Résumé de l'arrêt du 17 décembre 2002

Document Number
10570
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2002/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE RELATIVE À LASO UVERAINETÉ SUR PULAU LIGITAN
ET PULAU SIPADAN (INDONÉSIE c. MALAISIE) (FOND)

Arrêt du 17 décembre 2002

Dans son arrêt sur l’affaire relative à la Souveraineté sur souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan appartient à
Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c. Malaisie), la la République d’Indonésie ou à la Malaisie.
Cour a décidé, parseize voix contre une, que «la Chacune des Parties a dûment déposé un mémoire, un
souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan appartient à
contre-mémoire et une réplique dans les délais fixés par la
lMalaisie». Ligitan et Sipadan sont deux îles de Cour.
dimensions très réduites situées dans la mer de Célèbes, au La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la
large de la côte nord-est de l’île de Bornéo. nationalité des Parties, chacune d’elles a procédé, dans
La Cour était composée comme suit: M.Guillaume, l’exercice du droit que lui c onfère le paragraphe 3 de
Président; MS. hi, Vice-Prés ident; MMO . da, Ranjeva,
Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, l’Article 31 du Statut, à la désignation d’un juge ad hoc pour
me siéger en l’affa:ire l’Indonésie a désigné
M Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, M.MohamedShahabuddeen, et la Malaisie M.Christopher
Al-Khasawneh, Buergenthal et Elaraby, juges; Gregory Weeramantry. Après la démission de
MM.Weeramantry et Franck, juges adhoc; M.Couvreur, M. Shahabuddeen, l’Indonésie a désigné M. Thomas Franck
Greffier. pour le remplacer.

* Le 13mars 2001, la République des Philippines a
* * déposé au Greffe de la Cour une requête à fin d’intervention
dans l’affaire, en invoquant l’Article 62 du Statut de la
M.Oda joint une déclaration à l’arrêt; M.Franck, juge Cour. Par arrêt rendu le 23 octobre 2001, la Cour a jugé que
ad hoc, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente. la requête des Philippines ne pouvait pas être admise.

* Des audiences publiques ont été tenues du 3 au 12juin
2002.
* * Dans la procédure orale, les conclusions ci-après ont été
présentées par les Parties :
Le texte intégral du dispositif se lit comme suit :
« Par ces motifs, Au nom du Gouvernement de l’Indonésie,
LAOUR, «Sur la base des considérations de fait et de droit
exposées dans les pièces de procédure écrite de
Par seize voix contre une, l’Indonésie et dans ses plaidoiries, le Gouvernement de
Dit que la souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau la République d’Indonésie prie respectueusement la
Sipadan appartient à la Malaisie. Cour de dire et juger que :

POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice- i) la souveraineté sur Pulau Ligitan appartient à la
Président; MM.Oda, Ranjeva, Hemezegh, Fleischhauer, République d’Indonésie; et
Koroma, Vereshchetin, M Higgins, MM. Parra- ii) la souveraineté sur Pulau Sipadan appartient à la
Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, République d’Indonésie. »
Buergenthal, Elaraby, juges; M.Weeramantry, juge
ad hoc; Au nom du Gouvernement de la Malaisie,
Le Gouvernement de la Malaisie prie
CONTRE : M. Franck, juge ad hoc. » respectueusement la Cour de dire et juger que la
souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
*
* * appartient à la Malaisie. »

Historique de la procédure et conclusions des Parties Le cadre géographique
(par. 14)
(par. 1 à 13)
Le 2novembre 1998, l’Indonésie et la Malaisie ont Pour commencer, la Cour décrit le cadre géographique
du différend de la manière suivante :
notifié au Greffier de la Cour un compromis entre les deux
États, signé à Kuala Lumpur le 31mai1997 et entré en Les îles de Ligitan et Sipadan (Pulau Ligitan et Pulau
vigueur le 14mai1998. Dans ce compromis, ils priaient la Sipadan), distantes l’une de l’autre d’environ 15,5milles
Cour de déterminer, sur la base des traités, accords et de toutmarins, sont toutes deux situées dans la mer de Célèbes, au
autre élément de preuve produ it par les Parties, si la large de la côte nord-est de l’île de Bornéo. Ligitan est une

288île de dimension très réduite se trouvant à l’extrémité d’effectivités britanniques et malaisiennes sur lesdites îles.

méridionale d’un grand récif en forme d’étoile qui s’étend Elle estime subsidiairement que, si la Cour parvenait à la
vers le sud à partir des îles de Danawan et de SiAmil. Ses conclusion que les îles en litige avaient appartenu à l’origine
coordonnées sont 4 o09’ de latitude nord et 118 o 53’ de aux Pays-Bas, ses effectivités auraient en tout état de cause
longitude est. L’île se trouve à environ 21milles marins de supplanté un tel titre des Pays-Bas.
TanjungTutop, sur la péninsule de Semporna, territoire le

plus proche sur l’île de Bornéo. Constamment émergée et La Convention de 1891 entre la Grande-Bretagne
essentiellement sablonneuse, Ligitan est une île à la et les Pays-Bas
végétation basse, sur laquelle se trouvent quelques arbres. (par. 34 à 92)
Elle n’est pas habitée de façon permanente.
Bien que plus grande que Ligitan, Sipadan est également La Cour rappelle que l’Indonésie soutient à titre
principal que la souveraineté sur les îles de Ligitan et
une île de dimension réduite; sa superficie est o’environ Sipadan lui appartient en vertu de la Convention de1891.
0,13 kilomètreocarré. Ses coordonnées sont 4 06’ de latitude L’Indonésie estime que, par «ses termes, son contexte, son
nord et 118 37’ de longitude est. Elle se trouve à une
quinzaine de milles marins de Tanjung Tutop, et à 42 milles objet et son but, ladite convention fixait comme ligne de
marins de la côte est de l’île de Sebatik. Sipadan est une île partage entre les possessions respectives des Parties dans la
densément boisée d’origine volcanique qui constitue le zone aujourd’hui en cause le parallèle4 o 10’ de latitude
nord». Elle précise à cet ég ard que sa position n’est pas
sommet d’une montagne sous-marine d’environ600 à d’affirmer «que la ligne conventionnelle de1891 visait
700 mètres de hauteur, autour duquel un atoll corallien s’est également, dès l’origine, à êt re une frontière maritime … à
formé. Elle n’a pas été habit ée de façon permanente avant
les années 80, époque de son développement comme station l’est de l’île de Sebatik, ni qu’elle l’était en fait», mais
de tourisme tournée vers la plongée sous-marine. plutôt de «regarder cette ligne comme une ligne
d’attribution: les territoires, y compris les îles situées au
nord du parallèle 4 10’ de latitude nord, étaient …
Le contexte historique considérés comme britanniques, et ceux situés au sud
(par. 15 à 31)
comme néerlandais». Les îles en litige étant situées au sud
La Cour décrit ensuite, dans ses grandes lignes, le de ce parallèle, «[i]l en découle[rait] qu’en vertu de la
contexte historique complexe du différend qui oppose les Convention le titre sur ces îles appartenait aux Pays-Bas et
Parties. qu’il appartient aujourd’hui à l’Indonésie ».
À l’appui de sa revendication sur les îles de Ligitan et

