Résumé de l'arrêt du 27 juin 2001

Document Number
7738
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Number (Press Release, Order, etc)
2001/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRELAGRAND(ALLEMAGNE c. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE) (FOND)

Arrêt du 27 juin 2001

me
Dans son arrêt sur l’affaire LaGrand (Allemagne M Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
c. États-Unis d’Amérique), la Cour : Al-Khasawneh, Buergenthal, juges; M. Couvreur, Greffier.
• a affirmé par quatorze voix contre une que, en *
n’informant pas sans retard Karl et Walter LaGrand,
* *
après leur arrestation, des droits qui étaient les leurs en
vertu de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de la M.Guillaume, Président, join t une déclaration à l’arrêt.
Convention de Vienne sur les relations consulaires, et en M.Shi, Vice-Président, joint à l’arrêt l’exposé de son
privant de ce fait l’Allemagne de la possibilité de fournir opinion individuelle. M.Oda, juge, joint à l’arrêt l’exposé
aux intéressés, en temps opportun, l’assistance prévue de son opinion dissidente. MMK . oroma et Parra-
par la Convention, les États-Unis d’Amérique ont violé Aranguren, juges, joignent à l’arrêt les exposés de leur
opinion individuelle. M.Buergenthal, juge, joint à l’arrêt
les obligations dont ils étaient tenus envers l’Allemagne
et envers les frères LaGrand en vertu du paragraphe 1 de l’exposé de son opinion dissidente.
l’article 36 de la Convention;
• a décidé par quatorze voix contre une que, en ne *
permettant pas, à la lumière des droits reconnus par la * *

Convention, le réexamen et la révision des verdicts de Le texte intégral du dispositif (par. 128) est le suivant :
culpabilité des frères LaGrand et de leurs peines, une « Par ces motifs,
fois constatées les violations susmentionnées, les États-
Unis d’Amérique ont violé l’obligation dont ils étaient LAOUR,
tenus envers l’Allemagne et envers les frères LaGrand 1) Par quatorze voix contre une,
en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 de la Dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article

Convention; premier du Protocole de signature facultative concernant
• a ajouté par treize voix contre deux que, en ne prenant le règlement obligatoire de s différends à la Convention
pas toutes les mesures disponibles pour assurer que de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963,
Walter LaGrand ne soit pas exécuté tant que la Cour pour connaître de la requête déposée par la République
internationale de Justice n’aurait pas rendu sa décision fédérale d’Allemagne le 2 mars 1999;

définitive en l’affaire, les États-Unis d’Amérique ont POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice-
violé l’obligation dont ils étaient tenus en vertu de Président; MM.Oda, Bedja oui, Ranjeva, Hmeczegh,
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M Higgins,
rendue par la Cour le 3 mars 1999; MM. Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal;
• a pris acte à l’unanimité de l’engagement pris par les CONTRE : M. Parra-Aranguren;

États-Unis d’Amérique d’assurer la mise en Œuvre des 2) a) Par treize voix contre deux,
mesures spécifiques adopté es en exécution de leurs Dit que la première conclusion de la République
obligations au titre de l’alinéa b du paragraphe 1 de fédérale d’Allemagne est recevable;
l’article 36 de la Convention; et a affirmé que cet
engagement doit être considéré comme satisfaisant à la POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice-
demande de l’Allemagne visant à obtenir une assurance Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczmeh,
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M Higgins,
générale de non-répétition; MM. Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal;
• a conclu par quatorze voix contre une que si des CONTRE : MM. Oda, Parra-Aranguren;
ressortissants allemands devaient néanmoins être
condamnés à une peine sévère sans que les droits qu’ils b) Par quatorze voix contre une,
tiennent de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de Dit que la deuxième conclusion de la République
fédérale d’Allemagne est recevable;
la Convention aient été respectés, les États-Unis
d’Amérique devront, en mettant en Œuvre les moyens de POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice-
leur choix, permettre le ré examen et la révision du Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh,
verdict de culpabilité et de la peine en tenant compte de Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M me Higgins,
la violation des droits prévus par la Convention. MM.Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh,
Buergenthal;
La Cour était composée comme suit: M.Guillaume,
Président; M.Shi, Vice-Prés ident; MM.Oda, Bedjaoui, CONTRE : M. Oda;
Ranjeva, Herczegh, Fleischha uer, Koroma, Vereshchetin, c) Par douze voix contre trois,

208 Dit que la troisième conclusion de la République en vertu de l’ordonnance en indication de mesures

fédérale d’Allemagne est recevable; conservatoires rendue par la Cour le 3 mars 1999;
POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice- POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice-
Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh, Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh,
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M meHiggins, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M me Higgins,
MM. Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh; MM. Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal;

CONTRE : MM. Oda, Parra-Aranguren, Buergenthal; CONTRE : MM. Oda, Parra-Aranguren;
d) Par quatorze voix contre une, 6)’unanimité,
Dit que la quatrième conclusion de la République Prend acte de l’engagement pris par les États-Unis

fédérale d’Allemagne est recevable; d’Amérique d’assurer la mi se en Œuvre des mesures
POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice- spécifiques adoptées en exécution de leurs obligations au
Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh, titre de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de la
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M meHiggins, Convention; et dit que cet engagement doit être
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al- considéré comme satisfaisant à la demande de la
République fédérale d’Allemagne visant à obtenir une
Khasawneh, Buergenthal;
CONTRE : M. Oda; assurance générale de non-répétition;
3) Par quatorze voix contre une, 7) Par quatorze voix contre une,
Dit que si des ressortissants allemands devaient
Dit qu’en n’informant pas sans retard Karl et Walter
LaGrand, après leur arrestation, des droits qui étaient les néanmoins être condamnés à une peine sévère sans que
leurs en vertu de l’alinéa b du paragraphe 1 de les droits qu’ils tiennent de l’alinéa b du paragraphe 1 de
l’article36 de la Convention et en privant de ce fait la l’article 36 de la Convention aient été respectés, les
République fédérale d’Allemagne de la possibilité de États-Unis d’Amérique devront, en mettant en Œuvre les
moyens de leur choix, permettre le réexamen et la
fournir aux intéressés, en temps opportun, l’assistance révision du verdict de culpabilité et de la peine en tenant
prévue par la Convention, les États-Unis d’Amérique ont compte de la violation des droits prévus par la
violé les obligations dont ils étaient tenus envers la
République fédérale d’Allemagne et envers les Convention.
frères LaGrand en vertu du paragraphe 1 de l’article 36; POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice-
Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh,
POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice- Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M me Higgins,
Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczeme, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M Higgins,
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al- Khasawneh, Buergenthal;
Khasawneh, Buergenthal; CONTRE : M. Oda. »

CONTRE : M. Oda; *
4) Par quatorze voix contre une, * *
Dit qu’en ne permettant pas, à la lumière des droits
reconnus par la Convention, le réexamen et la révision
Rappel de la procédure et des conclusions des Parties
des verdicts de culpabilité des frères LaGrand et de leurs (par. 1 à 12)
peines, une fois constatées les violations rappelées au
paragraphe 3) ci-dessus, les États-Unis d’Amérique ont La Cour rappelle que, le 2mars 1999, l’Allemagne a
violé l’obligation dont ils étaient tenus envers la déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant une
République fédérale d’Allemagne et envers les frères instance contre les États-Unis d’Amérique pour «violations
LaGrand en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 de la de la Convention de Vienne [du 24avril 1963] sur les
relations consulaires» (dénommée ci-après la «Convention
Convention;
POUR: M.Guillaume, Président; M.Shi, Vice- de Vienne»); et que, dans sa requête, l’Allemagne fonde la
Président; MMBe.djaoui , Ranjeva, Herczegh, compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l’Article 36
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, M meHiggins, du Statut de la Cour et l’article premier du Protocole de
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al- signature facultative concernant le règlement obligatoire des
différends qui accompagne la Convention de Vienne
Khasawneh, Buergenthal; (dénommé ci-après leP«rotocole de signature
CONTRE : M. Oda;
5) Par treize voix contre deux, facultative»). Elle rappelle aussi que, le même jour, le
Gouvernement allemand a également déposé une demande
Dit qu’en ne prenant pas toutes les mesures dont ils en indication de mesures co nservatoires et que, par
disposaient pour que Walter LaGrand ne soit pas exécuté ordonnance du 3mars 1999, la Cour a indiqué certaines
tant que la Cour internationale de Justice n’aurait pas mesures conservatoires (voir ci-après, p.4). Après que les
rendu sa décision définitive en l’affaire, les États-Unis pièces de procédure et certa ins documents eussent été
d’Amérique ont violé l’obligation dont ils étaient tenus

209dûment déposés, des audiences publiques ont été tenues du violation des droits énoncés à l’article 36 de la
13 au 17 novembre 2000. Convention, ainsi que les moyens pour y porter

Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après remède. »
ont été présentées par les Parties : Au nom du Gouvernement des États-Unis,
Au nom du Gouvernement de l’Allemagne, Les«États-Unis d’Amérique prient
respectueusement la Cour de dire et juger :
«L]a République fédérale d’Allemagne prie
respectueusement la Cour de dire et juger que 1) qu’ils ont violé l’obligation dont ils étaient tenus
1) en n’informant pas sans retard Karl et Walter envers l’Allemagne en vertu de l’alinéa b du
LaGrand après leur arrestation de leurs droits en vertu de paragraphe1 de l’article 36 de la Convention de Vienne
l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de la sur les relations consulaires en ce que les autorités
compétentes des États-Unis n’ont pas informé sans
Convention de Vienne sur les relations consulaires, et en
privant l’Allemagne de la possibilité de fournir son retard de leurs droits Karl et Walter LaGrand ainsi que
assistance consulaire, ce qui a finalement conduit à l’exigeait cet article et que les États-Unis ont présenté
l’exécution de Karl et Walter LaGrand, les États-Unis leurs excuses à l’Allemagne pour cette violation et
ont violé leurs obligations juridiques internationales vis- prennent des mesures concrètes visant à empêcher
à-vis de l’Allemagne au titre de l’article 5 et du qu’elle ne se reproduise; et
paragraphe 1 de l’article 36 de ladite convention, tant en 2) que toutes les autres demandes et conclusions de

ce qui concerne les droits propres de l’Allemagne que le la République fédérale d’Allemagne sont rejetées. »
droit de cette dernière d’exercer sa protection
diplomatique à l’égard de ses ressortissants; L’historique du différend
2) en appliquant des règles de leur droit interne, (par. 13 à 34)
notamment la doctrine dite de la “carence procédurale”,
Dans son arrêt, la Cour retrace d’abord l’historique du
qui ont empêché Karl et Walte r LaGrand de faire valoir différend. Elle rappelle que les frères Karl et Walter
leurs réclamations au titre de la Convention de Vienne LaGrand –des ressortissants allemands résidant de façon
sur les relations consulaires, et en procédant finalement à permanente aux États-Unis depuis leur enfance– ont été
leur exécution, les États-Unis ont violé l’obligation
juridique internationale, dont ils étaient tenus à l’égard arrêtés en 1982 en Arizona pour leur participation à une
de l’Allemagne en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 tentative de vol à main armée dans une banque, au cours de
de la Convention de Vienne, de permettre la pleine laquelle le Directeur de la banque a été tué et une autre
employée grièvement blessée. En 1984, une cour de
réalisation des fins pour lesquelles sont prévus les droits l’Arizona les a reconnus tous deux coupables de meurtre
énoncés à l’article 36 de ladite convention; aggravé et d’autres crimes, et elle les a condamnés à mort.
3) en ne prenant pas toutes les mesures dont ils
disposaient pour que Walter LaGrand ne soit pas exécuté Du fait que les LaGrand étaient des ressortissants allemands,
tant que la Cour internationale de Justice n’aurait pas la Convention de Vienne sur les relations consulaires
imposait aux autorités compétentes des États-Unis de les
rendu sa décision définitive en l’affaire, les États-Unis informer sans délai de leur droit de communiquer avec le
ont violé leur obligation juridique internationale de se consulat d’Allemagne. Les Ét ats-Unis ont admis que cela
conformer à l’ordonnance en indication de mesures n’a pas été le cas. En fait, le consulat n’a été informé de
conservatoires rendue par la Cour le 3mars 1999 et de l’affaire qu’en 1992 par les détenus eux-mêmes, qui ont eu
s’abstenir de tout acte pouvant interférer avec l’objet
d’un différend tant que l’instance est en cours; connaissance de leurs droits par d’autres sources. À ce
stade, les LaGrand ont été empêchés, en raison de la
et que, conformément aux obligations juridiques doctrine de droit américain dite de la «carence
internationales susmentionnées, procédurale», de remettre en cause leurs condamnations et
4) les États-Unis devront donner à l’Allemagne leurs peines en se prévalant de la méconnaissance de leurs
l’assurance qu’ils ne répéteront pas de tels actes illicites droits en vertu de la Convention de Vienne.
et que, dans tous les cas futurs de détention de
Karl LaGrand a été exécuté le 24février 1999. Le
ressortissants allemands ou d’actions pénales à 2mars 1999, un jour avant la date prévue pour l’exécution
l’encontre de tels ressortissants, les États-Unis veilleront de Walter LaGrand, l’Allemagne a porté l’affaire devant la
à assurer en droit et en pratique l’exercice effectif des Cour internationale de Justice. Le 3mars 1999, la Cour a
droits visés à l’article 36 de la Convention de Vienne sur rendu une ordonnance en indication de mesures
les relations consulaires. En particulier dans les cas où conservatoires (une sorte de référé) qui précisait notamment
un accusé est passible de la peine de mort, cela entraîne
pour les États-Unis l’obligation de prévoir le réexamen que les États-Unis devaient prendre toutes les mesures dont
ils disposaient pour que M.Walter LaGrand ne soit pas
effectif des condamnations pénales entachées d’une exécuté dans l’attente d’une d écision définitive de la Cour.
Le même jour, Walter LaGrand a été exécuté.

210Compétence de la Cour préventive ou toute autre forme de détention lorsque
(par. 36 à 48) l’intéressé s’y oppose expressément. »

La Cour observe que les États-Unis, sans soulever L’Allemagnp erétendu’en n’informant pas les frères
d’exceptions préliminaires en vertu de l’article 79 du LaGrand de leur droit de communiquer avec les autorités
Règlement, ont cependant fait valoir certaines objections à allemandes, les États-Unis l’«ont empêché[e] … d’exercer
les droits que lui confèrent les alinéas a et c du paragraphe 1
la compétence de la Cour. L’Allemagne fonde la de l’article 36 de la Convention» et ont violé «les
compétence de la Cour sur l’article premier du Protocole de
signature facultative concernant le règlement obligatoire des différents droits conférés à l’État d’envoi vis-à-vis de ses
différends qui accompagne la Convention de Vienne du ressortissants en prison, en détention préventive ou en garde
24 avril 1963, qui se lit ainsi : à vue, tels que prévus par l’alinéa b du paragraphe 1 de
l’article 36 de la Convention ». Elle soutient en outre qu’en
«Les différends relatifs à l’interprétation ou à méconnaissant leur obligation d’information, les États-Unis
l’application de la Convention relèvent de la compétence ont également violé les droits individuels que l’alinéa a du
obligatoire de la Cour internationale de Justice, qui, à ce paragraphe 1 de l’article 36, deuxième phrase, et l’alinéa b
titre, pourra être saisie par une requête de toute partie au
différend qui sera elle-même partie au présent du paragraphe 1 de l’article36 confèrent aux personnes
protocole. » détenues. L’Allemagne affirme qu’en conséquence elle «a
subi un préjudice en la personne de ses deux
ressortissants», grief qu’elle invoque «au titre de la
En ce qui concerne la première conclusion procédure de protection diplomatique engagée au nom de
l’eAllemagne Karl et Walter LaGrand ». Les États-Unis reconnaissent que
(par. 37 à 42) cette violation de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 a

La Cour examine tout d’abord la question de sa donné naissance à un différend entre les deux États et
compétence pour connaître de la première conclusion de reconnaissent que la Cour a compétence en vertu du
l’Allemagne. Celle-ci se prévaut du paragraphe1 de Protocole de signature facultative pour connaître de ce
l’article 36 de la Convention de Vienne selon lequel : différend dans la mesure où ce dernier concerne les droits
propres de l’Allemagne. Les États-Unis en revanche jugent
«Afin que l’exercice des fonctions consulaires «particulièrement mal fondé» l’argument de l’Allemagne
relatives aux ressortissants de l’État d’envoi soit selon lequel il y aurait eu violation des alinéas a et c du
facilité :
a ) les fonctionnaires consulaires doivent avoir la paragraphe 1 de l’article 36, au motif que « le comportement
liberté de communiquer avec les ressortissants de l’État critiqué est le même» que celui visé par l’allégation de
violation de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36. Ils
d’envoi et de se rendre auprès d’eux. Les ressortissants font en outre valoir que la prétention allemande, fondée sur
de l’État d’envoi doivent avoir la même liberté de le droit général de la protection diplomatique, ne relève pas
communiquer avec les fonctionn aires consulaires et de de la compétence de la Cour en vertu du Protocole de
se rendre auprès d’eux;
b ) si l’intéressé en fait la demande, les autorités signature facultative, parce que cette prétention «ne
concerne pas l’interprétation ou l’application de la
compétentes de l’État de ré sidence doivent avertir sans Convention de Vienne ».
retard le poste consulaire de l’État d’envoi lorsque, dans La Cour ne retient pas les objections formulées par les
sa circonscription consulaire, un ressortissant de cet État États-Unis. En effet, le différend qui oppose les Parties sur
est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention le point de savoir si les alinéas a et c du paragraphe 1 de
préventive ou toute autre forme de détention. Toute
communication adressée au poste consulaire par la l’article 36 de la Convention de Vienne ont été violés en
personne arrêtée, incarcérée ou mise en état de détention l’espèce du fait de la violation de l’alinéa b a trait à
l’interprétation et à l’application de la Convention. Il en est
préventive ou toute autre forme de détention doit de même du différend sur le point de savoir si l’alinéab crée
également être transmise sans retard par lesdites des droits pour les particuliers et si l’Allemagne a qualité
autorités. Celles-ci doivent sans retard informer pour faire valoir ces droits au nom de ses ressortissants. Ces
l’intéressé de ses droits aux termes du présent alinéa; différends entrent par suite dans les prévisions de l’article
c ) les fonctionnaires consulaires ont le droit de se
premier du Protocole de signature facultative. Par ailleurs, la
rendre auprès d’un ressortissant de l’État d’envoi qui est Cour ne peut accepter la thèse des États-Unis selon laquelle
incarcéré, en état de détentio n préventive ou toute autre la demande de l’Allemagne fondée sur les droits individuels
forme de détention, de s’entr etenir et de correspondre des frères LaGrand ne relève pas de sa compétence, au motif
avec lui et de pourvoir à sa représentation en justice. Ils que la protection diplomatique serait une notion de droit
ont également le droit de se rendre auprès d’un international coutumier. Cela ne fait pas obstacle à ce qu’un
ressortissant de l’État d’envoi qui, dans leur État partie à un traité qui crée des droits pour les individus
circonscription, est incarcér é ou détenu en exécution
puisse prendre fait et cause pour l’un de ses ressortissants et
d’un jugement. Néanmoins, les fonctionnaires mettre en mouvement l’action judiciaire internationale en
consulaires doivent s’abstenir d’intervenir en faveur faveur de ce ressortissant sur la base d’une clause attributive
d’un ressortissant incarcéré ou mis en état de détention de compétence figurant dans un tel traité. La Cour en

211conclut qu’elle a dès lors compétence pour connaître dans Cour a par suite compétence en l’espèce pour connaître de
son ensemble de la première conclusion de l’Allemagne. la quatrième conclusion de l’Allemagne.

