Résumé de l'arrêt du 25 juillet 1974

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6003
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Number (Press Release, Order, etc)
1974/2
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIREDE LA COMPÉTENCIE EN MATIÈRE DE PÊCHERIES
(RÉPUBLIQUEFÉDÉRALED'ALLISMANGE C. ISLANDE) [FOND]

Dans I'arrêtsur le fond en l'affaire de la co.mpétenceservatoires par ordonnance du 17 août 1972et les a
en rnatiêrede pêcheries(Républiquefédéraled'Alle- confirméesparordonnance du 12juillet 1973.Par arrêt
magne c. Islande), la Cour, par 10voix contre 4 a : (lu 2 février1973,elle s'est déclarée compétentepour
1) Dit que le règlement islandais de 1972portant statuer sur le fond du différend.
exte:nsionunilatérale des droits de pêche exclusifsde La Cour ne comptait sur le siègeaucun juge de la
l'Islandejusqu'à 50milles marinsà partir des lignesde nationalité del'une ou l'autre partie. Par lettre du
base n'est pas opposableiilaRépubliqueféderaled'Al- ;!5septembre 1973,la Républiquefédéralea informéla
1em.agne; Cour que, l'Islande se refusanà prendre part à l'ins-
tance età se prévaloirde la facultéde désignerunjuge
2) Dit que l'Islande m'est pas en droit d'exclure 11dhoc, la Républiquefédéralene croyait pas devoir
unilatéralementles navires de pêchede la RiSpublique insister pour endésignerun. Le 17janvier 1974.laCour
fédkraledes régionssituéesentre la limitedes 12milles adécidé par 9 voix contre 5de ne pasjoindre l'affaiàe
et c'elledes 50milles, ni d'imposer unilatéralementdes celle que le Royaume-Uni avait introduite de son côté
restrictionsàleur activitt?dans ces régions; contre l'Islande. La Cour s'est ainsi prononcée parce
3) Dit que l'Islande e:tla Républiquefédéraleont qu'elle a considéré que, si les questions juridiques
l'obligation mutuelle d'engager des négociations de essentielles semblaient identiquesdans les deux affai-
bonnefoi pouraboutir àune solution équitablede leurs res, ilexistaitdesdivergencesquantà laposition et aux
divergences; conclusionsdes demandeurs et qu'unejonction aurait
(Stcontraire à leurs vŒux.
4) Indiquécertainsfacteurs à prendre encronsidéra-
tion dans ces négociations(droits préférentiese 1'1s- Dans ses conclusionsfinales, la Républiquefédérale
lande, droits établis de la Républiquefédérale,inté- ;idemandé à la Cour de dire et juger :
rêtsd'autres Etats, conservation des ressources de la a) Que l'élargissementunilatéral parl'Islande de sa
pêche, examen concerté des mesures à prendre); zone decompétenceexclusivesurlespêcheriesjusqu'à
5,) Dit ne pas pouvoir donner suite àla conclusion 50 milles marinsà partir des lignes de base n'a aucun
de 1.aRépubliquefédérale relative à une demande en fondement en droit internationaà l'encontre de la Ré-
répiiration. publique fédérale d'Allemagne;
L,a Cour était composéecomme suit : hl. Lachs, 6)Que le règlement islandais prisà cet effet ne doit
président, MM. Forster, Gros, Bengzon, Petrén, faire l'objetd'aucune mesure d'applicatiànl'encontre
Onyeama, Dillard, Ignacio-Pinto, de Castro, Moro- cje la Républiquefédérale,ni des navires qui y sont
zov, Jiménez de Aréchaga, sir Humphrey Waldock, Ümmatriculés;
MM.Nagendra Singh et Ruda,juges.
C) Que, si l'Islande établit que des mesures de con-
Parmi les dix membre!;de la Cour ayant votépour :servationdes stocks de poisson sont nécessaires au-
l'arrêt,le Président,M. Ilillard et M. Nagendra Singh delàde lalimitede 12millesconvenuedans unéchange
y ont joint des dkclarations, MM. Forster, Bengzon, idenotes de 1961,ces mesures ne peuvent êtreprises
Jiménez de Aréchaga, Pdagenda Singh (déjà cité)et ,qu'aumoyen d'unaccord conclu entrelesParties sur le
Ruda l'exposéde leur opinionindividuelle collectiveet :planbilatéralou dans un cadre multilatéral,en tenant
M. de Castro et sir Humphrey Waldock lesexposésde dûmentcompte deladépendancespécialedel'Islande à
leur opinion individuelle. :l'égardde la ~êcheet de l'activité de vêchtradition-
Des quatre juges ayant voté contrel'arrêt,M. Igna- .nefiede la ~&~ubli~uefédérale dansies eaux dont il
cio-.Pintoy ajoint une déclarationetMM.Grlas,Petrén s'agit;
et Onyeama les exposésde leur opinion disidente.
ces déclarationset opinions définissenti:aposition 6)Que les actes des garde-côtes islandais visant à
prise Par les Juges intéresséset en dévelcippentles ,gênelres navires de pêcheimmatriculésdans la Répu-
motifs. 'bliquefédérale sont contrairesau droit international et
'quel'Islande doià ce titre réparatioàla République
* .fédérale.
