Résumé de l'arrêt du 6 juillet 1957

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4775
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Number (Press Release, Order, etc)
1957/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

Arrêd tu 6juillet 1957

L'affaire relativeà certains empruiits norvégiens, teur pourra demander la prorogation du paiement tant
entre la France et la Norvège, avait étéintroduite par que labanque estdispenséedel'obligationde rembour-
une requêteduGouvernementfrançais. quiavait priéla ser ces billets d'aprèsleur montant". Une longue cor-
Courdejuger quecertainsemprunts émissurle marché respondance diplomatique s'en estsuivie. quia duréde
françaiset d'autres marchésétrangerspar le Royaume 1925 à 1955et au cours de laquelle le Gouvernement
de Norvège, la Banque hypothécairedu Royaume de français a invoquéqu'une décision unilatéralene lui
Norvège etla Banque norvégiennedes propriétésagri- semblait pas opposable àdes créanciers étrangerset a
coles et habitations ouvrières stipulent en or le mon- derriandéla reconnaissancedesdroitsauxquelspréten-
tant des obligations de l'emprunteur et que celui-ci ne daient lesporteursfrançaisdes obligationsencause. Le
s'acquitte de la substance de sa dette que par le paie- Go~ivernementnorvégien.refusantdedonnersuite aux
ment de la valeuror des coupons ou de!;titres amortis. diffkrentes propositionsde règlementinternationalfor-
La requêtevisait expressément l'Article 36, paragra- mulées parla France, a de son côtémaintenu que les
phe 3 du Statut. ainsi que les déclarations d'accepta- réclamationsdes porteurs étaientdu ressort des tribu-
tion de la juridiction obligatoire de la Cour déposées naux norvégienset donnaient lieuuniquement à l'inter-
par la France et la Norvège. De son côté,le Gouver- prétation età l'application des lois norvégiennes. Les
nement norvégienavait soulevé des exceptions préli- port.eurs français se sont abstenus de saisir les tribu-
minaires que, sur une demande du Gouvernementfran- naux norvégiens.C'est dansces conditionsque leGou-
çais. à laquelle le Gouvernement norvégienne s'était verriementfrançais a portéledifférenddevant la Cour.
pas opposé,la Cour avaitjointes au fond.
Tels étant les faits. la Cour porte tout d'abord son
Dans son arrêt.la Cour a retenu comme étantplus attentionsurlesexceptions préliminairesduGouverne-
direct et décisifl'un des moyens invoquéspar la Nor- ment norvégien,en commençant par la premièred'en-
vègecontre la compétence de la Cour, à savoirque la tre elles, qui vise directement lacompétencedela Cour
Norvègeest fondéeen droit à invoquer, en vertu de la et présente deux aspects. En premier lieu. il est argué
condition de réciprocité,la réservede compétencena- que laCour,dont lamissionest deréglerconformément
tionale contenue dans la déclarationfrançaise et que au droit internationallesdifférends qui luisontsoumis,
cette réserve exclut de lajuridiction de la Cour le dif- ne peut êtresaisie par voie de requêteunilatéraleque
férend porté devantelle par la requêtedu Gouver- desdifférendsd'ordrejuridique qui rentrent dans l'une
nement français. Considérant qu'il ne lui était pas des quatre catégories énumérées au paragraphe 2 de
nécessaired'examiner lesautres exceptions norvégien- l'Article 36 du Statut et qui relèvent du droit inter-
nes ni les autres conclusions des parties, la Cour a national: or, de l'avis du Gouvernement norvégien.les
déclaré,par 12voix contre 3, qu'elle n'avait pas com- contrats d'emprunts sont régispar le droit interne et
pétencepour statuer sur le différend. non par le droit international. En second lieu, le Gou-
Le juge Moreno Quintana a déclaré considérerla vernement norvégiendéclareque,s'il pouvaitsubsister
Cour comme incompétentepour une raison différente un doute sur ce point. il se prévaudrait de la réserve
de celle qui est énoncée dans l'arrêt. . Badawi, vice- formuléeen ces termes dans la déclaration française
président, et sir Hersch Lauterpacht. juge, ont joinà d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la Cour:
l'arrêtles exposés de leur opinion individuelle. Trois "Cette déclaration ne s'applique pas aux différends
juges, MM. Guerrero, Basdevant et Read, y ont joint relatifsàdes affaires qui relèvent essentiellementde la
les exposésde leur opinion dissidente. compétencenationale telle qu'elle est entendue par le
Gouvernement de la Républiquefrançaise." Le Gou-
vernement norvégienconsidèrequ'en iertu delaclause
de réciprocité prévue à l'Article 36, paragraphe 3, du
Statut et contenuedans ladéclarationnorvégiennecor-
Anulyse de l'arrêt respondante, la Norvège a le droit de se prévaloir des
Dans son arrêt, la Cour rappelle les faits. Les restrictions apportées par la Franceà ses propres en-
