décrite d'Est en Ouest, se réfère
aux limites du terrain de Poloros selon le titre de

1760~. Mais ce tracé est plus court que celui indiqué
ensuite dans un paragraphe ultérieur2, cette dernière

description semblant se fonder sur les négociations de
1884 et sur le titre de 1760 lui-même. A la fin du

chapitre 6.55 du mémoire, il y a un renvoi à l'annexe
cartographique 6.V et à la carte 6.5 reproduite dans le

mémoire. Selon l'énoncé de ces cartes, il s'agit de
ll"interpretationof the common land title of Poloros,

which protects the zone of Monteca", selon ElSalvador.

b) une seconde ligne, également décrite d'Est en Ouest,
figure au chapitre 6.73 du mémoire d'El Salvador.

Celle-ci, dans les références à de nombreux points, ne
coïncide ni avec celle du chapitre 6.52 ni avec celle

du chapitre 6.55 fournissant diversesprécisions sur

1 Mémoire d'El Salvador. chap. 6.52; trad. fr.,
p. 42.

2. Mémoire d'El Salvador, chap. 6.55; trad. fr.,
p. 43. ces tracés. En particulier, elle s'écarte manifestement
du premier tracé à partir du "Cerro Lopez": selon celle
décrite au chapitre 6.55, la ligne va, à partir de

cette colline "...en direction du Sud-Ouest en ligne
droite jusqu'à la jonction du torrent de Manzupucagua

avec le Torola..." Par contre, selon le tracé du
chapitre 6.73, depuis le Cerro Lopez "...elle se

poursuit en ligne droite dans la direction Sud 40° 30'
Ouest sur 2550 mètres jusqu'à la borne de Moj6n Alto de

la Loza..." et depuis ce point "...à la source du
ruisseau Manzupucaqua", en ligne droite, pour suivre

"...le cours du ruisseau Manzucupaguaou Manzupucagua
vers l'aval jusqu'à sa confluence avec le tracé du

chapitre 6.73 par rapport aux précédents. On note ces
divergences en comparant la carte 6.V et la 6.11 à
celle à laquelle renvoie le chapitre 6.73, comme ceci

est indiqué sur la carte 6.2 à la page suivante.

9. Si l'on considère le second tracé1, il s'établit
comme suit, selon une orientation générale d'Est en Ouest:

"Depuis le lieu-dit Paso de Unire situé sur
l'unire, Guajiniquil ou Pescado à 13O 52' 10' de
latitude nord et 87' 46' 02" de longitude ouest,
la frontière suit la cours de l'unire, Guajiniquil
ou Pescado vers l'amont sur 8800 mètres jusqu'à sa
source situé à 13" 55' 16" de latitude nord et
87O 47" 58" de longitude ouest. De cette source,
elle se poursuit en ligne droite dnas la direction
nord 56" 23' 13" ouest sur 4179 mètres jusqu'au
Cerro Ribita situé à 13' 56' 32" de latitude nord

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73: trad. fr.,
p. 50. et 87O49'54" de longitude ouest. De cette
colline elle se poursuit en ligne droitedans la
direction sud 87O 02' 24" ouest sur 6241 mètres
jusqu'au Cerro Lopez à 13" 56' 23" de latitude
nord et 87O 53' 21" de longitude ouest. De là elle
se poursuit' en ligne droite dans la direction sud
40° 30' ouest sur 2550 mètres jusqu'à la borne de
Moj6n Alto de la Loza situé à 13O 55' 18" de
latitude nord et 87' 54' 17" de longitude ouest.
De cette borne, elle se poursuit en ligne droite
dans la direction sud 10° ouest sur 500 mètres
jusqu'à la source du ruisseau Manzucupaga ou
Manzupucagua située à 13O 55' 03" de latitude nord
et 87O 54' 10" de longitude ouest. De là, elle
suit le cours du ruisseau Manzucupagua ou
Manzupucagua vers l'aval jusqu'à son confluent
avec le Torola, situé à 13O 53' 59" de latitude.
nord et 87O 54' 30" de longitude ouest1."

10. Selon l'explication donnée aux chapitres 6.69 à
6.73 de son mémoire, El Salvador a tracé "techniquement"la

ligne des "ejidos" au moyen de "l'interprétation de ces
titre communaux", en l'occurence sur la base du titre de

Poloros de 1760 qui, d'après la carte salvadorienne6.V et
6.5, "protège" ce secteur.

Mais, cette affirmationest immédiatement démentie car

le tracé du chapitre 6.73 représenté sur la carte 6.11 à
laquelle il renvoie, ne correspond pas au titre de 1760

selon les cartes 6.V et 6.5. Une fois de plus, on se trouve
en face de deux tracés salvadoriens,ce qui fera l'objet

d'un examen à la section III car cela est lié à son
fondement juridique concernant la délimitation.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73; trad. Er.,
p. 50.DEPARTAMENTODE LA PAZ 1:50,000 PI>,MEEDc6N.TN L. Hm4As657MW.ES
@ MERCEDES DE ORIENTE 11. En second lieu, le tracé du chapitre 6.73 est

distinct des autres tracés proposés par El Salvador entre
1880 et 1985, ainsi qu'il le sera montré à la section IV du

présent chapitre, ce qui révèle un comportement erratiquede
la part d'El Salvador, qui présente des "interprétations"

successives du titre de 1760.

Enfin, parmi les différents tracés salvadoriens
proposés depuis 1880, celuidu chapitre 6.73 peut sans aucun

doute être considéré comme celui qui représente les
prétentions territoriales maximales dela part de ce pays.

C'est ce qui ressort:

- de la localisation du mont appelé "cerrode Lopez" et

du mont de Ribita.

- du fait que la ligne est étendue à un cours d'eau qu''1

considère commeétant la rivière Unire.

- de l'introduction d'un point jamais mentionné depuis

1880 et non indiqué dans le titre de Poloros de 1760:
la borne Alto de la Loza.

2. Le tracé de la liqne divisoire selonle Honduras

12. Le tracé hondurien a été indiqué lorsque le

Honduras a exposé les fondements desa position juridique
dans ce secteur1 et, avec davantage de détails, dans les

Conclusions soumises à la Chambre de la ~our2. Ce tracé est
le suivant, dans le sensOuest-Est:

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII, p. 275

2 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions A.5,
p. 744-745. "De la confluence du torrent Manzupucagua avec la
rivière Torola (13O 54' 00" de latitude Nord et
87O 54' 30" de longitude Ouest), et en suivant la
rivière Torola en amont par le milieu de son lit
jusqu'à sa source connue sous le nom de torrent de
La Guacamaya (13O 53' 30" de latitude Nord et
87O 48' 22" de longitude Ouest); de ce point,en
ligne droite, jusqu'au col de la Guacamaya
(13O 53' 20" de latitude Nord et 87O 48' 19" de
longitude Ouest); de ce lieu, en ligne droite, ,,
jusqu'à un point situé sur la rivière Unire
(13O 52' 37" de latitude Nord et 87O 47' 04" de
longitude Ouest), à proximité du lieu connu sous
le nom de El Coyolar, et de là, en suivant la
rivière Unire en aval, jusqu'au gué de Unire ou
Limon (13O 52' 07''de latitude Nord et 87' 46' 00"
de longitude Ouest),sur ladite rivière.

13. La ligne allant du Torola au col de la Guacamaya

et, de là, au gué d'Unire, est celle qu'a constamment
revendiquée le Honduras de 1880 à ce jour. C'est celle qu'a

défendue le représentant hondurien, Francisco Cruz,, dans
l'arbitrage frontalier de 1881 relatif à Dolores et

Naguaterique et non résolu par l'arbitre Joaquin 2avala1.

D'autre part, cette ligne s'est traditionnellement

fondée sur l'uti possidetis juris de 1821. La base de ce
fondement, les documents coloniaux de l'époque, a été

mentionnée dans le mémoire du ond dura sn^; reviendra à la
section IV. Mais, avant de procéder à cet examen, il

convient d'exposer les fondements juridiques des Parties en
ce qui concerne la délimitation dansce secteur.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,

p. 255-274.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,
p. 275-291. Section III. Le fondement juridiquedes positions des
Parties sur la délimitation

14. En principe, les Parties s'accordent à considérer

l'uti possidetis juris de 1821 comme le fondement de la
délimitation dans ce secteur, quoiqulEl Salvador, comme dans

d'autres secteurs, présente des inconsistances dans son
application (A). Mais, en second lieu, El Salvador recourt,

ici aussi, et sans le moindre fondement juridique, aux
effectivités pour justifier son tracé de la ligne

divisoire (B).

A. LE PRINCIPE DE L'UT1 POSSIDETIS JURIS DE 1821

1. L'accord des Parties sur la prééminence du principe

15. De façon générale, le Gouvernement du Honduras a
soutenu que la délimitation de la frontière terrestre devait

s'effectuer en conformité avec le principe de l'uti
possidetis juris. Cela est clairement établi à l'article 26

du Traité Général de Paix de 1980 auquel renvoie le
Compromis conclu entre les Parties le 24 mai 1986 à

Esquipulas (Guatemala).Cette position généralecorrespond à
celle adoptée dans d'autres litiges de délimitation entre le
Honduras et les Républiquesdu ~uatemalal et du ~icara~ua~.

1 Sentence arbitrale du 23 janvier 1933, R.S.A.,
vol. II, p. 1307-1366.

2 Sentence arbitrale du 23 décembre 1906, C.I.J.,
Mémoire, Plaidoiries et documents, Recueil 1960, tome 1,
p. 354-361. En ce qui concerne ce secteuren litige, l'invocation

dudit principe est évident depuis1880. En effet, dans les
instructions donnéesau délégué hondurien Francisco Cruzpour

les négocations avec El Salvador qui devaient se -tenir à
Saco en juin de cette mëme année, il est dit que:

"Les limites de notre République que vous devrez
faire valoir sont les mêmes qui correspondaient,

du ~ondurasl.a"domination espagnole, à la Province

Il n'est donc pas surprenant que, dans son mémoire, le

Honduras ait invoqué le même principe comme fondementde sa
position juridiquedans ce secteur2 et qu'en application de

l'uti possidetis juris de 1821, il ait fourni avec son
mémoire les documentsde l'époque coloniale mentionnant les

limites des anciennes provinces3.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.23, p. 98.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,
p. 275-276.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,
p. 275-291; Annexes, vol. IV, Annexe VIII.l.l, p. 1539-1624. 16. El Salvador a également invoqué, de façon

générale, l'uti possidetis juris de 1821 en estimant qu'il
constitue la "norme fondamentale'"pour la délimitation de la

frontière terrestre dans les secteurs en litigel. Il en est
dè méme en ce qui concerne le présent secteurqu'il appelle

de "Monteca ou ~oloroç"~; il y a donc accord entre les
Parties sur ce point.

El Salvador s'est, en effet, référé au titre des

terrains de Poloros, délivré à cette communauté de
l'ancienne province de San Miguel en 1760~. Plus clairement

encore, il a affirmé que "le droit légitimed'El Salvador a
l'égard de la zone de Monteca repose principalementsur le

titre des "ejidos" de San Juan de Poloros de 1760~..."
(souligné par nous). Il présente à cet effet les cartes 6.V

et 6.5 qui constituent l'interprétation salvadorienne dudit
titre.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; 'trad. fr.,

p. 13.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.50-6.56; trad. fr.,
p. 42.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.50; .trad. fr.,
p.42.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.58; trad. fr.,
p. 44. 17. Cependant, en ce qui concerne les références

salvadoriennes au titre de Poloros de 1760, il convient de
préciser deux éléments:

a) en premier lieu, on est surpris du caractèrelimité des

références audit documentde l'époque coloniale, dans
son examen de ce secteur de la frontière terrestre. En

revanche, une place plus importante est accordée aux
négociations du siècle dernier sur les limites, et, en

particulier, à celles de 1884l. Cela met
indubitablement en évidence la fragilité des thèses

salvadoriennes fondéessur le document de 1760; c'est
pourquoi, El Salvador cherche désespérément à les

renforcer au moyen de l'injuste solution politique à
laquelle aboutirent en 1884 les délégués Francisco Cruz

et Lisandro Letona; car celle-ci constitue en réalité
l'axe véritable de l'argumentation salvadoriennedes

chapitres 6.54 à 6.56. Or, les négociations de 1884
s'écartèrent nettement - en faveur d'El Salvador - des

stipulations contenues dansle titre de 1760, comme
c'est le cas encore aujourd'hui. Cela signifie, en

dernière instance, une tentative d'abandon de l'uti
possidetis juris de 1821 qu'il invoque.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.53-6.56; trad. fr.,

p. 42.b) en second lieu, El Salvador indique au chapitre 6.52 de

son mémoire certaines limitesdu terrain de Poloros
qu'il dit établir "aux termes du titre officiel de

propriété..." de 1760; car la description des limites
est placée entre guillemets. Or, cela est radicalement
inexact: en réalité, ce qu'El Salvador dit être les

limites du terrain de Poloros, selon le document de
1760, sont les propositions salvadoriennes faites lors

des néqociations qui se sont déroulées à Guanacastillo
le 9 novembre 1888~. Le passage transcrit ci-dessus

entre guillemets ne figure pas dans le titre de 1760.
Il ne peut d'ailleurs pas y figurer car dans ledit

passage la ligne est décrite "d'Est en Ouest" alors
qu'en 1760 l'arpentage se fit de Unire en direction

Sud; et, arrivé au torrent de Manzupucagua, on
poursuivit "en changeant de direction pour se diriger

d'Ouest en Est" et arriver au mont de Rivita et à la
rivière Unire, où l'arpentage a commencé2. Cela

corrobore le point susmentionné; mais la confusion
délibérée témoigne, une fois de plus, de l'absence de
rigueur du mémoire d'El Salvador.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol.1, Annexe
111.2.8, p. 236-237.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.4, p. 1582-1593. 2. L'inconsistencede la part d'El Salvadordans

l'applicationdu principe

18. Comme on vient de le voir, El Salvador, bien
qu'invoquant l'uti possidetis iuris de 1821, s'en écarte

résolument. Mais, en outre, dans ce secteur comme dans
d'autres, il est inconsistant dans l'application dudit

principe. Il suffit de constater, commeil l'a été démontré
précédemment, qu'El Salvador présente non pas une mais deux

tracés de la liqne divisoire: d'une part, celui représenté
sur les cartes salvadoriennes6.V et 6.5, qui consituent

l'interprétationdu titre de Poloros de 1760; d'autre part,
celui représenté sur la carte 6.11 et à laquelle se réfère

la description du chapitre 6.73. Ces deux lignes, comme le
montre la carte 6.2 de la page 432 du présent contre-

mémoire, ne coïncident pas dansla section occidentale.

En effet, on pourra observer qu'à partir du "Cerro
Lopez":

- la ligne des cartes 6.V et 6.5 en ligne droite vers ce
que ces dites cartes appellent la rivière "Lajitas"

dans la -"gorge de Mansucupagua", à savoir vers la
confluence de la rivière Torola avec le torrent de

Manzupucagua. L'arpenteur déclare en 1760 qu'il est
arrivé, en allant vers le Nord, "...au torrent de

~anzu~ucagua"~.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
vIII.1.4, p. 1'582,doc. espagnol, p. 10.- la ligne de la carte 6.11, correspond au chapitre 6.73

du mémoire d'El Salvador , va en ligne droite "jusqu'à
la borne du Moj6n Alto de la Loza" et, ,de à, "à la

..urce du ruisseau Manzucupagua" et, finalement,
continue en aval de ce cours d'eau jusqu'à sa

confluence avecla rivière Torola.

Il reste donc une zone non comprise dans le titre de
Poloros de 1760, même en admettant l'interprétation

salvadorienne dudit titre. Il y a donc lieu de se demander
quel est le foidement juridique de la position d'El Salvador

dans cette zone. Mais la réponse n'est pas difficile:comme
dans d'autres secteurs en litige, El Salvador recourtaux

"effectivités", ainsi que le Gouvernement du Hondurasle
mettra en relief ci-après.

B. LE RECOURS AUX EFFECTIVITESPAR EL SALVAWR

DANS CE SECTEUR

1. Le tracé d'El Salvador impliqueun recoursaux effectivités

19. En effet, le Gouvernement du Honduras a transcrit
précédemment uneaffirmation d'El Salvador selon laquelle le
titre de Poloros de 1760 constituait "principalement" la

base de ses droits dans ce secteurl. Principalement, mais
pas exclusivement, car le reste de ce chapitre du mémoire

d'El Salvador présente, une fois de plus, l'interprétation

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.58; trad. fr.,
p. 44.erronée de l'article 26 du Traité Général de Paix de 1980

qui prétend associer titres juridiqueset effectivités. A la
fin de ce chapitre, il sera fait allusion à divers moyens de

preuve qui, selon El Salvador, mettent en évidence un
exercice effectif de souveraineté dans le secteur:

recensements, enregistrements au cadastre, actes d'Etat '
Civil et autres.

20. Devant une énumération aussi étoffée,la Chambre

de la Cour aura sans doute.été surprise en vérifiant les
documents relatifs auditsecteur de "Monteca ou Poloros" qui

figurent en annexe au chapitre 7. On y trouve en effet que
les documents relatifs à deux emprunts garantis avec

hypothèque sur des terres situées dans le "Canton Lajitas",
à savoir dans un lieu situé dans la zone comprise entre les

lignes divisoires revendiquéespar chacune des Parties. En
outre, on trouve deux croquis du secteur, sans la moindre

indication sur leur contenu.

Le Gouvernement du Honduras estime que ces documents ne
sont pas pertinents comme preuves des limites dans ce

secteur en litige; non seulement à cause de leur peu
d'importance mais aussi du fait de leur nature même et de

leur contenu. Car, en vérité, ils ne font que montrer que
certains citoyens, salvadoriens semble-t-il, sont

propriétaires de biens immeubles dans le "Canton Lajitas".
11 incombe à la Chambre de la Cour de décider si ce lieu se

trouve en territoiresalvadorien ou hondurien.

2. Titres juridiques et effectivités

21. Comme il l'a été réaffirmé dans d'autres
chapitres, la position juridique d'El Salvador, qui tented'associer l'application du principe de l'uti possidetis
juris et le recours aux "effectivités", est contraire aux

dispositions de l'article 26 du Traité Général de Paix de
1980~. D'autre part, il se trouve en contradiction avec

l'affirmation initiale d'El Salvador qui attribue audit
principe le caractère de "norme fondamentale" pour la

délimitation de la frontière terrestre entre lesparties2.

Or, comme il l'a été indiqué pour d'autres secteurs, El
Salvador tente d'échapper à cette contradiction évidenteen

invoquant les critères énoncés par la Chambre de la Cour
dans l'affaire du différend frontalier reqlé par l'arrêt du

22 décembre 1986~ concernant les relations entre titres
juridiques et effectivités4. Cependant,même en cherchant ce

soutien juridique, les thèses salvadoriennes sont dépourvues
de fondement réel, dans ce secteur de la frontière terrestre

en litige, comme dans les autres.

22. Cela apparaît clairement lorsqu'on examine
séparément la situation juridique existante dansce secteur,

eu égard à deux zones distinctes:

1 Contre-mémoiredu Honduras, chap. IV, p. 23.

2 Mémoire d'El Salvador, chap 3.4; trad. fr., p. 13.

3 C.I.J. Recueil 1986, p. 585-587.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.12, 7.17-7.19;
trad. fr., p. 18, 21.a) en ce qui concerne la zone se trouvant à l'Ouest de la

ligne qui va du Cerro Lopez à la confluence du Torola
et du torrent de Manzupucagua, qu'El Salvador

revendique selon le chapitre6.73 de son mémoire, fl
est indubitablequ'il ne produit aucun titre juridique

sur cette zone. Car, comme il le reconnaît lui-même sur
les cartes 6.V et 6.5, ladite zone reste en dehors des

limites du titre de Poloros de 1760. En revanche, le
Honduras peut justifier de ses droits sur ladite zone

en se fondant sur différents documents coloniauxde
1789 à 1803~~ documents qui indiquent clairement les

limites.

Par conséquent, en admettant même - à titre purement
hypothétique et aux fins d'argumentation - qu'El

Salvador puisse prouver les effectivités qu'il invoque,
la situation juridique serait celled'un Etat dépourvu
de titre juridique et ayant une possession effectivedu

territoire, face à un autre Etat possédant un titre
juridique incontestable. On se trouverait donc dans

l'hypothèse où "...le fait ne correspond pasau droit",
selon l'expression de la Chambre de la Cour dans son

arrêt du 22 décembre 1986. Or, dans ce cas, la Chambre
de la Cour a établi que "...il y a lieu de préférer le

titulaire du titre"2. Ce qui implique donc une absence

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII, p. 277-283
et Annexes, vol. III, Annexe VII.1.5, p. 1078.

2 C.I.J. Recueil 1986, p. 587, par. 63. de fondement juridiquede la part d'El Salvador, même
en se plaçant sur le terrain des "effectivités" et en

lui concédant, à titre hypothétique, la preuve de sa
possession effective.

- dans le reste du secteur en litige, le recours aux
effectivités de la part d'El Salvador prétend sans

doute renforcer le titre de Poloros de 1760, c'est-à-
dire là où "...lleffectivité n'intervient en réalité

que pour confirmer l'exercice du droit né d'un titre
juridique1."

Cependant, la situation réelle ne correspond pas à

cette hypothèse car El Salvador n'est pas titulaire d'un
droit né d'un titre juridique. Les terres de Poloros ont été

arpentées en 1760 après la disparition du village de San
Miguel de Sapigre à la suite d'une épidémie et on annexa

lesdites terres, au Sud de la rivière Torola,ainsi qu'il le
sera montré plus loin. Dans le même temps, l'arpentage de

1760 envahit, dans sa partie orientale, les terres des
haciendas de Cojiniquil et de San Antonio de Padua, dans

l'ancienne province de Comayagua. Mais il ne s'est pas
étendu au Nord de la Torola et cela est clairement mis en

évidence par un document postérieur au titrede Poloros:
l'arpentage des terres de Cacaoterique, effectué en 1803et
mentionnant lesbornes des terres de Poloros.

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63. D'autre part, il convient de préciser qu'il n'y a pas

conflit entre titres juridiques, honduriens et salvadoriens,
dans le secteur de la frontière en litige. L'erreur
I
fondamentale de la position juridique d 'El Salvador repos,e
sur son interprétation du titre de Poloros de 1760,

interprétation qui non seulement est extensiveet contraire
au texte même de ce document. En outre, comme il le sera vu

plus loin, cette interprétationvarie dans le temps en ce
qui concerne les références faites à certains lieux,

directions et distances. C'est pourquoi, la situation
juridique est ici la même que dans la zone occidentale: même

en admettant, à titre hypothétique, la possession effective
invoquée par El Salvador, il ne serait en réalité qu'un

possesseur sans titre juridique, face à quelqu'un qui
possède un droit issu de documents de l'époque coloniale. La

même conséquence juridiqueen résulterait donc, en faveur du
titulaire du titre juridique.

23. Dans son mémoire, le Gouvernement du Honduras a

appliqué à ce secteur en litige le principe de l'uti
possidetis juris, comme fondement de sa position juridique.

Il pense avoir démontré son droit en tragant une ligne
divisoire qu'il a revendiquée sur la base de documents

antérieurs à 1821 mentionnant les limitesde juridictions.
Mais, par ailleurs, il est en mesure de prouver qu'il a eu,

et a encore, une possession effective dece secteur.

En considérant les conclusions acquises quant à une
éventuelle divergence entre titres juridiques et

effectivités, le Gouvernement du Honduras n'estime pas
nécessaire de fournir actuellement les preuvesde l'exercice

de souveraineté sur ce secteur. Cependant, il se réserve le
droit de produire cette preuve dans un but très précis, àsavoir montrer qu'ici, comme dans d'autres secteurs,"...le

fait correspond exactement au droit" et, par conséquent,
l'effectivité ne ferait que confirmer ou corroborer

"l'exercicedu droit né d'un titre juridiqueM1.

Section IV. Le tracé de la ligne divisoiredans ce.secteur en
application de l'uti possidetis juris de 1821

24. En premier lieu, il convient d'examiner le titre

de terre de ~olords de 1760 et l'interprétation erronéeet
changeante qu'en fait El Salvador (A). En second lieu, il

convient de mettre en relief les limites des anciennes
provinces dans ce secteur, conformément à d'autres documents

de l'époque coloniale produitspar le Honduras (B).

A. LE TITRE DE POLOROS DE 1760 ET L'INTERPRETATION
D'EL SALVADOR DES LIMITES

1. Le titre de ~olords de 1760

25. Comme fondement principal - bien que non exclusif,
compte tenu du recours aux effectivités - de ses prétentions

sur ce secteur, El Salvador produit le titre des terrains de
la "communauté d'indiensdu village de San Juan de ~olor6's",

de la juridiction de San Miguel. Ledit titre a été établi le
30 juin 1760 par la Audiencia de Guatemala et confirmé le

5 juillet de la même année, en vertu de la "Cédula" Royale
édictée à llEscarial le 15 octobre 1754~.

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe 11.13, p. 88. El Salvador ne présente pas le document original de
1760, mais une copie de celui-ci établie en 1833~ avec une

traduction en anglais de certains passages de ce document.
Le texte en espagnol contemporain a été produit

ultérieurement2.

26. En ce qui concerne les documents, il convient, à
titre préliminaire, de faire deux observations. En premier

lieu, comme on l'a dit précédemment, il n'y a pas
correspondance entre le texteentre guillements du chapitre

6.52 du mémoire d'El Salvador et le document de 1760. Ce
passage est en réalité la position soutenuepar les délégués

salvadoriens de 1888 au cours des négociations des limites
qui eurent lieu à ~uanacastillo~.

En second lieu, la traduction anglaisedu titre de 1760

est inexacte en divers points par rapport à l'original
espagnol. Ainsi, à la page 6 du premier, il est ajouté, de

façon inexplicable, l'expression"with the permission" après
la référence à l'hacienda des habitants dtOpatoro, alors que

le texte espagnol ne contient pas ces mots mais indique à
cet endroit que le document est détérioréou arraché ("aqui

una roturita").De même, à la page 6, il est ajouté "Town"
devant San Antonio, alorsque le texte ne parle que des

1 Mémoire d'El Salvador,Annexe 7 au chapitre 6.

2 Ci-après dénommé "Titre de ~oloro' (espagnol
moderne)".

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.8, p. 236-237."terres de San Antonio". L'expression espagnole"en cuyo

derecho", employée deux foisdans le document1 est traduite
une fois par "of whose right" et n'est pas traduite la

seconde fois.

27. Cela étant dit, il convient d'indiquer également,

et à titre préliminaire, certains faits significatifs
concernant le titre de ~olor6s de 1760, et sur lesquels nous

reviendrons ultérieurement:

a) au début du titre de ~olor6s, il est fait allusion au
fait que l'arpentage des terres a été sollicitépar le

Juge sous-délégué de San Miguel au motif que cette
communauté se trouvait " ...sans titre de propriété" de

leurs "ejidos". Mais il est indiqué que les limites de
ceux-ci "...figuraient dans l'ancien arpentage de 1725

qu'ils ont produit"2. L'arpentage fut réalisé en
février 1760 sans que soient préalablement incluses au
document - comme cela était obligatoire - les anciennes

limites de 1725.

La période qui va de 1725 à 1760 est significative en
ce qui concerne un faitque le titre de polor& passe sous

silence, à savoir l'existence, au Nord de cette communauté,
d'une autre communauté relevant de la juridiction de

Comayagua: San Miguel de Sapigre. On sait de cette dernière

Titre de polor6s (espagnol moderne),p. 10

2 M., p. 1.qu'elle existait en 1734 et qu'elle avait disparuen 1803~.

C'est précisément entre ces deux datesque fut sollicité
l'arpentage des terresde Poloros; et, comme 'on l'a dit, le

titre passe sous silence l'existence antérieurede San
Miguel de Sapigre, bien qu'il fût limitrophe au Nord. Ce

fait permet, à lui seul, d'apprécier le contexte local dans
lequel s'est effectuél'arpentagede 1760.

b) Le Juge sous-délégué des terres auprès de qui
l'arpentage est sollicitéet sous l'autorité duquel il

s'effectue est Antonio Lazo dela Vega. On le rencontre
à nouveau quelques années plus tard, en 1769, à

l'occasion de l'arpentage des terres de Perquin y
Arambala, comme défenseur de cette communauté

indigène2. Les irrégularités commises dans l'arpentage
de Perquin y Arambala de 1769 ont déjà été relevées et

il n'est pas nécessaire d'y revenir. Il suffit de
rappeler que, ainsi que l'a énoncé le jugement du

Tribunal Privatif des Terresde Guatemala, une partie
des terres de Perquin y Arambala a été arpentée par des

autorités de San Miguel dans le territoire de la
province de Comayagua, c'est-à-dire au Nord du Rio

Negro. C'est le même Antonio Lazo de la Vega qui
participa à ces procédures irrégulières de 1769 en

présentant une enquêtetestimoniale dontle contenu fut
rejeté comme inexactepar le jugement précitéde 1773.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII,
p. 283-289.

2 Contre-mémoire du Honduras, chap. IX, section IV,

p. 386.c) compte tenu des arguments qui précèdent,il n'est pas
étonnant que l'arpentage des terres de ~oloro; de 1760,

qui intéresse la Chambre de la Cour, présente certaines
singularités. En premier lieu, il est indiqué qu'ont

été cités "leurs voisins limitrophes", sans préciser
- comme cela était obligatoire - quels étaient ces

voisins1, ce qui n'est pas conforme à l'Instruction du
ler juillet 1746 qui ordonne à plusieurs reprises de

citer les voisins limitropheset les tiers intéréssés2.
Exceptées les références à l'hacienda du village

dlOpatoro, de la juridiction de Comayagua, et au
"troupeau (Jato) des Lopez", il n'est fait allusion à

aucun voisin limitrophesau Nord de l'arpentage, cequi
est significatif. Mais il n'est pas dit dans les actes

que ceux-ci, ayant été cités à comparaître, ne le
firent pas; ce qui révèle en réalitéqu'ils n'ont pas

été cités Par l'arpenteur, comme 1'exigeait
formellement le droitespagnol.

En second lieu, le titre de polor& de 1760 indique

qu'a été "...effectuée une "audience de visu" desdites
terres"3. Or, il n'est joint aucun élément de cette

procédure, comme cela était obligatoire;il n'est donc pas
indiqué quels étaient les limitesou les points extrêmesdu

1
Titre de Poloros (espagnolmoderne), p. 2.

2 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 11.14, p. 95,
spécialementpar. 11-17.

Titre de polords (espagnol moderne),p. 2.terrain qu'on allait arpenter. Cela est d'autant plus

surprenant que les limites des terres de ~olords
"...figuraient dans l'ancien arpentage" de 1725, qui fut

produit au Juge sous-délégué de San Miguel. Une fois de
plus, le silence d.'AntonioLaso de la Vega est significati:,

d'autant plus que les terres jouxtaient la province de
Comayagua au Nord et à l'Est. Mais, l'extinction de Sapigre,
entre 1725 et 1760, explique peut-être cela.

2. Les références aux limites du terrain dans

l'arpentaqe de 1760

28. Dans sa plaidoirie devant l'arbitre, en 1881, le
délégué du Honduras, Francisco Cruz, dit du titre et de

l'arpentage de 1760 qu'il:

"...est très confus, il se réfère à un arpentage
d'instruments rationnels pour le mesurage. Dans leme
calcul, il ajoutait des cordées, les directions
étaient incertaines et les limites qu'il signalait
étaient la plupart du temps idéales et trop
abstraites pour que l'on puisse s'y reconnaitre
aujourd'huil"(souligné par nous).

Le jugement peut paraître sévère ou exagéré. Mais il

est confirmé par les références ambigües ou imprécises que
contient l'arpentage de 1760, en ce qui concerne des lieux,

des directions et des distances.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

III.1.38.A, p. 141. 30. Le premier point significatif de l'arpentage est
le torrent de Manzupucaqua. Selon la procédure du 14 février

1760, on arrive à ce point depuis une borne que l'on érigea
en face du Mont de Amancayaguanca; après quoi, il est

ajouté:

"en suivant cette direction,on arriva au torrent
de Manzupucagua, au droit duquel les habitantsdu
village de Opatoro ont une hacienda... etladite
hacienda est comprise dans le présent
arpentagel. "

Mais, si l'on fait la relation entre ce point et les
précédents, cela suscite au moins trois questions

importantes:

a) en premier lieu, l'arpenteur vient de "Piedra Parada",
poursuit vers le "Cerro Viejo" et, plus tard, vers le

"Cerro de Amacayacagua"2. Ces points sont difficilement
identifiables, compte tenu des caractéristiques du

terrain et aussi du fait que la toponymie du document
de 1760 n'a pas été conservée dans la cartographie la

plus moderne (carte salvadorienne6.V). Par conséquent,
la localisation géographique exacte desdits points est

douteuse; et il y a lieu d'observer, d'autre part, que
l'arpenteur n'a pas arpenté en tirant la corde mais "au

jugé" ou en calculant à vue d'ail les distances entre

1
Titre de Poloros (espagnolmoderne), p. 10.

2 ibid., p. 9-10. les points susmentionnésl. Ce n'est qu'avec d'autres

documents complémentaires, commele titre des terrains
du village de Lislique, limitrophe de ~olords à

l'ouest, que l'on pourrait atteindre uneplus grande
exactitude dans la localisationde ces trois lieux.

b) en second lieu, il y a une ambigüité dans les
directions. Il est indiqué que, depuis "Piedra Parada",

l'arpenteur alla-it "du Sud au Nord avec légère
inflexion vers le Nord/Nord-Ouest". Mais, à partir de

la borne- érigée près du "Cerro de Amancayacagua", le
document stipule que l'on poursuivit "dans la même

direction au Nord". S'il s'agissait de "la même
direction", cela ne pouvait pas être simplement le

Nord, mais une inclinaisonNord/Nord-Ouest, ce qui
entraîne une grave contradiction quirend ambigüe

l'indication des limites, outre lefait mentionné
précédemment concernantla localisation deslieux.

C) finalement, l'arpenteur affirme qu'il est arrivé "...au

torrent de Manzupucagua". On observera que le torrent
qui a aujourd'hui cette toponymie sur la cartographie

hondurienne et salvadorienneest un cours d'eau qui
coule, comme lesautres, au Nord de la rivière Torola;

et à proximité, au Sud, il y a un "torrent de Las
Lajas" et "El Chorro". Selon la carte salvadorienne

6.V, l'arpenteur a dû franchir cette dernière rivière,
bien qu'il ne le mentionne pas. Pour arriver au torrent

de Manzupucagua, il faut franchir la rivière Torola,
dont le débitest plus importantque celui-ci.

Titre de ~olords (espagnolmoderne), p. 9-10. I
Or l'arpenteur de Poloros ne mentionne pas la rivière
Torola ni non plus la confluence du torrent de Manzupucaqua

avec la Torola, ce qui est en vérité surprenant; a fortiori
si l'on peut établir grâce au "Plan des Cures de la Province

de San Miguel" de 1804~ qu'à l'époque coloniale ladite
"rivière de Torola", située au Nord des villages de ~oloroç

et Lislique, était bienconnue. Le silence d'AntonioLazo de
la Vega n'est donc pas justifié,sauf à commettre une erreur

d'identification du torrent qui est aujourd'hui connu comme
le torrent de Manzupucagua.

31. Du torrent de Manzupucaqua à la colline de Lopez,

le document de 1760 stipule ce qui suit:

"...et changeant de direction pour se diriger
d'Ouest en Est avec inflexion au Nord-Est, on
arriva à un coteau qui sépare ces terres (celles
de Poloros) de celles des Lopez, au droit de
laquelle se trouve le "Jato de los Lopez"; ledit
Jato reste en dehors; on a évalué à soixante dix
cordes2. "

Si l'on se place à la confluence de la Torola avec le
torrent de Manzupucagua et que l'on change de direction vers

"l'Est avec inflexion au Nord-Est" - c'est-à-dire
précisément E.N.E ou "Est-Nord-Est" comme il est indiqué

dans le rapport sur les arpentages de terres en date du

1 Mémoire du Honduras, Annexes,vol. VI, carte A.3.

2 Titre de ~oloro/s(espagnol moderne),p. 10.2 mars 1746l - il est facile de constaterl'erreur manifeste

que commet la carte salvadorienne 6.V gui redresse cette
direction pratiquement jusqu'au Nord. La différence entre

les deux directions est importante car, comme on le verra
plus loin, "en suivant la même direction", on continua

jusqu'au "mont de Ribita... et la rivière de Unire".

Mais d'autre part, le document indiqueque l'on arriva
"à un coteau", c'est-à-dire à "une élévation petite et

prolongée"2; ce qui est également significatif car
l'arpenteur oppose nettement dans d'autres passages du texte

"coteau" (loma)et "butte" (cerro), alorsqu'El Salvador, au
cours des négociationsdu siècle dernier sur les limites, a

sans cesse fait allusion au "Cerro de Lopez" sans aucun
fondement. De même, l'ingénieur salvadorien Santiago 1.

Barberena fait du "coteau" (loma), non pas une "butte"
(cerro), mais un '!montH,en indiquant que celui de Lopez
"...est pratiquement de la même altitude que le Ribita,

1.200 mètres au-dessusdu niveau de la mer3."

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 11.17, p. 112.

2 Real Académia, Diccionario de la lenqua espanola,

14e ed., Madrid, 1970, p. 812. "Cerro": "élévation de
terrain isoléeet d'une altitude inférieure à celle du mont
ou de la montagne", p. 295. "-ico": "sommet aigü d'une
montagne", p. 1018.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.10, p. 264. 32. Du coteau de Lopez, l'arpentage de 1760 se

poursuivit jusqu'au cerro de Ribita et à la rivière,Unire.
Le passage pertinent du document dit en effet que:

"...et en suivant la même direction,on arriva au
cerro de Ribita, borne avec les terres de San
Antonio, de l'autre juridiction, et la rivière
Unire. Et l'on évalua à soixante dix cordes1.. ."
(soulignépar nous).

Si l'on a calculé 70 "cordes" du torrent de
Manzupucagua au coteau de Lopez et autantjusqu'au "cerro de

Rivita", ce dernier point se trouve à quelque 5.810 Mètres
dudit torrent, bien que la distance - comme toutes les
autres distances précédentes del'arpentage - ne soit que "à

vue d'Œil" ou approximative. Mais le texte permet en outre
de faire deux remarquesimportantes.

a) en premier lieu, en continuant dans la même direction à

partir du torrent de Manzupucagua, le "coteau" de Lopez
se 'trouve précisément sur la ligne droite qui relie ce
torrent au cerro de Ribita. Il n'y a donc pas de montée

vers le Nord/Nord-Est à partir du Manzupucagua, puis
une droite orientée Ouest-Est, entre Lopez et Ribita,

comme le prétend la carte salvadorienne6.V. Selon le
document, il y a, du torrent de Manzupucagua à Ribita,

une ligne droite orientéeEst/Nord-Estsur laquelle se

TitredePoloros / (espagnolmoderne), p. 10 trouve le coteau de Lopez, point intermédiaire.Cette

droite et cette orientation sont précisément celles qui
sont représentées sur le croquis joint au rapport des

délégués honduriens dans les négociations de Saco sur
les limites, en 18801, à partir du torrent de 1'Arenal
,
(Voir carte 6.3 en regard, ligne entre pointsC et B).

b) en second lieu, le document de 1760 préciseque le

cerro de Ribita est "borne avec les terres de San
Antonio, de l'autre juridiction" (Comayagua)et les

limites de ce terrain, arpenté en 1682 et en 1738, sont
identifiables, comme le montre la carte ~.3.2~. Si le

cerro de Ribita était celuiindiqué sur la carte 6.V
d'El Salvador, il ne pourrait absolument pas jouxter

les terres de San Antonio de Padua qui se trouvent
beaucoup plus au Sud.

Mais en outre, l'arpentage de Poloros stipule que du

cerro de Ribita on arriva à "la rivière Unire". Ce qui
indique clairement la proximité entre laditebutte et cette

rivière. Or, ainsi qu'on peut en juger,cette proximité
n'existe pas selon la carte salvadorienne6.V. Ainsi, compte

tenu de la référence aux limites de San Antonio de Paduaet
à la rivière Unire, la situation du cerro de Ribita, selon

le titre même de 1760, est très distincte de celle que
revendique,et a revendiqué El Salvador.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.26, p. 108.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, carte B.3.2 en regard

de la page 252. 3. Les interprétations successives de l'arpentaqede 1760
de la part d'El Salvador

33. Comme il l'a été vu, l'arpentage'des terrains de

Poloros suscite certaines interrogations; mais, sur d'autres
points, il présente des références quipeuvent difficilement

ëtre altérées par voie d'interprétation. Cependant, la
lecture des procès-verbaux des négociations successives sur

les limites, de 1880 à 1985, conjointement au tracé que
décrit El Salvador dans son mémoire1, offre un résultat

singulier: chacune des références du document de 1760 a subi
des modifications successives par rapport aux positions

défendues par les diverses délégations salvadoriennes,ce
qui, en définitive, suppose de la part d'El Salvador une

interprétation oscillanteou en perpétuelchangement de 1880
à ce jour.

Lors des conférences, dites Conférences de Saco, qui se

déroulèrent en 1880, El Salvador proposa pour la zone de
Dolores une ligne qui, partant du Mont Ribita, arrivait au

Mont de Lopez et, de là, à la limite ejidale du village de
Lislique, appartenant au El Salvador, pour aboutir à la

rivière Torola. Cette première ligne revendiquée par El
Salvador, et identifiée par la lettre "A", figurant en

annexe cartographique 6.4 en regard de la page suivante.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73; trad. fr.,

p. 50. Comme on peut en juger par ce graphique, la ligne

revendiquée par El Salvador en 1880 est très proche des eaux
'de la rivière Torola et c'et ainsi que le formulèrent les

délégués salvadoriens lors desdites Conférences. MM. Letona,
P.J. Aguire et Maximo Brizuela, dans lerapport qu'ils

remirent au Ministre des Relations Extérieures d'El Salvador
en date du 13 juin 1880, et dans lequel se trouve un passage

qui dit textuellement:

le lieu en litige, c'est pourquoi les géomètrese,
tracèrent la ligne respectiveen se conformant aux
données peu exactes que fournissent les anciens
arpentages; mais, nous avons tout lieu de penser
qu'elle ne forme pas aussi sommairement l'angle
rentrant par lequel elle a été représentée sur le
croquis, mais un angle plus obtu, les Monts ribita
et Lopez coïncident quasiment avec leseaux de la
Torola et de la Guajiniquil."

Telle était la ligne revendiquée par El Salvador en 1880,

qui coïncidait avec les eaux des rivières Torola et
Guajiniquil.

Cependant, suite aux Conférencesde 1884 débouchant sur

une Convention des limites connue sousle nom de "Convention
Cruz-Letona", qui fut désapprouvée par le Gouvernement du

Honduras, El Salvador accrut considérablement ses
prétentions sur le territoire hondurien, ainsi que nous

pouvons en juger sur la carte 6.4 susmentionnée et sur
laquelle les nouvelles prétentions salvadoriennes sont

identifiées par la ligne "B" et où est modifiée, en faveur
d'El Salvador, la localisation des bornes du côteau de Lopez

et de Ribita: celui de Ribita se retrouve à environ
2 kilomètres au Nord, c'est-à-dire vers l'intérieur du

territoire hondurien par rapport au Ribita de 1880; quant ala borne du côteau de Lopez, qu'El Salvador appelle
désormais "Mont de Lopez", il la situe à une distance

approximative de 6 kilomètres plus haut, à l'intérieur du
territoire hondurienet en direction Nord-Ouest.

Cette modification dans la localisation des bornes

entraîne une différence d'environ 30,43 kilomètres carrésau
détriment du Honduras, par rapport à la ligne revendiquéeen

1880, la superficie revendiquée en 1880 étant de
11,03 kilomètres carrés.

Il convient de noter que lors des Conférencesde 1880

comme dans celles de 1884, était présent comme délégué dela
République d'El Salvador le Général Lisandro Letona,

participant par conséquent à la détermination de ces
différentes lignesrevendiquéespar El Salvador.

En 1972, à l'occasion des réunions qui se sont tenues à

Antigua (Guatemala)et conformément aux calques échangéspar
les parties lors de ladite réunion, il s'avère qu'El

Salvador amplifie encore davantageses prétentions sur le
territoire hondurien en situant encore plus au Nord les

bornes de Ribita et du Mont de Lopez, ainsi que on peut en
juger sur la carte 6.4 (à la page précédente),sur laquelle

cette troisième ligne est identifiéepar la ligne "CM. Cette
nouvelle prétention d'El Salvadorimplique une augmentation

de 8,8 kilomètres carrés de la zone en litige; ce qui
signifie une augmentation de 38,51 kilomètres carrés par

rapport à la ligne de 1880.

34. C'est pourquoi, il convient d'indiquer,en ce qui
concerne les points les plus pertinents, les positions

successives d'El Salvador, en tenant compte du fait que leslieux sont mentionnés dans le sens général Est-Ouest, commun

à la plupart des propositionssalvadoriennes.

Cerro de Rivita: Selon .la délégation d'El Salvador, de
1880, ce point "...se trouve à la source de la rivière

nommée unireM1. Mais, en 1884, lors des négociations entre
MM. Cruz et Letona, la localisation du "cerro de Ribita" est

modifiée par El Salvador pour se transformer en "pic" et il

est alors "...le pic le plus élevé et septentrional qui se
trouve près de la borne des "ejidos" de San Antonio del
Norte, à l'endroit nommé "Robledal", la référence de 1880 à

la source de leUnire disparaissant donc2 (Voir carte 6.5 en

regard).

Mais, en 1888, on assiste à une nouvelle et importante
modification: la source de 1'Unire réapparaît, mais c'est un

point distinct et éloigné du cerro de Ribita, car, selon El
Salvador, la ligne suit "...de cette source, en ligne

droite, jusqu'au sommet de ce coteau (Ribita) qui est le
plus élevé"3; M. Barberena attribuant une altitude d'environ

1.200 mètres audit ~erro4. Il va de soi que cela n'empêche
pas El Salvador de revenir, en 1985, à sa position défendue

en 1880; le tracé de la ligne suit alors la rivière

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.24, p. 101.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.51, p. 170.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.8, p. 236-237.

4 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.2.1O.B, p. 264. . ... . . .~ . . .

6.5. SECTEUR DE DOLORE97
Croquis de -laligne divisoire annexe au procès-
verbal de la troisbkmme seance des n6gociations-'

de lirnites.de 1884
LUnire "...jusqugà sa source dans la colline de ~iviti"~. Au

chapitre 6.73 de son mémoire, El ~alvador dissocie, ou
sépare, à nouveau la source de luUnire au Cerro de ~ivita et

entre les deux pointsil n'y a pas moins de 4.179 mètres !

35. De Rivita. au Cerro Lopez (en réalité "loma"
(coteau) de Lopez), le tracé salvadorien varie dans le temps

en directions et en distances. En 1880, ni les.unes ni les
autres ne sont indiquées; en 1884, en revanche, il est
précisé que la ligne droite va "...en direction Nord 80

Ouest ... jusqu'au coteau Lopez" qui est "...à une distance
de 12 kilomètre^ ("^uligné par nous). En 1888, il est

seulement indiquéqu'une ligne droite relie les deux points,
alors qu'en 1972 on précise qu'il y a entre les deux une

distance de 6 kilomètres.

Mais une nouvelle modification alieu en 1985: la ligne
entre Rivita et Lopez suit la même direction qu'en 1884et

la même distance (12 kilomètres) sépare ces deux points3.
Mais l'interprétation salvadoriennese modifie encore dans
le mémoire: la direction est désormais Sud 87' 02' 24" Ouest

et, curieusement, la distance n'est plus gue de
6.241 mètres. Mais le changement de direction entre 1884 et

1988, est très révélateur: si la liqne suit, à cette
dernière date, une directionsud, c'est parce que Rivita a

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
V.1.20, p. 900.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.51, p. 170.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

V.1.20, p. 900.été déplacée plus au Nord qu'en 1884; l'autre point étant

supposé avoir la même localisation. Mais le changement de
distance (de 6 à 12 kilomètres) est en vérité excessif. .

36. Le tracé de la ligne qui va du "cerro" Lopez au

point sur la rivière Torola varie aussi dansle temps, de
même que les distances. En 1880, on ne mentionne pas le

torrent de Manzupucagua mais, par contre, le point sur la
rivière Torola où commencent et se terminent respectivement

les titres de terres de Poloros et de ~isliquel. En 1884,
par contre, on donne à la ligne une direction Sud 18O 30'

Ouest et une distance de 3.461 mètres jusqu'à "...la
confluence du torrent Manzupucagua avec la ~orola"~.

Or en 1972, on introduit un changement significatif:la

ligne ne va plus de Lopez au torrent de Manzupucagua et à la
Torola, mais jusqu'àla source de celui-ci,sur une distance
de 3.000mètres; et elle suit le cours du torrent

Manzupucagua, depuis sa source jusqu'à la Torola, soit
2.000 mètres de plus. Mais, en 1985, El Salvador modifie à

nouveau son interprétation, sur deux points, car la ligne
divisoire, depuis le "cerro"de Lopez, va directement "...à

la rencontre du Manzupucagua avec la Torola" selon une
distance Sud 18O30' Ouest et sur une distance de

3.500 mètres3. Ce qui signifie un retour à la position
adoptée en 1884.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.24, p. 101 et Annexe III.2.10.B, p. 263-264 où i
Barberena le précise.
1
2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.51, p. 170.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.20, p. 900. Finalement, le mémoire d'El Salvador n'offre pas
d'interprétation nouvelle par rapport aux précédentes. La

ligne divisoire irait, selon une direction Sud 40° 30'
Ouest, et sur 2.500 mètres, du Cerro de Lopez à un point qui

n'a jamais été mentionné auparavant et n'apparaît pas non
plus dans le titre de 1760; le Alto de la Loza. De ce point,

elle continue, sur 500 mètres, jusqu'à la source du torrent
Manzupucaqua et ensuite, en aval, jusqu'à la confluence de

celui-ci avec la rivière ~orolal.

37. A eux seuls, les éléments ci-dessus font
apparaître deux choses. D'une part, les interprétations

salvadoriennes du titre de 1760 s'écartent, sur des points
fondamentaux, des références figurant dans ledit document.

D'autre part, les interprétations successives sont
contradictoires sur plusieurs points. Ce qui, en dernière

analyse, met en relief le caractère arbitraireet injustifié
de la ligne divisoire revendiquée aujourd'hui par El

Salvador dans son mémoire.

B. LES LIMITES DES ANCIENNES PROVINCES SELONLES DOCUMENTS
DE L'EPOQUE COLONIALE

1. Les référencesaux limites de juridictionsdans

le titre de ~olor&s de 1760

38. Il a été dit antérieurementque, dans l'arpentage
de 1760, l'acte rapportant l'"audience de visu" ou de

reconnaissancepréalable du terrain n'indique pasles points

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.73: trad. fr.,
p. 50.extrêmes de celui-ci, bien qu'il jouxte la province de

Comayagua. Le Gouvernement du Honduras a dit égalementque
le titre de 1760 n'inclut pas - comme obligation en était

faite - les limites de l'ancien terrain arpenté en 1725 et
qui ont été indiquéesau Juge sous-délégué, Antonio Lazode

la Vega. Il convient donc d'examiner les références faites,
ou les omissions, aux limites des anciennes juridictions

dans ledit document. Le résultat de l'examen est le suivant:

a) il est indiqué qu'avant d'arriver au torrent de
Manzupucagua, les terresque l'on arpentait, du "Cerro

Viejo" jusqu'à la borne érigée en face du cerro de
Amancayacagua, "...jouxtent celles de ce village

d'indiens; de cette juridiction", à l'Ouestl. Or,
auparavant, il n'est fait référencequ'au village de

Anamoros, situé plus au Sud que celui de ~isli~ue~,
sans que ce dernier soit nommé et sans que

comparaissent à l'arpentage les habitantsde Lislique,
contrairement à ceux de Anamoros.

Cependant, le document de 1760 se réfère à la

juridiction de San Miguel, à l'ouest des terres de
Poloros. Mais il est significatif qu.e en arrivant au

torrent de Manzupucaqua, on qarde le silence sur la
limite des juridictions et que, dans le tracé de la

ligne entre ledit torrent et le cerro de Ribita, aucune
donnée ne soit fournie sur ce point, ou même qu'il ne

soit pas indiqué que les terres se trouvant à la gauche

Titrede~oloro/s (espagnolmoderne), p. 10.

2 Mémoire d'El Salvador, carte6.5. de celles que l'on arpentait étaient "tierras

realengas" ("terres de la Couronne") ou propriété de
communautés ou de particuliers.

b) il y a cependant, du torrent de Manzupucagua à ~ibita,

deux références intéressantes. En premier lieu, il est
dit que, sur ledit torrent "...les habitants du village

de Opatoro, de la juridiction de Comayagua, ont une
hacienda...", bien que l'on ajoute que lesdites terres

se trouvent "comprises dans le présent arpentage", ce
que les habitants d'opatoro n'ont pas pu contester,

ainsi qu'ils l'auraient sans doute fait s'ils avaient
été cités lorsque l'arpentage a étépratiqué. Il ne

faut pas oublier, en effet, que dès 1880, il est fait
allusion dans les négociationssur les frontières au

conflit entre les habitants d'opatoro et ceux de
~olor&l, de méme que le fait le Honduras en 1881,

devant l'arbitre,M. ~abala2.

En second lieu, il est fait référence, dans le document
de 1760 au "Jato (troupeau)de Lopez" en précisantque ledit

troupeau "reste en dehors" de l'arpentage. En dépit du
silence de l'arpenteur, on peut affirmer avec certitudeque,

si ces terres sont en dehors, elles faisaient partie de la
juridictionde Comayagua, de mêmeque celles dlOpatoro.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.24, p. 99 et Annexe 111.1.25, p. 104.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.1.38.A,p. 140.c) enfin, en arrivant au cerro de RibitG il est consigné

que celui-ci fait "...borne avec les terres de San
Antonio, de l'autre juridiction". Puis on arriva à la

"...rivière de Unire" et, en suivant cette rivière en
aval, on termina l'arpentage où on l'avait commencé, à

la "source de ladite rivière", à une borne jouxtantles
terres de Jucaniquil ou cojiniquill. Ces terres

arpentées en 1736 faisaient partiede la juridiction de
~oma~agua2.

39. En définitive,. le titre de ~olorck de 1760

indique, quoiqu'imparfaitement,la juridiction de San Miguel
à l'Ouest et celle de Comayagua à l'Est. Mais, du torrent de

Manzupucagua jusqu.'aucerro de Ribita', il n'y a aucune
référence, hormis celles, indirectes, faites. à l'hacienda

des.habitants d'opatoro et au troupeau des Lopez. Le silence
de ce document s'explique très bien, ainsi qu'on l'a déjà

indiqué.: en 1760, Antonio. Lazo de la Veqa arpentait en
partie les terres du villaqe éteint de San Miquel de

Sapiqre, de la juridiction de Comayagua et il est évident
que,.ce faisant, il agissait en dehors des limites de la

province de San Miguel.

1 Titre de Poloros (espagnolmoderne), p. 3 et 10.

2 Mémoire du Honduras, Annexes', vol. IV, Annexe
v111.1.2, p. 1548. 2. Les limites de San Miquel de Sapiqre par rapport à celles
de ~olor&s

40. Le mémoire du Honduras s'est abondamment référé au
village de San Miguel de Sapigre et à ses limites1. Les

conclusions de cet examen mettent en relief plusieurs
éléments fondamentaux dansla perspective du présent litige:

- l'existence de Sapigre est mise en évidence en 1734 .au

motif de l'arpentage des terres du site de Jesus de
Cojiniquil, lorsque sont cités a comparaître à

l'arpentage les habitants de cettecommunauté2. Mais,
en 1803, lors de la reconnaissance des bornes des

terres de Cacaoterique, on constate que ledit village a
disparu depuis des années3.

- les terres de Sapigre se trouvaient au Nord et au Sud

de la rivière Torola. Au Nord: cela est mis en évidence
par un document de 1789 dans lequel, en décrivant les
limites de Cacaoterique,il est fait allu.sion une

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, char?. VII,

p. 283-289.
2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe

VIII.1.2, p. 1548.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.5, p. 1603. borne de San Miguel de Sapigre, en précisant que la

limite entre les deux terrainsva "...du côté de la mer
du Sud... trois lieues et demieil. Au Sud de la Torola:

sur la base- des données que fournit l'arpentage de
Cojiniquil fait en 1734~. La représentation

approximative des terres de Sapigre,sur la base des
données des documents précités, figure à la carte

~.3.23.

41. En ce,qui concerne le premier point, il convient
d'indiquer plusieurs éléments complémentaires. En premier

lieu, les villages limitrophes de Cacaoteriqueet d'opatoro
dans la province de Comayagua, figurent déjà dans des

documents du XVIe siècle4, et ces références se retrouvent
aux XVIIe et XVIIIe siècles. ~olor6"sapparaît, au moins,

dans des documents datantdu milieu du XVIIe siècle5.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.5, p. 159.7..

2. Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.2, p. 1553 et vol. 1, chap. VII, p. 285-287.

3 Mémoire du Honduras, cartep. 252.

4 Par exemple, dans les comptes du comptable
Francisco de Romero, examinés par le Gouverneur de la
Province du Honduras en l'an 1593. Doc. se trouvant aux
A.G.1 (Archives Générales des Indes, Séville), Comptabilité
no 989.

