Résumé de l'ordonnance du 13 septembre 1993

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7313
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Number (Press Release, Order, etc)
1993/3
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

APPLICABILITÉIIELA CONVENTIONPOUR u PBÉVENTIBN
ETLARÉPRESSIONDUCRIMEDEGENOCIDE(MESURESCONSERVATOIRES)

Ordonnancedu 13septembre1993

Dans une ordonnance rendue en 1'affa:irrelativeà et la répressiondu crime de génocidequ'aurait com-
l'applicabilide laConventionpourlaprthention et la mises la Yougoslavie. Danssa demande, la Bosnie-
répressiondu crime de génocide,la Cour a rendu une Herzégovine, qufionde la compétencede la Cour sur
ordonnance de mesures conservatoires clanslaquelle l'articleIX de la Convention pourla préventionet la
elleWfme les mesures qu'ellea indiquées 8eavril répressiondu crimede génocideadoptéepar 1'Asseni-
1993,lorsquelaBosnie-Herzégovina epourlapremière bléegihéraledesNationsUniesle9décembre1948(ci-
foissaisilaCourcontrela Yougoslavie (Serbieet Mon- aprèsdénommée"laConventio surlegénocide")r,elate
ténégro)L.a Cour dit que "la situation dangereusequi une scsried'événements survenuesn Bosnie-Herzégo-
suresconservatoiress'ajoutantàcellesquiiontétéindi- vine d'avril1992àcejour qui, selonelle,sont assimi-
quéespar l'ordonnancede la Cour du 8avril 1993.. qu'endonnelaConventionsurlegénocidesde;outientqueion
maislamiseenŒuvreimmédiate eteffectivedeces-me lesaci:esqu'elledénonceauraient técommispar d'an-
sures". ciens.membresde l'armée populaireyougoslaveet par
desforcesmilitairesetpammilitaks serbesagissantsous
La Cour décline l'indicationde mesures de portée la:tion, surl'ordreetavecl'aidedelaYougoslavie;et
passàlaBosnie(commeledemandaitla Yougoslavie)dent conclut que la Yougoslavieest doncentièrementres-
prendre toutes lesmesuresen sonpouvoiirafinde pré- ponsableendroitinternationaldeleursactivités.
venir la commissiondu crime de génocidecontre les Darissesconclusions,auxquelleslaCourseréf&rel,a
Serbesen Bosnie.En déclinantdes mesures sollicitees Bosnie-Herzégovinp erielaCourdedireetjuger :
par la Bosnie,consistantnotamment à demanderd'in- [Voirlesparagraphesa à rreproduitsauxpages52et
terdirela préparationde plansdepartitionduterritoire 53deIi'ordonnancedu 8avril 1993.1
bosniaque, de déclarerillégale l'annexidu territoire
bosniaqueetdedirequelaBosniedoit avo:ùlesmoyens La Cour se réfère à nouveau à la demande de la
deprévenirlacommissiond'actesdegénocide etdepar- Bosnie-Herzégovine (toujours celle du 20 mars 1993)
titionen obtenant des fournitures militajires,la Cour conseirvatoiressuivante:lapried'indiquerlesmesures
relèvequ'elle n'estcompétenteprima facie pour indi-
les limitesde lacompétence qu'elltientde laConven-s [Voirlesparagraphes1 à 6reproduitsà lapage53de
tionpour la préventionet larépressiondu crimede gé- l'ordonnancedu 8avril1993.1
nocide.Ellen'estpas habilitée statuersur desdeman- La Courseréfère égalemena tuxobservationsécrites
des pluslarges. de la'Yougoslavirelativesà la demandeen indication
de mesures conservatoires,soumises leleravril 1993,
l'ordonnancedu,8lavrilaétérendue,etentlépitdecette danslesquellesla Yougoslavieprie laCourd'ordonner
ordonnanceetdenombreusesrésolutions tfuConseilde l'applicationdesmesuresconse,rvatoiressuivante:
sécuritédes NationsUnies,"de très vives souffrances - I)e donner des instructions aux autorités sousle
ont étéenduréeset de lourdespertesen v.i&sumaines contrhlede M. A.Izetbegovicpour qu'ellesse confor-
ont étésubiespar la populationde la BosnieHedgo- ment :strictementau dernieraccord sur le cessez-le-feu