En ce qui concerne la deuxième et la troisième Recevabilité des conclusions de l’Allemagne
conclusion de l’Allemagne (par. 49 à 63)
(par. 43 à 45)
Les États-Unis font valoir des objections en ce qui
Bien que les États-Unis ne contestent pas la compétence concerne la recevabilité des conclusions de l’Allemagne,
de la Cour pour connaître de la deuxième et de la troisième pour divers motifs. Ils soutiennent d’abord que les
conclusion de l’Allemagne, la Cour observe que la troisième deuxième, troisième et quatrième conclusions de
conclusion de l’Allemagne porte sur des questions qui l’Allemagne seraient irrecevables, motif pris de ce que

découlent directement du différend opposant les Parties l’Allemagne cherche à faire jouer à la Cour «le rôle d’une
devant la Cour, à l’égard desquelles la Cour a déjà conclu juridiction statuant en dernier degré d’appel sur des
qu’elle était compétente, et qui relèvent dès lors de questions pénales soumises aux tribunaux internes», rôle
l’article premier du Protocole de signature facultative. À cet qu’elle n’est pas habilitée à jouer. Ils font valoir que de
égard, la Cour réaffirme ce qu’elle a dit dans l’affaire de la nombreux arguments développés par l’Allemagne, en
Compétence en matière de pêcheries , lorsqu’elle a estimé particulier ceux relatifs à la règle de la carence

qu’afin de considérer le différend sous tous ses aspects, elle procédural»e, reviennent à demander à la Cour
pouvait aussi connaître d’une conclusion qui «se fonde sur d’«examiner et de réparer … de prétendues violations du
des faits postérieurs au dépôt de la requête mais découlant droit des États-Unis et des erreurs d’appréciation qui
directement de la question qui fait l’objet de cette requête. À auraient été le fait de juges des États-Unis» à l’occasion
ce titre, elle relève de la compétence de la Cour…» d’affaires pénales portées devant des juridictions internes.
(Compétence en matière de pêcheries (République fédérale La Cour ne souscrit pas à cette argumentation. Elle
d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974 ,
observe que, par sa deuxième conclusion, l’Allemagne
p. 203, par. 72.) Lorsque la Cour a compétence pour demande à la Cour d’interpréter la portée du paragraphe 2
trancher un différend, elle a également compétence pour se de l’article 36 de la Convention de Vienne; que, par sa
prononcer sur des conclusions la priant de constater qu’une troisième conclusion, elle prie la Cour de dire que les États-
ordonnance en indication de mesures rendue aux fins de Unis ont violé une ordo nnance qu’elle a rendue
préserver les droits des parties à ce différend n’a pas été conformément à l’Article 41 de son Statut; et que, par sa
exécutée. quatrième conclusion, l’Allemagne demande à la Cour de

déterminer quels sont les remèdes à apporter aux violations
En ce qui concerne la quatrième conclusion alléguées de la Convention. Même si l’Allemagne s’est
l’eAllemagne longuement étendue sur la pratique des tribunaux américains
(par. 46 à 48) relative à l’application de la Convention, ces trois
conclusions visent exclusivement à prier la Cour d’appliquer
Les États-Unis contestent que la Cour soit compétente les règles pertinentes de droit international aux questions
pour statuer sur la quatrième conclusion de l’Allemagne,
dans la mesure où cette conclusion tend à l’obtention litigieuses opposant les Parties à l’instance. L’exercice de
d’assurances et de garanties de non-répétition. Ils soulignent cette fonction, expressément pr évue par l’Article 38 de son
que la quatrième conclusion de l’Allemagne «va bien au- Statut, ne fait pas de cette cour une juridiction statuant en
appel sur des questions pénales soumises aux tribunaux
delà de toute mesure de réparation que la Cour peut ou internes.
devrait accorder, et qu’elle devrait par conséquent être Les États-Unis soutiennent également que la troisième
rejetée. Le pouvoir qu’a la Cour de trancher des affaires .…
n’englobe pas celui d’ordonner à un État de fournir une conclusion de l’Allemagne est irrecevable compte tenu des
“garantie” visant à conférer de s droits additionnels à l’État circonstances dans lesquelles celle-ci a introduit la présente
requérant… [L]es États-Unis ne croient pas qu’il instance devant la Cour. Ils font valoir que les agents
appartienne à la Cour … d’imposer des obligations qui consulaires allemands ont pris connaissance en 1992 des
affaires relatives aux LaGrand, mais que c’est seulement le
viennent s’ajouter à celles qu’ils ont acceptées lorsqu’ils ont 22février 1999, soit deux jours avant la date prévue pour
ratifié la Convention de Vienne ou qui diffèrent de celles- l’exécution de Karl LaGrand, que l’Allemagne a soulevé la
ci. » La Cour considère qu’un différend portant sur les voies
de droit à mettre en Œuvre au titre d’une violation de la question du défaut de notification consulaire. L’Allemagne
Convention qu’invoque l’Allemagne est un différend a ensuite saisi la Cour d’une requête introductive d’instance
concernant l’interprétation ou l’application de la Convention ainsi que d’une demande en indication de mesures
conservatoires, dans la soirée du 2mars 1999, après les
et qui de ce fait relève de la compétence de la Cour. S’il est heures normales de travail au Greffe, soit environ vingt-sept
établi que la Cour a compét ence pour connaître d’un heures avant l’heure fixée pour l’exécution de Walter
différend portant sur une question déterminée, elle n’a pas LaGrand. L’Allemagne reconnaît pour sa part que le retard
besoin d’une base de compét ence distincte pour examiner
les remèdes demandés par une partie pour la violation en d’un État demandeur peut re ndre une requête irrecevable,
cause (Usine de Chorzów, C.P.J.I. sérieA n°9 , p.22). La mais soutient que le droit international ne fixe aucun délai

212spécifique en la matière. Elle fait valoir que c’est sept jours l’Allemagne lorsqu’une personne arrêtée, qui n’a pas été
seulement avant le dépôt de sa requête qu’elle a eu informée sans retard de ses droits, risque une peine sévère,

connaissance de tous les faits pertinents sur lesquels elle comme cela a été le cas en l’espèce. La Cour considère que
fonde son action, et en particulier du fait que les autorités de les remèdes à retenir en cas de violation de l’article 36 de la
l’Arizona avaient été au courant dès 1982 de la nationalité Convention de Vienne ne sont pas nécessairement
allemande des frères LaGrand. identiques dans toutes les situations. Si de simples excuses
La Cour reconnaît que l’Allemagne peut être critiquée peuvent constituer un remède approprié dans certains cas,
elles pourraient se révéler insuffisantes dans d’autres. Aussi
pour la manière dont l’instance a été introduite et pour le la Cour estime-t-elle que ce motif d’irrecevabilité doit être
moment choisi pour l’introduire. La Cour rappelle toutefois
que, tout en étant consciente des conséquences de rejeté.
l’introduction de l’instance par l’Allemagne à une date si
avancée, elle n’en a pas moins estimé approprié de rendre Examen au fond des conclusions de l’Allemagne
son ordonnance du 3mars 1999, un préjudice irréparable (par. 64 à 127)
semblant imminent. Dans ces conditions, la Cour estime que
Ayant établi qu’elle était compétente et que les
l’Allemagne est en droit de se plaindre aujourd’hui de la conclusions de l’Allemagne ét aient recevables, la Cour
non-application, alléguée par elle, de ladite ordonnance par examinera maintenant au fond chacune des quatre
les États-Unis. En conséquence, la Cour conclut que la
troisième conclusion de l’Allemagne est recevable. conclusions en question.
Les États-Unis soutiennent aussi que la première
conclusion de l’Allemagne, en tant qu’elle concerne son Première conclusion de l’Allemagne
(par. 67 à 78)
droit à exercer sa protection diplomatique à l’égard de ses
ressortissants, est irrecevable parce que les frères LaGrand La Cour commence par citer la première conclusion de
n’avaient pas épuisé les voies de recours internes. Ils font l’Allemagne (voir ci-dessus, p.1) et relève que les États-
valoir que le manquement allégué concernait l’obligation Unis ne contestent pas la principale demande de
d’informer les frères LaGrand de leur droit de communiquer l’Allemagne et reconnaissent qu’ils ont violé l’obligation
avec leur consulat et qu’un tel manquement aurait pu
découlant de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de la
facilement être réparé au stade du procès si la question avait Convention «d’informer sans retard les frères LaGrand de
été soulevée en temps opportun. leur droit de demander à ce que leurs arrestations et mises
La Cour note qu’il n’est pas contesté que les frères en détention soient notifiées à un poste consulaire
LaGrand ont cherché à se prévaloir des dispositions de la allemand ».
Convention de Vienne devant les tribunaux américains après L’Allemagne prétend aussi que la violation par les États-
avoir pris connaissance en 1992 du droit qu’ils tenaient de
Unis de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 a entraîné
ladite convention; il n’est pas davantage contesté qu’à cette par voie de conséquence celle des alinéas a et c du
époque la règle de la carence procédurale a fait que les paragraphe 1 de l’article 36. Selon l’Allemagne, dès lors que
LaGrand n’ont pu obtenir qu’il soit remédié à la violation de l’obligation d’informer sans retard la personne arrêtée de
ce droit. Les avocats commis d’office pour les défendre son droit de contacter le consulat est méconnue, il s’ensuit
n’ont pas soulevé cette question en temps voulu. Cependant que «les autres droits qu’énonce le paragraphe 1 de
les États-Unis ne sauraient se prévaloir aujourd’hui devant l’article36 perdent en pratique toute pertinence, voire toute
la Cour de cette circonstan ce pour faire obstacle à la
significatio»n. Les États-Unis font valoir que,
recevabilité de la première c onclusion de l’Allemagne, dès fondamentalement, l’Allemagne se plaint d’un seul et même
lors qu’ils avaient eux-mêmes failli à l’exécution de leur comportement, à savoir le fait qu’ils n’ont pas informé les
obligation, en vertu de la Convention, d’informer les frères frères LaGrand, comme le prescrit l’alinéa b du
LaGrand. paragraphe1 de l’article 36. Ils contestent donc tout autre
Les États-Unis soutie nnent également que les fondement aux demandes de l’Allemagne, selon lesquelles