empruntsdont ils'agitontété émisentre 1885et 1909;le gagements. Convaincu que le différendrelève de sa
Gouvernementfrançaissoutientque ces empruntssont compétence nationale, il demande à la Cour de dé-
assortisd'une clause or sous uneforme variant del'unà cliner, pour raison d'incompétence, la mission dont le
l'autre, maisqu'ilestimesuffisante pour chacun, ce que Gouvernement français voudrait la charger.
conteste leGouvernement norvégien.La convertibilité Examinant le deuxième motif de cette exception, la
en or des billets de la Banque de Norvège ayant été Cour constate que sa compétence en l'espèce dépend
suspendue à diverses reprises depuis 1914,uneloinor- destléclarationsfaitespar les Parties sousconditionde
végiennedu 15 décembre 1923a stipuléque, "si un réciprocité;etque, comme ils'agitdedeux déclarations
débiteura légalementconsenti àpayer enor uneobliga- unilatérales, cette compétence lui est conférée seu-
tion pécuniaireen couronneset que le créancierrefuse lement dans la mesure où elles coïncident pour la lui
d'accepter le paiement en billets de la Banque de Nor- confkrer. Parconséquent.lavolontécommune des par-
vèged'aprèsla valeur or nominale de ceux-ci, le débi- ties, base de la compétence dela Cour. existe dans leslimites plus étroitesindiqu.éespar la réserve française. mêmeénoncé dans sa requête, es tur lequel l'affairea
La Cloura consacré cettennéthodede définir11:s limites Ctéplaidéedevant la Cour par les deux parties.
de sacompétencedéjàsuiviepar laCourpermanente de La Cour relève que, d'un certain point de vue, on
Justice internationale. Coriformément à la condition de pourrait dire que le motif de la premièreexceptiontiré
réciprocité.la Norvège est fondée. dans le!; mêmes de laréserve contenuedans ladéclarationfrançaisen'a
conclitionsque la France. à exclure de la connpétence qu'un caractère subsidiaire. Mais, de l'avisde la Cour,
obligatoire de la Cour les différendsque la Norvège c.emotif nepeut être considérécomme subsidiairedans
considère comme relevani:essentiellement de sa com- c,esensque la Norvège invoquerait laréservefrançaise
péte:ncenationale. s1:ulementdans lecas oùlepremier motifdel'exception
LI: Gouvernement français a relevé qu-entre la serait reconnu non fondéendroit. La compétencede la
France et la Norvège il existe un traité qui fait du Clourest contestée pour les deux motifs et la Cour est
règlement de toute dette contractuelle une affaire re- libre de baser sa décisionsur celui qui. selon elle. est
levaintdu droit internatioiial et que les deux Etats ne plus direct et décisif.Non seulement le Gouvernement
peuvent donc en cette matière parler de compétence norvégiena invoquélaréservefrançaise.maisencore il
nationale. Mais la convention dont il s'agit (deuxième a toujours maintenu le deuxième motif de sa première
Convention de La Haye de 1907concernant la limita- exception. L'abandon ne saurait êtreprésuméni dé-
tion de l'emploi de la force pour le recouvrement de duit;il doit êtreexpressément déclaré.
dettes contractuelles) ne vise pas à introduire I'arbi-
tragt:obligatoire; la seule obligation qu'elle inipose est La Cour n'estime pas devoir examiner laquestion de
qu'une puissance intervenante ne doit pas faire usage savoir sila réserve françaiseest compatible avec lefait
de la force avant d'avoir tentéla voie d'arbitrage. La d'assumer une obligationjuridique et avec l'Article36,
Coui:ne trouve doncaucune raison pour 1aque:llelefait paragraphe 6, du Statut. La validitéde la réserve n'a
quelesdeuxpartiesont signélaConventiondeLa Haye pas étémise en questionpar les parties. Il est clair que
deva.itpriver la Norvègedu droitd'invoquer 1;iréserve 1;iFrance maintient entièrement sa déclarationy com-
contenue dans la déclaration française. Le Gouver- pris sa réserve, et que la Norvègese prévaut de cette
nem'entfrançais a mentionné également la Convention rloserve. Dans ces conditions, la Cour se trouve en
franco-norvégienned'arbitrage de 1904et l'Acte géné- présence d'une dispositionque les deux parties au dif-
ral de Genèvedu 26septembre 1928.Ni l'une nil'autre fkrendconsidèrentcommeexprimantleur volontécom-
de ces deux mentions ne saurait toutefois iStrecon- niune quant à sa compétence.Elle applique la réserve
sidérée comme suffisantepourétablirque la requêtedu ti-llequ'elleest,et telle quelesparties lareconnaissent.
Gouvernement français se fondait sur cette dernière
Convention ou sur l'Acte général :la Cour ne saurait Par ces motifs. la Cour déclare qu'elle n'apas com-
rechercher, pour établir sa compétence, un fondement pétence pourstatuer sur le différendporté devantelle
autre que celui que le Gouvernement français a lui- par la requêtedu Gouvernement français.

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