5 Concession de "encomienda" en faveur de

Mme. Isabel de Castro et Mme. Marina d'e Mendoza, dans les
villages de Chapeltique et Poloros, de la Province de San
Miguel. Année 1642. A.G.I., Guatemala, 102. En ce qui concerne San Miguel de Sapigre, il figure

depuis 165g1 et les références sont constantes jusqu'au
début du XVIIIe siècle2. Mais, à partir de 1734, il n'y a

plus de références à leurs terres. Or, si le village
s'éteint, une des causes les plus sûresen est les maladies

qui ont dévasté la province de Comayagua entre 1734et 1760.
Dans l'étude de L. ~ewson~ sur la population du Honduras, il

est dit qu'il y eut en 1733, "des épidémies continues de
peste" dans la province de Comayagua et les documents de

l'époque4 font état d'une "grande peste" entre 1746 et 1753.

42. En second lieu, si cette communauté indigène de
Sapigre s'éteint - probablement entre 1746 et 1753 - il y a

lieu de se demander quel fut le destin de ses terres,en
vertu du droit espagnol en vigueur en Amérique Centrale

jusqu'en 1821.

1 Archives Généralesdes Indes, 157.

Par exemple, aux A.G.I., Guatemala, 105 (1670);
A.G.1, Greffe du Tribunal, 347-A (1674); A.G.I., Guatemala,
29 (1684; A.G.I., Greffe du Tribunal, 349-C (1687-1689) et
même le "Jugement de résidence de Gabriel de Echeverria et
ses officiers, ex-Alcalde Mayor de Tegucigalpa", année1714,
aux A.G.I., Greffe du Tribunal, 351-B.

3 L. Newson, The Cost of Conquest, Indian Decline in
Honduras Under Spanish Rule, Boulder/Londres, 1986,
p. 312-319.

.4 L. Newson, op. cit., p. 314. L'épidémie
postérieure est cellede 1774 et est limitée à Tegucigalpa. On trouve la réponse - et le fait est significatif -

dans le titre de terre de ~olorok de 1760. En effet, dans la
décision concédant les terres à cette communauté et rédigée

à Guatemala le 30 juin 1760 par Domingo Lopez de Urruelo,
Juge Principal du Droit Royal des Terres,il est fait grâce

des arpentages à Poloros, mais avecune réserve importante:

"à condition qu'ils ne pourront ni vendre ni
aliéner, pour aucun motif ni prétexte, tout ou
partie de celles-ci, car, en cas d'extinction
dudit villaqe, lesdites terres doivent réintéqrer
le Patrimoine Royal et, à cette condition, ils
peuvent y faire des 'cacerios' l..." (souligné par
nous ).

Cela signifie que, si une communauté propriétairede

terres s'éteint, le titre de concession est caduc et les
terres reviennent à la Couronne et deviennent "realengas"
(Terres de la Couronne); ce qui fait, en toute logique, que

lesdites terres peuvent être à nouveau arpentées et qu'une

nouvelle concession de celles-ci peut être accordée à une
autre communautéou un particulier.

43. Mais, celà étant dit, il convient de se demander

quelle est la raison pour laquelle cette réserve figure
expressément dans le titre de Poloros de1760, car elle ne

figure pas dans d'autres documents similairesde la même
époque. La seule explication possible est l'extinction

préalable du village de San Miguel de Sapigre, entre 1725 et
1760.

1 Titre de ~olor& (espagnolmoderne), p. 16; Mais les procédures de 1760 omettent précisément toute
référence à Sapigre et au fait que ses terres ont été

partiellement englobées dans lenouvel arpentage de ~olorok,
alors mëme,qu'il s'agissait de "tierras realengas" du fait

de l'extinction de la première de ces communautés. Cela se
fonde, en toute logique, sur un fait qui a délibérément été

passé sous silence, à savoir que les terres de Sapiqre
faisaient partie de la province de Comayaqua. Car, sinon, le

Tribunal de Guatemala n'aurait pas accordéla concession,
étant donné que l'arpentage de 1760 a été pratiqué en partie

par des autorités de la province de San Miguel sur le
territoire de la province de Comayagua, ce qui est contraire

au droit espagnol en vigueur en Amérique Centrale juçqu'en
1821.

3. Les limites de Poloros par rapport à celles

de Cacaoterique

44. Comme le Gouvernementdu Honduras l'a indiqué dans
son mémoire, il y a des références aux bornes de Poloros

dans des documents postérieurs à 1760~.

a) la première référenceapparaît dans la description, que
font les plus anciens du village de Cacaoterique, des

limites de leurs terres,en séance du Conseil Municipal
le 2 mars 178g2. Après avoir fait allusion à "...une

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. VII',

p. 277-283.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.5, p. 1597-1598. borne du village de San Miguel de Sapigre" que jouxtent
les terres de Cacaoterique,au Sud, sur "trois lieues

et demie", sur le site de Brinco de ~igrel, il est
indiqué que, de ce point, on passe par le site appelé

"Planchaquira"et, en suivant le torrent Liumunin ou de
Agua Caliente en aval, "où se trouve une borne de

Poloros", et, "on passe ensuite Sisicruz, lieu appelé
El Llano del Camaron, où l'on trouve trois bornes:

l'une appartient à Cacaoterique, l'autre à S1ntiago
Lislique et la troisième à San Juan de Poloros." Le

site de Sisicruz est donc le tripoint des terres de
poloro2, Lislique et Cacaoterique. Selon 1 'ingénieur

salvadorien, Santiago 1. Barberena, ce point est le
torrent de Manzupucagua car c'est là que se termine la

juridiction de ~olorgs et que commence celle de
~isli~ue~.

b) la reconnaissance des bornes pratiquée par Sixto

Gonzalez Santino en 1803 confirme ce qui précède, mais
avec un surcroit de garantie de précision, non

seulement à cause de la clarté des références figurant
dans ce document qui enregistre sans doute les

indications des accompagnateurs, maisaussi parce que
la reconnaissance s'est effectuée après citation

préalable des communautés de ~olords et de ~isli~ue3.

I 1 Mémoire du Honduras, carte B.3.2, en regard de la
page 252 et contre-mémoiredu Honduras, carte 6.1, p. 430.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.2.10.B,p. 264.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.5, p. 1603 pour la notification. Ainsi, on identifie, deux lieues en aval du torrent

Liumunin ou Agua Caliente, "...un coteau couvert de
laîches où se trouve une borne du village de ~olorckl."

A partir de cette borne du carriza12, où polords et

Cacaoterique se touchent, la reconnaissancese poursuivit en
"traversant des coteaux à savanes, petits torrents" et"la

lisière d'une plaine d'environ une lieue", pour arriver à
"la borne de Sisicruz qui signifie la plaine du Camaron". Il

est indiqué qu'à cet endroit, il y avait "troismonticules
de pierre: l'un appartenant au village de Lislique, l'autre

à celui de ~olords (ses notables étaient présents et il
s'agit d'un village appartenant à San Salvador) et le

dernier à celui de cacaoteriqueU3. Le document indiqueque

toutes les personnes présentess'accordèrent à reconnaitre
qu'il s'agissait de la septième borne de Cacaoterique.

45. Comme il pourra ètre observé, les documents de

1789 et 1803 partent de l'arpentage de polor/s de 1760 bien
qu'ils comportent desréférences au passé de Sapigre. Mais
la limite des terrains de Cacaoterique est significative

d'un autre point de vue: eu égard à la direction Est/Nord-
Est que suivit l'arpenteurdes terres de polords.

1 ibid., p. 1603-1604.

2 Mémoiredu Honduras, carte 8.3.2, p. 252.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, 1. IV, Annexe
VIII.1.5, p. 1604. En effet, si le point de confluence du torrent de

Manzupucagua avec la Torola correspond à la borne de
Sisicruz - du fait qu'elle est tripoint - l'emplacement de

la borne précédente, El Carrizal, fait apparaîtreun autre
élément, à savoir que.l'arpentage a été effectué selonune
, ,
orientation générale Ouest-Est avec légère inflexion à
ltEst/Nord-Est. L'on se rappellera que, de là, il se

poursuivit vers le coteau des Lopez et le Cerro de Ribita,
ainsi qu'on peut en juger sur la carte 6.1. Cela est

confirmé par le rapport du délégué salvadorien dans les
négociations de 1880, qui indique que "les coteaux de Rivita

et Lopez coïncident pratiquement avec les rivières de Torola
et de ~uajini~uil"~.

4. Les limites de ~olords par rapport à celles de
San Antonio de Padua

46. Selon le titrede Poloros, en allant dans le sens

Est-Nord-Ouestdepuis le coteau des Lopez:

"...on arriva au Cerro de Ribita, borne avec les
terres de San Antonio de Padua, de l'autre
juridiction, et la rivière de Unire... et prenant
d'ouest en Est, en aval de la rivière Unire, on
arriva à la source de ladite rivière, endroitoù a
commencé cet arpentage2" (soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.25, p. 105.

2 Titre de ~olor6s (espagnolmoderne), p. 10. Le cerro de ~ibita est donc une élévation qui sert de

limite avec la juridictionde Comayagua et se trouve près de
la rivière Unire où l'on arrive avec une orientation Est-
Ouest. La limite entre San Miguel et Comayagua est donnée

par les terres de San Antonio de Padua, situées dans la
seconde province.

47. Pour identifier l'élévationqui sert de limite aux
juridictions, il faut examiner les titres de San Antonio de

Padua et notamment les arpentagesde 1682 et 1738.

a) dans l'arpentagede 1682, on va d'abord du Nord au Sud
et, ensuite, pour mesurer:

"...la largeur, en raison du caractère accidenté
des terres de montagne, j'ai fait tirer la corde
depuis le couchant vers l'orient, depuis le coteau
d4Unire,vers.une autre coteau appelé asil il in al."

Le point extrëme du terrain à l'Ouest, le couchant, est
donc le cerro de Unire.

b) dans l'arpentage de 1738, l'arpenteur s'orienta
également vers le couchant et, en suivant la direction

Ouest, ".. .nous arrivâmes... à la butte de Buena Vista
dont la butte reste établie comme borne; et suivant la

même direction,nous arrivâimesau coteau de la chênaie

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.l.l., p. 1543. del Robledal... le joyau du bois d'à côté restant à
l'intérieur du sitew1. Il eçt dit plus loin qu'en

marchant en direction Sud, on arrive à la rivière de
Unire.

48. Il y a donc deux références à la limite

occidentale des terres de San Antonio: ceple de 1682, le
"cerro de Unire"; et celle de 1738, le "ce.rrodu Robledal".

En ce qui concerne la seconde, on trouve que dans les
négociations de 1884 il a également été fait allusion à

"...la borne des "ejidoç" de San Rntonio del Norte et
l'endroit nommé Robledal". Mais, en réalité, il y a une

différence fondamentale, aussibien avec le document de 1738
qu'avec le titre de polords de.1760: dans ceç documents, la

borne est limite de terrI et de juridictions, ta'ndiçqu'en
1884, le cerro de Ribita est un lieu qui.se trouve "...prèç

de la borne" du ~obledal*.

Cependant, pour identifier la référence "au cerro de
~ibita" dans le titre de polords de 1760, on dispose de deux

éléments importants: en premier lieu, ce doit ëtre une
élévation de terrain qui çe trouve sur la'ligne qui, depuis

le torrent de Manzupucagua, va en direction "Ouest-Est avec
inflexion au Nord-Est". En second lieu, il doit se trouver

près de la rivière Unire car l'arpenteur, aprèsle cerro de

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. IV, Annexe
VIII.1.3, p. 1568.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.50, p. 170. ,
Ribita, arriva à "la rivière de Unire" et changea de
direction pour s'orienter Ouest-Est et poursuivre ensuiteen

aval de la rivière. Le point où El Salvador localise le
Cerro de ~ibita'sur la carte 6.V et qu'il décrit au chapitre

6.73 de son mémoire ne remplit sûrement pas cette double
condition. Les données concordent, en revanche, pour une

élévation située dansla zone de Guanacastillo,proche de la
rivière de unirel.

Or, si l'on observe cette cartehonduriennepar rapport

à la salvadorienne 6.V, on notera un fait significatif. El
Salvador identifiela rivière Unire à un cours d'eau plus à

l'Est, dont il situe la source au Nord du coteau de Penas.
Selon la carte hondurienne,la Unire est un cours d'eauplus

à l'Ouest, à proximité des coteaux de Guanacastillo;
précisément celui que la carte salvadorienne6.V dénommée

"torrent de Guanacaste".

Il y a donc divergence entre les Parties en ce qui
concerne le cours supérieur de la rivière Unire. Mais le

fait que la thèse d'El Salvador ne concordepas avec celle
du Honduras s'explique très bien. En 1890, l'Ingénieur

hondurien José Maria Bustamente fit allusion à la
destruction, en 1884, de la borne de Guanacastillo en

indiquant que, pour donner satisfaction aux prétentions d'El
Salvador sur les terres de la zone de Dolores,on déplaça le

1 Contre-mémoiredu Honduras, carte 6.2 en regard de
la page 432."cerro de ~ibita" de sorte que "...on a cherché une autre
butte plus en amont où l'on a transféré la limite et on lui

a donné le nom de Nuevo ~ibitd"~. Comme le Gouvernementdu I
Honduras l'a dit, ~ivita ne s'identifiait qu'au "cerro de

Unire" et à l'ancienne borne de Guanacastillo. En la
détruisant, toute "interprétation" salvadoriennedu titre-de

~olords était possible et celles-ci, on l'a vu, ont été
nombreuses et divergentes, bien qu'elles cherchent toutes

une localisationplus au Nord.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.2.15, p. 288-289. CHAPITRE XI

LE SECTFXJDE LA FRONTIERE TERRESTRE ENTRE
LOS AMATES ET LA BAIE DE FONSECA
(GOASCORAN)

Section 1. Les donnees géographiquesde la zone

du Goascoran

1. Les incertitudesde la terminologie utilisée

dans le mémoire d'El Salvador

1. La dernière poche terrestre sur laquelle les
Parties s'opposent dansle présent différendcorrespond à la
zone de Goascoran.Si la descriptionque donne de cette zone

le mémoire duHonduras en dégage avec clarté les principales
caractéristiques géographiques sans en dissimuler la

complexitél,le mémoire used'une terminologieincertaine et
tend à confondredes catégoriesgéographiquesdistinctes.La
Partie adverse insinue ainsi, sans le dire nettement, que

les notions d'"estuaireM et de "delta" d'une part,
d'"estuaire" et dl"estero" d'autre part sont
interchangeables.Or, ces différents concepts ne peuvent

être pris indifféremmentl'un pour l'autre : "un estero"
n'est pas nécessairementun "estuaire", lequel ne saurait

être assimilé en aucuncas à un delta. Et même s'il est vrai
que des situations intermédiaires sont susceptibled se se
rencontrerdans la nature, ces concepts doivent être définis

et distingués avecprécision.

1 Mémoire duHonduras, vol. 1, chap. XI, p. 357-362,
par. 1-7. A. LA CONFUSION ENTRE "ESTUAIRE" ET "DELTA"

2. Le Gouvernement d'El Salvador semble hésiter dans
ça qualification géographique de la zone constestée du
Goaçcoran. Dans le texte de son mémoire, il l'appelle "the

estuary of the river ~oascoran"~ comme si le différend dans

cette zone portait sur la seule déterminationde l'estuaire
du Rio Goaçcoran, ce qui est inexact. Mais dans le même

mouvement et sans la moindre explication sur ce glissement
terminologique, il intitule les croquis de cette zone

intégrés dans son mémoire2 de même que la carte qu'il lui a
annexée3, "Delta of the river Goascoran" comme si l'ensemble

de la zone contestée constituait un delta, ce qui est
également inexact. Ainsi la Partie adverse tend à employer

l'une ou l'autre de ces deux catégories géographiquespour
définir une même réalité.

3. Or, si les géographes, les géologues et les
hydrographes admettent que les deltas sont d'anciens

estuaires qui ont été complétementremblayés et qu'il existe
des états intermédiaires entre lesuns et les autres, ils

prennent grand soin de les distinguer. On citera seulement,
à titre d'exemple, le Professeur François Ottmanqui après

avoir remarquéque:

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6-59, trad. fr., ,
p. 45.

2 Mémoire d'El Salvador, cartes6.6 et 6.12

3 Mémoire d'El Salvador,Book of Maps, carte 6.VI. "dans ces débouchés à la mer des fleuves et
rivières continentaux" que sont les estuaires et
les deltas, "les eaux douces se mélangent ...aux
eaux salées1. "

dégage un double critère pour différencier les uns des
autres2.

Le premier critère, le plus évident,tient à l'unicité

ou à la pluralité des embouchures. Pour cet auteur, en
effet:

"les estuaires sont généralement des embouchures
uniques, parfois encombrées de bancs de sable,
formant un creux sur la ligne de la côte et
pénétrés par la mer. Les deltas, au contraire, se
caractérisent par une sédimentation fine, leurs
nombreux bras et leur forme en saillie convexe sur
le littoral, et des formes caractéristiques,
convexes également en section . (exemple:
~i1)3.'1

1 Introduction à la qéoloqie marine et littorale,
Paris, Masson etCie, 1965, p. 133.

2 Cette distinction entre estuaireset deltas peut
avoir des conséquences juridiques non négligeables pour
déterminer les lignes de base droites à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale. Si la
Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone
contigüe n'a pris en compte que le phénomène estuarien
(art. 13), la Convention de 1982 sur le droit de la mer a
apporté, comme on le sait, une innovation, surl'initiative
du Bangladesh, relative à l'hypothèse des deltas, lorsquela
côte est instable (art. 7, par. 2; voir l'étude de T.
Scovazzi, Le linee di base rette ta linea di base del
mare territoriale, a cura di T. Scovazzi, Milano, Giuffrè,
1986, p. 120-127.

ibid. p. Mais ce même auteur ajoute aussitôtque "le nombre de
bras n'est pas un critère absolu" et il cite différents
exemples, comme celui de l'Amazone, à propos desquels on

parle d'embouchureet non pas de delta - bien qu'elle soit
formée de nombreux bras et d'innombrables iles - parc,e

qu'elle est en retrait par rapport à la côte.

En fait, pour le professeur Ottman, le véritable
critère qui permet de distinguer les estuaires des deltas

tient à la part respective des facteurs fluviaux et des
facteurs marins, plus simplement encore deseaux douces

fluviales et des eaux marines salées.

"Dans le cas des deltas, leur forme convexe, leurs
avances sur la mer montrent une très nette'
prédominance des phénomènes fluviaux. Au
contraire, certains estuaires sontremontés très
loin par les marées de salinitéet les marées
dynamiques, indiquant par là une pénétration des
influences marines à 1'intérieur des terresl."

4. Dans la zone du Goascoran, il est manifeste que
phénomènes terrestres, phénomènes maritimeset phénomènes

fluviaux sont parfois difficiles à séparer et que terres
marécageuses caractériséespar la présence de palétuviers

("manglares"ou "mangroves"),eaux douces fluviales et eaux
salées marines constituent un milieu complexe et mouvant,

1 ibid., p. 133.susceptible de variationssuivant qu'on se place à la saison
des pluies ou à la saison sèche. Néanmoins, quelsque soient

ces changements,on ne peut, du point de vue du Gouvernement
du Honduras, prétendre que la zone du Goascoran constitue un

delta.

Il est vrai que, pendant la saison des pluies, leRio

Goascoran déborde et, quittant son lit ordinaire, peut
utiliser d'autres déversoirs, d'autrescanaux d'écoulement

épisodiques. Il est vrai également que le Rio Goascoran n'a
pas ou n'a pas toujours eu uneembouchure unique et que son

embouchure principale - après avoir été pendant longtemps au
Nord du terrain dénommé El Revolcon, dans un bras où se

trouvent les iles Ramaditas - correspond, depuis1937, à un
bras situé au Sud-Est de ce même terrain El Revolcon qu'on

appelle El Picadero ~uevol. Quelles que soient les
modifications qu'apu connaître, dans son histoire, le cours

principal du Rio Goascoran et les particularités qui
caractérisentle mouvement de ses eaux pendant la saison des

pluies, il n'est pas possiblede soutenir, comme lefait la
Partie adverse,que le Rio Goascoran débouche dans la mer,

c'est-à-dire dans le Golfe de Fonseca,par un delta. Car on
ne peut identifier au deltadu Rio Goascoran l'ensemblede

la zone contestéedu Goascoran dans leprésent différend. Il

1 La carte salvadorienne (mémoired'El Salvador,

carte 6.VI) dénomme ce bras "Estero dos Ramas - Canal El
Picadero Nuevo".ne saurait en être autrement que si les différents
"esteros", c'est-à-dire les différents bras de mer qui

indentent la côte dans cette zone, étaient identifiés, comme
pourrait le faire croire un simple coup d'oeil sur la carte,

à autant de bras du Rio Goascoran. Or cette assimilationdes
"esteros" à des "estuaires", que fait le mémoire d'El
Salvador, est contraire à la réalité.

B. LA CONFUSION ENTRE "ESTUAIRE" ET "ESTERO"

5. Le Gouvernement d'El Salvador emploie
indifféremment le concept géographique anglais d'"estuary"

et le concept géographique espagnold'"estero1'.Ainsi le
mémoire d'El Salvador parle-t-il de l'"Estero La Cutu"

- bras de mer ainsi dénommé aussi bien sur la carte
hondurienne 2656 11l, que sur la carte salvadorienne2 - de

"the Estuary of La Cutu", de l'"Estuaire de la cutuW3, mais
il le qualifie tout aussi bien, dans les conclusions deson
chapitre 6, de "the inlet of La Cutu", de "la crique4 de La

~utu"5 sans donner le moindre commencementd'explication à

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, cartes B.7.1 et

B.7.2.

2 Mémoire d'El Salvador, carte 6.VI.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.59, 6.60, 6.63;
trad. fr., p. 45-46.

Cette traduction donnée par le Greffe de la Cour
du 'terme "inlet" semble inappropriée. Plutôt qu'une
"crique", un "inlet" est un "bras de mer".

5 Mémoire d'El Salvador, chap. 6, Conclusions VI;
trad. fr., p. 50.ces variations de vocabulaire. De mëme, comme on le verra

plus loin, dans la traduction anglaise que le mémoire d'El
Salvador donne d'une demande d'arpentagedu terrain "Los

Amates" effectué en 1694 par Don Juan Bautista Fuentes,
luEstero El Capulin" devient également "an estuary", "un

estuairen1. Le croquis 6.6 intégré au mémoire d'El Salvador
montre enfin, si besoin en était, que cette

interchangeabilité des concepts d'"estera" et d'"estuary"
n'est pas accidentelle et qu'elle exprimeindiscutablement

le point de vue de la Partie adverse dans le présent
différend : en effet tous les "esteros"qui caractérisent la

cote entre l'embouchure actuelledu Rio Goascoran et le bras
de mer qu'elle considère comme 1'"old mouth of Goascoran

river" sont qualifiés d'"estuairesN ("El Brujo estuary",
"Dos Ramas estuary", "Pez Espada estuary", "Llano Largo

estuary", "El Coyol estuary", "El Capulin estuary" et "La
Cutu estuary") alors qu'ils figurent sous le nom d"'esteros"

sur la carte officielle salvadorienne elle-même("Estero El
Brujo", "Estero Dos Ramas", "Estero del Pez Espada", "Estero

Llano Largo", "Estero EL Coyol", "Estero El Capulin" et
"Estero La Cutu"). Le Gouvernement du Honduras estimequ'une

telle confusion est inacceptable sur le plan de la
terminologie comme sur le plan de la géographie et qu'elle a

été imaginée à dessein par la Partie adverse pour les
besoins de sa cause dans leprésent différend.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.61; trad. Er.,
p. 45. 6. Sur le plan strictement terminologique,il n'est
pas exact de traduire le vocable espagnol "estero" par le

vocable anglais "estuary" ("estuaire"en français), en
d'autres termes de le considérer comme un synonymedu terme

espagnol "estuario". En effet, le mot espagnol "estero"
correspond, dans son sens principal, au mot anglais "inlet"

et au mot français "brasde mer".

Les deux concepts sont différents d'ailleurs quant à
leur signification géographique. Un "estero" désigne

principalement un bras de mer dont les eaux, qui sont des
eaux marines salées, montent et baissent en suivant les

mouvements de la marée, bien qu'il arrive qu'un "estero"
puisse servir accidentellement, au moins pendant certaines

périodes de l'année, à l'écoulement des eaux d'une rivière.
Quant à un "estuaire", il concerne l'embouchure d'un fleuve

ou d'une rivière lorsqu'ils débouchent dans la mer et
correspond à la forme la plus classique de transition entre

le domaine continental et le domaine marin. Il se
caractérise par un mélange des eaux, les eaux douces

fluviales descendant vers la mer et rencontrant à la marée
montante la poussée vers la terre des eaux marines salées.

7. En particulier, on ne peut confondre "estero" et
"estuaire" dans la zone du Goascoran. Un simple coup d'oeil

sur les cartes terrestresou sur les cartes marines suffit

pour constater que la ligne côtière, dans cettepartie du
Golfe de Fonseca, est caractérisée non seulement par

l'embouchure du Rio Goascoran, mais aussi par la présence de
nombreux "esteros" dont le volume et la nature des eaux

qu'ils drainent varient suivant la période de l'année et
suivant qu'ils ont ou non des rapports avec le Rio

Goascoran. Le cours inférieur de certains d'entre euxvéhicule principalement de l'eau salée tout au long de
l'année, alors que leur cours supérieur draine de l'eau

douce pendant la saison des pluies et demeure sec le reste
du temps. D'autres "esteros" peuvent, de surcroît,

constituer des déversoirs du Rio Goascoran lorsqu'il déborde
de son lit principal à certaines époquesde l'année.

Dès lors, aussi complexe que soit le régime des eaux

dans la zone du Goascoran, les conclusions nesauraient être
mises en doute. En premier lieu, seul le cours inférieur du'

Rio Goascoran constitueun "estuaire" avec le mélange, tout
au long de l'année, des eaux douces fluviales descendantes

et des eaux marines salées montantes. En second lieu, aucun
des bras de mer dénommés "esteros" dans cette partie du

Golfe de Fonseca ne se caractérise par la prédominance des
phénomènes fluviaux. C'est dire,en troisième lieu, que la

zone du Goascoran ne peut être qualifiée, comme le fait El
Salvador, de "delta" puisque, dans les deltas, les

influences marines sont mineures. Ainsi, les confusions
terminologiquesque fait apparaitre une lecture attentive du

mémoire d'El Salvador doivent-elles ëtre dénoncées, étant
entendu que les concepts d'estuaire d'un cours d'eau, de

bras d'un delta et de bras de mer sont distincts.

II. LA LOCALISATIONDU DIFFEREND

A. LA DETERMINATIONDU POINT DE DEPART DE LA ZONE
CONTESTEE DU GOASCORAN

1. L'accord de principe surle lieu-dit "Los Amates"

8. Pour les Parties au présent différend, le point

Nord de la zone contestée du Goascoran ne semble fairel'objet d'aucune discussion. Il s'agit en effet d'un point
situé sur la rive gauche du Rio Goascoran qui est dénommé

"Los Amates" par le Gouvernement du ~ondurasl et "La
Rompicion de Los Amates" par le Gouvernementd'El salvador2.

Cet accord des Parties s'explique tout naturellement

puisqu'elles avaient convenu, aux termes de l'article 16 du
Traité Général de Paix du 30 octobre 1980, que le septième

secteur de la frontière terrestre reconnue entre les deux
pays suivait le cours du Rio Goascoran depuis son confluent

avec le Rio Guajiniquil ou Pescado

"~usqu'au point de la dite rivière appelé Los
Amates"5 (soulignépar nous).

Les Parties avaient ainsi admisque ce secteur de la
frontière n'était "pas sujet à constestation" et tout

particulièrement que ce point dénommé "Los Amates" était,
suivant la formule employée dans l'article 17 de ce même

Traité Général dePaix, "invariable à perpétuité".

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 357,
par. 1, carte 8.7.1.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6, conclusions VI,
cartes 6.6, 6.12 et 6.V1, trad. fr., p. 50.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, annexe
IV.1.55, p. 813.2. La diverqence quantà la détermination techniquede ce point

9. Si les deux Gouvernements sont ainsi d'accord, sur
le plan de la dénomination du site, pour considérer le lieu-

dit "LOS Amates" comme point indiscuté, à partir duquel
commence la zone du Goascoran, il existe néanmoins une

divergence, au demeurant mineure, dans la détermination des
coordonnées géographiquesde ce point, telle qu'elle résulte

des mémoires respectifs des Parties dans le présent
différend. En effet, pour le Honduras, il est situé "sur la

rivière Goascoran", à "13° 26' 28" de latitude Nord et
87O 43' 20" de longitude ~uest"~, alors que, pour El

Salvador, le point dénommé "Rompici6n de Los Amates" est
localisé à 13" 26' 29" de latitude Nord et 87O 43' 25" de

longitude ouest2. Ainsi, l'écart entre les deux points est-
il de l'ordre d'une seconde pour la latitude et de cinq

secondes pour la longitude.

10. Cette divergence ne saurait étre surmontée en
recourant aux termes mêmes de l'article 16 du Traité Général

de Paix de 1980 ou à ses travaux préparatoires puisqueles
négociateurs, ayant considéréque le lieu-dit "Los Amates"

n'était pas controversé, n'en ont pas indiqué les
coordonnées géographiquesprécises.

1 Mémoire du Honduras, vol. 11, conclusions
p. 745-746.

2 Mémoire d'El Salvador, conclusions VI et
carte 6.12: trad. fr. p. 50. L'identificationde ce point ne soulève cependant pas

de réelles difficultés. Il suffit en effet de se référer aux

travaux de la Commission mixte de délimitation El Salvador-
Honduras créée le ler mai 1980 - et à laquelle renvoie

l'article 18 du Traité Général de Paix - qui avait notamment
pour fonction de "démarquer la ligne frontière décrite à

l'article 16". Or les Délégués des deux pays étaient
parvenus, par un "Acta no 2", du 15 février 1983, à un accord

en application duquel ontété construites quatre bornes de
référence ("hitos referenciales"), deux à l'Est du Rio

Goascoran et deux à l'Ouest, correspondant à quatre points
décrits avec précision. Ils avaient égalementconvenu que:

"La interseccion de las diaqonales del poliqono
-~- ~-~
resultante de los cuatro puntos descritos
anteriormente, determina el centro del cauce del
rio Goascoran, puntode partida de la demarcacion
de la Seccion SeptimaML (soulignépar nous)

c'est-à-dire, en d'autres termes, le lieu-dit "Los Amates".
Par conséquent, les coordonnées géographiques de ce point

n'ont pas été précisées par la Commission et sa position,
telle qu'elle a été indiquée dans le mémoire du Honduras

("13O 26' 28" de latitude Nord et 87O 43' 20" de longitude
Ouest") n'est qu'approximative, maison peut penser que les

experts des deux pays parviendront aisément à un accord sur
cette question. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

1 "L'intersection des diagonales du polygone
résultant des quatre points décrits précédemment, détermine

le centre du lit du rio Goascoran, point de départ de la
démarcationdu Septième Secteur." B. LE DESACCORD DES PARTIES SUR LA DETERMINATION DU POINT

D'ABOUTISSEMENT DE LA FRONTIWE TERRESTRE DANS LA
ZONE DU GOASCORAN

1. La position respectivedes Parties

11. Pour le Gouvernement du Honduras, le point
d'aboutissement de la frontière terrestre dans la zone

contestée du Goascoran est à l'embouchure du bras le plus
septentrional du Rio Goascoran, situé au Nord du terrain El

Rivolcon et dénommé à tort sur la carte salvadorienne
"Estero El ~rujo"~. Plus précisément, ce point est situé au

Nord-Ouest des îles Ramaditas, là où ce bras du Rio
Goascoran débouche dans la partie du Golfe de Fonseca

correspondant à la Baie de la Union et ses coordonnées
géographiques sont, ainsi que l'avait fixé le mémoire

hondurien, "13O 24' 26" de latitude Nord et 87O 49' 05" de
longitude ~uest"~.

12. Pour le Gouvernement d'El Salvador,en revanche,

le point terminal de la frontière terrestre dans la zone
constestée du Goascoran est situé dans ce qu'il appelle

"l'ancienne embouchure du Goascoran, dans la crique (sic) de
La Cutu" ("the old mouth of the Goascoran River, in the

inlet of La Cutu"), en un point caractérisé par les
coordonnées géographiques suivantes: "13' 22' 00" de

1 Mémoire d'El Salvador,Book of Maps, carte 6.VI.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, conclusions p. 745-
746.latitude Nordiet 87O 41' 25" de longitude ouest1. Le point
terminal de la frontière terrestre dans cette zone serait

par conséquent situé,de son point de vue,au milieu de la
ligne de fermeture de1"Estero La Cutu". On démontrera plus

loin que c'est là un point de vue juridiquement
insoutenable, maison voudrait observerdès maintenantqu'il

ne tient pas davantage géographiquement. D'une part, c'est à
tort que la Partie adverse - confondant les concepts

géographiques d'"Estero" ("Inlet") et d'"Estuario"
("~stuar~")~ - appelle l'"Ester0 La Cutu" sur la carte

annexée à son mémoire, "La Cutu ~stuar~"~.D'autre part et
surtout, la Partie adverse n'apporte aucune preuve,

géographique ou géologique, que l'"Estero La Cutu" ait pu
correspondre à l'ancienne embouchuredu Rio Goascoran : or

s'il est possible, bien que non prouvé, que l'ancien cours
du Rio Goascoran se soit jeté dans le Golfe de Fonsecapar

l'actuel "Estero El Coyol"ou, à la rigueur, par l'"Ester0
El Capulin", il est impensable qu'il ait jamais utilisé

l'actuel "Estero La Cutu", car ce dernier est beaucoup trop
à l'Est.

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 6, conclusions VI;
trad. fr., p. 50.

2 Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 5-7.

3 Mémoire d'El Salvador, Book of Maps, carte 6.VI. 2. L'identificationde la zone contestée du Goascoran

13. Le désaccord entre les Partiessur le tracé de la

ligne frontière dansla zone du Goascoran est par conséquent
complet. Pour le Honduras, elle suit le lit actuel du Rio

Goascoran en son milieu, depuis le lieu-dit "Los Amates"
jusqu'en un point déterminéprécédemmentl,au Nord-Ouest des

Iles ~amaditas~. Pour El Salvador, en revanche, la ligne
divisoire doit correspondre à ce qu'il considère - au moins
dans son mémoire puisque, commeon le verra plus loin, sa

position a varié sur ce point dans le temps - comme ayant
été l'ancien lit du Rio Goascoran ("old river-bed of

Goascoran ri~er'')~,depuis le lieu-dit "La Rompicion de Los
Amates" jusqu'au point précité dans 1'"Estero La Cutu".

Ainsi la zone constestée du Goascoran, qui. a la forme
approximative d'un triangle, se trouve-t-elle clairement

circonscrite4.

14. La détermination par la Chambre du point terminal
de la zone contestée du Goascoran présente une importance
particulière car il est situé à l'intersection de la

frontière terrestre et de la frontière maritime et, en
d'autres termes, correspond au point d'aboutissement de la

frontière terrestre et au point de départ de la frontière
maritime. Ce point charnière constitue dès lors,ainsi que

1 Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 11.

2 Mémoire du Honduras, cartesB.7.1 et B.7.2.

3 Mémoire d'El Salvador, carte 6.VI.

4 Contre-mémoiredu Honduras, croquis7.1 en regard.l'a souligné la Cour Internationale de Justice dansl'arrêt

qu'elle a rendu, le 24février 1982, en l'affaire du plateau
continental Tunisie-Libve, un "repère essentielu1 pour la

délimitation maritimedans le Golfe de Fonseca.

15. Le Gouvernement du Honduras, constatant le
caractère inconciliable des thèses respectives des Parties

dans la zone du Goascoran, entend présenter ses observations
sur les développements que le mémoire d'El Salvador lui a

consacrés. Il montrera d'abord que le tracé salvadorien ne
peut être retenu par la Chambre parce qu'il est dépourvu de
tout fondement (section II) et ensuite que, seul, le tracé

hondurien est conforme au droit applicable entre les Parties
(section III).

1 C.I.J. Recueil 1982, p. 66, par. 85. Section II. Le rejet de la thèse salvadorienne
dans la zone du Goascorin

16. La thèse salvadorienne, suivant laquelle la ligne

divisoire dans la zone du Goascoran doit suivre l'ancien lit
du Rio Goascoran, repose sur trois arguments principaux1.

1 El Salvador invoque également l'autorité d'un
auteur hondurien, Bernardo Galindo y Galindo qui, à en
croire la Partie adverse, conforterait la thèse suivant
laquelle la frontière est constituéepar "l'ancien bras - le
plus oriental - du Goascoran, lequel se jette dans...
l'estuaire de La Cutu" (mémoire d'El Salvador, chap. 6.59 et
6.67; trad. Er. p. 45 et 47).
Cette référence à Galindo y Galindo ne saurait cependant
être retenue car elle déforme sa pensée, ainsi que le fait
apparaître une lecture attentive des développements qu'i al
consacrés, dans un ouvrage de vulgarisation écrit pour les
enseignants de Nacabme à des fins scolaires (Monogràfia del
Departamento de Valle, Tegucigalpa, 1934, p. 6-7, contre
mémoire du Honduras, annexeVIII.1)Sans doute cet auteur
considère-t-il que l'ancien lit du Rio Goascoran se jetait
dans l'"Estero La Cutu", puisque, d'après lui, "Sobrela
margen izquierda se encuentran vestigios de su primitivo
lecho, la corriente pasaba entra la villa de Goascoran y el
pueblo de Alianza desaguando en el estero de la Cutu, frente
a la isla de Zacata grande" (op. cit., p. 6). Mais il n'a
pas pour autant soutenu, comme le laisse entendre la Partie
adverse, que ce "lit primitif" du Rio Goascoran sert de
frontière entrele Honduras et El Salvador.
Tout au contraire, pour Galindo y Galindo, c'est le cours
actuel du Rio Goascoran qui constituela ligne divisoire
entre les deux payx. Il a en effet clairementaffirmé, dans
sa monographie, que "El rio Goascoran... tiene una extension
de 150 kilometros, aproximadamente, y se dirige de norte a
sur, atravesando parte de los Departamentos de la Paz y
Valle, ademas sirve de linea divisoria entre este ultimo
Departamento y el de la Union de El Salvador, en una
extension de mas de 68 kilometros. Desemboca enla bahia de
La Union al noroeste y a diez kilometros del Puerto,
formando una barra tran~uila ..."souligné par nous; op. cit.
P. '5)-(Contre-mémoire du Honduras, AnnexeVIII.1 page 244.). Premier argument : El Salvador invoque l'existenced'un
arpentage effectuéen 1694, dans "une zone dite Los Amates",

à la demande de Juan Bautiçta de Fuentes, originairede la
province de San Miguel, par le Capitaine Don Franciscode

Goicochea y Uriarte, sur délégation de 1"'Alcalde Mayor" de
San Salvador, le Lieutenant principal Don José Calvo de

~aral.

Second argument : El Salvador s'appuie sur le
changement de lit qu'aurait connu le Rio Goascoran. En

effet, cette rivière, après s'être orientée, par la
"Rompicibn de Los Amates", vers le Sud et s'être jetée dans

le Golfe de Fonseca par l'"Ester0 La Cutu", aurait
brusquement changé de cours et se serait dirigée vers le

Sud-Ouest. On se trouverait,par conséquent, du point de vue
de la Partie adverse, devant un cas de modification brutale

du cours du fleuve frontière et dèslors, sur la base de la
prétendue "règle" de l'avulsion, la ligne divisoire

originelle devrait être maintenue2.

Troisième argument : cette ancienne ligne frontière est
d'autant plus intangibleque la construction en 1916 d'une

digue sur la rive gauche du Rio Goascoran, à Los Amates, par

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.61-6.64; trad. fr.
p. 45-46.

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 6.65-6.68; trad. fr.
p 46-47. les autorités honduriennes aurait empêchéla rivière de
"rejoindre" son ancien lit1. El Salvador insinue que le

Honduras aurait ainsi contribué à "détourner" le Rio
Goascoran de son ancien lit ("the change in the water

courseM)2.

17. La thèse salvadorienne ainsi systématisée doit
être, du point de vue du Gouvernement du Honduras, écartée.

Elle a été imaginée pour les besoins de la cause et en
réalité elle repose sur des données inexacteset dépourvues

de tout fondement juridique. Mais avant de répondre aux
différents arguments de la Partie adverse, on voudrait

montrer que la revendication salvadorienne n'a été exposée
que tardivement et qu'elle a si souvent varié dans le temps

qu'elle perd toute cohérence.

1. La revendicationd'El Salvador sur la zone
du Goascoran est tardive

18. Le Gouvernement du Honduras voudrait d'abord

, rappeler, ainsi qu'il l'a déjà montré dans son mémoire3,
qu'on se trouve en présence "d'un litige territorial

tardif". C'est en effet, en 1972 seulement,au cours des

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.65; trad. fr.

p. 46.

2 Mémoire .d'El Salvador, chap. 6.66; trad. Er.
p. 46.

3 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, P. 3631
par. 8; p. 369, par. 13; p. 372, par. 17; P. 375-3761
par. 21.négociations frontalières quise sont déroulées à Antigua,
au Guatemala, qu'El Salvador a présenté, pour la première

fois, une revendication sur la zone du Goascoran. Plus
précisément, c'est le 11 juin 1972 que cette prétention

salvadorienne a été exposée, alors que les deux délégations
venaient de décider de procéder à l'examen de la frontière
terrestre entre lesdeux pays, en commençant:

"à l'endroit où la rivière Goascoran se jette dans
le Golfe de g on sec al."

19. Face à cette surprenante revendication
salvadorienne, la délégation du Honduras a répondu, se

conformant ainsi à ce qui avait été constamment admis,
implicitement ou explicitement, jusqu'à cette date entre les

deux Etats voisins, sans la moindre contestation, que la
frontière commence à "l'endroit où la rivière Goascoran

débouche dans le Golfe de Fonseca... au Nord-Est des îles
Ramaditas' et qu'elle suit cette rivière "jusqu'au lieu

appelé Los matesu2. En revanche, la délégation d'El
Salvador a soutenu que:

"l'endroit où la rivière Goascoran débouche dans
le Golfe de Fonseca se trouve au Nord-Est de 1'île
Conejo et (que) là commence la ligne de division
entre les deux pays, en suivant ensuite la rivière
mentionnée jusqueau lieu appelé Los mates3. "

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
IV.1.22.A, p. 577.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe

IV.1.22.A, p. 577.

3 ibid., p. 577. Les deux délégations ont alors pris acte de "la
première divergence entre les Parties" dansce secteur de la

frontière prochedu Golfe de Fonseca.

Une revendication salvadorienne aussi tardive sur la

zone du Goascoran pouvait paraître d'a.tant plus singulière
qu'El Salvador avait eu, depuis son accession à

l'indépendance, de multiples occasionspour faire connaître
ses prétentions sur cette zone, au cours des nombreuses

négociations frontalières qui ont émaillé l'histoire des
relations entre les deux Etats. Non seulement El Salvador

n'avait jamais revendiqué la zone du Goascoran de 1821à
juin 1972, pendant plus d'un siècle et demi, mais, comme le

mémoire du Honduras l'a déjà souligné1 et comme on le
rappellera plus loin, il avait expressément reconnu que

cette zone relevait de la souveraineté du Honduras. La
tardiveté de cette réclamation renforce l'impression déjà

mentionnée qu'elle aété formulée pour les besoins de la
cause, dans le contexte particulier qui a suivi le conflit

de 1969 entre les deux Etats. En un mot, on se trouve en
présence, pour reprendre la formule employée dansla requête
introductive d'instance déposée en mai 1955 au Greffe de la

Cour internationale de Justice par le Royaume-Uni contre
l'Argentine et le Chili, dans les affaires relatives à

l'Antarctique, d'une simple "réclamation sur le papier", en
d'autres termes d'un"paper claim"2.
.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 363-371,

par. 9-16.
2 C.I.J., mémoires, plaidoiries et documents,

affaires relatives à l'Antarctique,1955, p. 30. II. La position d'El Salvadorface à la zone

du Goascor&n a varié dans le temps

20. En second lieu, les prétentionsd'El Salvador sur
la zone du Goascoran se caractérisent par leurs variations

dans' le temps, perdant ainsi toute cohérence et toute
signification. Pour ne pas alourdir la démonstration, on se

bornera à en donner trois exemplescorrespondant à trois
dates clés dans l'histoire frontalière des deux pays: le

10 avril 1884, date de la signature de la Convention non
ratifiée Cruz-Letona: le11 juin 1972, date de l'échange de

propositions entre les deux délégations, lors des
négociations d'Antigua; le ler juin 1988 enfin, date du

dépôt au Greffe de la Cour Internationale de ~ustice du
mémoire dans la présente affaire.Or, à aucune de ces trois
dates, particulièrement significatives, la position de la

Partie adverse concernant la zone du Goascoran n'a été la
même, ce qui ne peut qu'accentuer le caractère douteux des

prétentions salvadoriennes.

1. La ConventionCruz-Letonadu 10 avril 1884: la reconnaissance
par El Salvador, comme frontière dans la zone du Goascoran,

du cours actuel du Rio Goascoran

21. Aux termes de l'article 3 de cette Convention
-qui, on le rappellera,a été signée le 10 avril 1884 mais

n'a jamais été ratifiée -

"la partie orientale de la frontière terrestre
commence à l'embouchure du Goascoran, Baie de la
Union, en suivant la rivière même, en amont
iusqu'à sa confluence avec la rivière El Pescado
ou Guajiniquiil.. ." (soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.54, p. 180. Ce qui signifie que le Gouvernement d'El Salvador
considérait, à cette date, que la frontière correspondait,

dans cette zone du Goascoran, au cours actuel du Rio
Goascoran, depuis son embouchure dans la Baie de la Union
jusqu'à son confluent avec le Rio Pescadoou Guajiniquil.

Cette disposition impliquait d'abord, comme l'entérinera
l'article 16 du Traité Général de Paix du 30 octobre 1980,

que la limite définitive entre lesdeux Etats suivait la
partie du Rio Goascoran situéeen amont et comprise entre le

lieu-dit Los Amates et le confluent du Rio Pescado ou
Guajiniquil et du Rio Goascoran. Mais cette disposition

impliquait égalementque la limite définitiveentre les deux
Etats correspondait à la partie du Rio Goascoran situéeen

aval du lieu-dit Los Amates jusqu'à l'embouchure de sonbras
le plus septentrional dansla Baie de la Union, à proximité

des Iles ~amaditas1.

22. Le Gouvernement d'El Salvadorne peut contester
qu'il avait ainsiconsenti, le 10 avril 1884, que le lit

suivi à cette date par le Rio Goascoran - c'est-à-dire,pour
l'essentiel, son lit actuel - constituat la ligne divisoire

entre les deux Etats dans cette zone. La Partie adverse ne
saurait sérieusement prétendre qu'à cette date le Honduras

et El Salvador considéraientcomme frontière un ancien lit
du Rio Goascoran, situé nettement à l'Est du lit actuel et

dont l'embouchureaurait correspondu à l'un ou l'autre des
bras de mer, à l'un ou l'autre des "esteros" qui

caractérisent encore aujourd'hui la ligne côtière danstoute
cette zone.

1 Contre-mémoiredu Honduras, infra. par. 104. En effet, l'article 3 de la Convention Cruz-Letona se

réfère expressément à l'embouchure du Rio Goascoran dans la
Baie de la Union. Dès lors, si les rédacteurs de cette

disposition avaient pensé à une embouchure autre que celle
où sont situées les Iles Ramaditas et à l'un des bras de mer

caractérisant la partie orientale de la zone.du Goascoran -
comme l'"Estero El Coyol", l'"Ester0 El Capulin" ou

l'"Ester0 La Cutu" - ils n'auraient pas manqué d'indiquer
que la rivière en question se serait jetée, non pas dans la

Baie de la Union comme ils l'ont dit, mais dans la Baie de
Chismuyo ou, d'une façon moins précise, dans le Golfe ,de

Fonseca en général.

De surcroît, cette interprétationque l'on vient de
donner de l'article 3 de la Convention Cruz-Letona ne
faisait qu'entériner, comme on le montrera plus loin,

l'accord des deux Gouvernements sur le même cours du Rio
Goascoran comme ligne divisoire qui était déjà clairement

apparue au cours des conversationsqui s'étaient déroulées à
Saco en 1880. Accord qui sera, en outre, confirmépendant de

nouvelles négociations frontalières qui se tiendront,
quelques années plus tard, en 1888, à la ~nionl. Pour ces

différentes raisons, la reconnaissance en 1884 par El
Salvador du cours alors suivi par le Rio Goascoran depuis

son embouchure au Nord-Ouest des îles Ramaditas jusqu'à son'
confluent avec le Rio Pescado ou Guajiniquil - qui

correspond, pour l'essentiel, à son cours actuel - ne peut
être contestée.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 363-365,
par. 9-11 et contre-mémoiredu Honduras, infra., par. 105. 2. L'échanqe de propositions au cours des néqociations

d'Antiqua le 11 juin 1972: la revendication par El
Salvador, comme frontière dans la zone du Goascorin,

d'un ancien lit du Rio Goascoran dont l'embouchure
correspondrait à l'"Estero El Coyol"

23. Ainsi qu'on l'a déjà relevé1, c'est en 1972, au

cours des négociations frontalières qui se sont déroulées à
Antigua, au Guatemala, que le Gouvernement d'El Salvador a

renvendiqué pour la première fois la zone du Goascoran. Il
abandonnait ainsi la position antérieure qu'il avait

constamment adoptée depuis son accession à l'indépendanceen
1821, soit implicitement, soit explicitement, et qui

consistait à admettre comme ligne divisoire dans cette zone
le cours qu'a suivi le Rio Goascorin pendant toute cette

période, depuis son embouchure, à la hauteur des Iles
Ramaditas, dans la Baie de la Union, jusqu'au lieu-dit Los

Amates et même au-delà jusqu'auPaso de Unire, confluence de
la rivière Goascoran et la rivière Guajiniquilou Pescado.

La délégation d'El Salvador avait en effet soutenu à

Antigua, le 11 juin 1972, que:

"l'endroit où la rivière Goascoran débouche dans
le Golfe de Fonseca se trouve au Nord-Ouest de
l'île Conejo, et (que) là commence la liq-e-de
division entre les deux pays, en suivant ensuite
la rivière mentionnée jusqu'au lieu appelé Los
AmatesL" (soulignépar nous).

1 Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 18-19.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 372,

par. 17; Annexes, vol. II, Annexe IV.1.22.A, p. 577.La représentation graphique de cette revendication
salvadorienne nouvelle figure sur un calque remis à Antigua

à la délégation du ~ondurasl et elle a été reportée sur le
croquis B.7.1 du mémoire du Honduras. Elle apparaît

également sur la carte marine américaine no 21521 (édition
1985), la zone du Goascoran ainsi comprise entre le cours

actuel du Rio Goascoran et son ancien lit jusqu'à ce qu'il
rejoigne l'"'EsteroEl Coyol", y étant qualifiée de ".in

disputeu2. Les prétentions salvadoriennes ainsi formulées à
Antigua appellent les deux observations suivantes.

a) Première observation: la dualité de nature du tracé

.dEl Salvador

24 Le tracé frontalier revendiqué par El Salvador à
Antigua en 1972 a une double nature : il est pour partie

maritime et pour partie terrestre.

La première partie de ce tracé, à partir du Golfe de

Fonseca, est en effet maritime et correspond à un bras de
mer dénommé sur les cartes honduriennes comme sur les cartes

salvadoriennes l'"Estero El Coyol". Le tracé salvadorien
emprunte ainsi, en son milieu, le bras principal de

l'"Estero El Coyol" suivant une direction générale Sud-Nord
puis, après plusieurs coudes,il s'engage sur un de ses bras

secondaires, parallèle à la ligne côtière, suivant une
direction Ouest-Est qui rejoint, par plusieurs de ses

pédoncules, l'"Estero El Capulin", pour suivre, à nouveau

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 358,
par. 3.

2 Contre-mémoiredu Honduras, croquis7.2 en regard.dans la direction du Nord, les ultimes méandresde l'"Estero
El Capulin". Les eaux qu'on trouve dans ces différents bras

de mer sont naturellement saléeset elles vont et viennent
avec les mouvementsde la marée1.

Quant à la seconde partie du tracé salvadorien, elle

est terrestre et correspond à l'ancien lit du Rio Goascoran.
Elle prolonge d'abord vers le Nord l'"Estero El Capulin",

laissant ainsi sur sa gauche le lieu-dit El Capulin et la
localité de Valle Nuevo et sur sa droite la localité de

Calicanto. Puis elle forme, jusqu'à ce qu'elle rencontre le
cours actuel du Rio Goascoran au lieu-dit Los Amates, la

"Rompicion de Los Amates", laquelle peut occasionnellement
devenir pendant la saison des pluies, un déversoir du Rio

Goascoran quand il déborde. C'est dire que, lorsqu'on y
trouve de l'eau, il s'.agitde l'eau douce fluviale qui suit

un mouvement Nord Sud ou qui stagne.

25. On voudrait ajouter que, sur le plan de la
toponymie qui caractérisela région traversé par le tracé

salvadorien, dans sa partie maritime comme dans sa partie
terrestre, rien ne rappelle ou ne permet de rappeler leRio

Goascoran ou l'un de ses ancienslits.

1 L'examen des carteshonduriennes et salvadoriennes
permet de penser que la partie maritime du tracé salvadorien
correspondant à l'"Ester0 El Coyol" n'est pas reliée à
l'Ouest et au Nord-Ouest au Rio Goascoran. L'"Estero El
Coyol" ne semble pas en effet rejoindre l'"Estero Llano
Largo" ou l'"Estero del Pez Espada" (suivi de l'"Estero Leon
Grande") qui se rencontrent à l'Ouest de la Costa de los
Amates dans un canal dans lequel peuvent se déverser,
pendant la saison des pluies, leseaux du Rio Goascoran par
le "Cauce El Guichoso" ou le "Cauce La Ceiba". b) Seconde observation: la référence à la description

du Dr. Barberena

26. La délégation d'El Salvador n'a apporté, au cours
des conversations d'Antigua, aucune justification ni aucun

commencement de justification à ses prétentions sur la zone
du Goascoran ainsi comprise. Elle nepouvait avancer aucun

titre de terre présentant un minimum de vraisemblance ni
aucune preuve cartographique. Elle ne pouvait invoquer un

auteur hondurien qui aurait soutenu - comme l'avait fait à
tort Galindo y Galindo pour l'"Estero La ~utu"~ - qu'un

ancien lit du Rio Goascoran aurait correspondu à l'"Estero
El Coyol".

En fait, il semble que la seule référence à l'"Estero

El Coyol" que la Partie adverse ait.pu trouver figure dans
la description géographiquede la frontière entre les deux

pays qu'à donnée en 1889 le Dr. Barberena. Non pas que ce
dernier ait jamais prétendu que la ligne divisoire dans la

zone du Goascoran corresponde à un ancien lit du Rio
Goascoran et tout particulièrement à l'"Estero El Coyol".

Mais l'ingénieur salvadorien avait seulement fait allusion à
l'l'ancienneembouchure''du Rio Goascoran ''en face de la

petite île du conejoU2. Le Gouvernement du Hondurasvoit mal
comment cette simple référence pourrait servirde fondement

à la revendication salvadorienne de 1972.

1 cent-re-mémoire du Honduras, supra., P. 497,
par. 16, note 1.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 376,
par.22; Annexes vol. 1, Annexe III.2.1O.B, p. 261. 27. On aurait pu croire que la Partie adverse s'en

serait cependant tenue, dans leprésent différend, à cette
même revendication, aussi hasardeuse et peu justifiée

qu'elle fût. On retrouve en effetle même tracé sur d'autres
documents officiels d'El Salvador de la même époque, comme

la "Mapa oficial de la Républica El Salvador" publiée en
juin 1973 par l'Institut0 Geografico Nacional pour le compte

du Ministère salvadorien des Travauxpublics sur laquelle la
ligne divisoire dans la zone du Goascoran correspond à la

thèse qu'ont soutenue les négociateurs d'El Salvador à
Antigua en 1972l. Il n'en est cependant rien : El Salvador,

n'hésitant pas à ajouter une incohérence nouvelle au dossier
peu fourni qu'il avait présenté à Antigua, soutient dans le

mémoire qu'il a déposé devant la Chambre un tracé différent,
projetant encore plus à l'Est la ligne revendiquée.

3. Le mémoire d'El Salvador du ler juin 1988 : la

revendication par El Salvador, comme frontièredans la
zone du Goascorin, d'un ancien lit du Rio Goascoran

dont l'embouchurecorrespondrait à l'"Estero La Cutu"

28. Le Gouvernement d'El Salvador, feignant d'oublier

la thèse qu'il avait soutenue à Antigua, en 1972, affirme,
dans son mémoire concernant le présent différend, que, dans

la zone du Goascoran,

Ainsi qu'on l'a déjà remarqué (contre-mémoire du
Honduras, supra., par. 23), on trouve égalementce tracé sur
des cartes émanant d'Etats tiers, comme la carte marine
américaine no 21521, ed. 1985 (contre-mémoire du Honduras,
croquis 7.2 en regard de la page 506). "la liqne frontière est constituée par un ancien
bras - le plus oriental - du Goascoran, lequel se
jette dans le même qolfe, à savoir l'estuaire
Isic) de la Cutu, dans la circonscription de
Pasaquina, dé artement de la Union en République
d'El SalvadorP" (soulignépar nous).

La représentation graphique de cenouveau tracé est donnée
par les croquis 17.6et 6.12 ainsi que par la carte 6.VI

annexée au mémoire d'El Salvador.

