Contre-mémoire du Gouvernement du Sénégal

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6683
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE RELATIVEA LA SENTENCE ARBITRALE
DU 31 JUILLET 1989

(GUINEE-BISSAU C.SENEGAL)

CONTRE-MEMOIRE DU GOUVERNEMENT

DE LAREPUBLIQUE DU SENEGAL

31 OCTOBRE 1990 TABLE DES MATIERES

.......................................................................
INTRODUCTION 1
CHAPlTRE 1 LES FAlTS ...................................................3.......

Section 1. Les faits antérieursàla Sentencearbitrale du 31juillet 1989 .........3

A . La prétendue ignorance par les Parties de l'existence de
l'Accord de 1960 ..............................................5......
................................
1. En ce qui concernele Sénégal -
2 . En ce qui concernela Guinée-Bissau .....................7..

B . Les retards dans les négociations et leurs causes.................

C . La négociation duCompromis ................................9....

Section II. 1989fa..............................................................Il........

CHAPITRE II LATACHE DE LACOUR ...................................15...

Section 1. Questions sur lesquelles les Parties semblentêtred'accord ..........8

A . La présente procédure ne comporteaucun élément
d'"appelMde laSentencearbitrale ................................
La présente procédure ne corn orte aucune demande en
B . révisionde la Sentence arbitraE ...............................19..

Section II. Questions sur lesquelles les Parties semblentëtre en
désaccord .........................................................20.......

A . Le désaccord entre les Parties sur les fondements de
l'ordre juridique in.................................................
sentencesarbitrales 21
B. Le désaccord entre les Parties sur la pratique et la
doctrine en matière de validitédessentences
arbitrales.....................................................23.......

' CHAPITRE III L'INTERPRETATION DU COMPROMIS
D'ARBITRAGE DU 12MARS 1985 .............................
...............................................................
Section I. Introduction 27
Section II. Les règlesapplicables à l'interprétation duCompromis
d'arbitrage du 12mars 1985 ........................................28.... A . La compétence de la compétence du Tribunal arbitral .........8

B . Les principes d'interprétation applicables ....................29.

1. généralp..................................................29.....

2. L'interprétation des titres de compétence
juridictionnelle..........................................32....

C . Conclusion ...................................................35.....
.............................
Section 111. La genèsedu Compromis du 12mars 1985 36
Section IV . Le sens que les Parties ont attribué auCompromisdu
12mars 1985au cours de laprocédure d'arbitrage ....................

Section V . L'interprétation duCompromis par le Tribunal ....................44.

Section VI . Les thèses avancéespar la Guinée-Bissau relativement à
.analyse et réfutationi...............................................45......

Section VI1 .L'interprétation de l'article 9. paragraphe 2. duCompromis
du 12mars 1985 ....................................................57.....

Section VI11 .Les articles 4. 9. paragraphe 1. et 10. paragraphe 1. du
Compromis du 12mars 1985 .......................................58....
Section IX . Conclusion ........................................................60......

CHAPITRE IV A PROPOS DE LA PRETENDUE INEXISTENCE
OU DE LAPRETENDUE NULLITE DE LA
SENTENCE ARBITRALE PRONONCEE ENTRE LA
GUINEE-BISSAU ET LE SENEGAL LE 31JUILLET

Section 1. La question de l'inexistence d'une sentencearbitrale ...............63

A . Dans ladoctrine .............................................63.....

B . Dans les pro.iets de convention en matière de procédure
arbitrale......................................................66......
Section II. La prétendue iriexisteiice de laSentence du 31juillet 1989 .........66

A . Analyse de la relation entre les décisionsde tribunaux
internatioiiaux adoptées à la majoritéet les opinions ou
déclarations émisespar leurs membres .......................68..

B . La valeur et le sens de la Déclaration de M. Bai-beris........... 78
C . Conclusion ...................................................84.....

Section III. La nullitédes seiitences arbitrales .................................85... iii

Section IV. La prétendue nullitéde la Sentence du 31juillet 19.............88

A. Les prétendus excèsde pouvoirs...........................88....

B. Le prétendu défautdemotivation...........................92...

C. Conclusion ..............................................97.........
CONCLUSIONS DU GOUVERNEMENT DE LAREPUBLIQUE DU
SENEGAL ...............................................................99.......
.......

LISTE DES ANNEXES ...................................................101.........

Instructions du Ministére de la marine de la République
Annexe 1 du Portugal de 1971-1972.

Annexe II Lettre du Président de la République du Sénégal à son
Premier Ministre, no1.799/PR/SP, en date du 14octobre
1980,à laquelle estjointe sa lettre au Président du Conseil
d'Etat de la Rèpubliue de Guinée-Bissau.
no L.798/PR/SP, de la mêmelate.

Annexe III Rapport de mission sur la réunion des experts chargés
d'examiner le probléme des frontières maritimes entre le
Séiiégalet la Guiliée-Bissau tenueà Bissau les 27-29mai
1981, établi par le Directeur des affaires juridiques et
consulaires du Ministère des Affaires étrangères du
Sénégal.

Annexe IV Lettre n07415 en date du 24juiIlet 1981 envoyée ar le
Premier Ministre du Sénégal à son Ministre des A aires
étrangères.

'Annexe V Procès-verbal de la réunion de la Sous-Commission C
République de Guinée-Bissau et la République .durit entre la
Sénégal,endate du 12jaiivier 1982. CONTRE-MEMOIREDU GOUVERNEMENT DE LA

REPUBLIQUE DU SENEGAL

INTRODUCTION

1. Ce Contre-Mémoire est déposéconformément à l'ordonnance

rendue par la Cour internationale de Justice dans l'affaire relatiàela
Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal)fixant au
31octobre 1990la date d'expiration dudélaipour son dépôt.

2. 11est diviséen quatre chapitres. Le premier est consacré aux

faits antérieurs et postérieuàsla Sentence arbitrale du 31 juillet 1989. le
deuxième àla tâche de la Cour, le troisièmàl'interprétation du Comproniis
d'arbitrage du 12 mars 1985 et le quatrième à la prétendue inexistence ou

nullitéde la Sentence arbitrale. Suivent les Conclusions de la République du
Sénégal ainsique les Annexes. CHAPITRE 1

LES FAITS

3. Le Sénégalvoudrait tout d'abord rétablir brièvement les faits tels

qu'ils se sont déroulésavant et après la Sentence arbitrale, en relevant, au
passage, les présentations ou les interprétations inacceptables qui en ont été
faites par la Guinée-Bissau.

Section 1.Les faits antérieurà la Sentence arbitraledu31 juillet 1989

4. L'Accord du 26 avril 1960 trouve son origine dans le besoin
ressenti par ta France et le Portugal deprocéderà une délimitation précisede

leur frontière en mer alors que les récentes Conventions de Genévesur le droit
de la mer de 1958leur permettaient d'établir leurs juridictions respectives sur
certaines surfacesmaritimes 1.

5. La Convention du 12mai 1886 signéepar eux n'avait délimité
que leurs possessions terrestres en raison du rejet par le Portugal de la

proposition française de délimiter, en mêmetemps, les territoires maritimes
existantà l'époque. Cet Etat ne ressentit le besoin de cette délimitation que
lorsqu'il apprit que le Sénégal, territoire voisin, allait bientot accéder à

l'indépendance. Préférant négociercette délimitation avec la France plutôt
qu'avec le futur Etat indépendant du Sénégal, qui serait peut-être un
interlocuteur plus dificile, le Gouvernement du Portugal pressa son

administration de conclure rapidement un accord de délimitation maritime.
Cela a été établipar les documents que la Guinée-Bissau avait, elle-même,
versésau dossierdu Tribunal arbitral.

6. Le fait que la France a informéde ces négociations, par lettre du

12aoüt 1959, le Sénégalalors Etai autonome mais non encore indépendant et

Le Sénégalreprend dans cette section les faits tels qu'il les a relatés
devant le Tribunal arbitral. Pour plus de détails, voir son Contre-Mémoire.
p. 1-15, LivreII, Aiinexes au Ménioire de la Guinée-Bissau: sa Duplique.
p. 1-24. Livre III, Annexes au Mémoire de la Guinée-Bissau; et ses
matin, Livre IV, Annexes (lère Partie) au Mémoirede la Guinée-Bissau;p. 2-
22 du procès-verbal no15 de la séance du 29 mars 1988 - matin, Livre IV,
Annexes (2èmePartie) au Mémoirede la Guinée-Bissau.l'a invitéà envoyer un expert pour faire partie de la délégation française
contredit manifestement les allégations de la Guinée-Bissau d'une prétendue

ignorance par le Sénégalde l'existence de l'Accord de 1960, àl'époqueoù le
différend estné. II est vrai qu'après avoir soutenu dans son Mémoiresoumis
au Tribunal arbitral que le Sénégalignorait complètement l'existence de

I'Accord et après avoir étédémentie par les faits, la Guinée-Bissau soutient
maintenant que le Sénégalavait effectivement participé à la négociation de

I'Accord, mais ignorait encore - dix-huit ans après-que ledit Accord avait été
conclu. On yreviendra plus loin.

7. La Guinée-Bissau avait également soutenu - mais ne soutient
plus - que I'Accord avait étéinspiré par des mobiles purement politiques.
notamment celui de désavantager la colonie portugaise de Guinée au profit

du Sénégal:Comme si le Portugal avait imaginé, un seul instant, à l'époque,
que sa colonie de Guinéeallait devenir, unjour, indépendante !Au contraire,

la cause des négociations de I'Accord de 1960provenait du souci du Portugal
de préserver ses intérèts propres dans cette partie de l'Afrique, qu'il avait
décidé de ne jamais quitter. Le motif immédiat de l'ouverture des

négociations fut d'ailleurs un différend avec la France, à l'occasion de la
délivrance par le Portugal d'un permis de recherches pétrolières à la
Compagnie Esso Exploration Guinée, Inc. le 16février 1958,permis qui, de

l'avisdes autorités françaises, empiétait sur les espaces maritimes relevant de
la France.

8. Ouvertes à Lisbonne le 8 septembre 1959, les négociations se
terminèrent le 26avril 1960 par la signature de I'Echange de lettres de la

ménie date. La contestation relative à la validité et l'opposabilité de cet
Accord fut portéepar la Guinée-Bissau devant le Tribunal arbitral de Genève
et fil'objet de la Sentence du 31juillet 1989.Ayant participé àla conclusio~i

de l'Accord de 1960, le Sénégalne pouvait évidenimeiit pas eii ignorei-
I'existeiice. On vientde le dire.

9. Les développements qui suivent ont pour objet d'établir que le
Séiiégalavait. au contraire, confirmécet Accord par urie pratique constante

depuis son accession à l'indépendance. Ils ont aussi pour objet de montrer
que. malgré ses dénégations, la Guinée-Bissau elle-même,en succédant au
Portugal, avait respecté I'Accord depuis son indépendance en 1973jusqu'en

1978, avant de commencer tardivement à en contester la validité et l'opposabilité à la suite de nouvelles qui lui étaient parvenues et selon

lesquelles la zone recelait des ressources pétrolières.

A. LAPRETENDUE IGNORANCE PAR LES PARTIES DE
L'EXISTENCEDE L'ACCORDDE 1960

1. En ce auiconcerne le Sénégal

10. Depuis son indépendance, le Sénégals'est constamment fondé
sur la frontière en mer établie par l'Accord franco-portugais de 1960. 11 a

exercéses compétences dans les espaces maritimes situés au Nord de la ligne
divisoire des 240" établie par l'Accord. IIa octroyé des permis de recherches
pétrolières et d'autres ressources minérales. Ces permis avaient pour liniite

niéridionale la ligne de 240". De même, dans d'autres domaines, notamment
lorsqu'il a étéamené à exercer ses pouvoirs de police, le Gouvernement du

Sénégals'est constamment référé à cette frontière en mer. C'est pourquoi, à
la suite de l'incident du "Canjambari" - un chalutier battant pavillon de la
Guinée-Bissau avait étésurpris, le 27 mai 1978, par un garde-cote sénégalais

alors qu'il péchait au Nord de la frontière en nier des 240" -le Ministre des
Affaires étrangères du Sénégal, dans une note verbale de protestation

adressée le 18juillet 1978 à l'Ambassade de Guinée-Bissau à Dakar, avait
attiré:

"l'attention de la partie guinéenne sur la nécessité impérieuse
pour elle de cesser, jusqu au règlement définitifde cette affaire.
toute activité de péche dans la zone sénégalaise située au Nord
de la frontière définie par la ligne droite orientéeà 240" partant
du oint d'intersection du prolongenieiit de la frontière terrestre
et e la laiss de basse mer. représenté. à cet effet. par le phare
du Cap Roxo-5 ."

II. De nieme, à la suite des incidents survenus au début de janvier
1984et des démonstrations de l'aviation de la Guinée-Bissau dans la zone du

Dome Flore, le Miiiistère des Affaires étrangèresdu Sénégalavait adressé, le
12janvier 1984. aux différentes missions diplomatiques accréditées à Dakar.

une note verbale dans laquelle il rappelait "l'accord passé entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la

Contre-Mémoire du Sénégal remis au Tribunal arbitral. vol. 1. p. 6,
Livre 11.Annexes au Mémoire de la Guiiiée-Bissau. 3
République du Portugal, par échangede lettres du 26 avril 1960 ". En outre,
en attendant le règlement du différendpar la voie de I'arbitrage, le Sénégal
mit en garde le Gouvernement de la Guinée-Bissau contre tout empiétement

sur lazonemaritime situéeau Nord de la ligne des 240' établiepar I'Accord.

12. C'est un démenti formel de la thèse du Gouvernement de la
Guinée-Bissau, selon laquelle le Sénégalaurait ététenu dans I'ignorance de
I'Accord par la France.

13. 11convient au surplus d'observer qu'avant l'indépendance de la
Guinée-Bissau, le Portugal, Etat voisin du Sénégaldans la zone maritime

considérée,ne s'étaitjamais plaint d'une quelconque violation de I'Accord
par le Sénégal,malgré des relations difficiles entre les deux pays et des
incidents fréquents dont le Conseil de sécuritéavait étésaisi à plusieurs

reprises en raison du soutien apporté àla lutte de libération guinéennepar le
Sénégal.C'est parce que le Sénégal connaissaitparfaitement les limites de sa
.juridiction qu'il n'avaitjamais dépasséle Sud de la ligne des 240". LePortugal

lui-même avait rigoureusement respecté cette ligne. II avait donné des
instructions confidentielleà la marine portugaise en 1971-1972, instructions

verséesau dossier de I'arbitrage par la Guinée-Bissau et selon lesquelles la
limite au Nord de la mer territoriale. de la zone contiguë et du plateau
continental coïncidait rigoureusement avec la frontière des 240" établie par

I'Accord de 1960. 11avait recommandé aux commandants de ses navires, dès
septembre 1964. de défendre la souveraineté portugaise jusqu'à cette limite
Nord mais pas au delà4. Ainsi, puisque les deux Etats respectaient cette

frontière maritinie, aucun incident n'a jamais éclatéentre eux à son sujet.
malgréles relations franchement hostiles et les incidents invoquésci-dessus.

14. Au demeurant. l'argument selon lequel le Sénégalaurait ététenu
dans l'ignorance de l'Accord n'a aucune pertinence dans la présente affaire
où la seule question poséeà la Cour est celle de l'existence et de la validitéde

. la Sentence du 31juillet 1989.

Duplique présentée par le sénkgal dans le cadre de la procédure
arbitrale, vol. III. Annexe 36. VoirAnnexe 1du présentContre-Menioire. 2. En ce aui concerne la Guinée-Bissau

15. Le Gouvernement du Sénégalvoudrait d'abord faire remarquer
que le Parti Africain de l'Indépendance de la Guinée-Bissau et des iles du

Cap Vert (P.A.I.G.C.), dont est issu le Gouvernement actuel de la Guinée-
Bissau, n'avait, pendant toute la période comprise entre le début de la lutte
de libération nationale en 1963et l'accession de ce paysà l'indépendance, en

1973,jamais élevéla moindre protestation à l'encontre de l'Accord de 1960,
dont il devait pourtant avoir connaissance. En effet, établà Dakar, capitale
du Sénégal,et ayant installé ses forces militaires le long de la frontière avec la

Guinée portugaise, le P.A.I.G.C. entretenait d'étroites relations avec I'Etat-
Major de l'Arméesénégalaisequi luicommuniquait toutes informations sur le
tracé des frontières terrestres et maritimes, ces informations lui étant

indispensables pour effectuer ses nonibreux débarquements nocturnes à
partir des côtes, surtout lorsqu'il avait étéconstaté que les frontières

terrestres étaient étroitement suiveillées par les autorités portugaises. Le
P.A.I.G.C., qui se servait de ces renseignements pour les besoins de ses.
opérations militaires, n'avait pourtant pas émisla moindre réservesur la ligne

des 240"tracée àpartir du cap Roxo.

16. Aussi pourrait-on s'étonner du réveilsubit de la Guinée-Bissau à

partir de 1978, soit cinq ans après son accession à I'indépendaiice, pour
soulever des problèmes de frontière maritime, si on ne devinait pas que ce

réveilavait quelque parfum de pétrole.. .C'est en effetà partir du moment où
des rumeurs circulaient sur l'existence de ressources pétrolièresdans la zone
de la frontière en mer que le voisin guinéen se manifesta. Ne pouvant ou ne

voulant pas admettre que tel étaitson mobile, la Guinée-Bissau prétendit que
sa réaction tardive était due à son ignorance de l'existence de l'Accord de
1960. N'étant pas à une contradiction près, la Guinée-Bissaii contiiiua

cependant. après la naissance du différend, àse référerà la ligne des 240"en
signant, en février 1986. un accord de participation avec un coiisortiuni de
sociétés pétrolièresdans une zone de son plateau continental et dont la limite

Nord-Ouest s'alignait rigoureusement sur la ligne des 240".

17. Ainsi, la Guinée-Bissau ne peut-elle invoquer une pratique
contraire à cet Accord. Sa prétendue ignorance de cet instrument n'est donc
qu'une manoeuvre. B. LES RETARDSDANS LES NEGOCIATIONS ETLEURS CAUSES

18. A la page 8 de son Mémoire soumis à la Cour, la Guinée-Bissau
rappelle que les négociations pour la conclusion du Compromis durèrent sept

ans. Mais elle oublie de dire queceretard lui est entièrement imputable.

Alors que le Sénégalaurait préféré saisirdu différend la Cour
19.
internationale de ~ustice~, il se heurta au refus catégorique de la Guinée-
Bissau. Le Sénégalfit valoir vainement que la saisine de la Cour présentait

l'avantage d'éviter tous les problèmes que posent souvent la difficile rédaction
d'un compron~is et le choix du président d'un tribunal arbitral. La Guinée-
6
Bissau rejeta cet argument . Elle ne fut mêmepas sensible au fait qu'une
procédure devant la Cour aurait étémoins onéreuse. Cet Etat. qui pourtant
ne manque pas une occasion d'évoquer sa pauvreté devant les tribunaux, ne

s'étaitaucunement laisséconvaincre par cet argument.

Le Sénégalserésolut donc finalement àaccepter l'arbitrage dans
20.
une lettre que le Preinier Ministre adressait à son Ministre des Affaires
étrangèreset où il est dit:

"Par la mêmeoccasion, vous m'avez suggéré,compte tenu de
l'existence d'un désaccord dans les négociations concernant ce
problénie [des frontières maritimes], que notre pays accepte la
judiciaire. guinéenne de recourir à la procédure d'arbitrage
En vue de trouver une solution juridique à ce problème, je
marque mon accord à cette proposition et vo demande d'en
faire part aux autoritésconipétentes guinéennes '.3,

21. Ces négociations longues et difficiles, mais voulues telles par la

Guinée-Bissau malgré les mises en garde du Sénégal ci-dessus rappelées,
eurent pour conséquence de retarder ou d'entraver certaines des activités que
le Sénégalavait entreprises avant le conflit, les sociétéspartenaires ayant

préféré attendre sa solution définitive.

-5
Voir Annexe IIdu présent Contre-Ménioire.

Voir Annexe IIIdu présent Contre-Mémoire.

' Voir Annexe IV du présent Contre-Mémoire. 22. Mieux, le Sénégal accepta l'article 11du Compromis d'arbitrage

selon lequel ses activités dans la zone objet du Compromis d'arbitrage ne
pourraient être considéréescomme préjugeant de ses droits, lui qui y avait
exercé, depuis son indépendance jusqu'à la naissance du différend, des

activités paisibles etcontinues.

23. Telles sont les motivations psycho-politiques qui retardèrent le
choix d'une procédure de règlement du différend entre les deux
Gouvernements. Les difficultés signalées par le Sénégal survinrent. tant

pendant la longue négociation du Comproniis quependant les pourparlers en
vue de la désignation du Président du Tribunal arbitral, pliases sur lesquelles
la Guinée-Bissau s'étend longuementdans son Mémoire.

C. LANEGOCIATION DU COMPROMIS

24. Comme le Sénégall'avait prévu,la rédaction du Compromis se
lieurta immédiatement au difficile problème de l'énoncéde la question dont
8
le Tribunal devait êtresaisi .La Guinée-Bissau proposa que fut demandé au
Tribunal

"Quel est le tracé de la ligne délimitant les territoires maritimes
qui relèvent respectivement d5la République du Sénégalet de la
République de Guinée-Bissau ?"

Elle cherchait ainsi à entraîner le Sénégalsur la voie d'une délimitation
novo, comme si la'ligne frontière des 240" n'avait jamais existé. Ayant
-
toujours expliqué son refus de cette ligne par une prétendue nullité ou
inopposabilité de l'Accord de 1960. la Partie adverse tenta ensuite de se
déroberau débatlogique qu'iiiipliquait sa propre thèse -à savoir coiiibattre la

validitéde l'Accord -en tentant de faire une impassetotale surce dernier.

25. Le Sénégal, estimantquant à lui qu'il fallait commencer par se
prononcer sur cette validité. demanda que fut poséeau Tribunal la question
suivante:
-~ -

Voir aussi infra,par. 80-90, traitant de la genèsedu Conipromis.

Mémoirede la Guinée-Bissau, Livre V,Annexe 10. "L'Accord conclu par un échange de lettres, le 26 avril 1960, et
relatif la frontière en mer, fait-il droit dans les relations e re la
République de Guiiiée-Bissau etla République du Sénégal ?,,

Après avoir accepté cette proposition, lors d'une réunion à Dakar le 26 avril
198411 et d'une autre le 26juin 198412, la Guinée-Bissau fit complètement
13
volte-face à la réunion suivante tenue à Bissau le 8 novembre 1984 . Ayant
affirmé que I'Accord de 1960 était nul, ou en tout cas ne lui était pas

opposable, elle faisait comme si cette affirmation devait êtretenue pour vraie
avant toute décision juridictionnelle. Le Sénégalaccepta fiilalement. par
esprit de compromis, que la question portant sur une délimitation ex novo fut

posée à titre subsidiaire, au cas où la réponse à la première question aurait
éténégative.

26. On voit donc qu'après avoir suscité le désaccord en contestant

I'applicabilité de l'Accord de 1960, la Guinée-Bissau fit tout pour ne pas
soumettre la question de la validité de cet instrument au Tribunal arbitral,
cherchant à obtenir, d'entrée de jeu, une délimitation ex novo. Elle se battit

ensuitedevant le Tribunal pour obtenir, au moins, une réponse partiellenient
négative à la première question, essayant de réduire l'application de l'Accord

à la limite extérieure des eaux territoriales, autrement dit de faire infléchir la
frontière en mer vers le Nord à partir de cette limite extérieure. Les
hésitatioiis de la Guinée-Bissau à soumettre I'Accord de 1960 à une

juridiction iiiternationale, puis ses teiitatives pour en faire constater
l'invalidité partielle. sont révélatricesde ses doutes quant au bien-fondé de

ses prétentions.

Io Mémoire de la Guinée-Bissau. Livre V, Annexe 11.

-bid.. Annexe 12.

l2 Ibid.

l3 Ibid. Section 11.Les faits postérieurs à laSentence arbitraledu31 juillet 1989

27. ' L'Agent de la Guinée-Bissau, contrairement à tous les usages,

Iiarcela le Président du Tribunal arbitral de questions et exprima
publiquement des réserves sur la Sentence à I'audience mêmeou celle-ci fut

communiquée aux Parties. Le Gouveriiement de la Guinée-Bissau diffusa dès
le surlendemain un communiqué dans lequel il refusait cette Sentence. II

confirma ainsi la déclaration de son Agent, faite dès l'ouverture de I'audience
du Tribunal arbitral, selon laquelle la Guinée-Bissau n'accepterait jamais une
décision qui la reconiiaitrait coiiime Etat successeur du Portugal à l'Accord

de 1960, récusant ainsi par avance une telle décision. En effet, l'Agent de la
Guinée-Bissau s'exprima ainsi:

"C'est la raison pour laquelle nous pensons, Monsieur le
Président, que ce scaiidaleux Accord, indépendamment des
vices qu'il recèle et de la question de sa validité, ne,fourra
jamais êtreopposable à la République de Guinée-Bissau ."

La surprise fut grande dans la salle. On se denianda pourquoi cet Etat était

allé à l'arbitrage puisqu'il n'accordait aucune valeur à cette institution. Le
Sénégalfut encore plus consterné en se souvenant que c'était la Guinée-

Bissau qui avait choisi ce mode de règlement du différend, à l'exclusion de
tout autre. et qui l'avait, en quelquesorte. imposé.

28. Postérieureinent à la décision arbitrale, le prétexte pris par la

Guinée-Bissau pour rendre public son re.jet fut que le Sénégalaurait fait une
déclaration trionipliante après la conirnunication de la Sentence. Prétexte
dérisoire en vérité, car le Sénégaln'est maitre ni des médias ni de leurs

sourcesd'information.

29. C'est ce refus rendu public par la Guinée-Bissau qui anlena le
Président de la République ditSénégalà différersa visite de travail à Bissau,

la capitale guinéenne, en attendant une clarification de la situation. L'Agent
de la Guinée-Bissau se rendit alors précipitamment à Dakar, en l'absence de

l'Agent du Sénégalencore retenu à Genève,pour expliquer au Président de ce
pays qu'en réalité, il n'y avait pas de Sentence puisque le Président du

l4 Ibid., Livre IV, Annexes (lère Partie), p. 13 du procès-verbal no 1de la
séancedu 14 mars 1988 -matin -traduction.Tribunal arbitral avait réduit celle-cià néant par la Déclaration qu'il y avait

jointe. Poursuivant ses explications, il ajouta que le Tribunal n'avait pas
répondu à la seconde question qui lui était posée et que ce qui lui était

demandé, c'était une délimitation complète de la frontière maritime. La
Guinée-Bissau feignit ainsi d'ignorer que le Tribunal était saisi à titre

princioal de la validité de l'Accord, et seulement à titre subsidiaire d'une
nouvelle délimitation, au cas où l'Accord serait invalidé. La Guinée-Bissau fit

ensuite valoir qu'un des trois arbitres n'était pas présent à l'audience lors de
laquelle la Sentence fut communiquée aux Parties. Elle n'ignore pourtant pas

que l'arbitre absent avait délibéréet voté auparavant, comme le montre le
texte mêmede la Sentence. A suivre la Guinée-Bissau, aucun arbitre ni aucun
juge ne devrait jamais avoir un empèchement personnel. L'accumulation de

prétextes ainsi décrite semblait n'avoir d'autre but que de justifier I'intérèt
subit de la Partie adverse pour la Cour internationale de Justice et son

acceptation non moins surprenante de la clause facultative de juridiction
obligatoire le7 août 1989.

30. Le Sénégal, informé à l'avance de la démarche de la Guinée-

Bissau, aurait pu I'empéclier en usant des moyens que lui offre le droit
international, à savoir une limitation du champ de son acceptation de la

clause facultative de juridiction obligatoire en date d2 décembre 1985. C'est
le Président de la République du Sénégal lui-même qui ordonna de laisser la

Guinée-Bissau prendre ses responsabilités, le Sénégals'en remettant à la
sagesse de la Cour.

31. C'est donc dans ces conditions que les deux Etats se présentent
aujourd'hui devant la Cour internationale de Justice. Cependant, il est

intéressant de noter qu'aussitôt sa Requète déposée,la Guinée-Bissau tenta
de faire modifier le titre de l'affaire en demandant qu'au lieu de l'intituler

"Affaire relative à la sentence arbitrale du 31juillet 1989". on lui donnât le
titre, qui semble évoquer on ne sait quel scandale, dW'Affairede l'arbitrage du

31juillet 1989". Persévérant dans cette étrange voie, la Partie adverse
demanda ensuite que le dossier entier du Tribunal arbitral et les pièces

relatives au délibéréfussent transmis à la Cour. Le Sénégal,bien entendu.
s'est gardé de se prononcer sur ces initiatives plutot insolites, laissant à la

Cour le soin d'apprécier. 32. La Guinée-Bissau, dans son Mémoire, s'attarde
complaisamment sur une conférence de presse donnée par le Ministre des

Affaires étrangères du Sénégal- en présence de l'Agent de ce pays - pour
répondre à la déclaration publique de refus de la Sentence. Elle tente ainsi
une diversion, car la Cour est saisie du problème de la validitéd'une sentence

et non de celui de la valeur d'une déclaration publique faite au cours d'une
conférencede presse, donc évidemmenten dehorsdes instancesjudiciaires.

33. De toute façon. le Sénégal ne pouvaitpas rester sans réaction,
devant l'opinion publique internationale, faceà l'affirmation que la Sentence

étaitsuspecte et que le Président qui l'avait rendue s'était aussitôt déjugé.

34. Dans son Mémoire, la Guinée-Bissau revient encore sur la soi-

disarit volte-face du Président du Tribuiial en des ternies inacceptables. Selon
elle, ce dernier aurait, dans saDéclaration, exposé "une divergence relative
au dis~ositif (souligné dans le Mémoire de la Guinée-Bissau) et non aux

motifs15" de la Sentence. Autrement dit, après avoir voté en faveur du
dispositif de la Sentence qui contient l'énoncéde la décision rendue, le
Président aurait ensuite exprimé une divergence avec ce même dispositif.

Voilà les considérations sur lesquelles la Guinée-Bissau a cru pouvoir se
fonder pour justifier les déclarations intempestives faites publiquement au
cours desjours qui ont suivi la communication de la Sentence du 31juillet

1989.

11ne parait pas enfin inutile de rappeler que la Guiiiee-Bissau,
35.
tou.iours pour retarder l'application de la Sentence, avait introduit le
18janvier 1990, une Requéte aux fins d'indication de mesures conservatoires

tendant à ce que la Cour ordonne aux Parties de s'abstenir "dans la zone en
litige de tout acte ou action de quelque nature que ce soit pendant la durée de
la procédure jusqu'à la décision rendue par la Cour". Cette Requête fut

rejetée par l'ordonnance de la Cour en date du 2 mars 1990. Ensuite. se
. saisissant des bonnes intentions expriméespar le Sénégal lorsde la procédure
orale et selon lesquelles celui-ci était àrtout arrangement enipêchant que

ne se produisent des incidents préjudiciant un règlement du problème, la
Guinée-Bissau envoya une lettre aux autorités sénégalaises demandant
l'ouverture de discussions. non point pour l'étude des niesures provisoires.