Fondements des demandes des Parties Sipadan, l’Indonésie invoque essentiellement l’articleIV de
(par. 32 et 33) la Convention de 1891. Cette disposition se lit comme suit :
« À partir du point situé à 4 o10’ de latitude nord sur
La Cour relève que l’Indonésie soutient à titre principal la côte orientale, la ligne frontière se poursuit vers l’est
que sa souveraineté sur les îles de Ligitan et Sipadan repose
sur la Convention conclue le 20juin 1891 par la Grande- le long du même parallèle, à travers l’île de Sebittik; la
Bretagne et les Pays-Bas aux fins de «définir les frontières partie de l’île située au nord dudit parallèle appartient
sans réserve à la British North Borneo Company et la
entre les possessions des Pays-Bas sur l’île de Bornéo et les partie située au sud du parallèle appartient sans réserve
États de cette île qui [étaient] sous protection britannique». aux Pays-Bas. »
L’Indonésie invoque également une série d’effectivités, tant
néerlandaises qu’indonésiennes, qui, selon elle, viendraient Les Parties sont en désaccord quant à l’interprétation à
confirmer son titre conventionnel. Au cours de la procédure donner à cette disposition.
orale, l’Indonésie a en outre fait valoir, à titre subsidiaire,
Interprétation de la Convention de 1891
que si la Cour ne retenait pas son titre fondé sur la
Convention de1891, la souveraineté sur les îles en litige ne (par. 37 à 92)
lui en appartiendrait pas moins, du fait que celles-ci se La Cour note que l’Indonésie n’est pas partie à la
trouvaient sous l’autorité du sultan du Bouloungan, dont elle
est le successeur. Convention de Vienne du 23mai1969 sur le droit des
traités; elle rappellera toutefois que, selon le droit
Pour sa part, la Malaisie soutient qu’elle a acquis la international coutumier qui a trouvé son expression dans les
souveraineté sur les îles de Ligitan et Sipadan à la suite articles 31 et 32 de ladite convention :
d’une série de transmissions qu’aurait connues le titre «un traité doit être interprété de bonne foi suivant le
détenu à l’origine par l’ancien souverain, le sultan de Sulu,
titre qui serait ensuite passé, successivement, à l’Espagne, sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte
et à la lumière de son objet et de son but.
aux États-Unis, à la Grande-Bretagne –pour le compte de L’interprétation doit être fondée avant tout sur le texte
l’État du Nord-Bornéo–, au Royaume-Uni de Grande- du traité lui-même. Il peut être fait appel à titre
Bretagne et d’Irlande du Nord, et finalement à la Malaisie complémentaire à des moyens d’interprétation tels les
elle-même. Elle affirme que son titre fondé sur cette série
d’instruments juridiques est confirmé par un certain nombre travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles
le traité a été conclu. »
289 La Cour rappelle que, en ce qui concerne en outre le contexte

paragraphe3 de l’article31, e lle a eu l’occasion de préciser (par. 44 à 48)
que cette disposition reflète également le droit coutumier Ayant résumé les arguments des Parties concernant le
lorsqu’elle prévoit qu’il sera tenu compte, en même temps contexte de la Convention de1891, la Cour constate que le
que du contexte, de la conduite ultérieure des parties au
traité, à savoir de «tout accord ultérieur» (alinéa a et de mémorandum explicatif joint au projet de loi présenté aux
« toute pratique ultérieurement suivie » (alinéab). États-généraux des Pays-Bas en vue de la ratification de
ladite convention, qui constitue le seul document relatif à la
La Cour observe que l’Indonésie ne conteste pas que Convention à avoir été publié à l’époque de la conclusion de
telles sont bien les règles applicables. celle-ci, fournit des indications utiles sur un certain nombre
de points.
Le libellé de l’article IV
Tout d’abord, ce mémorandum évoque le fait que, lors
(par. 39 à 43) des négociations préalables, la délégation britannique avait
S’agissant des termes de l’articIV, l’Indonésie proposé que la ligne frontière se dirigeât vers l’est, à partir
de la côte orientale du Nord-Bornéo, en passant entre les îles
soutient que rien dans celui-ci ne donne à penser que la de Sebatik et Nunukan Est. Quant à Sebatik, le
ligne s’arrête à la côte orientale de l’île de Sebatik. Selon la
Malaisie, le sens naturel et ordinaire des mots «à travers mémorandum explique que le partage de l’île avait été
l’île de Sebittik» est de désigner, «en anglais et en convenu sur proposition du Gouvernement néerlandais et
néerlandais, une ligne qui traverse Sebatik de la côte jugé nécessaire pour permettr e l’accès aux régions côtières
occidentale à la côte orientale sans aller plus loin ». attribuées aux parties. Le mémorandum ne fait aucune
allusion à l’attribution d’autr es îles plus à l’est et, en
La Cour note que les Parties diffèrent sur le sens qu’il particulier, il ne fait aucune mention de Ligitan et de
convient d’accorder, dans la première phrase de l’articleIV
de la Convention de1891, à la préposition «across» (en Sipadan.
anglais) ou «over» (en néerlandais). Elle reconnaît que ce S’agissant de la carte jointe au mémorandum explicatif,
terme n’est pas sans ambiguïté et qu’il est susceptible de la Cour relève que celle-ci représente quatre lignes de
couleur différente, la frontière finalement convenue étant
revêtir le sens que chacune des Parties lui prête; une ligne représentée par une ligne rouge. Sur la carte, la ligne rouge
fixée par traité peut en effet passer «à travers» une île et o
s’arrêter sur les rivages de celle-ci ou se poursuivre au-delà. s’étend en mer le long du parallèle 4 10’ de latitude nord
Les Parties sont également en désaccord quant au sens à jusqu’au sud de l’île de Maboul, cette extension n’ayant été
donner au membre de phrase selon lequel « la ligne frontière ni commentée dans le mémorandum, ni débattue par le
o Parlement néerlandais. La Co ur observe en outre que la
se poursuit vers l’est le long » du parallèle 4 10’ de latitude carte ne représente qu’un cert ain nombre d’îles situées au
nord. De l’avis de la Cour, l’expression « se poursuit » n’est nord du parallèle4 o10’; mis à part quelques récifs, aucune
pas non plus sans ambiguïté. L’article premier de la
Convention définit le point de départ de la frontière entre les île n’apparaît au sud de ce parallèle. Elle note par ailleurs
deux États, ses articlesII etII I décrivant la façon dont cette qu’aucun élément au dossier ne laisse à penser par ailleurs
frontière se poursuit de segment en segment. Dès lors, le fait que Ligitan et Sipadan, ou d’autres îles comme Maboul,
que, selon l’articleIV, cette «ligne frontière se poursuit» auraient été des territoires en litige entre la Grande-Bretagne
et les Pays-Bas à l’époque de la conclusion de la
encore à paroir de la côte orientale de Bornéo le long du Convention. De l’avis de la Cour, on ne saurait donc faire
parallèle 4 10’ de latitude nord à travers l’île de Sebatik
n’implique pas nécessairement, contrairement à ce que droit à l’argument de l’Indonésie, selon lequel la ligne rouge
soutient l’Indonésie, qu’elle doive se poursuivre en tant que décrite sur la carte aurait été prolongée afin de régler une
ligne d’attribution au-delà de cette île. quelconque controverse au large de Sebatik, avec pour
conséquence que Ligitan et Sipa dan auraient été attribuées
La Cour estime au demeurant que la différence de aux Pays-Bas.
ponctuation dans les deux versions de l’articleIV de la
Convention de 1891 n’est, comme telle, d’aucune assistance La Cour ne saurait davantage accueillir la thèse de
pour élucider le sens du texte quant à un éventuel l’Indonésie relative à la valeur juridique de la carte jointe au
prolongement de la ligne vers le large, à l’est de l’île de mémorandum explicatif du Gouvernement néerlandais. La
Sebatik. Cour observe que ce mémorandum explicatif et cette carte
n’ont jamais été transmis par le Gouvernement néerlandais
La Cour observe que toute ambiguïté aurait pu être au Gouvernement britannique, mais ont seulement été
évitée si la Convention avait précisé de manière expresse
que le parallèle 4o 10’ de latitude nord constituerait, au-delà adressés à ce dernier par son agent diplomatique à La Haye.
de la côte orientale de Sebatik, la ligne séparant les îles sous Le Gouvernement britannique ne réagit pas à cette
souveraineté britannique et celles sous souveraineté transmission interne. La Cour indique ensuite qu’une telle
absence de réaction à l’égard de la ligne figurant sur la carte
néerlandaise. Dans ces conditions, le silence du texte ne jointe au mémorandum ne saurait être considérée comme
peut être ignoré. Il plaide en faveur de la thèse malaisienne.