29. La Partie adverse soutient par conséquent devant
la Chambre un tracé différent - au moins dans son secteur

maritime - de celui qu'elle avait exposé, au cours des
conversations d'Antigua, à la délégation du Honduras. D'une

longueur de 17,3 k.ilomètres2,le nouveau tracé salvadorien
comporte trois parties. La première partie, maritime, suit

l'"Estero La Cutu" en son milieu, en direction du Nord,
depuis la mer jusqu'à son confluent avec l'"Estero El

Jiotillo". La seconde partie, également maritime, emprunte,
dans une direction Nord-Nord-Ouest, les méandres du canal

d'où proviennent l'"Ester0 La Cutu" et l'"Estero El
Jiotillo", laissant sur la droite les localités de La Cutu

et de Los Guatales et sur la gauche la localité déjà
mentionnée de Calicanto. La troisième partie enfindu tracé

salvadorien renvendiqué en1988, purement terrestre, rejoint
la partie septentrionale du tracé revendiqué en 1972,

correspondant à la "Rompicion de Los Amates", qui est
susceptible, comme on le sait, de servir pendant la saison

des pluies, de déversoir à l'actuel Rio Goascoran. Cette
nouvelle prétention salvadorienne appelledeux observations

principales.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.59; trad. fr.

p. 45.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6, conclusions VI al Première observation: une définition hésitante de
"l'ancien lit" du Rio Goascoran

30. La Partie adverse ne donne pas une définition

claire de ce qu'elle considère comme étant,dans le nouveau
tracé qu'elle propose, l'@anciencours" du Rio Goascoran.

Correspond-il à la totalité de ce tracé depuis le lieu-dit
Los Amates sur la rive de l'actuel Rio Goascoran jusqu'à

"l'ancienne embouchuredu Goascoran, dans la crique (sic) de
La Cutu" ou à une partie seulement de ce tracé ? Non

seulement le mémoire d'El Salvador ne donne aucune précision
sur cette question, mais encore les documents

cartographiques de la Partie adverse n'y apportent pas moins
de trois réponses différentes.

Le croquis 6.12 intégré dans le mémoire d'El Salvador

donne une définition extensive de "l'ancien cours" du Rio
Goascoran, puisqu'il qualifie d"'o1d bed-river of Goascoran

River" les 17,3 kilomètres du tracé frontalier depuis
l'embouchure de l'"Estero La Cutu" jusqu'à la "Rompicibn de

Los Amates". En revanche, la carte 6.VI du Book of Maps
annexé au mémoire d'El Salvador en donne une définition

restrictive, puisqu'elle qualifie d'"o1d river-bed of
Goascoran river" la seule partie centrale du tracé proposé,

comprise entre le confluent de l'"Estero La Cutu" et de
l'"Estero El Jiotillo" et la boucle qui prolonge la

"Rompicibnde Los Amates", à proximite de la localité de Los
Guatales. Enfin, le croquis 6.6 intégré au mémoire apporte

une réponse intermédiaire. Autant de variations qui
témoignent des incertitudes de la Partie adverse sur

l'identification del'ancien lit du Rio Goascoran. b) Seconde observation : le déplacement de la liqne

frontière vers l'Est

31. La dernière revendication salvadorienne se
caractérise, d'autre part et surtout, par une nouvelle

poussée des prétentions de la Partie adverse à l'intérieur
du territoire hondurien. Alors que le point d'aboutissement

de la frontière terrestre était situé, lors des négociations
d'Antigua de 1972 dans l'"Estero El Coyol", au Nord-Ouest de

l'île Conejo, il se trouve reporté.,dans le mémoire d'El
Salvador de 1988, à environ 6 kilomètres à vol d'oiseau vers

l'Est, dans l'"Estero La Cutu", à l'Est Nord-Est de l'île El
Garrobito. Le croquis 7.3 en regard permet de prendre une

exacte mesure de cette poussée vers l'Est, dans la partie
centrale de la zone du Goascoran mais surtout danssa partie

méridionale qui jouxte la mer.

32. Le mémoire hondurien avait remarqué, à propos de
la référence faite en 1889 par le Dr. Barberena sur

"l'ancienne embouchure'' du Rio Goascoran qui aurait
correspondu à l'"Estero El Coyol", que l'ingénieur

salvadorien poursuivait en réalité"un but préventif,
concernant l'avenir, en partant d'un fait hypothétique du

passé1." Il semblait en effet redouter, compte tenu de la
nature du sol sur la rive droite du Rio ~oascoran~, c'est-à-

dire du côté salvadorien,un nouveau changement de lit de la
rivière qui aurait eu pour conséquence de déplacer la

frontière existant alors entre les deux pays vers l'ouest et

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, P. 378,
par. 23.

2 Le cours du Rio Goascoran en 1889 correspondait,
pour l'essentiel, à son cours actuel.d'incorporer au territoire hondurien des terres
salvadoriennes correspondant à 1'"isla Muruhuaca" et à

ll"isla San ~uan"~.

Les prétentions salvadoriennes nouvelles, ainsi
formulées en 1988, relèvent d'un processus rigoureusement

inverse, en repoussantde plus en plus versl'Est la ligne
divisoire existant entre les deux pays dans la zone du

~oascoran~. Dans le méme sens, la Partie adverse relève,
dans son mémoire, au passage, comme incidemment, sans

apporter le moindre commencementde preuve, que, dans cette
zone, "ses habitants ontexploité et exploitent encore les

forêts extensivesde palétuviers et où ils vivent en général
de 'la pêche3." Ainsi le Gouvernement d'El Salvador, en

affirmant qu'il y a toujours eu et qu'il y a toujours une
présence et une infiltrationsalvadorienne dans la zone du

Goascoran, insinue-t-il qu'il est fondé à projeter toujours
plus avant ses revendications vers l'Est. De telles

revendications - dont les conséquences, si elles étaient
entérinées, seraient considérables, non seulementen ce qui

concerne le tracé de la frontière terrestre maiségalement
en ce qui concernela déterminationdu point de départ de la

frontière maritime dansle Golfe de Fonseca - révèlent les
incertitudes et le défaut de cohérence de la thèse

salvadorienne. Elles sont d'autant moins acceptables
qu'elles manquent de toute base juridique.

1 Mémoire d'El Salvador, Book of Maps, carte 6.VI.

2 Les revendications de la Partie adverse sur
l'ensemble des iles du Golfe de Fonseca, à l'exception de
l'île Zacate Grande, relèvent de la même tactique
judiciaire.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.63; trad. fr.,
p. 46. III. La thèse d'El Salvador est dépourvuede

tout fondementjuridique

A. LE TITRE DE PROPRIETE DE DON JUAN BAUTISTA DE FUENTES
SUR LA "ZONE DITE LOS AMATES", UN TITRE IMAGINAIRE

33. Le premier argument juridique avancé par la Partie
adversel pour justifier sa revendication sur la zone de

Goascoran depuis l'"Estero La Cutu" reposerait sur
l'existence d'un arpentage qui a été réalisé, le

30 octobre 1694, dans la "zone dite Los mat es" p^r, le
Capitaine Don Francisco de Goicochea y Uriarte, sur

délégation de 1'"Alcalde Mayor" de San Salvador, le
Lieutenant principal José Calvo de Lara. Le pétitionnaire,

Don Juan Bautista de Fuentes, originaire de la Province de
San Miguel souhaitait en effet acquérir, dans une zone
proche de l'embouchure du Rio Goascoran, des terrains d'une

superficie de.2,5 caballerias. Le Gouvernement du Honduras
ne conteste pas la régularitéde ce titre de terre au regard

du droit en vigueur pendant la période coloniale. En
revanche, il rejette catégoriquemenlta localisationque la

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.61-6.63, trad.fr.
p. 45-46.

2 El Salvador fait également allusion, dans une
phrase, (mémoire d'El Salvador, chap. 6.64, trad. fr. p. 46)
au titre de Peje Espeda qui comprendrait la Hacienda de,Don
Juan Buenavista. Mais comme il n'en donne pas le texte pas
plus qu'il ne le commente, on peut considérer qu'il le
considère sans pertinence. El Salvador le pourrait
d'ailleurs d'autant moins qu'il cite lui-même un peu plus
loin (mémoire d'El Salvador, chap. 6.68; trad. fr. p. 47),
une étude de Barberena qui implique que les terrains en
question relèvent de la juridiction hondurienne (mémoiredu
Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 377, par. 23 et contre-
mémoire du Honduras, infra. ,ar. 64).Partie adverse donne de ces terrains entre l'"Estero El
Capulin" et l'"Estero La Cutu". Une analyse attentive dela
pétition de. Don Juan Bautista de Fuentes ainsi que du

procès-verbal d'arpentage du Capitaine Don Francisco de
Goicochea y Uriarte montre le caractère fantaisiste de

l'implantation qu'en a donné le mémoire d'El Salvador.On se
trouve en présence d'une erreur manifeste d'identification
-
de la "zone dite Los Amates".

1. La pétition de Don Juan Bautista de Fuentes

34. Du point de vue de la Partie adverse, il serait
certain que la demande d'arpentage faite par Don Juan

Bautista de Fuentes portait sur des terrains situés à
proximité de l'"Estero El Capulin". On peut lire, en effet,

dans le mémoire d'El Salvador, que:

"...a statement was made tothe effect that in an
area known as Los Amates, which is an estuary
(sic) (the Estero El Capulin) in the vicinity of
the sea, there were some unoccupied Royal Land
holdings which he (Juan Bautista de Fuentes)
sought to have measured and marked outl" (souligné
par nous).

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.61; Annexe 8 p. 11.

Ce texte a été traduit en français dans les termes
suivants:

"Une déclaration a été faite à l'effet suivant : dans
une zone dite Los Amates, correspondant à un estuaire (sic)
(Estero El Capulin) à proximité de la mer, il y avait des
terres inoccupées de tenure royaleque lui (Juan Bautista de
Fuentes) souhaitaitfaire arpenteret délimiter". (trad.fr.
p. 45). Or, si l'on recherche dans l'annexe8 au mémoire d'El

Salvador la déclaration en question et si l'on parvient à
découvrir1 le passage pertinent de la traduction anglaise du

document original espagnol,que lit-on 2

"...the petition presented before the Supreme
Government of this Kingdom by Juan Bautista de
Fuentes, neighbour of the jurisdiction of San
Miguel, the said petition was described saying
that in a place that they cal1 Los Amates, which
is an inlet in the nearbves of thesea, there were
some Realengo untilled lands the which he wanted
them to be surveyed and to be dully landmarked the
caballerias2" (soulignépar nous).

Quant au texte original espagnol3, que les deux
précédentes citations étaient censées traduire, il dispose:

"...peticion que en el Gobierno Superior de este
Reino represento por parte de Juan Bautista de
Fuentes vecino de la jurisdiccion de San Miguel,
se hizo relacion diciendo que en un Paraje llamado
Los Amates que es un Estero en la cercania del
mx, habia unas tierras valdias y realengas las
cuales pretendia se le midiesen y amojonara las
caballerias..." (soulignépar nous).

1 Au prix de grandes difficultés,puisque le volume
d'annexes au mémoire d'El Salvador n'est pas paginé.

2 Mémoire d'El Salvador, Annexe 8.

3 Le texte espagnol reproduit dans l'annexe 8 du
mémoire d'El Salvador étant illisible, le Gouvernementdu
Honduras se réfère au document remis, le 16 août 1988,au
Greffe de la Cour par l'Agent d'El Salvador. La confrontation de ces trois textes est d'un intérêt
particulier : elle appelle les observations suivantes.

35. On remarquera,en premier lieu, que l'extrait cité

en anglais dans le corpsdu mémoire d'El Salvador et celui
publié, également en anglais, dans l'annexe 8 sont

curieusement différents.Celui-là n'est pas, conformément à
l'usage dans toute procédureinternationale,la reproduction

fidèle de celui-ci. Et si l'on procède à la comparaison des
deux traductions vers l'anglais proposées par la Partie
adverse avec le document original espagnoli ,l est manifeste

que, seule, la traduction publiéedans l'annexe du mémoire
d'El Salvadorest fidèleet correcte.

En effet - et ce sera la seconde observation - la

comparaison de ces trois textes permet de relever deux
différences sur la gravité desquelles le Gouvernement du

Honduras se permet d'attirer respectueusement l'attention de
la Chambre. La première confirmela confusion, déjà dénoncée

précédemment1, entre les deux concepts cependant différents
dl"estuary" et dWinlet", ce dernier seulement correspondant

de façon stricte au concept espagnol d'"estera". Par
ailleurs et surtout, il convient de remarquer que la

citation reproduite dans le corps du mémoire comportedeux
rajouts entre parenthèsesqui ne figurent pas dans

1 Contre-mémoiredu Honduras, çupra., par. 2-4.l'original espagnol. L'un deux, qui porte sur le nom du

demandeur en arpentage, Don Juan Bautista de Fuentes,
n'appelle aucune remarque,car il est exact. Il n'en va pas,

en revanche, de même pour l'autre qui a été purement et
simplement inventé par les rédacteurs du mémoire d'El

Salvador. En effet, comme on l'aura remarqué à la lecture
des trois textes, la citation du mémoire voulant préciser la

localisation de la "zone dite Los Amates" ajoute: "which is
an estuary (the Estero El Capulin) in the vicinity of the

sea" (soulignépar nous) alors que le même texte publié dans
l'annexe indique seulement: "which is an inlet in the

nearbyes of thesea" et que l'original en espagnol dispose:
"que es un Estero en la cercania del mar". Il n'est

nullement question, à cet endroit particulier du document
pas plus qu'à un autre, de l'"Estero El Capulin" ou d'un

quelconque autre "estero" expressément dénommé qui aurait
permis de localiser exactement la "zone dite Los Amates"

dont Don Juan Bautista de Fuentes demandait l'arpentage afin
d'acquérir 2,5 caballerias de terrain. Du point de vue du

Gouvernement du Honduras, rien ne permet d'expliquerdans le
texte du mémoire d'El Salvador ce rajout, sinon la volonté

de ses auteurs de justifier leur thèse à tout prix, même par
des allégations inventéesde toutes pièces.

36. Dès lors, la pétition de Don Juan Bautista de

Fuentes permet bien de dire que le demandeur, dela province
de San Miguel, avait effectivement déposé sa requête auprès

des autorités compétentes, les "juges de terres",de
1'"AlcaldiaMayor" de San Salvador. Elle permet également de

soutenir que les terrains que souhaitait acquérir le
pétitionnaire entraient dans la catégorie des "tierras

realengas" jusque là inexploitées et qu'ils étaient situés,
le long d'un Estero, à proximité de la mer. En revanche,cette demande ne permet nullement de prétendre, comme le
fait la Partie adverse, que la "zone de Los Amates" jouxte

l'"Estero El Capulin". Une telle localisation est purement
imaginaire, comme le confirme l'analysedu procès-verbal

d'arpentage lui-même.

2. L'arpentaqedu Capitaine Don Francisco de Goicochea
y Uriarte du 30 octobre 1694

37. L'arpentage réalisé le 30 octobre 1694, à la

demande de Don Juan Bautista de Fuentes, par le capitaine
Don Francisco de Goicochea y Uriarte nepermet pas en,effet

de parvenir à des conclusions différentes. En particulier,
il ne permet nullement d'identifier d'une quelconque
manière, la localisation des terrainsainsi délimités.Tout

au plus confirme-t-il, à l'instar de la demande du
pétitionnaire, que ces terrains étaient situés "dans une

zone dite Los Amates", relevant de la juridiction de la
Province de San Miguel et permet-il, de surcroît, de

préciser que ces terrains jouxtaient à la fois le rivage de
la mer et la berge du Rio Goascoran.

38. Le procès-verbal d'arpentage, en date du

30 octobre 1694, tel qu'il est cité dans le corps du mémoire
d'El Salvador, disposeen effet:

"The measurement was commenced£rom a large ceiba
(silk-cotton tree) where a cross was placed (the
first boundary marker) ... going in a North South
direction an estuary was reached at a distance of
three cords and, passing the estuary proceedingin
the same direction through a plain known as Sabana
Larga, the sea was reached at a distance of five
cords (the second boundarymarker) ...walking from
West to East along andover the actual beaches we
reached the mountain which borders on the River
Goascoran at its meeting with the sea at a distance of twelve cords (third boundary
marker)... walking from South to North along the
bank of the said River (Goascoran) the end point
of the mountain was reached at a distance of eight
cords where a cross was placed (the fourth
boundary marker) and proceeding £rom East to West
the ceiba where the measurement had been commenced
was reached at a distance of twelve cordsl."

Quant au texte du même procès-verbal d'arpentage, tel
qu'il est reproduit, dans l'annexe 8 du mémoire d'El

Salvador, dans la traduction anglaise du document original
espagnol, il diffère du texte précédent, sinon dansson sens

général, du moins dans le choix de certains mots. Il dispose
en effet:

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.62; Annexe 8,
p. 13-14.
Ce texte a été traduit en français dans les termes
suivants : "l'arpentage est parti d'un grand kapokier
(ceiba) où une croix a été placée (première borne), ... en
suivant une direction nord-sud, on a atteint un estuaire à
une distance de trois cordes et,au-delà de l'estuaire, en
poursuivant dans la même direction à travers la plaine de
Sabana Larga, on est arrivé à la mer à une distance de cinq
cordes (deuxième borne) ... en suivant et en traversant
d'ouest en est les plages, nous avons atteint la montagne
attenante au Goascoran là où celui-ci se jette dans la mer à
une distance de douze cordes (troisième borne... en
longeant du sud au nord la berge dudit Goascoran, on est
arrivé à l'extrémité de la montagne à une distance de huit
cordes, où nous avons placé une croix (quatrième borne) et,
avançant d'est en ouest, nous avons retrouvé le kapokier,
point de départ de l'arpentage, à une distance de douze
cordes": (trad. fr., p. 45). La note 2 à laquelle renvoie le texte de l'annexe,
quelques pages plus loin à la fin du document, précise :

"either a mountain or merely jungle, in salvadorenan talk,
N. of the T".

Le texte espagnol original provient non pas de
l'annexe 8, illisible du mémoire d'El Salvador, mais du
document précité, remis le 16 août 1988 au Greffe de la
Cour. L'extrait pertinentdispose : "comenzose esta medida
desde una ceiba grande donde se puso una Cruz la cual ceiba
queda por primer mojon y tendiéndose la'cuerda de Norte a.
Sur se llego a un Estero con tres cuerdas y pasando el
Estero siguiendo el mismo rurnbopor un llano que llaman "la
Sabana Larga" se llegd a la mar con cinco cuerdas y quedo
por segundo mojon de esta medida la dicha playa y volviendo
a tender la cuerda del Poniente para el Oriente por sobre
las mismas playas llegamos al Monte que confina con el Rio
de Guascoran al encuentro de la mar con,doce cuerdas y quedo
dicho encuentro del rio por Tercer rnojonde estas rnedidasy
tendiendo la cuerda del Sur al Norte por la orilla del dicho
rio se llego a la salida de Monte a donde se puso una Cruz
con ocho cuerdas el cual quedo por cuarto mojon y ultimo de
esta medida y tendiendo la cuerda del Oriente para el
Poniente se Ilego con doce cuerdas a la ceiba donde se
comenzo dicha rnedida..." 39. Or, pour la Partie adverse, l'interprétationde

cet arpentage, réalisé le 30 octobre 1694 par le Capitaine
Don Franciscode Goicochea y Uriartene saurait soulever le

moindre doute quant à la localisation de l'aire ainsi
délimitée et bornée:

"Il est manifeste que cette description, en 1695
(sic), des terrains de Los Amates dans l'estuaire
du Goascoran (à l'extrémité orientale de la
Province de San Miguel dans 1'"alcaldia mayor" de
San Salvador)ne pgut s'expliquer que d'une façon,
si l'on considère l'ancien lit comme la liqne de
partaqe du Goascoren lorsqu'il se jetait dans
l'estuaire de ''La Cutul'l(soulignépar nous).

Et sans ressentir le moindre malaise qui auraitpu résulter
du recours tardif à un titre relatif à la "zone dite Los

Amates" ignoré jusque là, le Gouvernementd'El Salvador en
donne avec assurance la représentation graphique dans le

secteur compris entre l'"Estero El Capulin" et l'"Estero La
Cutu" dans le croquis 6.6 reproduit dans son mémoire ainsi

que dans la carte 6.VI annexée dans le Book of Maps. On se
trouve ainsi devant'une véritable pétition de principe,

puisqu'il affirme comme vrai, sans preuve, ce qu'il devait
précisément démontrer.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.63; trad.. fr.
p. 46. 40. Le procédé ainsi utilisé par El Salvador sur ce
point particulierest significatif de sa tactique judiciaire

qui consiste, tout au long de son mémoire, à émettre des
affirmations gratuites et à renverser en quelque sorte la

charge de la preuve, le Hondurasse trouvant ainsi contraint
de détruire l'affirmation salvoriennelou sa prétention à la

souveraineté sur l'ensemble des îles du Golfe de Fonseca, à
l'exception de 1'île Zacate ~rande~. Le ouv vern eu ment

Honduras dénonce un tel procédé qui est contraire aux
principes généraux de la procédure internationale car, dans

un différend comme le présent différend entre le Honduraset
El Salvador, dans lequel la règle de la simultanéité du

dépôt des productions écrites est posée (article 3 du
Compromis d'Esquipulas du 24 mai 1986), ii n'y a plus de

distinction entre demandeur et défendeur et tout litigant
doit assumer la charge de la preuve, à partir du moment où
il allègue l'existence d'un droit ou d'un fait. C'est le

principe "Onus probandi incumbit qui dicitW3 car, ainsi que
l'a souligné l'arbitre unique Max Huber dans sa sentence

rendue le 4 avril 1928 en l'affaire del'île Palmas:

"The dispute having been submitted to arbitration
by Special Agreement, each Party is called upon to
establish the arguments on which it relies in
support of its claim to sovereignty over the
object in dispute4."

1 A titre d'exemples, voir la position d'El Salvador
sur les "tierras realengas"; mémoire d'El Salvador,
chap. 5.5; trad. fr.,p. 24.

2 Mémoire d'El Salvador,chap. 12.10 d; trad. fr.
p. 73.

3 J.C. Witenberg, L'orqanisation judiciaire, la
procédure et la sentence internationale, Paris, Pedone 1937,
p. 235, note 1.et que l'a rappelé la Cour Internationalede Justice en son

arrêt du 26 novembre 1984 (Activités militaires et para-

militaires au Nicaraqua et contre celui-ci), "c'est... au
plaideur qui cherche à établir un fait qu'incombe la charge

de la preuve1."

El Salvador ne devait pas par conséquent se borner à

affirmer, comme il l'a fait dans son mémoire,que la "zone
dite Los Amates" était localisée dans le secteur compris

entre l'"Estero El Capulin" et l'"Estero La Cutu' ; il

devait en apporter la preuve. Le Gouvernement du Honduras,
pour sa part, entend démontrer cependant que l'affirmation

de la Partie adverse est dépourvue de tout fondement pour
les deux raisonssuivantes.

a) L'aire arpentée le 30 octobre 1694 ne correspond pas

à la représentationqui en est donnée par El Salvador

41. Une simple confrontation des indications fournies
sur l'aire arpentée le 30 octobre 1694 par le procès-verbal

du Capitaine Don Francisco de Goicochea y Uriarte et de la
représentation graphique qui en est donnée sur la carte

salvadorienne 6.VI est suffisante pour montrer le caractère
fantaisiste du croquis de la Partie adverse. Aucun des

quatre segments décrits necorrespond à l'illustation qui en
est donnée.

42. Le procès-verbal de 1694 indique d'abord que le

côté Ouest des terrains arpentés comporte, suivantune
direction Nord-Sud, deux parties. La première relie "una

ceiba grande" ("un grand kapokier"), où a été placée la

1 C.I.J. Recueil, 1984,p. 437, par. 101.' première borne sous forme d'une croix, jusqu'à "un Estero"
("un estuaire", dit à tort la Partie adverse) sur une

distance de trois cordes, soit 124,50 mètres. Quant à la
seconde partie, d'une longueur de cinq cordes1, c'est-à-dire

de 207,50 metres, elle relie, dans la mëme direction Nord-
Sud, la rive Sud de l'"EsteroN, précédemment évoqué "por un

llano que llaman La Sabana Larga" ("à travers la plaine de
Sabana Larga"), "a la mar" ("à la mer"), où a été érigée une

seconde borne. La distance totale entre les bornes 1 et II

était par conséquent, d'après l'arpenteur, de 332 mètres. Or
le côté Ouest des terrains arpentés, tel qu'il est

représenté sur la carte salvadorienne 6.V1, non seulement ne
suit pas exactement une direction Nord-Sud, mais plutôt

Nord-Sud Sud-Est, mais surtout mesure environ 2 800 mètres,
c'est-à-direapproximativement8,5 fois plus.

43. D'autre part, le procès-verbal de 1694 indique que

le côté Sud de la zone arpentée suit le rivage de la mer
jusqu'"a1 monte que confina con el Rio de Guascoran al

encuentro de la mar' ("la montagne attenante au Goascoran là
où celui-ci se jette dans la mer1'2),où une troisième borne

a été construite. Mais alorsque la distance de ce second
segment entre les bornes II et III est, d'après le document

de 1694, de douze cordes, soit 498 metres, elle est de
l'ordre de 2. 200 mètres sur la carte salvadorienne 6.V1,

c'est-à-dire environ4,5 fois,plus.

La traduction anglaise publiée dans l'Annexe du
mémoire d'El Salvador indique à tort sept cordes, montrant
ainsi une nouvelle fois le caractère approximatif des
documents fournis par la Partie adverse.

2 "The mountain which borders on the River Goascoran
at its meeting with the sea" (mémoire d'El Salvador,
chap. 6.62) ou "a mount that borders the Goascoran River at
its mouth with the seau (Annexe 8). 44. Quant au côté Est des terrains arpentés,il longe,

d'après le procès-verbal de 1694, dans la direction du Nord,
le Goascorin : "por la orilla del dicho rio se llego a la

salida de monte" (par "la berge dudit Goascoran, on est
arrivé à l'extrémité de la montagnev1, où a été érigée une

croix tenant lieu de quatrième borne. La distance reliant
les bornes III et IV est, si l'on s'en tient au procès-

verbal de l'arpenteur, à huit cordes, soit 332 mètres tandis
que, sur la carte salvadorienne 6.V1, elle atteint, en

suivant les méandres de l'"Estero La Cutu", 4.500 mètres,
c'est-à-dire approximativement 13,5 fois plus.

45. Reste enfin, pour achever la délimitation des

terrains de la "zone dite Los Amates", le côté Nord qui
relie le point précité "à l'extrêmité de la montagne" au

"grand kapokierM2 où à commencé l'arpentage. Or si la
longueur de ce segment qui relie les deux croix

correspondant aux bornes IV et 1 est, d'après le procès-
verbal de 1694, de douze cordes, soit 498 mètres, elle

atteint environ 2 200 mètres sur la carte salvadorienne
6.V1, c'est-à-dire 4,5 foisplus.

1 "The end point of the mountain" (mémoire d'El

Salvador, chap. 6.62)ou "the exit of the mount" (Annexe 8).

2 Contre-mémoiredu Honduras, çupra., par. 42. 46. La comparaison qui vient d'être esquissée entrele

procès-verbal d'arpentage, en date du 30 octobre 1694, des
terrains correspondant à la "zone dite Los Amates" et la

représentation quien a été donnée par El Salvador sur sa
carte 6.VI montre qu'il n'existe rigoureusement aucun

rapport entre les indications chiffrées données par le
Capitaine Don Franciscode Goicochea y Uriarte et le plan

qui est censé représenter ces terrains selon la Partie
adverse. On ne saurait mieux montrer le caractère

fantaisiste de la représentation graphique salvadorienne
qu'en rappelant que les terrains ainsi démarqués à la

demande de Don Juan Bautista de Fuentes avaient une
superficie de 2,5 caballerias, c'est-à-dire environ

1,12 km2, alors que l'aire qui figure sur la carte
salvadorienne 6.VI a une surface de 5,8 km2, soit 5 fois

plus. Il ne peut par conséquent y avoir aucune
correspondance entre l'aire réellement arpentée et la

représentation imaginaire qui en est ainsi donnée par la
Partie adverse.

b) L'aire arpentée le 30 octobre 1694 ne correspond pas

à la localisationqui en est donnée par El Salvador

47. Il n'y a pas davantage de correspondance possible

entre les terrains arpentés et démarqués, le
30 octobre 1694, par le Capitaine Don Francisco de Goicochea

y Uriarte et la localisationqu'en donne la Partie adverse,
sur sa carte 6.V1, entre l'"Ester0 El Capulin" et l'"Estero

La Cutu". En d'autres termes,et en dehors de la question de

l'exactitude ou de l'inexactitude de la représentation
abstraite de ces terrains, il n'est pas possiblque ces
terrains soient situés là où ils sont situés d'après le

Gouvernement d'El Salvador. Ou, si l'on préfère, il n'estpas possible que l'embouchure du Rio Goascorin, au moment de

l'arpentage de la "zone dite Los Amates" coresponde, comme
le prétend la Partie adverse, au cours actuel de l'"Estero

La Cutu". Plusieurs raisons interdisent une telle
projection.

i) Une "montaqne" imaqinaire le lonq de l'embouchure

de l'"Estero La Cutu"

48. La première raison pour laquelle la "zone dite Los
Amates", décrite dans le procès-verbal d'arpentage du

30 octobre 1694 n'a rigoureusement rien à voir avec la
figure ayant la forme d'un quadrilatère dessinée sur la

carte salvadorienne 6VI, est d'ordre simplement
géographique. Ainsi qu'on l'a déjà relevé1 le Capitaine Don

Francisco de Goicochea y Uriarte a clairement déclaréavoir
érigé une borne, la troisième, sur "la montagne attenanteau

Goascoran là où celui-ci se jette dans la mer" et précisé
que le côté Est de l'aire arpentée coïncidait avec"la berge

dudit Goascoran" jusqu'à ce qu'on parvienne "à l'extrémité
de la montagne à une distance de huit cordes" où a été

placée une croixcorrespondant à la quatrième borne. Ce qui
signifie que, pour l'arpenteur quiest allé sur le terrain2,

il existait une "montagne", un "Monte" suivant le texte
espagnol original - que la Partie adverse a traduit soit par

"mountain" dans le corps du mémoire3, soit par "mount" dans

1
Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 42.

2 "Habiendo procedido las diligenciasnecesarias y
hecho vista de ojos de las tierras" ; "having conduced the
necessary diligencies and having been done the visual
inspectionof the lands".

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.62; trad. fr.,
p. 45.l'Annexe - qui longeait le Rio Goascoran, c'est-à-dire, du
point de vue d'El Salvador, l'actuel "Estero La Cutu". Et ce

"Monte" devait avoir une longueur supérieure à 300 mètres
puisqu'une distance de huit cordes, c'est-à-dire de 332

mètres, séparait, d'après le Procès-verbal,"la montagne
attenante au Goascoran là où celui-ci se jette dans la mer'

et "l'extrémitéde la montagne".

49. Or il suffit de jeter un coup d'oeil sur la carte
hondurienne1 ou sur la carte salvadorienne2, l'une et

l'autre à l'échelle 1/50 000, pour constater que les berges
de l'"Estero La Cutu", tout particulièrement dansle secteur
compris entre les bornes III et IV, sont rigoureusement

plates et ne portent pas la trace de la moindre élévationdu
sol, alors que ces mêmes cartes comportent des cotes

indiquant des élévations ne dépassant pas un ou deux mètres
d'altitude3. Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'il n'y ait

aucune hauteur à proximité de l'embouchure de l'"Estero La
Cutu' puisque, tout particulièrement dans ce secteur du

Golfe de Fonseca correspondant à la Bahia Chismuyo, la terre
et la mer s'interpénètrentsouvent.

Hoja 2656 II, mémoire du Honduras, carte B.7.2.

2 Mémoire d'El Salvador, carte6.VI.

3 Sur la carte salvadorienne 6.V1, le Cerro
Muruhuaca sur la rive droite de l'actuel Rio Goascoran, avec
une cote de 58 mètres, constituele point culminant de toute
une zone naturellement trèsplate. On peut lire, sur la carte marine américaineno 21521i,

dans les zones successivement couverteset découvertes par
la mer entre l'"Estero El Coyol" et l'"Estero La Cutu", "Mud

and Sand" et dans les zones côtières "swamp, mangrove". Les
descriptions données dans les différentes Instructions

nautiques sont tout aussi significatives. Les Instructions
nautiques anglaisesprécisent ainsique "Bahia Chismuvo is a

bay, havinq low, marshy shores covered with manqrovesM2
(souligné par nous) et les Instructions nautiquesfrangaises

que la Bahia Chismuyo "est une baie bordée de rivaqes bas,
marécaqeux et couverts de palétuvier^" ^souligné par nous).

Dès lors, l'embouchure du Rio Goascoran, telle qu'elle
existait au moment de l'arpentage de 1694, ne peut

coïncider, comme l'affirmela Partie adverse, avec l'actuel
"Estero La Cutu". Il n'en serait autrement que si le site

décrit à la fin du XVIIe siècle avait été complètement
bouleversé, ce qui est inexact et ce que, en tout état de

cause, la Partie adverse devraitprouver.

50. La Partie adverse ne fait curieusement aucun

commentaire, dans son mémoire, sur la présence, pour le
moins inattendue, d'une "montagne"("Monte") sur la berge de

l'"Estero La Cutu". Néanmoins ce point n'a pas manqué de
troubler les rédacteurs du mémoire d'El Salvador, puisqu'on

trouve, dans une note, il est vrai d'une discrétion

1 Contre-mémoire du Honduras, croquis 7.2 (supra.,
p. 506.

2 NP 8, Pacific Coasts of Central America and United
States Pilot, Published by the Hydrographer of the Navy,
eighth ed. 1975, p. 92, 4.43.

3 SHOM, Paris, Série J, vol II, Amérique (Côte
Ouest) du Golfe de Panama à Berinq Strait, 1983, p. 127,
2.2.1.3.particulière, présentée incidemment comme provenant du
traducteur du texte espagnol du procès-verbal de 1694 vers

l'anglais et publiée dans l'annexe 8, une tentative
d'explication dont la singularité mérite d'être relevée.Le

Gouvernement d'El Salvador se trouve en effetenfermé dans
une contradiction : d'un côté, il est bien obligé d'admettre

qu'il n'y a pas trace de "montagne" ni d'une quelconque
élévation sur la rive Ouest de l'"Estero La Cutu", mais d'un

autre côté le texte du procès-verbal d'arpentage de 1694,
sur lequel il s'appuie pour justifier la localisation de

cette "zone dite Los Amates", mentionne clairementla
présence d'une "montagne" le long du Rio Goascoran. Dès
lors, pour essayer de surmonter la contradiction et de

concilier l'inconciliable, la Partie adverse qui ne peut,
pour reprendre la formule souvent citée de la Cour

Internationale de Justice en l'arrêt qu'elle a rendu, le
20 février 1969, dans les affaires du plateau continentalde

la mer du Nord, "refairela nature entièrement",ni "refaire
totalement la géographieM1, a entrepris de "refaire" les

mots et de modifier, contre toute attente, le sens naturel
du mot "montagne". En effet, comme on l'a déjà relevé2, la

note 2 de l'Annexe 8 du mémoire d'El Salvador explique que
le mot "mount" peut signifier "either a mountain or merely

junqle, in Salvadorenan talk". C'est dans le mêmeesprit que
la Partie adverse a ajouté,sur la carte 6.V1, pour nommer

le site où aurait été érigée, en 1694, une croix
correspondant à la borne III démarquant la "zone dite Los

Amates", "sortout of the junqle".

1 C.I.J. Recueil 1969,p. 49-50, par. 91.

2 Contre-mémoiredu Honduras, supra.,par. 38. 51. Une telle interprétationdu mot "mont", "montagne"
est, du point de vue du Gouvernement du Honduras,

inacceptable car ce vocable recèle toujours l'idée d'une
ascension et implique naturellement,en raison notamment de

son ethymologie latine mons-montis, une élévation, une
éminence, une hauteur au-dessus de l'espace environnant.

Ainsi, pour Littré, le premier sens du mot "mont" est
"grande masse de terre et de roche, élevée au-dessus du

terrain qui llenvironne"l.De même, pour Larousse, il s'agit
d'une "grande élévation naturelle au-dessus du terrain

environnantW2.

Il en va de même du mot espagnol "monte"qui figure
dans le texte original du procès-verbal du 30 octobre 1694.

Le premier sens que donne de ce terme le Diccionario de la'
Lengua espanola de la Real Academia Espanola est en effet

"Grande elevacion natural de terrenoV3, même s'il lui
reconnaît comme second sens "Tierra inculta cubierta de

àrboles, arbustos O matas". Si la Partie adverse avait
entendu définir le 'terme"monte" autrement que par son sens

naturel, elle n'aurait pas utilisé dans les traductions vers
l'anglais qu'elle en a donné dans le corps de son mémoire4

1 Dictionnaire de la lanque française, t. III,

Paris, Hachette, 1874,p. 614.

2 rand dictionnaire universel du XIXE siècle,
t. XI, p. 476.

3 "~ige'simaedicion, Tomo II, Madrid 1984", p. 925.

4 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.62; trad. Cr.,
p. 45.et dans l'annexe 8 les mots "mountain"et "mount" dont la
signification ne soulève pasla moindre ambigüité. Ainsi

peut-on lire, dans le Webster,au vocable "mountain":

"1 a: a.steep elevation with a restricted summit
area projecting 1 000 feet or more above the
surrounding land surface... b: a high landmass
culminating in several peaks or forming an
elongated ridge c: conspicuous hi11 in an
area of low relief... et au vocable "mount" :
"1 a: a lofty promontory: mountain; specif.: a
high usu. more or less conical detached hi11
rising from a landscap..."2

52. Dans ces conditions,on ne verrait aucune raison
de se refuser au sens que le terme "monte" présente

naturellement,d'autant moins que ce sens est manifeste et
ne conduit à rien d'absurde. La première maxime en matière
d'interprétation en droit international n'est-elle pas,

comme pouvait le rappeler le professeur Charles De Visscher,
qu'"On n'interprètepas ce qui tombe sous le sensN3 et qu'on

ne peut pas, sous couleur d'interprétation, s'écarter de la
signification d'unterme qui s'impose.

1 Third New International Dictionnary, Merriam Cy.
1971, p. 1477.

2 ibid., p. 1476.

3 Problèmes d'interprétation judiciaire en droit
internationalpublic, Paris, Pedone 1963, p. 14. De surcroît, à supposer même que la remarque du

traducteur figurantdans la note 2 de l'Annexe 8 du mémoire
d'El Salvador, suivant laquelle lemot "mount" pourrait

signifier "merelyjungle, in salvadorenan talk" soit exacte
- ce que le Gouvernement du Honduras ne pense pas - une

telle interprétationne pourrait être admiseen l'espèce. Il
serait contraire à toutes les règles les plus évidentes
d'interprétation en droit internationalde vouloir donner à

un terme utilisé dans un document datant du XVIIe siècle un
sens admis aujourd'hui, d'autant moins qu'il s'agirait non

pas d'un sens généralement reconnu, mais d'un sens courant
et populaire, utilisé localement dans le langage parlé

salvadorien. L'arbitre Max Huber, dans la sentence déjà
citée qu'il a rendue le 4 avril 1928 en l'affaire de l'île

Palmas, a énoncé la règle fondamentale en la matière, aux
termes de laquelle:

"a juridical factmust be appreciated in the light
of the law contemporary with it, and not of the
law in force at the time when a dis ute in regard
to it arises or falls to be settled !?1.

Ainsi que l'a souligné le Président Basdevant, "on est

là en présence d'un principe de droit cout~mier"~,
d'application générale dans la jurisprudence internationale.

De même qu'on ne saurait remettreen cause, au nom des

2 Règles générales du droit de la paix, R.C.A.D.I.
1936, vol. IV, t. 58, p. 536.règles nouvelles, des actes accomplis sous l'empire dudroit
ancien, de même on ne saurait donner à un mot utilisé dans

un document ancien un sens local actuel. Le surarbitre
Marsh, dans sa sentence rendue le 23 septembre 1874 en

l'affaire de 1'Alpe de Cravairola,avait ainsi jugé:

"Bien que, au point de vue scientifique,la vallée
principale d'un fleuve comprenne celle de ses
tributaires,ces termes, lorsque employés dansdes
documents publics, surtout anciens,doivent être
interprétés conformément à l'uçaqe qui en était
fait et au sens qu'ils avaient à l'é~oque"~
(soulignépar nous).

ii) Une toponymie imaqinairedans le secteur compris
entre l'"Estero El Capulin' etl'"Estero La Cutu"

53. Le procès-verbal de l'arpentage réalisé le

30 octobre 1694 par le Capitaine Don Francisco de Goicochea
y Uriarte ne comporte que trois références toponymiques. La

première d'entre elles, on vient de le voir, concerne "la
montagne attenante au Goascoran" depuis le point "où celui-

ci se jette dans la mer" jusqu'à "l'extrémité de la
montagne" après avoir longé sur une distance de 332 mètres

"du sud au nord la berge dudit Goascoran" et il est
manifeste que le site ainsi décrit ne peut correspondre,

comme on l'a démontré, à l'embouchure de 1 "'EsteroLa Cutu",
ainsi que le prétend la Partie adverse. Il est inutile de

1 La Pradelle et Politis, Recueil des arbitraqes

internationaux,t. III, Paris, les Editions internationales
1954, p. 506.revenir sur cette question, maison voudrait montrerque les

deux autres références toponymiquesque l'on trouve dans le
titre de 1694 et qui concernent respectivement "lazone dite

Los Amates" et "la plaine de Sabana Larga" n'ont pas été
appréciées plus correctement par El Salvador qui s'appuie

sur elles pour localiser l'aire arpentée en 1694 entre les
deux bras de mer actuellement dénommés l'"Ester0 El Capulin"

et l'"Estero La Cutu".

- "La zone dite Los Amates"

54. Une analyse attentive de la toponymie de la
région, de part et d'autre du cours actuel du Rio Goascoran,

ne permet en aucune manière de conclure, commele fait la
Partie adverse sansla moindre hésitation, que "la zone dite

Los Amates" est située entre l'"Estero El Capulin" et
l'"Estero La Cutu". L'étude des noms de lieux, dans une

région donnée, constitue, on le sait, un auxiliaire précieux
de la géographie pour reconstituer l'histoire du peuplement

et de la mise en valeur du sol. Or que signifie le terme
"Los Amates" ? Le Diccionario de la Lengua espanola de la

Real Academia Espanola définit un "amate" comme étant un
"higuera qua abunda en las regiones chidas de ~ejico"1, et

il précise que le vocable vient "del nahua amatl ; pape1
porque de su albura 10 fabrican los indios". Un "amate" par

conséquent appartient à ce genre d'arbres feuillus, de la
famille des figuiers, que l'on trouve trèscommunément au

1 "~ige'simaedicion, tom0 1, Madrid 1984", p. 82.Mexique et en Amérique centrale, tout particulièrement au

Honduras et au El Salvador. Sa localisation géographiquese
trouve confirmée par son étymologie lorsque l'on saitque

les Nahuas sont une population uto-aztèque, implantés dès le
XVIe siècle, lors de la conquête espagnole et aujourd'hui

encore, non seulement au Mexique, dans la vallée de Mexico
ou dans 1'Etat de Vera Cruz, mais également en Amérique

centrale jusqu'à l'actuel Panama et que la langue qu'ils
parlent toujours, le nahuatl, appelé aussi "aztèque

classique", était la langue commercialeet de civilisation
dans toute cette région1. A partir de ces brèves remarques

sémiotiques, deux observations principalespeuvent être
faites.

55. En premier lieu, de nombreux sites portent le nom
de ce figuier "amate" ou de son diminutif "amatillo" aans

cette partie du monde2. Pour s'entenir à la seule région
située de part et d'autre du cours actuel du Rio Goascoran,

on n'en relève pas moins de dix sur les différentes cartes
honduriennesou salvadoriennes,au 1/100 000 ou au 1/50 000.

On en relève ainsi quatre sur la rive gauche du Rio
Goascoran : d'abord la localité "Los Amates", sur la berge

de ladite rivière entre El Ajusta1 et La ceiba3 ;ensuite

1 Voir Encyclopaedia universalis, vol. 19r
Thesaurus, Paris,1968, p. v323.

On pense notamment à la ville de "Los Amates", au
Guatemala, sur le Rio Motagua.

3 Carte hondurienne, Hoja 2656 II et mémoire d'El

Salvador, Book of Maps, carte 6.VI."La Rompicion de Los Amates" qui correspond, entre les
localités de LOS Amates et de Calicanto à un ancien lit du

Rio Goascoran susceptible de servir encore aujourd'hui,
pendant la saison des pluies de déversoir à cette rivière,
lorsqu'elle déborde1 ; en troisième lieu, le site marécageux

"Costa de Los Amates" dans la boucle du canal, sec la plus
grande partie de l'année,qui relie l'"Estero Lèon Grande"
au confluent du "Cauce La Ceiba" et du "Cauce El ~uichoso"~

et enfin, plus au Nord, au Sud du village de Goascoran, la
localité de "El Amatillo" sur la route panaméricaine3. De
même, sur la rive droite du Rio Goascoran, il existe au

moins six sites dont le nom dérive directement dell"amate":
d'abord, au Nord de la localité hondurienneprécitée de "Los
Amates", sur la rive droite du Rio Goascoran, dans la boucle

que cette rivière dessine, le lieu dit "LLanos Costa de
Arnate4 ; ensuite, plus à l'Ouest, au-delà de 1'Isla San
Juan, l'"Estero Amatillo" qui se jette dans l'"Estero

~anzanilla"5; en troisième lieu, plus au Nord, le "Paso de
-" ou "Quebrada Corte de Sal", qui se jette dans le Rio

Goascoran entre la Quebrada El Maguey et la Quebrada Agua
Acrin, à l'Est du Cerro Los Blancos età proximité duquel se
trouvent également, sur la rive droite du Rio Goascoran, la

localité "El Amate" et la "Hacienda El Amate"6; enfin, plus

1 Carte hondurienne, Hoja 2656 II et mémoire d'El
Salvador, Book of Maps, carte 6.VI.

2 Carte hondurienne, Hoja2656 II.

3 Carte hondurienne, Hoja2656 IV.

4 Carte hondurienne, Hoja 2656 II; mémoire d'El
Salvador, Book of Maps, carte6.VI.

5 Carte hondurienne,Hoja 2656.

6 Carte hondurienne, Hoja2656 IV.au Nord-Ouest, à la limite des départementsde Morazan et de
la Union, à l'Ouest Sud-Ouest de la ville de Santa Rosa de

Lima, le "Cerro ElAmati1lo"l. Ces quelques exemples,qu'une
lecture attentive des cartesde la région traverséepar le

Rio Goascoran permettrait demultiplier aisément, suffisent
pour montrer la fréquence, dans la toponymie de cette zone,

du recours au vocable "amate" ou à son diminutif "amatillon2
pour désigner des sites de toute nature : localités, marais,

éléva,tionsde terrains, rivièreset même bras de mer.

56. S'il existe ainsi de nombreux lieux, de part et
d'autre du cours actuel du Rio Goascoran, dénommés "Los

Amates", ou "El Amate" ou "El Amatillo", il convient a
contrario - et ce sera la seconde observation complèmentaire

de la précédente - d'ajouter qu'il n'existe aucun site
portant ce nom, dans le secteur compris entre l'"Estero El

Capulin" et l'"Estero La Cutu", c'est dire que,
contrairement à ce que prétend la Partie adverse, il

n'existe aucune trace sur aucune carte d'un lieu-dit "Los
Amates" dans ce secteur strictement défini,que ces cartes

soient honduriennes, salvadoriennesou qu'elles émanent
d'Etats tiers, qu'elles aient été publiées par un organisme

public ou qu'elles proviennent de sources privées, qu'elles
soient postérieuresou antérieures à la naissance du

1
Carte hondurienne,Hoja 2656 IV.

2 On trouve égalementdans la zone frontalière, des
sites dénommés El Amatal dont l'origine est identique.
Ainsi, au Sud du Rio Torola, une localité s'appelle "El
Amatal", à proximité du "Rio El Amatal" (carte hondurienne,
Hoja 2657 IV), lequel se jette dans le Rio Guajiniquil.différend dans cette zone, ou mëme antérieures à l'accession
à l'indépendanceen 1821 des Etats partiesau différend. En

d'autres termes, la Partie adverse a dénommé "Los Amates",
dans son mémoire etsur la carte 6.VI qui lui est annexée,

la zone comprise entrel'"Estero El Capulin" et l'"Estero La
Cutu", de façon purement arbitraire et sans le moindre

6ommencementde preuve, cartographique ou autre.

- "La plaine de Sabana Larqa"

57. Le second lieu-dit expressément mentionnédans le

procès-verbal d'arpentage du 30 octobre 1694 est "la plaine
de Sabana Larga" - "a plain known as Sabana Larga" dans la

traduction anglaise donnée dans le mémoire d'El salvadorl;
"un llano que llaman la Sabana Larga" suivant la formule

utilisée dans le texte originalespagnol. La Partie adverse
considère comme allant de soique cette plaine se trouve

située dans la zone comprise entrel'"Estero El Capulin" et
l'"Estero La Cutu". Pas plus que pour "la zone dite Los

Amates", le Gouvernementdu Honduras ne peut accepterun tel
point de vue qui est démenti par les faits.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.62; trad. fr.,
p. 45.

"A plain they cal1 Sabana Larga" dans la traduction
donnée dans l'annexeau mémoire d'El Salvador. 58. Il convient d'abord de remarquer le caractere

tautologique de la formule ,"un llano que llaman la Sabana
Larga". En effet, ainsi que le précise le Diccionario de la

Lengua Espanola de la Real Academia Espanola, le vocable
"sabana", utilisé dans les Caraïbes, désigne une "llanura,
en especial muy dilatada, sin vegetacion arboreagol.Dès

lors, dire qu'une plaine est dénommée "Sabana Larga", c'eçt-
à-dire "vaste plaine", signifie que la toponymie du site

souligne et accentue encoreses caractéristiquesnaturelles.

59. Il convient surtout de remarquer, lorsqu'onse
réfère à la description donnée par le Capitaine Don

Francisco de Goicochea y Uriarte, que ce site ainsi dénommé
"Sabana Larga" correspond au secondsegment du côté Ouest -

reliant les bornes 1 et II - de l'aire arpentée en 1694,
c'est-à-dire à sa partie méridionale qui jouxtela mer2. Les

arpenteurs, après avoir parcouru troiscordes, soit environ
125 mètres, franchissent un Estero - inommé, rappelons-le,

dans le procès-verbal - et poursuivant dans la même
direction Nord-Sud, traversent "unllano que llaman Sabana

Larga" sur une distance de cinq cordes, c'est-à-dire
légèrement supérieure à 200 mètres, jusqu'à la mer en un

point où ils ont érigé la borne II. Or il est impossible de
soutenir sérieusement, comme le fait la Partie adverse sur

sa carte 6.V1, que cette partie de l'aire arpentée en 1694
serait située le long de l'"Estero El Capulin" et en
couperait plusieursméandres. Non seulement, ainsi qu'on l'a

1 "Vigesima edicion, tom0 II, Madrid, 1984",
p. 1205.

2 contre-mémoiredu Honduras, supra., Par- 42.déjà démontré, il n'y a pas concordance entre ce segment de

droite tel qu'il a été mesuré le 30 octobre 1694 et la
représentation graphiquequ'en a donné El Salvador, mais il
n'y a pas davantage correspondance entre la description

faite par le Capitaine Don Franciscode Goicochea y Uriarte
et le paysage existant à proximité de l'"Estero El Capulin".

Comme l'indiquent clairement la carte hondurienne 2656 II,
mais aussi la carte salvadorienne 6.VI ou encore la carte

marine américaine no 215211 et mieux encore la photographie
aérienne de ce secteur2,la zone que traverserait, selon El

Salvador, ce segment de droite est couverte de palétuviers
sur la rive droite comme sur la rive gauche de l'"Estero El

Capulin" ainsi qu'au bord de la mer et elle comprend
également des marais ou des salines. On ne voit pas, dans

ces conditions, comment cette zonepourrait correspondre à
"un llano que llaman la Sabana Larga", tant il est vrai

qu'une plaine est géographiquement une grande étendue de
pays uni, dépourvue par définition d'arbres. La diversité du

paysage qui compose le site où l'"Estero El Capulin' se
jette dans la mer (bras de mer, palétuviers et marais)

interdit de le qualifier de plaine. Pas plus qu'il n'y a de
"monte" le long de l'"Estero La Cutu", il n'y a de "llano"

dans les espaces resserrés compris entre les dernières
boucles de l'"Estero El Capulin" et la mer, d'autant qu'on

ne trouve aucune trace sur aucune carte terrestreou marine,
hondurienne, salvadorienneou autre, d'un lieu-dit "Sabana

Larga" au bord du Golfe de Fonseca, à proximité de l'"Estero
El Capulin".

1 Contre-mémoire du Honduras, croquis 7.2 (supra.,
p. 506.

2 Voir la photographie aérienne provenant de
l'Institut0 Geografico Nacional hondurien, contre-mémoiredu
Honduras, croquis7.4 en regard. 09d m
O O
-O M
SQ C

rtw O 4
03 C.
OID. C, P b

Pm, m
Y O
OP. O
4; z
CJ 2
P ID
5'
i 60. Dès lors, pour les différentes raisons
précédemment exposées, l'arpentage réalisée 1e

30 octobre 1694 dans la "zone dite Los Amates" ne peut être
admis en preuve dans le présent différend, comme le soutient

le Gouvernement d'El Salvador. Un tel titre, imaginaire dans
sa représentation commedans sa localisation, n'est pas de

nature à exercer d'influence sur la décision que la Chambre
doit rendre dans la zone du Goascoran. Le premier argument
,
ainsi avancé par la Partie adverse pour justifier ses
prétentions1 est par conséquent écarté. Il en va de même des

autres arguments produits dans le mémoire d'El Salvador qui
sont liés à un fait géographique, le changement de lit du

Rio Goascoran.

B. LE CHANGEMENT DE LIT DU RIO GOASCORAN, UN FAIT
INOPPOSABLEAU HONDURAS DANS LE PRESENT DIFFEREND

61. Si la Partie adverse fait reposer l'essentiel de

son argumentation dansla zone du Goascoran sur le titre de
propriété de Don Juan Bautista de Fuentes sur la "zone dite

Los Amates", elle attache également une importance
considérable au changement de lit du Rio ~oascoranz. Cette

donnée géographique est fondamentale dans la logique
générale de son système de démonstration, puisqu'elle

1 Contre-mémoi.redu Honduras, supra., par. 16.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.65-6.68; trad. fr.
p. 46-47 et contre-mémoire du Honduras, supra., par. 16.constitue la seule justificationde son recours au titre de
propriété précité. En effet, le procès-verbal d'arpentage du

30 octobre 1694 - dont les développements précédents ont mis
en lumière les imprécisions ainsi que le caractère

fantaisiste de l'interprétation qu'en a donné le mémoire
d'El Salvador - apporte au moins 'une certitude : c'est que

les terrains, d'une superficiede 2,5 caballerias mesuréset
abornés par le Capitaine Don Francisco de Goicochea y

Uriarte, se trouvaient sur la rive droite du Rio Goascoran.
Dès lors, on comprend que, pour assurer la cohérence de son

raisonnement, la Partie adverse soit soucieuse d'identifier
le cours effectif du Rio Goascoran au moment de l'arpentage

et de démontrer tout spécialement que son embouchure
correspondaitalors à l'"Estero La Cutu". Le Gouvernement du

Honduras entend établir que le mémoire d'El Salvador n'a
apporté aucune preuve de ce genre et qu'en tout état de

cause le changement de lit du Rio Goascoran ne constitue pas
une donnée pertinente dans le présent différend.

1. Les développementsdu mémoire d'El Salvador sur le

chanqement de lit du Rio Goascoran, une série
d'affirmationssans preuves

62. Suivant un procédé qui lui est familier1, la

Partie adverse ne prouve pas, sur la base de pièces ou de
documents de nature à établir le fait allégué, quel était le
cours suivi par le Rio Goascoran, depuis Los Amates jusqu'au

point où il se jette dans le Golfe de Fonseca, à la fin du
XVIIe siècle. Elle ne produit aucune carte contemporainedu

1 contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 40.titre de propriété pour étayer ses dires. Elle ne fournit

aucun document écrit établissantclairement que l'embouchure
du Rio Goascoran s'identifiait à l'époque avec l'actuel

"Estero La Cutu", au Nord-Ouest de l'île Garrobo. La Partie
adverse procède seulement par pétition de principe,

prétendant, sans le moindre commencement de preuve, que la
description donnée par le procès-verbal d'arpentage du

30 octobre 1694 "ne peut s'expliquer que d'une façon, si
l'on considère l'ancien lit comme la ligne de partage du

Goascoran lorsqu'il se jetait dans l'estuaire (sic) de "La
Cutu" ("only has one possible explanation when considering
the old bed as the dividing line of the Goascoran River that

is, when it flowed into "La Cutu" Estuary (sic)l."Une telle

affirmation ne tire sa force persuasiveque de son caractère
catégorique et de sa formulation particulièrement assurée,

puisque le mémoire d'El Salvadors'appuie seulementsur deux
références doctrinales qui sont commeon va le montrer,

aussi pauvres qu'imprécises.

63. La première étude sur laquelle s'appuie la Partie

adverse pour démontrer que le Rio Goascoran se jetait en
1694 dans l'"Estero La cutum2 est la 'Monografia del

Departamento de Valle" publiée à Tegucigalpa en 1934 et
écrite "por los miembros de la sociedad pedagobica de la

ciudad de ~acadme, bajo la direccion del profesor Bernardo
Galindo y Galindo, en elano de 1930~3. De toute évidence,

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.63; trad. Er.
p. 46.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.60 et 6.67; trad.
Er. p. 45 'et 47.