conclusions de l’Allemagne sont irrecevables au motif d’autres dispositions, telles que les alinéas a et c du
qu’elle cherche à faire appliquer par les États-Unis une paragraphe 1 de l’article 36 de la Convention, auraient aussi
norme différente de celle qui prévaut dans la pratique été violées. Ils affirment que les allégations de l’Allemagne
allemande. concernant les alinéas a et c du paragraphe 1 de l’article 36
La Cour considère qu’elle n’a pas à décider si sont «particulièrement mal fo ndées», étant donné que les
LaGrand ont pu communiquer librement avec les
l’argument en question des États-Unis, à supposer qu’il fût fonctionnaires consulaires après 1992 et l’ont effectivement
exact, rendrait les conclusions de l’Allemagne irrecevables.
Elle estime que les éléments produits par les États-Unis ne fait. En réponse, l’Allemagne affirme qu’il est «courant
permettent pas de conclure que la pratique de l’Allemagne qu’un seul et même comportement se traduise par plusieurs
s’écarte des normes dont elle demande l’application en manquements à des obligations différentes». L’Allemagne
l’espèce de la part des États-Unis. Mais les affaires citées soutient également qu’il y a un lien de causalité entre la
concernaient toutefois des peines relativement légères et ne violation de l’article 36 et l’exécution finale des frères
LaGrand. Elle fait valoir que, si elle avait pu exercer
constituent pas des preuves de la pratique que suit correctement ses droits en vert u de cette convention, elle

213aurait été en mesure d’intervenir à temps et de présenter, l’intermédiaire de ses agents consulaires, de communiquer
«de manière convaincante, un dossier de circonstances avec ses ressortissants –et déc oule de ce droit– et qu’il ne

atténuantes», de sorte qu’il est «probable» que les frères constitue ni un droit fondamental ni un droit de l’homme.
LaGrand « auraient eu la vie sauve ». Compte tenu du libellé des dispositions du paragraphe 1
De plus, elle soutient que, en raison de la doctrine de la de l’article 36, la Cour conc lut que le paragraphe 1 de
carence procédurale et des conditions rigoureuses l’article 36 crée des droits individuels qui, en vertu de
qu’impose le droit des États-Unis à celui qui cherche à l’article premier du Protocole de signature facultative,

prouver, après le verdict de culpabilité, que l’avocat était peuvent être invoqués devant la Cour par l’État dont la
incompétent, son intervention à un stade postérieur à celui personne détenue a la nationalité. En l’espèce, ces droits ont
du procès ne pouvait pas «réparer le préjudice grave causé été violés.
par les avocats commis d’office des LaGrand». Selon les
États-Unis, ces arguments de l’Allemagne «relèvent de la Deuxième conclusion de l’Allemagne
spéculation » et ne résistent pas à l’analyse.
(par. 79 à 91)
La Cour observe que la violation du seul alinéa b du La Cour cite alors la deuxième conclusion de
paragraphe 1 de l’article 36 n’entraîne pas toujours l’Allemagne.
nécessairement la violation des autres dispositions de cet
article, mais la Cour est amenée à conclure que tel est le cas L’Allemagne soutient qu’aux termes du paragraphe 2 de
en l’espèce pour les raisons exposées ci-après. Le l’article 36 de la Convention de Vienne, « les États-Unis ont
paragraphe 1 de l’article 36, relève la Cour, institue un l’obligation de faire en sorte que leurs “lois et règlements
régime dont les divers éléments sont interdépendants et qui [internes] … permet[tent] la pl eine réalisation des fins pour
lesquelles les droits sont accordés en vertu du présent
est conçu pour faciliter la mise en Œuvre du système de article” [et qu’ils] manquent à cette obligation en faisant
protection consulaire. Le principe de base régissant la
protection consulaire est énoncé dès l’abord: le droit de observer des règles de droit interne qui rendent impossible
communication et d’accès (alinéa a du paragraphe 1 de l’invocation d’un moyen tiré de la violation du droit à la
l’article 36). La disposition suivante précise les modalités notification au consulat lors de la procédure consécutive à la
selon lesquelles doit s’effectuer la notification consulaire déclaration de culpabilité d’un accusé ou d’un prévenu par
un jury ». L’Allemagne souligne que ce n’est pas la règle de
(alinéa b du paragraphe 1 de l’ar ticle 36). Enfin, l’alinéa c la «carence procédurale» en tant que telle qui est en
du paragraphe 1 de l’article 36 énonce les mesures que les
agents consulaires peuvent prendre pour fournir leur question dans la présente instance mais la manière dont elle
assistance aux ressortissants de leur pays détenus dans l’État a été appliquée en ce sens qu’elle «a privé les frères
de résidence. Il s’ensuit que, lorsque l’État d’envoi n’a pas LaGrand de la possibilité de soulever, dans le cadre de
connaissance de la détention de l’un de ses ressortissants, procédures pénales devant les instances judiciaires des
parce que l’État de résidence n’a pas effectué sans retard la États-Unis, les moyens tirés de la violation de leur droit
d’avertir leur consulat». Selon les États-Unis, «[l]a
notification consulaire requise, ce qui fut le cas en l’espèce Convention de Vienne n’oblige pas les États qui y sont
entre 1982 et 1992, l’État d’envoi se trouve dans
l’impossibilité pratique d’exercer, à toutes fins utiles, les parties à instituer dans leur droit interne un recours
droits que lui confère le paragraphe 1 de l’article 36. permettant aux particuliers d’invoquer dans des procédures
L’Allemagne soutient ensuite que «la violation de pénales des griefs fondés sur la Convention … [s]i la
l’article 36 par les États-Unis ne porte pas seulement atteinte Convention n’impose aucune obligation d’accorder de telles
mesures de réparation à des individus dans des poursuites
[à ses] droits … en tant qu’État partie à la Convention, mais pénales, la règle de la carence procédurale–qui exige de
constitue également une violation des droits individuels des faire valoir le plus tôt possible et au moment approprié les
frères LaGrand». Agissant au titre de la protection
diplomatique, elle demande également la condamnation des moyens visant à obtenir de telles mesures de réparation – ne
États-Unis sur ce terrain. Les États-Unis, pour leur part, saurait par conséquent violer la Convention ».
s’interrogent sur ce que cette prétention supplémentaire La Cour cite le paragraphe 2 de l’article 36 de la
Convention de Vienne qui est ainsi libellé: «Les droits
relative à la protection diplomatique apporte au cas d’espèce visés au paragraphe 1 du prés ent article doivent s’exercer
et ils soutiennent qu’il n’y a rien de commun entre la
présente affaire et les cas de protection diplomatique portant dans le cadre des lois et règlements de l’État de résidence,
sur la défense par un État de réclamations d’ordre étant entendu, toutefois, que ces lois et règlements doivent
économique de ses ressortissants. Les États-Unis permettre la pleine réalisation des fins pour lesquelles les
soutiennent en outre que ce sont les États et non les droits sont accordés en vertu du présent article.» La Cour
individus qui sont titulaires des droits que reconnaît la conclut qu’elle ne saurait retenir l’argument des États-Unis
qui repose en partie sur l’hypothèse que le paragraphe 2 de
Convention de Vienne en matière de notification consulaire, l’article 36 ne s’applique qu’aux droits de l’État d’envoi et
même si les individus peuvent bénéficier de ces droits, du
fait que les États sont autorisés à leur offrir une assistance non à ceux de la personne mise en détention. Elle dit que le
consulaire. Ils affirment que le traitement qui doit être paragraphe 1 de l’article 36 crée des droits individuels pour
réservé aux individus aux termes de la Convention est les personnes détenues, en sus des droits accordés à l’État
indissociablement lié au droit de l’État, agissant par d’envoi, et que, par voie de conséquence, les « droits » visés