'15 Mémoirede la Guinée-Bissau. par. 51mais en vue de négociations à la suite de "l'issue douteuse" de l'arbitrage. Le
Sénégalne pouvant pas accepter les termes de cette lettre et ne voulant pas

que l'on fit table-rase de la Sentence rendue, se borna, en réponse, à
proposer à la Guinée-Bissau les mesures qui lui semblaient propres à éviter

des incidents au cours de la procédure. La Guinée-Bissau ne réponditjamais
à cespropositions. CHAPITREII

LATACHEDE LACOUR

36. Les déclarations des deux Parties selon l'article 36,
paragraphe 2, du Statut sont-elles toutes les deux assezlarges pour couvrir le
présentlitige?

37. Le doute du Sénégalquant à la compétence de la Cour

internationale de Justice et ses réservesexpriméeslors de la procédure orale
relativeàla demande en indication de mesures conservatoires présentéepar
la Guinée-Bissau pi'ovieniieiitdu fait qu'il ignore si la Guinée-Bissau limitera

ses plaidoiries devant la Cour aux seules questions de l'inexistence et de la
nullité de la Sentence. Car il est évident que si la Guinée-Bissau devait
contester la décisiondu Tribunal arbitral selon laquelle l'Accord de 1960"fait

droit" dans les rapports entre les Parties, elle soulèverait alors une question
qui est hors de la compétence de la Cour. En effet, les Parties,à l'article 10,
paragraphe 2, de leur Comproniis d'arbitrage du 12 mars 1985 avaient

convenu que "la sentence sera définitiveet obligatoire", afin d'exclure tout
appel. En outre, la déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de
la Cour par le Sénégalselon I'article 36, paragraphe 2, de son Statut, en date

du 2 décembre 1985, a expressément exclu

"des différends pour lesquels les parties aient convenues
d'avoir recoursà un autre niode de règlementK- .

38. Par ailleurs, en ce qui concerne la délimitation maritime. la
Cour est incompétente, selon le Sénégal,au motif que le différend est né
avant le 2décembre 1985, date à laquelle l'acceptation de la juridiction

obligatoire de la Cour par le Sénégal estdevenue effective. Par cette
déclaration. le Sénégal aen effet accepté expressément "la juridiction de la
Cour sur tous les différends d'ordre juridique nés ~ostérieurement à la

présente déc~aration'~"(soulignépar le Sénégal).

l6 C.I.J. Annuaire 1988-1989,p. 95.

l7 Ibid. 39. L'intention desrédacteurs de cette clause est claire. Elle signifie

que l'acceptation de la juridiction de la Cour se limite aux seuls différends
susceptibles de s'élever après le 2décembre 1985 et qu'elle exclut par
conséquent les différends nés avant cette date. En d'autres termes, si un

différendjuridique concernant le Sénégalexistait avant cette date - et, il faut
le souligner, quelles que soient la nianière, les niodalités ou les conditions
dans lesquelles il pourra êtreporté après le 2 décembre 1985devant la Cour -

ce différend ne relève pas de la juridiction de la Cour. Tel était le but du
Sénégal lorsqu'il a formulé sa déclaration d'acceptation de la juridictiori
obligatoire de la Cour.

40. Or le différend maritime entre le Sénégalet la Guinée-Bissau
n'est pas né. comme le soutient la Partie adverse, postérieurement à sa

déclaration du 7 août 1989. Il ne s'est pas élevnon plus après la déclaration
du Sénégaldu 2 décembre 1985,niais avantcette date. Faut-il rappelerque le

contentieux initial s'est noué avec l'échec des négociations portant sur la
déliniitatioii maritime entre le Sénégalet la Guinée-Bissau lors de la réunion
d'experts des 27-29 mai 198118 et qu'en tout état de cause le Compromis

d'arbitrage, que l'on peut considérer comme correspondant à la date critique
daris le différendentre les deux pays, a étésignéle 12mars 1985, c'est-à-dire,
il faut le répéter. avant la déclaration par laquelle le Sénégala accepté la

juridiction obligatoire de la Cour.

41. En conséquence, est soustraite àla compétence de la Cour toute

tentative de réouvrir devant elle les questions posées au Tribunal arbitral
conformément au Compromis. Comme on le démontrera au paragraphe 44
ci-après, le Mémoire de la Guinée-Bissau semble, pour le nionient. apaiser

les craintes du sèiiégal que la Cour ne soit invitée par la Partie adverse 3
coiinaitre d'un véritableappel dépassarit sa conipéteiice.

42. Un autre point, toutefois, mérite d'étre relevé. II a trait à la
recevabilité de ladeniande plutot qu'à la compétence de la Cour. L'essentiel

de la deniande de la Guinée-Bissau repose sur la Déclaration faite par le
Président du Tribunal arbitral, M. Barberis, et jointe à la Sentence. Mais
cette Déclaration. quel que soit son contenu, ne fait pas partie de la

Cf. sur>iapa.r. 19et Annexe III du présentContre-Mémoire. Sentence. Celle-ci, signée par le Président lui-méme, fut adoptée à la
majorité de deux membres, comme l'exige I'article 4, paragraphe 2, du
Compromis, et cette majorité incluait le Président. C'est la Sentence, ainsi

adoptée, qui forme la décision obligatoire du Tribunal. La Déclaration du
Président n'en fait partie et n'a force obligatoire; quel que soit son
contenu, elle ne peut ainsi ajouter quoi que ce soitla décision ni en ôter un

élément quelconque. Dans ces conditions, on voit mal comment la
Déclaration pourrait. de quelque manière que ce soit, jeter le doute sur la
validitéde la Sentence. Toute utilisation de la Déclaration du Président dans

ce butdoii êtrequalifiéed'abus de procédure, abus visant à priver le Sénégal
des droits qui lui reviennent aux termes de la Sentence dujuillet 1989.

43. La notion d'abus de procédure est bien établie en droit

iiiternationalet une cour coiistatant I'existeiice d'un tel abus cessera
d'examiner les allégations de la partie qui relèvent d'un tel abus. Ainsi
I'article 294 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982

dispose que:

" 1. La cour ou le tribunal ... peut décider d'ollïce si cette
deinalide constitue lin abus des voies de droit ou s'il est établi
rima facie qu'elle est fondée. Si la cour ou le tribunal décide
est prima facie dénuéede fondement, il cesse d'examiner laelle
demande."

De même,le Coinitédes droits de I'homnie dans le cadre de ses compétences
au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques peut, selon

I'article 90de son Règlement. déclarer irrecevable une communication qui est
"an abuse of right to submit a communication under the u roto col ^ ^te.
disposition est identique à I'article 27, paragraphe 2, de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à

Rome le 4 novembre 1950. Cette règle traite des pouvoirs de la Commissioii
européenne des droits de l'homme de déclarer une demande irrecevable

l9 Voir le texte dans K. Oellers-Frahm et N. Wühler, Dispute Settlenieiit
in Public International Law. Texts and Materials, Berlin, Publication of the
Max Plaiick iiistitute foi coiiiparative public law aiid iiiternatioiial law, 1984.
p. 213.quand elle est "an abuse of the right of petition20." Le mêmepouvoir de'
déclarerune demande irrecevable sur la base d'un "abus de procédure" existe
21
au niveau de la Cour de Justice des Coinmunautés Européennes .

44. Par conséquent, le Sénégal soutient que toute juridiction, y

comprisla Cour internationale de Justice, a le pouvoir de déclarerirrecevable
une prétention entachée d'abus de procédure. Toute tentative de la Guiiiée-

Bissau d'utiliser la présente instance pour faire en quelque sorte appel de la
Sentence est non seulement un abus de procédure - base en elle-même
suffisante pour que la Cour déclare la requêteirrecevable-mais, qui plus est,

sort du cadre de la compétence de laCour, comme on vient de le démontrer.

45. Le Sénégala toutefois intérêtàvoir la Cour internationale de
Justice rejeter les prétentions d'inexistence et d'invalidité de la Sentence
présentées par la Guinée-Bissau, car il peut redouter que cette dernière

continue à s'opposer à l'application de la Sentence si la Cour ne se prononce
pas. Comme la Partie adverse a déclarén'avoir aucune intention d'utiliser la
présente procédure à des fins d'appel, le Sénégal ne présente pas

formellement des exceptions d'incompéteiice ou d'irrecevabilité. Il s'en remet
par conséquent à l'appréciation de la Cour dont on sait qu'elle est soucieuse

de ne pas excéder sa compétence ni de tolérer un quelconque abus de
procédure.

Section 1.Questionssurlesquelles les Parties semblentêtre d'accord

A. LA PRESENTE PROCEDURE NE COMPORTEAUCUN ELEMENT
D'"APPEL1D ' E LASENTENCE ARBITRALE

46. La Guinée-Bissau reconnait dans son Mémoire que la questioii
actuellemeiit soumise à la Cour constitue un litige nouveau et distinct de celui

20 lbid 1p. 236. Cette disposition, il est vrai, s'applique bien aux recours
individuels. Mais. seloii P. van Dijk et F. van Hoof, Theorv and Practice of
the Euro~ean Convention on the Hunian Rights, Deventer, Kluwer Law and
Taxation Publishers, 1984, p. 62, une requête étatique pourrait elle aussi être
déclaréeirrecevable pour le niémemotif.

21 Affaire 57/70. Van Eick c. E.C. Commission, Recueil de la
jurisprudence de la Cour. 1971, p.613-619: affaire 243/78, Sirnmenthal SDA
c. E.C. Commission, m., 1980.p. 593. relatif à la délimitation maritinie porté devant le Tribunal arbitral22En
réalité,la Guinée-Bissau ne peut pas faire autrement, compte tenu des

constatations catégoriques faites par la Cour sur ce point à l'occasion du rejet
de la deinande de la Partie adverse en indication de mesures

con~ervatoires~~. La Guinée-Bissau reconnaît que sa requête ne peut être
qualifiée ni d'appel ni de demande en révision24. En effet, elle souligne que:

"La Guinée-Bissau n'affirme donc pas que le cas ait étémal jugé
au fond, elle ne cherche pasà entrer en discussion sur le bien ou
le mal jugé. elle ne dit pas ar exemple que la ligne de
délimitation découlant de I'ar irage ne correspond pas à
l'application des principeé uitables et doit être remplacée par
une autre ligne...parce qu'1 le ne s'est pas égaréedans la voie
de I'ap*, voie non ouverte dans le cas d'une sentence
arbitrale ."

Le Sénégalen prend acte et exprime l'espoir que la Guinée-Bissau
maintiendra cetteattitude.

B. LAPRESENTE PROCEDURE NE COMPORTEAUCUNE
DEMANDE EN REVISION DE LASENTENCE ARBITRALE

47. De niéme, la Guinée-Bissau se défend de toute tentative de se
prévaloir de la découverte d'un fait nouveau quelconque susceptible de
justifier une demande en révisionde la Sentence6.

22
"Le désaccord.. . constituait désormais un nouveau différend, distinct
du différend de la délimitation proprement dite." Mémoire de la Guinée-
Bissau. par. 54.

23 Ordonnance du 2 mars 1990, par. 26-27.

24 "[La]demande ...ne saurait aucunement ètre considérée comme une
demaiide en appel ou en révision, ce qu'elle n'est pas". Menioire de la
Guinée-Bissau. par. 60. S'il en est ainsi. on se demande pourquoi la Guinée-
Bissau a cru devoir annexer à soli Mémoire l'intégralitédes pièces écrites et
des plaidoiries de la procédure arbitrale.

25
~émoiie de la Guinée-Bissau, par. 64.

26 Ibid., par.66 Section II. Questionssurlesquelles les Parties semblent être ednésaccord

48. Le désaccord des Partiessurla tâche de la Cour découlede leurs

perceptions différentes de l'état actuel de la Sentence arbitrale du 31juillet
1989. La Guinée-Bissau considère la Sentence comme inexistante et pense en
conséquence que la tâche de la Cour est purement déclaratoire. Le Sénégal

estime que laSentence est une décisionprima facie valable liant les Parties et
que, partant, la tâche de la Cour est de se prononcersur la validitéou non de
laSentence.

49. La Guinée Bissau affirme que, du fait de ses prétendus vices, la
Sentence n'existe pas. Celle-ci serait absolument nulle, sans existence

juridique, et la Partie adverse n'aurait mêmeaucune obligation juridique de
soumettre a la Cour la question de la validité: la nullitéde la Sentence serait
de plein droit et ne devrait dépendre d'aucune déclaration judiciaire. La

Guinée-Bissau ne vient pas devant la Cour parce qu'il existerait une
obligationjuridique quelconque d'obtenir une déclaration de nullité- celle-ci
n'est pas nécessaire - mais plutôt dans le souci de rechercher des rapports

paisibles avec son voisin, le Sénégal. II s'ensuit que, pour la Guinée-Bissau,
I'inteivention de la Cour n'est pas indispensableet que, de toutemanière, son
jugement sera seulement déclaratoire, ne faisant qu'attester l'inexistence de

la Sentence. Il s'agità, selon la Partie adverse, d'une tâche très différentede
la mission' confiée aux juridictions des systèmes juridiques les plus
développés,mission en vertu de laquelle une juridiction annulera au moyen
27
d'une déclaration un acte juridique qui, prima facie, est valable .

Le Sénégalconsidère que cette conception de la valeur de la
50.
Sentence du 31juillet 1989et, en conséquence, du rôle purement déclaratoire
de la Cour est totalement erronée. Elle repose sur une conception inexacte
des fondements de l'ordre juridique international et sur une iiiterprétation

incorrecte de la pratique et de la doctrine.

27 Pour les arguments de la Guinée-Bissau, voir les par. 67-72 de son
Mémoire. A. LEDESACCORD ENTRE LES PARTIESSUR LES FONDEMENTS

DE L'ORDREJURIDIQUE INTERNATIONALEN MATIEREDE
VALlDlTE DES SENTENCES ARBITRALES

51. Il est incontestable que le droit international joue un rôle

restreint en ce qui concerne la notion de nullité absolue. Certains actes, dès
leur création, contreviennent si clairement à l'ordre public international et
aux règles impératives du droit international destinéesà promouvoir cet ordre

public (jus coaens) que leur nullité est absolue: Ce sont des actes
juridiquement inexistants. Le point de savoir si un Etat peut les considérer

comme tels, sans en référerà une autorité juridictionnelle quelconque, est
une question distincte et plus controversée. L'illustration la plus claire de

cette notion se trouve dans le droit des traités. Les causes de nullité
énuméréesaux articles 46 à 50 de la Convention de Vienne n'empêchent pas
qu'un traité conserve sa validité prima facie jusqu'à ce que celle-ci soit

contestée en se fondant sur une ou plusieurs de ces causes. Et, bien entendu,
selon l'article45, le droit d'invoquer une cause de nullité peut disparaîtreen

raison d'une conduite considéréecomme étant un acquiescement au maintien
en vigueur du traité.

52. Il y a cependant deux catégories de règles impératives de droit

international qui. selon les articles 51 à 53 de la Convention de Vienne,
dictent une approche différente. La première catégorie comprend l'exercice
de la contrainte, que ce soit sur le représentant d'un Etat ou sous laforme de

la menace ou de l'emploi illicite de la force contre I'Etat lui-même. La
seconde catégorie. résiduelle et générale. inclut les normes impératives du

droit international général. Un traité qui contrevient à ces normes
impératives et exceptionnelles est absolument nul. Mais, même ici, cette

conclusionjuridique - la nullit-ne peut pas étretiréeunilatéralement par un
Etat Partie à la Convention de Vienne. En effet, les article65 et66 de celle-ci
envisagent des procédures de règlement par une tierce partie, y compris, dans

. les cas ou un conflit avec une norme impérative est invoqué, la soumission
obligatoire à la Cour internationale de Justice.

53. La Guinée-Bissau, assimilant les sentences arbitrales auxtraités,

soutient qu'une sentence arbitrale que l'une des Parties tient pour nulle doit
étre considérée comme telle du fait de la violation d'une norme impérative.
Elle va mêmeplus loin encore, car elle considère que la nullité est de pleindroit et qu'elle n'a pas besoin d'êtreconfirmée par un tribunal international,

bien que dans le cas présent la Guinée-Bissau ait soumis la question à la Cour
internationale de Justice. C'est ici que la Partie adverse méconnaît un des

fondements de l'ordre juridique international. En effet, en ce qui concerne les
sentences arbitrales, l'ordre juridique est fondé sur le caractère définitif et

obligatoire de la sentence. IIexiste certainement une présomption en faveur
de la validité des sentences jusqu'à ce qu'elles soient déclaréesnulles par un
tribunal international compétent. Le fait de permettre à une partie de

considérer une sentence comme nulle ou inexistante, sur la base de sa propre
et unilatérale contestation, et avant toute décisionjudiciaire sur le bien-fondé

de cette contestation. réduirait à néant la présomption -celle du caractère
définitif et de la force obligatoire des sentences - dont dépend l'arbitrage

international. Qui plus est, aucun des motifs invoqués par la Guinée-Bissau
contre la Sentence du 31 juillet1989 ne se rapporte à des règles de jus cogens.

54. On pourrait étre tenté d'amoindrir la gravité de la controverse eri
traitant celle-ci comme un simple différend sur le fardeau de la preuve et en

décidant qu'il ne devrait exister de présomption en aucun sens: ni de validité,
ni d'invalidité. Mais l'approche de la Guinée-Bissau porte en elle-même

atteinte à l'autorité d'une sentence arbitrale, car, si on adoptait son point de
vue, tout recours unilatéral "neutraliserait" immédiatement la sentence.

Etant donné que, dans de nombreux cas, les Etats parties ne sont pas
assujettis à la juridiction de la Cour internationale de Justice, cette
"neutralisation" deviendrait permanente, cette approche permettant ainsia

une partie d'annuler une sentence obligatoire par le simple moyen d'un acte
unilatéral. Comme on le voit, la controverse ne concerne donc pas

simplement la charge de la preuve.

55. La conclusion est que, pour des raisons de politique et de
sécurité juridiques, les sentences arbitrales doivent étre traitées comme des

sentences valables et obligatoires, à moins et jusqu'à ce qu'elles aient ét6
annulées par uii tribunal international compétent. S'il en était autrement, la
sécuritéet la stabilité de l'ordre juridique seraient menacées, car les Etats

seraient dans l'impossibilité de se fonder surdes sentences arbitrales rendues
en leur faveur. B. LEDESACCORD ENTRE LES PARTIES SUR LAPRATIQUE ETLA
DOCTRINE EN MATIEREDE VALIDITEDES SENTENCES

ARBITRALES

56. Le Mémoire de la Guinée-Bissau comporte une subdivision

intitulée: "La doctrine et la jurisprudeiice eii laère28". Selon le Sénégal
les développements contenus danscette subdivision ne posent pas le véritable
problème, qui est celui de savoir si une partie au procès peut,

unilatéralement, déclarer inexistante ou nulle la sentence arbitrale. La
Guinée-Bissau n'établit en aucune manière qu'une partie puisse agir de la
sorte.

57. Le Séiiégalne conteste pas qu'une sentence arbitrale puisse être
déclaréeinvalide 29. Historiquement, le iioeud du problème est ailleurs. II

réside dans la question de savoir si l'invalidité résulte du seul fait qu'une
partie l'invoque -la "thèse de l'effet automatique" ou "déclaratoire" - ou si
elledécoule de la décision d'une juridictioii compétente - la "théorie de
l'invalidation". Le vice de laemière thèseétaitévidemment constitué par le

fait que la partie contestant l'existence ou la validitéd'une sentence devenait
juge de sa propre cause, ce qui rendait cette thèse extrêmement dangereuse

pour lastabilité des sentencesarbitrales.Comme Lauterpacht l'a écrit:

"A rule wliich renders it possible for the defeated party to
disobey an a&erse award hardly partakes of the character of a
legal precept ."

Par. 104-114.

29
Pour une des premières expressions de l'opinion plutbt extrêmequ'liii
tel recours ne peut êtreentrepris que si les parties en ont coiiveiiu dails le
l'arbitre". Revue de droit international 1928-11,p. 5-64. Et pour une critique
de cette conception, voir L. Brierly, "The Hague Coiiventioii and the Nullity
ofArbitral Awards". British Year Book of International Law 1928. p. 114. ui
rejette la distinction opéréepar de Lapradelle entre l'"inexistence" et 9es
"causes" de nullité.

30 Brierly, OD. cit., p. 118-120. Voir également J. H.W. Veizijl.
International Law in Historical Pers~ective, vol. VIII, Leyden, A.W. Sitjhoff.
invocaiion of an objectivëjuridicalsituat'ion, in no need of verification by anl
impartial instance, such an allegation - often oiily a pretext - would destroy
the very bases of the arbitral solution of international controversies". Voir
encore P. Guggenheim. "La validité et la nullité des actes juridiques Bien que la seconde thèse parût préférable,elle présentait une difficultédu
fait que la compétence de toute juridiction internationale, pour statuer sur
l'invalidité, dépendait du consentement. Ainsi, les efforts faits au niveau

international pour promouvoir une telle règle -par exemple, la propositioii
finlandaise à la Sociétédes Nations en 1929~' ou le projet de George Scelle

sur la procédure arbitrale dans les années 1950-1958~~ - partaient d'une
attribution de compétence à la Cour permanente de Justice interiiationale ou
à la Cour iiiternationale de Justice.

58. Mais le problème de savoirqui doit statuersur la nullité lorsqu'il
n'existe aucune compétence judiciaire ne se pose pas en l'espèce. Dans la

présente affaire, le problème est très différent. II s'agit de savoir si la Cour
doit se borner à déclarer que la Sentence est inexistante, ou si au contraire
elle doit décider une véritable "invalidation" d'une Sentencequi, prima facie,

est valable, la charge de la preuve de sa nullitépesant sansaucun doute sur la
Partie qui l'allègue.

59. Dans les paragraphes précédents,il a été soutenu que la seconde
approclie -celle de "l'invalidation" - est plus conforme à la politique

juridique. II y a cependant une autre raison, toutà fait pratique, qui milite en
sa faveur.

60. Il est hors de doute qu'une cour ayant le pouvoir d'annuler a le
pouvoir d'ordonner le sursis à exécutionde la sentence, que ce soit en tout ou
en partie, jusqu'à ce qu'elle ait statuésur l'invalidation. Ainsi, le Comitédes

Cinq nommé par le Conseil de la Sociétédes Nations pour étudier la
proposition finlandaise de 1929, en recommandant que le pouvoir
d'iiivalidation soit attribuà la Cour permanente de Justice internationale. a

internationaux", Recueil des cours de I'Acadèniie de droit international
(R.C.A.D.I.), t. 74, 1949-1, p. 195-263, qui semble étrepartisan de la thèse
"déclaratoire".

31 Pour une disciissioii de l'initiative finlandaise, voir J.W. Garner,
"Appeal in Cases of Alleged Iiivalid Awards". American Journal of
International Law(A.J.I.L.). 1932,p. 126.

32
Yearbook of the International Law Commission (Y.B.I.L.C.)oc. MCN.1950. vol. II,
p. 114-147,jusqu'au Modèle de règlessur la procédure arbitrale, Annuaire de
la Commission du droit international 1958,vol. 11,p. 16. également proposé que celle-ci ait le pouvoir d'ordonner la suspension de

I'exécution jusqu'au prononcé de sa décision33. Les articles 50 et 52 du
Règlement d'arbitrage du CIRDl attribuent au tribunal ou au comité ad hoc
ayant la compétence d'interpréter, de réviser ou d'annuler une sentence le

pouvoir d'ordonner le sursisà exécution. Dans le cas présent, c'est la Guinée-
Bissau elle-même qui a demandé à la Cour d'indiquer des mesures
conservatoires, requête qui a étérejetée par l'ordonnance de la Cour du

2mars 1990. Le pouvoir d'ordonner la suspension de I'exécution d'une
sentence implique nécessairement, à moins qu'une ordonnance ne soit
rendue à cet effet, quela partie victorieuse puisse procédeà I'exécutionde la

sentence arbitrale34. Cela implique à son tour que la sentence est valable et
obligatoire jusqu'à son annulation. Ce serait un non-sens que de considérer la

sentence comme "inexistante" et de supposer en mëme temps que la partie
victorieuse puisse procéder à son exécution.

61. En coiiséquence, la présomption correcte doit êtrecelle de la
validité de la sentence. Comme Balasko l'a écrit en 1938, se référantaux
"Effetsjuridiques de l'excèsde pouvoir":

"La validité de la sentence se présume, si les parties sont en
désaccord sur ce point. C'est pour cette raj3on qu'il est
nécessaire d'en faire dûment constater l'invalidité ."

33 Sociétédes Nations, doc. C. 338. M. 138. 1930. V., p. 4,et article4(2)
du Pro~ietde protocole. Voir aussi la discussion de S. Rundstein, "La Cour
permanente -de Justice internationale comme instance de recours",
R.c.A.D.I., t.43, 1933-1, p. 33. Cf. également, A. Balasko, Causes de
nullitéde la sentence arbitrale en droit internationalpublic, Paris, Pedone.
n'a pas d'effet suspensif. cependant.t daprès I'intrÔductibn de la requête. la
Cour peut, sur deinande. suspeiidre I'exécutionde la sentence arbitrale et
ordoniier d'autres mesures provisoires."

34 Voir le Rapport de G. Scelle sur la procédure arbitrale, doc. A/CN
4/18, Y.B.I.L.C. 1950. vol. II, p. 114-148: "Ce recours... n'est pas suspensif
de I'exécution. à moins que le nouvel arbitre ou la juridictioii saisie n'en
décident autrement en ordoniiant les mesures provisoires ou exécutoires
nécessaires." Voir aussi l'article 37, paragraphe 3, du Modèle de réglesde
1958 selon lequel la Cour peut, à la requêtede la partie intéresséeet si les
circonstances l'exigent. suspendre I'exécution en attendant la décision
définitivesur la demande eii nullité.

35 00. cit., note 33, p. 201.Ceci fait certainement peser sur la Guinée-Bissau la charge de la preuve36, de
sorte qu'il lui appartient -de fournir la preuve très claire de l'existence de

chacune des causes de nullitéinvoquées. Mais - plus important encore - ceci
signifie que la Cour est saisie d'un recours qui a un caractère analogue à celui

d'un véritablerecours en invalidation.

36
c'est à"I'Etat qui conteste cette validitéque doivent incomber l'initiative et les
charges quecette contestation comporte." M., p. 69. CHAPITRE III

L'INTERPRETATION DU COMPROMIS D'ARBITRAGEDU 12 MARS

1985

Section 1.Introduction

62. La Guinée-Bissau consacre un cinquième environ du Mémoire

souniisà la Cour3' à I'interprétation du Compromis d'arbitrage du 12 mars
1985, soulignant par là l'importance qu'elle attribàecette question dans le
cadre de la présente procédure. Le Gouvernement du Sénégal.lui aussi, a

toujours attaché du poids à la question,à preuve les développements qui lui
ont été consacrésdans le contre-~ém0it-e~~ et la Duplique élaborés dans le
cadre de la procédure d'arbitrage39. Dans le présent chapitre, on examinera

successivement:

les règles applicableà I'interprétation du Compromis d'arbitrage du
12mars 1985;
la genèse de ce Compromis;

le sens attribuà cet instrument par les Parties au cours de l'arbitrage;
I'interprétation du Compromis par le Tribunal arbitral;
les thèses de la Guinée-Bissau relatives à I'article 2 du Compromis:

description, analyse et réfutation;
I'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, du Compromis;

les aiticles 4, 9, paragraphe 1. et 10, paragra1,edu Compromis.

37 Par. 23-28, par. 115-156.

38
Chap. IV, p. 33&-37. par. 50-56, Livre II, Annexes au Mémoirede la
Guinée-Bissau.

39 Chap. IV, p. 25-37, par. 45-65, Livre III, Annexes au Mémoire de la
Guinée-Bissau. Section Il. Les règlesapplicables à l'interprétation duCompromisd'arbitrage

du 12 mars 1985

A. LACOMPETENCE DE LACOMPETENCE DU TRIBUNAL
ARBITRAL

63. Le Mémoire de la Partie adverse ne fait état nulle part -et cela

peut paraître préoccupant - du principe fondamental suivant lequel les
tribunaux internationaux ont la compétence de leur compétence. Inscrit à

l'article 36, paragraphe 6, du Statut de la Cour, ce précepte est solidement
ancré dans le droit international; il s'applique mêmeà défaut de disposition
40
expresse .

64. La décision d'un tribunal international défiiiissant sa propre
conipétence revêtdonc un caractère obligatoire, tout comme celle qui règle le
fond du litige. En principe, elle fait autorité, quelle que soit la manière dont

les Parties ont auparavant pu interpréter le titre de compétence. IIne saurait
en aller autrement. Si la décision en cause était du ressort des Parties, le

caractère obligatoire de la procédure juridictionnelle et de son résultat
pourrait êtremis en doute à tout moment et de façon unilatérale, simplement

en contestant la compétence du tribuiial. IIest toutefois vrai, et l'on doit
suivre la Partie adverse sur ce point, que la compétence de la compétence

d'un tribunal n'est pas illimitée: un tribunal ne saurait en effet usurper des
pouvoirs qui, manifestement, ne ressortent pas du texte du titre de

compétence interprété 'à la lumière des principes pertinents du droit
international. L'excèsde poiivoir ainsi commis par le tribunal peut entrainer

la nullitétotale ou partielle de sa décision.

65. On ne saurait en revanche prétendre qu'il y a excès de pouvoir

chaque fois qu'un tribunal international se déclare compétent et qu'une des
parties manifeste son désaccord. Dans le cadredes principes d'interprétatioii

. reconnus par le droit international, le tribunal doit jouir d'une certaine
latitude: I'interpretatioii n'est pas un processus mécanique susceptible

d'aboutir à un résultat unique. Même lorsqu'un texte est d'interprétatioii

40 Voir Ch. Rousseau, Droit international ~ubiic, t.V: Les raDoorts
conflictuels, Paris, Sirey, 1983, no311, ainsi que les auteurs cités; article 9 du
Modèle de règles sur la procédure arbitrale adopté en 1955 par la
Commission du droit internationalet cité à la note 32. stricte, comme c'est le cas d'un con~promis d'arbitrage4', le recours aux
principes pertinents peut amener le tribunal à opérer des choix susceptibles

de déplaire à une partie. Cela ne signifie pas pour autant que le tribunal ait
commis un excès de pouvoir et que celui-ci entraine la nullitéde la décision;
s'il en allait autrement. il n'y aurait guèreplus de sentences valides. Une épée

de Damoclès serait suspendue en permanence même sur les décisions de la
Cour. Le processus d'interprétation dont il est question ici se caractérise par
l'existence d'une marge d'appréciation indispensable à l'exercice de la

compétence de la compétence, marge qui a pour corollaire laprésomption de
validité qui s'attaclie aux décisions. I'our détruire cette présomption et se
prévaloir d'un excès de pouvoir, ilfaut établir que le dépassement de

compétence imputable au tribunal est manifeste et revêt une certaine
ampleur42. S'il en allait différemment, la compétence de sa compétence
attribuéeau tribunal serait vide de toutens.