3 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe VIII.l, p. 243

et supra., par. 16, note 3.il suffit de parcourir ce livre pour prendre conscience

qu'il s'agit d'un ouvrage sans prétentionscientifique. Il
faut noter de surcroit, comme on l'a déjà montré1, que

Galindo y Galindo s'était contenté d'affirmer, sans
référence documentaire et sans la moindre précision quant à

la date du changement de lit du Rio Goascoran qu'on trouvait
des "vestigios de su primitive lecho" et qu'il avait alors

son embouchure "enel estero de La Cutu, frente a la Isla de
Zacate Grande". Une référence de ce genre ne peut constituer

sérieusement pour la Partie adverse une preuve écrite
susceptibled'établir devantla Chambre le fait allégué.

64. Quant à la seconde référence doctrinale de la

Partie adverse pour prouver que le Rio Goascoran se jetait
en 1694 dans le Golfe de Fonseca,par l'"Estero La Cutu",

elle est due à la plume de l'ingénieur salvadorienn Santiago
~arberena~, spécialiste connu des frontièresentre les deux

pays. Elle est cependant tout aussi imprécise que la
précédente et plus éloignée encoreque cette dernière de la

démonstration à fournir. Elle provient en effetd'une étude
intitulée "Los Rios Lempa y Goascoran y la Regla de Babinet

1 Contre-mémoire du Honduras, supra., par. 16,
note 3.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.68; trad. fr.

p. 47.O de Baër", publiée en 1905 dans une revue salvadorienne

quasi-confidentielle,la "Revista la ~uincena"~.Or ce n'est
que de façon tout à fait incidente et approximative2que le ,

Dr. Barberena a fait allusion au changement de lit du Rio
Goascoran, sans mentionner la date de ce phénomène naturel

ni indiquer le nom du bras dans lequel cette rivière se
jetait dans la mer. Il s'est en effet borné à écrire:

1 La Partie adverse n'a pas jugé opportun de

reproduirecette étude dansses annexes.

L'objet essentiel de l'étude du Dr. Barberena
était non pas les phénomènes d'avulsion, c'est-à-direles
déplacementsbrusques du lit des fleuves concernés, mais les
phénomènes d'érosion lente ou d'alluvionnement sous
l'influence de la force dite de Coriolis qui a pour
conséquence d'imposer une trajectoire courbe à un corps en
mouvement sur la surface d'un solide en rotation qui,
autrement, sansce facteur supplémentaire d'accélération, se
déplacerait de façon rectiligne. Dès 1849 Babinet, et Baër
en 1866, avaient ainsi montré que, dans l'hémisphère Nord,
on constatait une déviation vers la droite de tous les
mouvements à la surface de la terre et notamment des cours
d'eau, étant entendu que la même déviation se produit vers
la gauche dans l'hémisphèreSud. On ne peut donc afrirmer,
comme le fait le Dr. Barberena, que le flux des eaux du Rio
Lempa ou du Rio Goascoran se dirigerait, conformément à la
loi de Babinet ou de Baër, "de préférence vers la rive
gauche sur laquelle l'effetde l'érosion est beaucoup plus
vigoureux et visible que sur la rive opposée". Sicette loi
s'appliquaiten effet à ces rivières, on devrait constater
au contraire leur déviation vers la droite, au détriment,
par conséquent,du Honduras. "A quelque sept kilomètres en amont de ce même
dernier point - il s'agit de l'embouchure du Rio
Goascoran dans le Golfe de Fonseca - se trouve le
point où le Goascoran a abandonné son ancien cours
pour en adopter un nouveau vers la droite."

Le Gouvernement d'El Salvador est d'autant moins fondé
à s'appuyer sur ce texte pour prétendre que le Rio

Goascoran, avant de changer de lit, se jetait dans la mer
par l'"Estero La Cutu" que cet extrait de l'article du

Dr. Barberena, publié en 1905, est repris, mot pour mot, de
la "Description géographique de la frontière entre El

Salvador et le Honduras", rédigée en 1889 par le même
Dr. Barberena. Or ce dernier ajoutait, immédiatement après

le texte cité dans le mémoire d'El Salvador, "L'anciênne
embouchure (du Rio Goascoran) se trouvait en face de la

petite île du Conejo...lM, visant ainsi l'"Estero El Coyol".

65. Les références doctrinales avancéespar la Partie
adverse ne résistent par conséquent pas à l'analyse. Elles

ne permettent en aucune manière de justifier son affirmation
suivant laquelle la description donnée par le procès-verbal

d'arpentage du 30 octobre 1694, relatif à la "zone dite Los
Amates" , "ne peut s'expliquer que d'une faGonW2, en

considérant que l'embouchure de l'ancien cours du Rio
Goascoran correspondait à l'"Estuaire (sic) de La Cutu".

Elles n'établissentpas davantage que le déplacement de ce

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

III.2.1O.B,p. 261.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.63; trad. fr.
p. 46.cours d'eau, de son ancien lit à son lit actuel, s'était
réalisé avant la fin du XVIIe siècle, avant que ne soit

délivré le titre de terres sur la "zone dite Los Amates" à
Don Juan Bautista de Fuentes en 1694.

2. Le changement de lit du Rio Goascoran, un phénomène

géoqraphique naturel non pertinent dans le présent
différend

66. Malgré l'imprécision des faits allégués dans le
mémoire.d'El Salvadoret l'absence de preuve écrite relative

à la date, mëme approximative,du changement du lit du Rio
Goascoran ainsi qu'à la détermination de l'ancien lit de ce

cours d'eau jusqu'au Golfe de Fonseca, la Partie adverse
entend, pour justifier le maintien de la ligne divisoire

dans 1'"'oldriver-bed of Goascoran river",appliquer à cette
situation ce qu'elle appelle "une règle de droit

international public'' ("a rule of Public International
~aw")l. Il s'agirait, de son point de vue, d'une règle qui

aurait été admise, dans le cadrede l'arbitrage rendu en
1911 dans l'affaire d'ElCharnizal,lors des négociations

entre le Mexique et les Etats-Unis, et qui' pourrait être
formuléedans les termes suivants :

"si une rivière abandonne son ancien cours,la
frontière internationale demeure au milieu du
cours abandonné de la rivière" ("if a river
abandons its former course, the international
boundary remains the middle of the abandoned
course of the river2").

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.66; trad. fr.

p. 46.

2 -bid. Le Gouvernementdu Honduras rejette catégoriquement une
telle thèse. D'une part, en effet, il doute que

l'inaltérabilité et l'invariabilité du tracé fluvial
frontalier dans l'hypothèse d'un brusque et violent

déplacement du cours d'eau, constitutif d'avulsion,
correspondent à une règle de droit international positifet

d'autre part, à supposer même que cela soit le cas, cette
"règle" ,serait inopposable au Honduras dans le présent

différend.

a) La prétendue "rèqle" de l'inaltérabilité du tracé
frontalieren cas d'avulsion

67. Le Gouvernement du Honduras n'ignore pas qu'une

partie de la doctrine systématise les effetsjuridiques du
comportement changeant des cours d'eau autour de la

distinction entre les modifications lentes et graduelles du
fleuve frontière dues à un alluvionnement progressif

("accretion"en anglais; "aluviiin"en espagnol) d'une part
et, d'autre part, les changements brusqueset violents

entraînant un transfert de lit et constituant une avulsion
brutale ("avulsion" en anglais et en espagnol). Alors que,

dans la première hypothèse, la frontière suivrait les
déplacements progressifs du cours d'eau, dansla seconde, la

frontière ne bougerait pas; elle serait maintenue dans
l'ancien lit abandonné. Alors que, dans le premier cas, le

cours d'eau, malgrè les modifications qu'il a subies,
resterait frontière, dans le second, le cours d'eau

cesserait d'être frontière. Parmi d'autres, le professeur
D.P. O'Connel1 a ainsi écrit :

"A distinction is drawn between accretion and
avulsion, the former being the slow and gradua1
deposit of soi1 by alluvion so as to modify a river channel imperceptibly,the latter being a
sudden and violent shift in the channel so as to
leave the old riverbed dry. The public law
principles which have been applied distinguish
between these two events, allowing the
modification of boundary as a result of gradua1
shift in the thalweg, fixing the boundary inthe
old thalweg when the river suddenly alters
coursel."

Et pour étayer cette thèse, que la Partie adverse reprend à

son compte comme étant indiscutable,la même doctrine
invoque certaines décisions de la jurisprudence fédérale,

notamment de la Cour Suprême des Etats-Unis, certains
traités de frontière et surtout la sentence arbitralerendue

le 15 juin 1911 dans l'affaire précitée El Chamizal.

68. La réalité est probablement moins évidente et un
examen attentif de la pratique des Etats ne permet pas de

soutenir, en tout cas de façon aussi catégorique, que la
distinction entre alluvionnement et avulsion avec -les

conséquences juridiques qu'elle entraînerait, telles
qu'elles viennent d'être énoncées sur le tracé d'une
frontière fluviale appartienne au droit positif. La doctrine

n'est pas aussi unanimequ'on l'affirme souvent. Ainsi le
PrésidentAnzilotti, dans le commentaire qu'il a donnéd ,ans

la Rivista di Diritto Internazionale de 1914, de la sentence
El Chamizal est-il beaucoup plus nuancécar, de son point de

vue:

1 International Law, seconded., vol. 1, London,
Stevens, 1970, p. 429. "La prétendue règle de droit international
dispositif est donc, en réalité, une simple
opinion doctrinale: rien de plus1."

et il pouvait conclure son étude dans les termessuivants:

"il n'existe pas de rèqles qénérales sui
déterminent les effets juridiques des
modificationsdu cours des rivières ou des fleuves
de frontière: tout dépend de la volonté des
parties dans le cas d'espèceet les questions qui
se posent sont exclusivement des questions
d'interprétation de la volonté2" (souligné par
nous).

1 Intorno agli effetti delle modificazioni dec lorso
di un fiume su1 confine fra due stati, Opere di Dionisio
Anzilotti, Tomo Primo, Scrittidi Diritto internazionale
Publico, Padova, Cedam, 1956, p. 701.

2 m., p. 705. L'analyse dtAnzilotti mérite d'être
rappelé: "La détermination dela frontière entre deux Etats
limitrophes est le produit de leur volonté, soit que cette
dernière soit établie par des traités spéciaux, comme cela
arrive dans la plupart des cas, soit qu'elle dépende d'un
état de fait consacré par l'usage. Mais, ici comme toujours,
la volonté des Etats n'est ni arbitraire ni capricieuse;
elle interprèteun ensemble d'exigences, de nécessitésou
d'utilités réelles, qui constituent le substrat, le
fondement matériel, la cause en un mot, de la détermination
juridique: c'est à ce fondement qu'il faut donc remonter
lorsqu'il s'agitd'établir le contenu exact de la volonté.
Si deux Etats fixentla ligne de la frontière en se référant
à une rivière ou à un fleuve, il est logique de considérer
qu'ils veulent tirer profit des avantages offerts par un
cours d'eau situé entre eux; et puisque ces avantages ne
peuvent pas être assurés si la ligne de division idéale ne
se maintient pas dans un rapport donné avec le cours d'eau,
en suivant ses modificationsinévitableset continuelles, il
faut retenirque c'est justementce qui a été voulu par les
Etats en adoptant cette ligne. En d'autres termes, la
volonté des Etats ne consiste pas à adopter une ligne
artificielle fixe, indiquée par le milieu du lit ou duSuite de la note 2 page précédente.

thalweq, à un moment donné, mais une ligne essentiellement
mobile, marquée par le milieu du lit ou du thalweq à tous
les instants qui suivront, parce que c'est seulement elle
qui permet de satisfaire aux buts que l'on se propose
d'atteindre quand on fixe une frontière en fonction d'un
cours d'eau. Qu'il s'agisse de son utilité du point de vue
de la défense militaire du pays, ou des avantages qui
dérivent de la navigation, ou bien de ceux qui se rapportent
à l'utilisation,agricole ou industrielle, des eaux,il est
certain que ces avantages ne peuvent pas être obtenus d'une
manière continue et stable si la frontière ne suit pas les
évolutions naturelles de la rivière ou du fleuve. Ceci
revïent à dire que la volonté des Etats se rapporte
justement à une ligne qui se modifie avec les variations des
conditions du cours d'eau auquel elle se rapporte. Rien
n'empêche d'ailleurs que la volonté des parties soit
différente et que la référence au cours d'eau soit
simplement une manière d'indiquer uneligne idéale fixe;
mais puisque dans un tel cas la référence au cours d'eau
perdrait la significationet la valeur qui lui'sont propres,
on comprend très bien qu'elle ne puisse pas être admise s'il
n'est pas prouvé que telle était vraiment l'intention des
parties. En un mot, le contenu normal de la volonté des
Etats qui établissent leur frontière en fonction d'une
rivière ou d'un fleuve est d'adopter la ligne qui maintient
celle qui est fournie par la répartitionde la rivière ou du
fleuve en suivant les changements naturels; il ne s'agit pas
d'une règle dispositive, mais d'une interprétation pure et
simple de la volonté.

Cette interprétation,parfaitement naturelleet logique
en ce qui concerne les changements graduelset lents de la
rivière ou du fleuve, qui font partie de l'ordre normal des
évènements et que les parties peuvent prévoir et prévoient
certainement, n'a plus de raison d'être lorsqu'il s'agit de
changements soudains, imprévus et imprévisibles, qui
modifient complètement et peut-être profondément la
situation de la rivière ou du fleuve par rapport aux terres
environnantes. 11 serait arbitraire de supposer que les
parties aient voulu que la frontière demeure dansle cours
d'eau, quels que soient les déplacements que ce dernier
subit, et même si, par exemple, il a laissé sur sa rive
gauche une ville riche et peuplée qui se trouvait sur sa
rive droite, ou inversement; mais il ne serait pas moins
arbitraire de supposer que les Etats aient voulu exclure
d'une manière absolue que la frontière suive lesDe mëme, plus récemment, le professeur L.J. Bouchez a

soutenu:

"That there are no qeneral principles of
international law applicable to alterations of
rivers an their consequences, since each chanqe
possesses its own particular character due to the
concrete circumstancesL" (soulignépar nous).

Quelques exemples tirés de la pratique de ces Etats
suffiront pour confirmer ces analyses et pour montrer que la

positivité de la prétendue "règle" de l'inalérabilité du
tracé fluvial frontalier en cas d'avulsion est des plus

incertaines.

Fin de la note 2 page précédente

modifications du lit pour la seule raison qu'une
modification a été soudaine au lieu d'être lente, et que les
Etats aient ainsi renoncé dans tous les cas aux avantages
d'un cours d'eau séparatif, mëme lorsque,par exemple, il
s'agit de quelques centaines de métres carrés de prairie ou
de quelques kilomètres de plage inculte et sablonneuse. Ici,
également, la question se ramène entièrement a
l'interprétationde la volonté; mais tandisque dans le cas
précédent il était possible d'établir une présomption
générale de volonté, laquelle ne cède que devant la preuve
contraire, ici toute présomption est impossible et la
détermination de ceque les parties ont réellement voulu ne
peut se faire que cas par cas, en fonction de toutes les
circonstances de fait qui l'accompagnent" (m., p. 701-703
traduit par nous).

1 The fixinq of Boundaries in International Boundar~
Rivers, The International and Comparative Law Quarterly,
vol. 12, 1963, p. 807. i) La iurisprudencefédérale

69. La doctrine favorable à la prétendue "règle"qu'on

vient de rappeler se réfère à différentes décisionsde la
Cour suprême des Etats-Unis et elle souligne notammentque,

dans l'arrêt rendu en 1892 dans l'affaire Nebraskac. Iowa,
il a été jugé, à la suite de l'avulsion du fleuve Missouri,

que la limite entre les deux Etats devait demeurer dans
l'ancien lit. Cette référence est exacte mais il convient
également de relever que la même juridiction a accueilli

l'argumentation avancéepar l'un des Etats de l'Union en
litige et fondéesur le long usage et l'acquiescementet a

jugé, dans des hypothèses d'avulsiontrès anciennes - comme
c'est le cas précisément, dansle présent différend, du Rio

Goascoran - que le thalweg dunouveau lit devait devenir la
frontière.

A cet égard, l'arrêtrendu le 3 juin 1940 par la!Cour

Suprëme, dans l'affaire'Arkansas c. Tennessee, est! d'un
d'intérêt particulier.L'Etat doArkansas a en effet saisi la
Cour Suprêmepour que sa f.rontière avec 1'Etat du Tennessee.

soit déterminée et pour que soit établie.la juridiction et
la souverainetésur des terrainsqui:

"prior to 1821 was on the Arkansas side of the
Mississipi River but which, as the result of
avulsion in 1821, became attachedto the Tennessee
side of the river."

En d'autres termes, le fleuve Mississipi qui séparait

ces deux Etats contournait, avant lechangement brusquede
son lit, une sorte de péninsule par un large méandre,puis a
coupé droit au travers de la courbe, son ancien bras

s'asséchant Eomplètement depuis lors. La Cour Suprême,relevant que: "From 1826 to the date of the filing of this

suit, Tennessee has continuously exercised dominion and
jurisdictionover the lands in controversy" et que "Arkansas

has acquiesced in Tennessee's exercise of dominion and
jurisdiction" a reconnu les droits du Tennessee sur les

terrains contestés sur la base de la prescription et de
l'acquiescement. De surcroît, 1a Cour a rejeté

l'argumentationde l'Arkansas suivant laquelle "the rule of
the thalweg is of such dominating character that it meets

and overthrows the defense of prescription and acquiescence"
et elle a jugé:

"...The rule of the thalweg rests upon equitable
considerations and is intended to safeguard to
each State equality of access and right of
navigation in the stream.The rule yields to the
doctrine that a boundary is unaltered by an
avulsion, and in such case, in the absence of
prescription, the boundary no longer follows the
thalweg but remains at the original line, although
now on dr- land because the old channel has filled
up. And, it turn, the doctrine as to the effect of
an avulsion may become inapplicable when it is
established that there has been acquiescence in a
lonq continued and uninterrupted assertion of
dominion and jurisdiction over a qiven area. Here
that fact has been established and the original
rule of the thalweg no longer appliesl" (souligné
par nous).

1 Annual Diqest, 1938-1940. Case no 47, p. 112-116:
Diqest of international law, prepared by and under the
direction of Marjorie M. Whiteman, vol. 2, Department of
State Publication, 1963, p. 1084-1085. 70. Une solution analogue a été retenue en Argentine
dans un "dictamen", d'un intérêt particulier, donné le

12 novembre 1969 par la "Comision Nacional de Limites
interprovinciales"dans un différend entre les Provincesde

Mendoza et de San Luis à la suite de l'avulsion, vers 1885,
du cours d'eau frontalier, le Rio Desaguadero. La Province
de San Luis prétendait, quant à elle, que la limite

interprovinciale devait demeurer fixée dans l'ancien lit du
Rio Desaguadero et elle s'appuyait sur l'argumentation

suivante :

"Desde el punto de vista juridico, la pretension
de San Luis relativa al antiguo cauce del
Desaguadero como limite interprovincial tiene dos
fundamentos independientes, a saber : a) la
existencia de una pretendida normade Derecho
.gentes sequn la cual, en los rios limitrofes sue
cambian de curso, la linea de limite permanece
inalterable ; y b) la prescripcion adquisitiva
fundada en el ejercicio de la jurisdiccion
politica adminitrativa y fiscal sobre la zona en
1itigio"i (soulignépar nous) .

Or la Commission a écarté ce point de vue et entériné
la thèse de la Province de Mendoza, selon laquellela limite

entre les deux Provinces devait passer par le cours actuel
du Rio Desaguadero. Dans son "dictamen" du 12 novembre
19692, la Commission a rejeté l'argumentde la prescription

1 contre-mémoiredu Honduras, AnnexeVIII.2, P. 251.

2 Il est d'autant plus intéressant que la Commission
a rappelé que, conformément à la loi 17.324 qui l'a
instituée (ADLA XXVII B), elle devait statuer en droit.acquisitive, au motif que l'occupation par la Province de

San Luis des terrains situés entre l'ancien et le nouveau
bras du Rio Desaguadero n'avait pas été "pacifica e

indisputada"l, mais surtout elle a rejeté l'argument de
l'inaltérabilitédes frontières fluvialesen cas d'avulsion.

Il ne s'agit que d'une "pretendida reglaN2 de droit

international qui ne saurait, en tout état de cause, être
appliquée à l'espèce. En effet, pour la Commission, la
Partie à un différend qui invoquerait cette "prétendue

règle" a l'obligationde "probar especialmente cual es el
antiquo curso que reivindica como limitew3 (souligné par

nous), ce que la Province de San Luis n'avait pas fait et ce
que le Gouvernement d'El Salvador n'a pas fait non plus, on

le remarquera, dans le présent différend. De surcroît, la
Commission considère que, dans l'hypothèse d'un traité de

frontières:

"si las Partes han tenido en cuenta el obstaculo
que constituye el rio O han tomado en
consideracion los beneficios que brinda la
navegabilidad del rio O la posibilidad de obtener
el recurso hidrico para riego, es indudable que el
limite debe sequir las variaciones del rio4''
(soulignépar nous).

1 Contre-mémoiredu Honduras, AnnexeVIII.2, p. 256.

2 Contre-mémoiredu Honduras, AnnexeVIII.2, p. 252.

3 Contre-mémoiredu Honduras, AnnexeVIII.2, p. 252.

4 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe VIII.2, p. 256. Aussi bien, s'appuyant sur la Cedula édictée le

25 septembre 1603 par le "Gobernador y Capitan General Don
Alonso de Rivera" et conEirmée en 1786 - qui avait choisile

Rio Desaguadero comme limite entre lesdeux Provinces en
raison de son "caracter de obstaculo natural" - la

Commissiona décidé:

"Por esta razon, y aplicando la reqla del uti
possidetis juris, esta Comision Nacional lleqa a
la conclusion que se debe tomar como limite
interprovincialel Rio Desaquadero ta1 como corre
por su cauce actualL" (soulignépar nous).

Cette conclusion est transposable au présent différend

puisque, commeon le montrera plus loin2, le Rio'Goascoran a
toujours été retenu, pendant la période coloniale, comme

limite de juridiction entre la Province de San Miguel et
1'Alcaldia Mayor de Tegucigalpa ou l'Intendance de

Comayagua.

ii) Les pratiquesnationales

71. Les jurisprudencesfédérales ne sont pas seules à

écarter expressément la prétendue "règle" de l'avulsion,
certaines pratiques nationales sont tout aussi probantes. La

pratique suisse,telle qu'elle s'est manifestée à la suite
des changements naturels survenus dans le cours dla

rivière Tresa, à la frontière italo-suisse;est à cet égard
significative.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe VIII.2, p. 257.

2 Contre-mémoiredu Honduras, infra. ,ar. 84-87. Un immeuble situé sur la rive gauche de la Tresa et

inscrit par conséquent au cadastre de la commune italienne
de Viconago s'est trouvé, "quelques années" avant1915, sur

la rive droite de la Tresa, "à la suite du changement de lit
de la rivière". Le problème s'est alors posé de savoir si le

propriétaire de l'immeuble était autorisé à le faire
inscrire au registre foncier de la commune tessinoise de

Croglio. Le Service topographique fédéral, dansune lettre
adressée le 18 décembre 1915 au Département politique

Fédéral a considéré "qu'avec la variation de la liqne
médiane du bras principal de la Tresa, la frontière du pays

s'est éqalement modifiée, cette fois-ci en faveur de la
Suisse et à une autre occasion en faveur de l'ltaliel"

(soulignépar nous).

C'est dire que, du point de vue des autorités suisses,

la ligne divisoire n'a pas été maintenue dans l'ancien lit
de la Tresa, comme l'aurait voulu le soi-disant "principe"

de l'avulsion, mais qu'elle a suivi son nouveau lit.
Concrètement, le Service topographique fédéral en tirait la

conclusionque le propriétaire de l'immeubleavait:

1 Répertoire suisse de droit international public,
documentation concernant la pratique de la Confédération en
matière de droit international public, 1914-1939,vol. II,
Helbing Lichtenhahn, Bâle, 1975, p. 1021-1023, 5.23. "le droit de demander l'inscription du fonds de
terre situé précédemmentsur la rive gauche de la
Tresa, sur territoire italien, et maintenantsur
la rive droite de la rivière, sur territoire
suisse, dans le registre foncier de la commune de
Croglio. La Suisse même peut l'exiqer, afin que
plus tard l'Italie ne puisse prétendre, se
référant au cadastre de Viconago, que son
territoire s'étendégalement à la rive droite de
la Tresa..."l (soulignépar nous).

iii) La pratique conventionnelle

72. Une analyse attentive des traités de frontières

montre également combien il est difficile de faire état
d'une "règle" de droit internationalsur l'inaltérabilité

d'un tracé fluvial frontalier en cas d'avulsion. Il est vrai
que certaines conventions frontalières, comme le traité du

11 octobre 1884 entre les Etats-Unis et le Mexique "touching
the boundary line between the two countries when it follows

the bed of the Rio Grande and the Rio ~olorado"~,
reconnaissent des effets juridiques à la distinction entre
l'all~v~onnementgraduel et l'avulsion soudaine. Néanmoins,

la pratique conventionnellen'est pas pour autant

1 Répertoire suisse de droit internationalpublic,
documentation concernant la pratique de la Confédération en
matière de droit international public, 1914-1939,vol. II,
Helbing Lichtenhahn, Bâle,1975, p. 1023, 5.23.

2 R.S.A., vol. XI, p. 323.concordante et de nombreux accords méconnaissent l'un ou

l'autre aspect de la "règle". Ainsi, l'article 2 du Traité
de délimitation de la frontière entre le Guatemala et El

Salvador, en date du 9 avril 1938, étend-il la solution
prétendument applicable au processus d'avulsion au phénomène

de l'alluvionnement puisqu'il dispose que:

"Tous les changements (quelle que soit leur
nature) qui pourraientse produire dans les lits
des cours d'eau formant la frontière... ne
modifieront pas la ligne frontière fixée au moment
de la démarcation1.'

.On voudrait surtout montrer, par quelques exemples,

qu'il est facile de trouver des traités de frontières, dans
toutes les parties du monde, qui récusent expressément le

soi-disant "principe'de l'avulsion.

73. Ainsi, en Europe, à propos de l'Escaut,
l'article 9 du traité entre la Belgique et les Pays-Bas pour

l'exécution du traité de Londres du 19 avril 1839, conclu à
La Haye le 5 novembre 1842, dispose-t-il:

"La limite entre la province d'Anvers (Belgique)
et celle de Zélande (Pays-Bas), maintenue telle
qu'elle existait sous l'ancien Royaume des Pavs-
Bas, reste formêe par le thalweq variable de
l'Escaut, lequel sera indiqué par une ligne tirée
au milieu des deux rangées de bouées2" (souligné
par nous).

1 S.D.N., Recueil des traités,vol. CLXXXIX, p. 294,
contre-mémoiredu Honduras, Annexe 111.3, p. 140.

2 C.I.J. Mémoires, plaidoirieset documents, affaire
relative à la souveraineté sur certaines parcelles
frontalières (Belqique/PavS-Bas),1959, p. 439. On peut lire de même, à propos de la Meuse, dans
l'article 11 paragraphe 1 de la Convention de délimitation

signée à Maastricht, le 8 août 1843, entre la Belgique et

les Pays-Bas,que:

Si par une catastrophe quelconque, la Meuse
vient à abandonner son lit actuel et à s'en
creuser un nouveau, le thalweq de ce nouveau lit
n'en continuera pas moins à former limite entre
les deux EtatsL" (soulignépar nous).

74. On peut relever, dans le même sens, à propos du
fleuve Juba, à la frontière de l'ancienne Afrique orientale

britannique et de l'ancienne Somalie italienne, 1'Echange de
notes des 8 et 15 juillet 1911. A la suite du changement de

lit du fleuve Juba , à son embouchure, le Gouvernement
britanniquea reconnu:

"la sovranità delllItalia sulla linqua di terra
alla foce del fiume Giuba situata tra l'antico
corso ed il nuovo, con riserva dei diritti di
proprietà dei privati che saranno rispettati e
nell' intesa che ne1 caso di ulteriori spostamenti
nella foce del fiume, la sponda sinistra della
foce, con territorio retrostante, apparterrà
alllItalia e la sponda destra, col territorio
. retrostante apparterrà al la Gran BretaqnaL"
(soulignépar nous).

Bulletin officiel des loiset arrêtés royaux de la
Belqiq-, 2e trimestre 1843, tome XXVIII, p. 1376.

Rivista di Diritto internazionale1914, p. 109; La
prassi italiana di di.ritto internazionale. seconda serie
11887-1918), vol. III, Oceana publications Inc. 1979,
p. 1300-1305,par. 2305.C'était admettre la mobilité de la frontière fluviale à la
suite d'une avulsion du fleuve Juba.

75. Le continent asiatiquefournit également plusieurs

exemples qui confirment une pratique similaire. Ainsi, dans
1'Echange de notes entre le Royaume-Uni et l'Inde d'une part

et le Siam d'autre part, en date des 27 aoüt 1931 et
14 mars 1932, relatif au fleuve Me-Saï à la frontière de la

Birmanie (Kentoung)et du Siam :

"...il a été convenu d'adopter le nouveau chenal
du fleuve Mé-Saï comme constituant la frontière
entre le Siam et le Kentoung ; étant entendu que
si, à l'avenir, le fleuvevenait encore à modifier
son cours, nos deux qouvernements seraient
disposés a reconnaître toujours le "chenal en eau
profonde" du fleuve comme constituant la
territoriale qui pourraitomêtre dencourue deperce

faitL" (soulignépar nous).

Les mêmes gouvernements ont confirmé le même principe pour
le fleuve Pakchan entre le Siam et la Birmanie, considérant

que le "deep water channel" devait toujours former la ligne
divisoire, "wherever it may ben. L'accord du ler juin 1934

renvoie en effet à un Memorandum anglo-siamois, en date du
10 janvier 1933, aux termesduquel :

"...to clarify the present situation and to
provide against any future changes in the course
of the River Pakchan, the present new channel,

1 S.D.N., Recueil des Traités,vol. CXXXI, p. 141. as the boundaryep winerthisinstance, and,e afurther,
that the deep water channel of the River Pakchan,
wherever it mav be, should always be accepted as
the boundaryL" (soulignépar nous).

76. La même pratique est confirméesur le continent

américain. Ainsi, aux termes de l'article II du traité
anglo-américain du 11 avril 1908 concernant la démarcation

des frontières entre lesEtats-Unis et le Canada :

"...the line of boundary through (River Ste.
Croix) shall be a water line throughout and shall
follow the center of the main channel or thalwes -
as naturallv existinq, except were such course
would chanse or disturb. or conflict with the
national Lharacter of an island as already
established by mutual recognition and
acquiescence, in which case the line shall pass on
the other side of any such island, following the
middle of the channel nearest thereto2" (souligné
par nous).

De même, l'échange de notes anglo-brésilien des
27 octobre et ler novembre 1932 sur la frontière entre le

Brésil et la Guyane britanniquedispose très clairement dans
son paragrapheIV :

1
Martens, N.R.G.T, 3e série, vol. XXX, p. 107-109.

2 Martens, N.R.G.T,, 3e série, vol. IV, p. 195. '"S'il arrivait que la rivière subîtun déplacement
total de son cours, par suite de quelque phénomène
naturel soudain, de telle sorte qu'elle abandonnât
son lit et s'en ouvrit un autre, le thalweq de la
rivière continuera de former la liqne frontière.
Dans ce cas, 1'Etat subissant une perte de
territoire aura le droit de faire rentrer la
rivière dans son lit abandonné,dans un délai de
quatre ans à partir de la date à laquelle il aura
eu connaissance du chanq-ment de cours1" (soulis-é
par nous).

C'est dire que de nombreux accords de délimitation

prévoient que, même dans des hypothèses d'avulsion et pas
seulement d'alluvionnement,la ligne divisoire changera avec

les altérations qu'a suivies lefleuve frontière et suivra
le thalweg qui s'est déplacé.

iv) La jurisprudenceinternationale

- La sentence El Chamizal

77. Le mémoire d'El Salvador semble considérer que la
"règle" de l'avulsion aurait été reconnue "dans le cadre de

l'arbitrage d'El Chamizal" (''in the Arbitration of El
chamizalU2). Cette affirmationpeut prêter à confusion et il

convient de situer la sentence arbitrale du 15 Juin 19113
dans son exacte perspective.

1 S.D.N., Recueil des Traités,vol. CLXXVII, p. 135

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.66: trad. fr.
p. 46.

3 R.S.A., vol. XI, p. 309-347. 78. En effet, le différend qui a opposé les Etats-Unis
et le Mexique, à la suite des déplacementsdu Rio Grande, ne

portait pas sur l'existence d'une règle coutumière
consacrant la distinction alluvionnement-avulsion ;ais sur

son application concrète à l'espèce. Il s'agissait en effet
de savoir si, dans le cas particulier, il y avait eu

alluvionnement ou avulsion - puisque c'était par l'action
combinée. d'une avulsion violente et d'un alluvionnement

progressif que le Rio Grande avait abandonné son ancienlit
et s'était déplacé dans un nouveau lit - afin de déterminer
le statut des terrains situés entre l'ancien et le nouveau

lit du fleuve. Or, comme on l'a déjà relevé1, la distinction
entre alluvionnement et avulsion et ses effets juridiques

étaient admise par les Parties dans les articles 1 et 2 de
la Convention du 11 octobre 1884. C'est dire que le droit

applicable entre lesEtats-Unis et le Mexique ne se situait
pas sur le terrain du droit international général, qu'il

soit d'origine conventionnelleou coutumière, mais sur le
terrain du droit international particulier liantles deux

pays en question. Le Tribunal arbitral, pour écarter
l'argumentation mexicaine selonlaquelle la Convention de

1884 n'avait aucun effet rétroactif,a remarqué que les
dispositionsde cette Convention:

"appear to have been intendedto codify the rules
for the interpretation ofthe previous treaties of
1848 and 1853 which had formed the subject of
diplomatic correspondencebetween the parties2."

1 Contre-mémoiredu Honduras, çupra., par. 72.

2 R.Ç.A., vol. XI, p. 325. 79. Il faut également ajouter que la sentence

arbitrale du 15 Juin 1911 n'a pas la portée qu'on lui prête
parfois. D'autre part, le Commissaire américain Anson Mills

a vigoureusement critiqué la décision dans son opinion
dissidente, lui faisant notamment grief d'avoircommis un

excès de pouvoir en procédant à un partage des parcelles
litigieuses, au lieu de les attribuer, comme levoulait le
compromis, en totalité à l'une ou a l'autre des parties1.

D'autre part, commeon le sait, le Gouvernement des Etats-
Unis a refusé d'accepterla sentence en question "as valid

or bindingW2 et il faudra attendre la conclusion des
Conventions du 29 août 1963 et du 23 novembre 1970pour que

la question soit finalementtranchée entre lesdeux pays.

- La sentence Honduras Borders

80. La sentence arbitrale rendue le 23 janvier 1933
dans l'affaire des frontières entre le Guatemalaet le

Honduras - et souvent citée dans le mémoired'El Salvador à
d'autres fins - est encore plus significative, puisqu'elle

reconnaît clairementque, dans l'hypothèse d'une avulsion,
la frontière suivra le déplacement du fleuve. Le problème

s'est en effet posé au Tribunal arbitral, à la suite des

1 R.S.A., vol. II, p. 333-342.

Note adressée le 24 août 1911 par les Etats-Unis
et le Mexique, citée par le Juge Philip Jessup dans son
article "El Chamizal", American Journal of International
Law, July 1973,vol. 67, no 3, p. 434.
-altérations qu'a subies le cours du Ri0 Motagua et du Rio

Tinto, pour déterminer la souveraineté sur "the so-called
Cuyamel area, contiguous to 0moaU1. Comme l'a remarqué la

sentence:

"Reference has been made to the apparent change,
after 1832, in the bed of the Motagua river near
Tinto river. This itschangegis mentionned inf ththe
"Instructions" of Marure and Larreynaga, of
Guatemala, in 1844. ~pparent confirmation is found
in the report of the aerial survey which states
that the lower Motagua river "has been changing
its course in the past" (and that) "traces of its
old beds are apparent over a wide belt below
Tenedores"... It thus appears that what, in 1832,
was the Tinto river "on the coast" is now the
Motagua river £rom the point of the present
confluence of the Tinto and the ~ota~ua~."

81. Or il est remarquableque le Tribunal arbitral ait

tranché la question dans les termes suivants :

"In the interest of a definite and satisfactory
settlement to secure a lastinq peace between the
Republics, the Tribunal decides that the
definitive territorial bounda-y shouldbe the
right bank of the Tinto river.. . and the right
bank of the Motagua river from the pointwhere the
Tinto river enters the Motagua river,to the mouth
of the latter... As thus described, the boundary
is established on the riqht banks of these rivers
at mean hiqh water mark, and, in the event of

1 R.s.A., vol. II, p. 1361-1362; contre-mémoiredu
Honduras, Annexe VIII.3, p. 261.

2 ibid.
- chanqes in these streams in the course of time,
whether due to accretion, erosionor avulsion, the
boundary shall follow the mean hiqh water mark
upon the actual riqht banks of both riversLw
(soulignépar nous).

Ce qui appelle une triple observation. D'unepart, dans

l'hypothèse d'un changement delit du Rio Motagua ou du Rio
Tinto, la ligne divisoire suivra la rive droite du nouveau

lit et non pas, comme cela n'aurait pas manqué d'être le cas
s'il existait une "règle" de l'avulsion, la rive droite de

l'ancien bras désséché. D'autre part, l'inexistencede cette
prétendue "règle" est générale dans toutes les hypothèses de

frontières fluviales puisqu'elle vaut non seulement
lorsqu'elle correpond au thalweg ou à la ligne médiane, mais

également dans l'hypothèse, exceptionnelle dans la pratique
contemporaine des Etats, d'une limite à la rive. Enfin, les

1 R.S.A., vol. II, p. 1362; contre-mémoire du

Honduras, Annexe VIII.3, p. 262.

On remarquera que cette dernière phrase est reprise,
mot pour mot, dans la partie finale de la Sentence (R.S.A.,
vol. II, p. 1365), le Tribunal montrant, de la sorte, toute
l'importance qu'il lui reconnaissait. Voir les observations
concordantes des commentateurs dela sentence, F.C. Fisher,
The Arbitration of the Guatemalan-Honduran BoundaryDispute,
American Journal of International Law, 1933, vol. 27,
p. 426; L.J. Bouchez, op. cit., The International and
Comparative Law Quarterly, 1963, vol. 12, p. 802-803; M.
Giuliano, T. Scovazzi, T. Treves, Diritto internazionale,
Seconda Edizione,vol. II, Milano, Guiffre, 1983, p. 143.conclusions de la sentence de 1933 sont d'un intérêt
particulier pour le présent différend, car "the nature of

the territory in the immediate vicinity" du Rio Motagua
rappelle, par plusieurs de ses traits, la zone environnant

l'embouchuredu Rio ~oascortin~.

82. Ces quelques aperçus sur 1a pratique
internationale, dans l'hypothèse du déplacement brusquedu

lit d'un fleuve frontière, suffisent pour montrer combien il
est difficile de prétendre, comme le suggère le mémoire d'El
Salvador, qu'il existerait une règle coutumière indiscutable

en droit international,aux termes de laquelle l'avulsion
n'entraînerait aucune modification du tracé frontalier, la

ligne divisoire demeurant, suivant le cas,au thalweg, à la
ligne médiane ou à la rive prévue de l'ancien lit. Du point

de vue du Gouvernement du Honduras, il n'existe pas. dans
l'ordre juridique international,de règle générale modelée

sur le principe de l'avulsion, tel qu'il a été édicté en
droit privé romainet tel qu'il se retrouve dans de nombreux

codes civils contemporains.Le déplacement du tracé fluvial
frontalier dans le nouveau bras du cours d'eau est, en

effet, "incontestablement plus simple et meilleur", comme le

1 La sentence reprend les termes du "report of the
aerial survey" : "The valley of R~O Motagua below Laguna
Tinta iç very swampy and has little if any cultivation...
The average elevation of this area is less than ten feet
above çea level and the presence of underground water and
also the overflow from the main river presents a difficult
drainage problem ... The area is practically uninhabited
except by a few fishermen along the Coast and by the
residents of tyo small Settlements,one on each side of the
mouth of the RIO Motagua.. ." (ibid. p. 1362).remarquaitun commentateuranonyme à la suite de la décision

prise en ce sens par les négociateurs allemands et'russes
lorsque, en 1888, la Drewens, à la frontièrede l'Allemagne
et de la Russie polonaise, a changé de litl. Les

justificationsne manquent d'ailleurs paset peuvent varier
suivant les circonstances propresà chaque situation

particulière, cette solution étant encore plus fortement
fondée en droit lorsque, comme c'est le cas d'El Salvador
dans le présent différend, l'un des Etats concernés hésite

sur le tracé de l'ancien brasdu fleuve qui s'est déplacé
et, plus encore, a acquiescé expressément, d'une façon
continue et ininterrompue, à la souveraineté de l'autre sur

les espaces compris entre l'anciee nt le nouveau cours du
fleuve frontière.

b) L'inopposabilitéau Honduras de la prétendue "rèqle"
de l'avulsiondans le présent différend

83. A supposer cependant - ce que le Gouvernement du

Honduras conteste - que soit admise l'existence d'une règle
en droit international positif, aux termes de laquelle,
quand un fleuve frontière change brusquement de lit, la

frontière demeure dans son ancien lit ,ne telle "règle" ne
serait pasopposable au Honduras dans le présent différend.

L'argumentation hondurienns eur ce point se d,éveloppeautour
des trois propositionssuivantes : en premier lieu, la
limite interprovinciale pendan ta période colonialea

1 Revue Générale de droit international public,
1894, t. 1, p. 272.toujours été constituée par le Rio Goascorin ; en second
lieu, le cours actuel du Rio Goascorin existait dès la

période coloniale ; en troisième lieu enfin, les événements
survenus antérieurement à 1821 ne sont pas pertinents dans

le présent différend.

i) Le Rio Goascorin a touiours constitué, pendant la

période coloniale,la limite entre la Province de
Gracias a Dios et la Province de San Mique1

84. Le mémoire du Honduras a apporté la preuve que,

pendant la période coloniale, le Rio Goascoran - qu'on
appelait fréquemmént dans le documents de l'époque "la
grande rivière" - constituait une limiteinterprovinciale,

plus précisément la limite des juridictions entre la
Province de San Miguel et la Province de Gracias a Dios ou

1"'Alcaldia Mayor" de Tegucigalpa ou encore 1'"Intendencia"
de comayagua1. On se bornera à rappeler les deux textes les

plus significatifs.

85. 11 faut d'abord faire état du rapport, en date du
21 août 1765, sur 1'"AlcaldiaMayor" de San Salvador, établi
par Francisco Quintanilla,Alguacil Mayor du Saint Tribunal

de la Foi, Alcalde provincial et.Maire de la ville de San
Vizente de ust tri al"^ndique en effet que cette

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, p. 396-398, p. 35.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p.- 397,
par. 35; Annexes, vol. 1, Annexe 1.1.4, p. 11-12."Alcaldia Mayor"est composée "depuis des temps immémoriaux"

de trois Provinces distinctes, celld ee San Salvador, celle
de San Miguel et celle de San Vizente deAustria. Surtout,

il précise que ces deux dernières Provinces "jouxtent", sur
la rivière de Goascoran, "le Gouvernement de la Ville de
Gracias a Dios" et d'autrepart que:

"la Province de San Miquei... commence à la
rivière de Lempa et se termine à celle de
GoascoranL"(soulignépar nous).

86. Cette même idée, suivant laquelle le Rio Goascoran
constituait, pendant la période coloniale, la limite
naturelle entre 1'Alcaldia Mayor de San Salvador et

1'Alcaldia Mayor de Tegucigalpa, se trouve confirmée dans
différents documents du début du xIXe siècle, avant

l'accession à l'indépendancedes provinces concernées.Il
est ainsi précisé, dans une-pièce de procédure, en date du
23 septembre 1812, provenant du litige foncier entre la

communauté indienne du Goascoran et Don José
Antonio Herrera,que:

"la qranderivière...est la limite de la Province
de San ~iquel~"(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 397,
par. 35; Annexes, vol. 1, Annexe 1.1.4, p. 11.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 392,
par. 32.De même, lorsque, quelques années plus tard, la même

communauté indienne de Goascoran a demandé que soient
mesurés des terrains "situés au voisinage de la brèche de

Zapote... sur le bord de la rivière de Goascoran", 1'Alcalde
Mayor de la Province de Tegucigalpa, Narciso Mallol,

accompagné de l'arpenteur et de son aide, ainsi que des
témoins, se sont rendus, le 13 mars 1821, sur le site à
délimiter et à borner et ont d'éclarédans le procès-verbal

d'arpentage:

"On a mesuré une corde de 50 varas castillanes et
on a commencé la mesure en suivant le bord de
rivière Goascoran qui divise cettejuridiction (de
Tequciqalpa) de celle de San Miquel1" (souligné
par nous).

87. Ainsi ces différentes pièces, corroboréespar
d'autres documents que le mémoire du Honduras a analysés2,

établissent-elles clairement que la limite entre les
Provinces de San Miguel et de Gracias a Dios a toujours été,

pendant la période coloniale, le Rio Goascoran. C'est dire
que les autoritésespagnoles avaient tenu dans ce cas -comme

elles l'ont fait fréquemmentdans leur Empire, en Amérique
du sud3 - à ce qu'un obstaclenaturel comme ce cours d'eau

1 Mémoire du Honduras,, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.6, p. 2203.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 397-398,
par. 35; et contre-mémoiredu Honduras, infra. par. 127.

3 voir à titre d'exemple, le Rio ~esaguadero' entre
les Provinces de Mendoza et de San Luis; contre-mémoire du
Honduras, supra., par. 70.constitue, pour des considérations de technique
administrative'évidentes,la limite interprovinciale.Leur

volonté de choisir le Rio Goascoran comme ligne séparative,
Fondée, pour reprendre la formule du Président Anzilotti,

sur les "vantaggi di un corso d'acqua divi~orio"~, ne
saurait être mise en doute, pas plusque leur volonté de la
maintenir comme telle, mème si le Rio Goascoran changeait de

lit.

ii) Le Rio Goascoran empruntait son cours actuel dès
la périodecoloniale

88. Le mémoire d'El Salvador n'indique pas à quelle
date le Rio Goascoran s'est déplacéni même depuis quelle

période approximativeil s'oriente, comme maintenant,à
partir de Los Amates, vers le Sud-Ouest jusqu'à son
embouchure dans le Golfe deFonseca. Certes, comme le

Gouvernement du Honduras l'a déjà remarqué dans son
mémoire2, -ni l'ingénieur salvadorien Barberena, ni
l'ingénieur hondurien Bustamente, dans la description

géographique qu'ils ont respectivementdonnée, en 1889 et en
1890, de la frontièreentre les deuxpays3, n'ont préciséle

1 Contre-mémoire du Honduras, supra., par. 68,
note2.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 395,
par. 34'.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.2.1O.B, p. 260-261 et Annexe 111.2.15, p. 279-280.moment où ce phénomène naturels'est produit. Et sans doute
n'est-il pas possible de le dater avec exactitude. En

revanche, il est certain que le changement de lit du Ri6
Goascoran est un phénomène fort ancien et que cette rivière

suivait son cours actuel bien avant la fin de la
colonisation espagnole. Le mémoire du Honduras en a apporté

la preuve écrite au moyen de différents documents provenant
de litiges 'de terre dans la zone du ~oascoranl et de la

première description qui a été donnée, à des fins de
navigation maritime,du Golfe de ~onseca~. On se bornera a
en rappeler brièvementl'essentiel.

89. Parmi les documents les plus significatifs liés à

des problèmes de terre, on mentionnera d'abord une pièce de
1794, provenant d'un dossier relatif à un litige entre la

communauté indiennede Goascoran et José Herrera. Le procès-
verbal de l'audition du témoin Felipe Osorio, habitant du

village de Goascoriin,qui a comparu, le 'ler avril 1794,
devant le Lieutenant Gouverneur de la ville de Nacabme,

Don Antonio Ulivarre, est d'un grand intérêt, puisque ce
témoin - qui avait une parfaite connaissancede la région

pour avoir été présenté par les Indiens de Goascoran - a
déclaré, aprèsavoir prêtéserment, que:

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 395-396,

par. 34.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 380-381,
par. 26. "...les terres de ces Indiens...s'étendentdepuis
le haut du village en descendant puisen suivant
un bras sec plus bas iussu'à la mer1" (souligné
par nous).

Cette référence au "bras sec" du Rio Goascoran est
confirmée par le "titulo ejidal" de Langue. En effet,
l'intendantdes Finances du Départementde Choluteca s'étant

rendu, le 19 mai 1858, au village de Languepour examiner si
le terrain de l'île de Calicantofaisait partie des terrains
communauxde cette municipalité,il a produit l'arpentagede

ces terrains quiavait été réalisé le'23 février 1821 par le
Maire principal de Langue, Pinel Jesus Espino, et le tireur
de cordes,Ramon Guillen. Or ce document parfaitement clair,

dont l'authenticiténe peut être contestée, faitétat, à
deux reprises, de "l'ancien lit" du Rio Goascoran. Il

affirmeen effet :

"Huitièmement :en suivant la mesure vers le Nord-
est quatrième au Nord le lonq de la rive de
l'ancien lit de la 'rivière Goascoran, les terres
étant mitovennes à celles de Sandovales.on arriva
au Coroso avec 33 cordes et 25 varas en changeant
l'orientation vers le nord-est, on compta 29'
cordes et 20 varas jusqu'aux Amates, où se
trouvent les maisons de Don Manuel Moreno,où se
terminent les terresde Sandovalescelles-ci étant
avoir formé une croix lsur du bois de palétuvier
que l'on établit commeborne dnangle2" (souligné
par nous).

1 Mémoire du ond dura s,nexes, vol. V, Annexe
XII.1.5.B, p. 2182, 6.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.4,p. 2156.Il suffit d'ailleurs de consulter les cartes modernes, comme
la carte hondurienne 2656 II, pour voir que les sites

mentionnés dans ce document, comme Calicanto ou Amates,
jouxtent les traces de l'ancien lit du Rio Goascoran.

90. Le Gouvernement du Honduras n'a pas seulement

apporté la preuve de l'existence, pendant la période
coloniale, d'un "ancien lit" désséché du Rio Goascoran

suivant, à partir de Los Amates, jusqu'à la zone de
Calicanto, une direction générale Nord-Sud. Il a également

établi que, pendant cette même période coloniale, le Rio
Goascoran suivait le même cours qu'aujourd'hui. En effet,

dans la "Descripci6n", extrêmement précise, du Golfe de
Fonseca qui a été faite par le Commandant du brick Activo,

Salvador Melendez Bruna, au cours de l'expédition
scientifique, ordonnéepar le Vice-Roi du Mexique, qu'il a

dirigée de.1794 à 1796, le long du Pacifique, entre Acapulco
et Sonsonate,on peut lire:

"A l'ouest-sud-ouest(de l'Estero La Cutu), à deux
milles et demi se trouve la pointe du Conejo, et
dans la même direction, à deux tiers, la petite
île du même nom, elle est boisée sur sa périphérie
et au centre se trouve du sacate. .. A cinq milles
de la petite île au nord-ouest, débouche la
rivière de Goascoran de quatre encablureset demi
de larqeur et d'une lonqueur de 26 lieues
environL,.." (soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe

XIII.l.l, p. 2215. Cette description est complétéepar une carte, la
"Carta Esferica, que comprehende El Golfode Fonseca O de

Amapaia situado en el Mar del sur1 ..." Or cette carte, qui
est très vraisemblablement la première carte marinedu Golfe
de Fonseca, est d'une remarquable précisio pour l'époque.

Il n'est sans doute pas possible de la comparer à d'autres
cartes qui lui seraient contemporaines pour vérifiersi le
tracé côtier reproduit fidèlement le dessin de toutes les

indentations, maison ne peut manquer d'observerle soin
avec lequel ses auteurs ont distingué les bras de mer, les

"esteros" (l'"Estero Los Luises" ou l'"Estero Cutu") et
l'embouchuredes cours d'eau ("Rio Goascoran").Ils ont même
poussé la minutie jusqu'à distinguer l'embouchure ancienne

et l'embouchure actuelledes rivières, commec'est le cas
pour le Rio Nacaome ("Barra vieja de Rio Nacaume"et "Nuevo
R. de Nacaume"). On ne peut manquer d'observernon plus que

la Pointe Conejoet l'île du mëme nom ainsi que l'embouchure
du Rio Goascoran sont situées approximativemenatu mëme
endroit sur cette carte marine dessinée dans les années

1794-1796 et sur une carte marine contemporaine, comme la
carte marine américaine no 21521 dans son éditionde 1985~.
La "Description"et la carte marine du Commandant du brick

Activo permettent par conséquent d'affirmer qu'à la fin du
XVIIIe siècle, la localisation de l'embouchuredu Rio
Goascoran était la même qu'aujourd'huiet qu'à cette mëme

époque, il n'y avait pas trace de son ancienne embouchure,
le déplacement du Rio Goascoran devant lui être par
conséquent trèsantérieur.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. VI, Annexe
géographiqueA.2.

2 Contre-mémoire du Honduras, croquis7.2 (çupra.,
p. 506). iii) Les phénomènes naturels ayant affecté le cours du
Rio Goascoran avant 1821 ne sont pas pertinents

dans le présent différend

91. Il apparaît ainsi, à la lumière des différents
documents précédemment analysés, que le changement du lit du
Rio Goascoran s'est réalisé à une période certainement très

ancienne. On ne peut sans doute apporter la preuve écrite
que ce phénomène naturel, s'est produit avant que la "zone

dite Los Amates" soit arpentée le 30 octobre 1694, mais on
ne peut davantage établir qu'il s'est produit après cette

date. En revanche, on vient de montrer, par un faisceau
convergent de preuves, qu'il ne s'est certainement pas

produit avant la fin du XVIII~ siècle, et a fortiori avant
la date de l'accession à l'indépendancedu Honduras et d'El
Salvador, le 15 septembre 1821. C'est dire que ce phénomène

d'avulsion est dépourvu de toute pertinence dans le présent
différend puisque la date à prendre en compte pour

déterminer les limites entre les Parties est précisément
cette date de leur accession à l'indépendance.

92. En effet - et l'argumentationdu Honduras et d'El
Salvador se rejoignent sur ce point - la date critique

correspond à la date de leur accession à l'indépendance.
Pour le Gouvernementdu Honduras:

"...lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'un
litige de délimitation pour la solution duquel le
droit applicable est l'uti possidetis juris de
1821, la seule date critique concevable de l'attribution de souveraineté est la date de
l'accession des deux Etats à l'indépendanceL
(soulignépar nous).

Il en va de même pour le Gouvernement d'El Salvador qui
considère, à juste titre,que toute applicationdu principe

de l'uti possidetis juris à un cas précis:

"passe par la détermination.. . de la date exacte à
laquelle la souveraineté coloniale a pris fin et
le pays a accédé à l'indépendance."

et conclut:

"...il va de soi que la date cruciale est celle à
réalisée" luthe crucial date is thus clearly theement
date when independence actually occurredl"
(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. IV, p. 156,
par. 3.

Le mémoire du Honduras précisede même un peu plus
loin que: "la date critique servira essentiellement de point
de repère pour apprécier la valeur qu'il y aura lieu
d'accorder aux faits, déclarations et autres moyens de
preuves produits par les Parties à l'appui de leurs
prétentions respectives" (mémoire du Honduras, vol. 1,
chap. IV, p. 160, par. 7).

2 Mémoire d'ElSalvador, chap. 3.7; trad. fr. p. 14.

Le mémoire d'El Salvador justifie cette conclusion
en rappelantque "sous le régimecolonial espagnol,tous les
droits territoriaux étaient 'dévolus à la Couronne
d'Espagne ... (et qu'elle) pouvait discrétionnairement
modifier ces droits à tout moment dans le cadre de
l'exercice de sa souveraineté exclusivesur ses possessions
coloniales..."(ibid). 93. La reconnaissancepar les deux Parties d'unedate
critique commune - le 15 septembre 1821 - a pour conséquence

non seulement que les faits postérieurs à cette date doivent
être tenus pour sans pertinence pour la solution du

différend, mais également que c'est la situation, telle
qu'elle se trouvait à cette date, qui doit être prise en

compte pour déterminer les limites entre le Honduras et El
Salvador. Comme l'a démontre, de façon lumineuse, Sir
Gerald Fitzmaurice, dansla plaidoirie qu'ila prononcée, le

18 septembre 1953, devant la Cour Internationale de Justice,
comme Conseil du Gouvernement du Royaume-Uni, dansl'affaire

des Minquiers et desEcréhous:

"...the theory of the critical date... means that,
whatever was theposition at the date determined
to be the critical data, such is still the
position now. Whatever were the rights of the
Parties now... The whole point, the whole raison
d'être, of the critical date rule is, in effect,
that time is deemed to stop at that date. Nothing
that happens afterwards can operate to change the
situation that then existed. Whatever that
situation was, it is deemed in law still to exist;
and the rights of theParties are governed by itl"
(soulignepar nous).

Reconnaître à la date de l'accession à l'indépendance du

Honduras et d'El Salvador des effets similaires dans le
présent différend est une conséquence logiquedu principe de
l'uti poçsidetis juris. Dans l'arrét qu'elle a rendu le

22 décembre 1986en l'affairedu différend frontalier

1 C.I.J. mémoires, plaidoirieset documents, affaire
des Minquiers et des Ecréhous, vol. II, p. 64.IBurkina Faso/Républiquedu Malil, la Chambre de la Cour a
montré avec beaucoup de force le lien logique entre le

principe et le phénomène de la décolonisation, quelque soit
l'endroit ou elle se produit. Dans une formule justement

reprise par le mémoire d'El salvadorl, la Chambre a jugé
que:

"Sous son aspect essentiel,ce principe vise,
avant tout, à assurer le respect des limites
territoriales au moment de l'indépendanceL"
(soulignépar nous).