290valant acquiescement à ladite ligne. La Cour conclut de ce territoires situés sur la côte nord-est de l’île de Bornéo (dans
qui précède que ladite carte ne peut être regardée ni comme l’État de Tidoeng «jusqu’à la rivière Sibuco»); certaines

un «accord ayant rapport à un traité et qui est intervenu frictions s’étaient alors produ ites entre la compagnie et les
entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion d’un Pays-Bas, ces derniers prétendant affirmer leurs droits sur
traité », au sens de l’alinéa a du paragraphe2 de l’article 31 les possessions du sultan du Bouloungan, «y compris les
de la Convention de Vienne, ni comme un «instrument territoires de Tidoeng » (les italiques figurent dans
établi par une partie … à l’occasion de la conclusion du l’original). C’est dans ces circonstances que la Grande-
traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument Bretagne et les Pays-Bas établirent en 1889 une commission
ayant rapport au traité», au sens de l’alinéa b du mixte afin de discuter des ba ses d’un accord susceptible de

paragraphe 2 de l’article 31 de la Convention de Vienne. régler le différend.
La Commission mixte se réunit à trois reprises et se
L’objet et le but de la Convention de 1891 consacra presque exclusivement à des questions touchant à
(par. 49 à 51) la zone litigieuse sur la côte nord-est de l’île de Bornéo. Ce
n’est que lors de la dernière réunion, qui se tint le
Après avoir examiné les arguments de l’Indonésie et de
la Malaisie, la Cour considère que l’objet et le but de la 27 juillet 1889, que la délégation britannique proposa que la
Convention de1891 étaient de délimiter les frontières entre frontière passe entre les îles de Sebatik et de Nanoukan Est.
Les Pays-Bas avaient rejeté la proposition britannique.
les possessions des parties à l’intérieur de l’île de Bornéo, L’idée même d’un partage de l’île de Sebatik le long du
ainsi qu’il ressort du préambule de la Convention, lequel parallèle 4o 10’ de latitude nord ne fut quant à elle introduite
précise que les parties étaient «désireuses de définir les qu’ultérieurement. Dans une lettre du 2février1891 les
frontières entre les possessions des Pays-Bas sur l’île de Pays-Bas ont souscrit à ce partage.
Bornéo et les États de cette île qui sont sous protection
britanniqu»e (c’est la Cour qui souligne). Cette Au cours des négociations, les parties utilisèrent divers
interprétation est, de l’avis de la Cour, confortée par la croquis pour illustrer leurs vues et leurs propositions. La
Cour estime qu’on ne saurait déduire quoi que ce soit de la
structure même de la Convention de1891. La Cour ne longueur des lignes qui apparaissent sur ces croquis.
trouve dans la Convention aucun indice qui donnerait à
penser que les parties auraient entendu délimiter la frontière La Cour conclut que les travaux préparatoires de la
entre leurs possessions à l’est des îles de Bornéo et de Convention et les circonstances dans lesquelles elle a été
Sebatik, et attribuer à l’une ou à l’autre la souveraineté sur conclue ne peuvent être regardés comme étayant la thèse de
d’autres îles que celles-ci. l’Indonésie, selon laquelle les parties à ladite convention se
seraient entendues non seulement sur le tracé de la frontière
La Cour parvient en consé quence à la conclusion que le terrestre, mais également sur une ligne d’attribution se
texte de l’articleIV de la Convention de1891, lu dans son prolongeant au-delà de la côte est de Sebatik.
contexte et à la lumière de l’objet et du but de la
Convention, ne saurait être interprété comme établissant une
ligne d’attribution de la souveraineté sur des îles situées au La pratique ultérieure
large, à l’est de l’île de Sebatik. (par. 59 à 80)

La Cour constate que les relations entre les Pays-Bas et
Les moyens complémentaires susceptibles le Sultanat du Bouloungan avaient été fixées par une série
de confirmer l’interprétation de la Cour : de contrats passés entre eux. Les contrats des
les travaux préparatoires de la Convention 12novembre1850 et 2juin1878 précisaient les limites du
de 1891 et les circonstances entourant Sultanat. Ces limites s’étendaient au nord de la frontière
sa conclusion
terrestre qui fut finalement agréée en 1891 par les Pays-Bas
(par. 53 à 58) et la Grande-Bretagne. C’est pourquoi les Pays-Bas avaient
Compte tenu de ce qui précède, la Cour ne considère pas consulté le sultan avant de conclure la Convention avec la
Grande-Bretagne; ils s’étaient en outre trouvés dans
nécessaire de faire appel à des moyens complémentaires l’obligation de modifier en1893 le contrat de1878, afin de
d’interprétation, tels que les travaux préparatoires et les tenir compte de la délimitation intervenue en1891. Le
circonstances dans lesquelles la Convention de1891 a été
conclue, pour déterminer le sens de ladite convention; nouveau texte précisait que les îles de Tarakan et de
toutefois, comme dans d’autres affaires, elle estime pouvoir Nanoukan et la partie de l’île de Sebatik située au sud de la
recourir à ces moyens complémentaires pour y rechercher ligne frontière appartenaient au Bouloungan, et qu’il en était
une confirmation éventuelle de l’interprétation qu’elle a de même des « petites îles se rattachant aux îles
susmentionnées, pour autant qu’elles soient situées au sud
tirée du texte de la Convention. de la ligne frontière». La Cour note que ces trois îles sont
La Cour observe que, à la suite de la création de la entourées de nombreuses îles plus petites, qui peuvent être
British North Borneo Company (BNBC), en mai 1882, cette
dernière s’était prévalue de droits qu’elle estimait avoir considérées comme «se ratt achant » géographiquement à
acquis d’Alfred Dent et du baron von Overbeck –qui les celles-ci. Elle estime en revanche que tel ne saurait être le
avaient eux-mêmes acquis du sultan de Sulu– sur des cas de Ligitan et Sipadan, situées à une distance de plus
de 40 milles marins de ces trois îles.

