Résumé de l'arrêt du 3 février 1994

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6899
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Number (Press Release, Order, etc)
1994/1
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Résumés des arrêts, avis cDocument non officielances de la Cour
internationale de Justice

AFFAIREDUDIFFÉRENDTERRITORIAL
(JAMAHi:RIYA ARABELIBYENNEITCMAD)

Arrêd tu3février 1994

Dans son arrêt surl'affaire du différendterritorial MM. Shahabuddeen et Ajibola,juges, ontjoint àl'ar-
(Jamahiriya arabe libyenneITchad),la Cour a ditque la rêt1'e:xposde leur opinion individuelle.
frontière entre la Libye et le Tchad est definie par le MeSetrpCamara, juge ad hoc, a joint à l'ex-
Traitéd'amitiéet de bon voisinage conclu le 10août posé,deson opinion
1955entre la France et la Libye, et elle a dit quel est le
tracédecette frontière(voircroquisno4 e:nannexe). Qualitéset exposédesfaits (par. à 21)
* La Cour décritles étapes de la procédure depuis
* * qu'ellea étésaisiede !'affaibar. 1à 16)et énonceles
conclusionsprésentéesparlesParties(par. 17à 21)Elle
La composition dela Cour étaitla suiva~nte: rappelle que l'instance a étéintroduitepar deuxtifi-
Sir Robert Jennings, président, M. Oda, vice-prési- catioris successives du compromis que constitue 1"'ac-
dent; MM. Ago, Schwebel, Bedjaoui, Ni, Evensen, cord-cadre du 31août 1989sur lerèglementpacifiquedu
Tarassov, Guillaume, Shahabuddeen, Aguilar Mawd- différendterritorial entre la Grande Jamahiriya arabe
sley, Weeramantry, Ranjeva, Ajibola,Herczegh,juges; libyenne populaire et socialiste et la Républiquedu
MM. Sette-Camara, Abi-Saab,juges ad hoc; M. Valen- Tchad" - lanotificationdéposéepar laLibye le31août
cia-Ospina, grefSier. 1990et la communication faite par le Tchad le 3 sep-
tembre 1990,lue à la lumièrede la lettre de -'agent du
* Tchad du 28septembre 1990.
* * Comptetenu des communications que les Parties lui
ont adresséeset des conclusionsqu'elles luiont présen-
Le texte complet du dispositif de l'arrêtest reproduit&, laCour relèveque laLibye considèrequ'iln'existe
ci-après: pas de frontièreet demande à la Cour d'en déterminer
'77. Parces motifs, une. Quant au Tchad, ilconsidèrequ'ilexiste une fron-
tièreet demande ala Cour de due quelle estcette fron-
''LACOUR, tière.Pour la Libye, l'affaire a àrun différendcon-
"Par 16voix contre 1, cernant l'attribution d'un territoire tandis que, pour le
"1) Dit que la frontière entre larimde Jamahi- tière.elle a trait àun différendsur letracéd'unefron-
riya arabe libyennepopulaire et socialisteet la Répu-
i blique diaTchad est définiepar leTraitéd'amitiéet de La Cour évoqueensuiteles lignesrevendiqués par le
bon voisinage conclu le 10août 1955entre laRépu- Tchad et par laLibye,telles qu'indiquéessur le croquis
blique française et le Royaume-Uni deibye; no 1reproduit dans l'arrêt; la Libye fonde sa revendi-
cation sur une imbrication de droits et de titres : ceux
"2) Dit que le tracéde est le sui- des populations autochtones, ceux de l'ordre senoussi,
vant : ceux tlel'Empireottoman, ceux de l'Italieet enfin ceux
"Dupoint d'intersection du ménidien est et du de la Libye elle-même;le Tchad revendique une fron-
parallèle 19"30'nord, une ligne droite allant jus- tièresur la base du Traité d'amitiéet de bon voisinage
qu'au point d'intersection du tropique du Cancer entre laRépubliquefrançaiseet laLibye signéle 10août
et du 16eméridienest; et de ce dernier point une 1955;subsidiairement,le Tchad se-fonde sur les effec-
lignedroite allant jusqu'au point d'intersection dutivitézf;rançaises quece soit en relation avec les traités
15eméridienest et dia23eparallèlenord; antérieurs,ou indépendammentde ceux-ci.
