Résumé de l'arrêt du 24 février 1982

Document Number
6269
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Number (Press Release, Order, etc)
1982/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL
(TUNISIE/JAhIAHIRIYA .ARABELIBYENNE)

Arrê dtu 24 février 1982

Dans son arrêtdans l'affaire du plateau continental S'agissantdu compromis conclu entre laTunisie et la
entre la Tunisie et la Libye, la Cour a énoncé lesprin- Libye par lequel elle a étésaisie de l'affaire (par. 22
cipeset les règlesde droit internationalplic.ableà la à 31), la Cour rappelle que, en vertu de son article 1,
délimitationdes zones de plateau continental relevant .premieralinéa,elleest invitéà énoncerles "principes
respectivement de la Turiisie et de la Libye:dans la et règlesdu droitinternational [qui]peuvent êtreppli-
régionen litige. auéspour la délimitationde la zone du plateau conti-
Elle a énuméré les circonstances pertinentes dontil nentd" relevant respectivement de chacun des deux
faut tenir comptepour aboutir à une délimitation équi- E;tats. Elle est en outre expressément priéede se pro-
table et précisela méthodepratique à utiliser pour la noncer en tenant compte des trois facteurs suivants :
délirnitation. a) les principes équitables;b) les circonstances perti-
Lii délimitation quiressort de la méthode indiquée nentes propres à la région;c) les nouvelles tendances
par la Cour sedivise en deux secteurs:dans lepremier acceptées à la troisièmeConférencedes Nations Unies
secteur, ladélimitationpart de la limiteextérieuredela sur le droit de la mer.
mer territoriale des Parties,à l'intersection de cette Aux termes de l'article 1,deuxièmealinéa,du com-
limite avec une ligne droite tirée du point frontière promis, la Cour est priéede "clarifier la méthodepra-
de Ras Ajdir selon un angle de 26" environ à .l'est ti:quepour l'application de ces principes et de ces rè-
du méridien;de là elle se dirige en lignedroite vers le gles" à la délimitation "de manière à permettre aux
nordl-estselon le mêmeangle de 26"environjtisqu'à ce experts des deux pays de délimiterces zones sans dif-
qu'elle rencontreleparal1Z:ldupoint leplus o,îcidental ficultéaucune". La Courn'est doncpasinvitée à tracer
de la côte du golfe de Gabès à environ 34" 10'30 de elle-mêmecette délimitation.Les parties ont marqué
latitude nord. Au-delà de cette latitude, commence le un désaccord sur la portée de la tâche que ce texte
deuxièmesecteur et la délimitation s'inflécht ersl'est confie à la Cour, mais une analyse approfondie des
en suivant une ligne droite qui forme un angle de 52" écritureset plaidoiries sur ce point amène la Cour à
avec le méridien. conclure que les parties ne s'écartentl'une de l'autre
quepar desnuancessurles rôlesrespectifs delaCouret
Cette décisiona étéadoptéepar 10voix contre 4. des exDerts.II ressort des articles 2 et 3 du com~romis
que lei partiesreconnaissentleur obligation de Secon-
former à l'arrêtde la Cour qui aura l'effet et la force
obligatoire que lui attribuent l'Article 94 de la Charte,
L;iCour étaitcomposée:commesuit :M. Elias, pré- les Articles 59 et60du Statut et l'article 94, paragra-
sident en exercice; MM. Forster, Gros, Lachs, Moro- phe 2, du Règlement. Les Parties devront se réunir
zov, Nagendra Singh, :Mosler, Oda, Ago, Sette- aussitôt que possible après l'arrêten vue de la con-
Carniara, El-Khani, Schwebel. juges; MM. IZvensen, clusion d'un traité.La Courconsidèrequ'à ce stade-là
Jimknez de Aréchaga,juges ad hoc. lesexperts des parties n'auront pas négocierau sujet
des facteursà faireintervenirdans leurs calculs,car la
Dlesopinionsindividuelles ont étéjointeà 1"arrêptar Clouraura réglécette question.
MM. Ago, Schwebel et Jiménezde Aréchagii.
Des opinions dissidentesont été jointesà l'arrêtpar
MM. Gros, Oda et Evensen.
Les juges intéressés définissent etexpliquent dans
ces opinions la position qu'ils prennent sur certains La Cour en vient ensuite aux principes et règlesde
points traités dansl'arrêt. droitinternationalapplicablesà la délimitation(par. 36
à 107)qu'elle examine à la lumièrede l'argumentation
des Parties. Elle présente d'abord des observations
générales(par.36 à 44)puis examine lerôledes nouvel-
le:~tendances acceptées àla troisièmeConférencedes
Audébutdesonarrêt,laCouresquisse àgrands traits Nations Unies sur le droit de la mer (par. à50).Elle
les (?tapesde la procéduire(par. 1 à 16) et le cadre recherche si le prolongement naturel de chacun des
géographiquedu différendquiest celuide laré:gion dite deux pays peut êtredéterminéen fonction de critères
bloc (oubassin) pélagien(par. 17à 20et 32à 35)et elle physiques (par. 51à 68). Ayant constatéqu'il n'existe
indique que des activités (leprospection et d'exploita- qu'un plateau continental unique, commun aux deux
tion pétrolièresontétémenéessur le plateau continen- E:tats, elle conclut que la définitiondes étendues de
tal (par. 21). plateau relevant de chacun des deux Etats ne saurait
êtretiréedu prolongement naturel. Elle recherche ce
queprescriventles principes équitables(par.69à 71)et
examine les différentescirconstances propres à la ré-gion susceptiblesd'être pertinentesaux fins de la déli- direction généralede celui-ci, compte tenu à cette fin
mitation (par.72 à 107). des effets actuels ou éventuels de toute autre délimita-
La Cour examine enfin les méthodesde délimitation tion de plateau continental effectuée entre Etats de la
(par. 108à 132)dont les Parties ont fait état dans l'ins-meme région;
tance et expliquelesraisons pour lesquelles ellenepeut C. La méthode pratique pour appliquer les prin-
les retenir. Elle indique la méthode de délimitation cipes et règles du droit international susmentionnés
permettant selonelled'aboutir àune solutionéquitable. da.nsla situation précise de l'espèceest la suivante:

1) La prise en considérationdes circonstancesper-
tinentespropres àla régiondéfinieau paragraphe B. 1,
ci-dessus, y comprisl'étendue deladite région,conduit
Les conclusions auxquelles la Cour parvient après à traiter celle-ci aux fins de la délimitationentre les
son examen sont indiquéesdans le dispositif de l'arrêt parties en l'espèce comme étant composée de deux
qui est ainsi conçu : secteurs appelant chacun l'application d'une méthode
La Cour, par dix voix contre quatre, dit que : dedélimitationparticulière,demanière à parvenirà une
A. Les principes et règles du droit international solution d'ensemble équitable;
2) Dans le premier secteur, le plus proche des cô-
applicables à la délimitation,qui devra êtreeffectuée te:; des parties, le point de départ de la ligne de déli-
par accord en exécutiondu présentarrêt,des zonesde mitation est l'intersection de la limite extérieure de
plateau continental relevant respectivement de la Ré- la mer territoriale des Parties et d'une ligne droite
publique tunisienne et de la Jamahiriyaarabe libyenne tiréedu point frontière de Ras Ajdir et passant par le
populaireet socialistedans larégiondu blocpélagiee nn point 33"55'N, 12"E, àun anglede 26"environ àl'est
litige entre ces deux Etats, telle qu'elle est définie audu méridien,correspondant à l'anglede la limite nord-
paragraphe B 1)ci-après, sont les suivants : ouest des concessionspétrolières libyennes nu'NC 76,
1) La délimitationdoit s'opérer conformément à 137,NC 41 et NC 53, laquelle est alignéesur la limite
des principes équitablesen tenant comptede toutes les sud-est du permis tunisien dit "permis complémentaire
circonstances pertinentes; offshore du golfede Gabès" (21octobre 1966); à partir
2) La région à prendre en considération aux fins de du point d'intersection ainsidéterminé,la ligne de dé-
la délimitationconsiste enun seul plateau continental, limitation entre lesdeux plateaux continentauxse diri-
prolongement naturel du territoire terrestre des deux geravers lenord-est selonle même angleenpassantpar
parties, de sorte qu'en l'espèce aucun critère de déli- le point 33"55'N, 12"Ejusqu'à ce qu'elle rencontre le
mitation des zones de plateau continental ne saurait parallèle du point le plus occidental de la cote tuni-
êtretirédu principe du prolongement naturel en tant sienne entre Ras Kapoudia et Ras Ajdir, à savoir le
que tel; point le plus occidental de la lignede rivage (laisse de
basse mer) du golfe de Gabès;
3) Dans les circonstances géographiquesparticu-
lièresde l'espèce, la structure physique des zones de large au-delà du parallèle passant par le point le plus
plateau continentaln'est pas denatureà déterminerune
ligne de délimitationéquitable; occidental du golfe de Gabès, la ligne de délimitation
B. Lescirconstancespertinentesvisées auparagra- entre lesdeuxzones de plateau continental s'infléchira
phe A, 1, ci-dessus, dont il faut tenir compte pour versl'est demanière à tenircomptedes îlesKerkennah;
aboutir à une délimitationéquitable, comprennent : c'est-à-dire quela ligne de délimitationsera parallèle
une lignetracée àpartir du point le plus occidental du
1) Le fait que la région à prendre en considération golfe de Gabès et constituant la bissectrice de l'angle
aux fins de la délimitationen l'espèce est comprise forméparune ligne reliantce point à Ras Kapoudia et
entre lacôte tunisienne de RasAjdirà Ras Kapoudia, la une autre ligne partant du mêmepoint et longeant la
côte libyenne de Ras Ajdir àRas Tadjoura, le parallèle côte des Kerkennah du côtédu large, de sorte que la
de Ras Kapoudia et le méridiende Ras Tadjoura, les ligne de délimitation parallèleà ladite bissectrice for-
droits des Etats tiers étantréservés; mera un anglede 52"avec leméridien; lalongueurde la
2) La configuration généraledes côtes des parties, ligne de délimitationvers le nord-est est une question