291 La Cour rappelle que la Convention de1891 contenait en fût fait mention dans l’Accord. La Cour estime que
une disposition prévoyant la po ssibilité pour les parties, l’examen de la carte annexée à l’Accord de1915 vient

dans le futur, de définir plus précisément le tracé de la ligne renforcer la lecture qu’elle fait de ce dernier.
frontière. En effet, l’article V de cette convention stipule La Cour considère en outre qu’un débat, évoqué par
que «[l]e tracé exact de la ligne frontière, telle qu’elle est l’Indonésie, qui eut lieu au sein de l’administration
décrite dans les quatre articles précédents, sera défini néerlandaise, de1922 à1926, quant à l’opportunité de
ultérieurement d’un commun accord, aux moments que les soulever auprès du Gouvernement britannique la question de
Gouvernements néerlandais et britannique jugeront
opportuns ». la délimitation de la mer territoriale au large de la côte est
de l’île de Sebatik, laisse à penser que, dans les années 20,
Le premier de ces accords est celui que la Grande- les autorités néerlandaises les mieux informées ne
Bretagne et les Pays-Bas conclurent à Londres le considéraient pas qu’il avait été convenu en1891 d’un
28septembre1915 concernant «la frontière entre l’État du prolongement en mer de la ligne tracée sur terre le long du
Nord-Bornéo et les possessions néerlandaises à Bornéo». parallèle 4o10’de latitude nord.
Par l’Accord de1915, les deuxÉtats approuvaient et
La Cour estime enfin qu’elle ne saurait tirer aucune
confirmaient un rapport conj oint, incorporé audit accord, conclusion, aux fins de l’interprétation de l’articleIV de la
ainsi que la carte y annexée, qui avaient été établis par une Convention de1891, de la pratique des Parties en matière
commission mixte. Les commi ssaires avaient commencé d’octroi de concessions pétrolières.
leurs travaux sur la côte est de Sebatik et avaient entrepris, Au vu de tout ce qui précède, la Cour considère que
comme le rappelle le préambule de l’Accord, de « délimiter
sur les lieux la frontière» convenue en1891, en procédant l’examen de la pratique ultérieure des parties à la
d’est en ouest. La Cour estime que la mission effectuée par Convention de1891 confirme les conclusions auxquelles
elle est parvenue au paragrap he52 de son arrêt quant à
les commissaires n’était pas une mission de simple l’interprétation de l’article IV de cette convention.
démarcation, les parties ayant dû s’employer à préciser un
tracé qui, vu le libellé ass ez général de la Convention
de1891 et la longueur considérable de la ligne, ne pouvait Lcsartes
qu’être imprécis. De l’avis de la Cour, la volonté des parties (par. 81 à 91)
de préciser la délimitation opérée en1891 et le caractère La Cour relève qu’aucune carte agréée par les Parties n’a
complémentaire des opérations de démarcation menées
été annexée à la Convention de1891, qui eût exprimé
ressortent à suffisance d’un ex amen attentif du texte de officiellement la volonté de la Grande-Bretagne et des Pays-
l’Accord. Celui-ci indique ainsi que « [l]à où la Bas quant au prolongement de la ligne frontière vers le
configuration du terrain n’offr ait pas de limite naturelle large, à l’est de Sebatik, en tant que ligne d’attribution.
conforme aux dispositions de l’Accord de frontière du Elle note qu’au cours de la procédure, les Parties se sont
20juin1891, [les commissaires ont] érigé les bornes
suivantes». Par ailleurs, la Cour constate que le tracé de la référées plus particulièrement à deux cartes, à savoir la carte
accompagnant le mémorandum explicatif que le
ligne finalement retenu dans l’Accord de 1915 ne Gouvernement néerlandais ava it joint au projet de loi
correspond pas entièrement à celui de la Convention présenté aux États-généraux en vue de la ratification de la
de 1891. Convention de 1891, et la carte annexée à l’Accord de 1915.
Au vu de ce qui précède, la Cour ne retient pas La Cour s’est déjà prononcée sur la valeur juridique de ces
l’argument de l’Indonésie selon lequel l’Accord de1915 cartes (voir par. 47, 48 et 72 de l’arrêt).
était exclusivement un acco rd de démarcation. Elle
Après avoir examiné les autres cartes produites par les
n’accepte pas davantage la conclusion qu’en tire Parties, la Cour constate que, au total, en dehors de la carte
l’Indonésie, à savoir que, compte tenu de la nature même de annexée à l’Accord de1915 (v oir ci-dessus), le matériau
cet accord, les parties n’avaien t pas à se préoccuper, dans cartographique soumis par les Parties ne permet pas
celui-ci, du tracé de la ligne vers le large, à l’est de l’île d’aboutir à des conclusions en ce qui concerne
de Sebatik. l’interprétation de l’article IV de la Convention de 1891.

Après avoir examiné le titre et le préambule de l’Accord *
de 1915 ainsi que les termes du rapport conjoint de la
Commission, la Cour conclut que l’Accord de1915 visait à La Cour aboutit en définitive à la conclusion que
priori l’ensemble de la frontière «entre le territoire
néerlandais et l’État du Nord-Bornéo britannique», et que l’articleIV, interprété dans son contexte et à la lumière du
les commissaires avaient accomp li leur tâche en partant de but et de l’objet de la Conventio n, fixe la frontière entre les
l’extrémité est de Sebatik. De l’avis de la Cour, si la deux Parties jusqu’à l’extrémité orientale de l’île de Sebatik
et n’établit aucune ligne d’attribution plus à l’est. Cette
frontière s’était d’une façon ou d’une autre poursuivie à l’est conclusion est confortée tant par les travaux préparatoires
de Sebatik, on aurait pu s’attendre à ce qu’à tout le moins il que par la conduite ultérieure des parties à la Convention
de 1891.

292La question de la succession au titre des terrae nullius pendant la période pertinente aux fins de
(par. 93 à 125) la présente affaire, elles le font sur la base de raisonnements