214au paragraphe 2 désignent non seulement les droits de l’État soutiennent pas moins que ces ordonnances ne peuvent
d’envoi, mais aussi ceux des personnes détenues. Elle avoir de tels effets et, à l’appui de cette thèse, développent

souligne qu’en elle-même la règle de la carence procédurale des arguments portant sur «le libellé et la genèse du
ne viole pas l’article 36 de la Convention de Vienne. Le paragraphe 1 de l’Article 41 du Statut de la Cour et de
problème se pose lorsque cette règle ne permet pas à une l’Article 94 de la Charte des Nations Unies», la «pratique
personne détenue de faire recours contre sa condamnation et de la Cour et des États au regard de ces dispositions» ainsi
sa peine en prétendant, sur la base du paragraphe 1 de que sur l’«autorité de la doctrine des publicistes». Enfin,
l’article 36 de la Convention, que les autorités nationales les États-Unis exposent qu’en tout état de cause « [l]e dépôt
compétentes ne se seraient pas acquittées de leur obligation au dernier moment de la requête par l’Allemagne, qui n’a

d’informer «sans retar» les autorités consulaires laissé aucun temps pour réagir, a fait que les principes
compétentes, empêchant par-l à même cette personne de fondamentaux du règlement ju diciaire n’ont pu être
solliciter et d’obtenir l’assistance consulaire de l’État respectés dans le cas de l’ordonnance rendue le 3mars par
d’envoi. La Cour conclut que, dans les circonstances de la la Cour » et que « [d]ès lors, quelle que soit la conclusion à
présente espèce, la règle de la carence procédurale a eu pour laquelle on puisse parvenir au sujet d’un principe général
effet d’empêcher «la pleine réalisation des fins pour applicable aux mesures conservatoires, il serait à tout le

lesquelles les droits sont accordés en vertu du présent moins anormal pour la Cour de voir dans l’ordonnance qui
article» et a ainsi violé les dispositions du paragraphe 2 de nous occupe en l’espèce une source d’obligations juridiques
l’article 36. contraignantes ».
La Cour observe que le différend existant à cet égard
Troisième conclusion de l’Allemagne entre les Parties concerne essentiellement l’interprétation de
(par. 92 à 116) l’Article 41, qui a fait l’objet d’abondantes controverses

La Cour cite ensuite la troisième conclusion de doctrinales. Elle passe donc à l’interprétation de l’Article 41
l’Allemagne, et observe que, dans son mémoire, du Statut. Elle procède à cette interprétation conformément
au droit international coutumier qui a trouvé son expression
l’Allemagne a soutenu que «[l]es mesures conservatoires dans l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le
indiquées par la Cour internationale de Justice [avaient] droit des traités. Selon le paragraphe 1 de l’article 31, un
force obligatoire en vertu du dr oit établi par la Charte des traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens
NationsUnies et le Statut de la Cour». Elle relève qu’à ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la
l’appui de sa thèse l’Allemagne a développé plusieurs
arguments en se référant au « principe de l’effet utile », aux lumière de son objet et de son but.
«conditions de procédure pour l’adoption des mesures Le texte français de l’Article 41 se lit comme suit :
« 1. La Cour a le pouvoir d’indiquer, si elle estime
conservatoires», au caract ère obligatoire des mesures que les circonstances l’exigent, quelles mesures
conservatoires comme c «o nséquence nécessaire du
caractère obligatoire de l’arrêt définitif », au « paragraphe 1 conservatoires du droit de chacun doivent être prises à
de l’Article 94 de la Charte des Nations Unies», au titre provisoire.
«paragraphe 1 de l’Article 41 du Statut de la Cour», ainsi 2. En attendant l’arrêt définitif, l’ indication de ces
qu’à la «pratique de la Cour». Les États-Unis soutiennent mesures est immédiatement no tifiée aux parties et au
qu’ils «se sont conformés à l’ordonnance de la Cour du Conseil de sécurité. » (C’est nous qui soulignons.)

3mars, compte tenu des circonstances extraordinaires et La Cour note que, dans ce texte, les termes «indiquer»
inédites dans lesquelles ils ont été contraints d’agir». Les et « l’indication » peuvent être considérés comme neutres au
États-Unis précisent en outr e que: «[d]eux éléments regard du caractère obligatoire des mesures en question; en
principaux réduisaient la capacité d’agir des États-Unis. Il y revanche les mots «doivent être prises» ont un caractère
avait tout d’abord le délai extrêmement bref entre le impératif.
prononcé de l’ordonnance de la Cour et l’heure fixée pour
l’exécution de Walter LaGrand… Le deuxième obstacle Quant à elle, la version anglaise de l’Article 41 se lit
comme suit :
était la nature même des États-Unis d’Amérique en tant que « 1. The Court shall have the power to indicate, if
république fédérale au sein de laquelle les pouvoirs sont it considers that circumstances so require, any
partagés.» Les États-Unis avancent également que le provisional measures which ought to be taken, to
«libellé de l’ordonnance de la Cour du 3mars n’a pas créé
d’obligations juridiques contraignantes pour [eux] ». Ils font preserve the respective rights of either party.
valoir à cet égard que «[l]es termes employés par la Cour 2. Pending the final decision, notice of the measures
suggested shall forthwith be given to the parties and to
dans les passages clefs de son ordonnance ne sont pas de the Security Council. » (C’est nous qui soulignons.)
ceux qui sont utilisés pour créer des obligations juridiques
contraignantes » et que « [p]oint n’est … besoin en l’espèce Selon les États-Unis, l’emploi dans la version anglaise
pour la Cour de trancher la question juridique difficile et des verbes « indicate » au lieu de « order », « ought » au
controversée de savoir si ses ordonnances en indication de lieu de « must » ou « shall », et « suggested » au lieu de
mesures conservatoires sont susceptibles de donner «ordered» impliquerait que les décisions prises au titre de
naissance à des obligations juridiques internationales si elles l’Article 41 ne revêtent pas un caractère obligatoire. On
pourrait cependant faire valoir, compte tenu du fait que la
sont exprimées en des termes impératifs…» Ils n’en
215version française a été en 1920 la version originelle, que des comme elle le fait néanmoins observer, ne s’opposent pas à
verbes tels que «indicate» et «ought» ont un sens qui est la conclusion que les ordonnances rendues en vertu de

équivalent à « order » et « must » ou « shall ». l’Article 41 ont force obligatoire.
Se trouvant en présence de deux textes qui ne sont pas La Cour examine enfin si l’Article 94 de la Charte des
en totale harmonie, la Cour note tout d’abord que, selon Nations Unies s’oppose à ce qu’effet obligatoire soit
l’Article 92 de la Charte, le St atut «fait partie intégrante» reconnu aux ordonnances indiquant des mesures
de la Charte. En vertu de l’Article 111 de la Charte, les conservatoires. Cet article se lit comme suit :