Et, un peu plus loin, elle a ajouté:

"Par le fait de son accession à l'indépendance, 2
nouvel Etat accède à la souveraineté avec
l'assiette et .les limites territoriales qui lui
sont laissées par 1'Etat colonisateur. Il s'agit
là du fonctionnement normaldes mécanismes de la.- --
succession dlEtats. Le droit international - et
par conséquent le principe de l'uti possidetis -
est applicable au nouvel Etat (en tant qulEtat)
non pas avec effet rétroactif,mais immédiatement
et dès ce moment-là. Il lui est a~~licable en
l'état, c'est-à-dire à l'instantangbdu statut
territorial existant à ce moment-là. Le principe
de l'uti possidetisqèle le titre territorial ; il
arrête la montre sans lui faire remonter le
tempç3" (soulignépar nous).

Mémoired'ElSalvador, chap. 3.6; trad. fr.p. 13.

2 C.I.J. Recueil 1986, p. 566,.par.23.

C.I.J. Recueil 1986,p. 568, par. 30.

La Chambre fait également état "de ce que l'on a appelé
"le leqs colonial", c'est-à-dire de l'"instantané
territorial" à la date critique" (souligné par nous, C.I.J.
Recueil 1986, p. 568, par. 30) 94. Il apparaît ainsi que la "règle" de l'avulsion, à

supposer qu'elle soit reconnue par la Chambre comme
appartenant au droit international positif,ne saurait être

opposée, comme le prétend le mémoire d'El Salvador, au
Gouvernement du Honduras dans le présent différend. Le

changement de lit du Rio Goascoran est en effet dépourvu de
toute pertinence juridique puisqui 'l a été établi qu'en

1821, au moment de l'accession à l'indépendance des Parties,
ce cours d'eau avait le même lit qu'aujourd'hui.

3. L'imputation' au Honduras du fait que le Ri6

Goascoran ne peut rejoindre son ancien lit, une

insinuationsans preuves

95. Le mémoire d'El Salvador ne s'efforce pas
seulement de vouloir appliquer à la zone du Goascoran la

prétendue "règle" de l'avulsion pour prétendre que la
frontière entre lesdeux pays doit demeurer dans le cours

abandonné du Rio Goascoran, il va plus loin. Il semble
insinuer, mais à demi-mot, comme si ses rédacteursdoutaient

d'une telle accusation,que si le Rio Goascoran est resté
dans son lit actuel et n'a pu rejoindre son ancienlit, la

responsabilité en incomberait à l'interventiondu Honduras.
En d'autres termes, ceserait pour des causes artificielles

et intentionnelles,dues à la main de l'homme et dont la
motivation serait inavouable.

En effet, la Partie adverseaffirme:

"Vers l'année 1916. les Honduriens ont construit
une digue sur la ;ive gauche du ~oascoran à Los
Amates. Cette dique, construite à l'emplacementde
l'ancien cours de la rivière, empèche ainsi celle- ci de le rejoindre. Actuellement et au même
~ondurasl"(goulignépar nous).rre édifie par le

Elle ajoute par ailleurs, quelqueslignes plus loin, après
avoir exposé que la prétendue "règle" de l'avulsion avait
été admiseau cours de l'affaired'El Chamizal:

"Ainsi l'ancien cours de la rivière aujourd'hui
asséché .àcause du détournementde son cours reste
la frontièreinternationalel"(soulignépar nous).

Enfin, lorsque la Partie adverse présenteses conclusions
sur la zone du Goascoran et qu'elle donne les coordonnées

géographiquesdu lieu-dit la "Rompicibnde Los Amates", elle
précise que c'est le "point où a été autrefois déviéle
cours de la rivière"3 (souligné,par nous), considérant ainsi

que le changement du lit du Rio Goascoran résulte nonpas
d'une cause naturelle,mais d'une action humaine,sous

entendud'une intervention hondurienne.

1 Mémoire d'El Salvadqr, chap. 6.65; trad. fr.,
p. 46.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 6.66; trad. fr.,
p. 46.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 6, conclusions VI;
trad. fr., p.50. 96. Le Gouvernement du Honduras rejette une telle

insinuation de la Partie adverse. Certes, il n'ignore pas
que les Etats ont assez fréquemment prévu,dans des
dispositions conventionnelles, qu'ilsn'ont pas le droit

d'entreprendre, sansle consentementde l'autre, des travaux
qui auraient pour conséquence de transformer le cours d'un

fleuve frontière. Ainsi l'articleIII de la Convention
précitée du 12 novembre 1884 entre les Etats-Uniset le

Mexique sur le Rio Grande et le Rio Colorado dispose-t-il
que:

"No artificial change in the navigable course of
the river, by building jetties, piers, or
obstructionswhich may tend todeflect thecurrent
or produce deposits of alluvium, or by dredging to
deepen another than the original channelunder the
treaty when there is more than one channel, or by
cutting waterways to shorten the navigable
distance, shall be permitted to affect or alter
the dividing line as determined by..."

et ce mëme texteprend soin d'ajouter:

"but the protection of the banks on eitherside
from erosion by revetments of stone or other
material not unduly projecting into the current of
the river shall not deemed an artificial changel."

Le Gouvernementdu Honduras n'ignore pas davantage que, dans
l'article 9 du texte révise de :l'avant-projetde convention

sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau
internationaux à des fins autres que la navigation, soumis

en 1984 par M. Evensen à. la Commission du droit
international,il avait été prévu plus généralement que:

1 R.S.A., vol. XI, p. 323-324. "Un Etat du .cours d'eau s'abstiendrade toutes
utilisationsou activités, en ce qui concerne un
cours d'eau international, quipourraient causer
un dommage appréciable aux droito su aux intérêts
d'autres Etats du cours d'eau, et empêchera (dans
utilisationsou activités,juàimoins qu'un accorddees
cours d'eau ou un autre accord ou arrangement n'en
dispose autrement1".

Il s'agit là d'une règle de base du droit internationalen

matière de cours d'eau internationaux.

97. Est-il besoinde remarquer que les faits de la

présente affaire n'ont rigoureusement rien à voir avec une
quelconque "altération",un quelconque "détournement"du

cours du Rio Goascoran qui aurait résulte de travaux
entrepris unilatéralement par le Honduras ni avec une
quelconque "activité" honduriennq eui aurait été susceptible
l
de causer "un dommage appréciable" aux droitset aux
intérêts d'El Salvador.D'abord, c'est sans le moindre
commencementde preuve que la Partie adverseaffirme, dans

son mémoire qu'"une digue" ("a reinforceddike") aurait été
construite "vers l'année 1916p "ar "les Honduriens.. . sur la

rive gauche du Goascoran à Los Amates" et il n'existe aucune
trace dans les archives honduriennes d'une opératiode
travaux publics entreprise, à cette époque, à l'emplacement

de l'ancien cours du Rio Goascoran, par les autorités
admnistratives honduriennes ou par des ressortissants

honduriens.Par ailleurs,il est exact qu'il existe
\

Annuaire de la Commission du Droit international,
-*84 vol. II, première partie, p. 117."actuellementet au méme endroit... un mur de pierre édifié
par le Honduras' ("a stone wall made by Honduras"). Un petit

mur a été effectivement construit dans les années70 près de
la berge hondurienne du Rio Goascoran afin de protéger un

chemin de terre, un "caminopara carreta", à usage purement
local, qui permet d'allerde Borbollon à Los Amates et à La

Ceiba et qui longe le Rio Goascoran là où il fait un coude,
abandonnant la direction Nord-Sud pour s'orienter vers

l'ouest-Sud-Ouest. Mais ce mur est peu important: d'une
largeur de 50 centimètres dans sa partie supérieure, d'une

hauteur de 7 mètres, il mesure seulement 20,50mètres. Il
convient d'ajouter que ce mur aujourd'hui est à peine

visible. Sa partie supérieuren'émerge en effet, au milieu
de broussailles,que sur quelques dizaines de centimètres,

aussi bien versl'Est du côté du chemin que vers l'Ouest,du
côté du fleuve. De ce côté-ci, le Rio Goascoran a en effet

déposé et accumulé pratiquement jusqu'en haut du mur et sur
une épaisseur d'environ 8 mètres, des alluvions aujourd'hui

couverts de végétations.

Ce mur était destiné à éviter que le chemin soit inondé
dès que les eaux du Rio Goascoran montent, méme

insensiblement, notamment à la saison des pluies, mais il
est manifeste qu'il ne porte pas atteinte aux droits d'El

Salvador. Il ne peut empëcher le fleuve de déborder en
période de fortes cruesl. A plus forte raison, ce mur ne

permet pas d'endiguer le Rio Goascoran, lui interdisantde

1 Tel a été le cas tout récemment enseptembre 1988,
lorsque le Rio Goascoran a débordé de son lit, dépassant le.
mur d'une trentaine de centimètreset inondant toute la
zone."rejoindre" son ancien cours et il se trouve encore moins à
l'origine d'un "détournement"de ce cours d'eau. On voit mal

comment un mur édifié dans les années 70 aurait "détourné"
une rivière dont le lit s'est déplacér ainsi qu'il a été

démontré précédemment, bien avant 1821. Encore faut-il
ajouter que le Gouvernement d'El Salvador n'a élevé aucune

protestation lors dela construction de ce mur et que, par
ailleurs, il a égalementprocédé, sur la rive droite du Rio

Goascoran, à l'édification d'unmur semblable pour protéger
le chemin qui longela rivière, notamment entre la Rompicion

et Barrancones.

98. La construction par les autorités administratives
du Honduras, du mur de Los Amates, entrela rive gauche du
Rio Goascoran et le chemin de terre qui relie Barbollon à La

Ceiba est rigoureusement conforme au droit international.Il
est en effet un principe bien admis selon lequeltout Etat

est compétent pour décider et organiser sur son propre
territoire des travaux publics relatifs aux voiesd'eau. La

Cour Permanente de Justice Internationale, dans l'arrêt
qu'elle a rendu, le 28 juin 1937, en l'affaire des prises

d'eau à la Meuse entre les Pays-Baset la Belqique, avait
reconnu, - en se plaçant, il est vrai, en dehors des règles

générales du droit international fluvial, sur le seul
terrain de l'interprétation et de l'application du traité

pertinent du 12 mai 1863 - que chacun des deux Etats avait
le droit de prendre toutes les dispositions normales"en

tant que souverain territorial" et était libre de règler le
régime des eaux qui se trouvaient sur son territoire, à

condition de ne pas porter atteinte à ce qui était prévu
dans le traité précité. La Cour avait ainsi rejetéla thèse

des Pays-Bas, suivant laquelleson droit de surveillancedes
"rigoles conventionnelles"se trouvant sur son territoire

aurait été: "complété par une obliqation de ne pas faire,
imposée à la Belqique, obliqation qui lui
interdirait de construire des travaux lui
permettant d'alimenter, autrement que Dar la
Tigole de Maestricht, un ou p;usi-eurs- canaux
situés à l'aval de cette ville (soulignépar
nous).

De même, dans la Sentence rendue le 16 novembre 1957
dans l'affaire du Lac Lanoux entre 1'Espaqne et la France,

le Tribunal arbitral a confirmé ce principe suivant lequel
les travaux relatifs aux voiesd'eau relèvent de la

compétence du souverain territorial,sous réserve de ses
engagements conventionnels:

"Admettre qu'en une matière déterminéeil ne peut
plus être exercé de compétence qu'à la condition
ou par la voie d'un accord entredeux Etats, c'est
apporter une restriction essentielle à la
souveraineté d'un Etat, et elle ne saurait être
admise qu'en présence d'une démonstration
certaine2."

car il est bien vrai que:

"La souveraineté territorialejoue à la manière
d'une présomption. Elle doit fléchir devanttoutes
les obligations internationales, quelle qu'en soit
la source, mais elle ne fléchit que devant
elles3."

En construisant lemur le long de la rive gauche du Rio
Goascoran, le Honduras n'a violé à aucun moment une
obligation internationalequi lui aurait incombé.

1 C.P.J.I., série A/B, no 70, p. 18-19.

2 R.S.A., vol. XII,p. 306, par. 11.

3 -bid, p. 301, par. 1.L'édification dece mur entrait dans l'exercice normalde

ses compétences; il n'avait pas pour but de nuire aux
intérêts salvadoriens.

Section III - La réaffirmationde la thèse hondurienne
dans la zone du Goascoran

99. Le Gouvernementdu Honduras vient de démontrer que
la ~artieadverse ne peut prétendre à la souveraineté sur

les espaces situésentre l'ancien lit1 et le cours actueldu
Rio Goascoran, puisque la thèse salvadorienne suivant
laquelle la frontière dans cette zone doit suivre l'ancien

lit de cette rivière depuis la "Rompicibn de Los Amates"
jusqu'à l'"Estero La Cutu" est dépourvue de toute base

juridique.Aussi bien le Gouvernement du Honduras entend-il
réaffirmer,pour cette zonedu Goascoran, les conclusions de
son mémoire2 et soutenir que la ligne divisoire suitle

cours du Rio Goascoran en son milieu depuis le lieu-dit Los
Amates jusqu'à son embouchure au Nord-Ouest des Iles

Ramaditas. Il rappellera, comme il l'a établi dans son
mémoire, d'une part que la revendication salvadorienne sur
la zone du Goascoran est irrecevable et d'autre part que,

conformément auprincipe de l'uti possidetis juris de 1821,
le Honduras dispose d'un faisceau de titres confirmantque
le Rio Goascoran constituait bien, pendant la période

coloniale,la limite interprovinciale.

1 On ne reviendra pas ici sur les incertitudes
salvadoriennes quantà l'ancien tracédu Rio Goascoran et à
son embouchure dansle Golfe de Fonseca : "Estero El Coyol"
lors des négociations de 1972, "Estero La Cutu" dans son
mémoire de 1988; contre-mémoire du Honduras, supra.,
par. 23-24).

2 Mémoire du Honduras,vol. II, p. 745-746. 1. L'irrecevabilitéde la revendicationd'El Salvador

dans la zone du Goascoran

A. L'ACQUIESCEMENTET LA RECONNAISSANCE PAR EL SALVAûûR DE LA
SOWERAINETE DU HONDURAS SUR LA ZONE DU GOASCORAN

100. Comme il a été indiqué précédemment1, la
revendication salvadorienne sur la zone du Goascoran a été

. particulièrement tardive, puisqu'elle n'est intervenue qu'à
la suite du conflit armé de 1969, étant formulée pour la

première fois, le 11 juin 1972, lors des négociations
frontalières qui se sont tenues à Antigua, au Guatemala. Il

importe, par conséquent, d'examiner avec soin quelle a été
la position d'El Salvador face à cette zone du Goascoran

depuis son accession à l'indépendance, le 15 septembre 1821,
jusqu'au dépôt de son mémoire au Greffe de la Cour, le

ler juin 1988. Quatre phases se dessinent clairement, mais
deux points doivent être soulignés dès maintenant. D'une

part, il est remarquableque le comportement du Gouvernement
salvadorien, de 1821 à 1972, c'est-à-dire pendant plus de
150 ans, a été d'une rigoureuse cohérence et que, par son

silence d'abord,par sa reconnaissanceexpresse ensuite,par
son acquiescement enfin,il a clairement accepté l'exercice

paisible et continu de la souveraineté hondurienne dans la
zone du Goascoran. Mais, d'autre part, il est également

remarquableque, même dans la période comprise entre les

1 contre-mémoiredu Honduras, çupra., par. 18-19.conversationsd'Antigua et le dépôt du mémoire au Greffe de

la Cour, le Honduras a continué à exercer la plénitude de sa
compétence territoriale dans cette zone sans la moindre

difficulté et qu'El Salvado-ra admis, de nouveau, que la
frontière devait correspondre au cours actuel du Rio

Goascoran.

1. Première phase 1821-1880: le silence d'El Salvador
et son acquiescement à la souveraineté hondurienne sur

la zone du Goascoran

101. Les négociations frontalières et territoriales
entre les deux pays n'ont commencé, on le sait, qu'en 1861.

Aussi bien convient-ilde rechercher quelle a été l'attitude
d'El Salvador face à la zone du Goascoran avant et après

cette date qui constitue une césure importante dans
l'histoire desrelations entrele Honduras et El Salvador.

De 1821 à 1861, la zone du Goascorin relevait de la

juridiction hondurienne et le Gouvernement d'ElSalvador n'a
jamais revendiqué, d'une manière ou d'une autre, cettezone.

Par conséquent, le Gouvernement du Honduras n'a pas été
amené à s'y opposer. On remarquera cependantque, si les

autorités salvadoriennes avaient eu un titre à faire valoir
sur cette zone du Goascoran ou des doutes sur le bien-fondé

de la souveraineté du Honduras, elles auraientpu y faire
allusion, notamment à l'occasion des négociations qui ont

conduit à la signature, à Comayagua, le 10 mai 1833, du
Traité d'amitié et d'alliance entre les deux pays..Il est

vrai toutefois que les problèmes frontaliersn'ont jamais
été directementévoqués avant 1861. De 1861 à 1880, en revanche, El Salvador aurait eu

maintes occasions de poser le problème de la zone du
Goascoran et de la revendiqueréventuellement, puisque c'est

au cours de ces vingt années que les composantes du
contentieux frontalier se sont nouées entre les deux

Républiques et que d'importantes négociations territoriales
se sont déroulées. Or il n'a jamais été question de

prétentions salvadoriennes sur la zone du Goascoran au cours
des négociations qui ont précédé la signature de l'Acte

Alvarado-Sanchode la Montana del Mono, du ler juillet 18611
ou des Actes Chavez-Sanchode la Montana de Naguaterique,du

26 juin 186g2 ou de Champate, du 15 juillet 18693.

Cette absence de revendications ou de protestations à
l'encontre de la juridiction hondurienne sur la zone du

Goascoran pendant toute cette première période permet de
conclure à l'absence de litige dans ce secteur et à

l'acquiescement d'ElSalvador à la souverainetédu Honduras.
Cette acceptation présumée d'une.situation de droit et de

fait donnée, compte tenu du comportement de la Partie
adverse pendant les quarante premières années de
l'indépendance des deux pays,ne peut être ignorée pour

apprécier le titredu Honduras sur la zone du Goascoran.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.l.l.B,p. 52-54.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.9,p. 62-64.

3 Mémoire du Honduras,.Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.11,p. 66-69. 2. Deuxième phase 1880-1888: la reconnaissance expresse

par El Salvador de la souveraineté hondurienne surla
zone du Goascoran

102. Le Gouvernement d'El Salvador adoptera, au cours

de cette seconde période, une attitude différente de celle
qu'il avait eue auparavant. Il ne se contentera pas

d'ignorer purement et simplement la zone du Goascoran. Il
admettra expressément, dans des actes de nature

consensuelle, que la ligne divisoire, à partir du Golfe de
Fonseca, corespond au cours du Rio Goascoran, reconnaissant

ainsi formellement que tous les territoires situés à l'Est
de cette rivière relèvent bien de la souveraineté

hondurienne.

103. Il convient de rappeler, en premier lieu, qu'au
cours de la rencontre qui s'estdéroulée à Saco, du 3 au

7 juin 1880, du délégué hondurien, M. Francisco Cruz, et du
délégué salvadorien, le Général Lisandro Letona, des

conversations se sont engagées afin de délimiter et de
démarquer les territoires respectifsdes deux Républiques.

Or le procès-verbal de ces conversations, en date du
4 juin 1880, précise que les deux délégués, "aprèsavoir

examiné attentivement l'objet de leur mission", ont décidé
que :

"suivant l'opinion commune des habitants des deux
Pays, la zone orientale du territoire d'El
Salvador est séparée de la zone occidentale de
celui du Honduras par la riviPre Goascoran ; ils
conviennent de reconnaître ladite rivière comme
étant la frontière entre les deux Républiques, à
partir de son embouchure, dans le Golfe de Fonseca, Baie de la Union, en amont, en direction
nord-est, vers la confluence de la rivière
Guajiniquil ou du Pescado qui conflue à une lieue
au nord du présent village de sacol" (soulignépar
nous).

Le Gouvernement d'El Salvadorne pouvait plus clairement

reconnaître que le Rio Goascoran constituait"la frontière
entre les deux Républiques" et cette reconnaissance a

d'autant plus de poids que, ainsi que l'avait déjà observé
le mémoire du ond dura sll, était fondée "sur l'opinion

commune des deux pays"., C'était admettre que, pour les
Honduriens comme pour les Salvadoriens habitant dans la
région, le Rio Goascoran constituait la limite

traditionnelle entre lesdeux pays.

104. Cette reconnaissance a été confirmée, en second
lieu, quelques annéesplus tard, lorsque les négociations

frontalières reprendront, à Saco, du 15 mars au
7 avril 1884, entre lesmêmes délégués, M. Francisco Cruz et

le Général LisandroLetona. Or, il est remarquable que, dès
leur premiere conférence, le15 mars 1884, lesdeux délégués
ont rappelé, après avoir procédé à l'examen des procès-

verbaux des conversations dejuin 1880:

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.24,p. 99.

2 Mémoire du ond dura vs,. 1, chap. XI, p. 363-364,
par.9. "Comme il avait été décidé dans la Convention
précitée, la partie orientale du territoire du
Salvador est séparée de la partie occidentale du
Honduras, par la rivière Goascoran et elle doit
Otre considérée comme la limite des deux
Républiques à partir de son embouchure dans le
Golfe de Fonseca ou Baie de la Union, en amont,
,jusq'à sa confluence avec la rivière Guajiniquil
ou PescadoL" (soulignépar nous).

Il y avait ainsi une nouvellefois acceptation formellepar
El Salvador de la frontière du Rio Goascoran entre les deux

pays, que la Convention Cruz-Letona, signée à San Miguel le
10 avril 1884,entérinera tout naturellement à son tour dans

son article 3 aux termes duquel:

"La partie orientale de la frontière terrestre
commence à l'embouchure du Goascoran, Baie de la
Union, en suivant la rivière même, en amont,
jussu'à sa confluence avec la rivière El Pescado
,ou GuajiniquilL"(soulignépar nous).

Sans doute est-il vrai que la Convention Cruz-Letona
n'est pas entrée en vigueur, puisqu'elle n'a pas été

approuvée par le Congrès hondurien, mais c'est pour des
considérations étrangères au secteurdu Goascoran, qui est

demeuré en dehors du différend frontalier qui s'est
développé entre lesdeux pays à partir de cette époque. La

portée de la Convention Cruz-Letona,notamment pour la zone
du Goascoran, n'en demeure pas moinsd'un intérêt

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

111.1.51,p. 169.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.1.54, p. 180; contre-mémoire du Honduras, supra.,
par. 21-22.considérable dans le présent différend et, à cet égard, il
convient de rappeler que, dans des conditions similaires,

dans l'affaire de la souveraineté sur certaines parcelles
Frontaliéres (arrêt du 20 juin 1959), la Cour Internationale

de Justice avait observé:

"Pendant les années 1889 à 1892, les deux Etats
ont fait des tentatives pour établir entre eux,
dans cette région, par voie d'échanges de
territoires, une frontière régulière et continue.
Une nouvelle commission mixte de délimitation, qui
s'est réunie à cette époque, a finalement préparé
plénipotentiairesdes deux Etats en 1892, mais n'ales
jamais été ratifiée. Selon ses termes, la Belgique
consentait notamment à céder aux Pays-Bas les deux
parcelles litigieuses. Les Pays-Bas soutiennent
aue ce fait ne leur saurait être o~~osé. attendu .
que la Convention n'a pas été ratifiée.. . Sans
doute la convention non ratifiéede 1892 n'a créé
ni droits ni obliqations, mais les termes de la
convention elle-même et les événements
contemporains montrent qu'à cette époque la
Belqique affirmait sa souveraineté sur les deux
parcelles et que les Pays-Bas ne l'iqnoraient
pas.. .Ni en 1892, ni à aucune époque depuis lors,
les Pays-Bas n'ont rejeté les assertions belges de
souveraineté, jusqu'au jour où le différend s'est
élevé entre les deux Etats en 192~~" (soulignépar
nous).

C.I.J. Recueil 1959,p. 229-230. 105. La reconnaissance expresse de la souveraineté
hondurienne sur la zone du Goascoran sera confirmée une

nouvelle fois par El Salvador lorsque les négociations
frontalières reprendrontquelques années plus tard entre les

deux Gouvernements. Ils décidèrent en effet, par la
Convention Zelaya-Castellanos, signée à Tegucigalpa le
28 septembre 1886, de déterminer leur frontière commune et

de tenir "pour vraie et définitive''la ligne divisoire
"délimitée par les Délégués d'un commun accordw1. Les

délégués, désignéssur la base de cette Conventionde 1886 -
MM. Colindres et Crespo pour le Honduras, MM. Morales et

Barberena pour El Salvador - se sont ainsi réunis à La Union
du 8 au 21 novembre 1888 et il est remarquable qu'ils se

soient une nouvellefois référés expressément à la frontière
du Rio Goascoran. Le Procès-verbal de la réunion qui s'est

tenue le 9 novembre 1888 est à cet égard particulièrement
significatif,puisqu'il préciseque:

"...les Déléqués d'El Salvador proposent : que
puisqu'il n'y a aucune controverse concernantla
frontière des deux Républiques à partir de
l'embouchure de la rivière Goascoran, dans la Baie
de La Union ou de Conchaqua jusqu'à la confluence
de la rivière précitéeet de la Guajiniquil ou du
Pescado..., on adopte .les conclusions suivantes:
1. établir comme frontière indiscutée et
indiscutable, le cours de la rivière Goascoran,
depuis son embouchure à la Baie de la Union, au
Golfe de Fonseca, en amont, jusqu'à sa confluence
avec la rivière Guajiniquil ou du Pescado.. . Tout
cela est accepté par les déléqués du HondurasL"
(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras,. Annexes, vol. 1, Annexe

111.2.2, p. 222.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.8, p. 233-234.Par conséquent, au cours de cette conférence du

9 novembre 1888, ce sont les délégués salvadoriens - parmi
lesquels, il convient de le souligner, se trouvait le
Dr. Barberena lui-même - qui ont proposé d'entériner, une

nouvelle fois, la frontière du Rio Goascoran. Les délégués
honduriens ont naturellement souscrit à cette proposition

qui consacrait un principe de délimitation dont l'évidence
s'imposait, sans la moindre restriction, depuis l'accession

à l'indépendanceen 1821 des deux Républiquesvoisines.

3. Troisième phase 1888-1972: la confirmation par El
Salvador de la souveraineté honduriennesur la zone du

Goascoran

106. La reconnaissance par la Partie adverse de la
frontière du Rio Goascoran dans des actes aussi solennels et

aussi concordants que les procès-verbauxde négociations,en
date respectivement du 4 juin 1880, du 15 mars 1884 et du

9 novembre 1888 ou la Convention non ratifiéeCruz-Letona du
10 avril 1884, est d'autant plus significative qu'elle n'a

jamais été remise en cause par El Salvador pendant toute la
période qui a précédé les conversations d'Antigua au cours
desquelles, changeant complètement d'attitude,il a

revendiqué, pour la première fois, la zone du Goascoran. La
conduite des autorités salvadoriennes de 1888 à 1972 mérite

d'ëtre analysée, car elles se sont trouvées, pendant cette
période, dans des circonstancesqui appelaient normalement

une réactionde leur part, si elles n'admettaientpas, comme
allant de soi, la souverainetédu Honduras sur cette zone. 107. Dans son mémoire, le Gouvernement du Honduras a
apporté un faisceau de preuves historiques confirmantla

frontière du Goascoran de 1888 A 19131. Il est inutile d'en
reprendre l'analyse, mais il importe de souligner la

parfaite concordance des documents salvadoriens etdes
documents honduriens.

Les premiers sont dus au Dr. Barberena qui avait

participé, comme on l'a rappelé précédemment, aux
négociations de la Unibn en novembre 1888 et qui avait par

conséquent une connaissance directedes secteurs frontaliers
litigieux entre les deux Républiques. Or le Dr. Barberena a

toujours considéré que la zone du Goascoran ne faisait
l'objet d'aucun différend mais plus encore il a toujours

reconnu, dans différents rapports ou études qu'il a rédigés
ou différentes cartes qu'il a dressées, la souveraineté

hondurienne sur la zone du Goascoran. Il faut citer ainsi
les deux études'intitulées "Description géographiquede la

frontière entre El Salvador et le Honduras" qu'il a publiées
en 188g2 et en 18923 et la monographie sur le Département de
la Unibn qu'il a publiée en 19134.Il faut citer de même les

différentes cartes que le Dr. Barberena a dressées avec
l'IngénieurJosé E. Alcaine dans les années 1892-19135.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 365-368,
par. 12.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.2.1O.B,p. 261.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
III.2.10.C,p. 267.

4 Mémoire du Honduras, vol. 1, p. 366, par. 12 i).

5 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. VI, Annexes
cartographiquesA.18 et A.19. De leur côté, les documents honduriensde la même

époque confirment que le Rio Goascoran constitue la
frontière "indiscutée et indiscutable" pour reprendre la

formule des délégués salvadoriens lors de la Conférence de
la Union, le 9 novembre 1888, depuis son embouchurejusqu'à

son confluent avec le Rio Guajiniquil ou del Pescado. Il
suffit de mentionner la "Description géographique de la

frontière entre le Honduraset El Salvador" publiéeen 1890
par le Dr. ust ta men ot el,"~a~~ort descriptif de la
ligne divisoire entre les Républiques du Honduras et d'El

Salvador" publié la même année, en 1890, par l'ingénieur
A. W. ~ole2, ou encore 1'ouvrage classique

d'Antonio R. Vallejo, "Limites de Honduras con El Salvador",
dont la première édition datede 1899.

108. Dans les années quiont suivi 1913 jusqu'en 1972,

le Gouvernement d'El Salvador aurait eu souvent l'occasion
de protester devant les affirmations répétées de la

souveraineté hondurienne sur la zone du Goascoran, s'il
avait eu des droits et s'il avait voulu les préserver. On se

bornera à en donner une illustration, particulièrement
significative. Lorsque le Gouvernement du Honduras a

proclamé la zone du Goascoran,au moins partiellement, "zone

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.15,p. 279-281.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe
111.2.16,p. 310.forestière protégée numéro un" ("zona forestal protegida

numero uno"), par un Décret no 13 du 27 septembre 1958l. Ce
Décret a indiqué, dans ses motifs, d'une part que "les

mangroves du Golfe de Fonseca constituent unezone de
propriété nationale dontl'utilité publique est notoire",
tant sur le plan économiqueque sur le plan de la protection

de la nature et d'autre part qu'ils faisaient l'objet d'une
exploitationanarchique.Mais surtout - et c'est le point le

plus intéressantpour le présent différend - il a déterminé,
avec un soin particulier, dans son article2, sa sphère

d'applicationspatiale.

109. Dans un alinéa a), de portée générale, cette
disposition précise que la "zone forestière protégée numéro

un" comprend "tous lesterrains désignés graphiquementcomme
"mangroves" sur les feuilles de "Amapala", "San Lorenzo",

"Baie de Chismuyo" et "Marcovia", de la carte de base de la
République à l'échelle 1/50 000" ("todos los terrenos

desiqnados qraficamente como "manqlar"en las hojas de
"Amapala", "San Lorenzo", "Bahia deChismuvo" y Marcovia,
del mapa basicode la Republica a escala uno cincuenta mil"

(soulignépar nous). Les rédacteursdu Décret no 13 auraient
pu s'en tenir là, le renvoi aux cartes officielles du

Honduras (et notamment à la "Hoja 2656 II" dite "Bahia
Chismuyo" pour le Département de Valle) qui comportent

naturellement le tracé des frontières internationales
honduriennes - et en l'espèce le Rio Goascoran de son

embouchure au Nord des Iles Ramaditas jusqu'à Los Amates -se
suffisantà lui-même. Ils ont été cependant plus préciset

1 "La Gaceta, Diario Oficial, 7 de Octubre 1958",
mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe 11.2.3,
p. 39-41.ils ont estimé nécessaire, pour que les zones frontalières
soient déterminées avec une parfaite clarté, dd eéfinir les

secteurs proches des frontières avec El Salvador (al. b) et
le Nicaragua (al.c).

L'alinéa b) dispose à cet égard:

"Les mangroves situés dansla zone qui, dans le
Département de Valle, est limitée à l'ouest par la
frontière d'El Salvador, au Nord par la rivière
Goascorin et le bras occidental de l'ester0 Coyol
et au Sud par les eaux du Golfe de Fonseca'' ("Loç
manqlares situados en el area que, en el
departamento de Valle, limita al Oeste con la
frontera de El Salvador ; al Norte con el rio
Goascoran y rama1 Occidental del estero "Coyol" ;
al Este con el Estero Coyol ; y al Sur con las
aquas del Golfo de Fonseca" (souligné par nous).

C'est dire que, pour les rédacteurs du Décret no 13, il ne

faisait aucun doute que la partie Sud-ouestde la zone du
Goascoran couverte de palétuviers, comprise entre l'"Estero

El Coyol" et le Rio Goascoran et revendiquéedans le présent
différend par El Salvador, était "propriedad nacional"

hondurienne et relevait.par conséquent de la souverainetédu
Honduras.

110. Un texte de ce genre, publié à la Gaceta, journal

officiel du Honduras, n'a pu étre ignoré des autorités
salvadoriennes. Dès lors, siEl Salvador avait estimé, à ce

moment-là, avoir des droits sur cette zone limitée à l'ouest
par le Rio Goascoran,il aurait tout naturellement protesté.

Comme l'a jugé le Tribunal arbitral dans sa Sentence du
23 janvier 1933 en l'affaire des Honduran Borders

1Guatemala-Hondura s : "While no State can acsuire iurisdiction over
territorv in another State bv mere declarations on
its own behalf, it is esuallv true that these
assertions of authoritv bv Guatemala ... were
public, forma1 acts and show clearly the
understandinq of Guatemala that this was her
territorv. These assertions invited opposition on
the part of Honduras if thev were believed to be
unwarrantedl" (soulignépar nous).

Il en allait exactementde même pour El Salvador lorsqu'à
été publié le Décret hondurien no 13 du 27 septembre 1958 :

il s'agissait bien en effet d'un acte "formel" et "public",
démontrant clairementla conviction du Honduras que tout le

sud-ouest de la zone du Goascoran, couverte de palétuviers
et comprise entre l'"Estero El Coyol" et le Rio ~oascoran,

faisait partie de son territoire et que le Rio Goascoran
constituait bien la frontière entre les deux Républiques.

Dès lors, puisque El Salvador ne s'est pas opposé ou n'a pas
protesté.contre la proclamation du Honduras, c'est qu'il
n'estimait pascette proclamation injustifiée.

4. Quatrième phase 1972-1988: les intermittences

salvadoriennes face à la souveraineté du Honduras sur
la zone du Goascoran

111. Ainsi, pendant plusde 150 ans, El Salvador n'a-t-

il jamais manifesté le moindre signe d'intérêt à l'égard de
la zone du Goascorin ni formulé la moindre protestation

1 R.S.A., vol. II, p. 1327.contre l'exercice effectif de la souveraineté par le
Honduras. On aurait donc pu penser logiquement qu'a partir

du moment où il a changé d'attitude et a contesté la
frontière du Goascoran, c'est-à-dire à partir des
négociations d'Antigua de juin 1972~ jusqu'à ce que le

différend soitporté devant la Chambre, il aurait persisté,
par un souci naturel de cohérence, dansla même position.

Or, precisément, tel n'a pas été le cas, puisquoEl Salvador
est revenu, au cours de ces dernières années, sur la

revendication faite à Antigua. Cette discontinuité dans le
comportement de la Partie adverse, dans cette dernière phase

des relations entre les deux pays, entre 1972et 1988, en ce
qui concerne la zone du Goascoran, ne peut être ignorée dans

le présent différend.

112. La Commission mixte des limites El Salvador-
Honduras, créée et installée le ler mai 1980 et confirmée

par les articles 18 et suivants du Traité Général de Paix du
30 octobre 1980, s'est réunie, comme on le sait, dans la

période comprise entre le 18 décembre 1980, date de sa
première rencontreet le 10 décembre 1985, date de la fin de

ses travaux2. Or, au cours de la réunion qui s'est tenue à
Tegucigalpa les 23 et 24 mai 1985, la Délégation

salvadorienne a présenté un document, qu'elle a qualifié de
"proposition expresse de caractère éminemment

conciliatoire", danslequel on peut lire:

1 Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 18-19.

2 Les procès-verbaux de ses travaux ont été publiés
dans le mémoire du Honduras (mémoiredu Honduras, Annexes,
vol. II, Annexes V.l.l à V.1.28, p. 827-989). "La SectionNationaledu Salvador.. . propose comme
délimitation dans les eaux du Golfe de Fonseca,
réaion insulaire et frontière terrestre. la liane
suivante : 1. La liqne maritime entre ~ondu;as
et le Salvador.. . (se) termine à lÏembou~huredu
Goascoran. 2. La partie orientale de la liqne
terrestre commence à l'embouchure du Goascoran,
baie de la Union, en suivant la même rivière en
remontant le courant de ses eaux, jusqu'à Los
AmatesL" (soulignépar nous).

Les propositions précédentes ont été représentées

graphiquementdans le mémoire du Honduras par la carte ~.4~
qui montre, de façon indiscutable,que le point
d'intersectionde la frontière maritime et de la frontière

terrestre se trouvait à l'embouchure du Rio Goascoran, à
proximité des Iles Ramaditas.La Délégation salvadorienne
rappellera ses propositions ainsifaites en mai 1985 au

cours des réunions ultérieures dela Commission mixtedes
limites, notamment lors de la réunion qui s'est tenue à

Tegucigalpa, les 9et 10 décembre19853.

113. Le Gouvernement du Honduras sait bien que la

jurisprudence internationaleconsidère que, suivant le
dictum de la sentence arbitralerendue le 16 novembre 1957
en l'affairedu Lac Lanoux:

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.20, p. 899.

2 Mémoiredu Honduras,vol. II, carte C.4, p. 684.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.27, p. 977, V. "lorsqu'une question donne lieu à de longues
controverses et à des négociations diplomatiques
plusieurs foisamorcées, suspendueset reprises ...
il ne faut pas s'attacher à des expressions
isolées ... qui n'altèrent pas les positions
juridiques prises par les ~tatsl."

La proposition faite par la Délégation salvadorienneen
mai et en décembre 1985 ne peut précisémentpas entrer dans

cette catégorie, mème s'il est vrai que les négociationsqui
se sont déroulées au sein de la Commission mixtedes limites

de 1980 à 1985 n'ont pas abouti à un accord. D'une part, la.
zone du Goascoran n'a jamais donné lieu, dans l'histoire

cependant complexe des relations frontalières entre le
Honduras et El Salvador, "à de longues controverseset à des
négociations diplomatiques plusieurs fois amorcées,

suspendues et reprises",puisque c'est seulement en 1972 que
la Partie adversea revendiqué,pour la première fois, cette

zone. D'autre part, on ne peut pas davantage prétendreque
la proposition salvadoriennede mai 1985 et reprise en

décembre 1985 constitue "des expressions isolées", alors
que, bien au contraire, elles correspondent à la position

juridique qu'a toujours soutenue El Salvador, avec une
continuité et une consistance remarquables,pendant plus de

150 ans, avec la seule exceptiondes conversationsd'Antigua
en 1972. Dès lors, il est possible de faire état, dans le
présent différend, des propositions salvadoriennes faitesen

1985 devant la Commissionmixte'des limites. On le peut

1 R.S.A., vol. XII, p. 311.d'autant mieux que le Honduras n'a jamais cessé un instant,
du 15 septembre 1821 à aujourd'hui, m6me depuis 1972,
d'exercer la plénitudedes compétences territoriales dans la

zone en cause du Goascoran, l'activité des autorités
honduriennes s'y étant manifestée et continuant à s'y

manifester,d'une façon publique, continue et effective.

B. PAR SON COMPORTEMENT,EL SALVADOR A CREE
UN ESTOPPELEN FAVEUR DU HONDURAS

114. El Salvador ayant clairementacquiescé à la
souverainetédu Honduras dansla zone du Goascorande 1821 à

1972 et ayant méme proposé, en 1985, que le Rio Goascoran
constitue, des Iles Ramaditas à Los Amates, la frontière
entre les deux Républiques, le Gouvernemen tu Honduras

soutient qu'El Salvador doit être considéré comme
irrecevable à revendiquer devantla Chambre des droits sur

cette zone. Le silence d'El Salvador pendant uneaussi
longue période de 1821 à 1880, sa reconnaissance expresse de

la frontièredu GoascorAn dans différents accords signés de
1880 à 1888, son acceptationjamais démentie de cette même
ligne divisoire de 1888 à 1972 et même la propositionqu'il

a faite en 1985 à la Commission mixte des limites et,
d'autre part, l'insistancedu Honduras à considérer, sans

interruption,le Rio Goascoran comme la frontière entre les
deux Républiques et à exercer paisiblement et continûment
les fonctions dlEtat dans la zone en question ont pour

conséquence de créer un estoppel en faveur du Honduras.
Estoppel dontil découle qu'ElSalvador n'est pas recevable,

dans le présent différend, à formulerdes prétentions sur la
zone du Goascoran qui sont en contradiction évidenteavec
son comportement antérieur, pendant plus d'un siècle et

demi. 115. Sans doute le principede l'estoppel a-t-ildonné
lieu à d'amples discussions, tout spécialement devant la

Cour Internationalede Justice, suivant qu'onen donne une
acception extensive ou une acception restrictive. Dans la

première perspective, l'estoppel peut être considéré, pour
reprendre la formule utilisée au cours de l'affaire de la

délimitation de la frontière maritime dans la région du
Golfe du Maine comme "l'alter ego de l'a~~uiescement"~,

alors que, dans la seconde, l'estoppel est distinct de
l'acquiescement et plus directement lié à sa notion
technique telle qu'elle est admise en droit anglo-saxon. Il

est inutile d'entrer dans le fond de ce débat et on se
bornera à dégager trois aspects généralement admisd'une

jurisprudence applicable aux circonstances de l'espèceet
qui ont pour conséquence qu'El Salvador est tenu par son

attitude antérieurependant un long espace de temps.

116. En premier lieu, l'acquiescement est susceptible
d'opérer dans certains cas comme estoppel. Le Juge

Fitzmaurice,dans son opinion individuelle dans l'affaire du
Tem~le de Préah Vihear, avait ainsiobservé que:

"l'acquiescementpeut opérer comme forclusion ou

1 Arrët du 12 octobre 1984, C.I.J. Recueil 1984,
p. 304, par. 129. base, il faut considérer que, dans la présente
affaire, le silence de la Thaïlande, dans des
circonstances où 1e silence signifiait
acquiescement, ou constituait la manifestation de
l'acceptation de la frontière de la carte,
entraîne pour la Thaïlande forclusionou estoppel
pour créer cette acceptation1" (souligné par
nous).

L'arrêt précité du 12 octobre 1984, rendu dans l'affairede
la délimitation de la frontière maritime dans la réqion du

Golfe du Maine, s'est prononcé,en termes plus généraux,
dans le même sens: "les mêmes faits étant pertinents aussi
bien pour l'acquiescementque pour l'estoppel ... (on) peut

considérer les deux notions comme des aspects distincts
d'une même institution" d'autantqu'elles "découlent toutes

deux des principes fondamentauxde la bonne foi et de
1'équité2"(soulignépar nous).

117. En second lieu, le laps de temps pris en compte

par la jurisprudence internationale pour produire des effets
de droit est nettement inférieur à celui pendant lequelEl

Salvador a accepté, sans interruption, la frontière du Rio
Goascoran. Ainsi, dans l'arrêt rendu le 18 décembre 1951
dans l'affaire des pêcheries,la Cour Internationale de

Justice a relevé:

"La Norvège a pu avancer, sans être contredite,
que la promulgationde ses décrets de délimitation
en 1869 et en 1889 ainsi que leur application
n'ont soulevé, de la part des Etats étrangers,

C.I.J. Recueil 1962,p. 62,-63.

2 C.I.J. Recueil 1984,p. 305, par. 130. aucune opposition... La tolérance générale des
Etats étrangers à l'égard de la pratique
norvégienne est un fait incontesté. Durant une
période de plus de soixante ans le Gouvernement du
Royaume-Uni lui-mêmen'a élevé aucune contestation
à ce sujet... Ce n'est, semble-t-il,que dans son
mémorandum du 27 juillet 1933 que le Royaume-Uni a
élevé une protestation formelleet bien définie à
ce sujetl" (soulignépar nous).

De même, dans l'affaire relative à la souveraineté sur
certaines parcelles frontalières (arrêt du 20 juin 1959), la

Cour Internationale de Justice a souligné que:

"Pendant près d'un siècle, les Pays-Bas n'ont pas
contesté l'attribution des parcelles litiqieuses à
la BelsiqueLu (soulignépar nous).

Enfin, dans l'affaire du Temple de Préah Vihear (arrêt au
fond du 15 juin 1962), la Cour Internationale de Justice a

jugé que:

"Pendant cinquante ans cet Etat a joui des
avantaqes que la convention de 1904 lui assurait,
quand ce ne serait que l'avantaqe d'une frontière
stablej" (soulignépar nous).

1 C.I.J. Recueil 1951,p. 138.

2 C.I.J. Recueil 1959,p. 227.

C.I.J. Recueil 1962,p. 32.

On sait égalementque, dans le Traité anglo-venezuélien
concernant la fixation de la frontière entre la Guyane et le
Venezuela, signé à Washington, le 2 février 1897, l'article
"Adverse holding or prescriptionappduring a period of fiftyue
y,earsshall make a good title" (Martens,N.R.G.T., 2e série,
t. 28, p. 330).C'est dire que le laps de temps pendant lequel El Salvador

n'a élevé aucune contestation contrela frontière du Rio
Goascoran, soit plus de 150 ans, est infiniment plus

considérable que le temps pris en compte par la Cour, pour
des effets de droit il est vrai différents, dans les

affaires précitées.

118. La troisième facette qu'il convient de dégager de
cette jurisprudencepeut être systématiséedans une formule
souvent citée du Juge Alfaro, dans son opinion individuelle

dans l'affairedu Temple de Preah Vihear, selon laquelle:

"un Etat partie à un litiqe internationalest tenu
par ses actes ou son attitude antérieure
lorsqu'ils sont en contradiction avec ses
prétentions dans ce litiqel" (souligne par
nous).

Le principe d'acceptation par conduite, quelle que soit la
qualification technique qu'on lui donne, qu'il soit fondé

sur des actes répétés de reconnaissance ou sur des
comportements divers,a tenu une place prépondérante dans

l'arrêt rendu le 18 novembre 1960 en l'affaire de la
Sentence arbitrale du Roi dlEspaqne du 23 décembre 1906,

dans laquelle la Cour Internationale de Justicea jugé que:

''leNicaraqua a, par ses déclarations expresses et
par son comportement,reconnu lecaractère valable
de la sentence et il n'est plus en droit de
revenir surcette reconnaissancepour contester la
sentence. Le fait que le Nicaragua n'ait émis de
doute quant à la validité de la sentence que
plusieurs années apresavoir pris connaissance de

1 C.I.J. Recueil 1962, P. 39. son texte complet confirme la conclusion à
laquelle la Cour est (souligné par.
nous).

De même, dans l'arrêt précité du 15 juin 1962 en l'affaire
du Temple de Préah Vihear, la Cour Internationalede Justice

a estimé:

"que les circonstances étaient de nature à appeler
dans un délai raisonnableune réaction de la part
des autorités siamoises, au cas où celles-ci
auraient voulu contester la carte ou auraient eu
de graves questions à soulever à son égard. Or
elles n'ont réagi ni à l'époque ni pendant de
nombreuses années et l'on doit, de. ce fait.
conclure à leur acquiescement. Qui tacet
consentire videtur si loqui debuisset ac
potuissetL" (soulignépar nous).

et exle a jugé, quelques pages plus loin, de façon
définitive:

1 C.I.J. Recueil 1960,p. 213.

Comme l'a remarqué le professeur Charles De Vissher,
"...c'est la £orclusion résultant des attitudes du Nicaragua
au cours de la procédure d'arbitrageet surtout de l'absence
de sa part de toute protestationou réserve à l'égard de la
sentence rendue durant un temps.suffisammentlong pour lui
permettre de faire valoir ses moyens de nullité, qui est au
centre de l'argumentation" (Problèmes d'interprétation
judiciaire en droit international public, Paris, Pedone,
1963, p. 181; voir p. 127).

2 C.I.J. Recueil 1962, P. 23. "la Thaïlande, en raison de sa conduite, ne
saurait aujourd'hui affirmer qu'elle n'a pas
accepté la carte1... Les deux Parties ontpar leur
conduite reconnu la ligne .et, par là même, elles
ont effectivement convenu de la considérer comme
étant la frontière2" (souligné par nous).

On citera enfin la Sentence arbitrale rendue le
9 décembre 1966 en l'affaire Encuentro-Palena,dans laquelle

le Tribunal, présidé par Lord McNair, a pris nettementparti
sur le concept d'eçtoppel en droit international et ses

effets juridiques:

"It seems clear £rom the decision of the
International Court of Justice in the Case
concerning theTemple.of Préah Vihear (Cambodia v.
Thailand), Merits (I.C.J. Reports 1962,p. 6), and
especially from the learned Separate Opinion of
Vice-President Alfaro in that case, that there is
in international law a principle, which iç
moreover a principle ofsubstantive law and not
just a technical rule of evidence, accordinq to
which "a State partv to an international
litiqation is bound bv its previous actç or
attitude when thev are in contradiction

1 Le texte anglais qui fait foi est plus

significatif encore, car il parle expressémentde forclusion
("preclusion") : "Thailand is now precluded bv her conduct
£rom asserting that she did not accept it" (souligné par
nous); (C.I.J.Recueil 1962,p. 32).

C.I.J. Recueil 1962,p. 32-33. with its claims in the litiqation" (See Vice-
President Alfaro's Opinion at wase 39 of the
report). This principfe is designated by a number
of different terms, of which "estoppel" and
"preclusion" are the most common. But it is also
clear that these terms are not to be understood in
quite the same sense as they are in municipal law.
With that qualification in mind, this Court will
employ the term 'estoppel 'lu (soulignépar nous).

119. Ainsi, en droit international, les contradictions

entre les prétentions d'un Etat devant un tribunal
international et son comportement antérieur sur la même

question sont inadmissibles. ~bmment s'en étonner alors
qu'il s'agit là d'un mécanisme qui répond au principe

général de bonne foi et au besoin de sécurité quirégit tout
particulièrementles rapports entre Etats et que synthétise

en termes lapidaires le brocard "alleqans contraria non
audiendus est". El Salvador, par son comportement continu
pendant plus d'un siècle et demi, a accepté la souveraineté

hondurienne sur la zone du Goascoran et a reconnu comme
frontière entreles deux Républiques le Rio Goascoran depuis

son embouchure, à proximité des Iles Ramaditas, jusqu'à Los
Amates. Il n'est plus en droit de revenir sur cette

acceptation n'i de revendiquer devant la Chambre le
territoire compris entre le cours actuel du Rio Goascoran et
/
son ancien lit. Il a créé un estoppel en faveur du Honduras.

1 R.s.A., vol. XVI, p. 164. II. L'uti possidetis juris de 1821, fondementde la thèse
honduriennedans la zone du Goascoran

120. La démonstration qui vient d'être faite de

l'acquiescement d'El Salvador h la frontière du Rio
Goascoran est suffisantepour que la Chambre rejette la

prétention de cet Etat à revendiquer le territoire compris
entre le cours actueldu Rio Goascoran et son ancien lit.

Cette revendication est d'autant moins fondée que le
Honduras a exercé sur cette zone, conformémentau dictum
souvent cité de l'Arbitre unique Max Huber dans la Sentence

Palmas du 4 avril 1928, "the continuous and peacefuldisplay
of territorialsovereigntyMl.

Le Gouvernement du ond du raens néanmoins à rappeler

que sa position, dans la zone du Goascoraén comme dans les
autres zones contestées,est fondée sur le principe de l'uti

possidetis juris de 1821 et rejoint pleinement sur ce point
la Partie adverse. CommeEl Salvador, le Hondurasvoit dans

ce principe, conformément à l'article 26 duTraité Général
de Paix de 1980, "la norme fondamentaleservant de base à la
délimitationde la frontière terrestre en litige"2. Comme El

Salvador, le Honduras y voit, conformément à l'arrêt du
22 décembre 1986 (différendfrontalier entre le Burkina Faso

et la République du Mali), "un principe général, logiquement
lié au phénomène de l'accession à l'indépendance où qu'il se

manifestet13.Dès lors, dans la zone du Goascoran commedans'

1 R.S.A., vol. II, p. 839.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 3.4; ti-ad. fr.,

p. 13.

3 C.I.J. Recueil 1986,p. 565, par. 20, cité dans le
mémoire d'El Salvador, chap. 3.5; trad.fr., p. 13.les autres zones, doivent être maintenues leslimites telles
qu'elles existaient, sur la base des titres juridiques

antérieurs, en 1821.

121. Le Honduras a déjà montré dans son mémoire que,
d'après les documents de l'époque coloniale, le Rio

Goascoran constituait la ligne frontière des juridictionsde
San Miguel et de ~egucigal~al. Il a également établi, dans

de précédents développements2,que cette limite corespondait
au cours actuel du Rio Goascoran, de son embouchure aux iles

Ramaditas jusqu'à Los Amates; et même au-delà jusqu'au Paso
de Unire, confluence de la rivière Goascoranet la rivière

Guajiniquil ou Pescado. Il se bornera à rappeler.que ce
critère de délimitation résulte aussibien des documents
civils et ecclésiastiques quedes titres de terres.

A. LES DOCUMENTS DE L'ADMINISTRATIONCIVILE

1. Le rattachement du villaqe indien de Goascordn,

pendant toute la période coloniale, aux entités
administratives successives qui sont devenues, en

1821, 1'Etat du Honduras

122. La première donnée qui se dégage des documents
espagnols est le rattachement de la communauté indiennede

Goascorin à l'entité coloniale hondurienne. Ce rattachement
survivra à tous les découpagesadministratifssuccessifs qui

ont marqué l'histoire des circonscriptions territoriales
jusqu'en 1821. Il remonte au Brevet royaldu

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 390-393,

par. 31-33.
2 contre-mémoiredu Honduras, çupra., par- 84-90. 31 octobre 1580,par lequel la Real Audienciade Guatemala a
transféré à leAlcaldiaMayor de Tegucigalpa la juridiction
sur Juez de la cholutecal. Il sera confirmé lorsde la

constitution,par l'ordonnance royale du 4 septembre 1786de
l'Intendance de la Province du Honduras, à' la suite de

l'intégration à la nouvelle circonscriptionde llAlcaldia
Mayor de Tegucigalpa et de l'ancienne Province de
~oma~agua~.Il sera maintenu enfin lors du rétablissement,

par un Décret royal du 24 janvier 1818, de 1'AlcaldiaMayor
de Tegucigalpa, leBrevet royal du 24 Juillet 1791sur les

limites de la Province du Honduras n'ayant pas été modifié3.
La "Description de1'AlcaldiaMayor de Tegucigalpa",en date
du 13 octobre 1765, due A Joseph Valle et Basilo Billaragay

Benegas, indique ainsi que "l'étendue du territoire" de
cette Alcaldia commence à Goascoran et elle précise par

ailleurs que, parmi les dix cures qui la composent, la
... quatrième est Goascoran, laquelle comporte "trois villaqes

. d'indiens sui sont : Goascoran, Aramecina et a an que^"
(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.2.5,p. 228.

2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 391,
par. 32.

La Sentence arbitralerendue par le Roi d'Espagne
plaidoiries1960, vol.901, p.C21.et p. 781.es, documents et

4 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

1.1.5, p. 13. 2. Le deplacement du villaqe indien de Goascor6n. de la
côte vers le Nord

123. La seconde donnée qui se dégage des documents

administratifs de la période coloniale est que le village
indien de Goascoran n'a pas toujours été situé au même
endroit. A l'origine, il se trouvait à proximité de la mer,

sur le rivage du Golfe du Goascoran, mais ayant été pillé,
il a été déplacé nettement à l'intérieur des terres, sur le

site qu'il occupe encore aujourd'hui'. S'il n'est pas
possible de dater avec précision ce déplacement vers le

Nord, on peut penser qu'il s'est effectué à la fin du
XVIIIe siècle ou au tout début 'duXIXe siècle. Eneffet, un

document fiscal du 23 septembre 1812 indique que:

"le villaqe de Goascoran se trouvait proche de la
mer du Sudl" (soulignépar nous).

De même, dans une requête adressée en 1812 par la communauté
indienne de Goascoran au Procureurde l'Assemblée supérieure

des Finances, il est précisé que:

"Jadis notre villaqe se trouvait sur la côte du
sud et des pirates anqlais nous ont pillés, ce
pourquoi le villaqe s'est retiré à son emplacement
actuel'..." (soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe

XII.l.S.G, p. 2201.
2 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 392,

par. 32, contre-mémoire du Honduras, Annexe VIII.4, p. 264. 3. L'implantation des terres du villaqe indien de
Goascoran jusqu'auRio Goascoran

124. La troisièmedonnée qui se dégage des documents de

l'administration espagnole concerne les terre du village
indien de Goascoran qui s'étendent jusqu'au littoral du
Golfe de Fonsecaet jusqu'auRio Goascoran qui délimite les

deux provinces.Il résulte en effet de la requête précitée
de 1812, adressée par la communauté indienne de Goascoran au
Procureur de l'Assemblée supérieurd ees Finances que d'une

part ses terres jouxtent "la qrande rivière qui est la
limite de la province de San MiquelM1 (soulignépar nous) et
d'autre part que le village de Goascoran"a toujours reconnu

comme siennes lesterres de la côte ou se trouvait"l'ancien
site du village2. Ainsi est confirmée la démonstration
précédemment faitesuivant laquelle le Rio Goascoran avait

toujoursconstituéla limite de la Province deSan Miguel3.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap, XI, p. 392,
par. 32; contre-mémoire du Honduras, AnnexeVIII.4, p. 264.