La Cour examine ensuite la question de savoir si diamétralement opposés, chacune d’entre elles prétendant
l’Indonésie ou la Malaisie sont devenues détentrices d’un disposer d’un titre sur ces îles.
titre sur Ligitan et Sipadan par voie de succession. La Cour La Cour examine pour commencer si Ligitan et Sipadan
faisaient partie ou non des possessions du sultan de Sulu.
rappelle que l’Indonésie a affirmé lors du second tour de Dans tous les documents pertinents, le Sultanat de Sulu est
plaidoiries que même si la Cour devait écarter sa
revendication sur les îles en litige fondée sur la Convention invariablement décrit comme étant formé par « tout
de 1891, elle n’en conserverait pas moins le titre sur ces îles l’archipel de Sulu et ses dépendances». Ces documents ne
en tant que successeur des Pays-Bas, qui l’avaient eux- permettent cependant d’établir si Ligitan et Sipadan, qui
mêmes acquis par des contrats conclus avec le sultan du sont situées à une distance considérable de l’île principale
de Sulu, faisaient ou non partie des dépendances du
Bouloungan, détenteur originaire du titre. La Malaisie Sultanat. La Cour fait également état de l’allégation de la
soutient, quant à elle, que Ligitan et Sipadan n’ont jamais Malaisie, selon laquelle il aurait existé des liens
fait partie des possessions du sultan du Bouloungan.
La Cour relève qu’elle a déjà examiné les différents d’allégeance entre le sultan de Sulu et les Bajau Laut, qui
contrats de vassalité conclus entre les Pays-Bas et le sultan habitaient les îles au large de la côte de Bornéo et auraient
du Bouloungan lorsqu’elle s’est penchée sur la question de occasionnellement fréquenté les deux îles inhabitées. La
Cour pense que de tels liens ont fort bien pu exister, mais
la Convention de1891. Elle rappelle qu’aux termes du qu’ils ne suffisent pas, en eux-mêmes, à prouver que le
contrat de 1878, les îles appartenant au sultan sont indiquées sultan de Sulu revendiquait le titre territorial sur ces deux
comme étant «Terekkan [Tarak an], Nanoekan [Nanoukan] petites îles ou les incluait dans ses possessions. De même,
et Sebittikh [Sebatik] ainsi que les îlots qui en relèvent».
Cette liste, telle qu’amendée en1893, mentionne en termes rien ne prouve que le sultan a it exercé une autorité effective
similaires les trois îles et les îlots environnants, tout en sur Ligitan et Sipadan.
tenant compte du partage de Sebatik résultant de la Concernatnlratansmission alléguée à l’Espagne du titre
sur Ligitan et Sipadan, la Cour relève qu’aux termes du
Convention de1891. La Cour rappelle en outre avoir déjà Protocole du 22juillet1878 confirmant les bases de la paix
fait observer que le membre de phrase «les îlots qui en
relèvent» ne peut être interprété que comme désignant les et de la capitulation conclu entre l’Espagne et le sultan de
petites îles situées dans le voisinage immédiat des troisîles Sulu, ce dernier céda incontestablement « l’archipel de Sulu
nommément citées, et non pas des îles situées à une distance et … ses dépendances» aux Espagnols. Mais la Cour
de plus de 40 milles marins. La Cour ne saurait donc retenir conclut que rien ne prouve que l’Espagne ait considéré que
ce protocole concernait Ligitan et Sipadan. La Cour observe
la thèse de l’Indonésie selon laquelle cette dernière aurait cependant qu’il est incontestable que le sultan de Sulu avait
hérité des Pays-Bas le titre sur les îles en litige par le biais renoncé, au profit de l’Espagne, à ses droits souverains sur
des contrats qui font figurer le Sultanat du Bouloungan, tel
qu’il y est défini, dans les Indes néerlandaises. toutes ses possessions, perdant de ce fait tout titre qu’il
Puis la Cour rappelle que la Malaisie prétend pour sa aurait pu détenir sur les îles au-delà de la limite des 3 lieues
part avoir acquis la souverain eté sur les îles de Ligitan et marines le long de la côte du Nord-Bornéo. C’est pourquoi
la Cour estime que le seul État qui, aux termes des
Sipadan à la suite d’une série de transmissions alléguées du instruments applicables, aurait pu revendiquer Ligitan et
titre détenu à l’origine par l’ancien souverain, le sultan Sipadan était l’Espagne, mais qu’il n’est pas établi qu’elle
deSulu, titre qui serait passé , successivement, à l’Espagne, l’ait fait. La Cour constate en outre que, à l’époque, ni la
aux États-Unis, à la Grande-Bretagne –pour le compte de
l’État du Nord-Bornéo–, au Royaume-Uni de Grande- Grande-Bretagne, pour le compte de l’État du Nord-Bornéo,
Bretagne et d’Irlande du Nord, et finalement à la Malaisie. ni les Pays-Bas ne revendiquèrent Ligitan et Sipadan, que ce
La Malaisie affirme que c’est en vertu de cette «chaîne de soit explicitement ou implicitement.
Le maillon suivant dans la chaîne de transmission du
succession du titre» qu’elle-même a acquis un titre titre est constitué par le Traité hispano-américain du
conventionnel sur Ligitan et Sipadan.
La Cour relève dès l’abord que les îles en litige ne sont 7novembre1900, par lequel l’Espagne «renonç[ait] au
nommément citées dans aucun des instruments juridiques profit des États-Unis à tout titre et revendication de titre …
internationaux que la Malaisie a produits pour démontrer les sur toutes les îles faisant partie de l’archipel des
Philippines» et n’entrant pas dans le champ d’application
transmissions successives du titre alléguées. Elle constate en du Traité de paix du 10 décembre 1898. La Cour relève tout
outre que les deux îles n’étaient pas incluses dans la d’abord que, même si, comme en conviennent les Parties,
concession du 22 janvier 1878, par laquelle le sultan de Sulu Ligitan et Sipadan n’entraient pas dans le champ
cédait à AlfredDent et au baron von Overbeck tous ses
droits et pouvoirs sur l’en semble de ses possessions à d’application du Traité de paix de1898, les seules îles qui,
Bornéo, y compris les îles situées dans la limite de 3lieues dans le Traité de 1900, soient mentionnées comme ayant été
marines à partir de la côte, fa it non contesté par les Parties. cédées aux États-Unis par l’Espagne sont CagayanSulu,
Sibutu et leurs dépendances.
Enfin, la Cour constate que, si les Parties soutiennent toutes L’Espagne n’en renonçait pas moins par ce traité à toute
deux que les îles de Ligitan et Sipadan n’ont pas constitué
prétention qu’elle aurait pu avoir sur Ligitan et Sipadan ou
293d’autres îles situées au-delà de la limite fixée à 3lieues septentrional, Sarawak et Singapour» en faveur de la
marines de la côte du Nord-Bornéo. Les événements Malaisie.