et en particulier le net changement de direction de la qui n'entre pas dans la compétencede la Couren I'es-
côte tunisienne entre Ras Ajdir et Ras Kapoudia; pèce, étant donné qu'elle dépendra dedélimitations à
3) L'existence et la position des îles Kerkennah; convenir avec des Etats tiers.
POUR :M. Elias, présidenten exercice; MM. Lachs,
4) La frontière terrestre entre les parties et l'at- Morozov, Nagendra Singh, Mosler, Ago, Sette-
titude adoptée par ellesavant 1974en matièred'octroi Camara, El-Khani, Schwebel, juges, et M. Jiménezde
de concessions et permis pétroliers,qui s'est traduite Aréchaga, juge ad hoc;
par l'utilisation d'une ligne partant de Ras Ajdir et se CONTRE : MM. Forster, Gros, Oda, juges, et
dirigeant vers le large selon un angle d'approximati- M. Evensen, juge ad hoc.
vement 26" à l'est du méridien, laquelleligne corres-
pond àla ligne perpendiculaireà la côte au point fron-
tière observée dans le passé comme limite maritime Résumé d'opinionsdissidentes jointes à l'arrêt
defacto;
5) Le rapport raisonnable qu'une délimitation opé- ]Del'avis de M. Oda, la Cour n'énonceni principe
rée conformément à des principes équitables devrait positif ni règlepositive de droitinternationalet la ligne
faire apparaître entre l'étenduedes zones de plateau. suggéréene résulte d'aucune considérationconvain-
continentalrelevant de 1'Etatriverainet la longueur de cante. Qui plus est, il semble que l'arrêtrendu soit tel
la partie pertinente de son littoral mesurée suivant la qu'il corresponde au cas où la Cour statueexaequo etbon0 en vertu de l'Article 38, paragraphe 2, du Statut. dique. En l'espèce, les côtes des deux Etats sont adja-
Consildérantque le critère de la distance est devenu centes tout en sefaisantpresque face. La Cour n'a pas
prépondérant dansla nouvelle conception des limites preté suffisamment attention à ce fait géographique.
du plateau continental comimedes limites de la zone Elle a égalementnégligé des caractéristiques des côtes
économiqueexclusive,ce quiainévitablementclescon- en question aussi importantes que l'île de Djerba, les
séquencesconsidérablessui:l'exploitationdesressour- promontoires de Zarsis et l'archipel des Kerkennah
ces minéralessous-marines, une méthode fondée sur avec les hauts-fonds découvrants qui l'entourent. La
l'équidistance convientenprincipe à la délimitationdu Cour n'a pas non plus suffisamment examinédes ten-
plateau continental entre la Tunisie et la Libye:maàs daincesnouvelles qui se sont dégagées àla conférence
la seule conditionque la lignede délimitationsoitajus- des Nations Unies sur le droitdela mer commela zone
tée eu égard à toute caractéristique des côtes qui,à écc~nomique exclusive de 200 milles et la tendanceà
défaui:d'ajustement, pourraritentraîner des distorsions retenirdes critères fondéssurla distance pour certains
du point de vue généralde la proportionnalité entre la aspects du plateau continental. M. Evensen estime
longueur des côtes et les étenduesàattribuer. M.Oda qu'en l'espècelecritèrede l'équidistanceauraitpu être
suggè-re,pour un cas très normal de délimitationdu unpointdedépartplusappropriéauxfinsdela délimita-
p1atea.ucontinental entre deux Etats adjacen.ts, une tion, après adaptation en fonction de considérations
lignedquidistante dulittoraldesdeuxpays, enexcluant d'tiquité,que la méthode proposéepar la Cour. A son
lesîlesKerkennahetleshauts-fondsdécouvrants,ainsi sens, la distinction entre une décision fondéesur des
qu'il l'indique sur les cartes jointeson opin.ion. principes et des règles de droit international confor-
M. Evensen,juge ad hoc, déclare dans son opinion mkment à l'Article 38, paragraphe 1. du Statut et une
que, bien que l'équité fasse partie du droit .interna- dé'cisionrendue exaequo et honoaux termes de 1'Arti-
tional, elle ne sauraitjouer un rôle dans un videjuri- cle:38;paragraphe 2, s'est estompée.

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