B. LES PRINCIPES D'INTERPRETATION APPLICABLES

1. L'interurétation des textes conventionnels en général

66. Les Parties coiivieiiiient qu'il y a lieu d'appliquer, pour
l'essentiel, les règles énoncéesaux articles 31 et 32 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969~~.Ces règles ont étéexposées

en détail au paragraphe 50 de la Duplique présentée par le Sénégaldans le
cadre de la procédure d'arbitrage, de sorte qu'on ne s'y arrêtera que
brièvement.

67. L'interprétation est un processus destine à identifier la volonté
coinmune des parties àun traité. C'est le texte du traité quà.première vue,

exprime objectivement cette volonté coiiiiniine. II en va ainsi en raison du
principe de bonne foi: ilserait contraireà ce principe d'opposer à l'une des

41 -Infra. par. 70-76.

42 Voir Balasko, ou. cit. note 33, p. 203-206; J.C. Witenberg.
L'organisation iudiciaire. la procédure et la sentence internationales, Paris.
Pedoiie, 1937, p. 368-369.

43 Mémoirede laGuinée-Bissau,par. 136.parties une intention qu'aurait eue I'autre partie sans jamais la manifester; eii
effet, une telle intention occulte - ou réservementale - ne participerait pas au
consentement tel qu'il s'est filialement cristallisé entre les parties. E. de

Vattel a pu dire qu'il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin de
l'être44. Quoi qu'il en soit, le texte du traité, pris dans le sens ordinaire ou

naturel de ses termes, doit normalement s'imposer. 11 en va ainsi, en
particulier, lorsque ce texte a étsuggéré par une partie et accepté par l'autre.
Suivaiit la règle contra ~rofereiitem, les mots dont le sens pourrait susciter

des doutes

"are to be interpreted against the party which has proposed
them, and accordiiig to the meaning that4qe other party would
reasonably aiid naturally have understood ."

Cette règledécouleelle aussi du principe de la bonne foi46: lorsqu'une partie

accepte un texte proposé par l'autre, elle doit pouvoir se fier à l'apparence
que présente le texte sans avoir à s'interroger sur la portée cachée que cette

autre partie aurait pu avoir l'intention de lui attribuer. La règle contra
proferentem est largement admise par lajurisprudence internationale 47 .

68. L'interprétation textuelle vient s'inscrire dans le contexte au sens
strict du terme, c'est-à-dire la logique généraledu traité (subordination des

44 Princi~es du droit des gens, Londres (Neuchâtel), 1758, livre 2, chap.
XVII.

45 Biri ~he&, General Priiicioles of Law as Ao~lied bv International
Courts and Tribunals, Londres, Stevens, 1953, p. 108. Cf. égalenient Ch. De
Visscher, Problèmes d'inter~rétatioii judiciaire en droit interiiatioiial. Paris.
Pedoiie. 1963, p. 110-112. et A.D. McNair, The Law of Treaties, Oxford.
Clarendon Press, 1961. p. 464-465.

46 Cheng, OD. cit.. p. 106-108,

47 David Goldenberg et fils c. Etat allemand, sentence rendue le 27
septembre 1928par Robert Fazy, arbitre unique, Nations Uiiies, Recueil des
sentences arbitrales. vol. 2, p. 901. à la p. 907; Cour pernianente de Justice
iiiternatioiiale (CPJI), arrét du 12 juillet 1929 en l'affaire des Em~runis
brésiliens (France/Brésil). C.P.J.I. série A, no 15, p. 114; affaire du
"Lusitania". avis de la Commission mixte germano-américaine du ler
32,eàbla p. 43; affaire Sanibiaggio (1903). Commission mixte Italie/Venezuela,p.
ibid., vol. 10, p. 499.ala p. 521.
- clauses générales aux clauses spéciales, interprétation a contrario ou a

fortiori, etc.). On consultera donc, en plus de la disposition à interpréter, les
autres clauses du traité et son préambule. On notera par ailleurs, à propos de

ce dernier, que le texte d'une disposition, interprété à la lumière du sens
ordinaire de ses termes, ne saurait être vidéde sa substance sur la base du

préambule.

69. Le contexte au sens large du terme englobe d'autres éléments,
énumérésau paragraphe 3 de l'article 31 de la Convention de Vienne, à
savoir: a) tout accord ultérieur entre les parties relatif à I'interprétation ou

l'application du traité; b) la pratique ultérieure des parties; et c) toute règle
pertinente de droit international applicable dans les relations entre les

parties.

70. Ainsi c'est le texte de la disposition en cause, pris dans son sens
ordinaire ou naturel et placé dans son environnement juridique, qui doit
prévaloir. Ce n'est que si I'interprétation résultant de l'application de ces

règles laisse le sens du texte ambigu ou obscur, ou conduit à uiirésultat qui
est manifestement absurde ou déraisonnable, que l'article32 de la

Convention de Vieniie permet de faire appel à des moyens complémentaires
d'interprétation, en particulier a) aux travaux préparatoires, dont il sera

questioii aux paragraplies 80 à 90 ci-après; et b)aux circonstances dans
lesquelles le traité a été conclu.

71. 11est cependant vrai que la règle de la primauté du texte est
quelque peu relativisée par le fait que les travaux préparatoires peuvent

également êtreconsultés en vue de confirmer le résultat de I'iiiterprétation
textuelle. Qui plus est. le paragraphe 4 de l'article 31 de la Convention de

Vienne dispose qu' "[uln terme sera entendu dans un sens particulier s'il est
établi que telle était I'inteiition des parties". On relèvera, toutefois, que cette
intention doit être"établie". De simples conjectures sont donc insuffisantes;

. de plus est-il nécessaire d' "établir" que l'intention en question était bien
commune à toutes les Parties au traité 48 .

48
Cf. P. Reuter. Introduction to the Law of Treaties, Londres, Pinter,
1989. p. 75: "Tlie ordinary meaning ofthe terms rnay only be departed from if
the Parties'inteiitioii to do so caii be established." 2. Linterorétation des titres de comoétence juridictionnelle

72. On a dit49 qu'aux termes de l'article 31, paragraphe 3, lettre c,

de la Convention de Vienne sur le droit des traités, le contexte au sens large
comprend "toute réglepertinente de droit international 'applicable dans les
relations entre les parties". Parmi ces règles figure celle, largement admise

par la jurisprudence et la pratique, qui préconise l'interprétation restrictive
ou stricte des limitationsà sa souveraineté consenties par un ~tat~O. Cela
signifie, en particulier, que les textes conférant compétenceà des tribunaux
internationaux sont d'interprétation stricte. Cette dernière régle, dont la

Guinée-Bissau souligne d'ailleurs a un poids particulier dans
le cas d'espèce.

73. Ce point fut longuement examiné aux paragraphes 56 à 64 de la
Duplique présentéepar le Sénégalau cours de I'arbitrage. IIy a toutefois lieu
de compléter par deux cas supplémentaires lajurisprudence mentionnée dans

ces paragraphes.

74. Dans l'affaire du "Betsey" (Etats-UnidGrande-Bretagne),

instance qui remonte à la préhistoire de I'arbitrage, l'arbitre Gore s'était
demandé comment la "compétence de la compétence" d'un tribunal pouvait
se concilier avec le principe extraom~romissum arbiter nihil facere Dotest.

voici sa réponse:

"The answer is obvious, it is that of the Law of Nations, of the
Common Law of England and of common sense - a party is not
bound by the Decision of Arbitrators in a case not within the

49 w, par. 69.

En plus des précédents mentionnésau paragraphe 56 de la Duplique
présentéepar le Sénégalau cours de la procédure arbitrale, on citera les
affaires suivantes: C.P.J.I.,avis consultatif du II décembre 1931 relatif à
Danzig. C.P.J.I..tsérieNB. 11"s43. p. 142: C.P.J.I..arrétdu II aoùt 1932en
l'affaire de I'lnter~rétation du Statut du Territoire de Memel (Royaume-Uni.
France, Italie et Japon c. Lithuanie),m., sérieNB, n049. p. 314; C.I.J.,
arrët du 20 novembre 1950 relatif a I'affaire du Droit d'asile
(Colon~bie/Perou). C.I.J. Recueil 1950, p. 274-275.

51
Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 116-121. Submission - seh decision would be a dead Letter - it would be
as no decision ..."

Voilà un premier "balbutiement" de la théorie de la nullité pour excès de

pouvoir commis par l'arbitre. On notera que, selon ce passage, la nullité
n'iiitei-vient que dans l'hypothèse ou "l'espèce ne rentre pas dans les termes
du conlpromis", ou dans le cas où l'arbitre s'est arrogé une compétence qui

ne lui a pasétéattribuée par les parties.

75. L'autre affaire qu'il faut évoquer est celle des Phos~hates du

Maroc (exceptions préliminaires) (Italie c. France). S'agissant de
l'interprétation d'une déclaration française acceptant la juridiction
obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale, la Cour

s'exprima ainsi:

"Dans l'espèce, les teriiles... sont parfaitement clairs.. . Dans
ces conditions, il n'est pas nécessaire de recourir à
l'interprétation restrictive qui, dans le doute, pourrait se
recommander à l'égard d'une clause dont l'interprétation ne
saurait en auciin cas Qéjpasserl'expression de la volonté des
Etats qui l'ont souscrite ."

Ainsi ce sont les termes du texte qui I'eniportent s'ils sont clairs. En cas de

doute, cestermessont d'interprétation stricte. Voilà la position de la Cour,à
laquelle correspondent pleinement les vues exposées dans les paragraphes
précédents.

76. Avant d'examiner la genèse du Compromis du 12mars 1985. il
senible utile de revenir brièveilient à deux précédents déjà examinés aux

paragraphes 62 et 63 de la Duplique présentée par le Sénégaldans le cadre de
la procédure arbitrale. Dans ces affaires. ils'agissait, comme dans la
présente espèce, d'interpréter des compromis évoquant des solutioiis

alternatives. de sorte qu'elles ne sont pas sans analogie avec la situation créée
par le Compromis du 12mars 1985.

52
J.B. Moore, Histoiv and Digest of the International Arbitrations to
Which the United States Has Been a Party. vol. 3. Washington. D.C.,
Goverilment Printing Office, 1898. p.2290.

53 Arrêtdu 14juin 1938. C.P.J.I.. sérieA/B. no74, p. 23-24. 77. Dans l'affaire de I'lle de Palmas (Etats-Unis/Pays-BasI'arbitre
Huber avait pour tâche, aux termes de l'article premier, alinéa 2, di1
Compromis du 23janvier 1925,

"to determine whether the Island of Palmas (or Miangas) in its
entirety fornis a part of the ter ory belonging to the United
States or of Netherlaiids territor."

L'arbitre, on le sait, parviàla conclusion que l'île appartenait aux Pays-Bas
en raison de l'exercice prolongéet incontestéde la puissance publique par cet
Etat. Mais M. Huber ajouta -et c'est sur ce point que le précédent est

pertinent - que mêmes'il en était alléautrement, sa conclusion aurait étéla
niême: en effet, selon le Coniproniis, l'arbitre ne pouvait attribuer Palmas
qu'à l'une ou l'autre Partie, sans égard aux titres éventuels de tiers, et cette
attribution devait porter sur I'ile "in itsen tire^^ A^^tem.ent dit, I'ile

entière devrait revenir soit aux Etats-Unis, soit aux Pays-Bas; unedécisiori
partiellement favorable à chaque Partie était exclue. Dans ce sens-là, la
référence à la totalité de I'ile figurant dans le Compromis du 23janvier 1925

est comparable aux neuf mots: "En cas de réponse négative à la première
question..." qui précédentla seconde question posée au Tribunal arbitral à
I'article 2 du Comproniis du 12mars 1985: les deux formules interdisent des
réponses de caractère partiel.

78. Aux termes de l'article premier du Compromis conclu le
29 décembre 1950 entre la France et le Royaume-Uni et relatif à l'affairdes

Minauiers et Ecrélious,ilincombait à la Cour internationale de Justice

"de déterminer si la souveraiiieté sur les ilots et rochers des
groupes des Minquiers, d'une part, et des Ecrélious, d'autre
d'appropriatio*esappartient àlola République française ou aues
Royaume-Uni- ."

54 Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales. vol. 2. p. 831.

55 l.id , p.869.

56
C.I.J. Recueil 1953, p. 49. Dans l'arrêtqu'elle rendit le 17novembre 1953, la Cour jugea à l'unanimité

quela souveraineté sur les deux groupes revenait au Royaume-Uni. A propos
de l'interprétation à donner à l'article premier du Compromis, la Cour

observa ce qui suit:

"priée de décider si ces groupes ap aitiennent soità la France,
soit au Royaume-Uiii, la Cour Boit rechercher laquelle des
Parties a produit la preuve la plus convaincante d'un titre aI'uii
ou l'autre de ces groupes, ou aux deux à la fois. Par le texte de
l'article1, les Partiespft exclu le statut de res nullius comme
celui de condominium ."

Ce texte est particulièremeiitintéressant pour la présente espèce et ce pour
plusieurs raisons: a) coinme dans l'affaire de Palmas, les ilots et rochers ne
pouvaient revenir qu'a l'une ou l'autre des parties au litige; b)siun groupe

insulaire aurait pu étreattribué à la France et l'autre à la Grande-Bretagnela
Cour a en revanche exclu l'hypothèse d'un partage à l'intérieur de chaque

groupe - par analogie de motifs, on ne saurait admettre que l'article 2 du
Compromis du 12 mars 1985 permet une réponse partielle à la seconde
question au cas où une réponse partiellement affirmative aurait étédonnée à

la première question; c) nantie du mandat "de déterminer la souveraineté sur
les ilots et rochers", la Cour a enfin refusé d'envisager des réponses

partiellement positives et partiellement négatives consistant à partager la
souveraineté au moyen de la figure juridique du condominium, bien que le
langage du Compromis de 1950 ne fut, sur ce poiiit, certainement pas plus

explicite que celui de l'article2 du Compromis de 1985 qui requiert une
réponse à la seconde question "[eln cas de réponse négative à la première

question".

C. CONCLUSION

79. Le Mémoire de la Partie adverse58 fait appel aux travaux

préparatoires pour justifier I'interprétatioti qu'elle propose de donner au
. Compromis du 12mars 1985. On se souviendra par ailleurss9 qu'en cas de

57 Ibid., p. 52.

58 Par. 23-28 et 140-141.

59 Voir m, par. 71. doute sur l'interprétation d'une clause conventionnelle, ou pour confirmer le
résultat de l'interprétation textuelle, il peut étre fait appàlces travaux

(articles 32 et 31, paragraphe 4, de la Convention de Vienne de 1969 sur le
droit des traités). Il est ainsi nécessaire d'étudierla genèse du Compromis de
1985avant d'analyser le contenu de cet instrument.

Section III.La genèsedu Compromis du 12 mars 1985

80. Comme le relèveavec raison le Mémoirede la Guinée-~issau~O,
la gestation du Comproniis d'arbitrage fut longue et ardue. II ressort des
projets et procès-verbaux formant les Aiinexes 1à 12de son Mémoireque les

difficultésessentielles portaient sur les futurs articles 2 et 11 du Compromis,
soit sur la définition du mandat du Tribunal et sur l'attiàobserver par les

Parties, pendente lite, dans la "zone contestée".

81. Le processus de négociation se décomposa en deux phases,

allant respectivement de 1981 à 1982et de 1984 à 1985. Bien que le Mémoire
de la Guinée-Bissau passe rapidement sur la première phase, il est utile de s'y
arrèter brièvement. Du 27 au 29 mai 1981 eut lieu, à Bissau, une "Réunion

des experts chargés d'examiner le problème des frontières maritimes entre le
Sénégal et la Guinée-Bissau". Au cours de cette réunioii. les Parties
aboutirent à un constat de désaccord sur le fond de leur controverse. Ce

constat amena les deux délégations à aborder la question du choix d'une
procédure de règlement. Le Sénégal proposa le recours à la Cour
internationale de Justice. La Guinée-Bissau fit objection et proposa

l'arbitrage. Cette proposition fut acceptée par la délégationdu Sénégalsous
réserved'approbation par les autorités sénégalaisescompétentes.

82. Le 12janvier 1982 eut lieu à Dakar une réunion de la Sous-
Commission C de la Grande Commission mixte SénégaVGuinée-Bissau.

Cette réunion est mentionnée dans le Mémoire de la Partie adverse qui en
produit un procès-verbal signé6'. Ce document révèle.que l'accord des
Parties ne s'était pas faità l'issue de la réunion du 12janvier 1981. C'est

pourquoi la Guinée-Bissau. le 23juin 1982, présenta un projet de comproniis

Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 23-28.

61 .lid LivreV. Annexe 12. d'arbitrage au ~éné~al~~A . ux termes de I'article 2 de ce projet, une seule
question devait êtreposéeau Tribuiial,à savoir:

"Quel est le tracé de la ligne délimitant les territoires maritimes
qui relèvent respectivement de la République du Sénégalet de la
République de la Guinée-Bissau?"

Ce texte élimine implicitement l'Accord de 1960. 11 n'y aurait plus de
demandeur ni de défendeur, conclusion corroborée par I'article 6,
paragraphe 2, du projet de la Guinée-Bissau qui prévoyait le dépôt simultané
de leurs écritures par les deux Parties. Et, pour parachever l'élimination de

l'Accord de 1960,I'article 11,paragraphe 1, du projet engageait les Parti"à
ne faire aucun acte de souveraineté sur la zone contestée" pendant la duréede
l'arbitrage.

83. Ce texte était bien évidemmentinacceptable pour le Sénégalqui
estimait que I'Echange de lettres de 1960 constituait un titre conventionnel

valable et opposableà la Partie adverse. Selon lui, il appartenàila Guinée-
Bissau de démontrer le contraire. Par conséquent, I'article 2 du projet de
compromis soumis le ler février1984par le ~éné~a1~ prévoyaitlui aussi une

question unique mais différente:

"L'Accord conclu par un échange de lettres, le 26 avril 1960, et
relatià la frontière en nier, fait-il droit dans les relations entre la
République de Guinée-Bissau et la République du Sénégal?"

II aurait alors incombé à la Guinée-Bissau de prouver l'invalidité ou
l'inopposabilité de l'Accord de 1960. Cette attribution claire du fardeau de la

preuve est reflétéà l'article 6, paragraphe 2, du projet sénégalaisqui dispose
que les écritures doivent êtredéposéesconsécutivement. à commencer par la
Guinée-Bissau. Elle se manifeste également à I'article 11 de ce projet, aux

termes duquel "la République du Sénégal continuera d'exercer sa
souveraineté pleine et entière sur la zone considérée".

84. La seconde phase des négociations se déroula pour l'essentiel au
sein de la Sous-Comniission C de la Grande Commission mixte

62
l.id . Annexe 10

63 Ibid., Annexe 11.SénégaVGuinée-Bissau.Cet organe se réunit à quatre reprises, les 26 avril, 30
mai, 26juin et 8novembre 1984~~.La première réunion, celle du 26 avril, fut

consacrée à un échange de vues sur les projets de compromis soumis par les
Parties en 1982. L'alinéa premier de I'article 2 des deuxprojets ne donna lieu
à aucune discussion. L'alinéa 2proposé par le Sénégal(question de validitéet

de l'opposabilité de I'Accord de 1960) semble avoir étéiminédiatemeiit
accepté par la Guinée-Bissau, à la condition toutefois qu'il fut complétépar

un alinéa3 ainsi concu:

"en cas de réponse négative, quel est le tracé de la ligne
délimitant les territoires maritimes qui relèvent respectivenient
de la République de Guinée-Bissau et de la République du
Sénégal?"(soulignépar le Sénégal).

Ce dernier texte ayant étérangé parnii les "points à renégocier"65, ilest

évidentque le Sénégaly voyait des objections. La Guinée-Bissau accepta en
outre l'article 6. paragraphe 2, du pro-jetsénégalais,relatif au dépôt successif

des écritures, à condition -cela entrait dans la logique interne de sa thèse -
que la référenceaux d~ux Etats comme "demandeur" ou "défendeur" fut
suppriniée. Restait eii revanche ouvert le problème de I'article II (attitudeà

observer pendente lite).

85. La description qui précède permet de constater: a)que la

formulation de la seconde question (article 2, alinéa 3). y compris les mots
introductifs ("en cas deréponsenégative..."). émanait de la Guinée-Bissau et

que celle-ci doit ainsi assumer les conséquences négativesqui pourraient s'en
dégager pour elle: et b) que, à en juger par son libellé, ce texte n'envisageait
de réponse à la seconde question uniquement pour le cas ou la première

question. relativeà la validitéetà l'opposabilité de l'Accord de 1960. recevait
une réponse négative. Coninient expliquer cette approche relativenient
restrictive et modéréede la Guinée-Bissau. qui aurait pu suggérer d'autres

formulations ("En cas de réponse totalement ou partiellement négative à la
question ci-dessus" ;"Selon la réponsedonnée à la question ci-dessusu6...")?

64 -Ibid., Annexe 12

-Ibid. Procès-verbal de la réuniondu 26avril 1984, p. 3infine.

66 La seconde formule est celle employée à I'article 2 du Compromis
conclu le 18 février1983entre la Guinée-Bissau et la République de Guinée. Sur ce point, le Gouvernement du Sénégal estbien évidemment réduit à des
spéculations. II est toutefois possible que la modération de la Partie adverse
s'expliquait par le désirde ne pas provoquer l'échec des négociations par des

exigences excessives. Cette modération était du reste jugée peu dangereuse
puisqu'on pensait, du côté de la Guinée-Bissau, qu'une réponse négativàla
première question était "hautement probable"67. Pour en terminer avec la

séance tenue le 26 avril 1984 par la Sous-Commission C, on soulignera, à
toutes fins utiles, que l'hypothèse d'une réponse partielle à la seconde
question en cas de réponse partiellerneiit affirmatàvla première question

n'est évoquéenulle part dans le procès-verbal.

86. Le Sénégal,on l'a di@, s'opposa à I'article 2 tel que proposé

par la Guinée-Bissau. L'article Il (attitude à observer par les Parties
pendente lite) était également resté eii suspens, comme eii témoigne le
procès-verbal de la Sous-Commissioi~ C du 30 mai 1984. Un revirement se

produisit lors de la séance du 26juin: la Guiiiée-Bissau semblait désormais
disposée à accepter un article 2comprenant la seule question suggéréepar le
Sénégal. à condition que les Parties convinssent de recourir aux moyens de

règlement appropriés pour aboutir àun accord au cas ou la sentence arbitrale
le requerrait. Ainsi. seul l'art11seinblait demeurer litigieux.

87. Au cours de la réuiiion suivante - celle du 8 novembre 19-4la
Guinée-Bissau retira son acceptation de I'article 2, version sénégalaise, et
exigea l'adjonction d'une seconde question demandant auTribunal, en cas de

réponse négative à la première auestion, non plus de tracer une limite ou des
limites, mais d'indiquer "les principes et règles du droit international" qui
permettraient aux Parties et à leurs experts de négocier uii traité de

dé~iniitation~~.D'après cette nouvelle proposition de la Guinée-Bissau, les

m.ur levol. 89, 1985. p. 486.nt, voir Revue généralede droit international

67 Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 25.

W. par. 84.

69 Cette formule ressemble à celles figurant à I'article premier du
Compromis conclu entre la Tunisie et la Libye le 10juin 1977(C.I.J. Recueil
1982, p. 18.à la p. 21). eà I'articlerernier du Compromis du 23 mai 1976
entre la Lybie et Malte (C.I.J. Recuei985.p. 13,à la p. 16). Parties devaient revenir devant le Tribunal, en cas d'échec des pourparlers,

pour qu'il les assiste dans leurs efforts de trouver "la ligne de délimitation".
La délégation sénégalaise ayant exprimé sa surprise face à cette suggestion

"engendrant une nouvelle situation", alors qu'un terrain d'entente semblait
avoir ététrouvé le 30 mai 1984, la délégationde la Guinée-Bissau prétendit
que sa proposition n'avait rien de nouveau et qu'elle apportait de simples

"précisions de rédaction".

88. En fait, cette proposition signifiait le retour au système des deux
questions déjàsuggérépar la Partie adverse lors de la séance du 26 avril 1984,

toujours avec la rédaction restrictive ("En cas de réponse négative.. .")
destinée peut-être à ne pas provoquer l'échec des négociations. L'élément

nouveau de la proposition de novembre 1984 était que le tribunal, dans un
premier temps, n'aurait pas de limite à tracer mais simplement à identifier les
principes et règlesjuridiques nécessaires à la conduite d'une négociation. Ce

n'est qu'en cas d'échec de cette dernière que le tribunal aurait été appelé à
intervenir, dans un second temps, afin de prodiguer les "éclaircissements ou

explications facilitant la tâche des deuxdélégations pour parvenir à la ligne de
délimitation" par la voie conventionnelle. Sans doute s'agissait-il là, aux yeux

de la Partie adverse, d'une manière de rentrer dans les vues du Sénégal:la
délimitation ex novo, au cas où elle deviendrait nécessaire, s'effectuerait en
deux étapes et selon une méthode jugéerelativement peu contraignante, celle

des négociations assistées par le tribunal.

89. Cette dualité de procédures montrait très clairement que deux
situations radicalement différentes étaient envisagées: la question de la

validité et de I'applicabilité de l'Accord de 1960, dont la solution
juridictionnelle épuiseraitle débat; et la constatation de I'inapplicabilite de

cet instrument. qui ouvrirait une voie de règlement nouvelle et différente,
celle de la négociation assistée. A aucun nioiiient n'a-t-on suggéréque cette
voie - très différente. on le répète. de la procédure juridictionnelle prévue

. pour résoudre la première question - serait égalenient ouverte dans le cas
d'une réponse partiellement affirmative à la première question. Toujours au

cours de la réunion de la Sous-Commission C du 8 novenibre 1984, la Guinée-
Bissau présenta le texte d'un nouvel article II qui aurait permis au Tribunal

de fixer les droits respectifs des Parties dans la zone pendente lite. Les deux
textes qui viennent d'êtredécrits furent rejetés par le Sénégal. 90. Devant l'impasse créée par ce double rejet, il fallait, écrit la
Partie adverse, une rencontre au plus haut niveau, entre chefs d3~tat70. Cette

rencontre eut effectivement lieu à Dakar au début de l'année 1985. Le
Gouvernement du'sénégalne possède pas de procès-verbal de cette réunion;
d'ailleurs, aucun compte rendu de séance n'a étéproduit par la Guinée-

Bissau. Cela n'empêcheiiullemeiit cette dernière d'aftirmer7' que les deux
chefs d'Etat

"conclurent ...à la nécessitéde poser au Tribunal une double
question afin de s'assurer que,auelle aue soit la ré~onserelative
à la valeur de I'échaiigede lettresfranco- ort tu paila tâche du
Tribunal serait bien de procéder àune déliinitatioii complète des
territoiresiaritimes" (soulignépar le Sénégal).

C'est là une affirmation inexacte et purement gratuite. Au lieu de justifier la
demande aujourd'hui adressée à la Cour, elle ne fait que refléter la thèseque
voudrait faire accréditer la Partie adverse: la thèse est étayéepar la thèse.

Section IV. Le sens que les Parties ont attribuéau Compromis du 12 mars
1985 au cours de la procédured'arbitrage

91. Evoquant les discussions ayant coiiduit à la conclusioii du

Compromis d'arbitrage du 12mars 1985, le Mémoireprésentépar la Guinée-
Bissau au cours de la procédure arbitrale72 avait décrit l'attitude des deux
Parties vis-à-vis de l'articl2. Partisan d'une question unique -celle de la

validité de I'Echange de lettres de 1960 et de son opposabilité à la Guinée-
Bissau - le Sénégalaurait préférée,n cas deréponse négative àcette question,
acheminer à la négociation le problème d'une délimitation ex novo. Mais la

Guinée-Bissau aurait alors insistésur le fait qu'il fallait aller plus loin et que.

"envisageant l'option négative(celle dans laquelle l'échange de
notes franco-portugais du 26 avril 1960 ne serait pas considéré
comme fondant valablement la frontière maritime des deux
Etats),l'on en vintàla question de fond elle-inème".

Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 27.

71 Ibid.

'72 Chap. 1,p. 34-35, Livre II. Annexes au Mémoirede la Guinée-Bissau. Ce passage révèle à lui seul que la Partie adverse n'envisageait que deux
possibilités: celle que l'on pourrait qualifier d'"option positive", et celle que
la Partie adverse appelle 1' "option négative" (au singulier!); tertium noil

-. Et, comme si ce passage n'était pas suffisamment clair, la Guinée-
Bissau ajouta que les représentants du Sénégal "finirentpar partager cepoint
de vue", ce dernier étantainsi décrit:

"c'estdonc une doubledémarche qui est demandée au Tribunal:
franco-portugais du 26 avril 1960pour décider de la frontière en
mer entre la Guinée-Bissau et le Sénégal. Etsi cette validitén'est
pas reconnue dire alor qsel est le tracéde la ligne délimitant les
territoires maritimes entre les deux Etats en se fondant sur les
normes pertinentes du droit international positif." (Souligné par
le Sénégal).

92. Ce texte se passe de commentaire, tant il est limpide et éloquent.
II confirme on ne peut plus clairenient l'existence de deux possibilités et
exclut toute autre hypothèse. II est en pleine harmonie avec les négociations

relatées ci-dessusaux paragraphes 80 à 90. 11épouserigoureusement la lettre
même de l'article 2 du Compromis. Cela est d'une importance capitale
puisqu'il faut souligner, comme le rappelle si opportunément la Partie

adverse auparagraphe 28 de son Mémoire,

"l'importaiice de chaque mot et l'étroitesse et la précision de la
compétence alors octroyéeau Tribunal".

Les extraits du Mémoire présenté par la Guinée-Bissau au cours de

l'arbitrage, tels qu'ils viennent d'être reproduits, constituent une
interprétation authentique de l'article 2 du Compromis. D'abord parce qu'ils
émanent de la Partie qui avait proposé le texte litigieux. Ensuite parce qu'ils

figuraient dans la première pièce écritede la demanderesse: ils reflètent ainsi
la volonté authentique de celle-ci, n'étant en rien "colorés" par les thèses
telles qu'elles ont pu émergerultérieurement de part et d'autre.

93. L'interprétation ainsi faite par la Guinée-Bissau fut partagée par
le ~éné~al~~C . elui-ci se bornaà ajouter que la "double démarche" évoquée

dans le Mémoireadressépar la Guinée-Bissau au Tribunal arbitral ne pouvait

73
arbitrale, chap. IV, p. 34-35, par. 52-53. Livre II, Annexes au Mémoirede la
Guinée-Bissau. avoir lieu que si l'Accord de 1960était déclaréinvalide ou inapplicable, donc

dans l'éventualitéd'une réponse négative à la première question. Autrement
dit, la seconde question était subordonnée à la première. Le Sénégalprécisa
en outre que, par le jeu combiné de cette subordination et du principe de la

ligne de délimitation unique, l'azimut 240". au cas où ilserait reconnu conime
faisant droit, servirait également pour départager les zones économiques
74
exclusives .