postérieurs montrent que les États-Unis eux-mêmes ne En1969, l’Indonésie contesta le titre de la Malaisie sur
savaient pas précisément quelles étaient les îles sur Ligitan et Sipadan, et prétendit détenir un titre sur les deux
lesquelles ils avaient acquis le titre en vertu du Traité îles en vertu de la Convention de 1891.
de1900. Un arrangement pr ovisoire entre la Grande- Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle
Bretagne et les États-Unis fut conclu en1907 par un
échange de notes. Cet échange de notes, qui n’entraînait ne saurait accepter la thèse de la Malaisie selon laquelle il
aucun transfert de souveraineté, précisait que la BNBC existerait une transmission ininterrompue du titre depuis son
prétendu détenteur originaire, le sultan de Sulu, jusqu’à la
continuerait à administrer les îles situées à plus de 3lieues Malaisie, son détenteur actuel. Il n’a pas été établi avec
marines de la côte du Nord-Bornéo, mais la question de certitude que Ligitan et Sipadan faisaient partie des
savoir à laquelle des parties appartenaient les îles n’était pas possessions du sultan de Sulu et que l’un des prétendus
résolue. détenteurs du titre qui lui auraient succédé aurait détenu un
Cet arrangement provisoire dura jusqu’au
titre conventionnel sur ces deux îles. La Cour ne saurait par
2janvier1930, date à laquelle la Grande-Bretagne et les conséquent conclure que la Malaisie a hérité d’un titre
États-Unis conclurent une convention qui traçait une ligne conventionnel de son prédécesseur, le Royaume-Uni de
séparant d’une part les îles appartenant à l’archipel des Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
Philippines et d’autre part les îles appartenant à l’État du
Nord-Bornéo. L’article III de cette convention disposait que
toutes les îles situées au sud et à l’ouest de la ligne Les effectivités
appartenaient à l’État du Nord-Bornéo. A partir d’un point (par. 126 à 149)
La Cour examine ensuite si les éléments de preuve
situé très au nord-est de Ligitan et de Sipadan, la ligne se
dirigeait d’une part vers le nord et d’autre part vers l’est. La fournis par les Parties en ce qui concerne les effectivités
Convention ne désignait aucune île par son nom, à invoquées par celles-ci peuve nt l’amener à déterminer
l’exception des îles Turtle et Mangsee, déclarées comme se –comme elle en est priée dans le compromis– à qui
trouvant sous la souveraineté des États-Unis. En concluant appartient la souveraineté sur Ligitan et Sipadan.
la Convention de1930, les États-Unis renonçaient à toute La Cour relève que les Parties font toutes deux valoir
revendication qu’ils auraient pu avoir sur Ligitan et Sipadan
que les effectivités sur lesquelles elles s’appuient ne font
et sur les îles avoisinantes. Mais la Cour ne saurait conclure que confirmer un titre conventionnel. A titre subsidiaire, la
ni de l’échange de notes de1907 ni de la Convention Malaisie prétend avoir acquis un titre sur Ligitan et Sipadan
de1930, ni d’aucun document émanant de l’administration par une possession et une ad ministration pacifiques et
des États-Unis entre ces deuxdates, que ces derniers continues de celles-ci sans protestation de la part de
revendiquaient la souveraineté sur ces îles. On ne saurait l’Indonésie ou de ses prédécesseurs en titre.
donc affirmer avec quelque certitude que ce soit que, par la
Ayant conclu qu’aucune des deux Parties ne détient un
Convention de1930, les États-Unis auraient, comme le titre conventionnel sur Ligitan et Sipadan, la Cour procède
prétend la Malaisie, transféré à la Grande-Bretagne le titre ensuite à l’examen de la question des effectivités de manière
sur Ligitan et Sipadan. D’autre part, la Cour ne manque pas indépendante et distincte.
de faire observer que la Grande-Bretagne considérait que, en Elle constate que, à l’appui de ses arguments relatifs aux
vertu de la Convention de 1930, elle avait acquis au nom de
la BNBC le titre sur toutes les îles situées au-delà de la zone effectivités, l’Indonésie invo que les patrouilles effectuées
des 3lieues marines qui avaient été administrées par la dans la région par des navires de la marine royale des Pays-
Bas, les activités de la marine indonésienne, ainsi que celles
compagnie, à l’exception des île s Turtle et Mangsee. Elle des pêcheurs indonésiens. Elle note également que
n’avait jamais auparavant formulé de revendication l’Indonésie, évoquant sa loi n o4 relative aux eaux
officielle sur aucune des îles s ituées au-delà de la zone des indonésiennes promulguée le 18février1960, en vertu de
3 lieues marines. Savoir si ce titre, dans le cas de Ligitan et laquelle sont définies ses lignes de base archipélagiques,
Sipadan et des îles avoisinantes, fut effectivement acquis en
vertu de la Convention de1930 est moins pertinent que le reconnaît qu’à l’époque elle n’a pas utilisé Ligitan ou
fait que la position adoptée par la Grande-Bretagne quant à Sipadan comme points de base pour le tracé des lignes de
base et la définition de ses eaux archipélagiques et de sa mer
l’effet de cette convention ne fut contestée par aucun autre territoriale, mais fait valoir que cela ne saurait être interprété
État. comme montrant qu’elle considérait les îles comme
L’État du Nord-Bornéo fut transformé en colonie n’appartenant pas à son territoire.
en 1946. Par la suite, le Gouvernement du Royaume-Uni, en
vertu de l’articleIV de l’ Accord du 9juillet1963, accepta S’agissant de ses effectivités relatives aux îles de Ligitan
et Sipadan, la Malaisie évoque la réglementation de la
de prendre «toutes mesures appropriées en son pouvoir capture des tortues et le ramassage des Œufs de tortue; elle
pour faire adopter par le Parlement du Royaume-Uni une loi déclare que ce ramassage avait constitué l’activité
consacrant la renonciation par SaMajesté britannique … à économique la plus importante sur Sipadan pendant de
[s]a souveraineté et à [s]a juridiction … sur le Bornéo nombreuses années. Elle s’appuie également sur la création,

294en1933, d’une réserve ornithologique sur Sipadan. Elle Examinant ensuite les effectivités invoquées par
relève en outre que les autorités coloniales du Nord-Bornéo l’Indonésie, la Cour commence par faire observer qu’aucune