"Ces lignessont indiquéesa titre d'illustration, sur Le Tfiaitd'amitiéet de bon voisinage de 1955entre la
croquis no4 reproduitalapage 39du présentarrêt. France et la Libye(par. 2à 56)

"POUR: sir Robert Jennings, président; M. Oda, La Cour rappelle que ledifférenda pour toile de fond
vice-président; MM. Ago, Schewbel, Bedjaoui, Ni, une lc~ngueet complexehistoire; elle rappelle que cette
Evensen,Tarassov, Guillaume,Shahabiïddeen,Agui- histoire est reflétéedans un certain nombre d'instm-
lar Mawdsley, Weeramantry, Ranjeva, .Ajibola,Her- ments conventionnels et examine ceux qui lui parais-
czegh,juges; M. Abi-Saab,juge ad hoc. sent pertinents. La Cour observe que les deux Parties
"CONTRE : M.Sette-Camara,juge ad Ihoc." reconnaissent quele Traitéd'arniti6et de bon voisinage
de 1955entre la France et la Libye constitue le point
* de delpart logique de l'examen des questions portées
* * devant elle. Aucune des Parties ne met eii question la
validiltdu Traité de 1955,et la Libye ne conteste pas
M. Ago, juge, a joint une déclarationà l'arrêt dela davantageledroit duTchadd'invoquer contre elletoute
COUP. dispositionduTraitéconcernant lesfrontièresdu Tchad.
72 Le Traitéde 1955est complexe; il comprend, outre le De l'avis de la Cour, il ressort des termes du Trait6 -.
Traité lui-mêmeq , uatri: conventions joint'eseithuit an- quelesParties reconnaissaient que l'ensembledesfron-
nexes, et porte sur une:large gamme de qiiestions con- tièresentre leurs territoires respectifs résultaitde l'effet
cernant les relationsfutures entre les deux parties. Aux conjuguéde tous les actes définisàl'annexe 1.Aucune
termes de I'article 9 du Traité,les conventions et an- frontikre pertinente ne devait être1aissSeindéterminée
nexes qui y sont jointe!;en font partie intégrante.L'une et aucun acte défini2l'annexeI n'est superflu. Soutenir
des questions spécifiqiiementviséesest ci:lledes fron- que seuls certainsdes actes spécifiés ont concouni i la
tières,quifont l'objetclel'article 3et de 1';mnexeII. définitionde la frontière,ou qii'une frontière particu-
lière n'a pas étédéterminée,serait incompatible avec
La Cour examine enisuitel'article 3du T'rait1d 5e 1955 une reconnaissanceexpriméedans de tels termes; cela
et l'annexe àlaquelle cet article renvoie afin dc décider équivaudrait àvider l'article3du Traitéet l'annexeI de
si unefrontièreconventionnelle entre les temtoires des leur sens ordinaire. En concluant le Traité, les Parties
Parties résulteou non iduTraité.Ellerelèveque, si une ont reconnu lesfrontièresauxquellesletextede cetraité
frontière en résulte,il est de ce fait répondua.uxques- se référaitl;a tâche de laCour est donc de déterminerle
tions soulevéespar les Parties; et une rtiponiseserait contenu exactde l'engagementainsipris.
ainsi donnéetout à la fois à la demande de la Libve
tendant àce quesoient dkterminéesles limitesdes tem- La fixation d'une frontièredépendde la volontédes
toires respectifs des Parties et à la demande cluTchad Etats souverains directement intéressés.Rien n'empê-
tendant àce quesoit fix ée tracéde la froritière. che les Parties de déciderd'un commun accord de con-
L'article 3du Traitéselit comme suit : sidérerune certaine lignecomnie frontière,quel qu'ait
étéson statut antérieur.S'il s'agissait déjàd'une fron-
"Les derixHautesPartiescontractantes reconnais- tière,celle-ciest purementet simplementconfirmée.S'il
sent que les frontières séparantles territoires de la ne s'agissait pas d'une frontière, le consentement des
Tunisie, de l'Algérie:d, e l'Afrique occidentale fran- partiesàla "reconnaître" comme telle confèreàla ligne
çaise etde l'Afriqueéquatorialefrançaise d'unepart, une force juridique qui lui faisait auparavant défaut.