vine dans des circonstancesqui bouleversentla cons- dans Ila"Républiquede Bosnie-Herzégovine" que ist
ciencehumaineet sont à l'évidence incompatiblesavec entréc:nvigueurle28mars 1993;
la loi morale.."La Cour fait observer que le "risque -1)'ordonner aux autorités sous le contrôle de
grave",redoutépar elleen avril,que le différendexis- M. A.Izetbegovic qu'ellesrespectent les Conventions
tant sur lacommissiondu crimede génocide en Bosnie deGenèvede 1949pourlaprotectiondesvictimesdela
nes'aggrave ounes'étende"aété renforcéparlapersis- guerre:et lesProtocolesadditionnelsde 19à7cescon-
tance de conflits" sur son territoire "et la commissionenticbns, tantdonnéquelegénocide desSerbesvivant
d'actes odieux au cours de ces conflits".La Cour dit dans la "Républiquede Bosnie-Herzégovine"est en
qu'elle n'estpas convaincueque tout ce:qui pouvait train'êtreperpétrépad rescrimesdeguerretrèsgraves
crime de génocideen Bosnie et rappelle aux Partiesdu sentieilsdelapersonnehumaine;asviolerlesdroits es-
qu'ellessont tenues de "prendresérieuseinenten con-
sidération" les mesuresconservatoires qu'elle a in- - Ile donnerdes instructionsauxautoritésloyalesà
diquées. M. A. Izetbegovicafinqu'elles fermentet démantèlent
immédiatementtoutes les ri sonet tous les camrssde
1993,la Bosnie-Herzégovinea introduit une instance Herzégovine"tetoùlesSerbessontdétenusenraisondee-
contre la Yougoslavie ausujet d'un différend concer- leurozgineethniqueetfontl'objet d'actes detorhire,ce
nant les violationsde laConventionpourIlaprévention quimeten sérieuxdangerleur vieet leursanté;

66 -D'ordonner aux autorités sous le coritrôle de et la partition et le démembrementpar le moyen de -
M. A. Izetbegovic de 1)ermettresans tarcler siuxhabi- -énocide.
tants serbesde quitter en toute sécuriïuzla, Zenica,
Sarajevo et les autres localitésde la 'bR6pul)liqude "7. Toutes les partiescontractantes àla Conven-
Bosnie-Her?Agovine"ot~ils ont fait l'objetde harchle- tionsurle genocide ontl,obligatioen vertu de
ments et de mauvaistraitements physiqueset mentaux, de lesactes de génocide,et lapar-
en tenantcompte dece qu'ils risquentde rubirlemême tition et ledhembrement parlemoyen du génocide,
sort quelesSerbes en Rosnieorientale,quiaété lethéâ- entrepris conUe le peuple et l,Etat de Bosnie-Hene
tre de meurtres et deniassacresde quelquesmilliersde go,ee
civilsserbes; "8. Pour s'acquitterdeses obligationsen vertude
la Conventionsu; le génocidedani les circonstanc,es
- De donnerdes inr;tructionsaux autoritésloydes à actuelles,leGouvernementdelaBosnie-Herzégovine
M. A.Izetbegovicpourqu'ellesmettentimmédiatement doitavoirlafacultéde seprocurerdes armes,desma-
finà la destruction des égliseset lieux de culte ortho- ~els et des fo-ms auprès
doxes et d'autres é1émc:ndtu patrimoinecult~uelserbe tics
et pour qu'elleslib&rentet cessent de maibraitertous les
prêtresÔrthodoxes dét'enus; "9. Pour s'acquitterde leurs obligationsen vertu
- ~ v ~ ~ d ~ au~x~ ~ le cori~le de de la Convention sur le génocidedans les circons-
M.A.htbegovic de m.ettreun terme à tovisle; actesde tances actuelles, toutes les parties actantes esà
discriminationbasés surla ou la ainsi cette conventiondoiventavoir la facultéde procurer
pratiquesde~~~~rifi~~~i~~ y la des armes,des matérielset des fournitures militaires
discriminationexercéeen ce qui concern15 au Gouvernementdela Bosnie-Herzégovineà , sade-
mentdel'aidehumanitire, àl'encontredelapc~pulation mande,etdemettre&sadispositiondesforcesarmks
serbedans la "RépubliquedeBosnie-Hem5govine". (soldats,marins,aviateurs).