2 ibid p. 392, par. 32.

3 Contre-mémoiredu Honduras,par. 84-87. B. LES DOCUMENTS DE L'ADMINISTRATIONECCLESIASTIQUE

125. Les données précédentesrésultant de documents de
l'administation civile espagnole sont confirmées par

ailleurs par les documents provenant de l'administration
ecclésiastique de la période coloniale. On se bornera à

rappelerl la lettre adressée, le 20 octobre 1781, par
1'Evéque de Comayagua, le Fray Ferdinand0 cadinanos, qui,

présentant un tableau général de son évêché, décrit ,"h
Paroisse de Guascoran"dans les termes suivants:

"Villaqes: Guascoran, Langue et Aramesina.
Vallées: Junquillo, San Francisco, Valle de la
Costa, Santa Ynes, Olubre, Coyo.ar, CandelariaL"
(soulignépar nous).

L'intérêt de ce document est double.

126. D'une part, cette lettre du 20 octobre 1781
confirme l'appartenance du village indien de Goascoran au

diocèse de Comayagua. Ellecorrobe ainsi tout naturellement
la "Description de 1'Alcaldia Mayor de Tegucigalpa" du 13

octobre 17653, le diocèse de Comayaguase trouvant, depuis
une époque très ancienne,dans la mouvance hondurienne.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 392-393,
par. 32 et p. 394, par. 33.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

1.2.1, p. 17.

3 Contre-mémoiredu Honduras, supra., par. 122.Ainsi, lorsque, quelques annéesplus tard, en 1816, Fray
Manuel enda a énaira une "Brève histoire de la Paroisse de

Choluteca", il pourra relever que "les documents les plus
anciens" qu'il a trouvés au Chapitre correspondent à

l'époque où la Paroisse de Choluteca:

"fut détachée de l'évêché de Guatemala pour être
annexée à l'évêché de Comavaqua et faire partie de
1'Alcaldia Mayor de ~equciqalpal' (souligné par
nous).

Il précisera de mëmeque:

"L'évêque de Comavaqua ... laissa cette cure (de
Choluteca) aux mains de curés séculierset leç
Guardanias de Nacaome et de Goascoran, y compris
leurs villaqes 'annexes, à l'ordre de Saint
François et à l'ordre de la MercedL' (souligné par
nous).

127. D'autre part, la lettre du Fray Ferdinand0
cadinanos, du 20 octobre 1781, présente un grand intérêt

dans la mesure où elle précise que, parmi les vallées qui
relèvent de la Paroisse de Goascoran,se trouve la "Valle de
la Costa", correspondant à la zone appelée "Costa de Los

Amates", située entre le lieu-dit Los Amates et la zone de
palétuviers du littoral du Golfe de Fonseca. Or, aujourd'hui

encore, il existe un site marécageux dénommé "Costa de Los
Amates" qui figuresur la carte hondurienne Hoja 2656 II, à

l'ouest de El Conchal et de Valle Nuevo et au Sud du

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe

XIII.2.13, p. 2296.

2 m., p. 2296.confluent du "Cauce La Ceiba" et du "Cauce El Guichoso".
Ainsi cette description de la paroisse' de Goascoran

s'harmonise-t-elle parfaitementavec le document fiscal
précité de 1812l, suivant lequel"les terres de la cote' ont

toujours appartenuau village indien de Goascoran.

128. Les indications fournies par ces documents
ecclésiastiques de l'époque coloniale confirment ainsi
celles provenant de l'administration civile espagnole.

L'identité des découpagesadministratifs et des découpages
ecclésiastiques qui en résulte est d'ailleurs conforme à

l'un des principes généraux de l'Empire colonial espagnol.
La loi 7 du titre II, Livre II du Recueil des Lois des

Indes, ainsi que l'a rappelé la Sentence arbitrale renduele
23 décembre 1906 par le Roi d'Espagne dans le différend

frontalier entrele Honduras et le Nicaraqua:

"en définissant le mode usuel suivant lequel
devait être faite la division des territoires
telle manière que la division temporelleuerEtt en
conformité avec le spirituel, les archevêchés
correspondant aux .districts d'Audience, les
évêchés aux Gouvernementset Alcaldias Mayores,
les paroisses et vicariats aux "Corregimientos"et
mairies ordinaires2."

1 Contre-mémoire du ond dura supra., par. 126;
contre-mémoiredu Honduras,Annexe VIII.4,p. 264.

2 C.I.J. mémoires, plaidoiries et documents 1960,
vol. 1, p. 21; voir p. 730-731. C. LES TITRES DE TERRES

1. La mer, limite méridionaledes terres du villaqe
indien de Goascoran

129. La première conclusion qu'on peut tirer des
différents actes effectuéspour l'établissement de titres

fonciers - déjà analysés dans ie mémoiredu ~ondurasl - est
que les terres appartenant à la communauté indienne de

Goascoran ont toujours atteint vers le 'Sud le rivage du
Golfe de Fonseca. Deux documents, datés respectivement de

1691 et de 1794, suffisentpour'en apporter la preuve.

Il faut d'abord rappeler le titre d'El Guayabal et de
1'Estancia de Santa Ana de 1691. Dans l'annonce publique au
village de Goascoran ordonnée le29 août 1691 par José de

Molina - qui était le Juge des terres chargéde ce dossier,
mais également l'Adjoint au Maire Supérieur de ces Vallées -

il a été précisé que huit caballerias de terres seraient
"mesurées à la demande de Pedro ~unez, sur la côte de la

mer, de cette juridiction2" (souligné par nous). De même,
lorsque "Juan Bautista de Fuentes, domicilié dans la

juridiction de San Miguel" s'est présenté devantle même
Juge des terres José de Molina, le 31 aoüt 1691, au village
de Goascoran,pour se porter caution de "Pedro ~unez,

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. XI, p. 393-394,
par. 33.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.2, p. 2116.habitant du village du Real de Minas de Tegucigalpa", il a

déclaré que "Pedro ~uzez a mesuré huit caballerias de
terres, dans la mer côtière de cette juridiction1" (souligné

par nous).

Cette méme implantationdes terres du village indien de
Goascoran jusqu'à la mer a été confirmée par ailleurs, un
siècle plus tard, lorsque des témoins sont venus déposer

devant le Lieutenant Gouverneurde la Ville de Nacabme, Don
Antonio Ulivarre, pour préciser l'étenduedes terres de la

communauté de Goascoran, a la suite de la perte de ses
titres fonciers. Ainsi, le 31 mars 1794, "Pedro Flores,

habitant du village de Goascoran" a-t-il déclaré "que les
terres possédées s'étendaient 'depuisle haut du village

jusqu'à la mer2" (souligné par nous). De mëme, le 12 avril
1794, "Francisco Javier Garmendia, témoin présenté par la

communauté de Goascoran, habitant de ce méme village", a
affirmé "qu'il est certain que les terres de ce village vont

depuis le haut du village en descendant jusqu'à la mer3"
(soulignépar nous).

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.2, p. 2117.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.5.B, p. 2181.

3 ibid., p. 2183.
- 2. Le Rio Goascor5n. limite occidentale des terres du
village indien de Goascoran, jusqulA ce qu'il se jette

dans la mer

130. La seconde conclusion qu'on peut tirer d'actes
commis pour l'établissementdes titres fonciers précitésest

que les terres de la communauté indiennede Goascoran ont
toujours eu comme limite Ouest le Rio Goascoran jusqu'à son

embouchuredans le Golfe de Fonseca.

Ainsi, dans le procès-verbal d'arpentage précité,
effectué le 28 juillet 1691, pour l'établissementdu titre

précité d'El Guayabal et de 1'Estancia de Santa Ana, leJuge
des terres José de Molina a déclaré qu'il avait "étendu la
corde de l'orient vers l'Occident, à travers une plaine

qu'on appelle las Salinas,très marécageuse" et qu'il était
"arrivé à la rivière appelée Goascoran" où une borne fut

érigée et qu'ensuite "ona étendu la corde du Nord vers le
Sud... en suivant toujours la rivière en aval.. . jusqu'à

trois petites îles où la rivière se ramifie en trois
directionsl" (soulignépar nous).

De même, toute une série de témoins,venus déposer en

1805 devant le Lieutenant Gouverneurde la Ville de Nacaome,
Don José Gabriel Vela, à la demande des Indiens de Goascoran

pour que soient certifiés leurs titresde terres, ont
affirmé que le Rio Goascoran constituait, jusqu'à son
embouchure,la limite Ouestdes terres de la communauté

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe

XII.1.2, p. 2112-2113; voir la représentation qui a été
donnée dans le mémoire du Honduras, du titre d'El Guayabal
carte 8.7.2, p. 378).anta Ana (mémoire du Honduras, vol. 1,indienne de Goascoran. Ainsi, le 4 juillet 1805, "Ramon

Osorio, habitant de ... la paroisse de GoascorAn" a affirmé
que, "tandis que toutes les terres qui sont reconnues
généralement comme étant du village de Goascoran" sont

délimitées vers l'Est par des bornes, "du côté de l'Ouest la
grande rivière aui est appelée Goascorln (leur) sert de

limite1" (soulignépar nous). De,même, le 5 juillet 1805:

"un autre habitant de Goascoran, Alejandro Làpez,
a déclaré "que les terres que le village de
Goascoran reconnaît comme étant siennes ont été
bornées avec des bornes en pierre... du côté de
l'Est jusqu'à la mer..., du cot'éde l'Ouest, c'est
la qrande rivière appelée Goascoran qui sert de
limitel" (soulignépar nous).

Le même jour, Bernabe Rivera, de la paroisse de Goascoran,

dira également:

"que les terres de ceux de Goascoran sont bornées
avec des pierres du côté de l'Est... jusqu'aux
plages sur la mer, et du côté de l'occident,c'est
la qrande rivière appelée Goascoran qui sertde
limite5 (soulignépar nous).

Le 9 juillet 1805, Juan Miguel Lopez, résidant dans la même

paroisse de Goascoran, fera des déclarations encore plus
précises, puisqu'ildira savoirpersonnellement:

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.5.E, p. 2191.

2 - rd P. 2192.

3 ibid p. 2193. "que la propriété reconnue comme étant celledes
Indiens de Goascoran se trouve bornée avec des
limites en pierre depuisdes temps immémoriaux...
dl'ouest lesdites propriétés sontlimitées par laà
grande rivière appelée Goascoran, éqalement
jusqu'à la merL" (soulignépar nous).

Une déposition analogue serafaite, le 12 juillet 1805, par
JacintoMartinezGarabito,d'après lequel:

"les terres de ceux de Goascoran sontbornées avec
du côté de l'Est jusqu'à la mer et... du côté de
l'ouest c'est la qrande rivière appelée Goascoran
qui sert de limite et qui passeau bord du villaqe
jusqu'à la merL" (soulignépar nous).

Aussi bien, le Lieutenant Gouverneurde la ville de Nacaome,
Don José Gabriel Vela,a-t-il certifié, à la suite de la
dépositiondes témoins, que:

"du côté de l'Ouest, la limite est constituée par
la qrande rivière ou prennent l'eau tous les
nous).nts du villaqe deGoascoranJ" (souligné par

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XII.1.5.E,p. 2194.

2 u., p. 2195.

3 m., p. 2196. Conclusions

131. Pour les différentes raisons qui viennent d'être

exposées, le Gouvernementdu Honduras prie respectueusement
la Chambre de rejeter les revendicationsd'El Salvador sur

la zone du Goascoran et de juger, conformément aux
conclusions de son mémoire1, que, dans le secteur compris

entre Los Amates et le Golfe de Fonseca, la ligne divisoire
suive la ligne médiane du Rio Goascoran, jusquo& son

embouchure, au Nord-Ouest des Iles Ramaditas, dans la Baie
de la Union. El Salvador, par ses déclarations expresses et

par son comportement,a reconnu valablece tracé frontalier
et renforcé ainsi les titres honduriens fondés sur l'c

possidetis iuris de 1821. Cet acquiescement et cette
reconnaissance constante ont créé, en application du

principe supérieur de la bonne foi, une situation
d'estoppel, au sens large du terme, en faveur du Honduras,

qui a toujours exercé sur cette zone la souveraineté
territoriale d'une façon effective etcontinue. La zone du

Goascoran correspond ainsi très précisément à la situation
prévue par l'arrêt du 22 décembre 1986 (affaire du différend

frontalier Burkina Faso/République du Mali), lorsque la
Chambre, systématisant "la relation juridique qui existe

entre les "effectivités"et les titres servantde base à la

1 Mémoire du Honduras, vol. II, Conclusions,p. 745,
par. 6.mise en oeuvre du principe de l'uti possidetisM1 a considéré

que "Dans le cas où le fait correspond exactement au droit,
où une administration effective s'ajoute à l'uti possidetis

iuriç, 1'"effectivité" n'intervient en réalitéque pour
confirmer l'exercicedu droit né d'un titre juridique2.11

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63.

2 C.I.J. Recueil 1986,p. 586-587,Par. 63

On soulignera que la Partie adverse a intégralement
cité ce passage de l'arrët du 22 décembre 1986 (mémoired'El
Salvador,chap. 3.12; trad. fr., p. 15). DEUXIEMe PARTIE

LE DIFFEREND INSULAIRE

CHAPITRE XII

LE DIFFWEND INSULAIRE

Section 1. L'objet du différend et le droit applicable

A. L'OBJET DU DIFFEREND

1. Le mémoire d'El Salvador présente, à titre de

question préalable, deux aspects qu'il convient de traiter
d'emblée, à savoir: la définition de la tâche de la cour1:

"The task of the Court" et l'objet précis du différend:
"...the legal status of certain islands 2..."

2. Le chapitre 1.2 du mémoire d'El Salvador indique

que:

"Il est facile de définir ce que l'on entend par
l'expression 'détermination du régime juridique
des iles'. Il s'agit de toute évidence de
déterminer si certaines... des iles dont la
souveraineté est contestée, appartiennent à El
Salvador ou au Honduras. Le règlement de cette
question est sans rapport avec la délimitation."

Comme le Honduras l'indique dans son mémoire au
chapitre 1, paragraphe 7, page 5, il est d'accord avec cette

proposition; on peut ainsi constaterqu'il existe un parfait
accord entre les Parties dansla requète adressée à la Cour

dans les termessusmentionnés.

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 8; trad. Er., p. 63.

2 ibid. Naturellement et ainsi que le Honduras l'a également

signalé dans son mémoire, cette convergence n'affecte pasle
fait fondamentalque le différend insulaire doitse résoudre

par l'application prioritaire du principe de l'd
possidetis iuris de 1821, les Parties ayant accepté qu'il

soit statué sur le différend sur la base des titres
coloniaux qu'ellesinvoquent.

3. La seconde question est soulevée par l'ambigüité

délibérée du mémoire d'El Salvador qui traite de l'objet du
dif.férendselon une perspective criticableque l'on retrouve

d'ailleurs dans d'autres chapitres du mémoire.

En effet, le chapitre 1.2 du mémoire d'El Salvador
exprime dans son intégralité que la détermination se réfère

à "certaines ou l'ensemble des îles" dont la souveraineté
est contestée et dans la conclusion II du mémo2ired'El

Salvador, le Gouvernement d'ElSalvador demande à la Cour de
déterminer qu'El Salvador détient et a détenu la

souveraineté "sur l'ensembledes îles du Golfe de Fonseca, à
l'exceptionde l'île ZacateGrande".

Cependant, au deuxième paragraphe du chapitre 8 où

débute la considération spécifique dela détermination "du
régime des îles", le mémoire d'El Salvador se réfère à

"certaines îles" et au chapitre 10.1, il répète que le point
contesté est "la souverainetésur un certain nombre d'îles".

Et ce qui est très significatif dans la présentation

des arguments et exemples, c'est que le mémoire d'El
Salvador se réfère essentiellement au chapitre 11, à l'ile

de Meanguera. 4. La position du Gouvernement du Honduras, ainsi

qu'il le démontrelargement dans son mémoire,en particulier
au chapitre 1 et au chapitre XIII, est:que le différend se
limite aux îles de Meanguera et Meanguerita. L'attituded'El

Salvador - depuis le début du différend en 1854 jusqu'à la
position qu'il adopta à la réunion finale de la Commission

mixte des limites, le 10 décembre 1985l, dans la phase
immédiatement antérieure au recours devant la Cour -

corrobore cette interprétation basée sur les déclarations
claires de la volonté des Gouvernementsrespectifs et sur

des considérationsde bonne foi.

Prétendre, par exemple, que le différend peut s'étendre

a l'ile d'El Tigre, l'autreile singulariséepar El Salvador
dans sa note du 24 janvier 198s2 n'a aucun fondement

juridique ou factuel. El Salvador reconnaîtdepuis sa note
de 1854 que El Tigre appartientau ond du rtasl^n'y a pas

la moindre trace de ce que des différends soientnés entre
les Parties au sujet de la souveraineté de cette île. En

1986, au moment de la signature du Compromis, le différend
était concentré sur deux iles. En conséquence, le présent
contre-mémoiredu Honduras ne peut se référer qu'aux îles de

Meanguera et Meanguerita, en tant qu'objet du différend
soumis à la Cour.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.27, p. 977.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.1.21,p. 2270.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.1.12.A, p. 2249. B. LE DROIT APPLICABLE

5. Le mémoire du ~ondurasl développe amplement
l'argumentation qui sous-tend sa position selon laquelle le

différend insulaire doit se résoudre par l'application du
principe de l'uti possidetis juris de 1821, date de

l'indépendance des Etats d'ElSalvador et du Honduras par
rapport à l'Espagne. Cette position n'est pas démentie par

le mémoire d'El Salvador,pour trois raisonsfondamentales.

6. En premier lieu, la Conclusion du chapitre 10.11
du mémoire d'El salvador2 consacré au droit applicablen'est

pas en contradiction avec la thèse du Honduras si la date
critique à considérer est bien celle de 1821, comme l'a

démontré le Honduras dans son mémoire et comme il le
développera dans le présent document et les écrits

ultérieurs. Ce sont les actes de juridiction de l'époque
coloniale qui sont pertinents. L'année 1821 est

objectivementla date pertinente que la Cour doit prendre en
considération dans un litige entredeux Etats hispano-
américains, ~uccesseurs de deux circonscriptions

administrativesde l'Empire espagnol, nettement identifiées.

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XV,
p. 521-525.

2 "...la déterminationdu régime des îles contestées
dans le golfe de Fonseca appelle une décision au sujet de la
question de savoir lequel des deux Etats a manifesté
continuellement et pacifiquement sa souveraineté
territoriale sur ces îles et y a accompli des fonctions
étatiques et exercé l'autorité..." L'attribution des iles à un Etat ou à un autre n'est

pas une question subordonnée à une délimitation. Il s'agit
indubitablement dans le cas présent, de l'attribution à

l'une des Parties d'une entité(ou zone, si l'on se réfère à
une terminologie communément employée par le Gouvernement

d'El Salvador dans les travaux de la Commission mixte des
limites au cours des années 1980-1985) qui faisait partie

d'une "Gobernacion" ou Intendance espagnole dont la
configuration territoriale était régie par le droit colonial

espagnol de l'époque, antérieur à 1821.

7. En second lieu, les parties, au travers de
l'évolution historiquedu différend, ont fait à chaque fois

référence au Fait que leurs droits sur les iles se fondent
sur les titres coloniaux. On peut le vérifier:

- au début du différend: avec la note du Gouvernement

d'El Salvador du 12 octobre 1854 et lepremier rapport
du Gouverneur ~uzianl. En 1854, le fondement principal

de la revendication d'El Salvador est l'allégation de
la possession coloniale immémoriale des îles en litige,

argument également développé par ~arberena~en 1893.

- dans la phase Finale de la négociation en vue d'une
solution au différend: avec l'adoption de l'article 26
L
du Traité Général de Paix et son applicabilitéau

1 Mémoire du Honduras,, Annexes, vol. V, Annexes
XIII.1.12.A et XIII.1.12.C,p. 2249 et 2252.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIV, p. 515. différend insulaire, pour des raisons générales et la

référence expresse des Parties audit articledans le
procès-verbal des 26-27 mars 1981 de la Commission

mixte des limitesl.

8. En troisième lieu, dans son mémoire le
Gouvernement d'El Salvador réaffirme expressément la
soumission de ses allégations à l'uti possidetis juris, en

disant qu'il peut démontrer - et qu'il démontrera - qu'El
Salvador:

"...possède en réalité le droit historiquele plus
probant, qu'il a hérité de la Couronne d'Espagne,
sur toutes les îles contestées. Ce droit repose
sur le fait que, durant la période coloniale, le
Golfe de Fonseca, connu également à cette époque
sous le nom de Bahia de Conchagua, et toutes ses
îles, ont relevé de tout temps de la juridiction
dans la province coloniale de Sanivesalvador2..."

1 Procès-verbaldu 26-27mars 1981:

"V. On décida de procéder à la reconnaissance
(des) îles.
VI. On aura comme objectif ...: a) ... b)... c). ..
le but de tels objectifs est de mettre en application
l'article 26 du Traité..."
Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.3, p. 834.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 12.1; trad. fr.,

p. 70. 9. Le mémoire d'El Salvador indiqueque l'invocation
des titres qu'il appelle historiques n'intervient qu'à titre
subsidiaire au cas où la Cour n'accepte pas entièrement "the

contention... that in disputes over the:attribution of
territory the display of State activites prevails over

historic titlestql.

Pour le Gouvernement du Honduras, c'est le contraire
qui s'impose. L'article 5 du Compromis ..par lequel le

différend est soumis à la Cour fait explicitement référence
au Traité Général de Paix. La disposition pertinentedudit

Traité est son article 26 qui établit devant la Cour une
hiérarchie des moyens de preuve qui dispose que, pour
l'adoptionde la décision, l'onprenne pour base:

"...les documents établis par la Couronne
d'Espagne ou toute autre autorité espagnole,
laïque ou ecclésiastique, durant l'époque
coloniale, qui indiquent les ressorts ou
limites... de territoires..."

De l'avis du Gouvernement duHonduras, la Conclusion II

du mémoire d'El Salvador ne contredit pas cette
interprétation logique du Compromis, étant donné qu'il

demande à la Cour de déterminer la souveraineté d'El
Salvador sur les iles en litige: " ..sur la base de la

possession de longue date et/ou des titres concédés par la
Couronne d'Espagneu2.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 12.1; trad. fr.,
p. 70.

2 Mémoire d'El Salvador, Conclusions II; trad. fr.,
p. 87. Cela revient à dire que la Chambre de la Cour détermine
la souveraineté sur la base de la possession immémoriale et

des titres coloniaux, ou simplement sur la base des titres
coloniaux espagnols.

Section II. Les fondementsde la position d'El Salvador et
l'exercice de la juridictiondans la période pertinente:

1522-1821

10. Les arguments contenus dans le mémoire d'El
Salvador aux chapitres 11 et 12 pour fonder les droits d'El

Salvador sur les îles en litige sont les mêmes que ceux
invoqués par le Gouvernement de ce pays dans sa note du

12 octobre 1854, avec cependant une double nuance: il veut
d'une part, introduire des doutes sur l'attribution
effective des régions de Choluteca et Nacabme à la Province

du Honduras et, d'autre part, tenter d'étayer sa position
par des actes de juridiction ultérieurs à 1821. Dans cette

section 1, on s'emploieradonc ci-après à réfuter:

- les arguments basés sur un prétendu accord surles iles

en 18331 (A).

- l'argument de la contigüité géographique2(8).

1 Mémoire d'El Salvador,chap. 11.12 et 11.13; trad.
fr., p. 70 et contre-mémoiredu Honduras, infra., par. 11.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.2; trad. fr.,

p. 68 et Conclusion II et contre-mémoire du Honduras,
infra. p,ar. 12.- la question de Choluteca et Nacabme et les titres

historiques d'El salvadorl (C).

- les exercices de juridiction postérieurs à 18212 (D).

Dans une section III suivante, on examinera également

les prétendues reconnaissances internationales à la position
salvadorienne, ce qui implique l'analyse d'une catégorie

distincte de moyens de preuve.

A. LA REFUTATION DES ARGUMENTS BASES SUR UN PRETENDU
ACCORD SUR LES ILES EN 1833

11. Le mémoire d'El ~alvador3 se réfère à l'ile
hondurienne de El Tigre pour tenter de reformuler sans la

moindre conviction et sans le moindre document de soutien,
la thèse selon laquelle "jusqu'en 1833 cette ile relevait de

l'autorité d'El Salvador", en arguant du fait qu'il y eut
des achats de terres dans l'île qui furent enregistrés à San

Alejo, au El Salvador, et qu'en 1833~ "les autorités
salvadoriennes ontautorisé lesautorités honduriennes..." à
occuper l'ile.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.1 et 11.2,
12.2-12.10; trad. fr., p. 67-73 et contre-mémoire du
Honduras, infra. par. 13-18.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.3-11.9; trad. Er.,

p. 68-69 et contre-mémoiredu Honduras, infra. par. 19.
3 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.12 et 11.13; trad.

fr., p. 70. Il n'y a plus la moindre mention expresse d'une
prétendue Convention de 1833 et El Tigre, comme il a été dit

précédemment, n'est pas pour le Honduras une île dont la
souveraineté est, ou a été, sujette à différend entre les

deux Etats: l'argument devient donc sans objet. Néanmoins,
il est nécessaire de le signalerpour rappeler que, pour le

Honduras, El Salvador ne peut pas s'appuyer sur cet
hypothétique accord de 1833 -qu'il s'appelle convention,

comme en 1854, ou tolérance d'occupation, comme
aujourd'hui - pour soutenir à contrario que l'accord
justifie les prétentions d'El Salvador sur Meanguera et

Meanguerita, ou une acceptation, par une Partie,
d'occupationsde fait exercées par l'autre Partie.

B. LAREFUTATION DE L'ARGUMENTDE LA

CONTIGUITE GEOGRAPHIQUE

12. L'argument de la contigüité géographique n'est pas
non plus invoquédirectement par le mémoire d'El Salvador.

Cependant, il est latent dans deux exposés, à savoir:
premièrement, lorsque en prétendant étayer la thèse d'un

exercice de juridiction à l'époque coloniale, il est
mentionné qu'El Salvador n'exerçait pasde juridiction sur

l'île de Zacate Grande(qui comme l'indique le mémoire du

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.13; trad. fr.,
p. 70.Honduras n'est pas non plusobjet du différend) car cette

île: "...setrouve dans une situation particulière carelle
est reliée étroitement au littoral hondurien en particulier

à marée basseMl. Deuxièmement, à la fin de la Conclusion II
du mémoire d'El Salvador, en excluant spécifiquement du

différend l'île de Zacate Grande "...qui peut être
considéréecomme faisant partiede la côte du ~onduras"2.

Le mémoire du Honduras a réfuté clairement l'argument

de la contigüité géograph'iqueinvoqué par le Gouvernement
d'El Salvador dans sa note du 12 octobre 18543. L'argument

n'est pas juridiquement pertinent4. On peut cependant
ajouter face à l'argumentation salvadorienneà cet égard, la
donnée géographique selon laquelle, si diversesîles du

Golfe sont prochesde la terre ferme des côtes d'ElSalvador
et du Honduras respectivement, les îles en litige de

Meanguera et Meanguerita sont séparées par un profond chenal
de l'ile de Conchaguita et par conséquent, ne sont pas une

prolongation géographique naturelle du territoire
salvadoriendans le Golfe de Fonseca.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.2: trad. fr.,
p. 68.

2 Mémoire d'El Salvador, Conclusion II: trad. fr.,
p. 87.

3 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVII,
p. 571-572.

4 Par exemple, dans l'affaire des Minquiers et

Ecréhous, C.I.J. Recueil 1953, P. 4, ni les Parties, ni méme
la Cour n'ont basé leur argumentation sur la proximité de
ces îles avec la France. C. LA REFUTATION DE LA PRETENDU NON ATTRIBUTION DE
CHOLUTECA ET NACAOME A LA PROVINCE DU HONDURAS
ET DES TITRES HISTORIQUES D'EL SALVADOR

13. La question de l'attribution de Choluteca et

Nacabme à la Province du Honduras occupe la majeure partie
du mémoire d'El Salvador consacrée aux titres historiques

qui sous-tendent, à-son avis, la position d'El Salvador.

Le mémoire du Honduras s'est largement référé à cette
question avec des argumentset des preuves documentés qui ne
peuvent être contredits par El salvadorl. En outre, le

présent contre-mémoire réfute ci-aprèles allégations du
mémoire d'El Salvador concernantles aspects suivants:

- aux paragraphes 12.2 et suivants du mémoire d'El

Salvador, sur les XVI~ et XVIIe siècles:

"Le droit historique d'El Salvador sur toutes les
iles contestées repose sur le fait que jusqu'en
1672 le territoire du Honduras ne s'étendait pas
jusqu'à la côte du Golfe de Fonseca."

- au paragraphe 12.6 du mémoire d'El Salvador, sur le

XVIIIe siècle - rapport de 1750 du Président Joseph de
Araujo se rapportantau fait que la 'Alcaldia Mayor" de
Tegucigalpa "...n'avait aucun port maritime par lequel

elle pouvait subir une invasion ennemie".

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVI, p.

527-562.- aux paragraphes 12.7 à 12.9 du mémoire d'El Salvador,

sur l'attribution,spécifiquedes villages et cures de
Choluteca et Nacaome aux autorités espagnoles du

Honduras.

Ces trois allégations seront reprises ci-après.

14. Tout d'abord, l'argumentation d'ElSalvador selon
laquelle le territoiredu Honduras n'a pas englobé jusqu'en

1672 la région de la cote du Golfe de Fonseca (Choluteca,
Nacaome et les îles) ignore délibérément les circonstances

de la découverte des îles et la première colonisationde
Choluteca au XVIe siècle, ainsi que la création de la

"Alcaldia Mayor" de Tegucigalpa qui, à partir' de 1580,
inclut la ville de Choluteca et les villages de sa

juridiction.

Le mémoire d'El Salvador ignoreégalement deux autres
aspects d'une grande importance. Le premier c'est que ce

sont la ville de San Miguel et la région située à l'Est de
la rivière Lempa qui furent considérees comme territoires

pouvant être attribués à la Gobernacion du ~ondurasl, et non
le contraire. Le second, c'est que Choluteca a toujours

constitué une entité propre et n'a donc pas été absorbée
pendant la période coloniale ni par San Miguel ni par la

Province de SanSalvador.

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVI,
p. 530-531. Le premier aspect n'est mentionnépar le Gouvernement

du Honduras que pour appuyer ses conclusions, qu'il estime
correctes, selon lesquelles il y eut des variationset des
indécisions dans les premieres décades de la conquête

espagnole, en ce qui concerne l'attribution de territoires
aux divers conquistadoreset les villages que ceux-ci

comprenaient,mais, une fois les Alcaldias Mayores et les
Gobernaciones consolidées à la fin du XVIe siècle, les
circonscriptions administratives furent clairement

identifiées.

Ainsi, la ville de Jerez de Choluteca était une ville

d'~s~agn6ls fondée près du village indigène de ~holuteca-
Malalaca depuis 1535et diverses localités, y compris celles

de l'île de la Meangola, furent attribuées à cette localité,
en ce premier siècle de la conquête1.

Au cours des années suivantes, il n'y a pas trace de ce
que l'attribution, à Choluteca, de l'île en litige ait été

modifiée.

Dans le cadre de la recherche d'une voie

interocéanique2,une commissiond'ingénieurs et de cadres
militaires espagnols se rendit en visite dans la région, en
1590, pour "voirles ports de Fonsecaet de Caballos et la

disposition des terres et des chemins. Ils ont sondé et ils
ont examiné leport de Fonsecasur lamer du Sud".

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.2.14,p. 2297.

2 Contre-mémoiredu Honduras,Annexe IX.2,p. 268. Le port de Fonseca était voisin,dans un rayon de vingt

lieues, de plusieurs entités administratives différenciées
et le document indique:

"Il y a (à ses cotés) la ville de San Miguel à
douze lieues du port et celle de Villa de
Choluteca... (De même, il jouxte) la Province de
.Nicaragua (quise trouve) à trois jourspar la mer
et à six jourspar la terre."

Comme l'a montré le mémoire du Honduras, la Couronne

d'Espagne continuait à chercher la route idéale pour relier
la Mer Caraïbe à la Mer du Sud, principalementau travers de
la Gobernacion du Honduras, ce qui explique probablement

l'attribution à la Alcaldia Mayor de Tegucigalpa, en
1578-1580de la région de Choluteca.

C'est pour cette raison que dans le rapport de la

visite de la commission d'ingénieurs et de cadres
militaires, le capitaine Leguisano mentionnq eu'il quitta le

port de Fonseca pour chercher le chemin de Comayagua et le
trouva plat et très facilepour y tracer une route.

La région de Choluteca,avec:

- l'expansion de la ville vers le "Minera1 de Corpus", à

l'Est;

- les iles, au Sud;

- et Nacaome et Goascoran, à l'ouest

fut toujoursconnue, depuis leXVIe siècle, comme une réqion

dotée d'une identité propre. Cette nature juridique est
claire dans un autre document de 15901 ou la zone estdénommée ainsi: "ville de Choluteca, région du port de

Fonseca et de la province de Honduras". Cela est également
clair dans la mention faite aux nominations deAlcaldes

Mayores de Tegucigalpa, à partir de 1580, dans lesquelles on
signale au début expressémentla "ville de Choluteca",
comme entité de la Province de Guatemala attribuéeà

Tegucigalpa, puis sans aucune mention à Guatemala. Il est
possible que Choluteca semble avoir été approché aux

"Alcaldias Mayores" de San Salvador et San Miguel pendant
une courte période, mais depuis 1602, cette mentian
totalement disparu parce qu'elle a été formellement

rattachée à lWAlcaldia Mayor" de Tegucigalpaen 1580~.

Les entités territoriales salvadoriennes furent
toujours limitées à la rivière Goascortin. Ce n'est que vers
1972 qu'El Salvador a commencé à vouloir contester la

reconnaissanceévidente qu'ila donnée depuisdes siècles au
cours et à l'embouchure de ladite rivière, pour prétendre

aujourd'hui que le cours et par conséquent la frontière
était un cours prétendument ancien.De même, elles eurent
toujours pour limite la Crique de Conchagua, c'est-à-dire

qu'elles n'ont jamais englobé la région de Choluteca et ses
iles.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.2.14,p. 2297.

2 Contre-mémoire du Honduras, Annexe 1X.5, p. 277.

leurs Juridictions" par Manuel Rubio Sanchez.,Ministère de
I'Education, Direction des Publications San Salvador,El
Salvador, Amérique Centrale, 1972 - volume 1, p. 115. Ainsi que l'a indiqué le mémoire du ~ondurasl, selon

le rapport de l'évêque Cortes y Larraz, il n'avait été
attribué, en 1770, à la cure de Conchagua,la plus orientale

d'El Salvador, qu'une île, portant le numéro 33, qui était
un site destiné à l'élevage. Cette île, ainsi qu'on peut en

juger sur lareproduction de la carte en regard (figure l),
est l'île de Punta Zacateou Zacatillo.

15. Compte tenu de la considération due à la Cour et
afin de compléter l'exposé, on donnera cependant, ci-après,

réponse aux allégations du mémoire d'El Salvador en ses
chapitres 12.3, 12.4 et 12.5.

Le mémoire d'El Salvador oublie délibérément, dans

lesdits chapitres, lefait que la ville de San Miguel, comme
toute l'Amérique centrale, faisait en réalité partie d'une

seule entité de 1543 à 1563 sous Le nom de "Audiencia des
Confins" dont le siège était la ville de Gracias (dans

l'actuel territoire du Honduras). De même, il oublie
délibérément que 1'Audiencia se scinda et que, de 1563 à

1570, il y avait alors 1'Audiencia de la Nouvelle Espagne,
de Mexico jusqu'à peu près la moitié de l'actuel Honduras et

1'Audiencia de Panama, qui s'étendait vers le Sud, de
l'autre moitié du Honduras, depuis le Golfede Fonseca en

passant par les actuels territoiresdu Nicaragua, du Costa
Rica et du Panama. L'Audienciades Confins Eut transférée de

Gracias à Santiago de Guatemala,mais on n'utilisaque la

1 Mémoire du Honduras, vol. II,.chap.XVI, p. 556dénominationde "Audienciade Guatemala"pendant des années.
En 1579-1580, fut instaurée 1'AlcaldiaMayor de Tegucigalpa
et la ville de Xerez de la Choluteca et les villages de sa

juridiction lui furent assignés comme partie de son
territoire.

Le mémoire d'El Salvador passesous silencela création
de ladite Alcaldia Mayor et ne cite que partiellement - ci,q

lignes en effet - les plaidoiries du Honduras dans la
procédure de médiation de 1920-1921 dans la deuxième phase
du différend entrele Nicaragua et le Honduras. Ainsi qu'on

peut le lire dans l'annexe co,rrespondante au mémoire d'El
Salvador, les cinq lignes qui sont traduitesen anglais çont
suivies d'une ligneoù le représentant du Honduras dit

textuellement: "J'indiqueraici-après l'extensionde cette
province au cours des siècles"et cette ligneest suivie de
vinqt sept paqes de démonstration assortie d'une abondante

documentationannexe.

La médiation des ~tats-uniss'exerçaitsur le différend
entre le Honduraset le Nicaraguaet il était normal que les
plaidoiriesdu Honduras nes'étendissent passur les limites

avec El Salvador. Cependant, le processus général de
consolidation territoriale y est décrit et l'intégrationde
Choluteca, Nacaome, Goascoran et la partie honduriennedu

golfe et de ses îles a 1'AlcaldiaMayor de Tegucigalpa et à
la Province du Honduras constitueune conclusiondu document
en son paragraphe55l.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IX.6,p. 279. Par conséquent, il n'y a pas contradiction entrece que

soutenait le Gouvernementdu Honduras en 1920-1921 et ce
qu'il soutient aujourd'hui dans l'actuel différend.

En réalité, ce qu'indiquent les documentscoloniaux sur

cette seconde partie du XVIe siècle c'est que la Baie de
Fonseca était une région de confins, avec la ville de

Choluteca et ses iles comme région séparait - donc comme
aujourd'hui - le Guatemala, El Salvador du Nicaragua. Il

n'est donc pas pertinent de s'arrëter à une analyse des
"Cédulas" de 1563, 1564 et 1745 partiellementcitées dans le

mémoire d'El Salvador. Par ailleurs, il ne semble pas
déplacé de rappeler ce que déclarait S.M. Alphonse XII1
relativement à l'étendue et à la formation du territoire du

Honduras dans la sentence arbitrale de1906 qui mit fin au
différend originel entrele Honduras et le Nicaragua et qui,

avec toute l'autorité dont est investie la monarchie
espagnole dans les litiges sur l'uti possidetis iuris

colonial espagnol, aexpressément indiquédans plusieurs de
ses paragraphes introductifsde la décision, ce quisuit:

"(1) Considérant que selon ce qui a été convenu
entre les deux Parties dansla règle trois de
l'Article II du Traité de Tegucigalpa ou Gamez-
Bonilla de mil huit cent quatre-vingt quatorze,
qui régit cet arbitrage, l'on doit considérerque
chacune des Républiques du Honduras et du
Nicaragua est souveraine du territoire qui, à la
date de leur indépendance constituait
respectivement les provinces du Honduras et du
Nicaragua relevantde l'Espagne;

(2) Considérant que les provinces espagnolesdu
Honduras et du Nicaragua se sont formées par
évolution historique, jusqu'à constituer deux
intendancesdistinctes de la Capitainerie générale
de Guatemala, en vertu des dispositions de
l'ordonnance royale des intendants de province de la Nouvelle Espagne de mil sept cent quatre-vingt-
six, appliquées au Guatemala et que c'est sous ce
régime de provinces-intendances qu'elles se
trouvaient lorsqu'elles s'émanciperent de
l'Espagne enmil huit cent vingt et un;

(3) Considérant que par le brevet royal du vingt-
quatre juillet mil sept cent quatre-vingt-onze, à
la demande du Gouverneur Intendantde Comayagua et
conformément à ce qui avait été décidé par le
Conseil Supérieur du Guatemala en vertu des
dispositions prises dansles articles huit et neuf
de l'ordonnance royale des intendants de la
Nouvelle Espagne,fut approuvée l'incorporation de
llAlcaldia Mayor de Tegucigalpa à l'Intendance et
au Gouvernement de Comayagua (Honduras), avec tout
le territoire de son Evéché en raison de ce que
ladite Alcaldia Mayor était une province voisine
de celle du Honduras et qu'elle se trouvait unie à
celle-ci, tant sur leplan ecclésiastiqueque pour
la perception des impôts;

(4) Considérant qu'envertu de ce brevet royal la
province du Honduras a été forméeen mil sept cent
quatre-vingt-onzeavec tous les territoiresde la
province primitive de Comayagua, ceux de sa
voisine Tegucigalpaet les autres de 1'Evêché de
Comayagua, constituant ainsi une région qui
confinait au sudavec le Nicaragua,au sud-ouest
et à l'ouest avec l'océan PaciEique, San Salvador
et Guatemala, et au nord, nord-est et est avec
l'océan Atlantique, à l'exception de la partie de
la côte qui à cette époque était occupée par les
indiens mosquitos, zambos, payas,etc.;

(5) Considérant que l'on doit considérer comme
précédent des dispositions dudit brevet royal de
mil sept cent quatre-vingt onze la démarcation
faite par deux autres brevets royaux du vingt-
trois août mil sept cent quarante cinq, l'un d'eux
nommant gouverneur et commandant général de la
province du Honduras, don Juan de veral, pour
commander cette province ainsi que les autres
comprises dans tous 1'Evêché de Comayagua et le
district de 1'AlcaldiaMayor de Tegucigalpa et de

El Salvador prétend ignorer les effets de cette
"Cédula" dans son chapitre12.4; trad. fr.,p. 71. tous les territoires et côtes qui sont compris
depuis l'endroit où finit la juridiction de la
province du Yucatan jusqu'au Cap Gracias a Dios;
et l'autre nommant don Alonso Fernandez de
Heredia, gouverneur de la province du Nicaragua et
'Corregimiento'deldRealejo, des Alcaldias Mayores
de Subtiaba, de Nicoya et des autres territoires
compris entre leCap Gracias a Dios et la rivière
Chagre, cette cernière non comprise;

Dans ces documents on signale donc leCap Gracias
a Dios comme point limitrophe des juridictions
concédées auxdits Gouverneurs du Honduras et du
Nicaragua, selon la nature de leur nomination1."

16. Ensuite, en ce qui concerne le XVIIIe siècle et le

rapport Araujo de 1750, la réponse la plus évidente à la
lecture du texte se rapportant au fait que Tegucigalpa
"...n'avait aucun port maritime..." et que, en effet, il

n'existait sur la côte Sud de 1'Alcaldia Mayor aucune
localité sur la terre ferme ou sur les îles sous sa

dépendance qui pût être considérée comme port. L'Alcaldia
avait des côteset des'sites naturelspour des embarcadères,

mais non un port comme ceux pleinement identifiés comme tels
depuis le début de la conquête sur la côte Nord du Honduras,

par exemple: Puerto Caballos - aujourd'hui Puerto
Cortes - et Puerto Trujillo - aujourd'hui Puerto Castilla-.

La seconde explication est une erreur de référence,
attendu que de nombreux documents de l'époquefont état de

l'extensionde la Province du Honduras ou Alcaldia Mayor de

1 C.I.J. mémoire, plaidoiries et documents, 1960,
p. 354-361, Annexe no 49 au contre-mémoiredu Nicaragua.Tegucigalpa jusqu'à une côte étenduesur le Pacifique ou Mer

du Sud. Par exemple, parmi les documents cités dans le
mémoire du ~ondurasl l'un est la "descriptionde toutes les

côtes de la Mer du Sud et du Nord du Royaume de Guatemala",
de l'ingénieur Luis Diez de Navarro. Celle-ci est complétée,

pour ce qui est du Golfe de Fonseca, par le texte figurant
en Annexe 1x.12 au présent contre-mémoire.Ce document

contemporain du rapport de Araujo, établi par un
fonctionnaire hautement qualifié, indique clairement que la

partie supérieure de la baie appartient: "...à la
juridiction de la Alcaldia Mayor de Tegucigalpa et c'est le

district qu'ils appellent la Chuluteca appartenant à .la
Province du Honduras".

Ce document figurait enAnnexe 7 de la plaidoirie du

Honduras devant le Tribunal spécial des limites,dans le
différend avec la République du Guatemala de 1932-1933.

Cette dernière mention est pertinente car, comme on l'a vu
précédemment, le mémoired'El Salvador utilisedes citations

partielles, ou hors contexte, de documents et arguments
présentés par le Honduras dans diverses instances et il est

donc pertinent de les situer correctementlorsque cela est
nécessaire.

17. Enfin, il convient d'examiner maintenant les

chapitres 11.1 et 11.2 du mémoire d'El Salvador.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. 1, Annexe

1.1.1, p. 3, par. 3, Annexe 1.1.3, p. 10 et Annexe 1.1.2,
p. 7.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe IX.l, p. 267. En premier lieu, la seule manifestation de la

souveraineté étatique par El Salvador ou les autorités
espagnoles de cette province, quisoit pertinente pour notre

examen est la référence du chapitre 11.1 du mémoire d'El
Salvador à une requête de 1776 adressée par le Juge de San

Miguel à la "Real Audiencia" de Guatemala, pour essayer
d'exercer des compétencessur une ile du Golfe.

Cependant, il s'avère que le document invoquéen

Annexe 1 est le même que celui cité par le mémoire du
Honduras aux pages 553-554et reproduit enAnnexe XIII.2.27,

page 2318. L'élément pertinentest que les conclusions de
chaque Gouvernement sont différentes; il est donc important

d'expliquer, comme celaparaît nécessaire, la portée de la
position du Gouvernementdu Honduras à cet égard, à savoir:

- Le document reproduit la requête d'un particulier

auprès du Juge Sous-délégué des Terres de .San Miguel,
visant à pouvoir faire usage des terres situées dans

une île du Golfe. Le Juge pense que, étant donné que
l'île peut se trouver dans la juridiction de

Tegucigalpa, il y a lieu de consulter le Juge Principal
à ~uatemalà. Par conséquent, ce problème, d'une part,

ne constitue pas une preuve d'exercice de juridiction
territoriale de San Miguel,étant donné que celui qui

prend la décision est son supérieur ; d'autre part, la
décision que prend le supérieur ne peut pas aller

jusqu'à fixer des zones de juridiction territoriale. Ce
qu'illustre ledocument c'est la pratique reconnue -que

le gouvernement du Honduras a mentionnée à l'intention
de la Chambre de la Cour, en particulier dans le

secteur de Tepangüisir - par laquelle les Juges Sous-
délégués, dans le doute, faisaient appel à leur supérieur qui, guidé par des raisons d'utilité,
statuait en fonction du cas concret, sans tenter de
modifier les limites administratives depsrovinces.

- le document ne se réfère pas à l'île de Exposition mais
à l'île de Zacate Grande quin'est pas une île en

litige. El Salvador en faitune interprétation erronée
en ce qui concerne les signesde ponctuation. Le
paragraphepertinent, selon letexte original espagnol1

stipuleau début:

"que en la costa del pueblo y puerto de Conchagua
haciendo £rente con las tierras O territorio de
Nacabme Provincia de Tegucigalpay perteneciente
segun aparecea ésta, se halla y ve una isla entre
la llamadadel Serrodel Tigre, y la tierra:..."

C'est ensuiteque naît ladivergence.

Pour le Honduras, il y a deux points après "terre" et
le texte seraitdonc: "...une île entre celle dite du Serro

del Tigre et la terre: nommée île de Sacate ou île du
Ganado...''

Pour El Salvador,il n'y a pas de signe de ponctuation
et il interprète donc ainsi: l'île sur laquelle Lorenzo
Irala prétend demanderdes terres enconcession estune île

distincte situéeentre l'ile d'~l Tigre, d'une part et l'île
de Sacate (actuellement ZacatG erande).

:Mémoire d'El Salvador, Annexe 1 au chap. 11.
Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe XI11.2.27,
p. 2318. Le Gouvernement du Honduras pense que son

interprétationest grammaticalementet logiquement correcte.
L'esprit du paragraphe est de se référer à une île située

entre une autre île (El Tigre) et la terre ferme de la côte
et dépendante deNacaSme et s'il se réfère à une île pouvant

servir de pâturages, il s'agit de "Zacate Grande"
précisément appelée ainsi parceque Sacate ou Zacate veut

dire "pâturage".

Se référer à un autre île n'a pas de sens.

Il convient finalement d'ajouter à l'argumentation
précédente qu'on ne trouve nulle part dans le dossier la

mention à une île de Exposicion et, par conséquent, la
dénomination employée par le mémoire d'El Salvador pour

cette ile à laquelle le document fait référence n'a aucun
fondement.

18. La question des conclusionsdu chapitre 12.10 du
mémoire d'El Salvador, en relation avec les arguments des

chapitres qui lesprécèdent, 12.7 à 12.9, amènent les deux
observationssuivantes:

- l'attributionadministrative dela ville de Choluteca à

1'Alcaldia Mayor de Tegucigalpa fut réalisée en
1578-1580. L'attribution de la cure de Choluteca à

1'Evêché de Comayagua le fut dans la période 1672-1676.
La région de Nacaome et de Goascoran dépendirent

politiquement de l'hlcaldia Mayor de Tegucigalpa à
partir de 1578-1580. Le mémoire du Honduras est à cet

égard exhaustifet les arguments solidement étayés par
les documentsannexes.- la question que met cependant en cause le mémoire d'El

Salvador est l'attributiondu village et du couvent de
Nacaome à l'évbché du Honduras et la juridiction
spirituelle que le couvent exerçait sur les îles en

litige. A cet égard, le mémoire du ~ondurasl a fourni
diverses explications que l'on peut compléter ainsi:

a) Le couvent de Nacaome eût depuis son origine
juridiction spirituelle sur les îles en litige de Meanguera

et Meanguerita.Une ancienne relation du voyage que fit en
Amérique centrale, en 1586, le Commissaire Général
franciscain,Fray Alonso Ponce,en atteste. Des extraits de

ladite "Relationbrève et véridique" sont reproduits en
annexe2. Le livre complet édité par la Real Academia de la
Historia en 1872 se trouve à la Bibliothèque Nationalede

Madrid. Trois passages illustrent l'argumentation du
Gouvernementdu Honduras.

La "relation" dit qu'en atteignan. tla côte Nord-
Ouest du Nicaragua: "Là, dans le Viejo, le Père Commissaire

trouva le Frère de Nacabme et les indiens qui étaient venus
avec leurspirogues3. ''

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVI.
p. 539-542.

2 contre-mémoiredu Honduras, Annexe IX.3, p. 270.

3 -bid.,p. 271. 11 indique plus loin que, le samedi 21juin au
matin, ils sortirentdu Viejo:

"Et, ayant dépassé une grande pointe, faisant
partie de cette île, ils ont traversé un grand
golfe de haute mer perturbée et il sont passés
prés d'une autre ile, appelée Quetzaltepetl et
aussi Meangola, dans laquelle se trouve le petit
village d'indiens potones dépendant de notre
couvent de Nacaome, de 1'Evêché de ~uatemalal

En troisième lieu, il est dit:

"Dans l'ile de Teca, dans le village de la
Conchagua, ainsi qu'il a été dit, le Père
Commissaire a commencé la visite de la Province de
Guatemala; il y a visité le qardien de Nacaomeet
chapitre et les a noréconfortés; il ne s'est pasn
rendu au couvent qui se trouvait sur la terre
ferme, car cela demandait trop d'efforts.. Le
couvent est petit, ses pièces basses, il est voué
à Saint André et ainsi qu'il a été dit, trois
religieux y résident;ce village se situe à moins
de trois lieues de la Mer du Sud, au bord d'une
rivière à fort débit.. . Le villaqe se trouve à
sept lieues de la Choluteca, ville d'Espagnols
appelée aussi Xerez; ce couvent fait partiedudit
chapitre et s'est d lacésous la qarde du Honduras,
qu'a institué le Père CommissaireL" (souligné par
nous).

1
Contre-mémoiredu Honduras,Annexe IX.3, p.272.
2 ibid p. 273 et 274. b) Nacabme fut administrée par 1'Alcalde Mayor de

Tegucigalpa depuis le.xVIe siècle et la juridickion
spirituelle se fondit progressivementdans la juridiction
civile, ainsique le prescrivait la loi. Du siècle suivant,

on possède, par exemple, ledocument annexé1, contenant des
requêtesdu prêtre Fabian Floresde Vargas et de Fray Pedro

Conde, Père Gardien du couvent de ~acaome? à l'intention
respectivement du Tribunal et de 1'Alcalde Mayor. de
Tegucigalpa.Ces requêtes indiquent que le prëtre Flores de

Vargas rapportequ'il est:

"...domicilié dans 1'Evëché de Comayagua et
résidant dans les haciendas (qu'il) possède dans
la juridiction de la ville de Jerez de la
Choluteca, étantprésentement dans ce village de
Goascoran relevant du tribunal de Tegucigalpa. .."
(soulignépar nous).

Il déclare qu'ila:

"...des biens dans lesdites haciendas nommé
lieue du villaqe de Nacaome, juridiction de lane
ville de Choluteca constituée de maisons deuiles
-adobe ou de paille, d'enclos de bois où est
enfermé le bétail et d'une forge avec tous ses
outils, etc...''(soulignépar nous).

Et le document ajoute que le 5 décembre 1678 Eut
présenté à Alfonso de Salvatierra,Alcalde Mayor, la requête

suivante:

1 Contre-mémoiredu Honduras, AnnexeIX.4, p. 276.

Le couvent de Nacabme fût remplacé plus tard par la
curede Nacaome et la "guardania" du même nom. "...au vu (d'un acte de donation), je demande que
le Père Gardien, le Frère Pedro Conde justifie de
ce qui convient, à savoir contre qui il a droit;
car la présente partie justifie que la donation
n'est pas soumise à cette charge.''

Pour conclure dansle dispositif:

"Dans l'estancia nomméLa Candeleria Angatique, le
deux décembre mil six cent soixante huit. Par
devant moi, propriétaire terrien Fernando de
Salbatierra, Alcalde Mayor de cette province par
la grâce de Sa Majesté, a été présentée la
présente requête avec le Gardien deSan Andrès de
Nacaome et à sa vu, je demande... que soit notifié
à Alferez Ambrocio Fiores de Vargas, habitant de
cette province, qu'ilse soumette aux charqes que
ladite partie expose" [et -ue sont de deux mille
pesos aiec intérê-ts.)

D. LA REFUTATION DES EXERCICES DE JURIDICTIONS
POSTERIEURS A 1821

19. Pour conclure cette section,le Gouvernement du

Honduras émet lesplus nettes réserves quant à la pertinence
des documents présentéspar le mémoire d'El Salvador aux

chapitres 11.3 à 11.9 et qui .se réfèrent à des actes de
nature diverse, postérieurs à la date de l'Indépendancedes
deux Etats (15 septembre 1821) et contemporain ou

postérieurs à la date du début du différend, en
octobre 1854.

Le Gouvernement d'El Salvador a tenté de façon

manifeste d'améliorer la position juridique de ses
prétentions sur l'île de Meanguera qu'ont progressivement

occupée des familles d'origine salvadorienne et hondurienne.
En 1916, lorsqu'est né le grand débat sur les inconvénients

de la signature du Traité Bryan-Chamorro,entre les Etats- Unis et le Nicaragua, le Gouvernement d'El Salvador, pour

renforcer undes élémentsde son oppositionau Traité, éleva
cette localité à la catégorie de commune, portant le nom de
"Meanguera del Golfo".Pour le Honduras, l'île continua à

être considéréecomme étanten litige1.

L'épisode de 18942 - lorsqu'une force gouvernementale

honduriennedébarqua, sur ordre du Général Jersan Saenz, sur
l'ile de Meanguerapour contre-attaquer lesrévolutionnaires
honduriens qui s'étaient emparéd se l'île du Tigre, et leurs

alliés du Nicaragua - ne fait que confirmer le caractère
controversé de lie. La mention de l'Annexe 8 au

chapitre 11 du mémoire d'El Salvador selonlaquelle cette
action eut lieu en territoire salvadorien n'est pas fondée.
En effet, le paragraphe correspondant de l'Annexe se réfère,

non A l'actionde Saenz sur 1'île Meanguera,mais à l'entrée
au El Salvador, par la terre ferme, du Président Domingo
Vasquez, qui venait d'être renversé par leç forces

révolutionnaires.

Section III. La non pertinencedes prétenduesreconnaissances

de souveraineté invoquéespar El Salvador

20. La deuxième partiedu chapitre 11 du mémoire d'El
Salvador se réfère à de prétendues reconnaissances,de la
part de la Grande-Bretagne et du Honduras, de la

souveraineté d'El Salvador sur les iles en litige. Au
chapitre12.2 est également invoquéeune sériede "ancient

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVII,
p. 579-583,par. 15-18.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.7; trad. fr.,
p. 68.maps" publiées en 1980 par le Gouvernement de Colombie et
abusivement considérées commeune évidence pour prouver

qu'au XVIIe siècle le Honduras ne s'étendait pas jusqu'à
l'Océan Pacifique.