* * L'Islande n'a pris paràaucune phase de l'instance.
Par lettre du7juin i972, elle a informéla Cour qu'elle
Pr~lcédure - Défautde comparirtion de l'une des par- l'échangede notes de 1961 caduc;
ti'es(paragraphes 1à 19de l'arrêt) qu'à sonavis laCour nepouvait trouverdans sonStatut
Dans son arrêt,la Courrappelleque l'instance a été aucun fondementpour l'exercice de sa compétence;et
introduitepar la Républiquefédéraled'Allemagnecon- que, ses intérêtsvitaux étanten jeu, elle n'étaitis-
tre l'Islande le 26 mai 1972.Sur demande de la Répu- posée à attribuer compétence àla Cour dans aucune
blique fédérale, la Coura indiquédes mes.ures con- affaireconcernantl'étenduedeses pêcheries.Parlettredu Il janvier 1974,l'Islande a dit qu'elle n'acceptait proniissoire (citée ci-dessus)que d'en conclure que la
aucun des faits énoncés,ni aucune des allégationsou Cour n'acompétencequepour répondrepar oui ou par
thèsesjuridiques présentéesau nom de la République non à la question de savoir si le règlement islandais
fédérale. de 1972est conforme au droit international.Il semble
Dans ces conditions, aux termes de l'Article 53 du évident que le différendentre les Parties englobe des
Statut, la Cour doit dire si les conclusions finales du désaccords quant àleurs droits respectifs sur les res-
demandeursontfondéesenfaitet endroit.Les faitsque sources de la pêcheet quant àla conservation de ces
laCour doit examinerpour statuer sont a.ttestéspar des ressources. La Cour a le pouvoir de prendre en con-
documentsdontl'exactitude ne semblepas soulever de sidérationtous les éléments pertinents.
doutes. Quant audroit, s'il est regrettablequel'Islande Règles de droit interncrtional applicables (paragra-
ne se soit pas fait représenter, la Cour n'en est pas phes 41 à 70 de l'arrêt)
moins censée constater le droit international, ce qui
ressortit au domaine de sa connaissaiice judiciaire. Lors de la première Conférence des Nations Unies
Ayant tenu compte de la positionjuridique de chacune sur le droit de la mer (Genève, 1958)a étéadoptéeune
des Parties et fait preuve d'une circonspection par- Convention sur la haute mer dont l'article 2 a posé le
ticulière eu égard à l'absence du défendeur, elle se principe de la libertéde la haute mer, c'est-à-dire de
considèreen possessiondesélémentsnécessairespour libertésdenavigation. depêche,etc. (exercéespar tous
se prononcer. les Etats en tenantraisonnablementcomptedel'intérêt
que la libertéde la haute mer présentepour les autres
Historique du différend - Compétence de la Cour Etat:;).