du temtoire de la Libye d'autre part, sont c:ellesqui Une telle reconnaissance peut revêtir diversesformes,
résultentdes actes internationaux en vigueuràladate ainsi que l'attestent les conventions et lajurisprudence
de la constitution du Royaume-Uni de Libye, tels internationales. En précisantque les frontikres recon-
qu'ils sont définisdans l'échangede lettres ci-jointes nues sont b'ceilequirésultentdesactesinternationaux"
(annexe I)." définisà l'annexe 1,l'article 3 du Traitéimplique que
L'annexe Iau Traitécomprend un échangede lettres toutes les frontièresrésultentde ces actes.Toute autre
qui, aprèsavoir citél'article3,se litcomme suit : interprétation serait contraire aux termes mêmesde
l'article 3 et priverait totalement d'effet la mention de
i "Il s'agitdes texte!;suivants : l'un ou l'autre de ces actes à l'annexe 1.L'article 3 du
'i La Convention franco-britannique di1 14juin Traité de 1955se réfère auxactes internationaux "en
vigueur" àladatede laconstitution du Royaume-Unide
1898; Libye, "tels qu'ilssont définisdans l'échangede lettres
"- La Déclaration additionnelle,du :!1mars 1899, ci-jointes".La Libye soutient que les accords mention-
àla Convention précédente; nésàl'annexeI sur lesquelsleTchad s'appuie n'étaient
plus, selon elle,en vigueuràla date pertinente. La Cour
"- Les Accords franco-italiens du Iernovembre
1902; ne peut partager ces thèses car l'article 3 ne vise pas
"- La Conventiorientre la Républiquefrançaiseet simplenlentlesactes internationaux en vigueur à ladate
la Sublime Porte du :12mai 9910; de la constitution du Royaume-Uni de Libye, mais les
actes ,internationaux "en vigueur" à cette date "tels
"- La Cotiventionifranco-britanniquedu 8septem- qu'ilssont définis" àl'annexe 1.Dresser une liste d'ac-
bre 1919; tes zipplicablestout en remettant àun examen ultérieur
"- L'Arrangement franco-italien di112septembre la question de savoir s'ils étaienten vigueureût étédé-
1919." pourvu de sens. Pour la Cour, ilest clair que les Parties
étaient d'accordpour considérercesactes commeétant
La Cour rappelleque:,selonledroit internationalcou- en vigueur aux fins de l'article 3 car, dans le cas con-
tumierqui a trouvésonexpression dansl'article 31dela traire, ellesne lesauraientpas faitfigurerl'annexe.Le
Convention deVienneide1969surledroit clestaités, un textede l'article3traduit clairemefitl'intentiondes Par-
traitédoit êtreinterpriitéde bonne foi suivan.tle sens ties d'assurer un règlement définitifde la question de
ordinaire àattribuer àses termes dans leur contexte et à leurs frontièrescommunes. L'article 3 et l'annexe I vi-
la lumièrede son objer et de son but. L'i.ritqprétation. sent à'définiides frontières par référenceh des actes
doit êtrefondéeavanl:tout sur le texte ,dutraitélui- propres àen établir le tracé.Toute autre lecture,de ces
même. Il petit êtrefait.appel à titre comyilémentaireà textes serait contraireà l'un des principes fondamen-
des moyens d'interprktation tels que les travaiix prépa- taux d'interprétationdes traités, constamment admis
ratoires et les circonstances clanslesquelles b: traité a dans la-uri-prudenceinternationale,celuidel'effetutile.
été conclu.
Al'article 3du Traitt5de 1955,lesParties "reconnais- L'objetet le butdu Traité,ainsirappelésdans sonpré
sent que les frontières... sont celles qui .résultent"de ambule, confirment l'interprétationdu Traitéqui a 6té
certains actes internationaux. Le verbe "reconnaître" donnéeci-dessus dans la mesure où cet objet et ce but
que le Traitéutilise indique qu'une obligationjuridique conduisent naturellementà la définitiondu territoire de
est contractée. Reconriaître une frontière, c'e:stavant laLibye,et doncde sesfrontières.
tout "accepter" cette fr~ontièrec,'est-à-diretire]:lescon- Les conciusions auxquelles est ainsi parvenue la
Cour sont renforcées par l'examen du contexte du
séquencesjuridiques dleson existence, la respecter et Traité,etnotamment delaConvention debon voisinage
renoncer Zla.contester ponr !'avenir. conclue entre la Franceet laLibye en même temps que doute que l'"interprétation" enquestion a constitué, à.