versions française et anglaise de celle-ci font «également «1. Chaque Membre des Nations Unies s’engage
foi ». Il en va donc de même pour le Statut. à se conformer à la décision de la Cour internationale de
En cas de divergence entre des versions faisant foi du Justice dans tout litige auquel il est partie.
Statut, ni celui-ci ni la Charte n’indiquent la manière de 2. Si une partie à un litige ne satisfait pas aux
procéder. En l’absence d’accord entre les parties à cet égard,
il convient donc de se référer aux dispositions du obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu
par la Cour, l’autre partie pe ut recourir au Conseil de
paragraphe 4 de l’article 33 de la Convention de Vienne sur sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des
le droit des traités qui, de l’avis de la Cour, reflète là encore recommandations ou décider des mesures à prendre pour
le droit international coutumier. Aux termes de cette faire exécuter l’arrêt. »
disposition,lorsque la comparaison des textes La Cour relève que la question se pose de savoir quel
authentiques fait apparaître une différence de sens que
l’application des articles 31 et 32 ne permet pas d’éliminer, sens doit être attribué aux mots «la décision de la Cour
on adoptera le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du internationale de Justice» au paragraphe 1 de cet article;
elle note que ce libellé pourrait s’entendre comme visant
traité, concilie le mieux ces textes». La Cour passe donc à non seulement les arrêts de la Cour, mais toute décision
l’examen de l’objet et du but du Statut, ainsi que du rendue par elle, et s’appliqua nt ainsi aux ordonnances en
contexte de l’Article 41 du Statut. indication de mesures conservatoires. Ces mots pourraient
L’objet et le but du Statut sont de permettre à la Cour de aussi être interprétés comme désignant seulement les arrêts
remplir les fonctions qui lui sont dévolues par cet
rendus par la Cour tels que visés au paragraphe 2 de
instrument, et en particulier de s’acquitter de sa mission l’Article 94. À cet égard, l’utilisation faite aux Articles 56 à
fondamentale, qui est le règlem ent judiciaire des différends 60 du Statut de la Cour des mots «décision» et «arrêt»
internationaux au moyen de décisions obligatoires n’ajoutent guère de clarté au débat. Dans la première
conformément à l’Article 59 du Statut. L’Article 41, analysé interprétation du paragraphe 1 de l’Article 94, celui-ci
dans le contexte du Statut, a pour but d’éviter que la Cour confirmerait le caractère obligatoire des mesures
soit empêchée d’exercer ses fonctions du fait de l’atteinte
portée aux droits respectifs des parties à un différend soumis conservatoires; dans la seconde, il ne s’opposerait nullement
à ce que ce caractère obligatoire leur soit reconnu au titre de
à la Cour. Il ressort de l’objet et du but du Statut, ainsi que l’Article 41 du Statut. La Cour en conclut que l’Article 94
des termes de l’Article 41 lus dans leur contexte, que le de la Charte ne fait en tout état de cause pas obstacle au
pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires emporte le caractère obligatoire des ordonnances rendues au titre de
caractère obligatoire desdites mesures, dans la mesure où le l’Article 41. En définitive, aucune des sources
pouvoir en question est fondé sur la nécessité, lorsque les d’interprétation mentionnées dans les articles pertinents de
circonstances l’exigent, de sauvegarder les droits des
parties, tels que déterminés par la Cour dans son arrêt la Convention de Vienne sur le droit des traités, y compris
les travaux préparatoires, ne contredisent les conclusions
définitif, et d’éviter qu’il y soit porté préjudice. Prétendre tirées des termes de l’Article 41 lus dans son contexte à la
que des mesures conservatoires indiquées en vertu de lumière de l’objet et du but du Statut. Ainsi, la Cour
l’Article 41 ne seraient pas obligatoires serait contraire à parvient à la conclusion que les ordonnances indiquant des
l’objet et au but de cette disposition. Un motif connexe qui mesures conservatoires au titre de l’Article 41 ont un
va dans le sens du caractère obligatoire des ordonnances caractère obligatoire.
rendues au titre de l’Article 41, et auquel la Cour attache de
La Cour examine ensuite la question de savoir si les
l’importance, est l’existence d’un principe que la Cour États-Unis se sont acquittés de l’obligation découlant pour
permanente de Justice internationale a déjà reconnu eux de l’ordonnance du 3 mars 1999.
lorsqu’elle a évoqué le «principe universellement admis Après avoir examiné les mesures prises par les autorités
devant les juridictions internationales et consacré d’ailleurs
dans maintes conventions … d’après lequel les parties en des États-Unis (le Département d’État, le Solicitor General
cause doivent s’abstenir de toute mesure susceptible d’avoir des États-Unis, le Gouverneur de l’Arizona et la Cour
une répercussion préjudiciable à l’exécution de la décision à suprême des États-Unis), en ce qui concerne l’ordonnance
du 3mars 1999, la Cour conclut que les diverses autorités
intervenir et, en général, ne laisser procéder à aucun acte, de compétentes des États-Unis n’ont pas pris toutes les mesures
quelque nature qu’il soit, susceptible d’aggraver ou qu’elles auraient pu prendre pour donner effet à
d’étendre le différend » (Compagnie d’électricité de Sofia et l’ordonnance.
de Bulgarie, ordonnance du 5 décembre 1939, C.P.J.I. série
A/B n o 79, p. 199). La Cour n’estime pas nécessaire de faire La Cour relève finalement que, dans sa troisième
appel aux travaux préparatoires relatifs au Statut qui, conclusion, l’Allemagne demande seulement à la Cour de

216dire et juger que les États-Unis ont violé leur obligation serait … sans précédent dans la jurisprudence internationale
juridique internationale de se conformer à l’ordonnance du et outrepasserait le pouvoir et la compétence de la Cour. »

3mars 1999; ladite conclusion ne contient pas d’autre La Cour relève que, dans sa quatrième conclusion,
demande au sujet de cette violation. De plus, la Cour l’Allemagne veut obtenir plusieurs assurances. En premier
souligne que les États-Unis étai ent confrontés en l’espèce à lieu, elle veut obtenir des États-Unis une assurance pure et
de fortes contraintes de temps, résultant des conditions dans simple qu’ils ne répéteront pas leurs actes illicites. Cette
lesquelles l’Allemagne avait introduit l’instance. Elle relève demande ne précise pas les moyens à mettre en Œuvre pour
également qu’à l’époque où les autorités des États-Unis ont
pris leur décision la question du caractère obligatoire des assurer la non-répétition de tels actes. En outre, l’Allemagne
cherche à obtenir des États-Un is que «pour toutes les
ordonnances en indication de mesures conservatoires avait affaires futures impliquant la détention de ressortissants
été abondamment discutée dans la doctrine, mais n’avait pas allemands ou des actions pénales à leur encontre, le droit et
été tranchée par la jurispruden ce. La Cour aurait pris ces la pratique internes des États-Unis ne feront pas obstacle à
facteurs en considération si la conclusion de l’Allemagne l’exercice effectif des droits prévus à l’article 36 de la
avait comporté une demande à fin d’indemnité. Convention de Vienne sur les relations consulaires». La

Cour note que cette demande va plus loin, dans la mesure
Quatrième conclusion de l’Allemagne où, en se référant au droit des États-Unis, elle paraît appeler
(par. 117 à 127) l’adoption de mesures spécifiques visant à empêcher que de
tels actes illicites se reproduisent. L’Allemagne demande
La Cour examine enfin la quatrième conclusion de enfin que « dans les cas où un accusé est passible de la peine
l’Allemagne et relève que l’Allemagne souligne que sa de mort, cela entraîne pour les États-Unis l’obligation de
quatrième conclusion a été libellée «de façon à laisser aux prévoir le réexamen effectif des condamnations pénales
États-Unis le choix des moye ns propres à mettre en Œuvre
les mesures [qui leur sont demandées] ». entachées d’une violation des droits énoncés à l’article 36 de
la Convention, ainsi que les moyens pour y porter remède ».
En réponse, les États-Unis exposent ce qui suit: «La La Cour observe que cette demande va encore plus loin, car
quatrième conclusion de l’Allemagne est à l’évidence d’une elle tend exclusivement à ce que des mesures spécifiques
nature complètement différente de celle des trois premières. soient prises dans les cas où un accusé est passible de la
Dans chacune des trois premiè res conclusions, l’Allemagne peine de mort.
demande à la Cour un prononcé déclarant qu’il y a eu
violation d’une obligation juridique internationale Concernant la demande, de caractère général, visant
déterminée. Pareils prononcés sont au cŒur même de la l’obtention d’une assurance de non-répétition, la Cour
relève que les États-Unis l’ont informée des «mesures
fonction de la Cour, représentant un aspect de la réparation. importantes [qu’ils prennent] visant à empêcher que [cette
Contrairement, toutefois, à la forme de réparation demandée violation de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36] se
dans les trois premières conclusions, la demande reproduise ».
d’assurances de non-répétition formulée dans la quatrième
est sans précédent dans la jurisprudence de la Cour et La Cour relève que les États-Unis ont reconnu, dans le
outrepasserait sa compétence et son pouvoir en la présente cas des frères LaGrand, qu’ils avaient manqué à leurs
obligations en matière de notification consulaire. Les États-
affaire. Il est exceptionnel dans la pratique des États, même Unis ont présenté des excuses à l’Allemagne pour ce
à titre d’engagement non juridique, et il serait parfaitement manquement. La Cour considère cependant que des excuses
incongru pour la Cour d’exiger de telles assurances à propos
de l’obligation d’informer énoncée dans la Convention sur ne suffisent pas en l’espèce, comme d’ailleurs chaque fois
les relations consulaires, vu les autres circonstances de que des étrangers n’ont pas été avisés sans retard de leurs
l’affaire.» Ils font valoir que «les autorités américaines droits en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 de la
s’emploient résolument à renforcer l’application des règles Convention de Vienne et qu’ils ont fait l’objet d’une
détention prolongée ou été condamnés à des peines sévères.
en matière de notification consul aire au niveau des États et À cet égard, la Cour a pris note du fait que, à tous les stades
au niveau local sur tout [leur] territoire … afin de réduire les de la procédure, les États-Unis ont rappelé qu’ils mettaient
risques de voir se reproduire une situation comme celle»
advenue en l’espèce. Les États-Unis font de surcroît en Œuvre un programme vaste et détaillé pour assurer le
observer que: «[q]uand bien même la Cour estimerait respect par les autorités compéten tes, tant au niveau fédéral
qu’en opposant la règle de la carence procédurale aux qu’au niveau des États et au niveau local, de leurs
recours des LaGrand les États-Unis ont commis un obligations résultant de l’article 36 de la Convention de
Vienne. Les États-Unis ont communiqué à la Cour des
deuxième acte internationalement illicite, elle devrait limiter informations qu’ils jugent importantes sur leur programme.
ce prononcé à l’application qui a été faite de cette règle dans Or si, dans le cadre d’une instance, un État fait référence de
le cas particulier des LaGrand. Elle doit résister à
l’invitation qui lui est faite de prescrire une assurance manière répétée devant la Cour, comme l’ont fait les États-
absolue couvrant l’application future par les États-Unis de Unis, aux activités substantielles auxquelles il se livre aux
leur droit interne dans toutes les affaires de ce genre. fins de mettre en Œuvre certaines obligations découlant d’un
Imposer une telle obligation additionnelle aux États-Unis traité, cela traduit un engagement de sa part de poursuivre