Aprèsavoir rappelé son ordonnancedu.8avril 1993, "10. Les forces de maintien de la paix des Na-
la Cour se &ère à la seconde demande ciela Bosnie tions Unies en Bosnie-Herzégovine(c'est-à-dire la
Herzégovine,déposée :l27 juillet 1993,par laqluelleelle FORPRONU) doivent faire tout ce qui est en leur
prie instaIIPmeitla Cotird'indiquerlesmesuresconser- POUVO~~ Pour assurer l'acheminement continu des
vatoires supplémentairessuivantes : fournituresd'assistance humanitaire au peuple bos-
niaquepar la villebosniaquedeTuzla."
"1. La Yougoslavie(Serbie et Monténkgro)doit
immédiatement mettre fin et renoncer à tc~uteaide, La Cour rappelle ensuite que son Présidenta, le
directeou indirecte--y comprislaformatioil,lafour- 5août 1993,adre aux deux Parties Unmessagedans
niture d'armes, de munitions, de maténels,d'assis- lequel, se référantau paragraphe 4 de l'articl74 du
tance, de fonds,d'in!;mction ou de toute autre forme R&glementqui l'autorise, en attendant que la Cour se
de soutien - à toute nafion ou tout groupe:of*- réunisse,à
sation, mouvement, force militaire ou paramlitarre, "inviterlesPartiesàagirdemanièrequetoute ordon-
force de milice,uni* arméeh6g~li&re 0.individuen nancede laCour sur lademandeen indicationdeme
BosnieHedgovine POU quelquemotifoubutquece suresconsematoirespuisse avoir leseffets voulus",
soit. ildéclarai:
"2. La Yougoslavie(SerbieetMonténégroe)ttous
ses représentantsofficiels y compris enparticulier "J'invitemaintenant les Parties àagirdecette ma-
le Présidentde la Serbie, M. Slobodan Milosevic- ni&re,et je souligneque les mesures conservatoires
doivent i-édiatement mettre fin et reiioncàrtous qui ont déjàétéindiquéesdans l'ordonnance que la
efforts,plans,conspirations,desseins,propositionsou COU'a rendue le 8avril 1993,aprèsavoirentendu les
négociations en vuede partager, démembrera ,nnexer de
ouabsorberleterritoiresouveraindelaB80snjie-Herzé- "J'inviteen conséquencelesParties àprendrenote
govine. de nouveau de l'ordonnancede la Cour et àprendre
toutes mesures enleurpouvoir afinde prévenirtoute
"3. L'annexion ou l'absorption de tout territoire c~nlmi~~ionOU contin~ationde l'odieuxcrimeinter-
souverain de la Républiquede Bosnie..He&govine national de génocideou tout encouragement à ce
par la Yougoslavie(Serbie et Monténégrop )ar quel- "me."
que moyen ou pour quelque motif que:ce soit sera
réputée illicite,nulleet non avenued'emblée. La.Cour se réfèreensuite à la demande en mesures
"4. Le Gouveme:mentde la Bosnie..I.Ie&govine conse~atoires que la You~os~~v~ a~déposée le 10août
doit avoir les moyens de 'prévenir'la commission 1993et par laquelleelle la priait d'indiquer la mesure
d'actes de génocidecontre sonpropre peuplecomme conservatoiresuivante :
le requiert l'article premier de la Convention sur le "Le Gouvernementde la prétendueRépubliquede
génocide. Bosnie-Herzégovine doit immédiatement,confomé-
"5. Toutes les parties contractante:s à la Con- ment à l'obligation quiest la sienne en vertu de la
vention sur le génocidesont tenues par l'articlepre- Convention pour la préventionet la répressiondu
mier de celle-cide 'prévenir'la commissiond'actes crimedegénocidedu9décembre1948,prendretoutes
de génocidecontre le peuple et 1'Etat de Bosnie- les mesures en son pouvoir afin de prévenirla com-
missiondu crimede génocidecontre legroupe ethni-
Herzégovine. que serbe."
"6. Le Gouverne:mentde la BosnieHerzégovine
doit avoir les moyens de défendre lepeuple et'Etat Des'audiences relatives aux deux demandes ont été
de Bosnie-Herzégovinecontre les actes de génocide, tenues les25et 26 aoQt1993.