94. Curieusement, la Guinée-Bissau ne semblait pas apprécier

l'appui ainsi prodigué par le Senégalà l'interprétation qu'elle avait donnée à
l'articl2 du Compromis. Peut-étre la Partie adverse venait-elle de se rendre

compte, à la lecture du Contre-Mémoire du Sénégal,que sa thèse relative à la
première question de l'article 2 - I'inapplicabilité de I'Echange de lettres de
1960 -était moins solide qu'elle ne l'avait d'abord pensé. Etait-ce pour sauver

ce qui pouvait l'êtreen cas d'échec de cette thèse que la Guinée-Bissau fit
volte-face en déclarant soudainement que la réponse à la première question
pouvait êtrepartielleinent aflirmative et partiellement négative, par exemple

en retenant

"que l'accord ne fai roit que partiellement,. .. seulement pour
les eaux territoriales6 ;.

Et. accusant le Sénégalde vouloir enfermer le Tribunal dans l'alternative d'un
oui ou d'un non à la première question, la Guinée-Bissau se fit l'apologiste de

la liberté de cet organe juridictionnel -que soi] attitude a pu changer depuis
ce moment !-, en lui reconnaissant le droit de donner une réponse

partiellement affirmative à la ~remière auestion. Toujours selon la Guinée-
Bissau, l'exercice de ce droit par le Tribunal arbitral aurait pour conséquence
nécessaire -et c'est là le point sailla-t

"qu'il faudrait bien appli lier le paragraphe 2 de l'article 2 du
Cornpromis et tracer la igne de délimitation pour la partie
restante".

- -~~ -

74 l.id chap. 1, p.316, par. 377, note 534.

75 Réplique présentée par la Guinée-Bissau au cours de la procédure
d'arbitrage, p. 248, Livre 111,Annexes au Mémoire de la Guinée-Bissau. 95. Dans sa ~u~li~ue~~,le Sénégalapprofondit certains aspects de
la thèse qu'il avait développée dans son Contre-Mémoire à propos de
I'interprétation de l'article 2 du Compromis, en s'appuyant sur les règles du

droit des gens conceinant I'interprétation des traités et sur le principe de la
"compétence de la compétence" du Tribunal. II insista notamment sur le lien

de subordination entre les deux questions posées à l'article 2, la seconde
question n'appelant de réponse qu'en cas de réponse négative àla première.
Tel était, selon le Sénégal.le sens ordinaire et naturedes termes de l'article

en cause, sens que lui avait initialement attribuéla Guinée-Bissau elle-même,
auteur de la seconde question et des mots qui la précédaient: à cela s'ajoutait
qu'en cas de doute, le Compromis devrait étreinterprétéstrictement.

96. La thèse ainsi avancée ne fut pas directement contestée par la
Guinée-Bissau au cours des plaidoiries, ce qui dispensa le Sénégald'y

revenir.

Section V. L'interprétationdu Compromis parle Tribunal

97. L'interprétation du Compromis d'arbitrage du 12mars 1985fait

l'objet des paragraphes 80 à85 de la Sentence du 31juillet 1989. Selon cette
dernière. I'Echange de lettres franco-portugais du 26avril 1960fait droit entre
les Parties en litige: la ligne des 240". qui est une loxodromie, divise les mers

territoriales et les zones contiguës ainsi que le plateau continental sur toute
leur étendue eri raison de la manière dont est rédigéI'Accord de 1960~~.En
revanche, selon le Tribunal, la frontiéreétablie en 1960ne fait pas droit - ne

peut faire droit - en ce qui concerne les zones économiques exclusives. pour
un motif ressortissant au droit interteniporel: ces zones n'existaient pas en
1960.au moment de la conclusion de I'Accord de 1960.

76 Duplique soumise par le Sénégalpendant la procédure d'arbitrage,
chap. IV. p. 25-37. par. 45-65. Livre III, Annexes au Mémoirede la Guinèe-
Bissau.

77
Après avoir décrit la "ligne droite, orientée à 240"" qui forme la
frontière jusqu' "à la limite extérieure des mers territoriales", I'Accord
déliniitation serait constituée par le prolongement rectilifne, dans la nieniea
direction, de la frontiéredes niers territoriales." Vu cette efinitioii "ouverte"
des zones contiguës et du plateau continental, l'azimut des 240" progresse
vers le largeavec I'exterisioiide ces espaces. 98. Rien dans cet instrument - le Tribunal, on le voit, reste dans le

cadre strict de la première question, déterminé par le contenu de l'Accord de
1960 - ne permet de conclure à une délimitation valable également pour les
zones économiques exclusives. Le Tribunal s'estime donc incompétent pour

examiner les arguments sénégalais destinés à fonder la délimitation sur des
élémeiits tels que des accords tacites, coutumes bilatérales ou règles
générales. Ainsi le Tribunal pense avoir répondu de façon complète et

affirmativeà la première question posée, ce qui, vu la formule précédantla
secondequestion, I'empeche d'aborder celle-ci. En n'examinant as un point
qui ne lui aas étésoumis, à savoir la délimitation des zones économiques

exclusives, le Tribunal s'en tient rigoureusement aux paramètres de la
première question, qui sont ceux résultant de I'Echange de lettres de 1960. 11
le fait dans le souci de ne pas excéderses ~ouvoirs, malgrédes arguments en

sens contraire développéspar le Sénégalqui, liant le libelléde l'Accord de
1960 àcelui du Compromis du 12mars 1985, avait conclu àl'exhaussement de

la ligne des 240". Toujours dans le même souci -celui de respecter
scrupuleusement les limites de sa compéteiice - le Tribunal,à la lumière de
l'article 2 du Compromis, plus précisément des neuf mots précédant la

seconde question, refuse ensuite de répondre à cette dernière. Ainsi, en tant
que juge de sa propre compétence, le Tribunal écarte d'abord une thèse du
Sénégal. puis une thèse de la Guinée-Bissau, dans le but de respecter

intégralement le Compromis.

99. Cette attitude aboutià une décisionqui confirme la frontière en

mer arrêtéeen 1960, mais sans que soient délimitéesles zones économiques
exclusives, car selon la lecture faite par le Tribunal de l'article 2 du
Compromis, cette question n'était pas oosée. Ce refus de répondre à une

question non posée étaitparfaitement justifié: une attitude contraire aurait.
elle, pu êtrequalifiée d'excèsde pouvoir.

Section VI. Les thèsesavancéesparlaGuinée-Bissaurelativement à l'article 2
duCompromisdu 12 mars 1985: description,analyseet réfutation

100. Dans son ~émoire~~, la Partie adverse se montre très stricte eii
ce qui concerne l'interprétation des compromis, en raison du caractère purenlent consensuel de I'arbitrage. C'est un point sur lequel les Parties sont
7 9
d'accord et que le Sénégalavaitdéjàmis en exergue au cours de I'arbitrage .

101. En developpaiit cette idée, la Guinée-Bissau expose que

"[lle cadre ...fixéà l'action d'un Tribunal est d'interprétation
stricte. Celui-ci ne peut ni le dépasser en statuant au-delà de la
ou des questioiis posées, ni rester en deçà en donnant une
réponse partielle ou sectorielle. II s'agit d'un cadre limitatif (qui
ne saur16 ètre élargi), niais aussi impératif (qui ne peut être
modifié) ."

Que le chanip d'action concédé au Tribunal soit d'interprétation stricte. on
vient d'en convenir. Que ce champ soit définilimitativement, on en convient

également. Et on ne peut que souscrire à l'idéeque le libellé du Compromis
ne peut êtremodifié (par une seule Partie ou par le Tribunal). Le doute surgit
en revanche quant à la prétendue interdiction de réponses "partielles" ou

"sectorielles". II va de soi que le Tribunal doit. en principe répondre aux
questions posées. Mais en l'espèce, le doute n'est pas là. II porte sur le point

de savoir quelle était ou quelles étaient, dans cette affaire, la question ou les
questions posées. C'est la réponse à cette interrogation, obtenue au terme

d'un processus d'interprétation (stricte) du Compromis, qui permettra
d'établir si le Tribunal a respecté les limites dans lesquelles les Parties ont

enfermésa coiiipétence.

102. La Partie adverse sedit partisane de I'interprétation "stricte" des

compromis d'arbitrage mais semble avoir une conception étrange de cette
méthode d'interprétation. En fait, comme on le verra, elle préconise une

lecture extensive du Compromis, conférant un maximum de pouvoirs au
Tribunal, se fondant probablenient sur une maxinie qui voudrait que tout

con~proniis viserait à aboutir au règlemeiit intégral du litige. Cette idée perce
d'ailleurs dans le passage du Mémoire de la Guinée-Bissau cité au
paragraphe précédent. dans lequel la Partie adverse insiste sur le devoir di1

. Tribunal d'épuiser ses compétences. Pour le Sénégal,I'interprétation stricte
est autre chose: il s'agit pour lui de se fonder en priorité sur le texte de la

79 Duplique présentée au Tribunal arbitral par le Sénégal,chap. IV, p.
29-37, par. 56-65, Livre III,Annexes au Mémoire de la Guinée-Bissau.

'80
Mémoire de la Guinée-Bissau,par. 121. disposition en cause, sans recourir à des suppositions, supputations,

interpolations, additions ou conjectures.

103. On rappellera enfin ce qui a étédit au paragraphe 65 ci-dessus:

l'exercice par un tribunal international de la compétence de sa compétence
comporte une marge d'appréciation, de sorte que seul un dépassement de

compétence majeur et manifeste pourrait entraîner la nullité de tout ou partie
de la décision.

104. L'argumentation de la Partie adverse est bien entendu centrée
sur l'interprétation de I'article 2, et accessoirement des articles 9 et 4,

paragraphe 2, du ~om~romis~~. A propos de I'article 2, la Guinée-Bissau
avance essentiellement les thèses a) le Tribuiial était tenu, dans

toutes les hypothèses, de délimiter la totalité des territoires maritimes des
Parties; b)dans toutes les hypothèses également, une pluralité de lignes
divisoires -par exemple une limite pour le plateau continental et une autre

pour les zones économiques exclusives - était écartéeau profit du concept
d'une limite unique; c) les Parties sollicitaient l'identification d'une ligne

précise et achevée et non celle d'élémentsou méthodes pour procéder elles-
mêmesà la délimitation; et d) la "double question" formulée à I'article 2 du

Compromis conférait une latitude considérable au Tribunal, à condition que
celui-ci statuât sur les deux questions, motivât pleinement sa décision et
traçât la frontière.

105. Les première. troisième et quatrième thèses tendent à accréditer

l'idéequ'en raison de I'objet du Compromis autant que de son texte. selon le
sens normal et habituel qu'il convient d'attribuer à ses termes. le Tribunal
étaittenu. en tout étatde cause. de répondre aux deux questions pour aboutir

à une délimitation coniplète. La Guinée-Bissau seprévaut du fait que l'alinéa
premier de I'article 2aussi bien queson deuxième alinéa parlent questioiis

à élucider par le Tribunal, et que I'article 2 se réfèreà frontière déliniitaiit
. les territoires maritimes des Parties (oleu erritoires, &.le préambule). Et,

pour expliquer la présence des neuf mots, assurémeiit gênants, qui précèdent
la seconde question ("En cas de réponse négative à la premièrequestion ..").

82 Ibid., par. 138. la Guinée-Bissau fait état d'une transaction qui serait intervenue lors de la

conclusion du Comproniis: elle aurait accepté lapremièrequestion seulement
en échange de la seconde et parce que la présence de celle-ci garantissait une
délimitation complète. Le Tribunal deva doncaborder la seconde question,

quelle que fût sa réponse à la première question, du moins en ce qui
concernait la délimitation des zoneséconomiques exclusives.

106. Cette interprétation va à l'encontre d'une lecture normale de
l'article2 qui, de toute évidence, forme la lex s~ecialis définissant la

compétence du Tribunal à laquelle sont subordonnés les autres articles du
Compromis. "En cas de réponse négative à la première question.. ." signifie

très simplement que dès qu'il y a réponse non négative, c'est-à-dire
affirmative, le Tribunal ne peut plus aborder la seconde question. Ni plus ni

moins. Tel est également le point de vue du Tribunal arbitral, qui n'a pas
répondu à cette question. La Guinée-Bissau, en insistant sur l'interprétation
stricte qu'elle prétend donner au Compromis, fait valoir qu'il faut lire les neuf

mots précédant la seconde question comme signifiant: "En cas de réponse
négative /ou partiellement négative/ à la première question.. .".Et la Partie

adverse d'ajouter que l'article 2 du Conlpromis n'aurait le sens queluiprêtent
le Sénégalet le Tribunal arbitral que si la seconde question avait étéprécédée

de la formule: "En cas de réponse totalement négative à la première
question 83...r.

107. Il est vraiment difficile de suivla Partie adverse surce terrain.
En vertu du principe de bonne foi, le texte d'un accord est censé refléter la

volonté commune des partiesg4; et le sens ordinaire ou naturel tel qu'il se
dégage des termes du texte prime toute interprétation faisant appel à des

interpolations, telle que la lecture de l'arti2du Compromis de 1985offerte
par la Guinée-Bissau. Le sens naturel ou ordinaire de cette disposition est
celui que lui ont attribué le Sénégalet IeTribunal arbitral. L'argument siiivaiit

lequel cette interprétation ne serait valable que si la formule précédant la
. seconde question comprenait l'adverbe "totalement" n'emporte pas la

conviction: cet argument revient en effet à dire que "réponse négative"
équivaut à "réponse partiellement négative". Ainsi. du point de vue du seul

83 Ibid., par. 152

84 h, par. 67. texte de la forriiule introduisant la seconde question, le sens de celle-ci ne
peut être quecelui que lui a prêle Tribunal en refusant de répondàecette
question.

108. Lors de l'examen des règles relatives à I'interprétation des
traités, l'importance de la règle contra ~roferentern~~ a étésoulignée. Or,
comme le montre la genèse du Comproiiiis de 1985~~.la formule qui est en

cause n'est pas le fruit des cogitations fièvreuses d'une nuit. Elle a été
proposée par la Guinée-Bissau dès la séance tenue le 26avril 1984 par la
Sous-Commission C de la Grande Commissioii niixte SénégaVGuinée-
~issau~~. Abandonnée ultérieurement, elle fut ensuite ressuscitée par la

Partie adverseg8 pour êtreenfin acceptée par le Sénégalavec la réticenceque
l'on sait9.IIest évidentque les neuf mots qui précèdentla seconde question
doivent ainsi étre interprétéscontra ~roferentem, en défaveur de la Guinée-

Bissau, étantdonnéla signification que le Sénépouvait et devait attachàr
ces niots. Et le fait que cette signification était celle ultérieuremeiit retenue
par le Tribunal arbitral montre bien l'entière bonne foi du Sénégal.Le recours
au principe contra ~roferentem vient donc conforter I'interprétation qui se

dégagedu sens naturel et ordinaire des ternies de l'article 2 du Conipromis.

109. Mais la Partie adverse fait également étatdu contexte entourant

la formule qui précède la seconde question. ainsi que du but du Compromis.
Le fait que les articles 2, paragraphe 2, et 9 font référauxequestions à
résoudre, à "h frontière en mer" ou "ligne" qu'il s'agit d'identifier, et que le
préambule parle du "règlement dece différend" montrerait qu'il aurait fallii

régler lelitige dans tous ses aspects, répondre en toute hypothèse adeux
questions énoncées à l'article 2 du Conipromis et aboutir ainàiune ligne

85 Ibid.

g6 h, par. 80-90.

87 m. par. 84.

88 Mémoirede la Guinée-Bissau. par. 27.

89 l.id .par. 28.divisoire unique pour tous les espaces marins sous juridiction nationale9'. II
aurait en particulier fallu, en répondanàla seconde question, fvter la limite

séparant les zones économiques exclusives. C'est là une thése difficile à
soutenir. Le fait que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, du
Compromis du 12mars 1985 se réfèrent aux questions à résoudre ne signifie

en aucune manière qu'il eut fallu répondre aux deux questions en toute
circonstance. Tout dépendait du libellédes questions; or le texte prévoyait
justement, comme cela vient d'êtreexpliqué91, qu'une réponse àla seconde

question n'étaitni requise ni mêmepermise en cas de réponseaffirmative à la
première question. Du fait que le préambule du Compromis de 1985
mentionne le différend néentre les Parties "relatàfla détermination de leur

frontière maritime", la Guinée-Bissau infèreque le Tribunal lui-mêmedevait,
en toute éventualité,aboutir à une ligne de délimitation coinplète pour tous
les espaces marins des deux Etats. Cette déduction est parfaitelnerit gratuite

puisque la référence figurant au préanibule identifie le litige mais ne
circonscrit aucunement les points sounlis au Tribunal. Ceux-ci sont définis.
précisément, à l'article 2 du Compromis. Reste ainsi l'argument fondésur la

prétendue exigence d'une ligne divisoire unique.

110. Contrairement à la première question, la seconde question

poséeau Tribunal parle en effet "du tracé de ligne délimitant les territoires
maritimes" des deux Parties. Comme le relèvent la Partie adverse et aussi la

Sentence arbitrale du 31juillet 1989~~. le Sénégala soutenu, au cours de
l'arbitrage, que le concept de la ligne unique domiiiait le Comproniis et qu'il
fallait déduire de cette circonstance. combinée avec le fait qu'une réponàe

la seconde question était interdite en cas de réponseaffirniatàvla première
question, que la limite des 240", si elle était reconnue comme étant valide et
applicable, allait valoir pour tous les espaces marins des Parties et sur toute

leur étendue. Cette construction. non retenue par le Tribunal dans sa
Sentence. était palfaitenient possible. L'interprétation résultant de la
Sentence du 31juillet 1989 l'étaitaussi: ayant répondu par l'affirmativà la

première question, le Tribunal ne pouvait plus se pencher sur la seconde.

90 M.. par. 139-146.

91 Suqo. par. 107.

92 Par. 81. Cette première question était strictement limitée au contexte de l'Accord de

1960, de sorte que, le concept de la zone économique exclusive étant inconnu
en 1960, la déliniitatioii des zones économiques exclusives était une question

non posée; répondre à celle-ci aurait pi1 constituer un excès de pouvoir.
L'interprétation ainsi retenue par le Tribunal respecte parfaitement le
concept de la ligne unique puisque la "frontière en mer" résultant de

I'applicabilité de l'Accord de 1960est en effet unique.

111. La seule thèse qui, décidément, semble insoutenable est celle
avancée aujourd'hui par la Partie adverse, car elle va à I'ericontre du texte
absolument clair de l'article 2 du Compromis. disposition-clé de cet

instrument. En fait. ce que la Guinée-Bissau prétend au.iourd'hui, c'est
qu'elle s'est trompée lorsqu'elle a formulé les questions à poser au Tribunal

sous la forme d'une alternative,et qu'elle aurait du insister sur une question
supplémentaire, une sorte de questioii 1 b, qui aurait suivi la première
question et dont la teneurapproximativeaurait étéla suivante:

"En cas de réponse affirmativeà la première question, et à
supposer que 1'Echange de lettres du 26 avril 1960 fasse droit
entre les Parties pour ce qui est des mers territorialedes zones
contiguës et du plateau continental, la ligne divisant les zones
économiques exclusives ou zones de êcheest-elle identique à la
frontière tracée par 1'Echange de Pettres ou s'écarte-t-elle de
celle-ci?"

112. Pourquoi la Guinée-Bissau a-t-elle négligéde faire poser cette

question ? On est. sur ce point. réduit à des conjectures. Peut-être s'agit-il
d'une simple inadvertance. Peut-étre la Partie adverse était-elle si sure qu'une

réponse négative serait donnée à la première question qu'elle ne voyait pas la
nécessité de la question 1a. Peut-être, et c'est là I'explicatioii la plus
probable. s'accordait-elle avec le Sénégalpour penser que I'aziniut 240".

retenu en 1960 coniiile ligne divisoire du plateau continental, à la suite de
I'évolution du droit international. s'étendait déjà en ce qui concernait ce

plateau, jusqu'à la limite des 200 milles eii raison de l'évolution du droit
international général: de plus, seloii cette explication. les Parties étaient

d'accord que la ligne retenue dans la Sentence du Tribunal -qu'il s'agit de
celle convenue en 1960 ou d'une autre ligne déterminée par le Tribunal -
selvirait de frontière maritime unique, valable égaleheiit pour les zones

économiques exclusives ou zones de pêche. Si cette explication est la bonne.
il n'était effectivement pas nécessaire de poser la questiob.1 113. En fait, la Sentencearbitrale du 31juillet 1989n'écartepas cette
hypothèse, mais elle la considère comme n'entrant pas dans le champ de la
première question. Autrement dit, la Seiiteiice n'a pas pour effet de laisser

incomplète la frontière. Elle répond correctenieiit et de manière exhaustive
la première question. La frontière est complétéeetpar l'effet de l'évolutiondu
droit international général et par la pratique des Parties consistant à

considérer la frontière du plateau continentalcomme s'étendant aux eaux
surjacentes. Ainsi, la Guinée-Bissau revient aujourd'hui surce qui, lors de la
conclusion du Compromis le 12mars 1985, étaitun point de vue commun aux

deux Parties et, pour arriverà ses fins, cherchà rendre le Tribunal arbitral
responsable du fait de n'avoir pas répoiidu à une question que les Parties
n'avaient pasposée.

114. L'article 31, paragraphe 3, lettre b, de la Convention de Vienne
sur le droit des traités, qui se rapporte au contexte au sens large, se réfère

notainment à la conduite ultérieure des II suffit de rappeler, surce
point, les propos tenus par la Guinée-Bissau dans le Mémoire présentédans
le cadre de déjàcitésau paragraphe 91 ci-dessus. II en ressort

qu'au début de la procédure arbitrale, la Partie adverse avait exprimé. sur la
signification des neuf mots précédant la seconde des vues
identiques à celles du Sénégalet à celles ultérieurement adoptées par le

Tribunal.

115. Le contexte au sens large comprend aussi "toute règlepertinente

du droit international applicabledans les relations entre les Parties" (article
31. paragraplie3, lettre c. de la Convention de Vienne sur le droit des
traités). Entre dans cette catégorie la règle de l'interprétation stricte des

limitations de souveraineté et,particuliérement, des clauses attributives de
j~ridiction~~. Conime le révèlela jurisprudence relative à des dispositions
comparables à l'article 2 du Compromis du 12 mars 1985, posant des

questions alternatives ou subordonnées les unes aux autres - que l'on songe

93 b, par. 69.

94
Mémoire de la Guinée-Bissau. chap. 1, p. 34-35, Livre 11,Annexes au
Mémoirede laGuinée-Bissau.

95 a, par. 72-78. aux affaires de Palmas et des Minauiers et ~créhous~~- une interprétation
textuelle particulièrement rigoureuse s'impose pour de telles dispositions.
C'est une interprétation de ce genre, qui en l'espèce, a étépréconiséepar le

Tribunal arbitral et le Sénégalpour l'article 2 du Compromis du 12mars 1985.

116. Ainsi les arguments textuels et contextuels se rejoignent

parfaitement: pas de réponse à la seconde question en cas de réponse
affirmative a la preniiérequestion. La Guinée-Bissau n'a pas non plusaréussi
"établir", bien que I'article 31, paragraphe 4, de la Convention de Vienne sur

le droit des traités lui en ait donné la possibilité, que le texte de I'article 2 du
Compromis de 1985 doit être"entendu dans un sens particulier". II est vrai
que .la preuve exigéeest difficiàefaire puisqu'il faut établir une volonté
commune des Parties de s'écarter de l'apparence crééepar le texte. De toute

évidence, cette volonté faisait défaut, notamment du côté du Sénéu,l.
enfin, des moyens complémentaires d'interprétation visésà I'article 32 de
cette Convention, en particulier des travaux préparatoi?eLe recoursàce

dernier moyen, on le verra, vientà son tour confirmer l'interprétation de
I'article 2 du Compromis telle qu'elle résultede la Sentence du 31juillet 1989.

117. Au paragraphe 140 de son Mémoire, la Partie adverse seréfère
aux travaux préparatoires du Compromis du 12 mars 1985 qui, selon elle,
"éclaire[nt] I'articulation des deux questions" dont la formulation aurait été
emportée "à l'arraché lors d'une rencontre au plus haut niveau". Autrement

dit. les formules figuraàI'article 2 du Compromis du 12mars 1985seraient
de dernière minute. Sans doute cette prétendue circonstance est-évoquée
pour suggérer qu'une certaine hâte aurait entouré les négociations, ce qui

pourrait expliquer le libellédes deux questions, imparfait du point de vue de
la Partie adverse. Cette suggestion ne correspond en aucune nianiéreà la
réalité, comme le montre la description des travaux préparatoires aux

paragraphes 80 à 90 ci-dessus. Cette description révèle qu'untexte proche de
celui qui a finalement étéretenu fut discutédès le 26 avril 1984~~.Le libellé

96 Supi.a p.r. 77-78.

97 w, par. 70.

98 a. par. 84.de l'article 2 n'avait donc rien d'arraché ni d'improvisé, contrairemenàce
que cherche à insinuer la Partie adverse.

118. C'est bien plutôt sur le plan du conseiltement que des difficultés
ont subsisté jusqu'à la dernière minute. La Guinée-Bissau semblait avoir
accepté, lors de la séance du 26 juin 1984 de la Sous-Commission C, un

article 2 comprenant uniquementlaquestion de la validitéet de l'opposabilité
de 1'Echange de lettres franco-portugais, à la condition que les Parties
s'engagent à négocier ensuite une solution en cas de nécessité99. On se

souviendra que cette concession fut partiellement retirée par la Partie adverse
au cours de la séancede la Sous-Comniission du 8 novembre 1984;laGuinée-
Bissau exigeait désormais que, en cas de ré~onse négative à la ~remiére

auestion, les Parties acceptentà l'avance, dans leur Compromis, d'engager
un processus de négociation assistépar le~ribuiial'~~. Le Sénégas'opposa à
cette exigence; il estimait en effet que, dans l'éventualitéd'une réponse

négativequant à I'applicabilité de l'Accord de 1960, une délimitation ex novo
devait, en priorité, être recherchéepar la voie de la négociation plutôt que
par celle de l'arbitrage. Ainsi le Sénégal rejetala nouvelle exigence de la

Guinée-Bissau. C'est sur l'insistance de cette dernière que les chefs des deux
Etats se réunirent alors en mars 1985et qu'un accord intervint autour d'une
formule oui étaitsur la table de négociation deouis le 26 avril 1984.

119. Pour faire triompher la thèse de la Partie adverse, les procès-
verbaux de la Sous-Commission C auraient dû permettre d'établir sans la

moindre équivoque une intention commune des Parties de conférer aux mots
"En cas de réponse négative ..."une portée différentede celle qui ressort de
leur sens naturel et ordinaire. Or on ne trouve, dans les procès-verbaux en

question, pas le moindre indice dalis ce sens. Bien au contraire,pour clarifier
encore le sens de la'foriiiule "En cas de réponse négati.",les mots"à cette
question" furent ajoutes en dernière niiiiute. Cette adjonctionà lie pas eii

douter, est de natureàrenforcer l'interprétation qui se dégagedu sens naturel
et ordinaire de la formule. II est certain que, s'il y avait eu la moiiidre
intention commune d'envisager l'hypothèse des réponsespartielles, on aurait

renoncé à cette adjonction et libellé le texte de l'article 2 de manière

99 m, par. 86

loO m. par. 87-89. différente, ou du moins consigné dans un procès-verbal I'intention en
question. Rien de tout cela n'a étfait. Il est vrai que, en souscrivant au texte
retenu, la Guinée-Bissau aurait pu faire une réservementale. Mais l'existence

d'uiie telle réserve n'a pas été établieà preuve la manière dont la Partie
adverse elle-nième a interprété le Compromis au début de la procédure
arbitralelOl. Et, mêmesi elle l'avait été,cette réserve serait dénuéede

pertinence: en effet, seule I'intention commune des Parties conipte. Aucune
preuve d'une telle intentionne peut ètre déduite des travaux préparatoires.

120. On pourrait en rester là s'il n'y avait l'argument de la Guinée-
Bissau suivant lequel son interprétation actuelle de l'article 2 du Compromis
du 12mars 1985serait justifiéepar l'équilibredes concessions faites de part et

d'autre: la Guinée-Bissau en acceptant la première question. le Sénégalen
souscrivant. au "principe d'une délimitation Cette
argumentation repose toutefois sur une pétition de principe:la Partie adverse

considère l'acceptation par le Sénégal du "principe de la délimitation
complète" comme un élémentacquis dans le jeu des concessions mutuelles
alors qu'il s'agit précisément,pour elle, de prouver que cette acceptation est

intervenue malgréle texte clair et net de l'article 2du Compromis.

121. L'analyse des négociations révéle une réalité différente.

Estimant bénéficier d'un accord de délimitation prinia facie valable, le
Sénégaln'était pas particulièrement pressé de soumettre la question de sa
validitéà des tiers; tout au plus avait-il intéàèfaire constater cette validité

pour pouvoir enfin exploiter eii toute liberté les espaces marins au Nord de
l'azimut 240". 11n'avait en revanche aucun intérèt à consentir, au cas où
l'Accord franco-portugais serait déclaré inapplicable, une délimitation

nova par le Tribunal arbitral, iie serait-ce qu'en rais011de l'absence de toute
véritablenégociation préalable portaiit sur une telle délimitation. La Guinée-
Bissau. quant à elle. tenaià l'arbitrage, seul moyen pour elle d'ébranler le

statu quo: elle tenait surtoutà se ménager la possibilité d'une délimitation
juridictionnelle ex novo, tant elle était persuadée de la nullité et de
I'inapplicabilité totales de cet Accord. Pour s'assurer du consentement du

Sénégal,la Partie adverse devait toiitefois rester modéréedans ses exigences.

m, par. 91-92.

'O2 Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 141. 122. Etant presque certaine de l'invalidité ou de l'inopposabilité
intégrales de I'Echange de lettres de 1960, la Guinée-Bissau croyait po~v~ir

proposer, sans trop d'inconvénients pour elle, dès le 26 avril 1984, la formule
"En cas de réponse négative ..." qui précéderait la question ayant trait à la

délimitation ex novo par le ~ribunal. Pour la Guinée-Bissau, cette formule
présentait I'avantage de maintenir la possibilité d'une délimitation
juridictionnelle ex novo. Pour le Sénégal, elle coniportait l'avantage de

limiter l'éventualité d'une telle délimitation à la seule hypothèse d'uiie
réponse négative à la question de la validité et de l'opposabilité de l'Accord

de 1960. Ce sont les modalités de cette éventuelle déliniitation ex novo qui
allaient par la suite former l'enjeu des pourparlers. Le Sénégalayant décliné

la proposition faite par la Guinée-Bissau, celle-ci suggéra, en date du 30 mai
1984, qu' "en cas de réponse négative" à la première question, une procédure

mixte de négociation et d'arbitrage soit envisagée. Le Sénégalne crut pas
davantage pouvoir souscrire à la formule suggérée. celle-ci lui paraissant des

plus nébuleuses.

