Résumé de l'ordonnance du 14 avril 1992

Document Number
7215
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1992/2
Date of the Document
Document File
Document

Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

QUESTIOPISD'INTERPRIE.TALTIE O:NTD'APPLICATIONDE LA CONVENTION DE
MONTRÉAJ,DE1971&SCJUTANT D1ZEINCPDENT AÉIPIEN DELOCKEmIE (JAMA-

HanuYAAIME LIBYENPJE cc . TATS-UNISD~AMÉRIQUE) (MESURESCONSERVA-
TOWES]

Ordonnancedu 14 avril1992

Dans une ordonnance rendue en l'affai1.relativà placerune bombe à bord [del'appareilassurant le v,ol
des Questions d'int:erprétatiet d'applicationde la Pan Am 1031...,bombe dont l'explosion avait provo-
Convention deMontréalde 1971résultant(lel'incideint quéladestructiondel'appareil".
aériende Lockerbie (Jamahiriya am.be libyenne c. L'ordonnanceretraceensuitele déroulementdeI'af-
Etats-Unis d'Amérique),la Cour a dit, par onze voix faire.Elle fait référence aux allégantsconclusions
pas de natureàeexiger l'exercicede sca pouvoird'in-nténondesparIaLibyedanssarequêteq ,uidemande à la
diquer des mesures conservatoires envertu de l'arti- Courdedireetjuger :
cle41 du Statut. "a) QuelaLibyea satisfaitpleinemenà toutesses
obligationsauregarddelaConventiondeMontréal;
La composition delaCourétaitlasuivante :M.Oda,
vice-prdsiden& ka Cour,faisait fonctitieprésident "b) QuelesEtats-Unisontviolé,etcontinuentde
en 1'afJire; sir Robert Jennings,prdsuientde la Cour; violer,leursobligationsjuridiquesenverslaLibyesti-
Tarassov,sGuillaum.e,Shahabuddeen, Agu.ilarMawd-, puléesauxarticles5,paragraphe,5,paragraphe3,7,
sley, Weeramantxy,Ranjeva, Ajibola,juges; M. El- 8,paragraphe2,et 11delaConventiondeMontréal;
Kosheri,juge adhoc:. "c)Queles Etats-Unis sontjuridiquementtenus
demettrefinetderenoncerimmédiatemen t cesvio-
lationseà toute fom de recours à la forceouà la
menacecontre la Libye,y comprisla menacede re-
couriràlaforcecontrelaLibye,ainsi qu'àtoutevio-
Le vote sur l'ordonnancede laCour relatiàlade- lationde la souverainet, e l'intégterritorialeet
rpandeen indicationdemesuresconservataliresprésein- del'indépendancepolitiqudeela Libye."
tée parlaLibyedan:$l'affaireci-dessuséttiesuivant: La Cour mentionneaussi la demandede la Libye (dé-
POUR :M. Oda, vice-prdsidentde laCisur,faisant posée, comme larequête introductived'instance, le
fonction deprdsident en l'afiire; sir EkoJennings, 3mars 1992,maisplus tard dans lajournée)tendantà
prdsident deka Cour; MM.Lachs, Agct,Sc:hwebelM, i, l'indicationdesmesuresconservatoiressuivante:
Evensen,Tarassov,Guillaume, Shahabilddczn,Aguilar, "a) Interdire aux Etats-Unis d'engageraucune
Mawdsley,juges; actioncontrelaLibyevisantà contraindreou obliger
CONTRE :MM. :Bedjaoui,Weeramantry. Ranjeva, celle-Biremettre lespersonnesaccuséeBune auto-
Ajibola,juges; M.El-Kosheri,juge adIioc. ritéjudiciaire,quelle qu'ellesoit, extéàila Li-
M. 0da et M. Ni ont joint chacunune déclaratiàn bye;
l'ordonnance; MM. Evensen, Tarassov,Guillaumeet
AguilarMawdsley,ianedéclarationconunu:ne. teintede quelquefaçonaux droits de la Libyeece-
quiconcernelaprocédurejudiciairefaisantl'objetde
MM. Lachs et Shahabuddeen ont joint à l'ordon- larequêtelibyenne."
duelle;MM.Bedjac~uiW , eeramantry,Etanj~~va,jibola-
et El-Kosheri,lesxposésdeleuropiniondissidente. La Cour seréfèreensuiteaux observationsoraleset
auxconclusionsprésentée psarlaLibyeetparlesEtats-
Unis'brs 'desaudiences publiques relativeà la de
mande enindicationde mesuresconservatoiresquiont
eulieules26,27et28mars1992.