67 Après avoirtraitéplusieurs pointsde proc&jure,la Herzc5govine et queseull'und'entreeuxesttel que,par
Cour constate qu'il luirevient de s'assurerque la se sa nature, il peut dans uiie certaine mesurc relever
conde demande de la BosnieHerzégovine,ainsi que primafacie desdroitsconférép sarlaConventionsurle
celle de la Yougoslavie,sont fondéessui:des circons- génocide;et que c'estpar conséquenten relationavec
tances nouvellesde nature à enjustifier l'examen.La cetalinéaet pour laprotectiondedroits conférépar la
Courestimequetelestbienlecas. Conventionquela Coura indiquédesmesiirescoriser-
Passant à la questionde sa compétence,la Cour rap- vatokesdanssonordonnancedu 8avril 1993.
pelleque,danssonordonnancedu8avril1993,elleavait La Cour exaniineensuite la listedes mesuresquele
estiméquel'articleIX delaConventionsurlegénocide, demandeurluiprie d'indiqueret observe qu'y figurent
à laquellele demandeur oule défendeursont Parties, certaines mesuresqui s'adresseraientà des Etats ou
semblait entité:squi ne sont pas partieill'instance.La Cour
"constituerunebasesur laquellelacomipétencd eela estime qu'unjugementrendu dans une affaire donnée
Cour pourraitêtrefondée,pour autantcpe l'objet du n'est"obligatoirequepour lespartiesau litige";et que,
litigeatraità'l'interprétatio,'applica.til.exécu- par voiede conséquence,ellepeut, pour lasaiivegarde
tion'delaConvention,ycomprislesdifférends 'rela- de ces droits, indiquerdes mesures conservatoiresà
tifsà la responsabilitéd'unEtat en maitièdeg6no- prendrepar lesparties, maisnon par desEtats tiers ou
cideoudel'un quelconquedesautresactesénumérés d'autresentités alorsqueceux-cine seraientpastenus
ill'article3'de la Convention"(C.I.J..Recueil1993, l'arrêt qusieraen définitirendu.itspar applicationde
p. 16,par.26).
Proc6dant ensuite à l'examendes diffisrentesbases Autermedetroisdesmesuresquesolliciteledeman-
decompétence supplémentairessoumise par ledéfen- deur, leGouvernementdela Bosnie-Herzkgovine"doit
deur, la Cour estime que le traitéde St. Germain-en- avoir lesmoyens"de prévenir lacommissionde géno-
Layede 1919estdénué detoutepertinenceenl'espèce; cide c:tde défendre son peuplecontre legénocideet
qu'aucun nouveaufaitn'aété porté àsonattentionqui "doitavoirlafacultéd'obtenirdesarmes,desmatériels
justifie de Péouvrirla questionde savoir si la lettredutdes fournituresmilitaires"desautrespartiàslaCon-
8juin 1992adresséeauPrésidend t elaConunissiond'ar- pouvoir,envertudel'article41desonStatutd'indiquerle
bitragede la Conférenceinternationalepour la paixen "quelllemesuresconservatoiresdudroitdechacundoi-
base de compétence;que la compétencetiela Cour aune vent &treprises"cetteformules'entendantdesmesures
titredudroitinternationaldelaguerrecou1:umiear con- devantêtreprisespar l'unedespartiesà l'affair. upar
ventionnelet du droit internationalhunianitairen'est les deux parties, et qu'il est clair cependantque l'in-
pas établieprima facie, et que lacorniunication du tentiondu demandeur,en sollicitantcesmesures, n'est
1" avril 1993faiteparla Yougoslaviàl'cccasiondela pas d''obtenirquelaCour indiquequeledéfendeurdoit
première demandeen indication de tne.;ures conser- prendre certaines dispositions pourla sauvegardedes
vatoires émanantdu demandeurne pouvaitpas,même droitsdu demandeur, maisplutôtquela Courfasseune
prima facie, êtreregardée comme une"inanifestation déclarationprécisantces droits, déclarationqui"clairi-
non équivoque" de la volontédecet Etat d'accepterde fierait:la situationjuridiàul'intentionde l'ensemble
manière"volontaire[et]indiscutable"lacompétence de de la communautéinternationale",en particulier des
laCour. memtbresdu Conseildesécurité desNationsUnies.En
La Cola faitalorsobserverquelepouvoird'indiquer êtreconsidéréecommér eetanthors du champd'applica-
desmesuresconservatoiresquiluiestconféré parl'arti- tiondel'article41duStatut.