La reconnaissance de la ~rande-~retagnelprétend être

basée sur la lettre.du Consul Chatfield, en date du 26
octobre 1849 et adresséeau Gouvernement d'El Salvador. En
fait le mémoire du ond dur asamplement démontré les

circonstances et les motivations des actionsdu consul
Chatfield et cela enlève toute portée à la lettre invoquée

par El Salvador. L'annonce de la "Gaceta d'El Salvador",
citée au chapitre 11.11, n'a pas été inclue en annexe au

mémoire d'El Salvador et n'a, par conséquent, pas plus de
valeur que l'affirmation d'une partie intéressée qu'il est

impossible de commenter. En réalité, le document essentiel
sur l'occupation britanniquedes iles du Golfe est celui qui
est reproduit dans le mémoire du ond dur pas^lequel le

Gouvernement de Sa Majesté nomme Carlos Dardano Dota,
Superintendant dudit Gouvernement sur toutes les iles

occupées du Golfe; ce Superintendant ayant sonsiége dans
l'île du Tigre.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 11.10; trad. fr.,

p. 69.
2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIV,

p. 496-500.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.1.7, p. 2242. Les documents invoqués par le mémoire d'El Salvador
n'impliquent donc pas une reconnaisance des prétentions

salvadoriennes par la Grande-Bretagne, attendu que pour
celle-ci ilétait dépourvude pertinencequel était lepays

qui réclamaitchacune des îles.

21. En ce qui concerne la *référence dans le

chapitre11.14 du mémoire d'El salvadorl, à 1a
naturalisationau Honduras en 1964 d'une personne adulte de

nationalité salvadorienne, deux observations sont
pertinentes. Premièrement, les conditions de
"naturalisation"au Honduras pour des citoyens desquatre

autres pays de l'Amérique Centrale ont été toujours
extrêmement libérales. Deuxièmement, néanmoins,dans le

contexte de cette naturalisation particulière ,e présentent
des aspectsrelevantdu contentieuxinsulaireentre les deux
Républiques.Le Gouvernementdu Honduras afin delever les

doutes que cette naturalisationpourrait soulever à cet
égard, a émis, en date du 11 mars 1966, le décret numéro 6

par lequel la naturalisation estannulée. Le décret déclare
que "dans le Golfe de Fonseca existe l'îlede Meanguera, qui
fait partie du territoire insulairede la République du

Honduras" et que, par conséquent, ledecret de 1964 "avait.
pour résultatde violer l'intégrité du territoirenational",
et devait être considéré sans aucunevaleur ni portée.

1 Contre-mémoiredu Horiduras,Annexe IX.7, p. 280,
("La Gaceta" no 18.826 du 25 mars 1966). 22. Finalement, le Gouvernementdu Honduras souhaite

Faire état de son refus total - qui, il l'espère, sera
partagé par la Chambre de la Cour - de l'allégation

superficielle et délibérément tendancieuse du Gouvernement
d'El Salvador de prétendues attitudes officielled s'autres

gouvernements hispano-américainssur la présente affaire.ou
éléments de celle-ci.

Les prétendues anciennes cartes publiéespar le

Gouvernement de Colombie en 1980~ ne peuvent pas en effet
être considérées, à aucun titre, commel'expressionFormelle
du Gouvernement de Colombie relativement à la situation du

régime juridique des iles du Golfe de Fonseca ou des
frontières terrestres et maritimes entre El Salvador et le

Honduras. De toute évidence, le Gouvernementde la Colombie,
dans son "Livre Blanc" de.1980, fait référence aux

divergences dudit pays avec le Nicaragua pour des questions
liées à certaines iles ou récifs ainsi qu'à des

délimitations maritimes entre lesdeux pays,.dans la Mer
Caraïbe.

La publication n'avait pour objet ni de se référer aux

prétentions d'El Salvador ni de refléter une position
juridique de la Colombie en ce qui concerne la situation du

Golfe de Fonseca.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 12.2; trad. Er.,
p. 70 et Annexe 1 au chap. 12. D'ailleurs,la positiondu Gouvernement duHonduras est
que les illustrations du "Livre Blanc' ne sont pas des

"cartes anciennes" mais de simples dessins destinés à
illustrer une démonstrationde la Colombie concernantsa
position face à celle du Nicaragua. Ces références du

mémoire d'El salvadorl ne constituent donc pas une preuve
susceptibled'être prise en considération par la Chambre de

la Cour.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 12.2; trad. fr.,

p. 70 et Annexe 1 au chap. 12. TROISIEME PARTIE

LE DIFFEREND MAFlITIME

1. Trois propositions peuvent synthétiser
l'argumentation salvadorienne relative au différend

maritime, dont on doit déplorer qu'elle soit exposée de
façon sommaire et arbitraire, commele reste du mémoire dont
elle fait partie. Selon El Salvador:

- L'objet du différend tel qu'il est défini dans le
Compromis adopté .par .les deux Parties excluerait de

demander à la Chambre de la Cour une délimitation des
espaces maritimes. La juridiction devrait ainsise

contenter de déterminer le statut des espaces maritimes
à l'intérieurdu golfe.

- Le statut juridique dont il s'agit résulterait de la

sentence rendue par la Cour de Justice centre-
américaine en 1917, laquelle a, comme on sait, déclaré

les eaux du Golfe de Fonseca placéessous condominium
au-delà d'unezone de juridictionnationale d'une lieue

marine. Ce statut serait opposable au Honduras qui,
notamment par sa pratique postérieure,aurait démontré
qu'il l'avaitacceptée.

- Quant aux espaces situés à l'extérieur du golfe (mer
territoriale, zone économique exclusive, plateau

continental)leur délimitation relèveraitexclusivement
des deux seuls Etats possédant des côtes sur le

Pacifique, à savoir El Salvador et le Nicaragua. De façon tout à fait surprenante,El Salvador affirme par

ailleurs sans ambage que les prétentions honduriennes
sur ces zones sont au demeurant assez mal connues, ce

qui l'autoriserait à réserver sa position, afin de
prendre ultérieurementposition à leur égard.

2. Chacune de ces propositions a déjà reçu une

réfutation systématique dans le mémoire du Honduras. Le
Gouvernement du Honduras n'estimedès lors pas néccessaire,
par égard pour la Chambre, de reprendre l'exposé de son

argumentationpar le détail. Il se permettra donc ci-après
de renvoyerplusieurs fois à ses écritures antérieures, non

sans rappeler cependant les éléments fondamentaux de sa
position ni redressqr les incorrections, erreurs ou

affirmations arbitraires de la'partieadverse.

On étudiera en troischapitres successifs les questions

soulevées par l'objet du différend (chapitre XTII)le statut
des eaux à l'intérieur du golfe et l'inopposabilitéde la

sentence de 1917 (chapitre XIV),enfin,le droit du Honduras à
la possession d'espaces maritimes à l'extérieurde la ligne

de fermeturede la baie (chapitre XII). CHAPITRE XII1

L'OBJET DU DIFFEREND MARITIME

1. L'interprétation correcte du Compromis conduit

très naturellement à conclure que la réalisation de l'objet
du différend soumis à la Chambre de la Cour implique une

délimitation pleine et entière de tous les espaces maritimes
relevant de chacun des deux Etats, et ce, aussi bien à

l'extérieurqu'à l'intérieurdu golfe.

Section 1. L'interprétationdu Compromis

A. LA NATURE JURIDIQUE DU COMPROMIS ET SES CONSEQUENCES

2. Le Compromis sur la base duquel est saisie la
Chambre de la Cour de la présente affaire est un traité

international.'Il partage d'ailleurs ce caractère avec tous
les compromis sur la base desquels la Cour est saisie au

contentieux.Chacun n'a de portée qu'entre les Partieset la
Cour à propos de l'affaire qu'ilconcerne. Ces compromis,en

d'autres termes, obéissent à la règle fondamentale de

l'effet relatifdes traités Res inter alios acta aliis neque
nocere neque prodesse potest codifiée a l'article 34 de la

Convention de Vienne de1969 sur le droit des traités.

3. Il ne saurait dès lors y avoir de droit commun de
l'objet des différends et des demandes contentieuses.

Chacune définit exclusivement pour son propre compte la
tâche que les Parties entendent assigner à la Cour, en

fonction des caractères particuliers du différend à
résoudre. Dans ces conditions, l'argumentation hasardeuse

déployée par le mémoire d'El Salvador dans ses chapitres 1.1à 1.12 prétendant interpréter l'actuel Compromis en

s'inspirant d'une comparaison avec les termes dans lesquels
d'autres ont défini, dans d'autres affaires, l'objet de leur
demande, est tout simplement dépourvu de toute pertinence

juridique. Il n'est donc pas nécessairede s'y arrOter plus
longtemps.

4. Le caractère d'acte conventionnel revêtu par le

Compromis honduro-salvadorien entraîne également ua netre
conséquence: son interprétation relève des règles
coutumières rappelées'notamment à l'article 31 de la

Convention de Vienne sur le droit des traitésde 1969,
d'après laquelle"un traité doit être interprétéde bonne

foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du
traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de
son but."

5. Qui plus est, s'agissant d'un compromis

constituant leur compétence, la Cour Permanente de Justice
Internationale commela Cour Internationalede Justice s'en
sont toujours tenuesà la règle de bon sens d'après

laquelle, dans lerespect de la volonté des Parties, leç
termeçde l'accord envertu duquel la juridictionest saisie

doivent recevoir l'interprétation donnant à l'objet du
différend sa pleine siqnification commeau reqlement

judiciairetoute son efficacité.

C'est ainsi, par exemple, que dans son ordonnance du

19 août 1929 relative à l'affaire des zones franches, la
Cour a déclarél:

1 C.P.I.J. Recueil 1929, Série A, no 22, p. 13. "dans le doute, les clauses d'un compromis par
lequel la Cour est saisie d'un différend doivent,
si cela n'est pas faire violence à leurs termes,
être interprétées d'une manière permettant à ces
clauses de déployer leurs effetsutiles."

De la même manière, de l'avis consultatif no 13 en date

du 23 juillet 1926, la Cour Permanente s'était exprimée
comme suitl:

"Mais, pour autant qu'il s'agit de la question
spécifique de compétence, actuellement débattue,
il peut suffire d'observer que la Cour, en
déterminant la nature et l'étendue d'une
disposition, doit envisager ses effets pratiques
plutôt que le motif prédominantpar lequel on la
suppose avoir été inspirée."

Se référant explicitement à ces deux précédents dont

elle effectue elle-mêmela citation dans son arrêt, la Cour
a adopté la même attitude dans l'affaire du détroit de

Corfou, afin de déterminer l'étendue de ses compétences en
vertu du compromis intervenu entre la Grande-Bretagne et

1'blbanie2.

1 C.P.I.J. Recueil, Série B, no 13, p. 19.

2 C.I.J. Recueil 1949, Fond. p. 23-24. Or, dans la présente affaire, comme il sera démontré un

peu plus loin1 ce serait priver de tout objet la demande
adressée à la Chambre relativement à la "déterm.ination du

statut juridique des espaces maritimes" à l'intérieur comme
à l'extérieur du Golfe que de la comprendre comme excluant

la délimitation desdits espaces par la Cour.

6. S'agissant du présent Compromis, son objet estde
saisir la Cour et son but consiste dans la solution

définitive et intégrale du différend opposant depuis près
d'un siècle et demi le Honduras et El Salvador, outre la

question de l'attributiondes îles Meanguera et Meanguerita,
quant à la détermination de leurs frontières terrestreset

maritimes.

Le contexte de cet accord doit pour sa part se

comprendre dans une perspective chronologique.C'est la
raison pour laquelle le mémoire soumis à la Chambre par la

République du Honduras comprend déjà d'amples informations
sur l'historique du différend (chapitre II de

l'introduction, pages 7 à 78). La façon dont le chapitre 1
de la première partie du mémoire d'El Salvador présente

l'objet du différend oblige cependant à revenir quelque peu
sur cette question, afin de rappeler que la ,rédactiondu

Compromis et son interprétations'inscrivent dans la suite
logique de l'histoire-des relations contentieuses entre les

deux pays.

1 infra., même chapitre, sectionII, par. 18. B.HISTORIQUE DU DIFFEREND ET CONTEXTE DANS LEQUEL
S'INSERE LE COMPROMIS

1. Du Traité Cruz-Letonaau Traité de Paix (1884-1980)

7. Ainsi qu'il a déjà été indiqué à deux reprises
dans le mémoire du ~ondurasl, le contentieux maritime entre

les deux pays, quoiqu'un peu moins ancien que le différend
relatif à la frontière terrestre, remonte néanmoins au

minimum à 1884, date du Traité de délimitation Cruz-Letona,
que la République du Honduras refusa alors de ratifier, pour

différentes raisons.

8. A cette époque en tous cas, El Salvador, aussi
bien que le Honduras, avait manifesté,par la négociationde

cet accord, non seulement qu'il admettaitle principe d'une
délimitation des espaces maritimes mais aussi qu'il était

décidé à lui donner une traduction concrète.Lorsque vint
d'ailleurs à sa connaissance la conclusion de l'accord de

1900 entre le Honduras et le Nicaragua relatif à la
délimitation de leurs domaines maritimes respectifs,El

Salvador n'opposa aucune protestation à son égard, sous le
prétexte, par exemple, qu'une telle délimitation aurait été

contraire au prétendu statut de condominium sur les eaux du
golfe dont il se prévalait.

1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. II, p. 47 et
suiv., par. 36; vol. II, troisième partie, p. 593 et suiv.,
par. 2 et suiv. 9. Les relations entre les deux pays devaient

d'ailleurs montrer par la suite (postérieurement même à la
sentence de 1917 dont El Salvador aime à faire pourtant si
grand cas) que ce dernier reconnaissait en fait la partition

des eaux du golfe1. C'est notamment ce que démontre la
pratique bilatérale en matière de lutte contre la

contrebande et de régulation despechesz. Il restait
cependant à se mettre d'accordsur la délimitationdes zones
de juridiction nationale dont le principe de l'existence

était reconnu par chacun des deux Etats. Mais c'est
précisémentsur ce point qu'un accord nefut jamais trouvé.

Une mise au point est d'ailleurs nécessaire:même
si l'on retenait la thése défendue par El Salvador, qui
s'appuie sur la sentence de 1917, il faudraitreconnaître à
chacun des deux Etats en litige une zone de pleine
souverainetésur les eaux du golfe d'unelargeur d'une lieue
marine, soit trois milles nautiques. Or, rapportée à la
configuration du golfe, cette allocation des zones sous
juridiction nationalen'aboutit pas à border d'un mince
liseré le littoralde la baie. Eu égard à l'exiguïté des
couverbure par lesdites zones de plus des deux tiers des une
espaces en litige à l'intérieurdu golfe. On observe alors
un chevauchement des deux zonee sn plusieurs endroits.Or il
n'y a rien de tel qu'un chevauchement de zones de
juridiction distinctes pour justifier la nécessité d'une
délimitation ! Ainsi, quoique parfaitement inopposable au
Honduras pour les raisonsqui seront rappelées plus loin, la
thèse du condominium telleque défendue par la Cour centre-
américaine, sur laquelle prétend encore s'appuyer El
Salvador, n'est pas exclusive de la délimitation, bienau
contraire.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX,
p. 676-683, par. 73-89. Il demeure que le contexte historiquedans lequel se
situe la présente affaire comme l'attitude antérieure d'El

Salvador interdisent aujourd'hui qu'il prétende exclure de
l'objet du différend la question de la délimitation des

espaces maritimes dontil a pourtant toujours été question
entre les Parties, ainsid'ailleurs que le confirme la suite

des relationscontentieuses entre lesdeux pays.

2. Le Traité de Paix et les négociations au sein de la
Commission mixtedes limites (1980-1985)

10. Le Traité de Paix.conclu entre les deux pays dans

les conditions déjà décrites1 aétabli comme on sait une
Commission mixte de délimitation (dont le qualificatif

indique déjà ainsi à suffisance l'intention commune des
Parties), pour leur permettre de trouver une solution à

leurs différends. On notera que l'article 18 de cet accord
est le premier à employer l'expression "déterminel re régime

juridique des iles et des espaces maritimes" (alors qu'il
parle de "démarcation" et "délimitation" dela frontière

terrestre) pour déterminer lesbuts impartis à la Commission
mixte.

11. Cette formulation n'a cependant pas paru un

obstacle aux délégations salvadorienne et hondurienne
réunies au sein de cet organisme pour se 'pencher, dès le

début de ses travaux, sur différentes questions dontfait
expressément partie la délimitation des espaces maritimes.

C'est ainsi qu'aux termes du procès-verbalde la réunion de
mars 1981, il est indiqué:

-
1 Mémoire du Honduras, vol. 1, chap. II, p. 59-69. "Quant à la zone des îles et l'espace maritime du
Golfe de Fonseca et sa sortie a la mer, on aura
comme objectif, entreautres:

a) la possibilité de déterminer des lignes
divisoiresl..."

12. Quatre ans plus tard, c'est dans le cadre de la
même Commision que la Répub1,iqued'El Salvador fit, en

application du mandat précité, des propositions de
délimitation maritime aussi bien à l'extérieur qu'à
l'intérieur du golfe, propositions dont le texte et la

figuration cartographiquese trouvent dans le mémoiredu
ond duras^.

Ces propositions de délimitation des espaces maritimes
intérieurs et extérieurs à la baie constituent bien

l'expression définitive dela position salvadorienne:elles
furent à nouveau expressément .mentionnées au procès-verbal
de la dernière séance de la Commission mixte de

délimitation,en décembre 19853. Faites au.terme d'une

1 Le même procès-verbal, à propos des tâches

précisément assignées à la Commission mixte dans la zone
maritime, fait référence à l'application de l'article 26 du
cet accord, relatifixà la "délimitationde la frontière none
reconnue" (souligné par nous). Mémoire du Honduras, Annexes,
vol. II, Annexe V.1.3, p. 834.

Carte C.4 et p. 684-685. Voir le texte completde
la proposition salvadoriennede délimitation des 23 et 24
mai 1985, et mémoire du Honduras, Annexes,vol. II, Annexe
V.1.20, p. 898.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.27, p. 977.période de cinq ans de négociations, elles apportent une
preuve supplémentaire, particulièrement éclatante,e la

constance avec laquelle El Salvador, mëme s'il se référait
encore à la thèse du condominium, a toujours envisagé en

termes de délimitation la résolution du différend maritime
qui l'opposait au Honduras.

Au demeurant, ainsi que l'atteste l'affidavit du
Ministre des Affaires Etrangèresde la République du

Honduras, M. Carlos Lopez contreras1, les chefs de 1'Etat
d'El Salvador et du Honduras, MM. J.N. Duarte et R. ~Ùazo
Cordova, soucieux de favoriser l'aboutissement des

négociations menées entre les deuxpays au sein de -la
Commission mixte des limites,établirent une procédure

informelleet confidentielle destinée à faciliter l'adoption
d'une solution complèteet définitive. Au cours de cette
négociation, les délégués présidentiel se chacun des deux

Etats se sont attaches aux problèmes de délimitationdes
eaux, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du golfe

comme l'unedes questions centrales à résoudre2.

1 Contre-mémoire du Honduras, Annexes, AnnexeX.2,
p. 282.

2 Voir infra., chap.XV, p. 712. Cette attitude des délégués salvadoriens, directement

et personnellement placés sous l'autoritédu Président José
Napoléon ~uartel, confirme bien, sibesoin en était, qu'El
Salvador était acquis au principe d'une délimitation des

espaces, de touç les espaces maritimes concernés, dont la
réalisation fut d'ailleursbien près d'être atteinte.

Comment El Salvador pourrait-il alors aujourd'huirevenir en
arrière sans mettre gravement en cause le respect de la
bonne foi ?

3. Le Compromisdu 24mai 1986~

13. Ainsi qu'on l'a rappelé à plusieurs reprises,
l'adoption du Compromis en vertu duquel la Chambre de la

Cour se trouve saisie de la présente affaire résulte de
l'applicationde l'article 31 du Traité Général de Paixde

1980. Il y a un lien procéduraldirect entre l'un et l'autre
accord.

Mais ce lien se retrouve également au niveau
substantiel. Les termes dans lesquelsl'article 2 du
Compromis de 1986 définit l'objet de la demande sont en

effet directement inspiréd se ceux par lesquelsl'article18

1 Les deux délégations étaient composées de

personnalités éminentes habilitées à négocier au plus haut
M.veAdolfo Reyé sPrendes, Ministrelégade laétPrésidence, ete
M. Ricardo Acevedo Peralta, Vice-Ministredes affaires
étrangères; du côté hondurien,M. Ubodoro Arriaga Irabeta,
Ministre de la Présidence, et M. Carlos Lopez Contreras,
Conseiller ministériel.

2 Mémoire 'du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
VI.l.l, p993 et suiv.précité du Traité de 1980 déterminait les fonctions de la

Commission mixte de délimitation. Comme on l'a vu, en
particulier, la formulation "déterminer lerégime juridique

des iles et des espaces mar.itimesuse retrouve mot à mot à
la fois à l'alinéa 4 de l'article 18 du Traité et à

l'article 2 du Compromis.

14. Cette identité n'est évidemment pas le fruitdu
hasard. La délégation du Honduras ayant mené la négociation

du Compromis n'a pas vu d'obstacles substantiels à
l'adoption de cette formulation, mëme si elle en avait

initialement proposé elle-mëme une version plus explicite;
l'expérience des négociations menées au sein de la

Commission mixte de délimitation sur la base d'un mandat
rédigé dans des termes identiques suffisaiten effet à

démontrer que cette circonstance n'avait nullement empëché
cet organisme de traiter laquestion du statut juridiquedes

espaces maritimes dans la perspective dela délimitation..

15. Ainsi, fort de l'expérience qu'il avait pu
notamment retirerde l'attitude salvadorienneau sein de la

Commission, le Honduras a légitimement considéré que la
reconduction dans le Compromis de la rédaction de
l'article 18 alinéa 4 du Traité de paix reflétait avec

suffisamment de clartéla volonté des deux Parties de voir
fixer les limites de leurs zones de juridiction maritimes,

dans le Golfe de Fonseca et au-delà de sa ligne de

fermeture.

Aujourd'hui devant la Chambre de la Cour comme hier

dans le cadre de la Commission mixte, le but est de parvenir
à une résolution complètede tous les aspects du différend

opposant les deux Etats,et ceci implique la délimitationdes espaces maritimes. Cette exigence, quis'était, comme on

l'a vu, manifestée au sein de la Commission, estmême encore
plus déterminante devantla Cour, dans la mesure où, par

définition, aucune procédure de règlementultérieure, aucune
solutionde substitutionn'est à ce stade envisageable.

16. Un élément supplémentaire éclaire le contexte
général dans lequel est intervenuela négociation du

Compromis de mai 1986 entre les deuxpays. Postérieur à
l'adoptionde la nouvelle conventionsur le droit de la mer,
à l'élaboration de laquelle les délégations des deux pays

avaient activement participé, cet accord neeut se
comprendre que comme concernantla délimitation des espaces

maritimes, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du golfe,
étant donné l'importance économique considérable qui

s'attache aujourd'hui à l'existence par chaque Etat c6tier
de droits d'exploitation des ressourcer senfermées par les
zones concernées.

17. Ainsi, tout concourt à établir que

l'interprétation correctede l'article 2 du Compromis
demande à la Cour la délimitationdes espaces maritimes dans
et au-delà du golfe. Toute autre interprétation aurait tout

simplement pour effet de priver d'objet la demande faite à
la juridiction.On ne le rappellerajamais assez, on ne voit

pas en effet à quoi serviraitde demander à la Chambre un
jugement simplement déclaratoire,dont il est d'ailleurs
difficile dediscerner sur quoi d'autre il pourraitporter.

L'intention des Parties ayant toujourésté de mettre un
terme définitifau litige qui les sépare,il ne servirait

tout simplement à rien de laisser persister la cause
première de toutes les difficultés ayant à cet égard surgi
entre les Parties. Cette cause première, cette sourcefondamentale du différend, c'est précisément l'absence de
délimitation des espaces maritimes revenant à chacun.

Mais ceci amène à aborder alors un autre aspect de la

question: celui de la nécessité à la fois substantielleet
logique de la délimitationdes espaces maritimes.

Section II. La nécessité de la délimitation

18. Découlant comme on vient de le voir de

l'interprétation exacte du Compromis à la lumière de ses
termes, de son objet et de son but comme de son contexte

général, la nécessité de la délimitation est de plus
impliquée par deux considérations de fond, indépendantesdu

Compromis lui-même. La première a trait aux implications
logiques de la notion juridique de communauté d'intérêts,

dont on a vu qu'elle reçoit une pleine application entre les
riverains du Golfe de Fonseca. La République du Honduras se

contentera d'en faire un breE rappel, l'ayant déjà
abondamment évoquée dansson mémoire1. La seconde tient au

lien juridique existant entre la "déterminationdu statut"
des espaces maritimeset leurdélimitation.

A. LA COMMUNAUTE D'INTERETS IMPLIQUE LA DELIMITATION

19. Ainsi qu'on l'a déjà indiqué dans les écritures

antérieures, et pour reprendre les termes de la Cour
Permanente de Justice Internationale dans l'affaire relative
à la juridiction territoriale de la Commission

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX,
p. 687-689, par. 96-100.internationalede l'Oder, la communauté d'intérêtsexistant

entre les riverains du Golfe de Fonseca du fait de son
statut de baie historique trinationale "devientla base
d'une communautéde droit, dont les traits sontla parfaite

égalité de tous les Etats riverains"et "l'exclusionde tout
privilèged'un riverainquelconquepar rapport aux autres1. "

Cette égalité de droit doit 6tre rigoureusement
respectéepar chacun des trois Etats concernés.C'est ce qui

leur impose certains devoirs réciproques dans l'usage que
les uns et les autres font des espaces en cause, dont la
meilleure garantiese trouve da'nsla recherchesincère d'une

coopération2.

20. Mais, ainsi que le Honduras y a insisté à
plusieurs reprises, ce serait une erreur de droit de
confondre l'existenced'une communauté d'intérêts avec une

CO-souverainetésur les mêmes espaces.Chaque Etat côtier,
précisément parcequ'il est côtier, possède un droit égal

aux autres a se voir attribuer des espaces maritimes
déterminés, sur lesquels il pourra exercer lescompétences
que le droit international lui reconnaît.L'égalité autitre

1 C.P.I.J. Recueil, Série A., no 23, arrêt no 16,
p. 27. Sur les caractères de baie historique trinationale
unanimement attribués au Golfe de Fonseca: mémoire du
Honduras, vol. II, troisième partie, p. 596 et chap. XIX,
p. 639-663.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX, p. 688,
par. 99.de la communauté d'intérêts rejoint ici celle que la Cour a
de toute façon reconnue à tous les Etats côtiers en matière
de délimitationmaritimel.

21. Il en résulte que, loin de porter atteinte à la

nécessité de la délimitation, l'existence de la communauté
d'intérêts la renforce, tant en ce qui concerne les eaux

intérieures à la baie que celles qui se trouvent au-delàde
sa ligne de fermeture. Il est en effet important de
percevoir qu'a l'égard de ces eaux, il n'y a pas fusion des

patrimoines, mais persistance de l'identité de chacun. La
communauté d'intérêts ne portepas atteinte à la

souveraineté de chacun des Etats qu'elle concerne;. elle
impose au contraire aux uns comme aux autresde respecter
celle de leurs partenaires et les incitl eogiquement nonla

fusion mais à la coopération.

Or la .raison majeure pour laquelle celle-ci n'a pu
jusqu'icise développerentre les riverains dans les espaces
considérés tient précisément à l'absence de délimitation,

source constante de tension et de contestations. La
coopération suppose la délimitation.

Libye/Malte,iC.I.J.eRecueilA1985,ep.u39lpar.u46.ntinental B. LA DETERHINATIONDU STATUT JURIDIQUE DES EAUX
SUPPOSE LA DELIMITATION

22. Devant la prétention salvadorienne'de dissociation

du statut des espaces et de leur délimitation, il apparaît
nécessaire de revenir un instant sur le lien substantiel et

logique unissant trois concepts juridiques distinctsmais
interdépendants: le statut des espaces maritimes, le titre

juridique qu'un Etat est susceptible de posséder à leur
égard, et enfin la délimitation deces espaces.

Le statut juridique des ,espacesmaritimes dépend de

l'emplacement de ces derniers par rapport à la côte et du
titre que les Etats riverainspossèdent surces côtes; cette

règle est générale et ne sauraittrouver d'exception dans
notre espècel.

Mais de son côté, ainsi que le note justement le

Professeur Prosper Weil, "la délimitation est étroitement
liée à la base du titre juridique. Ladélimitation ne peut

pas être comprise en dehors du titre; elle est fille du
titre2." Le titre à exercer des droits sur la mer est donc

au centre de cetterelation trilatérale.

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX,
p. 692-693, par. 110.

2 P. Weill, ~erspectives' du droit de la délimitation
maritime, Paris, Pédone, 1988, p: 53. 23. Or, dans la présente affaire comme ailleurs,
gui fonde le titre sur les eaux, c'est la souveraineté sur

la terre. Comme la Cour l'indiquait avec force dès l'affaire
du plateau continental de la mer du Nord: "la terre est la

source juridique des pouvoirs qu'un Etat peut exercer dans
les prolongementsmaritimes1. "

Cette formule reprenait comme en écho celle que la

haute juridiction avait déjà eue dans l'affaire des
pêcheries à propos de la mer territoriale, selon laquelle:

"C'est la terre quiconfère à 1'Etat riverain un droit sur
les eaux qui baignent ses côtes2."

C'est encore ce que la Cour répétera dans toute sa

jurisprudence ultérieure, par exemple en 1978, dans
l'affaire de la mer Eqée, lorsqu'elleaffirmera encore:

"Ce n'est qu'en raison de la souveraineté de
1'Etat riverain sur la terre que des droits
d'exploration et d'exploitation sur le plateau
continental peuvent s'attacher à celui-ci ipso
iure en vertu du droit international3."

24. La circonstance que le territoire des Parties en
litige borde une baie historique n'infirme en rien la

pertinence du principe fondamental selonlequel "la terre

C.I.J. Recueil 1969, p. 52, par. 96.

2 C.I.J. Recueil 1951, p. 133.

C.I.J. Recueil 1978, p. 36, par. 86.domine la mer1." Si ce dernier s'applique à l'égard de la
mer territoriale, de la zone économique exclusiveou du
plateau continental, à plus forte raison concerne t'il les

eaux de la baie, qui sont des eaux intérieures,c'est-à-dire
des eaux, plus intimement que toutes autres, liées au

territoire terrestre2. Le Honduras, riverain de la baie, est
un Etat côtierde l'océan Pacifique.C'est, littéralement, 4
ce titre, qu'il a droit à voir clairement identifier les

zones maritimessur lesquellesil a juridiction.

25. Ainsi, qu'il s'agisse des espaces maritimes

intérieurs au golfe ou de ceux qui s'ouvrent directement
vers le large au-delà de sa ligne de fermeture,ce qui fonde

le titre dechacun des côtiers,c'est sa souverainetésur le
rivage attenant à ces espaces.

Le statut des uns et des autres est quant à lui
déterminé par la configuration (espaces ensérrés dans une

baie historique) et la distance, qu'il' convient en
l'occurencede calculer à partir de la ligne de fermeturede
la baie: eaux intérieuresdans la baie, eaux territoriales

et zone économique surplombantle plateau continental, hors
de la baie.

1 C.1.J. Recueil 1969, p. 52, par. 96.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX,

p. 639-663. 26. Le Honduras se rend cependant bien compte qu'un
arrêt qui se bornerait à un tel constat n'apporteraitaucune

solution au différend existant entre les deux Partiesau
présent litige. Pour que celui-ci soit éteint, il faut

délimiter ces différents espaces. Sans délimitation, le
statut n'est rien, ou, plus exactement, il n'est qu'une

coquille vide, une qualification sans contenu. Cette liaison
substantielle entre statut et délimitation a été soulignée

par la Cour notamment dans l'affaire de la mer Eqée en
déclarant que "la question des limites de la mer

territoriale d'un Etat non seulement a trait au statut
territorialmais concerne directementcelui-cil." C'est donc

en vain que l'on chercherait, comme le fait actuellement El
Salvador, à disjoindre la déterminationdu statut, qui va de

soi, de la délimitation des espaces maritimes, que seule la
Chambre de la Cour peut opérer, les Parties ayant à la fois

démontré auparavant leur impuissance à y parvenir elles-
mêmes et leur désir de lui confier cettetâche.

C.I.J. Recueil 1978,p. 37, par. 89. CHAPITRE XIV

LE STATUT JURIDIQUE DES EAUX A L'INTWIEUR DU GOLFE
ET LA SENTENCE DE 1917

1. .L'ampleur des développements consacrés par le

mémoire du Honduras à la nature juridique des eaux à
l'intérieur du Golfe de ~onseca pourrait le dispenser de

revenir sur ce sujet. Cependant les artificesutilisés par
la mémoire d'El Salvador pour tenter de justifier la thèse

du condominium justifient les rectifications que le
Gouvernement du Honduras croit devoir apporter à une

argumentationaussi simplistequ'inexacte.

2. Le mémoire d'El Salvador confirme son attachement
à un système sommaire s'en tenant à invoquer la sentence

rendue en 1917 par la Cour de Justice centre-américainedans
l'affaire opposant El Salvador au Nicaragua. Cette

argumentation se développe selon une doubledémarche. Le
mémoire d'El Salvador s'efforce de démontrer l'opposabilité

de cette sentence à la République du Honduras, d'une part
sur la base de son contenu et du raisonnement sur lequel

elle se fonde et, d'autre part, en raison de l'approbation
que le Honduras lui aurait donné.

Section 1. Place à donner, dans la présente affaire,

à la sentence de 1917

3. Le mémoire du ~ondurasl a démontré les trois
raisons principales pour lesquelles la thèse, retenuepar la

sentence, selon laquelle lerégime des eaux du Golfe serait
celui d'un condominium nesaurait lui être opposée.

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVIII,
p. 599-638. 4. Sur le plan procédural, le Honduras n'était pas un
Etat partie au différend soumis à la Cour de Justice centre-

américaine et doit donc être considéré commu en tiers à qui
la décision judiciairene peut être opposée.

5. Au point de vue du fond, un condominium ne peut

résulter entre certains Etatsque d'une convention et l'on
ne saurait tirer argument de la succession d'Etats

intervenus entre la République fédérale centre-américaine et
les trois Etatsriverains à la Baie de Fonseca.

6. C'est par erreur que la Cour de Justice centre-

américaine a fait référence à la notion de condominium selon
une démarche privatiste absolument inadaptée aux problèmes

de droit internationalpublic auquel elle étaitconfrontée.

7. Le Gouvernement du Honduras, par égard pour la
Chambre de la Cour Internationale de Justice,n'entend pas

répéter les arguments qu'ila déjà présentés. Il se bornera
à présenter deux séries d'observations. Les unes porteront

sur l'intérêt très relatif que la sentence de 1917 peut
présenter aujourd'hui. Les autres concernerontsa portée

juridique.

A. L'INTERET RESTREINTDE LA SENTENCE DE 1917 POUR
LA PRESENTE AFFAIRE

8. Il convient de souligner qu'il nes'agit pas, dans

le présent différend de statuer sur la sentence de 1917. Il
n'est certainement pas dans le dessein de la Chambre

d'intervenir en juge d'appel ou de cassation à l'égard de
cette dknière. Il faut aussi rappeler que la juridiction

centre-américaine avait à régler un problème trèsparticulier soulevé par l'application du Traité Bryan-
Chamorro conclu par le Nicar,aguaet les Etats-Unis, et
prévoyant l'installationd'une base navale américainedans

la partie nicaraguayenne de la baie. C'est pour empêcher
cette installationque El Salvador a invoqué l'existence
d'un condominium et que la Cour a fait sienne cette

argumentation.Le Honduras a démontré dans son mémoire que
le recours à la thèse de la souveraineté indivise entre les

trois Etats était mal fondé et que les droits d'El Salvador,
comme ceux du Honduras, auraient pu étre sauvegardés en
recourant à la notion de communauté d'intérëts, comme le

fera, 12 ans plus tard, la Cour permanente de Justice
Internationale, dans l'affairerelative à la juridiction

territoriale de la Commission internationalede l'Oder du
10 septembre 19291. Cette notion consacrela rigoureuse
égalité de traitement qui doit régner entre les riverains

sans que, pour autant, ceux-ci soient privés de leurs
souverainetés respectives.Chacun l'exercesur la zone qui
lui revient, mais l'exercice de cette compétencen'est pas

discrétionnaire; il doit respecter les intérêtsde ses
voisins.

11 est clairque dans l'examende l'affairequi lui est
aujourd'huisoumise et qui est tout à fait étrangère celle

dont connaissaitla Cour de Justice centre-américaine,il y
a 71 ans, la Chambre de la Cour ~nternationalede Justice ne
saurait s'embarrasserde la sentence intervenue alors.

1 C.P.I.J. Recueil, SérieA, no 23, arrêt no 16. 9. De même il convient d'insistersur le fait qu'il y

a peu de rapport entre le droitde la mer d'aujourd'hui,tel
qu'il résulte de son développement coutumier et des
principes dégagésdans la Conventiondes Nations Unies du 10

décembre 1982, et celui qui étaietn vigueur en1917 et qui,
à peu de chose près, était celui étudip éar Grotius. Si des

juristes formés aux disciplinesdu droit privé ont été
amenés à imaginerque le Golfe de Fonseca était soumis à un
condominium, un tel raisonnement serait aujourd'hui

impossible alors que toute l'évolution du droit
international public dela mer s'est faite, pour les eaux
adjacentesaux côtes, non dans le sens de l'indivision,mais

dans celui de la délimitation d'espaces maritimes relevant
de la souveraineté des Etatsriverains. On se souvient du

dictum de la Cour Internationalede Justice, énoncé dans
l'affairedu plateau continental de la Mer duc or endl969:

"La terre domine la mer"

Aussi bien les multiplesaffaires de délimitation qui

ont été soumises à la Cour ou à des instances arbitrales,
comme la Convention de 1982 sur ledroit de la mer, ont
consacré ce mouvement. Les difficultés qu'a soulevées la

négociation des dispositions de cette conventionconcernant
la délimitation dela zone économique exclusive et celle du

plateau continental sont bien connues. Toutefois, il sera
rappelé qu'à la Troisième Conférence des Nations Unies sur
le droit de la mer, fut rejetée la proposition, présentée

notamment par la Zambie, de créer des zones économiques
communes à plusieurs Etatsdans un cadre subrégional,pour

C.I.J. Recueil 1969,p. 52, par. 96.en faire profiter les Etats sans littoral et les Etats

géographiquement désavantagés. Les espaces maritimes
adjacents ont été ainsi conçus, à la Conférence, comme des

espaces essentiellementnationaux.

10. Par ailleurs, ce droit ancien était mal connu de
la Cour de Justice centre-américaine ainsi que cela ressort

de l'analyse qu'elle a faite de la nature juridiquedes eaux
du Golfe.

En effet, cetteCour a relevé à juste titreque la Baie

de Fonseca avait le caractère d'une baie historique, mais
elle n'en a pas tiré la conséquence essentielle, à savoir

que les eaux d'une telle baie ont le caractère d'eaux
intérieures. Constatation faite au contraire avec la plus

grande clarté par la Cour Internationale de Justice dans
l'affaire des pêcheries de19511. Il en résulte que les eaux

d'une baie historique sont assimilées au territoire
terrestre et que les délimitations dont celui-ci a fait

l'objet doivent trouver leurprolongement dans la baie. Or
l'erreur de la Cour de Justice centre-américainea consisté,

non seulement à faire appel à la notion de condominium, mais
encore à commettre une confusion singulièresur le régime

des eaux. Tout en reconnaissant au Golfe de Fonseca le
caractère d'une baie historique, elle y a introduit une

notion, celle d'eaux territoriales qui n'y a certainement
pas sa place, la mer territorialene pouvant se situer qu'à

l'extérieurde la baie. La Cour centre-américainea ainsi

C.I.J. Recueil 1951, p. 8.transposé à l'intérieur de la baie une distinction démarquée

de celle qui existe à l'extérieur entre haute mer et mer
territoriale, en divisant le Golfe de Fonseca en une zone de

3 milles de juridiction exclusive à partir du rivage, et en
une zone d'"inspection maritime"placée dans le statut de

condominium. Cette démarche est à l'évidence erronéepuisque
toutes les eaux d'une baie historique sont placées sous le

statut univoque d'eauxintérieures.

11. A cet égard le mémoire d'El Salvador persévère
dans cette démarche erronée et opère à son tour un amalgame

et, après avoir relevé le caractere de baie historiqueet de
mer fermée du Golfe de Fonseca, il en tire la conclusion que

ce dernier est copropriété des trois Etatç riverains.
Démarche pour le moins audacieusepuisque ces considérations

n'ont aucun rapport entre elles.

12. Le Honduras relèvera égalementque le mémoire d'El
Salvador reste fidèle à l'analyse privatiste du condominium

comme le démontre son recours aux expressions de "Property
belonging to the three countries" et de "Ownerçhip of the

Gulf. "

B. LA PORTEE JURIDIQUE DE LA SENTENCE DE 1917

13. A la lumière de ces observations préalables, il
convient de réfuter l'argumentationprésentée par le mémoire

d'El Salvador pour prétendre rendre opposableau Honduras la

sentence de 1917.

Tout en admettant que cette sentence ne' liait, à
l'origine, que les Parties à l'affaire soumise a la Cour de

Justice centre-américaine, le mémoired'El Salvador soutientque la solution du condominium adoptée par elle, s'est

trouvée consolidéepar le temps et s'étend au Honduras sur
la base d'une autorité objective. La Partie adverse croit

pouvoir dégager une règle générale fondée sur le
comportement des Etats tiers. Plusieurs observations

s'imposent ici.

14. Tout d'abord on doit rappeler que la notion de
"droit objectif", utiliséepour opposer à des Etats qui

n'ont pas participé à une affaire judiciaire ou à la
conclusion d'une convention, les solutions qui y ont été

adoptées, est une construction juridique doctrinale
aujourd'hui très dévaluée. Elle concernait essentiellement

les traités portant statuts territoriaux,c'est-à-dire des
conventions multilatérales comme cellesdéterminant le

régime des détroits turcs ou du Canal de Suez. En revanche,
la doctrine était beaucoup plusréticente pour appliquer

cette théorie aux décisions judiciaires intervenuesentre
deux Etats.

La Convention de Vienne sur le droit des Traités de

1969 ne l'a pas consacrée et,.tout au contraire, pose la
règle de l'effet relatifdes accords. L'article 34 de cette

Conventiondispose:

"Un traité ne crée ni obligations ni droits pour
un Etat tierssans son consentement."

Cette démarche de la Convention traduit une opinio
juris de la communauté internationale,tout aussi valable

pour les décisions judiciaires ou arbitrales. A leur égard,
s'appliquela règle de "l'autoritérelative de chose jugée". 15. Cependant, poursuivantsa démarche dans l'idée de
démontrer une prétendue autorité objective le mémoire d'El

Salvador se livre un amalgame entre des éléments diven rs
présentant aucun rapport entre eux. Il invoque ainsi des

attitudes d'Etats tiers reconnaissantque le Golfe de
Fonseca relève de la souveraineté des riverains. Celle-ci
est indiscutable, maisle fait que le Golfe relève de la

souveraineté de ces riverains n'implique nullement qu'il
s'agit d'une CO-souverainetéde nature indivise.Lorsqu'il

est dit que l'Amérique Latine ou l'Europe sont sous la
souveraineté des Etats qui la composent, cela ne veut pas
dire que ces régions sont placées dans un statut de

condominium.

16. De même, le mémoire d'El Salvador fait référenceà

la reconnaissancepar la Conventionde 1982 sur le droit de
la mer de la notion de baie historique commesi cette notion

comportait nécesairementle régime du condominium.Il n'est
pas nécessaire d'insistersur la naïveté d'une telle
démarche.

Section II. La récusationpar le Hondurasde l'argumentation

de la sentencede 1917

17. Le mémoire d'El Salvador croitpouvoir soutenir

que le Honduras a accepté la sentence de 1917. Il est connu
que la Cour de Justice centre-américaine relève avec soin,

dans sa sentence, non seulementque le Honduras n'a pas été
partie à l'affaire qu'ellea eu à juger, mais encore qu'elle
cite la note du 30 septembre 1916 par laquelle le

Gouvernement du Honduras adressait une protestation au
Gouvernement d'ElSalvador au motif qu'il fondait son action
en justice sur l'existence d'un condominiumque la

Républiquedu Hondurasn'a jamais reconnu. Le Gouvernement d'El Salvador développe divers
arguments:

18. Son mémoire imagine accroître son argumentation,
fondée sur une prétendue acceptation de cette sentence,en

observant qu'un juge hondurien siégeait à la Cour. Cette
analyse purement consensualiste ignore complètement le
caractère institutionnel dela Cour de Justice centre-

américaine. Le fait que ses juges soient nommés chacun par
un Etat ne doit pas faire croirequ'il en était le délégué.

Une fois désigné, le juge devait exercer sa fonctionen
toute indépendance.Il suffit de se reporter à la sentence
de 1917 elle-même;on constate que les noms des juges n'y

sont jamais accompagnés de la mention de 1'Etat dont ils
sont ressortissants. De fait, cette Cour a toujours été

présentée, dans les ouvrages qui l'ont étudiée, comme le
premier exemple d'intégration juridictionnelle.es juges
qui la composaient étaient censés représenterdans la Cour

non leurs Etats respectifs, mais l'ensemblede l'Amérique
centrale. C'est d'ailleurs ce qui ressortde l'articleXIXI

de la Convention pour la création d'une Cour de Justice
centre-américainedu 20 décembre 1907que le mémoire d'El
Salvador cite contre sa propre cause puisque, selon cette

disposition, cetteCour représente "la conscience nationale
de l'Amérique centra1e"l (soulignépar nous). Cette formule
démontre que, dans la pensée des créateurs de la Cour,

l'Amérique centrale forme une nation mëme si elle est
divisée en cinq Etats. Dès lors, la Cour de Justice centre-

américaine a pour mission de se situer, dans l'exercicede
sa fonction judiciaireà ce plan élevé.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 13.4; trad. fr.,
p. 75. Il est donc clair que l'attitude des juges de cette
Cour était adoptée par eux en pleine indépendanceet ne

pouvait être imputée aux Etats dont ils étaient les
ressortissants. Le même article XII1 apporte une précision
qui leur en fait un devoir. Apres avoir qualifié les juges

de cette Cour de représentantsde "la conscience nationale
de l'Amériquecentrale",il ajoute:

"...en vertu de cela, les magistrats qui composent
le Tribunal nepourront pas être considérés comme
empêchés d'exercer leurs fonctionsen raison de
l'intérét que pourraient avoirdans l'un des cas
émanent leurdes nomination1. les Républiques dont

On ne sauraitmieux dire que ces magistrats nepeuvent

se laisser guiderpar l'intérêt particulier de 1'Etat dont
ils sont issus. On ne saurait mieux affirmer leur
indépendance. Nulne.peut donc tirer argument de l'attitude

juridique,bien ou mal fondée, adoptée par ces juges au sein
de la Cour pour les imputer à 1'Etat dont ils sont
ressortissants.

1 "...y en ta1 virtud, los Magistrados que compongan

el Tribunal no podran considerarseinhibidos del ejercicio
cas0us6fucuestion las Republicas de pueddonde se derive su
nombramiento.." Cela est .si vrai que si cette présomption
d'indépendance d'un juge est démentie en fait, le Règlement

de la Cour de Justice centre-américaine prévoit la
récusation du juge concerné1 ou les incompatibilitésqui
1'empêchent d'exercer sa fonction2. En particulier,

l'article 37du Règlement disposeque les magistrats:

"...ne peuvent pas intervenir en tant qu'avocats
ou conseillers de l'une des Parties dans les
affaires qui seront soumisesà la cour3."

Ce principe d'indépendancedes juges devait, par la
suite, s'imposer pour la Cour permanente de Justice

Internationale, la Cour Internationale de Justice, plus
récemment, notamment, pour la Cour de Justice de la
Communauté européenne et pour les membres de la Commission

et de la Cour de Justice européenne des droitse l'homme.

19. Le mémoire du Honduras a expliqué ce qu'il faut

entendre par "l'appui moral" demandé par l'article 25 du
Statut de la Cour de Justice centre-américaine auxautres
Etats centre-américainsau bénéfice de la sentence et a

montré que cette dispositiona un caractèrepolitiquene

1 Art. 25 du Règlement de la Cour de Justicecentre-
américaine, contre-mémoirdeu Honduras,Annexe X.3, p. 288.

2 Art. 35-37 du Règlement de la Cour de Justice
centre-américaine,contre-mémoiredu Honduras, Annexe X.3,
p. 289.

3 -bid.pouvant imposer à des Etats tiers de l'Amérique centrale
d'apporter leur soutien à une sentence susceptible

d'affecter leurs intérêts particuliers1.

20. confronté aux protestations émisesen 1916, dès la

saisine de la Cour de Justice centre-américaine, le mémoire
d'El Salvador s'efforcede démontrer que celle-ci n'avait

qu'un caractère limité. Il est clair cependant que la note
présentée par le Ministre des relations extérieures du
Honduras, le 30 septembre 1916, émet une protestatio nui

concerne la totalitédu Golfe de Fonseca pour lui refuser le
régime du condominium. Cependant, le mémoire d'El Salvador
prétend que le refus du condominium par le Honduras ne

serait que la zone d'eaux littorales d'une lieue (trois
milles nautiques)et qu'il devrait, dès lors, être considéré

comme ayant accepté lerégime du condominiumpour les eaux
s'étendant au-delà de cette zone littoral,jusqu'à la ligne
de fermeture du Golfe de Fonseca. Cette présentation ne

résiste pas à une lecture de la note honduriennede 1916~.
Plusieurs remarques sont à faire àcet égard:

21. Les termes de ce document ont une portéetrès
générale et visent la prétention d'ElSalvador de placer la

totalité du Golfe de Fonseca sous lerégime du condominium.
On y lit:

''LeGouvernementdu Honduras n'a jamais reconnuet
ne reconnaîtrapas l'état de condominium avecEl
Salvador ni avec aucune autreRépublique dans les
eaux du Golfe de Fonseca quilui appartiennent."

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XVIII,
p. 634-635.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, ~nnexe
XIII.2.40, p. 2354. Le mémoire d'El Salvador croit pouvoirs'appuyersur le

membre de phrase "lui appartiennent"pour en conclure qu'il
réduit la protestationdu Honduras à la seule zone littorale

de trois milles. Cette interprétation est démentip ear les
termes utilisés en exergue par la note de 1916 du Honduras
qui proteste contre la prétention salvadorienne de baser son

action devant la Cour centre-américaine sur "le droit de
condominium sur toute l'étendue du Golfe de Fonseca"
("condominiumen todas las aquasque constituyenel GolEo").

Cette référence à la totalité ne signifie pas que le

Honduras accepteraitla prétention salvadorienne si elle ne
portait que sur les eaux situées entre la limite externede
la zone littoraleet la ligne de fermeture du Golfe. Elle

doit, au contraire, se comprendre comme exprimant la
conviction du Honduras que sa souveraienté s'étend,à

l'intérieur de la zone qui lui revient entre les eaux
salvadoriennes et leseaux nicaraguayennes,sur les eaux
s'étendantde son rivage à la limite extrëmede la baie.

Certes, dès lors qu'El Salvador disposait d'une zone
littorale d'une lieue, le Honduras pouvait s'en prévaloir

aussi. Dans les conceptions juridiquement indécisesde
l'époque, on considérait que sur ,cette zone, les Etats

riverains disposaient d'une souveraineté absolue alo que
sur les eaux s'étendant vers la limite extrëme de la baie,
ils devaient admettre des droits dpassage des autres

riverains.Mais c'étaitlà une façon inexacte,on l'a vu, de
raisonner par transposition d'une distinction inspiréede
ce'lle de la haute mer et de la mer territoriale

l'intérieurd'un espace d'eauxintérieures. Tout en acceptant une zone littorale, le Honduras ne
réclamait pas moins la reconnaissance de sa souveraineté

jusqu'à la ligne de fermeture de la baie, et il admettait,
sur cette partie extérieure à la zone littorale, des

facilités au bénéfice des autres riverains en raisondes
circonstances géographiques particulièresau Golfe de
Fonseca.l

C'est pourquoi la disposition d'une zonelittorale par
le Honduras ne signifiait pas reconnaissance d'un

condominium sur la partie restante du Golfe de Fonsecaet
renonciation à prolonger sa souveraineté sur celle-ci

jusqu'à lasortie de la baie et l'accèsau Pacifique.

Lorsque, danssa note du 30 septembre1916, le Honduras

réfute la thèse salvadoriennedu condominiumsur la totalité
du Golfe de Fonseca et explique qu'ellea pour effetde nier

sa souverainetésur la partie du Golfe de Fonseca qui lui
revient, il fait référence à la délimitation intervenue en
1900-1901 avec leNicaragua. Comme le Hondurasl'a observé

dans son mémoire, il est contradictoire de soutenir
l'existence d'un condominium sur la totalité du Golfe de
Fonseca que,précisément deuxEtats riverains sur trois ont

délimité dans leurs zones respectives.

1 Cette notiond'eaux intérieures peut recouvriren
certains cas des zones qui ne sont pas soumises à un régime
onurrencontre d'une part les "eaux intérieures" au senspel,
classique du terme, qui se trouveront en-deçàdes lignesde
base tracées en bordure du littoral. Mais il y a également
les "eaux archipélagiques", situées entre lesiles composant
1'Etat; elles sont également des eaux intérieures mais
dotées d'un statut distinct des premièresn,otamment en
matière de facilitésde navigation. 22. Il sera relevé que, dans sa demande en justice,
présentée la Cour de Justice centre-américaine,El

Salvador soulignait que cette délimitation:

"a été mené(e) à bien sans l'interventiond'El
Salvador, indispensablepour sa validité :et sa
s'agissait d'unur bieniqucommunl."ant donné qu'il

Pour la République d'El Salvador, le condominium était

donc de droit naturel, antérieur à tout accord. En fait,
comme l'observe la note hondurienne précitée, le
Gouvernement d'El Salvador n'a pas protesté contre la

délimitation intervenue en 1900-1901entre le Nicaragua et
le Honduras eta conservé le silencejusqu'à la saisine de

la Cour de Justice centre-américaine en 1916..Quant au
Honduras, il n'a pas varié d'attitude:il a toujoursestimé
que la délimitationdu Golfe de Fonseca s'imposaitet que, a

l'heureactuelle encore, elle demeuri encompléte.

Certes, la sentence de 1917 s'est efforcéede lui

donner une certaine satisfaction en reconnaissantaux
riverains une bande de souveraineté d. trois milles

nautiques. Mais cette concessionde nature parcellaire ne
pouvait satisfaire pleinementle Honduras.

23. Il faut bien comprendre la nature de l'opposition
du point de vue entre El Salvador et le Honduras. Pourla

première République, dès lors qu'une délimitatin onest pas
intervenue avec son voisin, le Golfe de Fonseca demeureen
condominium,celui-ciétant, à ses yeux, son étatoriginel.

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. V, Annexe
XIII.2.40,p. 2355. Pour le Honduras, chacun des Etats riverains prolonge
sa souverainetéterrestre dans le Golfe de Fonseca. Le fait

que la délimitation ne soit pas intervenue entre deux
d'entre eux n'empêche pas le droit de chacun d'exister.

Cette proposition juridique est conforme à la jurisprudence
moderne en matière de délimitation maritime et tout
particulièrement à celle de la Cour Internationale de

Justice telle qu'elle a été fixée sur ce point par l'arrêt
de 1969 sur le plateau continental de la Mer du Nord. Comme
la Cour de La Haye l'a déclaré avec force, l'opérationde

délimitation n'est pas un partage mais consiste à
déterminer,sur la base du droit, les titres dontles Etats

en cause peuvent se prévaloir sur les eaux adjacentes à
leurs côtes1.

La Cour déclare:

"Le droit de 1'Etat riverain sur son plateau
exerceentsur pler fterritoirea sdont ceentéplateau
continental est le prolongement naturelsous la
mer. De cette notion de rattachement découle
l'idée... que les droits de 1'Etat riverain
existent ipso facto et ab initio sans que la
validité de ses revendicationsdoive être établie
et sans qu'il soit besoin de procéder- à une
répartitiondu plateau continental entreles Etats
intéressés.C'est l'un desmotifs pour lesauels la
Cour a estimé devoir rejeter, soÜs la forme qui
lui a été donnée, la demande de la République
équitable' desnt zonesdu plateau continental enet
cause" (souligné par nous).

1 C.I.J. Recueil 1969,p. 29, par. 39. Dès 1916, la Note du Honduras se fondait sur un

raisonnementjuridique analogue.On y lit:

"Le fait que la division de la ligne frontière
entre le Honduras et El Salvador n'a pas eu lieu
ne constitue pas d'unioncommune ni de condominium
sur les eaux du Golfe."

On soulignera la généralité de la formule "sur les eaux
du Golfe''.Elle démontre clairement que, contrairement.aux

assertions du mémoire d'El Salvador, le Hondurasentendait
obtenir la délimitation de l'ensemble des eaux du Golfe de

Fonseca et non pas seulement celle de la zone littorale
d'une lieue.

24. Le mémoire d'El Salvador, chapitre13.7, croit

tirer avantage de la citation de la déclaration du Président
du Honduras, le 3 janvier 1918, se réjouissant de la

sentence qu'il estime en harmonie avec la protestation
adressée en 1916 au El Salvador.