Danssonordonnimce,laCourrappelleque,le3mars La Courprendnoteaussideladéclarationcommune
1992,la Jamahiriyaarabe libyennea iritrotluitune insprésentéele 27 novembre 1991 par les Etats-Unis
tance contre les Etats-Unishériqiie au sujetd'un d'Am6riqueet le Royaume-Uni àla suitedes inculpa-
"différendentre la !Libyeet les Etats-IJnis concernations lancéesparunjury de miseen accusationdu Tri-
Monaéal"du 23septembre1971,différendrésultanttleie bunalféddralde premièreinstance du District de Co-
l'incident aériensurvenu au-dessusde Locnkerbi,:n lumbiacontre les deuxressortissantslibyenspropos
Ecosse,le21d&em:bre1988, à lasuiteduqu~letribund deladestructiondel'appareilquiassuraitlevolPanAm
fédéradle premikre:instance du District de Columbia 103,déclarationlibelldansles termessuivants:
a engagédes poursiaites,le 14novemt~rc11991c,ontre "Les Gouvernementsbritanniqueet américaindé-
deuxressoRissantsIlibyenpouravoir,riotainment,b'fait clarentcejour quele Gouvernementlibyendoit: "-,Livrer, afin qu'ils soient tradui.ts en justice,
tous ceux qui sont accusés de ce crinie et assumer "Agissanten vertu du Chapitre VI1de la Charte, ,
"1. Décideque le Gouvernement libyen doit dé-
l'entière responsabilité des agissements des agents soimais appliquer sans le moindre délaile paragra-
libyens; phi?3 de la résolution731 (1992)concernant les de-
"-Divulguer tous les renseignements en sa pos- mandes contenues dans les documents S123306,
session sur ce crime, y compris les noms de tous les SI23308et Sl23309;
responsables, et permettre le libre acc15sde tous les "2. Décideaussi que leGouvernement libyendoit
témoins, documentset autres preuves matérielles,y s'engager à cesser de manièredéfinitivetoute forme
compristous les dispositifs d'horlogerierestants; d'actionterroriste et touteassistance aux groupester-
"- Verser des indemnitésappropriées. ro~isteset qu'il doit rapidement, par des actes con-
cre:ts,démontrersa renonciation au terrorisme;
"Nous comptonsque laLibyeyfera droit prompte-
ment et sans aucune réserve." "3. Décide que tous les Etats adopteront le
La Cour note encore que la teneur de cette déclara- 15avril 1992 les mesures énoncéesci-dessous qui
tion a ensuiteétéexaminée par leConst:il de sécurité s'appliqueront jusqu'à ce que le Conseil de sécurité
de l'organisation des Nations Unies, lequela adopté,le décideque le Gouvernement libyen s'est conformé
21janvier 1991,la résolution731 (1992)dont la Cour au:<dispositions des paragraphes 1et 2ci-dessus;
cite, entreautres, les passages suivants

"Profondémentpréoccupé par ce qui résulte des "7. Demande à tous les Etats, y compns aux
enquêtesimpliquantdesfonctionnaires duGouverne- Et;its non membres desNations Unies et à toutesles
ment libyen et qui est mentionnédans les documents org:anisationsinternationales, d'agir de façon stric-
du Conseil de sécuritéqui font état cles demandes tement conforme aux dispositions de la présente
adresséesaux autoritéslibyennes par les Etats-Unis résolution nonobstant l'existence de tous droits ou
d'Amérique. . .la France. .. et le Royaume-Uni de obligations conférésou imposés par des accords
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.. .. [S/23308], internationaux ou de tout contrat passéou de toute
... liéesauxprocéduresjudiciaires concernant lesat- 1ict:nceou permis accordésavantle 15avril 1992."
tentats perpétrés contreles vols de la l'anAmerican La Cour a observéque les demandes faites par les
et de 1'Uniondes transports aériens, Etats-Unis d'Amériqueet le Royaume-Uni dans leur
déclarationcommune du 27 novembre 1991,citéeci-
dessus, figuraient dans le document SI23308qui était
"2. Déplore vivementlefait que leGouvernement mentionnédans la résolution748(1992).