britannique construisirent des phares sur les îles de Ligitan d’entre elles ne revêt un caractère législatif ou
et Sipadan au début des années 60, lesquels existent toujours réglementaire. Elleone saurait en outre ignorer le fait que la
aujourd’hui et sont entretenus par les autorités malaisiennes. loi indonésienne n 4 du 8 février 1960 définissant les lignes
La Cour rappelle tout d’abord ce qu’a indiqué la Cour de base archipélagiques de l’Indonésie et la carte qui
permanente de Justice internationale dans l’affaire du Statut l’accompagne ne mentionnent ni n’indiquent Ligitan et
Sipadan comme des points de base ou des points d’inflexion
juridique du Groenland oriental (Danemark c. Norvège), à pertinents.
savoir que :
«une prétention de souveraineté fondée, non pas sur Quant à une présence continue de la marine néerlandaise
quelque acte ou titre en particulier, tel qu’un traité de et de la marine indonésienne dans les parages de Ligitan et
cession, mais simplement sur un exercice continu Sipadan, telle qu’invoquée par l’Indonésie, de l’avis de la
d’autorité, implique deux éléments dont l’existence, Cour, ni le rapport du commandant du Lynx ni aucun autre
document présenté par l’Indonésie concernant la
pour chacun, doit être démontrée: l’intention et la
volonté d’agir en qualité de souverain, et quelque surveillance et les activités de patrouille des marines
manifestation ou exercice effectif de cette autorité. néerlandaise ou indonésienne ne permettent de conclure que
Une autre circonstance, dont doit tenir compte tout les autorités maritimes concern ées considéraient Ligitan et
tribunal ayant à tr ancher une question de souveraineté Sipadan, ainsi que les eaux environnantes, comme relevant
de la souveraineté des Pays-Bas ou de l’Indonésie.
sur un territoire particulier, est la mesure dans laquelle la La Cour observe enfin que les activités de personnes
souveraineté est également revendiquée par une autre
puissance. » privées comme celle des pêcheurs indonésiens ne sauraient
La Cour permanente poursuivait en ces termes : être considérées comme des effectivités si elles ne se
fondent pas sur une réglementation officielle ou ne se
«Il est impossible d’exam iner des décisions rendues déroulent pas sous le contrôle de l’autorité publique. La
dans les affaires visant la souveraineté territoriale sans Cour conclut que les activités dont se prévaut l’Indonésie ne
observer que, dans beaucoup de cas, le tribunal n’a pas constituent pas des actes à titre de souverain reflétant
exigé de nombreuses manife stations d’un exercice de
droits souverains pourvu que l’autre État en cause ne put l’intention et la volonté d’agir en cette qualité.
faire valoir une prétention supérieure. Ceci est Pour ce qui est des effectivités invoquées par la
particulièrement vrai des revendications de souveraineté Malaisie, la Cour relève tout d’abord que, par la Convention
de1930, les États-Unis renoncèrent à toute revendication
sur des territoires situés dans des pays faiblement qu’ils auraient pu avoir sur Ligitan et Sipadan et qu’aucun
peuplés ou non occupés par des habitants à demeure.» autre État ne fit à l’époque acte de souveraineté sur ces îles
(C.P.J.I. série A/B n° 53, p. 45 et 46.)
La Cour souligne, en particulier, que dans le cas de très ni ne s’opposa à ce que l’Ét at du Nord-Bornéo continuât à
petites îles inhabitées ou habitées de façon non permanente les administrer. La Cour observe en outre que les activités
antérieures à la conclusion de cette convention ne sauraient
telles que Ligitan et Sipadan, dont l’importance être considérées comme des actes à titre de souverain, dans
économique était, du moins jusqu’à une date récente, la mesure où la Grande-Bretagne ne revendiquait pas alors
modeste–, les effectivités sont en effet généralement peu la souveraineté pour le compte de l’État du Nord-Bornéo sur
nombreuses. les îles situées au-delà de la limite des 3lieues marines.
La Cour fait en outre observer qu’elle ne saurait prendre
en considération des actes qui se sont produits après la date Cependant, la Grande-Bretagne ayant reconnu à la BNBC le
droit d’administrer les îles, position officiellement reconnue
à laquelle le différend entre le s Parties s’est cristallisé, à par les États-Unis après1907, ces activités administratives
moins que ces activités ne constituent la continuation ne sauraient être non plus ignorées.
normale d’activités antérieures et pour autant qu’elles Tant les mesures prises pour réglementer et limiter le
n’aient pas été entreprises en vue d’améliorer la position
juridique des Parties qui les invoquent. La Cour procède ramassage des Œufs de tortues que la création d’une réserve
donc essentiellement à l’examen des effectivités datant de la ornithologique, invoquées par la Malaisie en tant que
période antérieure à1969, année où les Parties formulèrent preuves d’une telle administration effective des îles,
doivent, de l’avis de la Cour, être considérées comme des
des prétentions opposées sur Ligitan et Sipadan. manifestations d’autorité réglementaire et administrative sur
La Cour relève par ailleurs qu’elle ne peut tenir compte un territoire mentionné par son nom.
de ces activités en tant que manifestation pertinente
d’autorité que dans la mesure où il ne fait aucun doute La Cour fait observer que la construction et
qu’elles sont en relation spécifique avec les îles en litige l’exploitation de phares et d’aides à la navigation ne sont
généralement pas considérées comme une manifestation de
prises comme telles. Les réglementations ou actes l’autorité étatique. La Cour rappelle cependant que, dans
administratifs de nature générale ne peuvent donc être son arrêt rendu en l’affaire de la Délimitation maritime et
considérés comme des effectivités relatives à Ligitan et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar
Sipadan que s’il est manifeste dans leurs termes ou leurs
effets qu’ils concernaient ces deux îles. c. Bahreïn), elle a déclaré ce qui suit :

295 C«ertainescatégories d’activités invoquées par souveraineté sur les îles. Tout différend qui pouvait exister à
Bahreïn, telles que le forage de puits artésiens, cette époque ne pouvait concerner que la délimitation du

pourraient en soi être considérées comme discutables en plateau continental entre les deuxÉtats, délimitation qui
tant qu’actes accomplis à titre de souverain. La avait revêtu un intérêt du fait de la présence de réserves
construction d’aides à la navigation, en revanche, peut sous-marines de pétrole, mais il ne pouvait concerner la
être juridiquement pertinente dans le cas de très petites souveraineté sur les îles.
îles. En l’espèce, compte tenu de la taille de Qit’at Au milieu des années 60, des accords entre États voisins
Jaradah, les activités exercées par Bahreïn sur cette île
peuvent être considérées comme suffisantes pour étayer pour délimiter le plateau continental ont été conclus dans le
monde entier. L’Indonésie et la Malaisie sont parvenus à un
sa revendication selon laquelle celle-ci se trouve sous sa accord sur la délimitation du plateau continental dans le
souveraineté. » (Arrêt, fond, C.I.RJ.ecue2il001 , détroit de Malacca et dans la mer de Chine méridionale.
par. 197). Cependant, en septembre 1969, des négociations sur la zone
La Cour est d’avis que les mêmes considérations située à l’est de Bornéo étaient dans l’impasse et les Parties
s’appliquent dans la présente espèce. ont décidé de les suspendre. Elles ont considéré cette date

La Cour note que, si les activités invoquées par la comme la « date critique » en ce qui concerne leur différend
Malaisie, tant en son nom propre qu’en tant qu’État en matière de souveraineté. Avant ces négociations,
successeur de la Grande-Bretagne, sont modestes en l’Indonésie et la Malaisie avaient aussi accordé à des
nombre, elles présentent un caractère varié et comprennent compagnies pétrolières japonaises des concessions
des actes législatifs, administratifs et quasijudiciaires. Elles d’exploration et d’exploitation de pétrole dans cette zone.
couvrent une période considér able et présentent une Les zones de concession ne se sont pas chevauchées et ni
l’Indonésie ni la Malaisie n’ont invoqué que leur zone avait
structure révélant l’intention d’exercer des fonctions
étatiques à l’égard des deux îles, dans le contexte de été violée par l’autre Partie.
l’administration d’un ensemble plus vaste d’îles. Le juge Oda constate que, contrairement à l’affirmation
La Cour ne saurait en outre ignorer le fait que, à figurant dans le compromis, le seul différend qui a existé
l’époque où ces activités ont été menées, ni l’Indonésie ni en 1969 ou autour de cette date concernait la délimitation du
plateau continental et qu’il aura it été plus approprié de la
son prédécesseur, les Pays-Bas, n’ont jamais exprimé de
désaccord ni élevé de protestation. La Cour relève à ce part des Parties de soumettre ledit différend d’un commun
propos que les autorités indonésiennes n’ont même pas accord à la Cour. M.Oda observe en outre que la requête à
rappelé en 1962 et 1963 aux autorités de la colonie du Nord- fin d’intervention déposée par les Philippines en2001 ne
Bornéo, ou à la Malaisie après son indépendance, que les concernait pas le titre de l’une ou l’autre Partie sur les
phares construits alors l’avaient été sur un territoire qu’elles deuxîles, mais la délimitation du plateau continental entre
regardaient comme indonésien; même si elles considéraient les Parties.

ces phares comme simplement destinés à la sécurité de la Dans les années 60, la règle en vigueur en ce qui
navigation dans une zone revêtant une importance concerne la délimitation du plateau continental était celle
particulière pour la navigation dans les eaux situées au large énoncée au paragraphe1 de l’ article6 de la Convention
du Nord-Bornéo, une telle attitude est inhabituelle. Compte de1958 sur le plateau continental. Cette disposition est
tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, et au vu en extrêmement ambiguë, parce qu’elle n’indique pas
particulier des éléments de preuve fournis par les Parties, la clairement les lignes de base à partir desquelles il convient
Cour conclut que la Malaisie détient un titre sur Ligitan et de mesurer la ligne médiane et qu’elle n’explique pas non