le Traité,ainsi qrie par l'examen des travaux prépara- compter de 1919,et dans leurs relations mutuelles,l'in-
toires. terprétationcorrecte et contraignante de la Déclaration
Lafrontière (par. 57à65) de 1899.Cette interprétation est opposable à la Libye
en vc:rtudu Traitéde1955.Pour ces raisons, la Cour en
Etant parvenue à la conclusion que les Parties con- conclut que la lignedécritedans la Convention de 1919
tractantes ont entendu par le Traitéde 1955,et tout reprksente la frontièreentre la Libye et le Tchaà l'est
sptkialement par son article 3, définir leur frontière du lheméridienest.
commune, la Cour examine quelle est la frontièreentre
laLibye et leTchad qui résultedesactesinternationaux b) A l'ouest de la ligne du 16eméridien(par. 61
définisà l'annexe 1. et 62)
a) A l'est de la ligne du 16e degréde longitude L'.Accordfranco-italien(échangedelettres) du letno-
(par. 58à60) vembre 1902précise que

La Décarationfranco-britanniquede 1899,qui com- "pitrlalimitede l'expansionfrançaise en Afrique sep-
plètela Convention de 1898,définitune lignelimitantla te~iiuionaleviséedans [la] lettre précitéedu 14 dé-
zone (ou sphèred'influence)française au nord-est vers ceinbre 1900,on entend bien lafrontièredelaTripoli-
1'Egypteet la valléedu Nil, déjàsous contrôle britan- taiineindiquéepar lacarte annexée àlaDéclarationdu
nique. Le paragraphe 3 de cette déc:araticmest ainsi li- 21mars 1899".
belle : La carte ainsi mentionnéene pouvait êtreque celle du
"Il est entendu en principequ'au nord du 15eparal- Livre jaune sur laquelle figurait une ligne en pointillé
lèlelazonefrançaisesera limitéeaunord-est et à l'est indiquant lafrontièredela Tripolitaine.La Cour a donc
par une lignequipartira du point derencontre du tro- examinécette ligne.
pique du Cancer avec le 16edegréde longitudeest de
, Greenwich (13"40'est de Paris), descendra dans la c) La lignecomplète(par. 63 à 65)
direction du sud-est jusqu'à sa rencontre avec le
24edegréde longitude est de Greenwich (21"40 est Il est clair qu'à l'est le point terminal de la frontière
de Paris) et suivra ensuite le 24e degréjusqu'à sa sera situésur le 24eméridienest, qui constitue à cet
renontre au nord du 1Y parallèlede latitude avec la endroit la frontière du Soudan. A l'ouest, il n'est pas
frontièredu Darfour telle qu'elle sera ültérieurement demandé à la Cour de déterminer lepoint triple Libye-
fixée." Niger-Tchad; dans ses conclusions, le Tchad a sim-
p1emc:ntpriéla Cour dedire quel est le tracédela fron-
Différentes interprétations de ce texte étaient pos- tière"jusqu'au 15edegréestdeGreenwich.En tout état
sibles car le point d'intersection de la ligne avec le de cause, la décisionde la Cour à ce sujet, comme en
méridienest n'étaitpas précisé et letexte originalde l'affaire du di~éreendfrontalier,"ne sera pas...oppo-
la Déclarationn'étaitpas accompagnéd'une carte indi- sableau Nigeren cequiconcerne letracédeses propres
quant le tracéde la ligneconvenue. Or, quelquesjours frontières"(C.Z.J. ecueil 1986,p. 580,par. 50).Entre le
après l'adoption decette déclaration,lessiutoritésfran- 24e etle 16Cméridienestde Greenwich, la ligneest dé-
çaises en publièrent le texte dans un Livre jaune qui terminéeparlaConventionfranco-britannique du 8sep-
comprenait une carte. Sur ladite carte, lailigne suivait tembre 1919 :la frontière est donc constituée par une
non une direction strictement sud-est, mais plutôt une ligne droite reliant le point d'intersection du 24eméri-
direction est-sud-est,pour aboutir appro:irimativement dien est et du parallèle19"30'nord au point d'intersec-
au point d'intersection du 28 méridienest et du lgepa- tion du lfieméridienest et du tropique du Cancer. A
rallèle nord. partir de ce point, la ligneest déterminéepar l'échange
de lettres franco-italien du 1- novembre 1902,par réfé-
Aux fins du présentarrêt,la question {del'emplace- rence à la carte du Livrejaune :cette ligne,comme le
ment de la limite de la zone française peut êtreconsi- montre ladite carte, se dirige vers un point se trouvant
dérée comme résolueparla Convention entre la France immédiatementau sud de Toummo; toutefois, avant de
et la Grande-Bretagne, signée à Paris le 8 septembre l'atteindre, elle coupe le 15eméridienest, sur lequel se
1919.11 s'agissait d'une convention supplémentahe à situait,partirde 1930,lepoint dedépartde lafrontière
la Déclarationde 1899. entre l'Afriqueoccidentale française et l'Afrique équa-
Son dernier paragraphe étaitainsi libell:? toriale française. Confirmation de cette dernière ligne
peut dtretrouvéedans lesréférences faitesà laConven-
"Ilest entendu quelaprésenteConventionnemodi- tion ~iarticulièreannexéeau traité de1955 à un endroit
fiera en rien l'interprétation donnéà liaDklaration désigné sous le nom de Muri Idié.