123. Ce n'est qu'en mars 1985que le Sénégal.par respect de l'idéedu
règleiiient juridictionnel des différends, accepta à contre-coeur, non pas cette

formule très peu transparente, donc techniquement déficiente, mais celle
qu'avait suggéréela Partie adverse désle 26 avril 1984. Prudencedu Sénégal,
souci de la Guinée-Bissau de ne pas trop indisposer soli partenaire afin

d'aboutir à la coiiclusion d'un Compromis, réticence du Sénégald'acquiescer
à une délimitation ex novo par le Tribunal arbitral sans que cette question soit

passée par le canal normal de la négociation. quasi-certitude de la Guinée-
Bissau qu'une répoiise intégralement négative serait donnée à la première

question. voilà toute une gamme d'éléments qui font que I'iiiterprétation
extensive de l'article 2 du Compromis de 1985tentée aujourd'hui par la Partie

adverse ne saurait être déduite dit déroulement des négociations. Ni les
comptes rendus des iiégociatioiis iiiles élénientsqui étaient à la base de

. celles-ci ne fournissent le moindre indice que la "concession" qu'aurait offerte
la Guinée-Bissau - on peut du restese demander si ce terme se justifie puisque
le fait de permettre au Sénégalde poser la question de I'applicabilité de

l'Accord de 1960 équivalait simplenient à l'autoriser à faire valoir un moyeii
juridique qu'il possédait déjà - entraiiiait,du côté de son opposant, la

permission d'examiner la seconde question dans toutes les hypothèses pour
aboutir à une délimitation complète. Eii réalité,le auid uro auo consenti par le Sénégalconsistait, comme le dit le texte de I'article 2 du Compromis, à
tolérer l'examen de la seconde question "[eln cas de réponse négative à la

première question".

Section VII. L'interprétation de I'artic9, paragraphe 2, du Compromis du
12 mars 1985

124. L'article 9,paragraphe 2, du Compromis de 1985dispose que la

"décision doitcomprendre le tracé de la ligne froiitière sur une
carte. A cette fin, le Tribunal sera habilité à désigner un ou des
experts techiiiques pour l'assister dans la préparation de cette
carte" (souligiiépar le Sénégal).

Dans l'argumentation de la Guinée-Bissau. cette règlejoue un double rôle.
D'une part, elle rappelle apparemment le principe de la ligne unique déjà

énoncé à la seconde question figurant à I'article 2 et, par là, conforterait la
thèse selon laquelle le Tribunal arbitraavait l'obligation de répondre à cette
question103; cet aspect de l'argumentation guinéenne a déjà étéétudiéaux

paragraphes 109 et 110 ci-dessus. D'autre part, la règle eii cause pose. selon
la Partie adverse, une exigence absolue pour le Tribunal arbitral: celle de

tracer la ligne frontière décidéepar lui sur une carte. "Pasde carte. pas de
décision". dit le Mémoire de la Partie adverselo4.

125. Cetteargumentation, sielle séduitpar sa simplicité, n'en soulève
pas moins certainesinterrogations. L'article 9, comme toutes les dispositions

du Compromis, doit êtreinterprétéà la lumière de son contexte. Ce dernier
englobe I'article2 puisque le paragraphe 1 de I'article 9 y renvoie
expressément. L'article 9, paragraphe 2, on vient de le direlo5, demande

I'etablissenient d'une carte reproduisant "le trace de la ligne frontière". Les
mots "le tracé de la ligne" se retrouvent dans le libelléde la seconde question

figurant à I'article 2, mais nofi dans celui de la première question. On peut y
voir un indice pour limiter l'obligation que I'article 9, paragraphe 2, met à la

Ibid., par.144-146.
-

IO4 Ibid.. par. 145.

m. par. 124. charge du Tribunal au seul cas oii celui-ci auraià se pencher sur la seconde
question, indice qui est renforcé par la mention, dans cette même

disposition, d'un expert ou d'experts qui assisteraient le Tribunal dans la
préparation de la carte; or, de toute évidence, le recoursàun ou à plusieurs
experts n'allait êtrenécessaire que dans le contexte d'une délimitation

m, donc dans le cadre d'une éventuelleréponse à la seconde question.

126. Mais, quoi qu'il en soit, l'argumentation du Sénégalpeut
s'appuyer sur une simple considération de bon sens: l'obligation de tracer la
ligne sur une carte n'a d'utilitéque dans la mesure ou elle répoadun besoin;

elle n'a pas pour but de compliquer la tâche du Tribunal. Une interprétation
de l'article 9, paragraphe2,imposant au Tribunal le devoir de tracer la ligne
sur une carte en toute circonstance devrait êtrequalifiéede déraisonnable et

absurde au sens de l'article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités. Or la nécessitéde reporter la ligne sur une carte faisait défaut en

l'espèce. Comme le note le Tribunal aux paragraphes 85 à 87 de sa Sentence
du 31juillet 1989, la ligne des 240". reconnue commeétant la frontière en mer
entre les Parties, est qualifiéede loxodromie qui se prolongejusqu'à la limite

des 200 milles; elle est ainsi totalement déterminée. Joindre uiie carteà la
décision eût étéparfaitement superflu.

Section VIII. Lesarticles 4,9, paragraphe 1, et 10, paragraphe 1, du
Compromis du 12 mars 1985

127. Une des questions majeures soulevéepar la Partie adverse est
celle de savoir' si la Sentence du 31juillet 1989 repose sur uiie décision

valablement prise. Les Parties s'accordent pour direqu'aux termes de I'article
4du Compromis, le Tribunal ne pouvait "statuer" que s'il étaitau complet et
qu'il devait prendre ses décisions, en particulier adopter le dispositif de la

Sentence, à la majorité de ses membres. D'après la Guinée-Bissau. la
Déclarationjointe à la Sentence par M. Barberis, Présidentdu Tribunal. rend

. "inexistente" la Sentence. car son contenu est en contradiction avec le vote
du Président favorable au dispositif. Cette argumentation sera examinée et
réfutée plusloin. aux paragraphes 161à 175du présentContre-Ménioire.

128. Pour renforcer la tlièse de l'"inexistence" de la Sentence du 31

juillet 1989et dans le but généralde discréditer celle-ci, la Partie adverse fait
grand cas de l'*'étrangeabsence" de l'arbitre Gros lors de la séance du 31 juillet 1989, lors de laquelle la Sentence fut conimuniquée aux Parties. Tout
en admettant qu'à cette occasion le Tribunal n'était pas appelé à "statuer",

au sens de l'article 4 du Compromis de 1985, la Guinée-Bissau croit pouvoir
"souligner l'affaiblissement que cette absence occasionnait a l'autorité du
Tribunal". Et la Partie adversed'avancer une sériede conjectures qui, toutes,

insinuent que M. Gros étaitresponsable de certains aspects de la Sentence,
qu'il ne voulait pas "assumer par sa présencephysique la responsabilitéde ses

choix" et que son absence étaitmotivéepar le fait que

"la déclaration du président avait défait ce qui avait semblé (en
apparence seqbpent) se faire par la signature du texte donné
pour sentence ."

129. Pour apprécier cette argumentation, ilfaut êtreclair sur le sens à

attribuerà l'articl4 du Conipromis. Le paragraphe 1de cet article requiert la
présence de tous les membres lorsque le Tribunal "statue". La Partie adverse

n'établit nulle part - et n'allègue mémepas - que, lorsque le Tribunal a
"statué", c'est-à-dire approuvé le dispositif de sa Sentence, il n'était pas au
coniplet. L'article 4, paragraphe 2, eiijoiiit au Tribunal de prendre ses

décisions à la majorité. 11n'y a pas le moindre doute que cette prescription a
elle aussi étéscrupuleusement respectée. Le paragraphe 88 in fine de la
Sentence du 31juillet 1989montre en effet que la Sentence fut approuvée à la

majoritéde deux voixcontre une.

130. L'adoption de la Sentence ne doit pas être confondue avec la
coinmunication de celle-ci aux Parties, matière réglée aux articles 9,
paragraphe 1,et 10. paragraphe 1.du Conipromis. L'article 9. paragraphe 1.

ne prévoitni quoruni ni forme pour cet acte: il se borne àcharger le Tribunal
de "faire connaitre" sa décisionaux deux Parties. L'article 10, paragraphe 1.
prescrit, quant à lui. qu'il est reinis une copie coiiforme de la Sentence a

chaque Partie. Aucune présence ii'est donc requise. et la comrnuiiicatioii de
la Sentence aurait fort bien pu êtreeffectuée par correspondance. Ainsi le

. texte mêniedes règles pertinentes du Conipromis interdit à la Partie adverse
de tirer une conclusion quelconque de I'absence de M. Gros. Cela dit. et
comme tous les participants à la procédure arbitrale le savent parfaitemeiit

bien. I'absence du juge Gros était due à des raisons très différentes de celles
invoquéespar la Guinée-Bissau.

'O6 Mémoire de la Guinée-Bissau. par. 130. Section IX.Conclusion

131. Les conclusions qui se dégagent du présent chapitre peuvent étre

ainsirésumées:

1) En interprétant le Compromis du 12 mars 1985, notamment son
article2,comme il l'a fait, le Tribunal arbitraa exercé la compétence de sa

compétence dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est et qui doitètre
le sien.

2) Indépendamment de cette constatation, l'interprétation

textuelle qui doit êtrefaite de I'article 2 du Comproinis ne souffre pas le
moiiidre doute: le Tribunal n'était pas habilité à répondre à la secoiide
question parce qu'il avait donné une réponse affirmative à la première

question. Cette conclusion est renforcée par l'application de la règle contra
proferentem: puisque c'est la Guinée-Bissau qui a proposé le libellé litigieux,

elle doit admettre que celui-ci soit interpréàéson désavantage.

3) Le Tribunal, en examinant la première question, l'a fait dans le
cadre strict du libellé de celle-ci. Pour éviter de conimettre un excès de

pouvoir, il n'a ni répondu à la question non posée de la délimitation de la
zone économique exclusive dans le cadre de l'Accord de 1960- l'hypothétique
question I & -ni retenu l'argument de la Partie adverse d'après lequel il

fallait répondre aux deux questions en tout état de cause. Parler, dans ces
conditions, d'un excès de pouvoir. comme le fait la Guinée-Bissau, semble

pour le moins inapproprié.

4) L'exanien du contexte de l'article 2 du Comproniis confirnie
l'interprétation textuelle résuméeau point 2) ci-dessus. Rien, en effet. ne
permet d'affirmer que le Tribunal avait pour mission d'aboutir. dans toutes

les éventualités. à une délimitation complète de l'ensemble des espaces
maritimes des Parties.

5) Cette constatation est renforcée par des éléments relevant du

contexte au sens large. en particulier par la manière dont la Guinée-Bissau
elle-même,d'accord avec le Sénégal,a interprétél'article 2 du Compromisau

début de la procédure d'arbitrage. On mentionnera aussi la règle de droit international - applicable dans les relations entre les Parties - de

I'interprétation stricte des textes attributifs de compétence, règle qui
n'autorise certainement pas les débordements juridictionnels préconisés par

la Partie adverse, comme le confirme d'ailleurs la jurisprudence
interiiationale pertinente. Du reste, ces débordements s'accordent mal avec
la rigueur dont la Guinée-Bissau dit vouloir faire preuve dans l'interprétation

du Compromis.

6) L'interprétation du texte. placé dans son contexte, qui a été
opéréepar le Tribunal est ainsi corroborée par tout un faisceau d'arguments.

La Paitie adverse n'a pas démontré son caractère manifestement absurde ou
déraisonnable. Elle n'a pas davantage montré que I'interprétatioii en cause a
conduit à un résultat ambigu ou obscur. Elle n'a pas établi, enfin, que la

voloiité réelle des Parties au moment de la conclusioii du Compromis
s'écartait du sens de celui-ci tel qu'il se dégageait du texte. Enfin, le recours

aux travaux préparatoires ne suggère en aucune manière que l'article 2 du
Conipromis pourrait avoir le seils que la Partie adverse cherche maintenant à

luiattribuer.

7) L'obligation de tracer la ligne frontière sur une carte, prévue à
l'article9,paragraphe 2, du Compromis de 1985, n'existe que dans le cadre
d'une éventuelle réponse à la seconde question. Mais, même s'il en allait

autremerit, le recours à une carte aurait étéinutile puisque la Sentence du
31juillet 1989définit la frontièreen mer retenue avec la plus grande précision.

Or on ne saurait interpréter le Compromis d'arbitrage de façon à imposer au
Tribunal des démarches superflues; une telle interprétation serait

déraisonnable et absurde.

8) Rien dans les dispositions du Compromis relatives à la
corninunication de la Sentence arbitrale (articles9. paragraplie 1, et 10.
paragraphe 1) ne permet à la Partie adverse de tirer uii aigunient quelconque

. de l'absence du juge Gros lors de la séance du 31juillet 1989 au cours de
laquelle la Sentence fut communiquée aux Parties. CHAPITRE IV

APROPOS DE LAPRETENDUE INEXISTENCE OU DE LA

PRETENDUE NULLITE DE LASENTENCE ARBITRALEPRONONCEE
ENTRE LAGUINEE-BISSAU ETLESENEGAL LE31 JUILLET 1989

132. Dans les Conclusioiis de son Mémoire, le Gouvernement de la
Guinée-Bissau a priéla Cour internationale de Justice de direet juger:

"-que la prétendue 'sentence' du 31juillet 1989 est frappée
d'inexistence par le fait que, des deux arbitresayantistitué en
a,paparcune déclaratioiitéannexe,euexprimé une opinionentenen'. l'un
contradiction avec celle apparemment votée";

"-subsidiairement que cette prétendue décision est fia pée de
seconde question posée par lecoiiipromis d'arbitrage, alors que
sa réponse à la première question ouvrait la nécessité d'une
réponse a la seconde, ne s'étant pas conformé aux dispositions
du conipromis arbitralpar lesquelles il était demandé au
Tribunal de décider sur la délimitation densenible des espaces
maritimes. de le faire par une ligneque et d'en porter le tracé
sur une carte et n'ayant pas motivé les restrictions ainsi
abusivement apportées à sa compétence".

L'une et l'autre de ces deux thèses, avancées par la Guinée-Bissau à l'appui
de sa Requëte du 23 aout 1989, sont les fruits d'une présentation tendancieuse

des événements qui se sont produits à l'époque de la conclusion de la
procédure arbitrale ainsi que d'une ii~auvaise application des règles
pertinentes du droit internationalLe Sénégalmettra ci-après en évidence les

insuffisances manifestes dont souffrent les afirmationde la Guinée-Bissau
dans cette affaire.

Section 1. Laquestion del'inexistence d'unesentence arbitrale

A. DANS LADOCTRINE

133. La question de savoir si certaines senteiicearbitrales peuvent
ëtre qualifiées d'"inexistantes" est très controversée dans la doctrine du droit international. Parmi les auteurs qui se sont prononcés en faveur d'une telle
possibilité,l y a lieu de mentionner S. ~undsteinlO~ et P. Guggenheimlo8.
Mais d'autres auteurs sont d'un avis contraire - et parmi ceux-ci il suffit de

citerL. Brierly'O9- ou bien n'ont pas caché leur perplexité, comme l'a fait
G. ~orellil Io.

134. L'impression d'ensemble qui se dégage de cette querelle
doctrinale peut être résuméede la façoii suivante. Sans aucun doute, la

catégorie des sentences arbitrales inexistantes a étéconstruite en prenant
comme point de départ les priiicipes générauxdu droit qui admettent
l'hypothèse que certaines actions produisent des actes inexistants et non pas

des actes nuls ou aniiulables. Des motifs d'ordre logique ont incité certains
auteurs à affirmer que les décisions n'ayant pas d'existence juridique ne sont
pas susceptibles de constituer des jugements (Rundstein). La tendance

principale a étéd'identifier la négation de l'existence juridique avec l'absence
radicale de compétence duiuge. En général,un acte est qualifiéd'inexistant

"quand des individus ou des entités juridiques élèvent la
prétention d'avoir crééun acte juridique, bien que les élénients
d'un tel acte fassentàtel qypt défautque, de toute évidence, il
ne saurait eii ètrequestion " (soulignépar le Séiiégal).

Ce passage, tiré d'un cours doriiié par le Professeur Guggenheim à
l'Académie de droit interiiatioiial de La Haye, renvoie à l'évidence. donc à
des éléments qui obligent tout interprète de l'acte à en reconnaitre

l'inexistence. Le mëme passage précise les cas dans lesquels un acte serait
considéréinexistant: lorsqu'il est établi par un sujet incapable de créer des

actes en droit international; lorsqu'un sujet capabledépasse ses compétences

'O7 Rundstein. OD. cit.. note 33.

'O8 Guggenheini, OD. cit.. note 30.

'O9 Brierly. ov:cit.. note 29.

processo internazionale, Milan, Giuffrè, 1963, p. 145-166.zionalih: Studi siil

Guggenheim. OD.cit.. note 30, p. 203. sans ètre en mesure de produire un effet juridique quelconque; ou enfin

lorsque I'acte, bien qu'il émane d'un sujet qui agit dans le cadre de ses
con~pétences, n'est pas en mesure de produire des effetsjuridiques1I2. 11faut

ainsi noter l'importance décisive attribuée à la situation du sujet de I'acte
ainsi qu'à la mesure dans laqiielle I'acte est susceptible d'avoireffectivement
un résultat.

135. Néanmoins, comme le Sénégal a déjà eu l'occasion de

l'expliquer aux paragraphes 56 à 61 du présent Contre-Mémoire. ces
considérations n'ont qu'une valeur purement théorique en droitinternational.

L'objection soulevée par Brierly reste valable. Ily a déjà soixante ans, cet
auteur avait remarqué que la distinction entre la nullité et l'inexistence ne

saurait ètre transposée du droit étatique au droit international parce qu'elle
s'entend seulement dans un ordre juridique qui dispose d'un système
judiciaire organisé et qui connait le mécanisme de la révision. Plus

exactement, on pourrait dire que la distinction est liéeà la présence d'un juge
qui a le pouvoir de prononcer l'annulation de certains actes. C'est bien sur la

base de l'existence de la distinction en cause dans le cadre du droit étatique
quedes experts renommés en droit administratif français ont pu affirmer: "II

appartient au juge, non pas d'annuler un acte inexistant, mais d'en constater
la nullité113." La procédure d'annulation des actes invalides (bien
qu'existants) est donc correctement distinguée ici de la constatation de la

nullité des actes inexistants. Par contre. dans un ordre juridique qui ne
connait pas de juge de I'annulation, tel que le droit international, la

distinction entre nullité et inexistence reste purement théorique. On ne peut
donc que se rallier à I'obsewation formulée par G. Morelli d'après laquelle il

n'y a aucune différence, du point de vue des conséquences juridiques, entre
l'inexistence et la nullité absolue d'une sentenceinternationale.

A. Balasko. pour sa part, affirnie que "dans le domaine du droit des
gens. on ne peut parler d'iiiexisteiice juridique de lasentence arbitrale qu'au
cas où le pouvoir de juridiction internationale fait défaut au tribunal". o~-
-it.. note 33, p. 147.
Il3
J.M. Auby et R. Drago, ~raité'du contentieux administratif, Paris.
Librairie généralede droit etde jurisprudence, 1984. vol.II. p. 444. B. DANS LESPROJETS DE CONVENTION EN MATIEREDE
PROCEDURE ARBITRALE

136. L'exposé de la doctrine qui précéde permet de comprendre
pourquoi le Projet de convention adopté en 1955par la Com~iiissiondu droit

internatioiial desNations Unies en matière de procédure arbitrale a prévu,eii
son article30 figurant dans un chapitre intitulé: "La nullité", que la validité
d'une sentence peut ètrecontestée par toutepartie pour trois raisons (que l'on

va considérer bientôt), mais n'a oint évoquéla notion d'inexistence. De
même, seule l'hypothèse de la nullité de la sentence arbitrale avait été
envisagée à l'article 27 du projet de règlement de procédure arbitrale

iriternationale adopté par l'Institut de droit internatioàasa session de La
Haye de 1875~~~.

Section II. Laprétendueinexistence de la Sentence du 31 juillet 1989

137. 11convient maintenant d'analyser le raisonnement qui a amené

la Guinée-Bissau à affirmer que la Sentence arbitrale du 31juillet 1989 -
qu'elle appelle "la prétendue Sentence" - devrait étre considérée comme
iiiexistante. Ce raisonneiiieiit figure aux pages 5à 62 du Mémoire de la

Guinée-Bissau.

138. La Cour notera, en premier lieu, que le Gouvernement de la
Guinée-Bissau s'interroge sur l'autonomie de la notion d'inexistence. II
affirine cette autonomie dans le titre qui précéde le paragraphe 159

("L'inexistence comme catégorie distincte de la nullité"). II va jusqu'à dire
que le terine "inexistence" est réservéau coù un élément indispensable à la
réalitéde la sentence est absent (ici, l'élémentfaisant défaut serait "uiie

majorité au sein du Tribunal"). Toutefois. en annonçant qu'elle plaidera. à
titre subsidiaire, la nullitéde la Sentence pour excèsde pouvoir des arbitres.
la Partie adverse notel15: "II s'agit d'une nullité absolue si grave, qu'elle

. entraine l'inexistence de l'act.".L'inexistence finit donc par correspondre
àun degréde la nullité.A vrai dire. cet argument avait déjàétéexprimédans

l4 Institut de droit international. Tableau généraldes résolutions 1873-
1956, Bâle, Editionsjuridiques et sociales, 1957,p. 153.
-

115 Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 163. le passage suivant: "[Clertaines nullités sont si graves que l'invalidité
précipite alors les sentences qui en sont frappées dans I'abime de

l'inexistence l16". Plus loin, la Guinée-Bissau parle d'une "apparence de
volonté", qui "s'est expriméede manière viciée (excèsde pouvoir et défaut de
motivation)". Et elle finit par conclure: "Là est le cas de nullitéabsolue (qui
117-
vajusqu'à I'inexistence) .

139. Par conséqueiit, la frontière censée séparer la nullité de

I'inexistence est des plus imprécises dans le Mémoirede la Guinée-Bissau. II
semble qu'en réalitéla Partie adverse, sans trop se soucier de l'autonomie de
la notion d'iiiexistence - dont elle reconnaît d'ailleurs qu'elle a les mêmes

conséquences que la nullitéabsolue - ait tendance à mêle res trois vices
qu'elle attribueà la Sentence arbitrale: la prétendue absence de majorité au
sein du Tribunal. le prétendu excèsde pouvoir des juges et le prétendu défaut

de motivation. Pour le Sénégal, l'analyseconcrète de chacun de ces "vices".
qu'il coiiviendra de confronter aux données réelles de l'espèce, a
certainement plus d'intérêt que l'examen du cadre dans lequel les affirmations

théoriques de la Guinée-Bissau viennent seplacer.

140. En secoiid lieu. l'allégation essentielle de la Partie adverse
consiste à dire que le dispositif de la Sentence, qui affirme que: "le Tribunal
décide par deux voix contre une 119...r, comporte une erreur et que la

Déclaration du Président, M. Barberis, démontre, au contraire, qu'aucuiie
majorité n'a existé. Cette Déclaration marquerait en effet le refus du
Président de faire partie de la majorité du collégearbitral; elle équivaudrait

donc à une coiistatation de dissidence, à une "déclaration de désaccord".
Elle annulerait en quelque manière le vote de M. Barberis en faveur de la
Sentence. de sorte qu'il n'y aurait pas eu de décision majoritaire comme

l'exigeait l'artic4, paragraphe 2, du Compromis du 12mars 1985. La
contradiction entre le vote du Président et sa Déclaration constituerait un

Il6 Ibid., par. 160.

-bid.,par. 166.

Ibid.. par. 162.
-

'119 Sentencearbitrale du 31juillet 1989. par. 88.vice essentiel empêchant la formation d'une volonté commune des deux
arbitresconcernés. IIn'y aurait mêmepas apparence d'une sentence valable:

celle-ci serait "inexistante". Le grief de l'inexistence aurait pour conséquence
le renversement du fardeau de la preuve: il appartiendrait au Sénégald'établir
120
l'existence de laSentence .

141. Afin de réfutercette dernière thèse, le Sénégalanalyserad'abord

la relatiori entre les décisions de tribunaux iriternationaux adoptées à la
majorité et les opinions ou déclarations émises par leurs membres. Cette
analyse permettra de placer ensuite dans un contexte généralles problèmes

de la valeur et duseris de la Déclaration jointe par M. Barberià la Senterice
arbitrale.

A. ANALYSEDE LARELATlON ENTRE LES DEClSlONS DE
TRIBUNAUX INTERNATIONAUX ADOPTEES ALAMAJORITE ET

LES OPINIONS OU DECLARATIONSEMISES PAR LEURS
MEMBRES

142. En ce qui concerne la pratique de la Cour internationale de
Justice, il està peine nécessaire de rappeler que ses arrêtsse composent

essentiellement de trois parties: l'analyse des faits, I'exposédes niotifs et le
C'est ce dernier qui,à proprement parler, forme la "décision"
revêtuedu caractère de res iudicata (article 59 du Statut de laur)122 et qui

doit êtreadopté à la majorité(article 55, paragraphe 1, du Statut).

143. 11 était déjà précisé, à l'article 57 du Statut de la Cour

permanente de Justice internationale adopté en 1922, que "les juges
dissidents auront le droit de joindre l'exposéde leur opinion individuelle".

I2O Ménioirede la Guinée-Bissau,par. 157-192.

121
Nguyen Quoc Dinh, Droit international public. 3e éd.. Paris, Librairie
généralede droit et de jurisprudence. 1987. p. 786.

122 C.P.J.I.. avis du 16 mai 1925 relatif au Service ~ostal oolonais à
Dantzig, C. P.J. I., sérieB.ri11, p. 29-30; opinion individuelle du juge Gros
dans l'affaire de la Barcelona Traction, secondephase (Belgique c. Espagne),
C.I.J. Recueil 1970, p. 267; Ch. De Visscher, As~ects récents du droit
procédural de la Cour iriternationale de Justice, Paris, Pedone, 1966, p. 179. dissidente par rapport au dispositif. Alors que cet article, pris au pied de la
lettre, n'autorisait que les opinions dissidentes au sens propre de ce terme, la

Cour permanente commença, à partir de 1923, àjoindre à ses arrêts etavis
consultatifs des opinions exposant des divergences relatives aux niotifs de la
décision plutôt qu'à son dispositif123. En même temps, sa pratique interne

autorisait les juges à faire des "déclarations" de disseiitinient iioii
Cette pratique fut codifiéedès 1926 àl'article 62 du Règlement.

L'article 62 avait la teneur suivante: "Les juges dissidents peuvent, s'ils le
désireiit, joindreà I'arrét soit l'exposéde leur opinion individuelle, soit la
constatation de leur dissentiment". En fait, lesjuges commençaient à utiliser

des déclarations, noil pas pour affirmer uii désaccord quelconque, niais pour
ajouter des éléments à la décision ou pour expliquer certains faits125. Ainsi,
dans lapratique. un rapprochenlent s'est opéréentreopinions individuelles et

déclarations. II a doiic fallu distinguer, dans la pratique de la Cour
permanente: 1)l'opinion dissidente, motivée (article 57 du Statut);

2) l'opinion individuelled'un juge, également motivée, "who.. . agrees with
the conclusion of tlie Court, but fordifferent reasoiis, prefers to give his owii
reasoning" 126; et 3) la déclaration (article 62 du Règlement de 1926)qui, en

pratique, peut êtremotivéeet exprimer soit une dissidence, soit un désaccord
avec les niotifs.

144. Le Statut de la Cour internationale de Justice reprit tel quel
I'article 57 du Statut dela Cour permanente, sauf que l'expression "les juges

dissidents" était remplacée par les mots "tout juge". Le changement ainsi
opéréoffrait une base juridique fernie aux opinions individuelles autant que

123 D'abord sur la base de décisions prises ad hoc et depuis 1926en vertu
de l'article 62 du Règlement de la Cour, cf. F. Jhabvala. "Declarations by
Judges of the International Court ofJustice". A.J.I.L., vol. 72. 1978.p. 836.

124 Voir l'affaire de la Carélie orientale. C.P.J.I.sérieB, no5. où la Cour
autorisa lesjuges Weiss, Nyholiii. de Bustamante et Altamira à faire état de
leur désaccord avec sa décision. Cette autorisatioii fut ultérieurenieiit
généralisée par une décision interne prise par la Cour permanente de Justice
internationale, cf. Jliabvala.oD,. , p. 835.

125 VoirJhabvala, OD. cit., p. 847et suiv., et les exemples donnés.

126 G.G. Fitzmaurice, The Law and Procedure of the Iiiternational Court
ofJustice, Cambridge, Grotius Publications, 1986,vol. 1, p. 2.dissidentes. La règlede l'article 57 fut repriàl'article 74, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour de 1946,qui étaitainsi libellé:

"Tout juge peut, s'il le désire, joindre l'arrêtsoit l'exposéde
son opinion individuelle ou dissidente, soit la simple
constatation de son dissentimeiit."

Ce texte devint l'article 79, paragraphe 2, duèglemelit lors de la révisionde
celui-ci en 1972, mais fut laisséinchangéquantà son contenu.

145. La pratique de la Cour internationale, quant à elle, s'alignait sur
celle de la Cour permanente. Les opinions individuelles ou dissidentes,
motivées, visaient à indiquer un désaccord soit avec les motifs, soit avec le

dispositif. Cette indication était naturellement fonction du vote du juge
concerné: opinion dissidente pour un juge ayant vote contre le dispositif,
opinion individuelle pour un juge ayant approuvé ce dispositif12'. La

pratique relative aux déclarations resta elle aussi ce qu'elle avait été à
l'époque de la Cour permanente, tout en prenant un essor considérable.
Tantôt ces déclarations se rapprochaient des opinions individuelles

puisqu'elles portaient sur les motifs de la décision et émanaient de membres
de la Cour qui avaient votéen sa Tantôt, niais plus rarement, elles
se heurtaient au dispositif et étaient l'oeuvre de juges dissidents129.

Autrement dit, et comme le relève la Partie adverse dans son Mémoire,

127
Sijthoff, 1973, p. 106, note 34: "Anopiiiion giveii by ajudge wlio supports the
view of the majority is called a separate opinion, and one given by a judge
who disagrees with the view of the ma.jority is called a dissenting opinion - a
formal distinction which refers primarily to the attitude adopted by the
individualjudge on the final vote and the operative clauses of thejudgment."

128
Voir à titre d'exem les les déclarations faites par les juges Gros et
Nouvelle-Zélandeos c. France), requëte de Fidjiéaàrfin d'intervention.C.1.J.t
Recueil 1974, p. 531-532et 536-537.

129 A titre d'exeni les on citera: les déclarations faites par lejuge Ignacio-
Pinto au siijet des a&ires relativeàla Com~étence en matière de ~êcheries,
fond (Royaunie-Uni c. Islande; République fédéraled'Allemagne c. Islande),
C. I.J. Recueil 1974, p. 35-38 et 208-1;la déclaration dujuge Zafrulla Khan
dans l'affaire de I'AoDei concernant la com~étence du Conseil de I'OACI
Zoricic concernant l'affaire du Detroit de Corfou. fond (Royaume-Uniu jugec.
Albanie), C.I.J. Recueil 1949, p. 37-38. l'étiquette "déclaration" ne permet pas, à elle seule, d'établir si son auteur
souscrit ou non au dispositif0 .