Sipadan sur la base des effectivités mentionnées ci-dessus. plus les «circonstances spéciales» qui justifient, pour
certaines îles, de s’écarter de la ligne médiane. M.Oda a le
Déclaration du juge Oda sentiment que, lors des négociations des deuxParties sur la
délimitation de leurs plateaux continentaux respectifs, la
M.Oda considère la présente affaire comme une affaire principale préoccupation de celles-ci a porté sur la définition
«qui manque de solidité» et dans laquelle aucune des des lignes de base et sur le rôle que devaient jouer les deux
Parties n’a apporté de preuve solide à l’appui de sa
revendication du titre sur les îles. M.Oda constate que la îles au regard du critère des « circonstances spéciales». En
fait, les Parties (l’Indonésie en particulier) avaient dû
Cour a été priée de déterminer si la souveraineté sur les conclure que la souveraineté sur les îles leur donnerait droit
deuxîles appartient à l’une ou l’autre Partie et il est d’avis à un plateau continental beaucoup plus large. De l’avis de
que, au regard du choix à faire, la Cour est parvenue à une M.Oda, la question de la souveraineté trouve son origine
décision raisonnable. uniquement dans les manŒuvres des Parties visant à
Selon le juge Oda, pour bien comprendre la présente s’assurer de meilleures positions de négociation pour la
affaire, il faut être conscient des faits et des circonstances
délimitation du plateau continental. Ceci provient d’une
qui la sous-tendent. Il constate que l’existence des îles de méprise de la part des Parties, qui n’ont pas compris que,
Ligitan et de Sipadan est connue depuis le XIX siècle, mais conformément à la règle des « circonstances spéciales », une
que ni l’Indonésie ni la Malaisie n’en avaient revendiqué la ligne de délimitation pouvait également avoir été tracée sans
souveraineté avant la fin des années60. Auparavant, il tenir compte de ces deux îles.
n’existait aucun différend entre les deux États au sujet de la

296 Même si la souveraineté sur les îles a été attribuée à la a établi une ligne qui traduit l’intention qu’avaient les
Malaisie, il y a lieu d’envisager l’effet de l’arrêt de la Cour parties de régler tous éventuels conflits qui pourraient naître

sur la délimitation du plateau continental sous un angle des prétentions territoriales des deux empires. L’objet et le
différent. La règle relative à la délimitation du plateau but de la Convention étaient d’instaurer la paix dans une
continental est énoncée à l’article83 de la Convention des vaste région où les ambitions se chevauchaient et,
NationsUnies sur le droit de la mer de1982 qui appelle à conformément à la Convention de Vienne sur le droit des
une «solution équitable». La question reste de savoir traités, ledit objectif aurait dû être respecté par la Cour.
comment des considérations « équitables » peuvent-elles
s’appliquer à ces îles. M.Oda a conclu que le présent arrêt L’articleIV de la Convention de 1891 établit en
particulier la ligne 4º10’ en tant que ligne d’attribution
n’a pas nécessairement d’incidence directe sur la territoriale au-delà de la côte est de Bornéo «à travers l’île
délimitation du plateau continental. de Sebittik» et la Cour aurait dû s’appuyer sur la
présomption que cette ligne se prolongeait aussi loin que
Opinion dissidente de M. Franck, cela s’avérait nécessaire pour l’attribution des deux îles
juge ad hoc –qui sont clairement situées au sud de la ligne– et pour

M. Franck souscrit à la conclusion et au raisonnement au résoudre ainsi toute source potentielle de différend à
terme desquels la Cour a rejeté la thèse de la Malaisie selon l’avenir. La Cour aurait dû par tir de la présomption qu’un
traité visant à résoudre toutes les questions en suspens dans
laquelle elle a hérité de la souveraineté sur Pulau Ligitan et la région n’aurait pas pu laisser la question de la
Pulau Sipadan en vertu d’une «chaîne de succession du souveraineté sur Ligitan et Sipadan dépendre du ramassage
titre» qui passe successivement du sultan de Sulu à des Œufs de tortue et des patrouilles menées dans le cadre de
l’Espagne, aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et la lutte contre la piraterie.
finalement à la Malaisie.
S’agissant des effectivités, les actes effectués par les Incontestablement, il existe de multiples éléments de
preuve pour étayer pareille présomption logique, dont il n’a
Parties à titre de souverain concernant les deux îles sont des pas été démontré qu’il s’agit d’une présomption réfragable.
actes qui sont de si peu d’importance que vouloir les évaluer La carte du Gouvernement néerlandais jointe au
les uns par rapport aux autres consiste à essayer de mémorandum explicatif soumis aux États-généraux en vue
déterminer le poids respectif d’une poignée d’herbe et d’une
poignée de plumes. La Malaisie met en avant des phares d’obtenir la ratification de la Convention de 1891 indique
d’aide à la navigation qui, en d’autres affaires, ont été que la ligne 4º10’ est prolongée en mer au large de la côte
considérés par la Cour comme ne relevant pas des actes qui est de Sebatik. Cette carte était bien connue du
Gouvernement britannique, qui avait été alerté à son sujet
démontrent une prétention de souveraineté. La création par par son ministre à LaHaye. Il n’y a eu aucune objection de
la Malaisie d’une station de tourisme tournée vers la la part de Londres. Plus récemment, les concessions
plongée sous-marine a eu lieu après la date critique à accordées par l’Indonésie et la Malaisie en matière
laquelle les Parties s’étaient engagées à ne pas modifier le
statu quo, ce qui exclut que pareille activité postérieure à d’exploration pétrolière ont également prudemment respecté
cette date puisse être invoquée comme élément de preuve. la ligne telle que prolongée au-delà de la côte est de Sebatik.
Ces faits étayent dûment l’idée que l’on peut en déduire, à
Les Néerlandais, par les efforts qu’ils ont déployés dans les savoir que l’intention des parties n’était pas d’arrêter la
domaines maritime et aérien pour combattre la piraterie ligne 4º 10’ sur la côte est de Sebatik.
dans la zone considérée, ont démontré un vif intérêt, d’une
vigueur à tout le moins égale à celle de l’intérêt manifesté En outre, la présomption juridique –reconnue dans la
par les Britanniques. S’attacher à évaluer de telles activités jurisprudence de la Cour– selon laquelle les traités de
et d’autres, de si peu de poids, ne saurait que conduire à des délimitation, les frontières et les lignes d’attribution entre
résultats peu concluants. États ont pour but d’apporter des solutions définitives, joue
un rôle important dans l’instauration d’un régime juridique
En outre, la Cour n’aurait même pas dû s’atteler à une susceptible de renforcer la pa ix internationale. Ces traités
tâche aussi peu satisfaisante, pa rce que les effectivités sont devraient être interprétés de manière large, et non de façon
dépourvues de pertinence lorsque le titre se rapportant au
territoire a été établi par un traité. M.Franck soutient que, étroite comme s’il s’agissait de contrats de vente d’un
en l’espèce, la Convention anglo-néerlandaise de1891, en produit quelconque. Compte tenu de cela, la ligne 4º10’ de
délimitant la totalité de la frontière sur l’île de Bornéo entre la Convention de1891 aurait dû être reconnue comme
déterminante en l’espèce.
les prédécesseurs coloniaux de la Malaisie et de l’Indonésie,

297

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Résumé de l'arrêt du 17 décembre 2002

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