libyen n'ait pas répondu effectivement àcejour aux Après s'êtreréférée aux observations relatives à la
demandes ci-dessus de coopérer pleinement pour r6solution 748(1992)duConseilde sécurité qui,àl'invi-
l'établissementdes responsabilitésdan:;les actes ter- tatioridelaCour,ontétéprésentées par lesdeux Parties
roristes susmentionnéscontre les vols 103de la Pan (ainsi que par l'agent des Etats-Unis dans une commu-
American et 772de 1'Uniondes transports aériens; nication antérieure),laCour poursuit et conclut dans les
"3. Demande instammentaux autoritéslibyennes termt:ssuivants :
d'apporter immédiatementune réponslecomplèteet
effective àces demandes afin de contribuer àl'élimi- "Considérant quela Cour, dans le contexte de la
nation du terrorisme international." prdisenteprocédure, qui concerne une demande en
indication de mesures conservatoires, doit, confor-
La Cournoteensuite que,le 31mars 1992(troisjours mément à l'article 41 du Statut, examiner si les cir-
aprèsla clôture des audiences),le Conseil de sécurit6a coiistances portées à son attention exigent l'indi-
adopt6 la résolution748(1992),où il est dlitnotamment cation de telles mesures, mais n'est pas habilitéeà
que le Conseil de sécurité: coricluredéfinitivementsur les faits et le droit, et que
sa décisiondoit laisser intact le droit des Parties de
coiitester les faits et de faire valoir leurs moyens sur
"Gravementpréoccupé dece que leGouvernement le ïond;
libyen n'ait pas encore donnéune réponse complète "Considérantque laLibye et lesEtats-Unis, en tant
et effective aux demandes contenues dans sa réso- que Membres de l'Organisation des Nations Unies,
lution 731(1992)du21janvier 1992, so~itdans l'obligation d'accepter et d'appliquer les
"Convaincuque l'éliminationdes actes de terro- décisions du Conseil de sécuritéconformément à
risme international,y compns ceux dans lesquelsdes l'Articl25 de la Charte; que la Cour, qui, àce stade
Etats sont directement ou indirecteme:ntimpliqués, de la procédure,en est à l'examen d'une demande
est essentiellepour lemaintiendelapaixetdelasécu- en indication de mesures conservatoires, estime que
ritéinternationales, priamafacie cette obligations'étendàla décisioncon-
tenue dans la résolution748 (1992);et que, confor-
mément à l'Article 103de la Charte, les obligations
"Constatant,dans ce contexte,que le défautde la der;Partiesàcet égardprévalentsur leurs obligations
part du Gouvernement libyen de démontrer, pardes en vertu de tout autre accord international, y compris
actes concrets, sa renonciation au terrorisme et, en la Convention de Montréal;
particulier, son manquement continu 21répondrede
manièrecomplèteet effectiveauxrequêtescontenues "Considérantaue si. à ce stade. la Cour n'a donc
dans la résolution731(1992)constituerit une menace pas àseprononcêrdéfinitivementsur l'effetjuridique
pour la paix et la sécuriténternationale:^, de larésolution748(1992)duConseil de sécuritée ,lle
estime cependant que, quelle qu'ait étéla situation
avrintl'adoption de cette résolution, lesdroits que la
8 Libyeditpnir dela<:onventiondeMontrcklnepeu- et les droitsprotéger auraitdû, de l'avisde MOda, .
ventàprésentêtreconsid6rés commede:sdroitsqu'il constituerleprincipalmotifd'une décisinégativeq,ui
conviendraitde protéigeprar l'indicationdemesures auraitpuêtrepriseaussibienavantqu'après l'adoption
conservatoires; delarésolution748.
"Considéranten outre qu'une indicationdes me-
suresdemandées par1.aLibyeseraitdenatureà porter Déclarationde M. Ni,juge
atteinte aux droits que la résolution74.8(1992)du Dans sa déclaration,M. Ni exprime l'opinionque,
Conseildesécuritésembleprim facie avoirconférés selonlajurisprudencedelaCour,lefaitqu'une question
auxEtats-Unis; setrouvedevantleConseildesécurité nedoitpasempê-
"Considérant que,pour se prononcer sur la pré- cherqu'ellepuisseêtrteraitéepar laCour.Bienqueles
sente demande en indicationde mesurt:sconserva- deux organes s'occupentde la même affaire,l'optique
toires, laCourn'estappelée statuersui:auc:unedes n'estpaslamêmeE .nl'espèce,eConseildesécurité,en
autres questions qui ontdtd soulevées devant elle tant qu'organepolitique, apour préoccupationsprin-
dansla présente instanc, comprislaquestionrela- cipales l'élimination terrorisme internationalet le
tive sacompétence pur connaîtredufond;etconsi- maintiende la paix et de la sécuriténtemationaies,
dérant qu'unedécisitonrendue en la piréseintero- judiciaire principaldes Nations Unies, doit s'occuper
cédurenepréjuge enlienaucunequestioridecegenre davantagedesprocédures juridiques,tellesquelespro-
et qu'elle laisse intact le droit du Ga,uveimement blèmesd'extradition, les mesures relativàsla pour-
'libyenet celui du Gouvernementdes Etats-Unis de suite des auteurs d'infraction,l'bvaluationdes indem-
faire valoirleursmoyensencesmatières; nités,etc.