146. Un phénomèneintéressant a commencé à se manifester dans la
pratique de la Cour à partir des années soixante-dix. II s'agit de celui des
opiiiions individuelles ou déclarations émanant de juges qui ont voté en

faveur du dispositif mais expriment des réservessur ce dernier.

147. A ce propos, on se référera à l'opinion individuelle de Sir Gerald
Fitzmaurice en l'affaire de la Barcelona Traction, seconde phase (Belgique c.

~s~a~ne)l~l, où l'éminent juge dit avoir voté avec la majorité, "avec un
certain regret d'ailleurs"132. Dans I'opitiion individuelle qu'il éniit lors de
l'affaire du Sahara occidental133, M. Petrén indique qu'il a voté avec la

majorité, l'abstention n'étant pas admise, bien qu'il ait "trouvéinutile et par
conséquent inopportun que la Cour réponde à la question"134. Autrement
dit, M. Petrén a votépour le dispositif tout en s'en dissociant. Dans cette

mêmeaffaire, M. Ammoun, Vice-Président de la Cour, a souscrit àl'avis de
la Cour mais en s'estimant tenu de traiter, dans son opinion individuelle,

"de certaines questions qu'elle n'a pas abordées, et de certaines
autres qui exigent de plus amples développements, ou aui ont
recu une solution ou un traitement auxauels ie ne ~uis me
&'-'-'" (soulignépar le Sénégal).

M. Ainnioun n'aurait guère utilisé ce langage s'il avait étéentièrement

d'accord avec le dispositif: et pourtant. il a votéen faveur de ce dernier.

I3O Cf. Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 172.

I3l C. 1.J. Recueil 1970. p. 65..

132 Ibid.

133 C.I.J. Recueil 1975, p. 104.

134 Ibid.

135 Ibid., p. 83. 148. Dans l'affaire relativeà I'Inter~rétation de l'Accord du 25mars

1951 entre l'OMS et vote^^^, le juge Mosler observe, dans son opinion
individuelle, que

"le vote d'un juge en faveur de I'avis laisse inévitablement
ouverte la question de savoir quelle est sa pfjTre opinion sur
l'ensemble des problèmes poséspar larequête ."

C'est là une observation quiporte àcroire qu'un membre de la Cour, même
s'ila votépour le dispositif, n'approuve pas nécessairement tous les points de
celui-ci. Dans l'affaire concernant I'A~~iicabiIitéde I'oblipation d'arbitrage
en vertu de la section21 de l'Accord du 26 iujn 1947 relatif au siège de

1'0~~~~~. le juge Oda relève, dans son opinion individuelle, qu'il a votéen
faveur de I'avisconsultatif, "mais seulement après avoir quelque peu hésité".
et qu'il est convaincu "qu'un aspect important du differend existant entre

l'organisation des Nations Unies et les Etats-Unis aurait dû êtremis plus
clairement en évidence139". A en juger par. ces explications, il est
parfaitement légitime pour un niembre d'une juridiction internationale de
voter pour le dispositif d'une décision mêmesi celui-ci ne recueille pas son

approbation intégrale.

149. Un autre juge ayant votéen faveur de cet avis,M. Schwebel. est

allé plus loin. Dans son opinion individuelle, il souligne en effet que "la
réponse de la Cour n'est pas celle qui, selon [lui], doit être donnée à tous
égards'40." Ce nieme juge, à propos de l'affaire concernant des Actions
armées frontalières et transfrontalières: com~étence et recevabilité

(Nicaragua c. ond duras)^^ exp,lique dans une opinion individuelle qu'il a

136 C. I.J. Recueil 1980,p. 73.

137 Ibid., p. 125.

138
C.I.J. Recueil 1988.p. 12.

139 Ibid.. p. 37.

140 Ibid.. p. 42.

I4l Ibid., p. 69. voté pour l'arrêt de la Cour parce qu'il souscrit "pour l'essentiel sinon
entièrement, à ses deux coiiclusions Ainsi apprend-on, une

fois encore. qu'il est possible de voter pour un arrêttout en ne souscrivant pas
à l'intégralitédu dispositif.

150. Dans une opinion iiidividuelle relative à l'affaire de
1'A~piicabilité de la section 22 de l'article VI de la Convention sur les

privilèges et immunités des Nations Unies (affaire ~azilu)'~~, le juge Oda
déclare êtred'accord avec le dispositif de l'avis consultatif, mais ajoute que

celui-ci ne répond pas entièrement à la question posée144. Ainsi M. Oda
semble penser que la Cour n'a pas pleinement rem~li son mandat et qu'elle
aurait du aller plus loin dans sa réponse; exactement ce qu'a également fait

M. Barberis dans la Déclaration qu'il a jointà la Sentence du 31juillet 1989.
Dans son opinion individuelle relative au Differend froiitalier terrestre,

insulaire et maritime. El Salvador/Honduras (requêteà find'iiitervention du
Nicaragua), le juge Oda dit souscrire "abondamnient" à la décision de la
Chambre de la Cour qui autorise le Nicaragua à intervenir, mais ajoute que la

Chambre n'aurait pas du limiter le droit d'intervention comnie elle l'a fait
dans son arrêtdu 13septembre 1990. Cela revient à dire qu'ici encore le juge

Oda a estimé que la Cour, ou plus précisémentla Chambre de celle-ci.
du aller ~lus loin. Quant à l'opinion individuelle conjointe de' MM. Ruda,
Bedjaoui et Jiménez de Aréchaga en l'affaire du Plateau coiitinental

(~alte/~ib~e)l~~, elle fait état de "certains aspects de l'affaire et de la
décision de la Cour" qui auraient obligé ces juges à présenter leurs

obseivations 146 - formule qui ne permet pas d'&carter la possibilité d'un
désaccord partiel avec un dispositif que les trois juges ont pourtant approuvé.

. 143 C.I.J. Recueil 1989, p. 177.

144 Ibid., p. 200.

145 C.I.J. Recueil 1985, p. 13.

146 l.id .p. 76. 151. Sans conteste l'illustrationla plus frappante d'une telle

inadéquation d'une déclaration ou opinion individuelle par rapport au vote
émispar sonauteur est la déclaration faite par M. El-Khani dans cette même

affaire. En voici le texte intégral:

"J'ai voté pour I'arrét dans l'espoir qu'il puisse recueillir
l'unanimité des votes des membres de la Cour ou, à défaut, la
plus frande majorité possible. Cet arrét pourra. je l'espère,
aider es Partiesà conclure l'accord équitable souhaité.
J'a~irais cependant estimé qu'un rapport raisonnable prenant en
compte les longueurs de côtes des deux Parties aboutirait à une
ligne située plus au nord. Une telle ligne divisant en deux parts
égales la zone en litige entre les deux Etats auva& davantage
satisfait la proportionnalitéet répondu à l'équité ."

Voilà une déclaration faite par un juge qui a voté en faveur du dispositif de
I'airét malgré un désaccord substantiel avec ce dernier. Pourtant ni l'une ni

l'autre Partie ne s'est saisie de cette discordance pour prétendre que la
voloiité de M. El-Khani était viciée et que par conséquent I'arrét risquait

d'être considéré inexistant ou nul.

152. L'article 95, paragraphe 2. du Règlement de la Cour de 1978
reprend, en le modifiant. I'article 74, paragraphe 2, de la version de 1946(et

l'article 79. paragraphe 2. de la version de 1972). La modificatioii porte sur
les seules déclarations. au sujet desquelles il est prévuque:

"un juge qui désire faire constater son accord ou son
disseiitinieiit sans enonner les motifs peut le faire sous la forme
d'une déclaiatioii."

Ce texte, plus précis que celui de 1946. montre que la Cour souhaite limiter

les déclarations à des constats d'accord ou de désaccord et prescrit que ces
constats ne seront pas niotivés, ce qui permettra de les distinguer des

opiiiions individuelles ou dissidentes. Réduites ainsi au statut de siniples
constatations d'assentinient ou de dissentiment, les déclarations perdent

beaucoup de leur intérët. ce d'autant plus que, par un amendenieiit
coiicomitant effectué en 1978. l'article 95, paragraphe 1, du Règlement de la

Cour dispose que I'arrét doit comprendre "l'indication du nombre
iiomsdes juges ayant constitué la majorité" (souligné par le Sénégal).Aiiisi

147 lbid p. 59. les déclarations n'ont plus d'intérêtpuisque l'attitude du juge concerné
résultedéjàde l'indication du nom desmembres formant lamajorité 148 .

153. Aussi n'est-il pas étonnant qu'à compter de 1978le nombre des
"déclarations" ait considérablement baissé. On relèvera aussi, toutefois, que

les déclarations faites depuis l'entréeeii vigueur de ce Règlement. bien que la
plupart d'entre elles soient brèves, continuent à contenir des élémentsde
motivation.

154. Le droit de formuler des opinions dissidentes ou individuelles
existe également dans le contexte de I'arbitrage, ainsi que le démontre

l'article 25 du Modèle de règles sur la procédure arbitrale adopté par la
Commissioii du droit international en 1955. Cet articleétait libelléde la façon
suivante:

"A défautde disposition contraire dii compromis, tout membre
du Tribunal est autorisé a joindre à la sentence son opinion
individuelle ou dissidente."

IIs'agit là d'une règlecoutuniière en vertu de laquelle chaque arbitre a le droit

de faire connaitre les détailsde la motivation de son vote ou bien les raisoiis
de son vote négatif. Les "déclarations", quant à elles, sont peu fréquentes
dans le domaiiie de I'arbitrage. Le Projet de convention sur la procédure

arbitrale n'en parle pas, pas plus du reste que le Comproniis franco-anglais
du IOjuillet 1975en l'affaire de la Délimitation du olateau continental, qui ne
mentionne que les "opinions individuelles" (article 10, paragraphe 3). Malgré

cette carence. un arbitre, M. Herbert Briggs, joignit une "déclaration" à la
décision du 30juiii 1977'~~.déclaration qui était par ailleurs abondamnieiit
motivéeet qui. de ce fait. avait plutôt le caractère d'une opinion individuelle.

On eii déduira que la règle coutumiére permettant la formulatioii d'opinioiis
dissidentes ou individiielles doit comprendre le droit d'éniettre des

"déclarations", cesdernièrespouvant etre soit concourantesou dissidentes et
être motivées ou non. Pour les niotifs exposés ci-dessus, on admettra
également que, en raisoii de la règle de la majorité applicable à l'adoption

148 Jhabvala, oo. cit.. note 123,p. 852-853.

149 Nations Unies, Recueil des sentencesarbitrales, vol. 18, p. 130. des décisions arbitrales, le vote d'un arbitre doit l'emporter sur son opinion

individuelle ou déclaration.

155. Quelle est alors la portée des opinions ou déclarations
individuelles par rapport à la décision ? Coninie on a déjà pu I'obsei-ver, une

opinion dissidente correspond au vote négatif émis par son auteur, une
opinion individuelle au vote positif de celui-ci, tandis que la déclaration
accompagne tantôt un vote négatif, tantôt (et le plus souvent) un vote positif.

L'article 55 du Statut de la Cour internationale de Justice et, de façon
indirecte, l'article 95; paragraphe 1, du Règlement de la Cour de 1978portent

à croire que seul le vote maioritaire compte dans le processus de prise de
décision. Cette primauté de la décision prise par vote majoritaire est-elle

absolue ?

156. 011 peut répondre à cette question par l'affirmative. La pratique
récente de la Cour internationale de Justice révèleI'existence d'une série

d'instances dans lesquelles des juges, après avoir approuvé le dispositif d'un
arrêt, d'un avis ou d'une ordonnance, ont éiiiisdes doutes ou réserves à son

égard. ont manifesté leur désaccord partiel avec celui-ci ou ont estimé que la
Cour a manqué de remplir entièreineiit son mandat. La déclaration du juge

El-Khani et l'opinion individuelle du juge Oda dans l'affaire Mazilu
(mentionnées ci-dessus aux paragraphes 150 et 151) sont particulièrement
éloquentes à ce propos. Dans aucune de ces instances, l'une ou l'autre partie

au différend n'a eu l'idéede mettre en cause I'existence ou la validité de la
décision en se prévalant du fait qu'un juge ayant voté en sa faveur avait

manifesté. dans une opinion ou une déclaration, des vues partiellement
contraires au dispositif de cette décision.

157. La primauté de la décision approuvée par un vote majoritaire.

telle qu'elle découle des textes pertinents et telle que la pratique la confirme.
reflète du reste la nature niénie du niécaiiisniejuridictionnel international.Le

. dispositif adopté à la majorité constitue en effet le seul dénoniiiiateur
commun des juges de la majorité. sans nécessairement emporter, en tout
'
point. l'adhésion de tous ces juges150. Ce phénomène d'hétérogénéité est

150
A ce propos. Rosenne. op. cit.. note 127. p. 107-108. s'est ainsi
denomiiiator of the divergent views of the judgeshaii ...theret isan overriding
necessity to reach a decisioii which will befinal and authoritative. This means accentué par le fait que les membres de la Cour ne peuvent pas pratiquer

~'abstention~~'.

158. On est ainsi placé devant un dilemme: ou bien la priorité est
accordée à toutes les nuances que voudrait exprimer chaque juge, avec le

résultat qu'il n'y aura ni décision iiirèglement du litige; ou bien seule une
décision majoritaire intervient, sansqu'aucune place ne soit réservée auxvues

individuelles. 11a bien fallu tâcher de réconcilier ces deux extrèmes. Pour ce
faire, oii a attribué, d'une part, une primauté absolue au dispositifvoté par la

majorité, et on a autorisé, d'autre part, tous les membres de l'organe
juridictionnel à exprimer leurs vues individuelles avec la précision et les

nuances souhaitables.

159. Ces considérations doivent étre complétées par un argument
touchant la sécuritéjuridique. S'iln'existait aucune règle assurant la primauté

des décisions adoptées par un vote majoritaire, lapartie perdante pourrait, à
l'issue de chaque procès, se livrer à une analyse minutieuse visant à identifier

des contradictions entre le vote des juges majoritaires et les opinioiis
individuelles ou déclarations que ceux-ci ont pu émettre, ceci dans le but de

détecter un vice dans l'opinion majoritaire qui permettrait de conclure à
l'inexistence ou à la nullité de la décision. Elle pourrait procéder à cette

analyse à tout moment puisqu'aucun délai précis n'est prévueii la matière. à
la seule condition de ne pas avoir préalablement accepté la décision. II est
évident que bien des Etats refuseraient de soumettre leurs différends au

règlenient juridictionnel dans un système où le résultat de la procédure -
réputéobligatoire et définitif- pourrait être remis en cause à tout instant.

160. Tout amène ainsi à conclure que la décision ado~tée à la

m~
juges de la majorité: le texte nieme du Statut et du Réglement de la Cour. la

pratique observée au sein de celle-ci, ainsi que la nature et le but des
. procédures de règlement juridictionnel des différends. L'absurdité de la thèse

contraire. qui est soutenue par la Partie adverse. ressort du reste très
-- - -
that iiithe end a choic mue st be made -a choice which must be in accordaiice
with the professional skill and theconscience of the individual judge. "

.l5l Comme l'a constaté M. Petrén dans son opinion individuelle en
l'affaire du Sahara occidental, C.I.J. Recueil 1975, p. 104. clairenlent de l'étudequi vient d'êtrefaite des décisionsrendues par la Cour.
En effet, si la thèse de la Guinée-Bissau était retenue, combien d'arrèts et

d'avis consultatifs de la Cour résisteraient à l'assaut de l'argument de
l'inexistence ou de l'invalidité,compte tenu de la fréquence avec laquelle des
juges joignent desopinions individuellesou déclarations àla décision ?

B. LAVALEURETLESENS DE LADECLARATIONDE M. BARBERIS

161. A titre préliminaire, il y a lieu de revenià l'argument de la
Guinée-Bissau, rapporté au paragraphe 138, selon lequel le dispositif de la

Sentence comporte une erreur mise en évidence par la Déclaration de
M. Barberis. Une interprétation normale de la Sentence exclurait cet
argument. En effet, lorsqu'un juge signe une sentence en tant que membre de

la majorité; il est peu probable qu'en faisant suivre sa signature d'une
déclaration,ilait voulu que cettedernièrecontredise ce qu'il venait de signer.

La présomption va à l'encontre d'une telle interprétation.

162. Cela dit. il est nécessaire de considérer l'argumentation de la

Guinée-Bissau selon laquelle cinq élémentsconcrets dans les ternies mêmes
de la Déclaration déniontreraient que M. Barberis n'étaitpas favorable àla
décision majoritaire qu'il semblait avoir approuvée.

163. Le preniier élément serait la phrase de la Déclaration de

M. Barberis d'après laquelle:

"la réponse donnée ar le Tribunal à la première qwion posée
par le compromis argitral aurait pu êtreplus précise ."

En réalité, il est inhérent à la nature d'un jugement ou d'une senteiice
internationale rendue par une autorité collégialeque cette décisionne puisse
revêtir laprécision qu'aurait pu souhaiter individuellen~ent chaque meinbre

de ce collège. La 'rédaction de la décision est toujours le fruit d'un
.compromis, de sorte que le texte définitif reflètel'accord de la majoritéplutot
que le texte précis souhaité par l'un quelconque des men~bres. Et. s'il était

alléguéque la senteiice souffre d'une imprécision quelconque, la manière

152 Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 174. correcte de procéder serait d'en demander l'interprétation (ou la
clarification) etion l'annulation.

164. Le deuxième élément153se trouverait dans la forniulation à
laquelle M. Barberis aurait donné la préférencepar rapport à celle utiliséeau
paragraphe 88 de la Sentence. La formulation que l'on trouve dans sa

Déclaration est la suivante:

"L'Accord conclu par un échange de lettres, le 26 avril 1960. et
relatifà la frontière en mer. fait droit dans les relations entre la
République de la Guinée-Bissau et la République du Sénégalen
ce qui concerne la mer territoriale. la zone coiitiguë et le lateau
écoiiomique exclusive oufaia pla zone de pêche. La 'ligne droitene
orientée à 240"'viséedans l'Accord du 26 avril 1960est une ligiie
loxodroinique. "

165. La Cour notera qu'une comparaison entre cette formulation et
celle utilisée au paragraphe 88 ne fait ressortir aucune différencede fond. Eii

substance, les deux textes disent ceci:

(i) L'Accord de 1960 lie les Parties, mais ne concerne que la mer

territoriale, la zone contiguë et le plateau continental (la zone
économique exclusive et les zones de pêcheétant implicitemeiit
exclues): paragraphe 88.

(ii) L'Accord de 1960 lie les Parties eii ce qui concerne la mer
territoriale, la zone contiguë et le plateau contiiiental. maison

en ce qui concerne la zone écoiiomique exclusive ou les zones de
pêche(exclusioii expresse que M. Barberis aurait préférée).

166. Ainsi, pour ce qui est de la constatation positive relative au droit
applicable - l'Accord de 1960 - et aux zones visées par cet Accord (mer
territoriale, zone contiguë, plateau coiitiiiental). ily a identité coniplète entre

le paragraphe 88 de la Sentence et la Déclaration de M. Barberis. En ce qui
concerne la constatation négative. à savoir que l'Accord de 1960 lie
concernait pas les zones écoiioniiques exclusives ou les zones de pêche, il ya

également une identité complète. La seule différence est que I'exclusion des

Is3' Mémoire de la Guinée-Bissau, par. 175. zones économiques exclusives et des zones de pêcheest implicite selon le
paragraphe 88 de la Sentence, mais expresse dans la Déclaration de
M. ~arberis'~~.

167. Un quatrième (le troisième élémentannoncédans le

Mémoire de la Guinée-Bissau fait en réalitédéfaut) serait fourni, selon la
Partie adverse, par I'affirmatioii de M. Barberis sel011laquelle la formulation
. de réponse à la première question suggérée dans sa Déclaration,

partiellement positive et partiellement négative, donnerait "une description
exacte de la situation juridiquexistant entre les Parties". La logique de cet
argument n'est pas facileàsuivre. Quoi qu'il en soit, on notera que l'absence,

au paragraphe 88 de la Seiitence, de références explicites aux zones
écoiiorniques exclusives et aux zones de pèche ne rend pas erronée ou
inexacte la description de la situationjuridique existant entre les Parties. De

plus, M. Barberis pense que la formulatioii suggéréepar lui aurait permis au
Tribunal de fournir une réponseà la questioii de savoirquelleétait la frontière
des zones économiques exclusives et des zones de pèche; mais cette question

n'a pas étéposée. Enfin, M. Barberis n'a expriméde désaccord ni avec le
paragraphe 88 de la Sentence ni avec la réponse majoritaire à la première
question. Ce qu'il a dit, tout simplement, c'est qu'il aurait souhaité que soit

donnée "la description exacte de la situation juridique existant entre les
Parties". II aurait voulu dépasser les termes de la première question énoiicée

par le Compromis - qui se référaitexclusivenient à l'Accord de 1960 - et
décrire explicitement et de manière complète la situation juridique
contemporaine. Mais, en ce qui concerne la nature obligatoire de I'Echange

de lettres de 1960et la portée de celui-ci. il était en total accord avec lejuge
Gros. II existait donc bel et bien une véritable majorité pour I'ensenible du
dispositifénoncé au paragraphe 88.

154 11 apparait aiiisi que la thèse fondanieiitale avancée par la Partie
adverse, à savoir la coiitradiction eiitre le texte de la Sentence et la
Déclaration du Président. est un argument de logique formelle et qu'il est
dépourvu de tout foridenient. Mais l'argumentation passée et présente de la
Goiiiée-Bissau n'en est pasà uiie contradiction près. Qu'il suffisede rappeler
avaiit plusieurs raisoniiemeiits du iiiéme genre et que ceux-ci avaientisétéi
rqietésen raison des coiitradictions qu'ils recelaient (Sentence, pa39, 43.
7 et 77).

lS5 Mémoirede la Guinée-Bissau. par. 180. 168. Cependant, lorsqu'on poursuit la lecture du Mémoire de la
Partie adverse jusqu'à la description des cinquième et sixième élémentsqui

attesteraient l'absence d'une véritable ~najorité'~~,il devient clair que la
Guinée-Bissau ne prételid pas qii'uii désaccord existe entre MM. Gros et
Barberis sur la réponseàla première question figurant au paragraphe 88de la

Sentence. Le désaccord porterait ainsi sur la seule question de savoir si le
Tribunal aurait dû aller au-delà de la réponse donnée à la première question
dans le paragraphe 88 et aurait du, par conséauent, donner également une

réponse pour ce qui était de la frontière des zones économiques exclusives ou
zones de peche.

169. Comme le Sénégall'a expliqué au Chapitre 111 du présent
Contre-Mémoire, une interprétation correcte des questions posées au
Tribunal dans le Compromis démontre sans le nioindre doute possible que

cette question complémentaire n'a pas étéposée au ~ribunall~~. Ainsi, le
Tribunal a-t-il eu raison de se limiter strictement. au paragraphe 88 de sa
Sentence, à la première question. La question complémentaire - la fameuse

question 1& - à laquelle M. Barberis avait ététenté de répondre. n'ayant
pasétéposéeau Tribunal, on pourrait soutenir que, c'est si le Tribunal y avait
répondu qu'il yaurait eu un véritablerisque d'excèsde vouvoir.

170. En l'espèce la question n'est pas de savoir si M. Barberis, en
faisant sa Déclaration, a voulu traiter de questions ne relevant pas strictenient

de la compétence du Tribunal. Il s'agit plutôt d'examiner si la décision de
celui-ci était intra vires.omme on vient de le voir, la réponse à cette
question lie peut êtrequ'affirmative.

171. S'agissant du point de savoir si la décision figurant au
paragraphe 88 de la Sentence repose sur une véritable majorité. on relèvera

que la Guinée-Bissau, par une reconstruction arbitraire des événementsqui
se sont produits àla fin du délibéré.escamote deux données décisives eten
déforme une troisième. La première donnée est que la Sentence arbitrale

constate expressément le vote ma.ioritaire qu'elle a reciieilliALI

IS6 Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 183-185.

157 m. par. 6,91-123. paragraphe 88, on lit en effet ceci: "vu les motifs qui ont étéexposés, le

Tribunal décide, par deux voix contre une...". Cette constatation est
incontournable, étant donné que la Sentence est dûment revêtue des
signatures du ~resident et du Greffier, en conformité de l'article 10,

paragraphe 1, du Compromis d'arbitrage du 12mars 1985. La deuxiéme
donnée que la Guinée-Bissau ignore est que le texte de laSentenceindique les

noms des deux arbitres qui ont voté en sa faveur et celui de l'arbitre qui a
niaiiifesté une volonté contraire. En effet, au paragraphe88 de la Sentence,

immédiatemelit après la réponse à la première question posée par l'article 2
du Compromis d'arbitrage, il est signalé que MM. Julio A. Barberis,
Président. et André Gros, arbitre, se sont exprimés "pour" la décision

adoptée, tandis que M. Mohammed Bedjaoui, arbitre, s'est prononcé
"contre" cette décision. Inutile de souligner que cette précision correspond

entièrement à la première donnée analyséeci-dessus:deux voix enfaveur, une
contre. Ce qu'il convient de souligner, en revanche, c'est la concordance

parfaite entre le vote négatif du juge Bedjaoui et son opinion dissidentejointe
à la Sentence: une telle opinion n'aurait en effet guère pu se concilier avec un

vote positif de sapart.

172. Cette constatation permet d'apprécier la déformation d'une
troisième donnée opéréepar la Guinée-Bissau. Cette déformation part de la
volonté du Président du Tribunal arbitral de joindre une déclaration à la

Sentence; elle consiste dans le fait que la Partie adverse la qualifie de
"déclaratioii de désaccord". Or, il est évident que le membre du Tribunal qui

vote "pour" une décision déterminée ne saurait faire suivre ce vote d'une
déclaration de désaccord sans se coiitredire d'une façon évidente. Partant. il

faut interpréter la Déclaration de M. Barberis de façon à la rendre
compatible avec le vote que le Président avait exprimé immédiatement avant
de joindre la Déclaration à laSentence.

173. En réalité. cette Déclaration lie reflète aucune volonté de se

. détacher de la majorité qui s'était formée en faveur de la Sentence. IIfaut
exclure cette hypothèse en premier lieu pour une raison formelle: au sein d'un

tribunal, une majorité se dégagepar le vote de ses membres; mais une fois ces
votes exprimés et constatés, les membres ont rempli leur fonction collective.

qui est celle de décider. En deuxiéme lieu, en ce qui concerne la valeur des
positions que chaque arbitre adopte par rapport au différend soumis à
décision (donc face au choix entre les différentes options qui se présentent en vue d'un règlement), on peut dire que tout arbitre a une égalepossibilité de
contribuer à la décisionjusqu'au monlent où le vote final a lieu, mais ne peut
plus la modifier après la survenance de cet événement.Ce n'est qu'au sein du

tribunal que chaque arbitre a la possibilité d'influencer les autres et d'être
influencépar ceux-ci. Ce point a ététrès bien compris par Reisman lorsqu'il
souligne:

relativelyrformai comaiinerpanbefore reachiiigto theiracdecisioii.
Arbitrators areiiot expected to arrive at their opinionsseparately
aiid then ,jg lobby other niembers and Iiorse-trade for
agreement ."

En troisième lieu, on rappellera les termes mêmes utiliséspar M. Barberis.
"Comme la sentence vient de le dit sa Déclaration, faisant ainsi

expressément référence à laSentence.

174. On sait que. dans la pratique de la Cour internationale de

Justice, les opinions individuelles ou dissidentes doivent être mises à la
disposition de la Cour entrela première lecture du projet de texte de décision
établi par le Comité de rédaction et, au plus tard, le début de la seconde

lecture dece texteIG0. Au cours de cette dernière, chaque juge a donc encore
la possibilité de réfléchir sur son vote ou sur son opinion (et
exceptionnellement de les modifier), mais cela ne sera plus possible après le

vote final. Dans le cas d'espèce, la Déclaration contient un commentaire de

158 M. Reisnian. Nullitv and Revision, New Haven et Londres, Yale
University Press, 197 1.p. 608.

I6O
R.Y. Jeiinings indique que: "Conversely, separate opinions, once
changes have been made in the draft decision; and theept oauthors rnust informat
the Court of any such changes, and the reasons therefor, at the second
reading. Thus, again, the whole Court is much involved in the separate, even
in dissentiiig. opinions. just as the judgesaking separate opinions are al1the
time involved in the Court's own decisioii. And although judges are free to
express their owii opinions, dissentiiig or otherwise, in separate opinions. the
form they takemay be comnieiited upon by otherniembers of the Court at the
second reading. Indeed. the Court has the power, which is seldom exercised.
to request deletions or changes in separate opinions". "The Iiiternal Judicial
Practice of the International Court of Justice", B.Y.B.I.L. 1988, p. 41 et
suiv. la Sentence que le Président a sans doute considérécomme étant compatible
avec soli vote favorable et qui ne remet pas eii cause l'accord de la majorité

sur la réponse à la première question figurant à l'articl2 du Compromis. La
thèse de l'existence d'un désaccord entre les deux juges de la majorité est

donc à écarter. Ainsi, la Déclaration de M. Barberis présente une certaine
similitude avec une opinion iiidividuelle, puisqu'elle ne contredit pas la

décision prise à propos de la première question.

175. Par ailleurs, à supposer mêmeque la Déclaration puisse étre
interprétée comme une expression de désaccord avec le dispositif de la
Sentence - ce que le Sénégal conteste fermement - elle n'aurait aucune

incidence sur la décision de la majorité. Ce point mérite d'étre souligné: le
choix opéréà un niveau collégial par le Tribunal, au moment de sa décision.

ne saurait en aucun cas être remis en question par la déclaration individuelle
d'un arbitre jointe à la Sentence. Le rapport entre cette dernière et une

opinion (individuelle ou dissidente) est qu'une opinioii individuelle suppose
un vote positif, taridis qu'une opinion dissidente est liée à un vote négatif.

Lorsqu'un juge international émet une "déclaration", celle-ci peut se
concilier avec un vote en faveur de la sentence, même si son contenu est
partiellement critique à l'endroit de celle-ci; le conimentaire que contient la

déclaration ne peut, en effet, concerner que certains aspects de la décision,
pour l'ensemble de laquelle son auteur a voté (dans le cas d'espèce,

M. Barberis suggérait qu'une forme de réponse différente à la première
question aurait permis au Tribunal de répondre également à la seconde

question).

C. CONCLUSION

176. En conclusion. on soulignera d'abord que l'analyse de la relatiori

entre les décisions des tribuiiaux interiiationaux adoptéesà la ma.joritéet les
opinions ou déclarations éiiiises par les membres de ces tribunaux perniet

. d'affirmer que seul le dispositif voté à la majorité compte dans le processus
juridictionnelinternational, quelles que soierit les opinions ou déclaratioiis

qu'ont pu émettre ces membres. On constatera ensuite que l'examen des
éléments de la Déclaration de M. Barberis que la Guinée-Bissau a cru
pouvoir invoquer pour se prévaloir d'un prétendu désaccord du Présideiit du

Tribunal démontre qu'en réalitéla Déclaration en cause ne reflète en rien une
volonté de se détacher de la majorité qui s'était formée en faveur de la décision. II s'ensuit que la tlièse de l'iiiexistence de la Sentence du 31juillet

1989est dépourvue de tout fondement.