cle41desonStatut apour objetdesauvegarderledroit
de chacunedes Partiesen attendantque la Cour rende Deuxdes mesuressollicitBesont traità l7éventualit6
sa décisionet présupposequ'un préjudice irréparable de "la partition et [du]démembrement", à l'annexion
ne doit pas êtrecauséau droit enlitigedans une pro- ou à l'absorption dutemtoire souverainde la Bosnie-
cédurejudiciaire; et considérantqu'il s'lcnsuitque la Herzkgovine.La Cour ne peut admettreque "la parti-
Cour doit se prbxuper de sauvegarder par de telles tion e:tle démembrement",l'annexiond'un Etat sou-
mesures les droits que l'arrêtqu'elleaura ultérieure- soi constituer un acte de génocide,et, de ce fait, une
ment àrendrepourrait éventuellemenrteconnaître,soit questionrelevantde sa compétence en vertude l'arti-
au demandeur, soit au défendeur,ayant établiqu'il cleIX :e la Conventionsur le génocide.D'autre part,
fondée,nàbsavoir l'articliXode la Convention sur lee dans la mesure où le demandeur prétend qu'une telle
génocidee ,tn'ayantpuconclureque d'aubxsbasesallé "partition" et un tel "démembrement",une telle an-
guéespourraient prima facie êtrereconnues comme nexion ouunetelleincorporationrésulteradu génocide,
telles, elle ne saurait indiquer de mesures tendant la Cour, dans son ordonnance du 8avril 1993,a déjà
protégerdesdroits contestésautresqueceuxquipour- indiquéquelaYougoslaviedoit"prendretouteslesme-
raient en définitiveconstituerla base'u:naurêrtendu suresen sonpouvoir deprévenir lacommissiondu
dans l'exercicede la compétence ainsi cstabliprima crime de génocide",quelles qu'en soient les consé
facie. quenc:es.
Après avoir rappelé les mesureqsu'elle aindiquées Passant à l'examende la demandede la Yougosla-
danssonordonnancedu 8avril1993,laCourrésumeles vie,la Cour n'estimepas que les circonstances, telles
droits visantà êtreprotégést,els qu'énucnérédsns la qu'elllesse présentent actuellement elle, exigentune
seconde demande en indicationde mesuies conserva- indicationplus spécifiquede mesures àl'adressede la
toires de la BosnieHerzégovine,et constate que pra- Bosnie-Herzégovine à l'effetdeluirappeleà lafoisles
tiquementtous ces droits ont été invoqués en termes obligationsqui sont incontestablement les siennes en
presqueidentiquesdanslapremièredemanide laBosnie- vertudelaConventionsurlegénocide etlanécessitédes'abstenir de prendre toute mesure du type envisagéau le 8 avril 1993,qui doit êtreimmédiatementet effec- - .
paragraphe 52,B de l'oirdonnancerendue par la Courle tivement miseen Œuvre.
8avril 1993. "POUR: sir Robert Jennings, président; M. Oda,
vice-président;MM. Schwebel, Bedjaoui, Ni, Even-
sen, Tarassov, Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar
Mawdsley, Weeramantry, Ajibola, Herczegh,juges;
La Cour se réfèrefinalement au paragraphe 1de l'ar- M.Lauterpacht,juge ad hoc;
ticle 75 de son Règlementqui lui reconnaît laifaculté,
lorsqu'une demande eri indkation de mesures;conseri "CONTRE :M. KreCa,juge ad hoc."
vatoires luiaétéprésentée,d'indiquerdesmesurestota- M. O&, vice-président,ajointunedéclaration à l'or-
lement ou partiellemenitdifférentesde celles qui sont donnance.
sollicitéeset elle faitbserver qu'il lui revient d'exa-
miner les circonstances portées à son attention et de MM. Shahabuddeen,Weeramantry et Ajibola,juges,
déteminer si ces circonstances exigent l'indication de et M.Lauterpacht, jugead hoc,ont jointl'ordonnance
mesures conservatoires additionnelles que lei; Parties lesexposésde leur opinion individuelle.
devraientprendre pour protégerdes droits conféréspar M. Tarassov,juge,et M. KreCa,juge ad hoc, ontjoint
la Convention surle géilocide. àl'ordonnance les exposésde leur opinion dissidente.