"Parcesmotifs,
"LACOUR, S'agissantdela demandede mesures conservatoires
"Paronzevoix conitrecinq, présentéepar la Libye, M. Ni cite les dispositionsde
d'actesillicites dirsontrela sûretéde l'aviationci-
"Dit que les circonistancesde l'espèce nesont pasvile,quisontinvoquéesparlaLibye.Auxtermes & l'ar-
de nature à exiger1'e:xercicde son poiivoiird'indi- ticle14,paragraphe1& cetteconvention. l'une quelcon-
quer des mesures co:nservatoiresen vertu de l'arti-quedes partieàundiffhnd peutinvoquerlajuridiction
cle41du Statut." delaCourinternationaledeJustice si,danslessixmois
quisuiventla&te delademanded'arbitrage,aucunac-
cord n'aétéconclusur l'organisationde cet arbitrage.
Danslecas présent,laLibyeaproposéunarbitragepar
Déclarationde M. O&, vice-présidente i'Cour,fai- une lettre du 18janvier 1992,de scirtequ'un mois et
santfonction deprésident demiseulements'étaitBcouldquandlaLibyeaintroduit
M.Oda, viceprésidenit elaCour,faisant:fonctionde uneinstancedevant laCour,le 3mars1992.
pdsident enl'affaire,ajoint unedéclaratiqiivadans M.Ni considhreque la demandede la Libyedevrait
le sens de la décisionp15separ la Cour,mlis en expri- êtrerejetéeau seulmotifque l'obligationde respecter
mant l'opinionque cette décisionm'a~~ap itas dû être un ddlaide six mois n'apasdtdsatisfaite, sansque la
tion 748du Conseilde :sécuritéc,ar cela laissait entre-our &t à se prononcer enmême temps sur les autres
voirlapossibilitéque,avantl'adoptionde1iirésolution, points.Ainsi,laLibyeneserapasempêché dees'adres-
laCouraurait pu parvenir àdesconclusion~jsuridiques seràlaCourconformdmentauxdispositionsdelaCon-
ayantdeseffetsincomp~itibleasveclesactes;duConseil, ventiondeMontréad l e 1971si,quelquesmoisplustard,
et, dans ce cas, on aurait pu reproc21la Coiirde ne le différendsubsiste et si le reqsouhaiteagirainsi.
pas avoir agi plustGt.:Enfait, le Conseilde t&urité, Déclarationcommune de MM. Evcnsen, Tarassov,
appliquantsa propre logique,a agien hâte en adoptant GuillaumeetAguilar
sanouvelledsolution avantquelaCourn'zutpliparve-
nirà unedécisionréfléchie c,irconstanceqcieleConseil MM.Evensen, Tarassov,Guillaumeet Aguilar,dans
n'apu ignorer. une déclarationcommune,ont souscrit pleinementau
M.O& considèrequelaCourdtaitcompdten1:eprirna jugementde la Cour, mais ont formulddes commen-
facie, malgréle délaide sixmois prévu pal'article14, interventiondu Conseilde sécuritédansul'affaire,les
paragraphe1,delaConventiondeMontréal,puisqueles Etats4Jnis.et.le Royaumeuni. dtaienten droit de de
circonstancesdtaienttellesqu'iln'apparaissaitspos- mander alaLibyel'extraditiondesaccuséset demener
sibledenégocierl'organisatiodn'unarbitrage. àcettefintoute actionconformeaudroitinternational.