On observera que ce document ne figure pas dans les

Annexes du mémoire d'El Salvador et n'est assorti d'aucune
référence précise. Le Gouvernement du Honduras, après

recherches,est en mesure d'apporter cette référence. Il est
rapporté dans le numéro 4858, Série480 de la Gaceta du

8 janvier 1918. Ces précisions ne serontpas inutiles à la
Chambre car les assertions et citations contenues dans le

chapitre 13.7 du mémoire d'El Salvador sont déformées et
incomplètes.

Déformées d'abord.En effet, l'expression "satisfactory

results' qui, selon ce mémoire, s'appliquerait, dans la
déclaration du Président, à la sentence de la Cour deJustice centre-américaine, concerneen réalité le Bureau

international établi a Guatemala City ainsi que la Cour, en
tant qu'institution judiciaire. On lit, en effet, dans le

texte exact:

"Le Bureau international qui fonctionne en la
ville de Guatemala remplit sa mission avec des
résultats satisfaisantset en conformité avec les
finalités de son institution. La ,Cour de Justice
centre-américaine mérite le mêmejugement1."

Le fait, pour le Président, de se réjouir que la Cour
ait reconnu les droits du Honduras sur la zone littoraleest

tout à fait naturel, alors que El Salvador les niait sur la
totalité des eaux du Golfe de Fonseca. Mais, on l'a vu, cela

ne signifie pas qu'ilse rallie au condominium pour le reste
des eaux. Non seulement il ne parle pas de condominium, mais

il explique le sens de la protestationde son pays:

"Protestation, (dit-il), (qui) a eu comme seul
objectif que de sauver l'intégrité du territoire
national sur lequel il est absurde de penser,
selon de bons principes, que deux nations ou plus
puissent à la fois exercer leur pouvoir souverain,
alors que la souveraineté seule,est exclusive et
n'admet pas la pluralité dans son exercice sur un
mène objet2.'

Il faut souligner que ce passage n'a pas été reproduit
dans le mémoire d'El Salvador.

1 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe X.4, p. 290.

2 ibid. 25. De surcroit, l'argumentation d'El Salvador fondée

sur la prétendue acceptation de la sentence de 1917 par le
Honduras se retourne contre lui, compte tenu de la

proposition de délimitation faite par le Honduras dans son
mémoire.

En reconnaissant qu'il y a lieu à délimitationpour la
zone littorale de trois milles nautiques, El Salvador admet

par là-méme, que cette opérationporte sur environ les deux
tiers de la baie.

Les zones respectives se chevauchent, les côtes des
deux Etats étanttrès rapprochées.

Sans s'en douter, El Salvador reconnaitque la zone qui

reste à délimiter, au-delà de celle d'une lieue (telle
qu'elle est figurée sur la carte C.5 du mémoire du
Honduras), ne concerne doncque le dernier tiers,c'est-à-

dire un espaceoù les côtesd'El Salvador fontface à celles
du Nicaragua.

Autrement dit, à supposer qu'un condominium aitjamais
existé, il se serait situé dans l'ouverture, dans la bocana,

dans la partie où la côte salvadorienne fait face au
Nicaragua.

L'existence de ce condominium n'est pourtant confirmée
par aucune pratique des riverains, qu'elle soit ancien ne

contemporaine. Si El Salvador persiste à prétendre le
contraire, c'est à lui de le prouver. De plus, le fait; pour El Salvador de soutenir que,

dans cette zone, se situe le condominium, ne lui permet pas
de prétendre,en même temps, que la délimitationde l'espace

maritime s'étendantau-delà de la fermeture du Golfe de
Fonseca n'intéresse qu'El Salvadoret le Nicaragua. Il ne
peut le soutenir puisque, selonsa propre argumentation, il

y aurait entre les trois Etats ri'verainde la baie, c'est-
à-dire une tri-souveraineté.El Salvador détruit lui-même sa

prétention à procéder, avec leNicaragua, à une délimitation
bilatérale.

26. Le défaut consistant à rapporter des citations
inexactes se retrouve au chapitre 10.9 du mémoire d'El
Salvador. Il comporte une longue citation d'une intervention

du représentantdu Honduras à la Troisième Conférence des
Nations Uniessur le droit de la mer, au sujet du concept de

baie historique dansl'article 7 de la Conventionde Genève
de 1958 sur la mer territorialeet la zone contiguë. Après
que le représentantait justementobservé que cet article ne

s'applique pas.à la Baie de Fonseca puisqui 'l décide qu'il
"ne concerneque les baies dont un seul Etat est riverain",

il ajoute une observation à laquelle le mémoire d'El
Salvador apporte une grave déformationen changeantun mot
ayant une signiiication décisive. Le mémoire donne la

version suivante:

"It was discriminatory to exclude bays which
bordered thecoasts of various States when,as in
the present case, al1 the coastal States
maintained that the waters of the bay were
international'('soulignépar nous).

Il est fâcheux de constater l'inexactitude qui entache
cette citation. En réalité, en effet, le représentant du

Honduras a parlé non d'eaux internationales, maisd'eauxintérieures (aguas interiores). La version française

reproduit le même qualificatif "intérieuresn1.

1 Nations Unies, Troisième Conférencesur le droit
de la mer, doc. off., vol. II, p. 111.

Il convient de relever que dans la traduction du
mémoire d'El Salvadoreffectuée par le Greffe, celui-ci a
corrigé de lui-mème l'erreur commise par El Salvador dans la
version anglaise utilisée dans ses écritures. Cette
traduction se lit comme suit: "Il y a discrimination à
exclure du champ d'application de cet article les baies
communes à différents Etats lorsque, comme c'est le cas, en
l'occurence, tous les Etats riverains ont revendiqué pour
cette zone le caractère d'eaux intérieures"trad. fr.,,
p. 78. CHAPITRE XV

LE DROIT DU HONDURAS SUR DES ESPACESWITIMES DANS

L'OCEIUJ PACIFIQUE, AU-DELA DE LA LIGNE DE
F-TURE DU GOLFE DE FONSECA

1. El Salvador se trouve dans l'impossibilité
d'identifier "any basis for recognizing the possession by

Honduras of any rights in the waters of the Pacific beyond
the closing line of the Gulf of Fonseca different£rom those

of any other non-littoralstatel. "

Cette conclusion sembledécouler de trois propositions:

i) "à l'entrée du Golfe de Fonseca seuls El Salvador
et le Nicaragua possèdent ce qui peut-être

objectivement décrit comme des côtes ou un
littoral sur le Pacifique. Ce qui n'est pas lecas

du ond duras^."

ii) "les droits maritimes doiventdépendre des lignes '
de côte adjacentes - et les seules lignes de côte

adjacentes sont celles d'El Salvador et du
~icara~ua3. "

iii) que les prétentions maritimesd'El Salvador et du
Nicaragua "se rejoignentsur le point de la ligne

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 14.6; trad. fr.,

p. 85.

2 Mémoire d'El Salvador, chap. 14 premier
paragraphe; trad. fr., p. 79.

3 Mémoire d'El Salvador, chap. 14.5; trad. fr.,
p. 85. de fermeturedans le Pacifique du Golfe de Fonseca

qui est équidistant de leurs lignes de base
respectivesl", et excluent ainsi le Honduras de
toute partie quelconque de cette ligne de

fermeture.

2. Cette troisième proposition 'priveraitle Honduras
d'une présence sur la ligne de fermetureou d'une quelconque
partie de cette ligne; alors que les deux premières

propositions nient essentiellement quele Honduras soitun
Etat riverain de l'océan Pacifique. Pour l'analyse, il

conviendra d'examinertour à tour ces deux fils distinctsde
l'argumentationd'El Salvador.

A. LE FAIT DE REFUSER AU HONDURASUNE PRESENCE SUR LA LIGNE
DE FERMETURE,OU SUR UNE QUELCONQUE PARTIEDE CETTE LIGNE

3. El Salvador fonde ce refus sur l'idée que sa
frontière avec le Nicaragua doit avoir pour base

l'équidistance stricte, ainsi que sur l'invocation du
nouveau droit à une mer territoriale de 12 milles (par
opposition aux 3 milles traditionnellementinvoqués par El

Salvador), et sur lemépris total des droits traditionnels
du Honduras.

4. Comme l'a démontré le Mémoire du EIonduras2,
l'évolutionde 3 milles à 12 milles de la limite de la mer

territorialen'a pas été fondée sur la suppositionque cela

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 14.3; trad. fr.,
p. 83.

2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XX, p. 711-
714.selon -laquelle il y aurait une frontiére entre El Salvador
et le Nicaraguaau point .médiande la ligne de fermeture
n'est pas seulement de la spéculation, mais du mauvais

droit.

6. Il existe encoreune faille danscet argument d'El
Salvador, à savoir son incompatibilité avecl'argumentd'El
Salvador relatifau statut juridique des eauxdu Golfe.

Comme il sera démontré ci-aprèsl, le droit n'admet pas les
incompatibilitésdans l'argumentation d'unepartie. Sur la
base de la bonne foi et par la technique de l'estoppel, il

rejette les prises de position contradictoires.Mais les
arguments d'El Salvador font preuve d'une incompatibilité

logique qui démontre que la bonne foi leur fait défaut. Car
El Salvador, invoquantla sentencede 1917 dans l'affairedu
Golfe de Fonseca, déclare dans son mémoirq eue :

"...les trois Etats riverains d'El Salvador,du
Honduras et du Nicaragua sont donc reconnus comme
copropriétairesde ces eaux, à l'exception d'une
zone d'une lieue mesurée à partir du littoral
maritime de chacun de ces pays qui est leur
propriété exclusive2 .'"

Si les eaux à l'embouchure du Golfe de Fonseca, et
notamment sur la ligne de fermeture, sont deseaux du Golfe
et si, de l'avis d'El Salvador, ellessont sous un régime de

CO-propriété d'ElSalvador, du Nicaragua et du Honduras,
comment El Salvador peut-ilalors soutenir que le Honduras
ne peut prétendre à aucune partiede ces eaux ?

1 infra., par.21.
-
2 Mémoire d'El Salvador,chap. 13.1; trad. fr.,
p. 74. 11 n'est pas davantage possible pour El Salvador de
considérer que la ligne de fermeture serait situéeau-delà

du Golfe et ainsi dans des eaux qui ne sont pas sujettes à
sa prétention de CO-propriété. Car, par hypothèse, une ligne

de fermeture doit être tracée à travers l'embouchure du
Golfe - et non un peu au-delà de l'embouchure - et elle doit

donc être située'à travers des eaux du Golfe de Fonseca.

7. En outre, la logique de l'argument d'El Salvador,
qui répartirait les eaux entre lescôtes sur la base de la
proximité stricte, ne s'arrêterait pas à la ligne de

fermeture mais s'étendrait dans les eaux du Golfe lui-même.
Car les côtes d'El Salvador et du Nicaragua qui se font face

sont à moins de 24 milles de: distance l'une de l'autre,
assez loin à l'intérieurdu Golfe.

8. Par contraste, le Honduras ne trouve aucune

incompatibilité semblable dans sa conception du rapport
entre le statut deseaux du '~olfe et la répartition sur une

base équitable de la ligne de fermeture. Pourle Honduras le
concept qui donne la clé au statut juridiquedes eaux du

Golfe est la communauté d'intérêts et non la CO-propriété1.
Ce concept exige une délimitation entre les Etats
riverainsz. Et il traduit la notion de l'égalitépar l'idée

d'un accès égal, plutàt que par une répartitionmathématique
soit des eaux soitde la ligne de fermeture. Par conséquent,

le droit du Honduras à une section de la ligne de fermeture

1 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XIX, p. 639.

2 ibid. p. 687.
-découle de son intérêt communen tant qulEtat riverain. La

détermination du point auq;el le secteur salvadorien de la
ligne de fermeture aboutit, et auquel le secteur hondurien

commence, doit être faite à la lumière de tous les éléments
pertinents, afin d'aboutir à un résultat équitable1.

B. L'AFFIRMATIONQUE LE HONDURAS N'EST PAS UN ETAT
COTIW PAR RAPPORT A L'OCERN PACIFIQUE

9. El Salvador se fonde essentiellementsur la notion

de la proximité absolue. C'est l'argument selon lequel,
étant donné que la côte salvadorienne est plus proche de

l'Océan Pacifique que la côte hondurienne,il s'ensuit donc
que les espaces maritimes se rattachent au El Salvador comme

de droit, et non au Honduras. Bref, le Honduras cesserait
d'être effectivementun Etat littoral vis-à-vis des eaux qui

sont plus proches aux côtes d'ElSalvador.
i

10. Le caractère fallacieux de cet argument aété
démontrée assez longuement dans le mémoire du on dura et^,

une nouvelledémonstration n'aura que peu d'objet tant qu'El
Salvador n'aura pas répondu à cette démonstration. Le
Honduras soutientque la jurisprudence est décisive sur ce

point.

11. Il existe toutefois un autre aspect à cette
question qui soulève des problèmes plus fondamentaux ayant

trait à la bonne foi. En effet, le Honduras invoque depuis
1950 un plateau continentaldans l'Océan Pacifique.

1 ibid. p. 719-735.
-
2 Mémoire du Honduras, vol. II, chap. XX, p. 723-

729. El Salvador a pris note du décret du Congrès du

Honduras du 17 janvier 1951, mais avec l'assertion
extraordinaire qu'il "donne A penser que les zones
revendiquées par le Honduras sont limitées d l'Océan

Atlantique et ne s'étendent pas au ~acifi~uel." Cette
assertionest inexplicable.Le décret expose expressément:

"Whereas for the reasons aforesaidan immediate
statement is required setting forth in clear and
continental shelf and the waters covering it inthe
both the Atlantic and the Pacific Oceanst"
(soulignépar nous).

El Salvador a également pris notedu décret du Congrès
du Hondurasdu 7 mars 1950~qui déclare expressément :

"The followingbelong to Honduras
...
(3) its submarine platform or continental and
insular shelf and the waters which cover it,
depthtit may be found and whatever its extent may
be" (soulignépar nous).

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 14.2; trad. Er.,
p. 80.

2 U.N. Legislativeseries, Laws and Requlations on
the Reqime of the Hiqh Seas, ST/LEG/SER.B/l, 11 janvier
1951, vol. 1, p. 302.

3 -bid., p. 12. Le fait qu'El Salvador écrit dans son mémoire "qu'il
n'est pas certain que cet acte législatif équivaut à une

revendicationsur les eaux du Pacifique au-delà de la ligne
de fermeture du Golfe de f on sec frise"l'absurde. Il est
très clair que le Honduras prétend à un plateau continental

et à une mer épicontinentale dansle Pacifique - et au-delà
du Golfe - depuis 1950.

12. Le Gouvernementdu Honduras n'a aucune trace d'une
protestation quelconque de la part d'El Salvador contre
cette prétention avant la déclaration de M. Pohl,

représentant d'El Salvador, le 16 juillet 1974 lors de la
réunion de la Deuxième Commissionde la Troisième .Conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer. Comme le

démontrent les extraits du procès-verbal produitpar El
Salvador, il y a euun échange de vues qui n'a débouché sur

aucune conclusion entreles représentants du Honduras et
d'El Salvador sur la question de savoir si le Honduras avait
droit à une partie quelconquede la ligne de fermeture. Mais

les prétentions avancées par El Salvador lors de ce débat ne
constitue en aucune manière une protestation suffisante
pendant une période de 24 ans2. En effet, si le Honduras

était investi ipço jure du titre, une protestation serait
inefficace.

13. Il est manifeste qu'au cours des négociations
bilatérales entrele Honduras et El Salvador, le Honduras
présentait, dès le 29 novembre-1973, une proposition qui

1 Mémoire d'El Salvador1 chap. 14.2; trad. fr.,
p. 81.

Les procès-verbauxde la Conférence sur le Droit
de la Mer de 1958 et de 1960 ne contiennent aucune
protestation semblable.aurait situé la frontière maritime à la ligne de fermeture
du Golfe de Fonseca1. Cette idée a été reprise dans le

Projet du Honduras d'un Traité Général de Paix d'octobre
19752. La note hondurienne du 8 août 1977 au Présidentde la
Commission Spéciale faisait expressément référence aux

droits du Honduras "dans le Golfe de Fonseca et dans les
zones maritimes adjacentes3." Mais il apparaît que ce n'est

qu'au cours de la médiation, en mai 1978, qu'El Salvador,
dans sa Réponse au Médiateur, a pris la position qu'il
n'avait aucune frontièremaritime avec le ond dur Cette.

position a été rejetée énergiquementpar le ond dura mais,
il semble raisonnable de conclure que ce n'est qu'en 1978

qu'El Salvador s'est formellement opposéà la prétention du
Honduras, formulée des 1950, aux zones maritimes au-delà du
Golfe. Toutefois, dès 1978 cette prétention constituait

certainement une partie reconnue et importante du différend
entre les deux Etats.

14. C'est à la lumière de ce qui précède que
l'importance de l'article3 du Traité Général de Paix

devient évidente, les Parties convenant solennellement par
cette disposition de régler "les différends, de tout genre
qui pourraient se présenter entre elleso." Les termes dans

1 Mémoire du Honduras; Annexes, vol. II, Annexe
IV.l.ZS.B,p. 605.

2 -ibid. Annexe IV.1.34, p. 654.

3 -ibid. Annexe IV.1.40, p. 682.

4 ibid. Annexe IV.1.47, p. 769.
-
5 ibid. Annexe IV.1.48, p. 775.
-
6 ibid. Annexe IV.1.55, p. 809.
-lesquels les fonctions de la Commission Mixte ont été

exposées B l'article18 doivent également se lire à la
lumière des procès-verbaux antérieurs, qui identifient le
différend.Ces termes comprenaient:

'4) déterminer le régime juridiquedes îles et des
espacesmaritimes".

Quoi que dise El Salvador maintenantdans son mémoire1,
en jouant avec les termes utilisés ("...as a matter of
logic... it is not possible to delimit a juridical

status...11)2,les procès-verbauxdes négociations entre les
Parties démontrent que le Honduras a bien émis des
prétentionsportant sur une partie de la ligne de fermeture

pour constituer sa ligne de base, sur des espaces maritimes
au-delà du Golfe, et sur une frontièremaritime commune avec
El Salvador au-delàdu Golfe de Fonseca. Certes, dès 1978 El

Salvador s'estopposé à ces prétentions, mais le différend
concernait inévitablement la délimitation,et les Parties se
sont mises d'accord pour régler des différends "de tout

genre". La portée de cette obligationn'a pas été réduite
par les termes du mandat confié à la Commission mixte; il
faut lire ce document à la lumière de l'évolution du

différend.

1 Mémoire d'El Salvador, chap. 1; "the objectivesof
the litigation".
2 ibid. chap. 1.8; trad. fr., p. 5.
- 5 Les procès-verbaux de la Commission mixte font
état d'un accord selon lequel lerèglement devait être

total, c'est-à-dire, devait recouvrilra totalité du
différendl.Lors de la réunion des 23-24 mai1985~, c'est El

Salvador qui a fait une proposition, non seulement de
délimitation à l'intérieur du Golfe mais également d'une
Zone Commune de Coopération au-delàdu Golfe, s'étendant

jusqu'à une distance de 200 milles à partir de la ligne de
base (la ligne de fermeture du Golfe). C'est cette
proposition quiest illustrée par la carte C.4, figurant à

la page 684 du mémoire du Honduras. Une telle proposition
serait inexplicable, si elle n'était pas fondéesur le fait

que le Honduras avait des droitsrelatifs aux espaces
maritimesau-delà du Golfe.

16. Lors des réunions ultérieures,en juin et juillet
1985, le Honduras a ~lairement~affirméqu'il considéraitla
situation à l'intérieur du Golfe de Fonseca et ses

prétentions maritimes au-delà du Golfe comme des questions
distinctes, mais que la ligne de base pour la mer

territoriale hondurienne était la ligne de fermeture du
Golfe elle-même.

1 Voir Procès-verbal des 21-22 février 1984
(AnnexeV.1.13 au mémoire du Honduras) p. 854 "... lors de
la réunion de la Commission à San Salvador de janvier 1981,
on décida que n'importe quel accord qui serapris sur
n'importequelle zone nesera pas considéré comme définitif,
tant que tous les différends terrestres, insulaires,t
maritimes ne serontpas entièrement résolus. " (soulignépar
nous.)

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.20, p. 898. 17. Une réunion entreles Présidentsd'El Salvador et
du Honduras a eu lieu le 11 juillet, et au cours de cette

réunion, les deux chefs dlEtats se sont mis d'accord pour
exhorter leurs délégations nationale' respectives à

renouveler leurs efforts pour aboutir a une solution
globale.Par conséquent, le 17 juillet, le Dr. Carias, chef
de la délégation hondurienne, a écrit à son homologue, le

Dr. Acevedo Peralta, Vice-Ministre salvadorien des Affaires
Extérieures,pour présenter une propositiongénérale "sobre

la delimitacion terrestre, insular y maritimaV1 :
l'insistancesur la délimitationétait claire.

Les détails de cette propositionsont exposés dansle
Procès-verbal des23-24 juillet 19~5~.Une section distincte

de cette proposition a été intitulée "Section de
délimitation deseaux du Golfe de Fonseca, îles et espaces
maritimes".Cette propositionn'a pas été rejetée clairement

par El Salvador parcequ'elle était en-dehors dumandat de
la Commission mixte. La proposition a été maintenue à

l'ordre du jour de la réunion suivantedes 5-6 septembre, à
l'occasion de laquelle le Honduras a de nouveau proposéla
"Délimitation des eaux du Golfe de Fonseca et Espaces

~aritimes"3.

1 Voir note no 249. Contre-mémoire du Honduras,
Annexe X.l, p. 281.

2 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.22, p. 913.

3 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe

V.1.23, p. 926. 11 est clair que, des la réunion des 5-6 septembre
1985l, la délégation d'ElSalvador traitait toute prétention
du Honduras dans le Pacifique comme résultant d'une

concession par El Salvador plut6t que comme fondéesur un
droit juridique. Néanmoins, le fait qu'ils'agissait la d'un

point litigieux demeurait clair2, et El Salvador a donné son
assurance que touç les problèmes de délimitation seraient
résolus,le cas échéant,par un recours à la Cour.

"La Section salvadorienne, une fois de plus,
laisse témoignagede son insistance pour laisser
résolus tous lesproblèmes de caractére limitrophe
avec le Honduras ... et si au bout de quelque
temps, les parties ne se mettent pasd'accord, le
pacifiques obligatoires, comme l'arbitrage ou las
Cour Internationalede ~ustice3..."

18. Le 3 octobre 1984, les Présidentsd'El Salvador et
du Honduras s'étaientdéjà reunis une fois à La Paz. Comme

il ressort clairementde leur Communiqué conjoint4, l'une
des questions discutées a été celle de la nécessité

d'accélérer les travaux de 1a Commission mixte
"especialmente en materia de delimitacion y demarcacion".
Par conséquent, ils se sont mis d'accordpour établir un

"mécanismeinformelet confidentiel"destiné à accélérer la

1 Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II, Annexe
V.1.23, p. 933.

2 Voir la position du Honduras exposée a la réunion
du 4 octobre 1985. Mémoire du Honduras, Annexes, vol. II,
Annexe V.1.24, p. 956-957.

3 -bid., p. 942.

4 Communiqué Conjoint du 3 octobre 1984. Contre-
mémoire du Honduras, Appendice 1 de l'Annexe X.2, p. 284.solution des questions encore ouverteau sein de la
Commission mixte1. Ce mécanisme devait consister dans une

négociation entre deux représentants personnels désign péar
chaque Président et qui prendraient en charge tous les

aspects des questions litigieusessans aucune condition
préalable, pour rendre compte ensuite directement à leur
Présidentrespectif.

Le Ministre actuel des Relations Extérieuresdu
Honduras, le Dr. Carlos Lopez Contreras, a été nommé comme

l'un des délégués honduriens,et il a signé un ~ffidavit~
relative aux questions discutées par l'intermédiairede ce

nouveau mécanisme.Pendant la période d'octobre 1984 jusqu'à
la fin de 1985, la question de la délimitationdes eaux à
l'intérieurdu Golfe et au-delà aété traitée comme l'un des

problèmes les,plusimportantsdevant être discutés. Lorsde
la deuxième réunion,le Honduras a présenté des propositions

de ligne de délimitation, et à la troisième réuniona
poursuivi en présentant uneliste de coordonnéespour cette
ligne. Lors de la quatrième réunion, les représentantd su

Président d'ElSalvador ont exprimé leur accord de délimiter
les eaux du Golfe de Fonseca jusqu'auPoint N (situéau nord
de Meanguera), mais il n'a pas été possible de trouver un

accord sur les parties ultérieures de la ligne en raisondu
différend relatif à la souveraineté sur Meanguera et

Meanguerita.Mais, comme celaressortclairementde

Mécanisme informel et confidentiel pour accélérer
le règlement des questions pendantes relativesà la
délimitation frontalière entre El Salvador et le Honduras,
3 octobre 1984. Contre-mémoiredu Honduras, Appendice 2 a
l'AnnexeX.2, p. 286.

2 Contre-mémoiredu Honduras, Annexe X.2, p. 282.llAffidavit,il n'y a jamais été mis en doute que les deux
Parties avaient admis que la délimitation, tant à

l'intérieur du Golfe qu'au-delà, était nécessaire,
conformémentau Traité Généralde Paix.

19. Il est important de souligner que ces procès-
verbaux démontrentquelle interprétation les deuxParties,

agissant au sein de la Commission mixteet également par
l'intermédiairedu nouveau mécanisme informel, ont donné eu
mandat de la Commission, à savoir "déterminerle régime

juridique des îleset des espacesmaritimes". Leurconduite
démontre clairement qu'elles ne limitaient pas"les espaces

maritimes" aux eaux à l'intérieurdu Golfe; qu'elles étaient
en désaccord concernant l'existenco eu la nature des droits
honduriensau-delà du Golfe; qu'il s'agissait d'une forme de

délimitation quelconque, d'une zone exclusive ou d'une zone
de développement commune jusqu'à200 milles; et que ces

questions faisaient partie du différend qu'elles étaient
d'accord poursoumettre à la Cour Internationalede Justice
en dernierressort.

20. Si la formulationde ia question dans le Compromis
a été adoptée afinde maintenir la compatibilitéavec les

termes du mandat donné à la Commission mixte, le Honduras
est en droit de s'attendre à ce que les éléments du

différend identifiés au cours des travaux de la Commission
mixte demeurent les éléments du différend' portés devant la
Cour. Cette attente est d'autant plus légitim que tout le

procédé - comprenant tant les travaux de la Commission mixte
que la présente soumission à la Cour - trouve son origine
dans l'engagementsolennel des deux Parties dans le Traitéde Paix de régler "les différendsde tout genre". Dans ce
contexte, une tentative de la part d'El Salvador d'adopter

une définition restrictive du différend seraitun exercice
de mauvaise foi.

C. L'IMPORTANCE DE LA BONNE FOI: FORCLUSION ET ESTOPPEL

21. L'exigence de la bonne foi dans la mise en Œuvre
d'une obligation découlant d'un traité devient de première
importance lorsque le traité concernéest un Traité dePaix.

En l'espèce, il est inadmissible d'isoler une phrase du

Compromis ("déterminerle régime juridiquedes îles et des
espaces maritimes") etd'en faire une analyse textuelle
étroite. Carcette approcheignore le fait que le Compromis

a été conclu pendant la dernière phase d'un différend
durable 'qui existait depuis de nombreuses années.

L'identification correcte de la signification de cette
phrase exige de faire référence:^

i) l'engagementpris par les deux Parties au Traité
de Paix de régler "les différendsde tout genre".

ii) aux termesdu mandat confié à la Commission mixte,
et notamment à la phrase "déterminer le régime

juridiquedes îles et des espacesmaritimes".

iii) au fait que l'adoption de la même phrase dans le
Compromis doit signifier une intention de
maintenir la compréhension mutuelle de la

significationde cette phrase, telle que reflétée
dans les travauxde la Commissionmixte. 22. Permettre à l'une des Parties, El Salvador,
d'adopter à ce stade une interprétation de cette phrase qui

est si étroite qu'elleva à l'encontre de l'objectifcommun
convenu dans le Traité de Pai,x, et qui est contraire à

l'interprétation commune des deux Partiespendant les
nombreux mois de négociation au sein de la Commission mixte,

ne serait pas conforme au principe fondamentalde la bonne
foi.

23. Le Honduras ne dit pas que les procès-verbaux

démontrent qu'El Salvador ait accepté les prétentions
précises du Honduras. Le Honduras soutient, toutefois, que

El Salvador a clairement acceptéque la phrase "déterminer
le régime juridique des îles et des espaces maritimes"

englobait bien un différend sur la délimitation maritime
tant à l'intérieur du Golfe qu'au-delà. LeHonduras soutient

donc qu'El Salvador est forclos ou estopped de soutenir le
contraire devant la Cour.

Comme l'a dit la Chambre de la Cour dans l'affaire du
Golfe du Maine:

"Les notions d'acquiescement et d'estoppel, quel
que soit le statut 'que leur réserve le droit
international, découlenttoutes deux des principes
fondamentauxde la bonne foi et de l'équitél."

1 Voir l'affaire de la délimitation de la frontière
maritime dans la zone du Golfe du Maine (Canadac/Etats-Unis
d'Amérique),C.I.J. Recueil 1984, p. 305, par. 130. Comme l'a indiqué le Juge Alvaro dans l'affaire du
Temple de Preah Vihear, en parlant de l'estoppel:

''Ceprincipe, tel que je l'entends,est qu'un Etat
partie à un litige international esttenu par ses
actes ou son attitude antérieure lorsqu'ils sont
en contradiction avec ses prétentions dans ce
litige1."

24. Il est vrai, comme l'a souligné la Cour dans

l'arrêt du Golfe du blaine2,que les actes ou la conduite
d'une partie doivent être sans équivoque. Mais cette

condition est remplie en l'espèce, El Salvador ayant
clairement accepté que le différend comprenait une
délimitation tant a l'intérieur duGplfe de Fonseca qu'au-

delà. Il est tout aussi vrai qu'il faudra démontrerque le
Honduras s'est fondé sur cette conduite.Mais le Hondu.ras
s'est évidemment fondésur cette conduite,car le Honduras a

accepté le langage du Compromis en se fondant sur
l'acceptation antérieured'El Salvador selon laquelle le

même langage, définissantle mandat de la Commission mixte,
englobait un différend sur la délimitationmaritime tant à
l'intérieur du Golfe qu'au-delà. Il est également vrai que

le Honduras doit avoirainsi agi à son propre détriment.
Mais en l!espece le préjudicedu Honduras serait manifeste.

C.I.J. Recueil 1962, p. 39.

2 C.I.J. Recueil 1984, p. 309, par. 145.Car il s'est fondé sur la conduite antérieured'El Salvador

pour supposer qu'un règlementcomplet de touç les problèmes
existants serait obtenupar le recours à la Cour. Le

prejudice encouru par le Honduras serait extrêmement grave
si, contrairement à l'attente de tout le peuple hondurien,
la Cour devait suivre l'interprétationsalvadorienne pour

décider qu'elle ne peut résoudre aucun des problèmes de
délimitation,que ce soit à l'intérieurdu Golfe ou au-delà. CONCLUSIONS

Au vu des faits et arquments exposés ci-dessus, le
Gouvernement de la République du Honduras confirme et

réitère les Conclusions de son mémoire etprie la Cour de:

A. En ce qui concerne le différend frontalierterrestre:

- dire et juger que le tracé de la frontière entre

El Salvador et le Honduras est constitué par la

ligne suivante dans les zonesou secteurs non
décrits à l'article 16 du Traité Général de Paix

du 30 octobre 1980:

1. Secteur de la frontière terrestre compris entre le
point appelé El Trifinio, sommet du Cerro
Montecristo, et le sommet du Cerro del Zapotal: Du

sommet du Cerro Montecristo (14O 25' 20" de
latitude Nord et 89O 21' 28" de longitude Ouest),

Tripoint entre le Honduras, El Salvador et le
Guatemala et en direction Sud-Est, jusqu'à la

source la plus septentrionalede la rivière San
Miguel Ingenio ou Taguilapa, (14O 24' 00" de

latitude Nord et 89O 20' 10" de longitudeOuest),
connu sous le nom de torrent de la Chicotera, d'où

l'on poursuit en aval par le milieu du lit de
ladite rivière jusqu'au gué du chemin qui vient de

Citala en direction de Metapan, (14O 20' 55" de
latitude Nord et 89' 19' 33" de longitude Ouest),

sur le site de Las Cruces. Du point précédent en
direction Est, en ligne droite jusqu'à la

confluence de la rivière Jupula avec la rivière Lempa (14O 21' 06" de latitude Nord et 89O 13' 10"
de longitude Ouest), ladite ligne passant par le

site El Cobre, et de cette confluence, en ligne
droite jusqu'à la cime du mont Zapotal

(14O 23' 26" de latitude Nord et 89O 14' 43" de
longitude Ouest).

2. Secteur de la frontière terrestre compris entre le

Rocher de Cayaguanca et la confluence du ruisseau
du Chiquita ou Oscura avec la rivière Sumpul. Du

Rocher de Cayaguanca (14O 21' 55" de latitude Nord
et 89O 10' 05" de longitude Ouest), en ligne

droite jusqu'à la confluence du torrent Chiquita
ou Oscura avec la rivière Sumpul (14O 20' 25" de

latitude Nord et 89O 04' 57''de longitude Ouest).

3. Secteur de la frontière terrestre compris entrela
borne de Pacacio et la borne dite Poza del Cajon.

De la borne Pacacio (14O 06' 28" de latitude Nord
et 88O 49' 20" de longitude Ouest), sur la rivière

du même nom, en ligne droite jusqu'à la confluence
du torrent La Puerta avec la rivière Gualcinga

(14O 06' 24" de latitude Nord et 88O 47' 04" de
longitude Ouest) et de là en aval de ladite

rivière, par le milieu de son lit pour parvenir à
la borne Poza del Toro (14O 04' 14" de latitude

Nord et 88' 47' 00" de longitude Ouest), situé à
la confluence de la rivière Gualcinga avec la

rivière Sazalapa sur La Lagartera, de là en
suivant ladite rivièreen amont par le milieu de

son cours jusqu'à la borne de Poza de la
Golondrina (14O 06' 55" de latitude Nord et

88" 44' 32" de longitude Ouest), de ce point, en ligne droite, jusqu'd la borne La Canada,

Guanacaste ou Platanar (14O 06' 04" de latitude
Nord et 8E0 43' 52" de longitude Ouest), de cette

borne, en ligne droite, A la borne de El Portillo
du mont del Tambor (14O 04' 47" de latitude Nord

et 88O 44' 06' de longitude Ouest), également
connue sous le nom de Portillo de El Sapo; de

cette borne, en ligne droite, jusqu'à la borne
.. Guaupa (14O 04' 33" de latitude Nord et

8E0 44' 40' de longitude Ouest), en passant par la
colline de El Sapo; de là, en ligne droite,

jusqu'a la cime de la Loma Redonda (14O 03" 46" de
latitude Nord et 88O 44' 35" de longitude Ouest);

de la Loma Redonda, en ligne droite, jusqu'a la
cime du mont de El Ocotillo ou Gualcimaca

(14O 03' 25" de latitude Nord et 88O 44' 22" de
longitude Ouest), en passant par le mont de El

Caracol. De la borne de El Ocotillo, en ligne
droite, jusqu'à la borne de la Barranca ou

Barranco Blanco (14" 02' 55" de latitude Nord et
88O 43' 27" de longitudeOuest); de là jusqu'au
mont de La Bolsa (14O 02' 05" de latitudeNord et

88O 42' 40" de longitude Ouest); etde ce lieu, en
ligne droite, jusqu'à la borne Poza del Cajon

(14O 01' 28" de latitude Nord et 88O 41' 10" de
longitude Ouest), sur la rivière Arnatillo ou

Gualcuquin.

4. Secteur.de la frontière terrestre compris entre la
source du ruisseau La Orilla et la borne du

Malpaso de Similaton. De la source du torrent La
Orilla (13O 53' 50" de latitude Nord et

88O 20' 30" de longitude Ouest), jusqu'au col deEl Jobo (13°53'40" de latitude Nord et
88" 20' 25" de longitude Ouest), situé au pied du

mont appelé Volcancillo; delà jusqu'à la source
la plus méridionale du torrent Cueva Kedionda

(13" 53' 46" de latitude Nord et 88" 20' 00" de
longitude Ouest), en suivant son cours en aval par

le milieu de son lit jusqu'à la borne Champate
(13" 53'20" de latitude Nord et 88" 19' 02" de

longitude Ouest), jusqu'à sa confluence avec la
rivière de Canas ou Santa Ana, de là en suivant le

chemin royal, en passant par les bornes Portillo
Blanco (13" 53' 40" de latitude Nord et
88" 18' 24" de longitude Ouest), Obrajito

(13" 53' 50" de latitude Nord et 88" 17' 28" de
longitude Ouest), Laguna Seca (13O 54' 03" de

latitude Nord et 88" 16' 46" de longitude Ouest),
Amatillo (13O 54' 28" de latitude Nord et

88" 15' 42" de longitude Ouest), Picacho ou
Quecruz (13" 55' 59" de latitude Nord et.

88" 14' 42" de longitude Ouest), Esquinero ou
Sirin (13" 56' 55' de latitude Nord et 88" 13' 10"

de longitude Ouest), El Carrizal (13" 57' 20" de
latitude Nord et 88" 11' 35" de lonqitude Ouest);

et de là, en suivant toujours le chemin royal,
jusqu'au point où ce chemin croise la rivière

Negro (13" 59' 36" delatitude Nord et 88" 12' 35"
de lonqitude Ouest); de là, en suivant la rivière

Negro en amont, jusqu'à la borne Las Pilas à la
source de cette même rivière (14" 00' 00" de
latitude Nord et 88" 06' 30" de longitude Ouest)

et de ce lieu jusqu'au Malpaso de Similaton
(13" 59' 28" de latitude Nord et 88" 04' 21" de

longitude Ouest).5. Secteur de la frontière terrestre compris entrl ea
confluence du Torola avec le ruisseau de

Manzupucagua et le gué doUnire. De la confluence
du torrent Manzupucagua avec la rivière Torola

(13O 54' 00" de latitude Nord et 87O 54' 30" de
longitude Ouest), et en suivant la rivière Torola
en amont par le milieu de son lit jusqu'à sa

source connue sous le nom de torrent de La
Guacamaya (13O 53' 30" de latitude Nord et

87O 48' 22" de longitude Ouest);de ce point, en
lïgne droite, jusqu'au col de la Guacamaya
(13O 53' 20" de latitude Nord et 87O 48' 19" de

longitude Ouest); de .ce lieu, en ligne droite,
jusqu'a un point situé sur la rivière Unire
(13O 52' 37" de latitude Nord et 87O 47' 04" de

longitude Ouest), à proximité du lieu connu sous
le nom de El Coyolar, et de là, en suivant la

rivière Unire en aval, jusqu'au gué de Unire ou
Limon (13" 52' 07" de latitude Nord et 87O 46' 00"
de longitudeOuest), surladite rivière.

6. Secteur de la frontière terrestre compris entre
Los Amates et le Golfe de Fonseca. Du point

dénommé Los Amates, sur la rivière Goascoran
(13O 26' 28" de latitude Nord et 87" 43' 20" de

longitude Ouest), en suivant ladite rivièreen
aval par le milieu de son lit, en passant par le
Rincon de Muruhuaca et Barrancones jusqu'à son

embouchure au Nord-Ouest des iles Ramaditas
(13O 24' 26" de latitude Nord et 87O 49' 05" de

longitude Ouest)dans la Baie de la Union.B. En ce qui concernele dkfférend insulaire:

- dé.clarerque les iles de Meanguera et Meanguerita,

relèvent de la souveraineté de la République du
Honduras.

C. En ce qui concernele différendmaritime:

1) - relativement à la zone sujette à délimitation à
l'intérieurdu golfe:

- dire et juger que la communauté d'intérêts
existant entre El Salvadoret le Honduras du fait

de leur CO-riveraineté à l'intérieur d'une baie
historique referméesur elle-même engendre entre
eux une parfaite égalité de droits,qui,

cependant, n'a jamais été transformée par ces
mêmes Etatsen condominium;

- dire et juger, des lors,que chacun des deux Etats
a le droit d'exercerses compétences a l'intérieur

de zones qu'il convient, entre El Salvador et le
Honduras,de délimiter précisément;

- dire et juger que le tracé de la ligne de

délimitation des zones relevant, à l'intérieurdu
golfe, des compétences respectived su Honduras et

d'El Salvador, en prenant en considération toutes
les circonstances pertinentesdans le souci
d'aboutir à une solution équitable est réalisé

comme suit: la ligne équidistantedes laisses de basse mer des

côtes continentales et insulaires des deux Etats,
partant, à l'intérieurde la baie de l'Union, de

l'embouchure du Rio Goascoran (13O 24' 26" de
latitude nord et 87" 49' 05" de longitude ouest),

jusqu'au point situé à un mille marin de l'île
salvadorienne de Conchaguita et de l'ile
hondurienne de Meanguera, au sud de la première et

à l'ouestde la seconde;

à partir de ce point, la ligne joignantles points
situés à un mille marin de l'ile de Conchaguita,
au sud de cette île jusqu'au point situé a trois

mille marins de ' la côte continentale
salvadorienne;

à partir de ce point, la ligne joignantles points

situés à trois m$lle marins de la côte
salvadorienne jusqu'à sa rencontre avec la ligne
de fermeturedu golfe) (Voir la carte illustrative

C.5).

- dire et juger que la communauté d'intérêts

existant entre El Salvador et le Honduras comme
Etats riverainsdu golfe implique à leur profit un

droit égal à exercer leurs juridictionssur des
espaces maritimes situés au-delà dela ligne de

fermeturedu golfe;

relativement à la zone à l'extérieurdu golfe:

- dire et juger que le tracé de la ligne de

délimitation qui, tenant compte de toutes lescirconstances pertinentes, aboutir a une solution

équitable est réalisée par une ligne d'azimut
constant égal à 215,S0, qui part de la ligne de

fermeture du golfe, en un point situé à trois
milles marins de la côte d'El Salvador, jusqu'à
200 milles de ce point, délimitant ainsila mer

territoriale, la zone économique exclusive et le
plateau continental d'~l Salvador et du Honduras

(Voir carte illustrative C.6 du mémoire du
Honduras).

Mario CARIAS
Co-Agentde la Républiquedu Honduras LISTE DES CARTES ILLUSTRATIVES

1.1 Carte généraled'El salvador*
1.2 Carte d'El ~alvador*

1.3 Carte routière de la République ,du ond duras*

2. Secteur de Tepanqüisir

2.1 Les thèses respectivesdu Honduras et
d'El Salvador ....................................... 132

- Interprétation d'ElSalvador du titrede Citala
- Ligne prétenduepar le Honduras dans sonmémoire
- Ligne prétenduepar El Salvadordans son mémoire
2.2 croquis qui accompagne le titre de Citala de 1776 .. 200

2.3 Croquis qui accompagnele titre de Citala de 1776 .. 202

3. Secteur de la Montaqne de Cavaquanca

3.1 Les thdses respectivesdu Honduras et
d'El Salvador ...................................... 212

- "ejidos" de La Palmaduras du titredes nouveaux
- Interprétation d'El Salvador du titre des nouveaux
"ejidos"de La Palma
- Ligne prétendue par le Honduras dans son mémoire
- Ligne prétendue par El Salvador dans son mémoire
3.2 Lignes figurantsur les cartes 6.8 et 6.11
d'El Salvador ...................................... 214

Les cartes marquéesd'un astérisquese trouvent insérées à
la fin de l'Appendice11 de l'Annexe XI.l du contre-mémoire,
(p. 384). Les autres sont inséréesdans le contre-mémoife.4. Secteur de saz'alapa-~V airtud

4.1 Les théses respectivesdu Honduraset
d'El Salvador ...................................... 260

- Interprétationd'El Salvadordu titre dlArcataoo
- Ligne prétenduepar le Honduras dans sonmémoire
- Ligne prétenduepar El Salvadordans son mémoire
4.2 Lignes figurant surles cartes6.9 et 6.111
d'El Salvador ...................................... 276

4.3 Croquis qui accompagnele titre de Gualcimaca

5. Secteur de ~aquaterique :

5.1 Les thèses respectivesdu Honduraset

d'El Salvador ...................................... 326
- ~nterirétationdu Hondurasdu titre de Perquin
- Interprétationd'El Salvadordu titre de Perquin
y Arambala et du titre de Torola
- Ligne prétenduepar le Hondurasdans son mémoire
- Ligne prétenduepar El Salvadordans son mémoire
5.2 Lignes figurantsur les cartes 6.10 et 6.IV
d'El Salvador ...................................... 328
5.3 Localisationdes terres deJoateca et Masala ....... 364

6. Secteur deDolores

6.1 Les thèses respectives du Honduraset
d'El Salvador ...................................... 430

- Interprétationd'El Salvadordu titre de Poloros
- Ligne prétenduepar le Honduras dans sonmémoire
- Ligne prétenduepar El Salvadordans son mémoireLignes figurant sur les cartes 6.11 et 6.V
d'El Salvador ...................................... 432
Croquis annexéau rapport des délégués honduriens
à la conférence de Saco de 1880 .................... 458

Lignes de 1880, 1884 et 1972 ....................... 460
Croquis de la ligne divisoire annexéeau procès-
verbal de la 3ème séance des négociations
.de1884 ........................................ 462

Secteur du Goascoran

Les thèses respectivesdu Honduras et

d'El Salvador ...................................... 494
- Ligne prétendue par le Honduras dans son mémoire
- Ligne prétendue par El Salvador dans son mémoire
Extrait de la carte marine américaine
no 21521 (ed.1985) ................................. 506
Les positionssuccessivesd'El Salvador dans

le secteurdu Goascoran (1884, 1972 et 1988) ....... 512
Photographie aériennede l'"Ester0El Capulin" ..... 542

Le différend insulaire

Figure 1: Carte de la Cure de Conchagua dans la
"Description geografico-moral dela diocesis de
Goathemala",par Pedro Cortes y Larraz, 1770.

Edicion Adrian Recinos, Guatemala,1958 ............ 648 LISTES DES ANNEXES DOCUMENTAIRES

ANNEXE 1

Consultation établiepar D. Alejandro
Nieto Garcia, Professeurde droit
administratif à l'université Complutense
de Madrid (Espagne)relative aux
"ejidos" en droit espagnolen Amérique .......... 1

ANNEXE II

DISPOSITIONS DES TERRES AUX INDESR LE REGIME

II.1 "RealCédula" indiquant les raisons pour
lesquelles il est nécessaire de prendredes
mesures en vue de la composition des terres,
politique qui doit être suivieet annonce
de deux autres "Cédulas"sur le même sujet.
Fait à El Pardo, le ler novembre 1591 .......

II.2 "Real Cédula" relativeaux restitutions
des terres possédées sanstitres
justes et authentiques.
Fait à El Pardo, le ler novembre 1591 ........... 68

II.3 "Real Cédula" apportantune solution aux
possessionsdes terres irrégulièrement
occupées au moyen d'une composition.
Fait à El Pardo, le ler novembre 1591 ........... 70
11.4 "Real Cédula' adressée à l'évêque de Guadalajara
faisant part de la création d'une "Armada"
qui serait entretenue sur le recouvrementde
certaines sommes (compositions des terres)
et sollicitant sonappui pour que ces
recouvrementss'effectuentavec
diligence et sans opposition.
Fait à El Pardo, le ler novembre 1591 ........... 72II.5 Instructionsdu Président de la Audiencia
de Guatemala, Alonso Criado de Castilla,
adressées au Commissaire des terrespour
faire appliquer les ordonnances de 1591
aux fins d'empëcher l'usurpation irrégulière,
en évaluant à ces fins les propriétés
existantes dansun district de 1'Audiencia;
modalités d'applicationde la composition
pour pourvoiraux nouveaux besoins.
Santiago de Guatemala, le17 décembre 1598 ...... 74

"Real Cédula" relative auxcompositionsdes
terres qui ont été faites sans autorisation
personnes. Madrid, le 13 septembre 1621 ......... 78

"Real Cédula" ordonnantdes compositions
et ventes des terres,etque celles-ci soient
effectuées aux enchères publiques au plus
offrant. Madrid, le 27 mai 1631 ................. 79

"Real Cédula" adresséeau Vice-Roi du
Pérou pour que, dans la vente et la
compositiondes terres, ne soientpas
affectées celles qui appartiennent aux
indiens.Madrid, le 16 mars 1642 ................ 81
"Real Cédula"pour que ne soient pas
admises à composition de terres celles
qui appartiennentaux indiens, oupourvues
d'un titre entaché de vice, et pour que les
procureurs et les protecteurs appliquentla
justice. Saragosse, le 30 juin 1646 ............. 82

II.10 "Real Cédula"visant à ce que les compositions
des terres remédient auxabus sur les
terres de la Couronne et ne se pratiquent
jamais sur des terres propriétés des
indigènes.Madrid, le 4 mars 1661 ............... 83
II.11 "Real Cédula" adresséeau Vice-Roi de la
Nouvelle Espagne relative à la Création
de la Superintendancedu bénéfice et
composition des terres dans les provinces
du Pérou et de la Nouvelle Espagne en
vue d'un meilleurcontrôle des compositions des
terres dans les deux vice-royautés.
Madrid, le ler juillet 1692 ..................... 84 Création de la superintendancedu bénéfice
et composition des terres (au Conseil des Indes,
avec sous-déléguésen Amérique) pour renforcer
le caractère fiscalde l'administration des
terres et contrôler directementdepuis l'Espagne
L'Escorial lens30eoctobre 1692a ................... 85

Instruction royale ordonnant de nouvelles
dispositions relatives aux dons, ventes
et compositionsdes biens de la Couronne,
propriétés et terres en friche.
San Lorenzo de l'Escorial, le
15 octobre 1754 .........................

II.14 Instructionde Antonio José Alvarezde
Abreu, Marquis de la Regalia, adresséeaux
sous-déléguésde la Superintendance
de la compositiondes terres, en vue
de corriger la situation des terres
irrégulièrement possédéesaux Indes,
délimiter, borner et évaluer lestrete'rresen,
friche irrégulièrementpossédées, en vue de
leur aliénationet vente.
Madrid ler juillet 1746 ......................... 95

11.15 Don de dix "caballerias"de terre de la
couronne à Catalina de Chaves, indienne
domiciliée dans la ville de Comayagua,
par composition bien que, en qualité
d'indigène, elle soit exclue de ladite
composition. Procédure, arpentage et
versement d'une demi-annate.
Guatemala, juillet 1645 ..................

II.16 Décision du Juge des terres de 1'Audiencia
de Guatemala relatif aux arpentages de
Guatemala, le 11 mars 1744s d...................... 111

11.17 Rapport sur les irrég.ularités commises
lors de l'arpentage desterres et moyens d'y
remédier, par Manuel de Capilla y
Portugal. Guatemala, le 2 mars 1746 ............. 112II.18 Antonio de Léon Pinelo: "Traité des
Confirmations Royales des"encomiendas",
nominationset affaires pour lesquelles
ces confirmations sontrequises pour les Indes
Occidentales", (ChapitreXIII: Des
et autres affairesdont la confirmation
est requise).Madrid, 1630 ...................... 123

ANNEXE III

LA ZONE CONTESTEE DE TEPANGÜISIR

III.1 Extrait de la sentence arbitraledu
23 janvier 1933 (R.S.A, vol. II, p. 1347-1349) .. 129
111.2 Echanges de notes du 10 mai 1984 entre la
France et la République Fédérale d'Allemagne
sur le statut de la foret du Mundat
(J.O.R.F,16 janvier 1985, p. 569-572 ........... 132

III.3 Traité de délimitation de la frontière entre
le Guatemala et El Salvador (avec annexes)
signé à Guatemala le 9 avril 1938
(R.T.S.D.N,vol. 189, p. 288-310) ............... 136

ANNEXE IV
LA ZONE CONTESTEE DE SAZALAPA-LAVIRTUD

IV.1 Extrait du titre de Gualcimacade 1837
incluant le plan et mesures du terrain
du 25 mai 1837 .................................. 149

IV.2 Instructionsdu Ministère des Relations
Extérieuresde la République du Honduras
à son Ambassade à San Salvador relatives
hondurien de la "Aldea de Gualcimaca"ritoire
en date du 17 janvier 1949 ...................... 150

IV.3 Documents relatifs au réarpentagedes
terrains de San Juan de Lacatao. 1786 ........... 151 ANNEXE V

LA ZONE CONTESTEE DE CAYAGUANCA

Note du Ministère des Relations Extérieures
d'El Salvador auMinistère des Relations
Extérieures du Honduras en date du
22 aoüt 1936 .................................... 181

ANNEXE VI

LA ZONE CONTESTEE DE NAGUATERIQUE-COLOMONCAGUA

Titre de Masala ................................. 183

ANNEXE VI1

LA ZONE CONTESTEE DE DOLORES

VII.l Communication de la Municipalité de
Cacaoterique à S.E. le Présidentdu Honduras.
Cacaoterique, 27 avril 1856 ..................... 227

VII.2 Arrêté promulguépar le Gouvernementd'El
Salvador établissantle 20 novembre 1842,
le titre de Monteca en faveur de M.José
~illatoro, titre qui Eut certifié
en 1880 par Messieurs Francisco Cruzet
Lisandro Letona, délégués spéciaux
d'El Salvador et du Honduras en vue d'établir
les frontières de cespays ...................... 229

VI1.3 Acte de partage en faveur de M. Leandro
Villatoro et autres auxquelsest adjugé
un terrain dans l'haciendade Monteca
de 1889 (arpentage généraldu terrain fait
du 26 avril au 18 mai 1889) ..................... 231 ANNEXE VI11

LA ZONE CONTESTEE DE GOASCORAN

VIII.1 Monographie du départementde Valle, écrite
par les membres de la Société Pédagogiquede
Professeur Bernardo Galindody Galindo en
l'an 1930; révisée, corrigée et publiée par
la Société de Géographie et d'Histoiredu
Honduras. 1934 (Extraits) ........................243

VIII.2 "Dictamen" délivré, le12 novembre 1969, par
la Commission nationale des limites
interprovincialesdans l'affaire
Mendoza-San Luis (Argentine) .................... 245
Extrait de la sentence arbitrale renduele
VIII.3 23 janvier 1933 dans :l'affaireHonduras
Borders (Guatemala/Honduras)
(R.S.A.,vol. II, p. 1360-1362) .........:....... 259

VIII.4 Requête adresséepar la communauté
indienne de Goascoran au "Fiscal de la Junta
Superior de Real Hacienda". 1812 ................ 263

ANNEXE IX

LE DIFFEREND INSULAIRE

Descriptionde toutes les côtes dela mer
du Sud et de celledu Nord du royaume
du Guatemala par l'IngénieurLuis
Diez Navarro. 1758 (Extrait) ................... 267
Rapport à sa Majesté le Roi de M. Cristobal
Montero Castillo sur la visite des ports
de Fonseca y Caballos et la disposition
des terres et des chemins. 1590 (Extraits) ...... 268

Relation brève et véridique de certains
évènements qui sont arrives au Père, Fray
Alonso Ponce, dans les provincesde la
Nouvelle Espagne.1586 (Extraits) ............... 270IX.4 Couvent de Sany Andrés de Nacaome, au Tribunal
et à 1'AlcaldiaMayor de Tegucigalpa. 1678
(Extraits) ...................................... 276

IX.5 "Alcaldesmayores' de San Salvador,
San Miguel et leurs juridictions par Manuel
Rubio Sanchez. 1972 ............................. 277

IX.6 Limites entrele Honduras et le Nicaragua.
Médiation des Etats-Unis. 1920-1921 .L- '.._
(Paragraphe55) ................................. 278

IX.7 Décret no 6 du Ministère des Relations
daterdu.11 mars 1966 (Gacetano 18.826as en
du 25 mars 1966) ................................ 280

ANNEXE X

LE DIFFEREND MARITIME

Note no 249 de M. Mario Carias Zapata, Président
de la section nationalede la Commission mixte
des limites El Salvador-Honduras à M. Ricardo
Acevedo Peralta,Vice-ministredes Relations
17 juillet 1985 S................................

Affidavit de Son Excellence Carlos Lopez
Contreras, Ministre des Relations Extérieures
de la République du Honduras en date du
24 octobre 1988 ................................. 282

Appendice 1 à L'Annexe X.2 : Communiqué
conjoint en date du 3 octobre 1984 .............. 284

Appendice II à l'Annexe X..2 : Mécanisme
informel et confidentielen vue d'accélérerle
règlementdes questions pendantes relatives à
la délimitation frontalière entre El Salvador
et le Honduras. Tegucigalpa, le 3 octobre 1984 .. 286Règlementde la Cour de Justice centre-
américaine.1911 (Extraits) ..................... 288
Rapport du Présidentde la Républiquedu
Hondurasen date du 3 janvier1918 (La "Gaceta
no 4858, série480, 8 janvier 1918) ............. 290

ANNEXE XI

Observationssur les chapitres2 et 7 du
mémoire d'El Salvador par Son Excellence
àaLondres.Octobre 1988ass......................... 291

Appendice 1 à l'AnnexeXI.l: The political
economy ofCentral-america since 1920.
Victor Bulmer-Thomas.1987 (Extraits) ........... 341
Appendice II à l'AnnexeXI.l: Atlas de !
recensementd'El Salvadorpublié par le
Ministèrede l'Economie,Direction Générale
des statistiqueset des recensements.
1955 (Extraits) ....S............................. 347
Cartes,illustratives à l'AnnexeXI
1.1 .Carte généraled'El Salvador .............. 384
1.2 .Carte d'El Salvador ....................... 384
1.3 .Carte routière ,dela République
du Honduras ................................ 384

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Contre-mémoire du Gouvernement de la République du Honduras

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