(paragraphes 26à 40 de l'arrêi) Les questionsde lalargeur de la merterritorialeet de
La Cour rappelle qu'en 1948le Parlement islandais l'étenduedelacompétencede I'Etatriverainen matière
(Althing) a adopté une loi sur la conservation scien- de pêcheries n'ontpu êtreréglées ni par la Conférence
tifique des pêcheriesdu plateau continental qui don- de 1958ni par une deuxième Conférence tenue à Ge-
nait au Gouvernement le pouvoir d'établirdes zones nèveen 1960.Cependant, par l'effet d'un assentiment
de conservation intégralementréglementéeset contrô- généraalpparu àcette deuxièmeConférence,deux no-
Iéespar l'Islande, dans la mesure compatible avec les tions se sont depuis lors cristallisées en droit coutu-
accords conclus avec d'autres pays. En 1958un règle- mier :celled'une zone depêcheentre lamer territoriale
ment islandais a porté à 12milles marins la limite du et la haute mer,àl'intérieurde laquelle 1'Etatriverain
droit exclusif de pêchedel'Islande autoiirde ses côtes peut prétendre une compétenceexclusive en matière
et en 1959une résolutionde I'Althinga proclamé :"Le de pêcheries et dontil semble désormaisgénéralement
droit del'Islande sur toute la zone du plateau continen- acceptéqu'ellevajusqu'à 12milles;et celle dedroits de
ta1doit êtrereconnu conformément à la politique con- pêchepréférentielsdans les eaux adjacentes à cette'
sacréeparlaloide 1958." Aprèsavoirrefuséde recon- zone de pêcheexclusive, en faveur de 1'Etatriverain
naître la validitédu nouveau règlement, la République se trouvant dans une situation de dépendance spéciale
fédéralea négocié avec l'Islande et conclu avec elle le à l'égardde ses pêcheries. La Courn'ignore pas que,
19juillet 1961un échange de notes d'où il ressortait ces dernières années, un certain nombre d'Etats ont
notamment que la Républiquefédéralen'élèverait plus décidé d'élargirleurzone de pêcheexclusive.Elle con-
d'objection contre la limite de 12milles; que'Islande naît les efforts poursuivis actuellementsous les auspi-
continuerait de s'employerà mettre en Œuvrelarésolu- ces des Nations Unies en vue de faire avancer, lors
tion de 1959relative àl'élargissementde lajuridiction d'uni: troisième Conférence sur le droit de la mer, la
sur lespêcheriesmais notifieraitsix mois l'avance àla codification et le développement progressif de cette
Républiquefédérale toutemesure en ce sens; et que, branche du droit. Elle n'ignore pas non plus les pro-
"au cas où surgirait un différenden la matière.la ques- positions et documents préparatoires soumis à cette
tion serait portée,à la demande de l'une ou l'autre occa:;ion. Mais, en tant que tribunal, elle ne saurait
partie, devant la Cour internationale de Justice". rendre de décisions~rbspecie legisferendae niénoncer
le droit avant que le législateurl'ait édicté.Elle doit
E~ 1971,le G~~~~~~~~~~~ islandais a annoncéque tenir compte des règlesactuelles du droit international
19accordsur la compétence en matière de pêcheries et de l'échangede de 1961-
conclu avec la Républiquefédéraled'Allemagne pren-
drait fin et que la limite de la zone islandaisede pêche L'existence de 'droits de pêchepréférentielsa été
exclusive serait portéeà 50 milles. Par aide-mémoire soutenue la premièrefois par l'Islandeàla Con-
du 24 février 1972,Cette intenti0n a éténotifiéeoffi- férencede Genèvede 1958,qui s'est bornée à recom-
ciellement à la République fédérale,qui a répondu mander que
qu'à sonavis la mesureenvisagéeserait "incompatible "lorsqu'il devient nécessaire, dans l'intérêtde la
avec les règlesgénéralesdu droit international" et que conservation, de limiter la prise totale d'unOU de
l'échangede notes ne pouvait êtredénoncéunilatéra- plusieurs stocks de poisson dans une régionde la
lement. Le 14juiiiet 1972,unnouveau règlementa porté haute mer adjacente à la mer territoriale d'un Etat
la limite de pêchede l'Islande à 50 milles àdater du
1"septembre 1972et a interdit toute pêcheaux navires dariscette régioncollaborent avec 1'Etatriveraiàêlae
étrangers àl'intérieurde cette limite. Son application a
donnélieu, pendant que se déroulaitla procédurede- solution équitable de cette situation, en établissant
vant laCouret que l'Islande serefusait àreconnaître les d'un commun accord des mesures qui reconnaîtront
décisionsde celle-ci, a des incidents eà des négocia- tous besoins prioritaires de 1'Etatriverain résultant
lions qui n'ont encore aboutià aucun accord. de sa dépendance à l'égardde la pêcherie encause,
La Cour, qui a constaté dans son arrêtde 1973que cornpte tenu des intérêtsdes autres Etats".
l'échangede notes de 1961est en vigueur, souligneque A la Conférencede 1960,la mêmeidéea trouvé son
ce serait interpréter trop étroitement sa clause com- expression dans un amendementincorporé à une forte

124majoritédansl'une despropositions concernaritlazone au-delà de la limitede 12millesconvenue en 1961,ni à
de pi!che. La pratiquecontemporainedes Etats montre irnposerunilatéralementdesrestrictions à leuractivité.
que cette notion, de plus en plus largement acceptée, biais cela ne signifie pas que la Républiquefédérale
est rnise en Œuvre par la voie d'accords bilatérauxou n'ait envers l'Islande aucune obligation en ce qucon-
multilatéraux. En la présente espèce, où la zone de c~arnela pêchedans les eaux litigieuses entre 12 et
pêche exclusiveen deçà de 12milles n'est pas en li- 50 milles.Les deuxPartiesont l'obligationdecontinuer
tige,laRépubliquefédérale aexpressémentreconnu les à étudierla situation des ressources de la pêche dans
droits préférentielsdel'autre Partiedans les e:auxcon- ces eaux et d'examiner ensemble, sur la base des ren-
testées situées au-delà.L''importanceparticulitre que s~eignementsdisponibles, les mesures qu'imposent la
présentelapêchecôtière pour l'économie islaiîdaisene conservation, le développementet l'exploitation équi-
fait aucun doute et il paraît bien que le moment est, tiible de ces ressources, en tenant compte de tout
atteint où ildevient essent.ie1de protégerdes iitocksde accord international en vigueur ou à conclure.