Cependant, ledroit essentieldontla protection étaitLa Libye étaitde sonc6téen droit derefuser une telle
demandée - celui,pour un Etat,de ne pas êtrforcé extraditionetde rappelerà cet effet que son droit in-
d'extrader ses propres ressortissants-e:st oindroit ternecommed'ailleursceluidenombreuxautrespays,
souverain auregard dudroit internationalgénéralt,an- prohibel'extraditiondesnationaux.
particuliersinvoquesautitredelaConventilcmdeMont- Puis ilsontxposeque,aucasparticulier,cettesitua-
réal.hisqu'un principeveutquelesdroitsdontlapro- tionn'avait pastéjugéesatisfaisantepar leConseilde
tectionest recherchéepar une procédureenindication sécuritd,agissanten vuede lutter contre le terrorisme
de mesures conservatoires se rapportent I l'objetde internationaldanslecadreduChapitreVI1delaCharte
l'instance,il en résulteque,de toute maniike,la Cour desNationsUnies.Cedemier avaitpar la suitedécidé
auraitété amenée à refuser d'indiquer lesinesiiresde- quelaLibyedevait remettrelesdeuxaccusdsauxpays
maridéesC. etteinadéqu.ationntrel'objetdelarequête quiavaientdemanddcetteremise. Dans ,cesconditions, pour MM. Evensen, Tarassov,
Guillaumeet Aguilar,laCour, statuant sur.unedemande traiternent politique devant le Conseil de sécuritésur ..
en indication de mesures conservatoires présentée par demande des Etats-Uniset du Royaume-Uni.
la Libye afin de préserver la situation juridique anté- M. Bedjaoui a considéré qu'ilétaitdu droit le plus
rieureauxrésolutions di1Conseil de sécuritéa , constaté absolii pour laLibyede saisir la Cour du différendpor-
à bon droit les modifications apportées iicette situa- tant sur l'extradition pour en escompter une solution
tion par ces résolutions.Et c'est égalemeritàbon droit judiciiiire,commeilétaitdu droit leplusabsolupour les
qu'elle a estimé quepar voie de cons&cience les cir- Etats-Unis et le Royaume-Uni de saisir le Conseil de
constances de l'espècene sont pas de nature à exiger sécuritédu différeridportant sur la responsabiliténter-
l'exercice de son pouvoir d'indiquerde telles mesures. nationialede la Libye pour en obtenir une solution poli-
tique. La situation doità son avis, se résumercomme
'Opinionindividuellede M.Lachs,juge suit: (d'uncôté,il estime que les droits alléguéspar la
Les affaires en causeet la nécessitépolir la Cour de Libyeexistent primafacie et que toutes les conditions
prendre rapidement une décision à l'égardd'une de- habituiellementmisespar laCour pour indiquer des me-
mande interlocutoire ont mis en lumièredes problèmes suresconservatoiressont rempliesen l'espèce pour que
de compétenceet ce qu'il est convenu d'appeler le sub ces droits puissent être sauvegardés conformémentà
judice. En fait, la Cour est le gardien de la légalité pour l'article 41 du Statut de la Cour. Et c'est sur ce point
lacommunautéinternationale tout entière,dans lecadre qu'il21exprimédes réserves à l'égarddes deux ordon-
des Nations Unies et au-delà.Il ne fait pas dedoute que nances de la Cour. Mais, d'un autre côté,la résolu-
la tâche de la Cour est C'assurer l'intégritédu droit tion 748du Conseildesécuritéaannihilécesdroitsde la
international.. ."(C.Z.J.Recueil 1949,p. 39;).Elle en est Libye, sans que l'on puisse en cette phase de mesures
le gardienprincipal. En l'espèce,cependarit,non seule- conseirvatoires,c'est-à-direde pré-examen primafacie,
ment la question généraledu terrorisme international s'autoriser à trancher prématurémentla question de
étaitàl'ordre dujour du Conseilde sécuritém , aiscelui- fond concernant la validité constitutionnelle de cette
cia adoptélesrésolutions731et 748.L'ordonnance ren- résolution,de sorte qu'ellebénéficied'uneprésomption
due ne doit pas êtreinterprétéecomme Urieabdication de validitéet qu'elle doit êtretenue prima facie pour
des pouvoirs de la Cour. Que les sanctions ordonnées légaleet obligatoire.lest donc surce secondpoint d'ac-
par la résolution748 aient, en définitive,à êtreappli- cord a.vecla majoritéde laCour.
quéesou non, ilfautespéreren toute hypothèseque les La situation ainsi caractérisée,avec des droits méri-
deux organes principaux concernés pourrlmt fonction- tantd'êtreprotégés par l'indicationde mesures conser-
ner en tenant dQmentcompte de leurrôle rriutueldans la vatoires, maisaussitôt abolispar unerésolutiondu Con-
sauvegarde de l'autoritédu droit. seil dt: sécuritéméritantd'êtretenue primafacie pour
valide, ne rentre pas complètement dans le moule de
Opinionindividuellede M. Shahabuddeen.j,uge l'Article 103de laCharte; elleen débordelégèrement.