217les efforts entrepris à cet effet. Certes, le programme en Opinion individuelle de M. Shi, Vice-Président
cause ne peut fournir l’assurance qu’il n’y aura plus jamais
M. Shi, Vice-Président, indique qu’il a beaucoup hésité à
de manquement des autorités des États-Unis à l’obligation voter en faveur des paragraphes 3 et 4 du dispositif de l’arrêt
de notification prévue à l’article 36 de la Convention de (portant, quant au fond, sur les première et deuxième
Vienne. Mais aucun État ne pourrait fournir une telle conclusions de l’Allemagne, respectivement), car il estime
garantie, et l’Allemagne ne cherche pas à l’obtenir. La Cour
estime que l’engagement pris par les États-Unis d’assurer la que les constatations de la Cour exposées dans ces deux
mise en Œuvre des mesures spécifiques adoptées en paragraphes reposent sur une interprétation discutable de
exécution de leurs obligations au titre de l’alinéa b du l’article 36 de la Convention de Vienne. Tout en
reconnaissant avec la Cour que les États-Unis ont violé leurs
paragraphe 1 de l’article 36 doit être considéré comme obligations à l’égard de l’Allemagne au titre du
satisfaisant à la demande de l’Allemagne visant à obtenir paragraphe1 de cet article de la Convention, il est loin
une assurance générale de non-répétition.
La Cour passe à l’examen des autres assurances d’être sûr que la Cour a raison de dire là que les États-Unis
demandées par l’Allemagne dans sa quatrième conclusion. ont également violé leurs oblig ations à l’égard des frères
LaGrand.
À cet égard, la Cour constate qu’elle peut établir la violation En concluant que l’alinéa b du paragraphe 1 de
d’une obligation internationale. Si nécessaire, elle peut aussi l’article36 de la Convention de Vienne crée des droits
constater qu’une loi interne a été la cause de cette violation. individuels la Cour se fonde sur la règle selon laquelle la
La Cour, en la présente inst ance, a conclu, lorsqu’elle a
traité de la première et de la deuxième conclusion de question est tranchée si les mots dont il s’agit, pris dans leur
l’Allemagne, à la violation des obligations existant au titre sens naturel et ordinaire, se comprennent bien dans leur
de l’article 36 de la Convention de Vienne. Mais elle n’a pas contexte, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de recourir à
d’autres méthodes d’interprétation. La Cour a toutefois dit
trouvé de loi américaine, de fond ou de procédure, qui, par auparavant que cette règle n’est pas absolue et que
nature, soit incompatible avec les obligations que la lorsqu’une telle méthode d’interprétation aboutit à un sens
Convention de Vienne impose aux États-Unis. En la incompatible avec l’esprit, le but et le contexte de la clause
présente instance, la violation du paragraphe 2 de
l’article 36 a découlé des circonstances dans lesquelles a été ou de l’instrument dans lequel figurent les mots il est
appliquée la règle de la caren ce procédurale, et non de la impossible de l’invoquer valablement. Un auteur l’a aussi
règle elle-même. Cependant, la Cour estime à cet égard que indiqué, en ces termes: «Ce n’est pas la clarté dans
l’abstrait qui doit être constatée mais la clarté dans des
si les États-Unis, en dépit de l’engagement visé ci-dessus, circonstances données et peu nombreuses sont les
manquaient à leur obligation de notification consulaire au dispositions conventionnelles dont la clarté ne pourrait pas
détriment de ressortissants allemands, des excuses ne
suffiraient pas dans les cas où les intéressés auraient fait être mise en doute dans telles ou telles circonstances
l’objet d’une détention prolongée ou été condamnés à des susceptibles de se présenter ».
peines sévères. Dans le cas d’une telle condamnation, les Le Vice-Président se demande s’il convient que la Cour
insiste tellement sur la prétendue clarté du libellé de
États-Unis devraient permettre le réexamen et la révision du l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36. Il examine l’effet
verdict de culpabilité et de la peine en tenant compte de la de la formulation retenue dans le titre de la Convention de
violation des droits prévus par la Convention. Cette
obligation peut être mise en Œuvre de diverses façons. Le Vienne, dans son préambule, dans le texte introductif de
choix des moyens doit revenir aux États-Unis. l’article 36 et à l’article 5.Puis il entreprend une analyse
assez détaillée des travaux préparatoires relatifs à
l’article36 de cette convention et constate qu’il n’est pas
Déclaration de M. Guillaume, possible de conclure de l’histoire de la rédaction de
Président de la Cour l’alinéa b du paragraphe 1 de cet article que les rédacteurs
avaient l’intention de créer des droits individuels. Il
Dans une brève déclaration, le Président rappelle que
l’alinéa7) du dispositif de l’arrêt répond à certaines considère que si on se rappelle que les débats auxquels toute
conclusions de l’Allemagne et statue de ce fait la conférence a donné lieu ont d’une manière générale été
exclusivement sur les obligations des États-Unis dans le cas axés sur les fonctions consulaires et la possibilité de les
où des ressortissants allemands seraient condamnés à des remplir dans la pratique, il semble plus exact d’en conclure
peines sévères. L’alinéa7) ne se prononce donc pas sur la que la conférence n’a envisagé aucune création de droits
situation des ressortissants d’autres pays ou sur celle de individuels indépendants des droits des États.

personnes condamnées à des peines n’ayant pas un caractère Le Vice-Président ajoute que le dernier paragraphe du
sévère. En vue cependant d’éviter toute ambiguïté, il dispositif de l’arrêt revêt une importance particulière dans
convient de préciser qu’il ne saurait faire l’objet d’une une affaire où la peine de mort a été infligée, étant donné
interprétation a contrario. qu’il s’agit là d’un châtiment sévère et irréversible. M.Shi

218déclare qu’il convient donc de tout mettre en Œuvre pour imminente), elle aurait dû s’en tenir au principe selon lequel
éviter les injustices et les erreurs au niveau du verdict de des mesures conservatoires sont indiquées pour préserver les

culpabilité ou de la peine et que c’est cette considération qui droits des États, et non des individus, qui sont sur le point
l’a amené à voter en faveur de ce paragraphe. d’être violés de façon irréparable. La Cour a donc commis
une erreur en acceptant de rendre l’ordonnance en indication
Opinion dissidente du juge Oda de mesures conservatoires.
Ayant recensé les erreurs accumulées et cerné leur
M.Oda a voté contre tous les points, à l’exception de
deux, du dispositif de l’arrêt de la Cour en l’espèce parce incidence sur la présente affa ire, M.Oda mentionne ensuite
qu’il a des objections relatives à l’affaire dans son cinq questions qui influent sur sa conception de l’instance et
ensemble. Il pense que la Cour faitlà une erreur ultime qui signale les erreurs dont l’arrêt de la Cour lui paraît entaché.
Premièrement, il fait observer que les États-Unis ont déjà
vient s’ajouter à toutes celles qui ont été commises admis qu’ils avaient violé la prescription de la Convention
auparavant: premièrement par l’Allemagne, en tant que de Vienne relative à la prompte notification des fonctions
requérant; deuxièmement, par les États-Unis, en tant que consulaires. Deuxièmement, il ne voit, dans le cas des
défendeur; troisièmement, par la Cour elle-même.
MO. da dit que l’Allemagne, dans sa requête LaGrand, aucun lien entre cette violation reconnue de la
Convention et la peine de mort infligée. Troisièmement, il
introductive d’instance, a basé ses allégations sur les considère que le non-respect év entuel de l’ordonnance du
violations de la Convention de Vienne sur les relations 3 mars 1999 n’a aucun rapport avec la violation alléguée de
consulaires qui auraient été commises par les États-Unis. À la Convention. Quatrièmement, il rappelle que des droits
son avis, cette approche diffère de celle que l’Allemagne a égaux et un traitement égal doivent être accordés aux
adoptée plus tard, qui se fonde sur l’allégation d’un ressortissants de l’État d’envoi et de l’État de résidence en
différend entre elle-même et les États-Unis découlant de
l’interprétation ou de l’application de ladite convention, vertu de la Convention. Enfin, il estime que la Cour a
confondu les droits, s’il y en a, qui sont accordés en vertu de
allégation de laquelle la Cour serait compétente pour la Convention aux ressortissants étrangers arrêtés avec les
connaître en vertu du Protocole facultatif annexé à la droits des ressortissants étrangers à une protection en vertu
Convention. Il pense qu’il s’agit en fait d’une affaire du droit international généra l ou d’autres traités ou
introduite par une requête unilatérale formée en se fondant conventions et, peut-être même, avec les droits de l’homme.
sur une acceptation ultérieure de la juridiction de la Cour
par l’État demandeur. M. Oda précise qu’il est en désaccord avec cinq des sept
points du dispositif de l’arrêt. Premièrement, M. Oda dit que
M.Oda fait valoir qu’à aucun moment pendant la s’il a voté en faveur de la décision de la Cour selon laquelle
période de près de deux décennies qui s’est écoulée entre elle a compétence pour conn aître de la requête de
l’arrestation et la condamnation des frères LaGrand et la l’Allemagne, c’est seulement parce que les États-Unis n’ont
soumission à la Cour d’une requête, ni l’Allemagne ni les pas présenté d’exceptions préliminaires à la requête. Il
États-Unis n’ont considéré qu’il existait entre eux un
différend concernant l’interprétation ou l’application de la souligne toutefois que la comp étence de la Cour ne s’étend
pas aux conclusions de l’Allemagne postérieures au dépôt
Convention de Vienne. Il trouve surprenant qu’après un laps de sa requête.
de temps aussi long, l’Allemagne ait déposé sa requête En ce qui concerne le deuxième point, M.Oda répète
unilatéralement, comme elle l’a fait. En conséquence, ce que selon lui, si la Cour pouvait connaître de la requête de
n’est qu’une fois l’instance introduite par l’Allemagne que l’Allemagne, la question de la recevabilité de chaque
les États-Unis ont appris qu’un différend existait entre les
deux pays. M. Oda craint que l’acceptation en l’espèce de la conclusion présentée postérieurement à la requête ne devrait
requête par la Cour n’amène à l’avenir des États qui ont pas avoir été soulevée, même si les États-Unis n’ont pas
présenté d’exceptions préliminaires concernant la
accepté la juridiction obligatoire de celle-ci, que ce soit en recevabilité.
vertu de son Statut ou des protocoles facultatifs joints à des Troisièmement, M.Oda n’estime pas, contrairement à la
traités multilatéraux, à retirer leur acceptation.
M.Oda dit également que les États-Unis ont commis Cour, que certaines dispositions de l’article 36 de la
une erreur en n’apportant pas à la requête de l’Allemagne la Convention de Vienne confèrent des droits aux individus de
même qu’aux États. Dans ce contexte, il renvoie le lecteur à
réponse qui convenait. À son av is, les États-Unis auraient l’opinion individuelle du Vice- Président Shi, à laquelle il
dû, préalablement au dépôt de leur contre-mémoire, souscrit pleinement.
présenter des exceptions à la compétence de la Cour en la
présente affaire fondées sur des motifs analogues à ceux Quatrièmement, M.Oda affirme que la Convention de
exposés ci-dessus. Vienne ne confère pas une plus grande protection ou des
M.Oda relève également que la Cour a commis une droits plus larges aux ressortissants de l’État d’envoi qu’à
ceux de l’État de résidence et, par conséquent, il ne
erreur en faisant droit à la demande de l’Allemagne en considère pas, contrairement à la Cour, que l’application de
indication de mesures conservatoires présentée le 2mars la règle de la carence pro cédurale par les tribunaux
1999 en même temps que la requête introductive d’instance. américains était en cause dans une quelconque violation de
Bien que la Cour se soit trouvée dans une position délicate
(l’exécution de Walter LaGrand aux États-Unis étant la Convention de Vienne.