poisson aux fins d'une exploitation rationnell!eet éco- La méthode lapluspropre à résoudreledifférendest
nomique. d.etouteévidencede négocieren vue decirconscrireles
dlroitsetintérêtses Partiesetde réglerdefaçonéquita-
Cependant la notion mêmede droits de piSchepré- ble des questions comme la limitation des prises, l'at-
férentielsenfaveurdes Et.atsriverainsse trouvant dans tribution de parts ou les restrictions connexes. L'obli-
une situation de dépendance spécialeimpliqueque ces gationde négocierdécouledelanature mêmedesdroits
droits bénéficientd'une certaine prioritémai:;non pas
qu'ils puissent abolir les droits concurrents d'autres respectifsdesParties et correspondauxdispositions de
Etats. Le fait que l'Islande soit fondéeà revendiquer 1.aCharte des Nations Unies concernant le règlement
des droits préférentielsne:suffit donc pas justifier sa pacifique des différends. La tâche des Parties sera de
prétention d'interdire unilatéralementtoutepêcheaux conduire leurs négociationsdans un esprit tel que cha-
navires de laRépubliquefkdéraleau-delàde lalimitede cune d'elles doive de bonne foi tenir raisonnablement
12nîilles convenue en 1961. compte desdroitsdel'autre, delasituationlocaleet des
La Républiquefédéraled'Allemagneafait valoir que intérêtsdes autresEtats ayantdans larégiondesdroits
ses navires pêchent dans :leseaux islandaisesdepuisla de pêchebien établis.
fin du siècle dernier et que la perte de ces fonds de Les mesures conservatoires indiquées par ordon-
pêcheauraitdes incidence:économiquesappiréciables. riancedu 17août 1972cesserontd'avoir effet àcompter
Il s'agit là aussi de la dépendance économiqueet des tfeladatede l'arrêt,maislesParties ne serontpaslibres
moyens de subsistance de collectivitésentières. L'in- pour autant de poursuivresans restrictionleur activité
depêchedansleseaux litigieuses. Elles auront l'obliga-
térêq tui s'attache la coriservation des stocks de pois- tion de tenir raisonnablement compte de leurs droits
adrriisl'existence des intCrêtshistoriques et spéciaux réciproquesetdesnécessitésdelaconservationjusqu'à
l'issue des négociations.
de la République fédéralepour ce qui est de:la pêche Demandeenréparation(paragraphes 71 à 76del'arrêt)
dans les eaux contestées. Son règlement de 1972 ne
saurait donc êtreopposat)le à la République fédérale : La quatrième conclusion de la Républiquefédérale
il rriéconnaîtles droits établis de cet Etat, ainsi que d'Allemagne(voirci-dessus) vise à une réparation des
l'échangede notes de 1961,et ilviole le principe (Con- actes de harcèlement que les garde-côtes islandais
vention de 1958sur la haiite mer, art. 2)d'une prise en auraient commis contre ses navires de pêche.Décou-
considérationraisonnable:desintérêtsdes autresEtats, lant directement de la question qui fait l'objet de la
y compris la Républiquefédérale. :requêtec,ette conclusion relèvede la compétencede
Llnrèglement équitabled :u différendexigeque soient :laCour. Toutefois elle est présentée sousune forme
conciliésles droits de pêche préférentieldse:l'Islande ,abstraiteet laCour ne sauraitformuler uneconstatation
et les droits de pêche traditionnelsde la République générale de responsabilitésur une question au sujet de
fédiSrald'Allemagne, en essayant d'apprécierselon le laquelleelle ne possèdequedesrenseignements limités
moment le degréde dépendance respective des deux et des preuves insuffisantes.
Etats à l'égard des pêcheriesen cause et en tenant
connptedesdroits d'autre:sEtats et des nécessitésde la
coriservation. II s'ensuit que l'Islande n'est fondéeen
droit nià exclure unilatéralementles navires,de pêche Par ces motifs, la Cour se prononce (par. 77de l'ar-
de :laRépubliquefédérale des zonesmaritimes situées rêt)comme il a étéindiquéci-dessus.

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Résumé de l'arrêt du 25 juillet 1974

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