Dans son opinion individuelle,M. Shahiibuddeenes-
time que la Libye avait présentéuiie cause défendable Sousréservedecette nuance, il est clairque la Cour
pour demander l'indication de mesures conservatoires, ne poiivait que constater cette situation et dire qu'à ce
mais que la résolution 748 (1992)du Conseil de sécurité stade de la procédure,un tel "conflit" réglé par 1'Arti-
a eu poureffet juridique de rendre insusce~xiblesd'exé- cle 10:3de la Charteaboutissait en fin de compte àren-
cution les droits invoquéspar la Libye. Lii décisionde dre en fait sanseffet utile l'indication de mesures con-
la Cour, déclare-t-il,ne résultepas d'un conflit entre la servatoires. Mais le dispositif des deux ordonnances se
compétencedu Conseil de sécuritéet celbede la Cour, place ;auseuildetoute l'opérationet décideque la Cour
maisd'un conflitentre lesobligationsqui iricombentàla n'a pals,compte tenu des circonstances, à exercer son
Libye en vertu de larésolutiondu Conseilidesécurité et pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires. La
celles dont elle pouvait êtretenue en vertu de la Con- nuance qu'ily apporte est que ledossier de l'affairejus-
vention de Montréal.Aux termes de la Charte, les obli- tifiait:l'exerciceeffectifdecepouvoir, tout enbservant
gations quirésultentde larésolutiondu Coinseildesécu- que ses effets avaient éténullifiéspar la résolution748.
ritéi'emportent. M. Bedjaoui parvient donc concrètement au mêmeré-
sultat aue laCour. movennant unetouteautre démarche
M. Shahabuddeen fait observer que, pour demander mais EL;SS~avec cette hance importante qui le fait non
qu'on lui livre les deux ressortissants libyens accusés, point rejeter la demande de mesures conservatoires
le défendeur part en grande partie du principe qu'un mis plutôt déclarerses effets disparus.
procès impartial n'est pas possible en Libye. Cepen- Cela dit, M. Bedjaoui considère que l'indication de
dant, quand le défendeur demandeque "laiLibye verse mesures conservatoiresaurait dû s'imposer à la Cour
des indemnitésappropriées. .. promptement et sans ré- sur la base du dossier qui lui avait étésoumis, mêmesi
serve", cda suppose qu'il ait d'abord etabli que les ses eAfetsont pu êtremisen échecparla résolution748.
accuséssont coupables, car la responsabilitéde 1'Etat Il ya lieud'ajouter qu'à supposer mêmeque la majorité
libyen dépendde la culpabilitédes accusés.Il y a donc aitcoinçuquelque doute, qu'il n'avait personnellement
lieu de rechercher si le défendeurn'a pas préjugé i'af- pas, sur la capacité de 1'Etatrequérantà avoir rempli
faire. telleou telle condition nécessaireàl'indication de me-
Opiniondissidente de M.Bedjaoui,juge sures conservatoires, il restait encore à la Cour la res-
sourced'indiquer elle-même proprim ootutoute mesure
M. Bedjaoui est parti de l'idéequ'il existe deux dif- conservatoire qu'elle aurait jugéplus appropriée que
férendsbien distincts, l'un juridique, l'auitrepratique, cellesqui étaieiitsollicitéesd'ellepar 1'Etatrequérant.
Le premier portesur l'extradition de deux nationaux et
-oit un traitement juridique devant la Cour sur de- En conséquencela Cour pouvait déciderd'indiquer
mande de la Libye,tandis quele second porte plus lar- des mesures en termes générauxd'exhortation faite à
gement sur le terrorisme d'Etat et la r~asponsabilité toutes les parties de ne pas aggraver ou étendrele dif-
internationale de 1'Etatlibyen et reçoit quant Zilui un férend.Ainsi à supposerque la Cour aurait étéfondéedans la présenteaffaire à considérer quetelle ou telle d'obligation,mais que la résolution748est primafacie
condition fait défaut pour indiauer certaines niesures obligatoire.