219 Cinquièmement, M.Oda exprime l’opinion que la Cour loi qu’en tout état de cause la Cour n’a pas jugée
ne devrait pas avoir à donner un avis sur le caractère incompatible avec lesdites obligations.

obligatoire ou non des ordonnances en indication de 5. Nonobstant cette position, M.Koroma a souligné qu’il
mesures conservatoires, cette question étant très éloignée de adhère avec force à la notion selon laquelle toute personne
la violation de la Convention de Vienne, qui est la principale est en droit de bénéficier de garanties judiciaires,
question soulevée en l’espèce. Il ne conclut pas, notamment de la possibilité d’interjeter appel d’un verdict
contrairement à la Cour, que ces ordonnances ont un de culpabilité et d’une peine.
caractère obligatoire et il ne pense pas non plus que les
États-Unis ne se sont pas conformés à l’ordonnance rendue 6.S’agissant du caractèr e obligatoire des mesures
conservatoires, M.Koroma a jugé que les conclusions de la
par la Cour le 3 mars 1999. Cour en l’espèce auraient dû se cantonner à l’ordonnance
Sixièmement, si M.Oda estime que la Cour ne devrait rendue le 3mars 1999, puisque telle était la question
aucunement aborder dans son arrêt la question des litigieuse. Selon lui, le caractère obligatoire de telles
assurances et des garanties de non-répétition des violations ordonnances ne saurait, de manière générale, faire de doute,
de la Convention de Vienne, il explique qu’il a voté pour ce
puisqu’elles ont pour objet et pour but de protéger et de
point parce que cela « ne saurait causer de tort ». sauvegarder les droits et les intérêts des parties à un
Enfin, M. Oda souligne qu’il est en désaccord total avec différend porté devant la Cour, dans l’attente d’un arrêt
le dernier point du dispositif de l’arrêt qui va bien au-delà de définitif de celle-ci. En d’autres termes, une ordonnance ne
la question de la violation alléguée de la Convention de préjuge en rien la question soulevée dans la requête. De la
Vienne par les États-Unis. même façon, estime-t-il, il n’y a pas lieu de s’interroger sur

la jurisprudence de la Cour en la matière. D’après lui, il ne
Opinion individuelle du juge Koroma saurait y avoir d’ambiguïté linguistique dans la disposition,
pas plus que de malentendu fondamental quant à son but et à
1. Dans son opinion individuelle, M.Koroma, tout en sa signification. Il convient donc de s’abstenir de jeter le
déclarant souscrire aux conclusi ons de l’arrêt, fait état de doute, fût-ce sans en avoir l’intention, sur la valeur juridique
réserves sur certaines questions, et ce particulièrement en de précédentes ordonnances.
tant qu’elles font aussi partie intégrante du dispositif.
2. S’agissant de la règle de la carence procédurale, dont 7.Enfin, MK . oroma souligne que, conformément à
l’alinéa7) du paragraphe 128 du dispositif de l’arrêt, toute
l’application a, selon l’Allemagne, constitué une violation personne, quelle que soit sa nationalité, doit pouvoir
de l’obligation juridique internationale dont les États-Unis bénéficier de garanties judiciaires fondamentales, y compris
étaient tenus à son égard, M.Koroma juge inconséquent et le droit d’interjeter appel ou d’obtenir le réexamen d’un
insoutenable d’affirmer, d’une part, «[la Cour] n’a pas verdict de culpabilité et d’une peine.
trouvé de loi américaine, de fond ou de procédure, qui, par
nature, soit incompatible avec les obligations que la
Convention de Vienne impose aux États-Unis», et, d’autre Opinion individuelle du juge Parra-Aranguren

part, qu’«[e]n la présente instance, la violation du M.Parra-Aranguren a voté contre le paragraphe 128 1),
paragraphe 2 de l’article 36 a découlé des circonstances 2) a) de l’arrêt parce qu’il n’existe pas de différend
dans lesquelles a été appliquée la règle de la carence opposant les Parties au sujet de la violation par les États-
procédurale, et non de la règle elle-même ». Unis de l’alinéa b du paragraphe 1 de l’article 36 de la
3. Selon M.Koroma, les droits visés au paragraphe 1 de Convention de Vienne sur les relations consulaires. Dans la
mesure où l’existence d’un différend constitue une question
l’article 36 de la Convention sont les obligations qui «essentiellement préliminaire», il estime que la Cour n’a
incombent à l’État de résidence d’informer sans retard le
poste consulaire de l’État d’envoi de la détention ou de pas compétence sur ce point aux termes de l’article premier
l’arrestation d’un ressortissant étranger, de transmettre sans du Protocole de signature facultative de la Convention. En
retard toute communication adressée par l’intéressé, et de outre, MP. arra-Aranguren considère que la demande
permettre à celui-ci de bénéficier sans retard d’une formulée par l’Allemagne dans sa troisième conclusion ne
assistance consulaire. De l’avis de M. Koroma, aucun de ces découle pas de l’interprétation de la Convention de Vienne
mais de l’Article 41 du Statut de la Cour. M.Parra-
droits n’a été violé en raison de la règle de la carence
procédurale ou de son application. Il paraît donc curieux de Aranguren en conclut que la Cour n’a pas compétence pour
soutenir que la violation du paragraphe 2 de l’article 36 a connaître de cette question sur la base du Protocole de
découlé de l’application de la règle, et non de la règle elle- signature facultative. En conséquence, il a voté contre le
même. paragraphe 128 1), 2) a), 2) c) et 5) de l’arrêt.

4. De l’avis de M.Koroma, la véritable question que la Opinion dissidente du juge Buergenthal
Cour aurait dû trancher n’était pa s de savoir si la violation
des obligations envers l’Allemagne était la conséquence de M.Buergenthal ne souscrit pas à la décision de la Cour
la règle de la carence procédurale, mais plutôt de savoir si sur la question de la recevabilité de la troisième conclusion
cette violation procédait de la non-exécution des obligations
prescrites par la Convention et ce, indépendamment d’une de l’Allemagne relative à l’ordonnance du 3mars 1999. Il

220estime en effet que la Cour aurait dû déclarer cette justifient que la troisième conclusion de l’Allemagne soit
conc lusion irrecevable. jugée irrecevable. Une telle décision garantirait que

L’Allemagne ayant demandé au dernier moment l’Allemagne ne tirera pas profit d’une stratégie judiciaire
l’indication de mesures conservatoires, la Cour a rendu qu i constitue une faute procédurale hautement préjudiciable
l’ordonnance du 3 mars sans que les États-Unis aient pu être aux droits des États-Unis en tant que partie à l’instance.
entendus. Or, de l’avis de M. Buergenthal, les faits allégués Cette stratégie a eu pour conséquence que les Etats-Unis
par l’Allemagne pour justifier cette démarche tardive ne n’ont pas bénéficié d’une procédure équitable et est
incompatible avec une bonne administration de la justice.
résistentpas à l’examen, au vu des informations dont Voir l’affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force
dispose à présent la Cour.
La Cour n’était certes pas en mesure de le savoir (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires,
lorsqu’elle a rendu l’ordonnance mais ces informations ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J Recueil 1999, par. 44.

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Résumé de l'arrêt du 27 juin 2001

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