du 21 mars 1899,d'aprèslaquelle les termes de l'arti-
cle 3 '^ellese dirigera ensuite vers le sucl-estjusqu'au Le Tchad qui, dans ses conclusions, prie la Cour de
24edegrédelongitudeestde Greenwich~(2 140'estde détenninerla frontière à l'ouest jusqu'au 15"méridien
Paris)" signifientelle prendra une direction sud-est est, n'a pas définile point où, selon lui, la frontière
jusqu'au 24edegréde longitude est de Greenwich au coupc:ce méridien.Les Parties n'ont pas davantage in-
point d'intersectiondudit degréde longitude avec le diqué à la Cour les coordonnéesexactes dri point li-
parallèle19" 30'de latitude." bven de'e'roummo T.outefois.au vudesinformationsdis-
Le textede laConvention de 1919présentecette ligne ponibles et notamment des cartes fournies par les
comme une interprétation de la Déclara1:ionde 1899; Parties, laCour est parvenue àlaconcliisionque laligne
de l'avis de la Cour, il n'y a, aux fins du présentarrêt, de la carte duLivrejaune coupe le 15emeridien est au
aucuneraison de la qualifier de confirmation ou de mo- point d'intersection de ce méridienet du 23eparallèle
nord. Dans ce secteur, la frontièreest donc constituée
dification de la Déclaration.Dans la mesure où les deux par uxielignedroitereliant cedernier point au pointd'in-
Etats parties à la Convention sont ceux-là mêmesqui tersection du16eméridienest et du tropique du Cancer.
avaient conclu la Dé~larationde 1899,il :nefait aucun9' 1O'E 15' 16' 20' 24" 25'

dans son mêt

NB :Le tracenpointildes
frontièresinternationaleesst
fourniseulementI
Les attitudes des Parties par la suite (par. 6tià71) vaient néanmoinsécartéspar la rkponse que la Cour
A~~~~conclu frontièrerésultaitdu ~~ai~é de avaitdonnéeàlaquestionreconnuepar les deuxParties
1955et ayant déteminéoù cette frontièrese la comme liminaire: celle de savoir si la frontièrereven-
cour étudieles que les parties aC~optées diquQ parleTchadtrouvait unfondementdans leTraite
par la suite& l'égardde la question des fr~n.ti&~~:ll.e fmco-lib~en de 1955.La réponsedonnéepar la cour
dit qu'aucun accord entre laF~~~~~et laLibye résultait nécessairementde l'application des prii~cipes
ou entre la Libye et leTchad n'a remis en cause !afron- ordinaires d'interprétationaux dispssitioris du Traité.
tièredans cette région,découlantdu~~ai~d ée:1955.Tout Pour M.Shahabuddeen, il n'étaitni pertinent ni néces-
au contraire, si l'on considère les traités à saire d'invoquer leprincipede la statilitk des frontières
en vigueurdu ~~~i~ dé1955,ceux-ciconfortent àl'appuidecette réponse.La question qui seposait à la
la thèse selon laquelle, ;iprès 1955,les parties ont re- Cour était desavoir s'il existait un traitédéfinissantla
connu frontièredéterminée et ontagi frontière,et àsonavisleprincipe de lastabilitédesfron-
en conséqiience. tières n'était d'aucun secours pour répondre à cette
question.