!spécifiques,elle avait*du.moinsla ressourci: de retenir L'opinion conclut que des mesures conservatoires
une mesure gknéraleindépendanteenforme~i'appelaux peuvent êtreindiquéesde manière à ne pas entrer en
parties à ne pas aggraver ou étendrele différend,ou conflitavec larésolution748etelleindiqueque detelles
encore d'exhortation à e.llesadresséede se rapprocher mesures devraient êtreprises d'officeet en s'adressant
pour réglerle différend defa~onamiable, soit tiirecte- aux deux parties pour éviter quele différend ne s'ag-
ment, soitpar l'intermédiairedu Secrétariatgénkraldes graveou ne s'étende àla suitedel'usagede la forcepar
Nations Unies et de celui de la Ligue arabe, comme les deuxParties ou par l'uned'entre elles.Référenceest
c'est du reste ce qui se fait cesjours-ci. faiteà l'article41du Statut et aux articles 73,74et 75du
Une indication d'une mesure conservatoire de cette Règlementde la Cour.
nature, au vu des circoristances graves de la présente
affaire,n'aurait-elle pas 1;onstituéde surcroi'tunefaçon Opiniondissidente de M.Ranjeva,juge
élégantede sortir de l'iinipassecrééepar l'op~~osition M. Ranjeva, dans son opinion dissidente, estime que
entre d'une part les mesilres conservatoires plus spéci- le différendactuel dépassele cadre des rapports entre
fiquesqu'aurait dû prendre la Cour sur la bmasdees de- les Parties au litigeet concernele droitdetous les Etats
mandes de 1'Etat requérant et d'autre part la résolu- liésparla Conventionde Montréal. Bénéfician dtu droit
tion 748 du Conseil de sécuritéqui en auriiit de toute d'option aut dedere aut judicare, le demandeur était
manière annihiléles effets ? Façon élégaritede con- fondéà solliciter la Cour d'indiquer des mesures con-
tourner ladifficultémajeure,maisaussifaçontrèsprofi- servatoires; ce droit étaitincontestablejusqu'à la date
table, pour le bien de tc~us,d'aider au règli:me;ntdans de l'adoption de la résolution748.Le changement fon-
damental de circonstances, intervenu postérieurement
une direction qu'il sembleeffectivement pre.ndri:.. au dépôtde la requête,sans modification des circons-
M. Bedjaoui aregrettédonc que laCour n'ait ]puindi- tances de fait de l'affaire,empêchaitla Cour d'exercer
quer des mesures consei-vatoiresni spécifiques à la de- avec la plénitudede ses attributions l'exercice de sa
mande de 1'Etatrequérant,ni générales proprio motu, fonctionjudiciaire.
pour apportersa propre contribution positive au règle-
ment du différend. Il n'a pu donc, en fin de c:ompte,que Mais,contrairement àl'avis de la majoritédes mem-
voter contre les deux ordonnances. bres de laCour, M.Ranjevaestimeque,compte tenu de
Opiniondissidente de M. Weeramantry,juge l'évolutionde la jurisprudence relative à l'application
desarticles41du Statutet 75du Règlementainsiquedu
Dans son opinion dissidente, M. Weerarriantiy a ex- caractèreautonome d'un appel de la Cour aux Parties
primé l'opinionque les i:irconstances invocluéespar le par rapport à l'indication de mesures conservatoires
demandeur semblaient àpremièrevue fournir une base [affaire du Passage par le Grand-Belt (Finlande c.
pour la compétencede la Cour. Danemark)], des mesures consistant, entre autres, en
L'auteur soulignele c;uactèreexceptionnel de:la pré- appel aux Parties leur enjoignantd'adopter un compor-
senteaffaire :c'est lapremièrefoisque laCour interna- tement qui empêche l'aggravationou l'extension du
tionale deJustice et le Conseil de sécuritéontétésaisis conflit. Telle a étéen effet l'attitude de la Cour dans
par des parties qui sont opposéesl'uneà l'autredans un les affaires des Activités militaires et paramilitairesau
mêmedifférend.Cela soulèvedes questions nouvelles Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis
au'il faut examiner àla lumièredes ~ouvoirs reswtifs d'Amérique) et du Différendfrontalier.
du Conseil et de la Cour dans le cadre de la @hi&edes En effet, de l'avis de M. Ranjeva, les nouvelles di-
Nations Unies et en fonction des relations miltuelles mensions du problème nepermettaientpas àlaCour de
entre les deux organes. se limiterà une approche passive de sa fonction judi-
ciaire; celle-ci relève,de façon dynamique, de I'obliga-
Après avoir examiné:les articles pertiiients de la tionfondamentaleénoncéeàl'article 1,paragraphe 1,de
Charte et notamment lestravauxpréparatoiresde1'Arti- la Charte des Nations Unies : le maintien de la paix,
cle24,paragraphes 2et 1,M.Weerarnantryconclut qu'il dans le cadrede sa mission.