Section III.La nullitédessentencesarbitrales

177. Ayant présenté sa thèse principale selon laquelle la Sentence
arbitrale serait inexistante parce qu'elle iie reposerait pas sur une majorité

"réelle" (tlièse dolit le Sénégalconsidère qu'elle est en flagrante contradiction
avec le paragraphe 88 de la Sentence), la Partie adverse développe une thèse
subsidiaire. Elle prétend que la décision du Tribunal arbitral est frappée de

nullité absolue essentiellement pour excès de pouvoir et pour défaut de
motivatioii. Les paragraphes 195 à 227 du Mémoire de la ~uinée-~issau~~l

traitent tout d'abord des fondements théoriques de la nullité d'une sentence
arbitrale, ensuite des élémeiitscoiistitutifs de la nullité de la Sentence et.

enfin. des conclusions auxquelles il faut parvenir, selon la Guinée-Bissau. eii
la présente affaire.

178. Sans doute la notion de nullité d'une sentence arbitrale est-elle

aujourd'hui largement admise. Outre la doctrine mentionnée par la Partie
adverse, on peut citer l'article 30 du Modèle de règles sur la procédure

arbitrale adopté par la Commission du droit international des Nations Unies
en 1955. Cet article prévoitque:

"La validité d'une sentence peut ètre contestée par toute Partie
pour l'une ou plusieurs des raisons suivantes:

a)Excèsde pouvoir du tribunal;
b) Corruption d'uii membredu tribunal;
c) Dérogation grave à uiie règle fondamentale de procédure, y
coinpris I'abserice de motif'.

Dans le commentaire de ce Modèle préparé par le Secrétariat des Nations

Unies. on relève notarnnieiit que l'excès de pouvoir du tribunal est la
première cause de nullité mentionnée à l'articl30 et la plus universellemeiit

reconnue. On y ilote aussi que "la niaxinie du droit romain, arbiter nihil extra

l6I Par. 195-227.com~roniissum facere potest, a étéreprise par le droit international162." Un
peu plus loin, le commentaire ajoute:

"La question de l'excès de pouvoir est essentiellement une
question d'interprétation de traite ... Pour qu'il puisse être
retenu, l'excèsde pouvoirl&it étremanifeste et grave, et non pas
douteux et peu important ."

Cette manière de voir est partagée par J.C. Witenberg, pour qui:

"II n'y a excès de pouvoir et vice de nullitéquedans la décision
'manifestement injuste, contraire à la raison' [Vattel], dans la
décision si évidemment dérfktnnable qu'il ne pourrait y avoir
de dissentimeiits à cet égard ...".

179. Chaque cause de nullitéinvoquéepar une partie à uiie procédure

arbitrale doit étre nianifeste et flagrante pour justifier la constatation de la
nullitéde la sentence. A ce propos. on peut notamment citer K.S. Carlston
qui relève àjuste titre:

"Not al1departures froni the terms of the compromis will lead to
nullity. It is a matter of the substaiitial character of the
departure. the pre.iudice involved, the importance of the
departure froni the standpoint of the practice of tribuiials. and
whether6Jie injured party has ... waived its right to contest
validity ."

Une position précise, allant dans le iiiêrnesens, avait étéadoptée par F.
Castberg, selon lequel:

162
Commentaire sur le Modèle de règles sur la procédure arbitrale, New
York. 1955,article 30, p. 108.

163 .l.id p. 109.

164 OD. cit., note 37. p. 369.

165
University Press. 1972, p. 85.oiial Arbitration, New York, Colunibia "Ce n'est que dans le cas d'excès de pouvoir flagrant - ou plus
récisémentdans le cas où il y a eu usurpation d,e6touvoir - que
Feffet en est que la sentence est frappéede nullité ."

En définitive, le Sénégal est donc d'accord avec la Guinée-Bissau pour
constaterque:

"II va de soi que ce vice [de l'excèsde pouvoir] ne s'entend pas
de n'importe quelle erreur dans l'interprétation du compromis,
et qu'il aut une meconnaissance d'une clause essentielle de
celui-cilx?. .'(soulignépar le Sénégal).

180. On doit se montrer particulièrement vigilant, à ce propos.
lorsque l'omission de répoiidre à toutes les questions posées dans un

compromis est invoquée comme excèsde pouvoir. Tout d'abord, il convient
de vérifiers'il était nécessaire, en fait, de répondreà tout ees questions
posées. Les questions pouvaient êtrealtelnatives (c'est le cas d'ailleurs des

première et seconde questions en l'espèce). Un tribunal peut avoir considéré
comme superflues certaines d'entre elles. Ensuite, on ne voit pas pourquoi,
lorsqu'un tribunal a régulièrementrépondu àtrois questions par exemple, son

défaut de répondre à une quatrième aurait pour effet d'annuler les réponses
aux trois premières. A moins que I'abseiice de réponse à la quatrième

question nerende en fait inopérantes les réponsesauxtrois premières, on voit
difficilement pourquoi la validité de ces dernières serait mise en doute. Les
Parties demeurent en effet libres de s'adresserà nouveau au tribunal pour lui

demander de répondre à la quatrième question, ou même de créer un
nouveau tribunal àcet effet.

181. Une dernière exigence d'ordre généralest la preuve, par la partie
qui attaque la sentence, d'un préjudice subi par elle. En vertu d'une règle
coutumière, le préjudice est un élément essentiel du contentieux

d'annulation. La demande n'est point recevable si la partie qui conteste la
validité de la décision n'a subi aucun dommage matériel. Dails le cas
d'espèce. il est opportun de souligner que la Guinée-Bissau n'a ni offert iii

166
"L'excèsde pouvoir dans la justice internationale", R.C.A. D. 1..vol.
35. 1931-1,p. 449.

16' Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 199.donné de preuve d'un préjudice ou d'un dommage matériel quelconque dont
elle aurait étéla victimeàla suite de laSentence.

Section IV.La prétenduenullitéde la Sentence du 31 juillet 1989

182. 11convient maintenant d'identifier les motifs de nullitéinvoqués

par la Partie adverse et d'établirsi,dails le cas d'espèce,-ces motifs existent.
Essentiellement. la Guinée-Bissau s'appuie sur trois motifs:

(i) Excèsde ouv voirauaiit à I'obiet du litige168. La Guinée-Bissau
illustre ce motif en mentionnant l'hypothèse d'une sentence qui
va au-delà des questions posées (ultra ~etita) et celle d'une

sentence qui ne répond pas aux questions formulées.

(ii) Excèsde oouvoir auant aux règles à a~~liauerl~~. Ici l'exemple

donné est. curieusement, celui d'un tribunal qui ne fournit pas
de carte indiquant une délimitation alors que le compromis exige
que le tribunal en produise une. Un exemple plus approprié

serait celui d'un tribunal qui omet de tenir c0mpt.e d'une
disposition conventionnelle, clairement applicable selon les
termes du compromis, ou bien applique une règle

conventionnellequi est inapplicable.

(iii) Défaut de motivation170. La Guinée-Bissau cite à cet égard

divers cas de jurisprudence illlustrant la règle contemporaine
selon laquelle lessentences doivent êtremotivées, règleque, au
demeurant. le Sénégal ne met pas en doute.

A. LES PRETENDUS EXCES DE POUVOIRS

183. 11importe d'identifier iiiaiiitenant les passages de la Sentence du
31juillet 1989qui vicieraient celle-ci en raison de prétendus excèsde pouvoir.

IG8 -Ibid.. par. 202.

-Ibid., par. 203.

-Ibid.. par. 205. Si l'on se fonde sur les Conclusions figurant à la demiére page de son
Mémoire, la Partie adverse reproche d'abord au Tribunal d'avoir négligéde

répondre à la seconde question posée par le Compromis; à son avis, la
réponse donnée par les arbitres à la première question rendait en effet
nécessaire une réponse à la seconde. Ensuite, elle lui fait grief de ne s'êtrepas

conformé aux dispositions du Compromis qui auraient demandé au Tribunal
de délimiter l'ensemble des espaces maritimes, de le faire par une ligne
unique et d'en reporter le tracé surune carte.

184. Ces quatre arguments soiit développésdans le Mémoire de la

Partie adverse171. Chacun d'eux mériterait d'ètre approfondi et d'être
soigneusement confi.ontéaux dispositions pertinentes du Compromis, afin de
vérifier l'existence d'excès de pouvoir. Toutefois, la question de

l'interprétation du Compromis ayant été déjà largement traitée au
Chapitre III du présent Contre-Mémoire, on pourra se limiter ici à rappeler le

texte de l'article 2 du Compromis:

"II est demandé au Tribunal de statuer conforniéiiient aux
normes du droit international sur les questions suivantes:

1.L'Accord conclu par un échange de lettres le 26 avril 1960, et
République de Guinée-Bissau et la Républiqueduils Sénégalat?ons entre la

2. En cas de réponse négative à la première question. quel est le
tracé de la lignedéliniitaiit les territoires maritinies qui relèvent
respectivement de la République de Guinée-Bissau et de la
République du Sénégal ?"

L'analyse de ce texte permet de dégagertrois élémentssaillants: a) les Parties
soumettent au Tribuiial deux questions, pour la solution desquelles le

Tribunal est tenu d'appliquer le droit international; il devra doiic statuer
coiiformément à ce droit. la recherche et l'individualisation de ces règles
étant confiées au Tribunal: b) la première questioii posée n'est soumise à

aucune condition et doit donc recevoir une réponse dans tous les cas: ils'agit
' d'établir si l'Accord conclu le 26 avril 1960entre les deux Etats prédécesseurs
(la France et le Portugal) fait droit ou non. à l'heure actuelle. dans les

rapports entre les Républiques indépendantes de la Guiiiée-Bissau et du
Sénégal;c) la seconde question est en revanche assortie d'une condition: la

I7l Ibid., par. 211-217. réponse à la première question doit être négative, donc constater que
I'Accord franco-portugais du 26 avril 1960ne fait pas droit entrela Guinée-
Bissau et le Sénégal.Dans ce casseulement, le Tribunal aurait eu à établir le

tracé de la ligne délimitant les territoires maritimes des deux pays. Eii
revanche, une réponse affirmative a la première question justifiait et
commandait nién-iel'absence de toute réponse ala seconde question.

185. Compte tenu de ces trois points, et notamment du dernier, il est
extrémemeiit difficile de comprendre sur quelle base la Guinée-Bissau croit

pouvoir s'appuyer pour qualifier d'excès de pouvoir le fait de ne pas avoir
répondu à la seconde question. Le Tribunal a en effet doriné une réponse

affirmative àla première question: I'Accord du 26 avril 1960fait droit dans les
relatioiis entre la Guinée-Bissau et le ~éné~al'~~. e dispositif de la Sentence
spécifie les zones auxquelles s'applique l'Accord: "les seules zones

mentionnées dans cet Accord, à savoir la mer territoriale, lazone contiguë et
le plateau continental". Cette précision respecte la forme positive (et toutà
fait explicite) de la question posée et, en donnant la réponse dans une forme

positive. elle indique le domaine d'application de cette réponse. En ne
réporidant pas à la secoiide questioii. le Tribunal, loin de commettre un excès
de pouvoir, respecte en réalitéle Compromis de manière scrupuleuse.

186. Par ailleurs, I'absence de réponse à la seconde question est

justifiéde façon expresse auparagraphe 87de laSentence du 31juillet 1989:

"En tenant compte des conclusions ci-dessus auxquelles le
Tribunal est parvenu et du libelléde l'article 2 du Compromis
arbitral. la deuxième question. de l'avis du Tribunal, n'appelle
pas uiie réponsede sa part.."

Ce paragraphe vise tant l'article 2 du Comproniis, que le Sénégalvient de

commenter, que les motifs de la Sentence. Le Tribunal, lorsqu'il se réfère a
ses conclusions, vise surtout celles exposées aux paragraphes 80 et 85 de sa
Sentence arbitrale. En effet, le paragraphe 80. après avoir rappelé l'analyse

figurant dans les sections 1. II. III et IV de la Sentence qui établissent que
"I'Accord de 1960est valable et opposableau Sénégalet à la Guinée-Bissauu,
détermine les espaces auxquels cet Accord s'applique et relève que "ces trois

domaines constituaient le droit de la mer en 1960, date de la signature de

172 Sentencearbitrale du 31juillet 1989.par. 88. I
l'Accordv. Le paragraphe 85 confirme un principe bien connu en indiquant
que "l'Accord doit être interprétéà la lumièredu droit en vigueur à la date de

sa conclusion". Ce principe qui. de l'avis du Sénégal, est incontestable,
conduit à partager la conviction du Tribunal

"que l'Accord de 1960lie délimitepas les espaces maritimes qui
n'existaieiit pasà cette date, qu'oii les appellezone économique
exclusive, zone de pêcheou autrement."

Par conséquent, le Tiibuiial s'est entièrement conformé au Compromis du

12mars 1985, et plus précisément à son article2, en statuant qu'il n'étaitpas
appelé àrépoiidre à la seconde question.

187. Il corivient de rappeler que M. Barberis a coninienté cet aspect
de la Sentence. II aurait souhaite uiie réponse "plus précise" à la première

questiori, c'est-à-dire uiie répoiis"partielleinent affirmative et partiellement
négative", afin d'"habiliter le Tribunalà traiter dans la sentence la deuxième
questioii". Sans vouloir répéterici les considérations émisesprécédeninieiit

aux paragraphes 161 à 175 quant à la valeur et au sens de la Déclaratioii, et
plus particulièrement les développements consacrés à l'impossibilité qu'uiie

déclaration individuelle modifie uiie sentence dûment votée à la majorité. le
Sénégal souligneque le contenu de la Déclaration de M. Barberis semble
incompatible avec le texte du Compromis. Seloii ce dernier, la condition

indispensable pour que le Tribunal puisse aborder la seconde question était
une réponse négative à la première question. Le Compromis n'envisageait

aucunement l'hypothèse d'une réponse "partiellement affirmative et
partiellement négative". Si le Tribunal avait estinie compatible avec le
Coniproniis une réponse "partiellement iiégative" à la première questioii, il

aurait acconipli uii véritable excèsde pouvoir.

188. De l'avis de la Partie adverse, l'excès de pouvoir se serait eii
outre i.éaliseii trois elémeiitsde la Sentence. en cesensque celle-ci néglige:
. a) de délimiter l'ensemble des espaces maritimes; b) de le faire par une ligiie

unique, et c) de tracer les délimitations surune carte.

189. En réalité, il suffit de reexaniiiier brièvenieiit l'article2 du
Conipromis pour s'apercevoir que les demandes a) et b) n'ont étéadressées
au Tribunal qu'en fonction d'une réponse à la secoiide questioii, donc "encas

de répoiise négative à la première questioii". Dans ce cas seuleinent, le Tribunal aurait eu à déterminer "le tracé de la ligne déliniitant les territoires

maritimes qui relèvent respectivement de la République de la Guinée-Bissau
et de la République du Sénégal". La première question qui, elle, a reçu une

réponse affirmative portait sur "la frontière en mer" entre la Guinée-Bissau et
le Sénégalfméepar l'Accord du 26 avril 1960. 11y était demandé si cet Accord

faisait droit dans les relations entre les deux Etats. Le Tribunal a considéré
que l'expression "frontière en nier" ne constituait certainement pas, selon les
Conventions de Genève de 1958, l'équivalent d'une ligne de délimitation de

l'ensemble des espaces niaritimes appartenant à deux Etats limitrophes tel
qu'on l'entend aujourd'hui.

190. Une autre allègatioii de la Guinée-Bissau reste à examiner, celle

suivant laquelle le fait de ne pas fournir de carte constitue un excès de
pouvoir'73. Comme cela a déjà étéexpliqué, I'obli~ation de reproduire la

frontière sur une carte n'aurait di être remplie que si le Tribunal avait
répondu à la premiére question par la négative et à la seconde question en

traçant une frontière tout à fait iiouvelle.IIva de soi que dans une telle
hypothèse seulement, une carte aurait éténécessaire.

191. Mais, ayant répondu affirniativement à la première question et
ayant ainsi confirmé une frontière qui existait depuis 29 ans et qui,en tant que

ligne orientée à 240°, était parfaitement identifiée et ne posait plus de
problème cartographique. le Tribunal n'avait aucune obligation, selon le

Compromis, de fournir une carte et. qui plus est, n'en voyait pas la nécessité
pratique. Cette appréciation se reflète dans le passage suivant de laSentence:

"Le Tribunal n'?fias jugé utile, étant donné la décision. de
joindre une carte ...".

B. LEPRETENDU DEFAUT DE MOTIVATION

192. Le Sénégal en vient niainteiiaiit à la prétendue nullité de la
'Sentence pour défaut de motivation. A titre préliminaire, il est opporturi de

souligner que le défa uetniotivation ne doit pas être confondu avec une
- -

173
Mémoire de la Guinée-Bissau, par. 221.

174 Sentence arbitrale du 31juillet 1989, par. 87. motivation prétendue inexacte. Un second tribunal peut se trouver en

désaccord avec la motivation donnéepar un premier tribunal. Mais, s'il n'ya
pas d'appel possible, ce désaccord ne peut servir de fondementà ce second
tribunal pour infirmer la sentence. Le second tribunal utiliserait alors son

pouvoir d'aniiulation pour, en réalité,statuer en appel.

193. Par ailleurs, l'article, lettre c, déjà citédu Modèle de règles

sur la procédure arbitrale de 1955, qui vise le défaut de motivation, couvre
toute "dérogation grave à une règle fondamentale de procédure, y compris
l'absence de motif'. Le commentaire préparé par le Secrétariat des Nations

Unies note que la règle "vise des manquements sérieuxplutot que mineurs
aux réglesfondamentales de la pi.océdure". K.S. ~arlston''~. quant à lui.
avait déjàremarqué:

"Not al1failures to observe procedural stipulationscontainedin
the compromis will lead to nullity of the award. The legal effect
of such a failure is not to be judged upon the purely abstract
basis of wliether it constitutes a departure from terms of
submissioii. The uestioti is rather: does the departure constitute
a deprivation O? a fundaineiital right, so as to cause the
arbitratioii and the resulting award to lose itsjudicial cha?acter
the charge of nullisKould not be open to a party."nterests of a party,

194. Le Sénégal estimeque la Sentence arbitrale du 31juillet 1989est
pleinement et très largement motivée. II y a abondance plutôt qu'absence de

motifs: les section1à V de la Sentence fournissent un raisonnement plus que
suffisant pour justifier le dispositif figuratit auparagraphe 88. Mêmeen ce qui
concertie le prétendu "refus de produire un tracé de la ligne sur une carte",

une motivationjuridique succincte mais adéquate figure au paragraphe 87: le
Tribunal renvoieà "sa décision", donc au contenu de sa Sentence. D'ailleurs.
sur le plan des principes, un auteur remarquàjuste titre qu':

sentencepedoiferedimotivée seulement parce que les motifs soiit
peu détaillés ."

175
OD.cit., note 165,p. 38-39.

176 Castberg, OD. cit.. note 166, p. 390.En tout état de cause, la motivation de la Sentence du 31juillet 1989 ne

saurait en aucune manière êtrequalifiéede "peu détaillée".

195. Les allégations spécifiques de la Guinée-Bissau relatives au
défaut de motivation et l'argumentation quelque peu sinueuse figurant aux
paragraplies 210 à 217 de son Mémoire se réduisent en fait à l'affirmation

que:

"Le Tribunal.. . a refusétoute réponse à la seconde question.
Aucune motivation acceptable n'a étédonnée de ce refus."

196. Le Sénégala déjà répoiidu de manière détaillée à la question de

savoir sile Tribunal a correctement interprété le Compromis en indiquant que
I'article 2 de celui-ci posait des questions alternatives. La conclusion

inéluctable était qu'une réponse affiriiiativeà la première question excluait
nécessairement une réponse à la secoiide. La seule question qui reste à être

examinée est celle de savoir si le Tribunal a omis de motiver son interprétation
de l'article 2.

197. 11 ne semble pas que l'interprétation donnée à l'articl2 du
Compromis nécessite une très longue motivation, car la seconde question est

précédéede laphrase "En cas de réponse négativeà la premiére question.. .".
En effet, les termes mêmes de l'article2 suggèrent que si une réponse

affirmative est donnée à la première question, le Tribunal n'a pas à répondre
à la seconde question. On ne devait donc pas s'attendre à ce que le Tribunal

consacre d'inteiminables développements à affirmerl'évidence. et une longue
niotivation aurait ététout à fait déplacée. C'est pour cette raison que le

paragraphe 87 de la Sentence fut rédigéde manière concise. en tant que
conclusion évidente découlant de la motivation qui la précédait et non eii la

fornie de développements approfondis destinés à résoudre un point
controversé.

198. Toutefois, le véritable grief de la Guinée-Bissau est que le
Tribunal n'a pas identifié de frontière maritime unique. En effet,dans les

paragraphes de son Mémoire consacrés à la prétendue premiére cause
d'excésde pouvoir, la Partie adverse afirme:

"La nécessitéde la ligne unique avait étéimposée sans ambiguité
dans le compromis.. . Le Tribunal a cependant failli à la délimitation coniplète qui par une démarche achevéepouvait et
devait produire unelipne.
IIy a là une autre cause d'excès de pouvoir pour une autre
violatioii des dispositions compro-mis: celles impératives
relati"eà une ligne unique1* (soulignépar la Guinée-Bissau).

Cette référence à un prétendu excès de pouvoir vise en réalitéun prétendu

défaut de motivation. La Cour notera qu'en fait, le Tribunal a amplenient
motivé sa décision sur ce point en expliquant, en six pages très bien
raisonnée^'^ po^,rquoi il n'était pas en mesure d'accueillir l'argument du

Sénégalselon lequel la ligne de I'Accord de 1960 devait ëtre considérée
comme frontière unique séparant l'ensemble des espaces marins relevant des
Parties.

199. La simple lecture de la Sentence suffit pour constater que le
raisonnement du Tribunal repose sur uiie double argumentation 179.

200. D'un côté, en premier lieu, le Tribunal a rejeté la thèse du
Sénégal,qui avait interprétél'article 2 du Compromis comme lui demandant

de fmer une frontière en mer unique et qui avait conclu que, si le Tribunal
décidait que I'Accord de 1960faisait droit entre les Parties,ilvalaità la fois
pour toute l'étendue du plateau continental et pour les zones économiques

exclusives. Le Tribunal a par ailleurs rejeté I'argument du Sénégal selon
lequel le fait de considérer I'Accord de 1960 comme applicable à certains
territoires et non pasà l'ensemble des espaces maritimes revenait à admettre

que cet Accord n'était que partiellement valable; il a en effet estimé qu'il
devait seulement se prononcer sur la validitéet l'opposabilité de l'Accord de
1960et non pas sur son iiiterprétation. Le Tribunal a enfin écartél'argument

du Sénégalrelatif à l'existence d'un accord tacite ou d'une coutume bilatérale
résultant d'une pratique subséquente et concordante des deux Etats: pour le
Tribunal, en effet. sa tàche se réduisaità examiner la question de savoir si

I'Accord de 1960pouvait étreinterprétéde maniére àenglober la délimitation
desespaces maritimes actuellenient existants.

177
Mémoirede la Guinée-Bissau, par. 219.

178 Sentence arbitrale du 31juillet 1989, p. 64-69.

179 l.id par. 80-85. 201. D'un autre côté. en second lieu, le Tribunal a jugé que l'Accord

de 1960 déterminait clairement la frontière en mer en ce qui concerne la mer
territoriale, les zones contiguëset le plateau continental, ces trois espaces

correspondant au droit de la mer existant en 1960. Par ailleurs, le Tribunal a
considéréque, conforménient à l'articl2 du Compromis, il a étéinvité à
statuer "conformément aux normes du droit international", sans prendre eii

considération les règles matérielles spéciales applicables à l'espèce. Enfin le
Tribunal a décidéque1'Echange de lettres de 1960devait étre interprétéselon

le droit en vigueur à la date de sa conclusion, sans tenir compte,
contrairement àce qu'avait prétendu le Sénégal,de l'évolution du droit de la

nier, et qu'il ne s'appliquait pas par conséquent aux zones économiques
exclusives.

202. - Le Tribunal arbitralpouvait dès lors conclure son raisonnement

en jugeant que l'Accord de 1960 faisait droit dans les relations entre le
Séiiégalet la Guinée-Bissau eii ce qui concerne la iiier territoriale. les zoiies

contiguës et le plateau contiiiental. conformément à la définition actuelle de
ce dernier concept. On voit mal. dans ces conditions, comment la Guinée-
Bissau peut prétendre sérieusement que le Tribunal n'a pas motivé sa

Décision du 31juillet 1989.

203. En rejetant les arguments du Sénégal,le Tribunal ne les qualifiait
iiullemeiit de juridiquement infondes. II ne niait pas qu'en vertu de l'évolution

du droit international, la frontière iiiaritime établie en 1960 s'étend
maintenant jusqu'à la limite des 200milles. ni que les deux Parties avaient

supposé que la limite. ou qu'elle se trouve. fut une frontière maritime unique.
Le Tribunal s'est simplement borné à répondre strictement à la questioii

précise posée par l'article 2 du Coniproniis. Si les Parties avaient ajouté la
"question 1 bis" mentionnée àplusieiirs reprises - ce qii'elles n'ont pas fait - le

Tribunal aurait sans doute pu accueillir les arguments sénégalaiset dire qiie la
ligne des 240" était effectivement la frontière maritime unique. applicable aux

zones économiques exclusives autant qu'au plateau continental. Mais les
Parties n'avaient pas posé la question l bk, probablement parce qu'elles
étaient d'accord que la frontière identifiée, quelle qu'elle fut. devait être

traitée comnie ligne divisoire unique. En conclusion, ce dont la Guiiiée-
Bissau se plaint essentiellenient aujourd'hui, c'est de n'avoir pas posé au

Tribunalla question à laquelle elle cherche maintenant une réponse. C. CONCLUSION

204. En conséquence, les allégatioiis d'excèsde pouv&r et de défaut

de motivation sont, de l'avis du Sénégal, dépourvuesde toutondement, et la
demande en annulation de la Sentence du 31juillet 1989 ne peut pas être

accueillie. CONCLUSIONS DU GOUVERNEMENTDE LAREPUBLIQUE DU
SENEGAL

Au vu des faits et arguments exposés ci-dessus, le Gouvernement de la

République du Sénégal prie la Cour de:

1. Rejeter les Conclusions du Gouvernement de la République de Guinée-

Bissau tendant a faire établir l'inexistence et, subsidiairement,la
nullitéde la Sentencearbitrale du31juillet 1989.

2. Direet juger que cetteSentencearbitrale est valable et obligatoire pour
la République du Sénégal etla République de Guinée-Bissau, qui sont
tenues de l'appliquer.

Maître Doudou THIAM

Agent du Sénégal LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 Instructioiis di1 Ministère de la marine de la République
du Portugal de 1971-1972.

Annexe II
Premier Ministre, II"1.799/PR/SP, en date du 14octobre
1980,à laquelle est jointe sa lettre au Président du Conseil
d'Etat de la République de Guinée-Bissau.
no1.798/PR/SP. de la mêmedate.

Annexe III Rapport de mission sur la réunion des experts chargés
d'examiner le problème des frontières maritinles entre le
Sénégalet la Guinée-Bissau tenue à Bissau les 27-29mai
1981, établi par le Directeur des affaires juridiques et
consulaires du Ministère des Affaires étrangères du
Sénégal.

Annexe IV Lettre n07415 en date du 24juillet 1981 envoyée par le
Premier Miiiistre du Sénégal à son Ministre des Affaires
étrangères.

Annexe V Procès-verbal de la réunion de la Sous-Commission C
chargée d'examiner le différendfrontalier existant entre la
République de Guinée-Bissau et la République du
Sénégal.en date du 12janvier 1982. ANNEXE 1

Instructions du Ministre dela marine dela Républiquedu
Portugalde 1971-1972

Traductiond'extraits

816. LimiteslatéralesNord et Sud de la mer territoriale
et de la zone conti~uëde la provincede Guinée

a) ligne définielpar l'azimut240" du phare du Cap
Roxo (12'20' Nord - 16" 43' Ouest) ..

850. Navigation à proximité des côtes du Sénégal et de la
Républiauede Guinée
Il est interdit auxunitésnavales nationales, au Nord de
la ligne indiquée au 816 a)..., de s'approcher àmoins de
40 milles des côtes respectivesdu Sénégal et dela
Républiquede Guinée.

Légendede la Carte
LimiteNord.dela mer territoriale ed tu plateau
continental.

Le soussigné,MaîtreDoudouThiam,Agent dela
République du Sénégalc ,ertifieque la traductionde
l'Annexe 1 est exacte et que les annexesdu présent
Contre-Mémoire sont conformes à l'original.

Maître Doudou ThiamCONFIDENCIAL . EXEMPLAR NR

. '.
&STRUGOÈS OPEF~ACXO~AIS~ PÈO=- PARA
-

IOGUIN 1 (A)

CONFIDENC IL ORIGINAL

(Versoem Branco) ..'..

NORMAS GERAIS SOBRE DIREITO'.." ,;.

INTERMAc'Y-ONAL MARfTIMO E CLAS-

SIFICACK-g DE EAVIOS E AfiREOS
.

810.A:CUAS:INTERIORES,YAR .TERRITORIAL .
E ZONA COHTfGUA
. .

811, AGUA INTERIORES
!
SHo geogrUicame,nte ae iguae 'do8 lagoe, canais,! e rioe e,. de uma
forma geral, todoa oe eepaços de mar compreendidoe entre ae re-

'entrânciae da coeta e ae linhae de base normalI (caeo de reentre
oiae pouco profundae) ou de base recta (caeo en que haja reen- .

trhoiae pro.'ndae ou ilhae).

812. LINHASDE BASE NORMAL,DE FECHO E BASE RECTA

A linha de base normal a partir da qua1 se mede a largura do mar
territorial 6 definida pela llnha de baixa-mar a0 longo da coata,

ta1 coma vem indiceda na8 cartas maritiman oficialmente reoonhec2
daa para eese fim pelo ~etadc PO~~U~U~E.,
n .
u'
As linhaa de fecho e de base rectae, a traçar pelo Eetadc Portuguëe

de aoordo com O direito Internaoional, entre portos da eua coeta,
eerHo definidas em diploma eapecial.

813. LINHASDE FECHOE DE BASERECTANAPROV~NCIA DA GUI^
8
.. SHo definidae peloa pontoe com aa. ooordenadae eeguintee; .-..,.
. .--...__
I.-A..pom. ]'-LATITDE'N .. .1I)IiGITüDE W..
- .'..a..:._..- 16' 291 42"...A... 9
PONTA D--.U .i.,CP.-' - . . .12O 11' 53" .: .. . . . ' .,
PTA N.W. DA ICAI~ : 1:.;: ,... -,----50-' 42". , ., 1.' 2... 09":<:,.:,I . . ...
11O".~11 3611--"- .lGO 251 32" , .
PTA ACUDAMA .'' '... ->,
PTA. XCOM. ...-, . , il0 :59-iz;.2!. . .'16' 28, 57"
110 17.1 4ow.. . 16' 291 ~9"
PTA ANOLHADA (mtremo W)
PTA ANQUEIRAICED (I6tt.s) ... 11' 16;,. 18'". . 16" 28'1''5j"
PTA ANC~MBE il0 01' 34": 16' il! 04"

nm POILHO. . . loO 51' 25" 15043!.:35Y2 .
PEDR~S US a EI âa ~EIO loO 50' 48" 15' 371,5en

' 1~030 VIEIRB . . 11' 02' 24" 15'. 36, 36"
1. 'DE ho 10' 56' 40" 15' 161 27"

PTA SUL ICANEFAQUE 10° 53' 53" 15' 06' 18"
J . . (
Ae linhae de feoho e de baee reota euplementam a linha de baee nor-
mal entre Cabo Roxo e a Ponta Jufunoo.