Puis la Cour examine l'attitude que les Parties ont Opinion de M.Ajibola
adoptée aprèsla conclusion du Traitéde 1955,lorsque
desproblèmesen rapport:avecles frontièresont (:tésou- Dans son opinion individuelle, M. Ajibola approuve
levésdevant des instances internationales; elle relève dans l'ensemblel'arrêt delaCour,en particulier laoi~s-
que la conduite du Tchad n'a pas variéen ce qui con- tatation selon laquellele Traité'amitié cide bon voi-
cerne l'emplacement de !;afrontière. sinage entre la Républiquefrançaise et ia Libye, du
Lafrontière permanente ézabiie(par.72et 7'3) 10août 1955,a bien pour effet de trancher le différend
frontalier entre laLibye et leTchad.
Enfin, de l'avis de la Cour, nonobstant liesclisposi- M. Ajibola examine ensuite certains aspects qui ont
tiens de l'article 11portant queu~~ ~~tg. est trait au moded'interprétationdesdis?ositions duTraité
conclu pour une duréede vingt et ,lusilpeut y de 1955,en analysant plus particulièsemei~tcertaines
êtremis fin unilatémlement,le ~~ai~é de 19:j5doit être questions telles que l'objet et le but du Traité,la bonne
considérécoinme ayant établi une frontilSe perma- foiet lesactes ultkrieursdes Parties.
nenk. fien n'indique dails leTraitéde 1955,queiafron-
tièreconvenuedevait êtreprovisoire ou tenlporaire; la M. Ajibola examine aussi les prétentionset conclu-
fronti5re porte au contrairetoutes les marques (ludéfi- sions des Parties et plus particulièrement celles de la
nitif. L'établissement decette frontièreest un fait qui, Libyepar rapport àce qu'il appeilela "stratégiedel'ac-
dèsl'origine,a eu une existence juridique pi:opre,indé- tion" sur laquestion des "confins".
pendante du sort du Traité de1955.Une fois encore, la Enfin, M. Ajibola examine deux autres moyens ex-
frontière demeure, car route autre approche priverait trinsèques mais supplémentaires à l'appui des conclu-
d'effets le principeondamental de la stabilitédes fron- sionsauxquelles la Cour est parvenue dans son arrêt,le
tières. Une frontière établie par traité ac,luim ainsi premierfondésurl'estoppel,l'acquiescemerit,laforclu-
une permanence que le Iraitélui-même ne ,:onnaît pas sionet la reconnaissance, et ie second sur leprincipe de
Lorsqu9unefrontière a fait d'un l'utipossidetis.
accord, sa persistance niedépend pasde la survie du
traité parlequel ladite frontièaeétéconvenue. Opiniondissidente de M.Sette-Carnaru
Dans son opinion dissidente, M. Sette-Camara a fait
* valoir que les confins n'ont jamais constituéune terrn
:F * nulliussusceptible d'êtreoccupéeen vertu du droit in-
ternational. Le territoireétait occupépardes tribus au-
Déclarationde M.Ago tochtones et des conf6dérations de tribus, si->i.lvtr-
Je reste, pourma part, convaincu que, lors de l'acchs ganiséessous de l'Ordre En ciitre,
à l'indépendancedu nouvelEtat libyen,lafrontièremé- il étaisoumis àla souveraineté et reli^ichee
ridionale de ce pays avec les possessions françaises ottoman qui marquait sa par une
d'Afrique occidentale e:t d'Afrique équatorialeentre délégationde pouvoir à la population lociria.
Toummo et la frontière du Soudan anglo-égyptien
n'avait pas encore fait ].'objetd'une délimi.tationcon- Les grandes puissances européennes se sont em-
ventionnelle entre les parties alors directemenconter- ployéesàmorce!er l'Afriquemaisne sont pas alléesau-
nées. Maisje reconnaisque, en concluant avcxlaFrance delà d'unerépartitionde sphhres d'influence.
leTraitédu 10août 1955,leGouvernement I.ibye:ni,nté- L, présencefrançaise dans les confins ne rnani-
ressé surtout par d'autres aspects de l'ensemble des fest& qu'en 1913, àla suite du ~~~i~deqOuchyqui met-
questions à régler,avait implicitement reconnu, àpro- taitfinà la entre 1'1~~liet 19~mpireottoman. Le
pos deladitefrontièremcsridionale,lesdéductionsquele titre historique sur la régioa d'abord appartenu aux
Gouvernement français tirait des instruments mention- autoc~tonesavant d'êtrefinalementtransmis à
nésàl'Annexe I du Traité. l'Empireottoman puis àl'Italie.