Après avoir passé en revue la situation, et s'être
référéa eux différentesrésolutionspertineintesdu Con-
seil de sécuritél,a Cour en vientonclure:que:
"la situation dangereuse qui prévaut actuellement Déclarationde M. Oda, vice-président
exigenon pas l'indici~tionde mesures ccinse~vatoires
s'ajoutant à celles qui ont éindiquéespar l'ordon- Dans sa déclaration,M. Oda, vice-président,regrette
nance de la Cour du 8 avril 1993...mais la mise en quela Courne se soitpas prononcéesur lademande en
Œuvreimmédiateet effective de ces mesures". indication de mesures conservatoires présentée parla
Yougoslavieet tendantàce que la Bosnie-Herzégovine
soit tenue de faire tout ce qui est en son pouvoir pour
prévenirlacommissiond'actesdegénocide àl'encontre
du groupeethnique serbe,demandeétayéepar des élé-
Le texte intégrâidu paragrapheconstituant le dispo- ments de preuve soumis à l'organisation des Nations
sitifest ainsi libellé: Unies.Iidéclareque les raisons iiivoquéespar la Cour
"61. Par ces motifs, pour ne pas répondre directement à cette demande
"LACOUR, n'ont pas emportésa conviction.
Opinionindividuellede M. Shahabuddeen
"1) Par treize voix contre deux,
"Réafsinne la me:sure conservatoire: intiiquéeà Dans son opinion individuelle, M. Shahabuddeen
l'alinéa du paragraphe 52,Adel'ordoniiancerendue expliqueles raisons pour lesquelles il approuve la po-
par la Cour le8 avril 1993,qui doit êtnimmédiate- sition de la Cour sur laquestion duforumrorogatum.
ment et effectivement mise en Œuvre; Il ne peut retenir l'objection de la Yougoslavie selon
laquellelademandeenindication de mesuresconserva-
"POUR: sir Robert Jennings, président; M. O&, toires présentée par laBosnie-Herzégovineéquivau-
vice-président;MM. Schwebel, Bedjaoiii, Ni, Even- drait unedemande dejugement provisionnel,pas plus
sen, Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar Mawdsley, qu'il ne peut accepter, dans les circonstances de l'es-
Weeramantry, Ajibola, Herczegh,juges; M. Lauter- pèce,que la Bosnie-Herzégovinene soitpas en droit de
pacht,juge ad hoc; faire étatd'éléments d'information tirses médias.Il
"CONTRE : M. Tarassov,juge, M. Kreda,juge ad estimequela Yougoslavien'a pasmisen Œuvreles me-
hoc; sures conservatoires indiquéespar la Cour le 8 avril
1993.Pour cette raison, et certaines autres qu'ilexpose,
"2) Par treize voix contre deux, il estime qu'il ne serait pas opportun que la Cour se
"Réafinne la mesure conservatoire intiiauéeà fonde sur lesélémentsprésenté psar la Yougoslavie.
l'alinéz du paragra~,he52,Adel'ordoniiancekndue Opinionindividuellede M. Weeramunt?y
par la Cour le 8 avril 1993, qui doit êtreimmé-
diatement et effectivement miseen Œuvre; Dans son opinion individuellM. Weeramantrysou-
'%UR : sir Robe~t Jennings, présidtintM. O&, tient que les faits dont la Cour est saisie se classent en
vice-président;MM. Schwebel, Bedjaoiii, Ni, Even- troiscatégories récitset comptesrendus véhiculéspar
sen, Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar Mawdsley, les médias,constatations de tiers désintéressés,sueq
Weeramantry, Ajibola, Herczegh,juges; M..Lauter- des fonctionnaires de l'ONU, et communiqués publiés
pacht,juge ad hoc; par leGouvernement de la Yougoslavie et le Gouver-
nement de la Républiquede Serbie. M. Weeramantry
"CONTRE : M. Tarassov,juge, M. KreCa,juge ad observe dans son opinion que, mêmesi l'on exclut
hoc; totalement la première catégorie,les élémentsde la
"3) Par quatorze voix contre une, deuxièmeet de latroisièmecatégoriessoumis àlaCour
sont suffisantspour la convaincre, àtitre provisoire, et
"RéafJinne la me.sure consei-vatoire indiquée au auxfinslimitéesdemesuresconservatoires, qu'ilexiste,
paragraphe 52,B de l'ordonnance rendue par laCour au sens de l'article 41 de son Statut,des circonstancesqui,prima facie, font apparaîtreque la Yougoslavien'a souliigneque l'interdiction du genocidea longtemps été.