(Deo. Lei ne 47771 de 26.6.67, oarta 212 I.E.).
814. .!-AR TERRITORIAL

.E a faixa de mar oom 6 milhae de largura medida a ~artir dae Ainhae
de baee normal, de feoho ou de baae reota (para. 813), que embora

.. fasendo parte do territdrio naoional eetd aberta B navegaçao inofen-
siva de navioa ds todas ae naoionalidadea inoluindo 'oe de guerra.

815. .ZONACONT~CUA
f a faixa maritima adjaoente ao mar territorial at6 B di'etboia de 12

milhae a oontar.. d: .inha de baae normal, de feoho ou base reota na
pual pode eer tomads"a 'aoçHo neoeeeiriapara~
..
a. Exeroer O direito exolusivo de peaoa e juriehiçBo exolueiva em
matéria de peaoa eem prejufzo de tftuloe histdricoe oonvenç5ee e
- outroe ..aoo.doeintenaoionaie.
...
.b. Prevenir e reprimir ae infracçoee Be leie de polfoiae aduaneirae,
fiecal', maritima .e de inventigaçao, no territdrio naoional e no

mas territorial,
06 Garantir, em oaeo de emergênoia ou quando julgar ameageda a ee-

guranga naoional, a eua legitima defeea, tal oono é admitida "a
direito internacional. . .
..
816. LIMITES LATERAISNORTE e sa w MARTERR~~RIAL E ZONA comz
DA PROV~NCIA DA GUINE . l
._ :
a. Nw$e oom a ~epiibiica do. Senegai - linha,iiefènida pelo azimute
n
240 do farol de Cabo Roxo (12' 201.0N 16°.431.~~).
boordo de 10 de Setembro de 1959 entre oe governoe de Portugal e

~rança). -<., .

b. su1 oom a Republioa da Ciriné. - Na aueênoia de aoordo aom a Re-
publioa da Cuh6, aplioa-se O prinofpio d8 equidiethoia doe pon-
' toe maie prdximoe dae linhae de bae6.a partir dan quaie 6 medida.

B largura do mar .territorial de. oada eetado. (0onvençBo sobre O
mar.terrftoria1 e zona' oontigua, Cenebra 29 de Abri1 de 1958).
.
Da aplicaçBo deete prinoipio reeulta que O limite Sul be bas
territo=iaie e zona oontigua nacional 6 definido aporimadamente

-.,.pela ~eligonal que une oa pont06 de :ooordenadae: , .
PONT0 LATITUDE Y LONGITUDEW
...
A : 10' 59l.2 .15' 03l.2
.B 10' 46l.5 15' 111.5

C 10' 44l.8 ._-. 15' 21l.4

. . ...a., ~epublioa do Senegal - Mar territorial e zona oontiwa - 12 milhas

(1netruç5ee Operaoionaie da Armada nQ 2) .;-.. .

b. Réi;ublioa da &in6 - Por deoreto de 3 j&o de 1964 s:~ep~blica da
~uin6 .definiu ;eu mar territorial oom 130 hilhae de exteneBo tendo
. .
..oo%o..imite Rorte O parilelo doe 10' 56t 42" N, debisgo manifesta-
mente ilega1.e nHo re00,nheoida pelo Coverno ~ortuguêe.
..
Ver figura 8.1 pBgina 8.l$.

821. ATMOSFERATERRITORIAL

$ O eepago &reo oompreendendo O oonjunto do terri$drio naoional (in-
olui, portanto, O mar territorial') e onde nomalmente se oonoede y*---
eagem inofeneiva a todoe os a-rioee eatrangeiroe nHo militaree, eem p. -
via autorizaçiio.

CONFIDENC IAL 8.j. . ALTERAÇ A O 8 . .
122. C0RREM)RAX%EJ
Ver figura 8.2(pag.8.11] .-

Conaidera-ee km paeeagem inofeneiva toda a navegaçHo que no.mar

territorial nHo prejudique medititi ou imediatamente a ordem, a pas
ou a segurança. Pairar ou fundear ed eetd integrado no oonceito de

paeeagem inofensiva, na medida em que t'ais manobrae niio oonetituam
mais do que meroe .incidentee normale de navegagao ou ~ejam impoetae

aoe navioe uma arribada forçada. ou perigo.grave. ..

Todo O eubmarino 6 obrigadd a navegar euperficie e ooetrar a ban-
deira.

.. Toda a navegaçao 6 obrigada a mostrar a bandeira ee ta1 lhe for eo-

Iicitado.

~~~.'PASSAGEI~ INOFENSIV'E AI%B~s NO ESPACO AEREX) NACIONAL

No T.O. da Guiné a paeeagem inofeneiva. . de a6.e,....,.permitida de; aoor-
do ;a& O 'BB~UBOB da fig. 8.2' p&ina 18~11. ' . .

Goneideram-ae actividadee euepeitae, nae dguae territoriaie erou in-
terioree ae eeguinteer . .
. .
a. Apro*imar-ee'exageradamen tae costa ou dae margene, fundear ou
..
-. contactar com terra por meio de embarcaçoee ou einaie. i
. .
b. Arriar embarcaçaee ou outros objeotoa. . .
l
c. Aproximar-se de outra ern3arcaçii0, aooe..r ..u eer ..costado por ela.
, .- - ... . ....
Verificadae estas aotividad?e deve O navio auepeito oontinuar a eer

observado h dietânoia, e seguido - meemo.que.eaia do mar territ;-:-'

. depoie de--feitoe 08 neceeairioe 'conunicadoe, .834. AAVIOHOSTIL
... r. ... .. W." - YI'
.. -1
coneideram-ee aotividade e hoetie ae a&uinteer -;;,.
./ ;; ., t'
a. Ateque.por armae de bordo oontra objeotoe militare8 ou elvie

. eituadoe em territdrio naoional, (portant0 incluindo mar te-
ritorial e eepaço aéreo naoional).

b. .Ataque por amas de bbrdo contra navioe ou aeronavee nac'ionaie
fora ,do mnr territorial ou eepaço adreo nacional.

o. Lnrgada ou tomada,,de peseo . .a ou oarga em territdrio nacional ou
aéreoe territoriaie deede que,nao autorizado ou juetifioado por

declarada eituaçHo de emer .gê. ncia. . .

035. ' NAVIOINIMICO
-.

Galquer navio quo nrvore bandeira pertencente a um paie em eetado
ùe guerra oom Portugal ou alguma organizaçao deolaradamente hoetil

a Portugal (aotualmente e6 O PAICC ee enoontra neeta poeiçao).

.. ..
Considera-ae suapeita a aeronave oom a qua1 nïio tenha eado eetabe-
leoido contacto .radio e que eeja avi8tada.o~ deteotada nae proximi

,dodea huma inatalnçiio militar fixa ou m6veï da.ldarinha, do Dército

ou Força Aérea, incluindo navioe no .alto.mar, .tropae :am operaçaes
ou neronavee nncionaie em rota, ou ao longo'da ooeta ou fronteira,

e até ao moment0 om que, peloa meioe de identifioaçX ...,..--eeja reconhe -
ciùa oomo nacional, militar ou civil.

0,contaoto rddio ùove eer eetabelecido auma dietância euperior.a 3

nilhae.

837. l&IW HOSTIL
. .

Conoideram-ee hoatie oe aotoe eeguinteei a. Ataquepor arma8de bordo,oontraobjeotoe
aituadoaen territorio naoional(portantp inoluindomar.terri-
, ./;:.. \..
toriale eepaçoaéreo'naoional).
i
b.' Ataquepor arma8de bordo,oontranavioeou aeronaveenaoio-

naie en rotaforado mar tetritorii1 6u eepnçoaéreonaoional.

o. ObeervaçEo e reoonhecimento do territdrio nacionale inetalaçaee
ou kibdee navaie,militareeou adreaequeren estaoionamento

queren operagzo. Exoeptuam-ee nos eeguinteeoaaoe:

(1). Mau tempo cornteotoebaixoa(100metroa) - porque.pode a

neronnveencontrar-ee en dificuldade e eetara procurar
orientaçao ou un localpara aterrar. . ,

Nos imediaçoee de um aerodromoee deecer O trem de aterr -a
(2). -...... . -
gom - ou ee abanar aeaeae ee for de tremfixo - e cirou-
lar pela eequerda pelas razoes'da alinea.anterior.

d. Manobrapreparatdria para ataqueaéreo: . .: . .

(1). Aproximaç50 en voo baixoe motoresen pleno.
' ...-

... (2). ,~proximaçae on voo picadoou eemi-picado.

e. Largndade peeeoaeen paraquedaaou de qualquercarga sobret-
0 ritdrionacionalou iguaeterritoriaie, desdepue ngo autorizada

ou juetifioada por eituaçBode emergdnoia.
. .

838. AVIA ONIMIGO. '

O que venhaa eer reconhecido pelaseieemarcaide identifioaçao,

comopertencente a um paie en eetadode guerraoom Portugalou a
algumaorgnnizoç&o declarada/hoetia l Portugnk(actualmente 86 O

PAIC eeC enoontra neeta poeiçzo).

CONFIDENCIAL . .
840. INFRACC6Es NO MAR TERRITORIAL..
:s:3.'
a. Bo mar territorial oe navioe nacionaiee'eetrangeiroeoometem,

por vezoe,infraogaeeaoe regulamentoe de peeoa,aduaneiroee
outroe.No caeo daRepcblioada Guinétem eepeoiaiinteresee
ae,infraogaeeque poeeameer tomadaepor aotoohoetie.

b. Oe navioeem infracçaodeveraoeer oonduzidoe 'aum 'portnome-a

damente O de Bieeau)em oaeo de'desobebianoiaodera eer feito
fogo de avieoel apenaeen oaeo extremo,eegotadoetodoeoe
meioé euaedrioe,fogopara oe navioe.(verpars. 1254.).

o. A ilegaldecieaoda Repcblioada Guinéquanto 80 limitee ex-
teneffodae euaedguaeterritorlaie, oriaao Sul do paralelo
doe 10' 561 42"N uma eituaçHoeapeoialB qua1 oe Cornandantee

doe navioe.devemdar a maioratençao.Neeeazona, ieto 6 a Sul
do pnrcrleldo8 10' 56> 42" IJe dentrodo,marterritoriale zo
na oontfguada provinoiada Guinédevemoe navioe "defendera

noaea eoberaniacornfirmezadevendo oontudporoourarevitar
qualquerincidente"(~eepaoho do CRdA na informaçaona 216 de
JO de Setembsode 1964do w).

850. NAVEGAO NHSOPROXIMIDADESDAS COSTASMi SENECALE REP~BLIcADA
-GUIN$

Evedadoda U.R.lenacionaie a Nortd eo limiteindioado em 816a. -

a au1 do indioadoem 816 b. aproximarem-aa menoede 40 milhasdae
ooetaeraepeotivaaentedo Senegale Repiblioada Cu?.né. ALTERAÇ NQO7
(VereoemBranco) Je vous ai remis, cc matin. t'me copie d ii1C

..
lettre cn date 'U oetol>i.<: l.l;~i:rlii Pr6sidcnt. 1.sii::Cri -.il.Gr

rclativc à ia cl&!iniiio~i *1.?j:r:ron?i;:r~ rntrc
Guinée-Bissao,
,.
nos deux pays:

VOUS .trouverez, ci-joint, copie dc 12 répo.~se

. .
ce sujet. ..jeiui ai faitc.

blcnsicur Abdo; DIOüF

Pr :miCr MinistreTRANSCRIPTION

ANNEXE II

Le Président de la République
N" 1.7991PRlSP

Dakar, le 14 octobre 1980

Monsieur le Premier Ministre,

Je vous ai remis, ce matin, une copie d'une lettre en date

du 8 octobre 1980 du Président Luiz Cabral de Guinée-Bissao,
relative à la définition de la frontière entre nos deux

PaYs -

Vous trouverez, ci-joint, copie de la réponse qu'à ce sujet,

je lui ai faite.

Monsieur Abdou DIOUF
Premier Ministre

DAKAR Léopold Sédar SENGHOR No 1.798/PR/SP

14 octobre1980

Monsieurle Présidentet cher Frère.

J'ai bien reçu votre lettr du 8 octobre1980, relative à
la définitionde lafrontière entre nos deux pays.

Comme Vous le savez noussommes des hommes de dialogue.
Il reste que nous ne pouvonspas tourneren rond pendant
des années à propos d'un problème quiest réglé par des

conventionsinternationales et par la Charte de l'OUA.Au
demeurant,celle-cipose, comme principe, l'intangibilité
des "frontières coloniales".

Pour nous, le problème est donc simple: ou bien on

applique à la lettre les conventionsfranco-portugaises
d'avant l'indépendancedu Sénégal ou bien nous portons
l'affairedevant la Cour internationale de Justice.Nous

nous sommes engagés, par avance, à accepter l'arbitrage
de cette haute instance internationale qu qul'il puisse
être.

Croyez, Monsieur le Président et cher Frère, en
l'assurancede ma très hauteet amicale considération.

Léopold Sédar SENGHOR

Son Excellence MonsieuLruiz CABRAL
Président du Conseil d'Etat de la République deGuinée-

Bissau

BISSAU td/
REKTDLI~UUJSENEGiL
201YIçrO(E DESAF?KiETFAYCEFES

DI;.Z,TIC?I 3EZ iSFAI3ES JU?DIQUES
ETCONSUWS. -

- APPORT DE MISSIOR

SVR :LA Confdment .ivos instruction a, délégation sénkgdlaise con-
duite par Monsieur B h NDW, Directeur des Affairrs juridiques et

mnçulaires, s'est rendue à Bhu du 27 au 29 mi 1981, à l'effet d'exami-

ner le^ prcil~l?ms nés<Je la mnt-krit.i:.m jïirla H~Ipublique <leGuinée-Biseau

lie la validite jmidique de notrefrontiire mith.

La délé~ath de la partie gi.néenne était conduite par tbnsieur

Fi&eiis CABWU .'AUI~WL M inistre de la Justice. Lies débats cnt eseartieïïe-

mt prté sur des problènes de hit. Aux nailtiples objecth fomdges

par la Guinée-Bissau, la délégation sénéçalaise a am6 des répes dans

l'ensemble satisfaisantes.

la ~~lique de ûIlnée. n'ont pu kre enti-t refutés,ét& d& l'im
. .
psibiïité danslaquelle se trouvait lz délépation sénégalai sevéràfim

la nntérialité desfaits mir lesquels ils étaient bâtis.
:.
i.., , ..
Ces faits '&nt lessuivants : >

ment et pacifiqueiwt des rechd p5troliàes la me &estée,

de 1958 2 1963.
, ..'
,.--.
.. - Le ~éd@'n'aurait jairai srraiçcayi es nab -
. .
qui aumient 6piiEremerrt ravi& ou Dechédansles eaux territmiaies

situées enme lea Ùéridiens 240et 270.

- Id hventian de 1886 aurait été ratifiée et pwsiee &ence

et au Furmgal en 1887. Lesarpnents nouvellenent ?Asentés pr 11 Guinée-Bissu vi-

sziuit 3 it&Liz l'ineffectivité de l',xcupaticm de 1% pa!tim Ftiton-

toiredxxitimE: qu'tile revendique ; ils n'ont cependant ps détruit ou

mimiri les thGses sG&,:aiaises. En effet, l'sffectivits d'une occup-

ti.m s'.:py:&cic cri F;nctic)n rit.la nature C-!utmitoin: conch. Ccm

l'a ,:it 1.:%,ln- .!:rlG1'affdirv ,.!uGP.CKU8NM bcmt~11, ( !) .hns S~S mverdi-

cations de scuv:rainets sur des territoires situ& dans des pys faible-

mnt peupl& GU *Ait&, il n'est pastoujurs "nécessaire d'exi.9~ de

nmbreuses mifestations d'un exercice ds bits souverains", en l'absence

de toute prétentior! concurrente. Le M.Joc n'a pasmqué de Ir- rappeler., en

invitant la Courb.temationale de Justice (21, dans l'affai~ du SAHARA

occidental, 5 exminer les éléments de preuve qu'il lui somttait.

S'il en est ainsi <!u territoire terrestre, a fortiori doit-il

etreainsidu territoire nurit* ou de l'eepace aérien. Car am,

et ccm~ sn a eu à le dire à la Partie guinéenne, cm en viendmit 3 pwsar

qu'm Etat dépura de flotte aémv+ne serait pas souvamin surl'espace

aérien qui sql& çon thtoire. .

De même et s'aqissant plus +ciçbment du Plateau continental,
. .
3 n%uite te za &finition mêmc que les "hits de 1' at rivemin çceit
Y
bd6pendants de l'oocupatim effective ou fictive aussi bien que de tarte

@mth wp.esse" (Article 2 de La Conventim de OMèvede 1958 sur'la

.~
. ... . 1)Affaire du GROENLAN Dmental C.P.J.I . 1933 : . . '5 .
,I .'., . . .: . t:;-:.
a:,.,,,*h..
2) Affaire du SAHARA occidental -- ,ûimm ,&&YE :-.:&CI. c...'".. 1
:'ri019 pap 39. .: Et a? Cs quiconcerne les eaux territoriales, il va de mi que

les Etats en 2;ivelc;rpanent ne pwmt gGnGral~ment ;a cecher cp'ellss

ne soient jzmis impm&ent viol6es. Les Puissances nnriths dispsent

d'en~inr rw>qiciy& qui, r11rce:fait .~ct~i:~:,:nt souvs.raiu< p)\ivoim 4-.
1
Ftlice r!t:1't:t.itrivtmin. Mlir ~'42% 1.i une <:ii~stiun :le fait, car

tout le mde admet aujourd'hui quela cacacité physique n'est plus une

condition pc lfacc,uisition O2 12 qualité de sujet de hit international.

La capcit; physique implique que 1'Etat dispse des ressources

suffisantes en prscnnel technique et achiniçtMtif, en rrnyens financiers

et éconmiques pur organises çia' çon temitcire les senrices publics néces-

saires Èiia :cursuite de l'ieée d'entreprise :-tatique, pur nnintenir l'cxdm

et garantir l'intGgit6 clu territoire.

'Cette notim de capacité a mtamient ét6 ccmçade par la CamEsçiai

pemmente cks mdats en 1031,à l'occasion de l'indépendance de 1'hak.Ch

s'en srmvimt, 1;i<Me r?u mtat tritannique sur 1'Irûk Ait m.

Un trait6 conclu, le 30 juin 1930,enm lfImk et la Grande Bi.eta@e pcclailsft -

l'indépendance, mis le ~wel Etat y avaitfait des ccmcessicms telles qu'cm

pouvait douter de la réalité de cette indépdance. En effet l'lrak k&&t

à la lisposition de la Qvde !dr&&e :

- les voies f&es

- les -flrts.

.,S..
L'accorq danbait une asaistance technique militaiFe, préMyait
a*
des conversations ai nntière de ;aliti-e ext~.i-.r ildcm~ l1c&asi&a

la Caimiçsicai pemmmte des nuw'5at.s de psp. cbs,,la résolution du 4 sept-
.. ,.: .
. .... .,. .
k) "ks üroits de l'Bat eier -le ~l.t....'&&i.en.d .n qie.-& pa-s'.& . . ..,..
.. m .s -.; selle &:&i;-quei& 3 Ge -&".
.. -.. .. . . i331, l~s c-?:itions qui lui semblaient lev?ir Ê~E rwqlies ;sur qu'il

f=t ~is 12 .terre un 1 . Le C-nseil 2e 12 sxibt: ,'.es Nztims reprit

les co~.clusicns -'.ela Comr;issicn ;exmanente les ~r~ckts et Ènonça les

règles suivates :

- O+rc !:?tS ,!'tirpuvc-rncmnt: ~r.n>;titiiiet ,l'ime ~~'hiçtrùticei

:;n;jrc ,i.>sswir le foncticnncfirit ~kulim .les services essentiels de

1'Etzt.

- être capai.le de &tenir son intégritè territ&iale et son in&-

- êtFe assur5 ee fisposer <es rêsscurces financières telles qu'elles

- pssérier une 1Sgiçlation et une mgnisation ju2iciaire qui assu-

rent une justice régulière.

Mal& tmtes les riserves Grises sur la aité de la çouvdet6 . .

de l'Irak, on devait l'ahttre, le 3 rzoh 1932, aanne tmntre de La

S.D.K. Toujours était-il que, de façon logique, <-r en dkduisait que larsqu'lint,
': . .
entits ne riispjsait ps de la capacité physique, elle n'était pas un Etat

ikib en Mit psitif intematid contuipnrain, la capacité physique n'est'

plus une.condition nécessaire 3 l'5mergence d'un mui~el Etat. . 7.
# ,. .
Cm on le voit- ?mc, ai d6pit de 9s nouvedw arginnents, la
.....
psitim sénégalais cmeserve tcute sa pertinence, sarigueur et sa jristesse.
I . ,

Cependant il faut dores et déj; sonzer 3 vérifier la nxtérialit deés faits , .

SUF lesqueis ils se fondent. Si nous réussissons à 6tabli.r l'eff.ct.vi..
..
reLativr de notresmv~et& surla zone revendiquée parla a~né&s..,
,
nous a3nfortercl.i~ d'autant la valkiitg juridique de m&e fro.ti.re+;:&. .-

fait quanam ajout& au titre convent& le tiîre de lf'cccu&t i. e..g:. ..- En sGn tqs et sur votre autorisation, nous>rc&Sercns aux in--

tizzticns nécessaires en France et au Fm-tugsl.

Leç rliscussimsaYmtnermis r'.'ét&lir qu'un 46saccod sutsiste entre

la partie et nous, mus a&ns lonc 5t6més 3 alolijerCano une

sewn6e ,,hasela questim chichoixde la p~~ de règlwnent.

Eh nos confonmnt aux instructims Rçues, nsus avons ppsé le

recours 3 la Cour internationale de Justice. La Partie guinime, cm on s'y

attenAdt, a rejeté noire propsitien en Evcquant une prétendue cofnqRion

dont sdent vicths les juges de La Haye qui, selon le HuListre de .la

Justice, bnçieur Fidelis CABRAL, auraient rep des sames fanmineuses

3 l'mcasion 36 l'&faire rZiSahaM midental.

De telles cznsidbmtions ne puvaient pas fh de nutre partl'objet

de ccmrêntaires ; nous nous sames bmés È en -prendre 'acteMais nous avcais

dm& à h Plrtie guinéenne de nous pmpxer un autre de de règlemat &-

fique. La ri.él6~ati.m guinéennesu~* al.~ le ~UFS à l'arhi-e.

L'hr5itrage &txnxhmt surune décision oh1i.ytoh-e et puvant s'ap

2uyer efflusivanent sirrle Droit (cf notre note no ~~/wc/D du 26 rqi
l
iMi 1981), ncus zm, mus réserve 6'a;pY~tion pm les zutarités &-

galaises ccq&tentes, ahis qu'il puisse Ptre retenu. D'ailleurs nous

'avions voulu c;u'È Biçsaufût déjà élabcréun projet de ampmis d'adtrage.

Mais la Partie pinéenne nous 3 pp& une autre Sunion le la sous-Ccmnission C

pur :

- 1) un nowel Echan~e de vues

- 2) l'5hbretim d'un ccwpraFid ç'arbicmge. Fr.w c<-.r.c;ure?.isons que, ans 1'ensenkle, la &union 62 B~SMU

qui 3 fair: 1'sjet du ~>ci.s-verka1 ci-joint, 2 ;te fructuiuse. Exclusi-

vermt ax5e çur dcs questions de kit, elle a ~ds dfaijp-écicr h mlonté

C'ESdm ;.Hies d'a-river 2 une soluticn .:?Cfinitivr.Ce;mdant, le Ministre

Fj3elis Ch,?IM, '."tUWJi';, ,i;.?.i~:nrlcr?lZur;ir>n::risCrmcrs;>1CniCres (Pikmsen,

fore~cs en cwrs C'exécution) a fini nous ;oser la quuesticn r!esavoir ce

que devcmit 1.1;,rcr;stir~r. rl'eq,loit,ltioen mm 5u :u flm; mp&e

fd6e ;?lrl'mien I%sident de la Réai~ue, Goyold SéOar ÇENGHOR.

Nc.uszvcns crudevoir &pn& que le Snégai a pnr ~incipe

d'oeuwerdans le sens de lfinté-atim 4e l'Afrique. En conséquence, le

Sék.,al nfest,a ,riori, OP& à aucune fom de cco&ation écommique

avec les autres Etats aicains. Toutefois, le ,mbl& de la Scwdeti

?u Sén&;?J ,ur la zcne mith cmpise entre les méridiens 240 et 270 ne s

sawait êtreconfondue avec les formes, con& et ctwix de mèle de

coceticn. Ruhwnent 3t, la Guinze-Bissau, si elle veut parti ci^ à

1 explgit,2tir,n(2u flQOI', clevra, au pvhlahle, rec~nnditI'e la 'sW-

verainetg territcriale du Séné- rmr la zone -indiquée. Ehsuite et

ensuite seuïmw,t, il ap~artienh au SLn6~al 5e mir dans quelles %sures

il purra ê.treamen6 à convenir avec la Guink-Bissau d'une de oo-

Sirarr NDIAE

Directeu res Affaires j'widiqueç
-et consulaires.-/. ANNEXE IV

Par lettre na 1297 MAE/DAJC/D du 10 juillet 1981, vous

avez bien voulu me faire parvenir le procès-verbal de la réunio

de la sous-corimiission "Cm de la grande conmission mixte sénégal

guinéenne qui s'est tenue à Bissau,du 27 au 29 mai 1981, en vue
d'examiner le problème des frontières maritimes entre nos deux

pays, ainsi que le rapport élaboré, à cet effet, par le chef de

la délégation sénégalaise.

Par la mhe occasion, vous m'avez suggéré, compte tenu

de l'existence d'un désaccord dans les négociations concernant

problème, que notre pays accepte la proposition guinéenne de re

courir à la procédure d'arbitrage judiciaire.

En vue de trouver une solution juridique à ce problème

je marque mon accord à cette proposition et vous demande d'en

faire part aux autorités compétentes guinéennes.

En outre, je vous prie de bien vouloir leur suggérer

que la prochaine réunion de la dite sous-comnission, qui aurait

à élaborer un compromis d' tienne à la fin du mois

de septembre 1981.

Monsieur Moustapha Niasse

Ministre dtEtat, Chargé des

Affaires étrangères

DAKAR Habib Thiam PROCES - VERBAL

DE LA REUNION DE LA SOUS-COMMISSION "C" CHARGEE D'EXAMINER
LE DIFFEREND FRONTALIER EXISTANT ENTRE LA REPUBLIQUE DE

GUINEE-BISSAU ET LA REPUBLIQUE DUSENEGAL

La Délégation de la République de Guinée-Bissau

et la Délégation de la République du Sénégal, réunies h Dakar le 12janvier 1982
après avoir procédé h un 6 cùange de vues. ont d6cid6 de recourir à l'arbitrage

judiciaire international pour le réglement du litige frontalier qui les oppose.

Eiies ont commencé l'élaboration du projet de

compromis d'arbitrage et se sont mises d'accord sur les projets d'articles
suivants :

" COMPROMIS ENTRE LA REPUBLIQUE DE GUINEE-BISSAU ET

LA REPUBLIQUE DU SENEGAL REWIF A LA CREATION D'UN TRIBUNAL
INTERNATIONAL POUR LE REGLEMENT DE LEUR DIFFEREND FRONTALIE

La République de Guinée-Bissau etla République du Sénégal,

- Reconnaissant qu'eues n'ont pu résoudre, par voie de négociation, le différend

frontalier relatif h leur frontière maritime.

- Désirant, étant donné leurs relations amicales. parvenir au règlement de
ce différend dans les meilleurs délais,

SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :

Article premier : Les parties au présent compromis soumettent au '(tribunal)

international, créé A cet effet,
1'- la validité de la frontière maritime établie par l'Accord de 1960

2' -La détermination d'une nouvelle frontière. au cas où ceiie &(ablie par l'Ac-

cord de 1960 serait invalide.

./.Article 2 : Le Tribunal est composé de deux Juges et d'un Président.
Chaque partie nomme un juge de son choix.

Lo Président est nommé. d'un commun accord, pour les deux Parties.

Le Président et les Juges sont obligatoirement des ressortissants d'Etats-tiers.

En cas de désaccord entre les deux Parties sur le choix du Président

du Tribunal, le Président en exercice de l'OUA propose h celles-ci un Prési-

dent.
Si l'une desParties assure la presidence en exercice de l'OUA, le

Vice-Président de l'OUA propose le Prbsident.

Article 3 : LE DROIT APPLICABLE

Le Tribunal statuera sur ia tase du Droit international

Article 4 : - La procédure devant le Tribunal international est contradictoire.

EUe comporte deux phases : une phase écrite. comprenant les communications
aux Juges et aux parties des mémoires et contre-mdmoires et une phase orale

consistant en l'audition dea Conseils et Avocats dea Parties.

Article 5 : - Les Parties sont representées par un ou plusieurs Agents manda-

tés h cet effet.

Elies peuvent ee faireassister par des Conseils et Avocats.

Article 6. - Sans préjuger aucune question relative h la charge de la preuve,

la procédure écrite comprend les pieces ci-dessous : a) - un mémoire soumis par chacune des parties, au plus tard trois
mois après ia désignation, par eiie, des noms des Juges ad hoc ;

b) - un contre-mémoire soumis par chacune des parties, deux mois

après l'échange des mémoires ;

c) - toutes autres pibces de procédure jugkes nécessaires par l'autre
partie .

Les pibces de procédures présent6es au Tribunal ne sont pas commu.

niquées aul'autre partie, tant que le Tribunal n'a pas reçu ia pibce de procédure

correspondante de l'autre partie.

Article 7 :- La sentence arbitrale du Tribunal est définitive et obligatoire

pour les partiesau différend quisont tenuesde prendre toutes me sures que
comporte son exécution.

"
Article 8 : Le Tribunal ne peut statuer que s'il sibge au complet.

+ +

+

Les Déïégations de la République de Guinée-Bissau et de la Republique

du SenCgal sont convenues de complkter le projet de compromis dans des déiais
raisonnable S.
Fait, a Dakar, le 12 janvier 1982

Pour le République de Guinée Bissauc- Pour la République du Sénégal

Joao Auragema Cruz PINTO Birame NDIAYE

Ministre sans Portefeuille charge Directeur des Affaires juridiques et
de l'Administration interne Consulaires

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Contre-mémoire du Gouvernement du Sénégal

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