est loisible à la Cour d'examiner des questi.onsdont le
Conseil de s&urités'est occupéau titre du clh ha piVtre Opiniondissidente de M.Ajibola,juge
de la Charte. De plus, dans l'exercice de ses fo~~ctions, M. Ajibola,dans son opinion dissidente,regrette que
leConseil de sécurité esi:tenu d'agirconfonném.entaux laCour ait refusé,àla majoritédes voix,d'indiquer des
principes du droit international. mesures conservatoires,alors mêmeque la Libyeavait
La Cour et leConseil $desécuritéfontpartiedu même établil'existencederaisons suffisantes d'enindiqueren
ensemble et, dans son propre domaine, la Cour statue vertu desdispositionsapplicables du Statut et du Règle-
sur des diffkrends en examinant et en tranchant des ment de la Cour.
questions de &oit international selondes principesjuri-
diques et des techniquesjudiciaires.Al'égard desques- Il est fermement persuadé que, mêmesi la Cour a
tions dont elle est à bon droit saisie, la foilction de laconclu quedetellesmesures nedevaient pas êtreaccor-
Cour est de prendre de:sdécisionsjudicia:iresconfor- dées à cause de l'effet possiblede la résolution748du
mément audroit, et le fait que la mêmequestioil ait été Conseil de sécurité,celle-ci n'empêchaitpas absolu-
examinéepar le Conseil.de sécuriténe saurait l'empê- ment la Cour de faire, dans son ordonnance, des dé-
cher d'agir ainsi. Toutefois, les décisions prises par le clarations manifestement extérieures à la résolutionet
n'entrant certainement pas en conflitavec elle.
Conseilde sécurit6en vertu duChapitreVI1delaCharte Il insiste ensuite sur le pouvoir qu'a la Cour, surtout
ontprimafacie force obligatoirepourtous lesMembres en vertu del'article75de son Règlement,d'indiquer des
des NsatiorisUnies et ne sauraient fairel'objetd'unexa- mesures conservatoires d'office, tout
menpar laCour. M.Wwramantry conclutque la.résolu- dammentdecellesque solliciteledemandeur,afin d'as-pen-
tion 731 saseulement valeur de recomrnandiitioriet nonsurer la paixet la sécuriparmi lesNati13nset, en par- dence de la Cour. A la lumiEredes principes qui ont
ticulier, entre les Parties à l'instance. Elle aurait dguidcila Courdans des affairesrécentes,ilest parvenu à
do,pendente lite, indiquer des mesures c:onsewatoires la conclusion que la Cour devrait agird'officeen indi-
fondéessur l'article41 du Statut, ainsi que learti- quant des mesuresa.ymtles effets suivants :
cles73, 74 et75 du Règlement,afin d'empêchertoute
aggravation ou extension du différendqui risquerait -En attendant un arrêtdéfinitif dela Cour, lesdeux
d'aboutirà l'emploide la force par l'uneou l'autredes susptxts dont les noms ont étrévélédsans la présente
Parties, ou les deux. instance devraient êtreplacéssous la garde des auto-
ritésgouvernementalesdans un autre Etat, qui pourrait
Opiniondissidentede M.El-Kosheri, juge ad hoc finalement fournir un prétoire approprié accepté de
cornrnunaccordpour leurjugement.
Dans son opinion dissidente, M. El-Kosheri s'est -La Cour aurait pu en outre indiquer que chacune
attachéprincipalement aux motifs juridiques quil'ont des Parties devait veiller à ce qu'aucun acte d'aucune
conduit à soutenir que le paragraphe 1.de la résolu- sorte ne soit accompliqui risque d'aggraverou d'éten-
tion748 (1992)duConseildesécuriténe devraitpasêtre drele:différend soumisàlaCour,ou quiseraitdenature
considér6comme ayant un effet juridiquiequelconque àfaireobstacleàla bonneadministrationde lajustice.
sur la compétencede laCour,même primafacie, et que
par conséquentla demande de mesures conservatoires
présentéeparla Libye doit êtreexaminéeselonles cri-
tèreshabituels tels qu'ils apparaissent danslajurispru-

Document file FR
Document
Document Long Title

Résumé de l'ordonnance du 14 avril 1992

Links