pas appliquél'ordonnancerenduepar la (Courle 8avril. admise comme faisant partie dujus cogens, ordre juri-
dique supérieur aux traités.En conséquence,dans la
L'opinion individuelle de M. Weerstmaratryporte mesure oh l'emturgo peut êtreconsidérécomme con-
ensuite sur laquestion de.savoir siune ordonnance pro- tribulan3,la purification ethnique, et ainsi au génocide,
visoire rendue par la Cour est obligatoireen droit. Dans il asitdevenudoutelix que l'embargo conserve sa vali-
son opinion, ilexarriiiieles principes généraapplica- dit6 et le Conseil de skurité devrait en tenir compte
bles en la matière ainsique les dispositions pertinentes lorsqu'ilréexamine la question de l'embargo.
de la Charte des Nations Unies, du Statut de lz Cour et
de son R&glement,et ilparvient à la conclusionque dès Oiitre le fait qu'il partage l'avis de la Cour selon
que des mesures conservatoires ont étéindiquées par lequlalelleest compétenteen vertu delaConvention sur
ordonnance, celles-ci imposeiit l'obligatilond'appliquer le ghnocide, M. Lauterpacht estime que le défendeur,
ladite ordonnance, obligation qui a un caractèrein~pé- par iine demande qri'ila présentéà la Cour le leravril
ratif en droit. 1993,a donnéàiaCour une compétencesupplémentaire
M. Weeramraîry deslare aussi qu'Acléfautd'un tel pour traiterdecertains autres aspects duconflit en Bos-
principe les pouvoirs reconnusà la Cour pour s'acquit- nie.1V1Lauteipacht est en conséquencefavorableàl'in-
ter des obligations qui lui incombent c:n vertu de Iô dication dem2sures additionnelles qui porteraient sur
Charte et de son propre Statut seraient considérable- des questions telles que le respect des Conventions de
ment amoindris. Gen?ve, la libérationdes détenuset l'éliminationde la
discriminationpourdes motifs d'ordre ethnique.
Opinion individuellede M.Ajibolc Opiniondissidente de M. Tarcssov,juge
Sur les demandes eri indication de mesures conscr-
vatoires présentéesà la Cour par.chacune des Parties, M. Tarassov rappelle qu'il n'a pu apporter son sou-
M. Bola Ajibola,dans son opinionindivi~ludle,parvient tienà l'une des mesures figutmt dans l'ordonnance du
à la mêmeconclusion que la Cour, mais par une autre 8avril 1993,car elleen arrivait presque, selon 2pré-
voie. Ilrelève que, puisque les Parties ne se sont pas juge~:le fond et imposait des exigences mal définieset
conformées àla premi8re ordonnance, la!Cour peut re- pratiquement illimitéesàlaYougoslavie.La secondede-
fuser d'indiquer de nouvelles mesures tant que lePar- mandede la:Bosnien'a faitqueconfirmerses apprkhen-
ties n'auront pas fait le nécessairepour que cette pre- sions, dans la mesure où elle attribuait tous les actes de
mièreordonnance,rendue le 8avril 1993,soitappliquk. gdnccide prétendumentcommis Bla Yougoslavie,sans
A son avis, la Cour est habilitée2 se prononcer ainsi, qu'aucun effort ne soit fait pour démontrer un lien de
non seulemeiit en invoquant les pouvoirs statutaires causalité.l serait t&s dangereux pour le droit interna-
qu'elle tient de son Statut et de son Riglement, mais tional d'établirlaesponsabilitéd'un Etat au seul motif
aussidepar les poiivoirs inhérentsquelut;donnele droit qu'il a des liensethniques avec une partie de la popula-
international général. tion d'unautre Etat. h,a Cour a toutefois réaffirmé les
M. Ajibola indique en outre que,à son avis, la Cour conc:lusionsauxquelleselleétaitparvenuepMernmenf
est habiliiée i indiquer des mesures laonservatoires sans mentionner quela Bosnieavait des obligationsana-
dans le cadre de ses pouvoirs et fonctions en mati8re loguesàcellesdela Yougoslavie,endépitdela denmande
incidente et que ces mesures doivent êtreobligatoires, expiasse présentéepar cette dernièredans ce sens. La
porter effet et êtreexécutoires,faute de quoi la Cour Cour semblepar conséquentavoirprisune décisionpré-
pourrait êtreempikl~éede fonctionner comme uiiejuri- matiiréeenfiusantpeser surla Yougoslaviel'essentielde
diction. C'est pour ces autres motifs qu'il souscritla larc:sponsabilitépour ce qui est de la préventiondes
décisionde la Cour, par laquelle celle-ci réaffirme les actes de gknocide.