C'est pour cette raisoriquej'ai déciddejoinclremon Les fictions dues aux ambitionsdes colo-
vote à celui de Illes collèguesqui Sesont €!xpnmésen niales aboutirentà l'incident de Fashodr, qui a déclen-
faveurdel'arrêt. ch6les négociations menanà t la Déclarationde 1899,la.-
Opinionindividuellede 1M. Shahabuddeen qudle a procédé à un partage des spl~èresd'inflirenceet
Dans son opinion inilividue!le, M. Shah.abuddeena défini les limitesde l'expansionfrznçaise vers lenord et
fait observer que 1'affai.reévoquaitun certain :nombre vers l'est.
de problèmesirnpomnf!s liésàl'étatde la cixnmunauté En fait,laprésente affaireposaitdeux questions c!efs
internationale il y a un siècle.Ces problènies :setrou- qui appelaientune réponse : 1)Y a-t-ilou y a-t-iljamais

77eu une frontière conventionnelleentre la Libye et le ILaquestion des effectivités ne-peut être prise en..
Tchad àl'estde Toummo?2)Les con.irentions6niirn6- coimpteetant donnéqu'aucunélémend tepreuven'aét6
réesàl'annexe 1du Traité d'amitiéet de bon voisinage avancépar lesPartieset1lamatière.
de 1955entrelaLibye et la France constituent-ellesef-
fectivementdes traités frontaliers ]Dansune sériede traités concluedepuis1972par les
deux pays, rien n'est ditde l'existence d'un autre dif-
S'agissantde la premièrequestion, M. Sette-Camara férend.
est convaincuqu'iln'y a pas et qu'iln'y ajamaiseu de
lignemarquantlafrontiere,si cen'est lalignearrêtdpar ]M.Sette-Camara est d'avis que les titres revendi-
leTrait6Lavai-Mussolinide 1935quin'apas ét6ratifié. qu6spar laLibyesur leteraltoireencause sontvalables.
Ni la France ni le Tchad n'en n'ont présenté de plus
Pour ce qui est de la deuxième question,M. Sette- solides.
Camara estime qu'aucun des traités énuméré àsl'm-
nexe 1ne peut êtreconsidéré comme un mité fronta- 13el'avisdeM.Sette-Camara,ilest regrettableque ni
lier:la Déclarationde 1899ne faisait que partager des la Cour ni les Parties n'aientétudla solutionde com-
sphèresd'influence.LeTraité Barrère-F'rinettdie 1902,à promis qu'aurait constituéela lignetracéesur la carte
savoirun échangesecretde lettresconc:lupar laFrance no241de l'ONUqui est trèsproche de la lignede 1935
et l'Italie,concernait le respect réciproquedes intérêtssarisluiêtreidentique ou ne soient revenues à la.ligne
de la Fmce au Maroc et des ambitio,nsitaliennes en strictement sud-est de 1899qui étaità l'originedu dif-
Tripolitaineet en Cyrénaïqueet empiétaitsur un tem- férendet qui continue de figurer sur des cartes très
toire relevant de la souverainetéde 1'Elmpirottonian. récentes,par exemple de la carte de l'OUA de 1988
La Conventionde 1919,elleaussi,partageaitdessphères joi:nteen annexe au rapport de son sous-comitésur le
d'influence et traitait essentiellement de la frontihre différendLibye-Tchad.
Ouadaï-Darfour.Quant au Traitéde 15155l,a pierre an-
gulairede l'argumentationtchadienne,il a, en vertu de 1,'uneet l'autrede ces lignesauraienteu pour avan-
sonarticle 11,uneduréeconvenuede vingtans.Le con- tagedepartagerentre lesdeuxpays lemassifdu Tibesti
tre-mémoiretchadien lui-même a reconnu que leTraité que l'un et l'autre soutiennen6treessentiel pour leur
s'estéteinten 1975. défense.

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Résumé de l'arrêt du 3 février 1994

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