mesures conservatoires indiquéesau paragraphe 52 de
son ordonnance du 8avril 1993. M.Tarassov estimequ'il s'agitIàd'une approchepar-
tiale d'uneueim fratricidedans laquelle tous les grou-
Opinion individuellede M. La~aupccht, juge ad hoc pes ethniques ont souffert de façon indicible.ne peut
M. Laiiterpacht, juge ad hoc, en s'associant àla déci-apporter son soutien à une ordonnance la consacrant,
sion de laCour,indique qu'ilaurait préférque I'ordon- alors que toutes les parties concernéesont acceptéun
nmce dela Cour fût plus d6taillée,tant diinssonexposé accord constitutionnel et que le Conseil de sécuritéles
desfaitsconcrets que dans les mesures qu'elleindique. prie deconclure dèsquepossible unrèglementpolitique
Soulignant la dimension humaine sans précédeiitde juste et global.Il aurait fallu souligner lanécepouré
l'affaire, iljuge que les atrocitéscommises p,arles Ser- lesparties de faciliter ce règlement, mesurela plus ur-
bes contre les Musulmans en Bosnie, en particulier le genteet laplusefficaceen vuede lapréventiondugéno-
processus de "purification ethnique", sont assimilables cide, mais ilestregretter que la Cour n'ait fait aucune
B un génocideet quelegouvernementdéfendeurn'arien réfdrenceàcette nécessitb.En gardant le silence surce
fait pour réfuter les élémentstendant à.prouver qu'il point, Ia Cour a malheureusementlaissééchapperl'oc-
soutientles Serbes de Bosnie. casion d'affirmerson autoritémorale.
Opiltiondissidente dujuge ad hoc KreCa
1 M.Lauterpachtfait remarquer que l'e~nbargoimposé
par le Conseil de sécuritésur les livraisons d'armes a M. KreCaest d'avis que les mesures conservatoires
conduit à un net déséquilibreentre les armements dont indiquks, particulièrementles deux premières,ne sont
disposent la population serbe et la population musul- pas ,équilibréeq,ue leur port& est trop vaste, qu'elles
mane de BosnieHerzégovine et que le rapporteur spé- sont ambiguës et captieuses, de sorte que, tant par leur
cial de l'ONU (dont l'avisa6téadoptd p:arl'Assemblée fomiulation que par leiaï contenu, elles s'apparentent
générale) a considkréque ce déséquilibre a:contribuéii dangereusemei~t à un jugement provisionnel, dont elles
l'intensitéde la purification ethnique dans la région.Il reprennent mêmecertains éléments. Il estime que la naaue préjudiciellede ces mesures des mesures conservatoires spécifiquesfondéessur ..
ressort de cette ordomriancequi, en substance,ne fait l'idéede notoriétéq,ui auraient inclus une demande
que réaffmercelledu8avril 1993. adresséeau demandeur à l'effetqu'ilpoursuive lesné-
A son avis, Bce stade de la proc&ur(: où la Cour gociationsde paix, ceciconstituant la mani&rela plus
"n'est pas habilitéeiconclure définitivementsur les efficaceet laplusrapidedemettreunterme à l'enfede
faits ou leur imputabilit,i laCour avait estiméque laguerrecivileenBosnie-Hehgovine.
toutes les conditionsour l'indicationde telles mesu-
res étaientréunies,lle aurait dOindiqua: une mesure Lejugead hocKreCaestimeégalementquede telles
conservatoire généralequi, en substance,,auraitoïn- mesures conservatoires spécifiquesauraient pu, par
cidéavec lemessageailraséparle Présidentde laCour rapportà leur mesure généralree,vêtuncaractèresoit
le5aoOt 1993 aux deux Parties au litige,(temêmeque alternatifsoitcumulatif.

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Résumé de l'ordonnance du 13 septembre 1993

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