Résumé de l'arrêt du 25 juillet 1974

Document Number
5979
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Number (Press Release, Order, etc)
1974/1
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE DELA COMPÉTENCEEN MATIÈRE DE PÊCHERIES
(ROYAUME-UNIC. ISLANDE) [FOND]

Arrêt du 25juillet 1974

Dans son arrêtsur le fond en l'affaire de la com- IDansses conclusionsfinales, le Royaume-Uni a de-
pétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. ma.ndé à la Cour de dire et juge:
Islande), la Cour, par 10voix contre 4, a:
a) Que la prétention de l'Islande d'avoir droàune
1) Dit que le règlement islandais de 1972portant zone decompétenceexclusivesurlespêcheriesjusqu'à
extension unilatéraledes droits de pêche exclusifsde 50 milles marins à partir des lignes de base est sans
l'Islandejusqu'à 50milles marins àpartir des lignesde foridement en droit internationalet n'est pas valable:
base n'est pas opposable au Royaume-Uni; b) Que, vis-à-vis du Royaume-Uni. l'Islande n'est
2) Dit que l'Islande n'est pas en droit d'exclure pas endroitd'établirunilatéralementune zone de com-
unilatéralementles navires de pêchebritanniquesdes pétence exclusivesurles pêcheriesau-delà de la limite
régionssituéesentre la limite des 12milleset celle des de 12 milles convenue dans un échangede notes de
50milles. ni d'imposer unilatéralementdesrestrictions 1961;
à leur activité dans ces régions; c) Que I'Islande n'est pas en droit d'exclure uni-
3) Ditquel'Islande et leRoyaume-Uni ont l'obliga- latkralement les navires de pêche britanniques de la
tion mutuelle d'engager des négociationsde bonne foi régionde la haute mer située au-delàde 12milles ni
pour aboutir à une solution équitable de leurs diver- d'imposer unilatéralementdes restrictionsà leur acti-
gences; vitédans cette région;

4) Indiquécertainsfacteurs à prendre enconsidéra- ci)Que l'Islande et le Royaume-Uni ont l'obligation
tion dans ces négociations(droitspréférentielsde1'1s- d'examiner ensemble. soit bilatéralement soitde con-
lande,droitsétablisdu Royaume-Uni,intérêtsd'autres cert avec d'autres Etats intéressés,la nécessité d'ap-
Etats, conservationdesressources delapêche,examen pliquer, pour des motifs de conservation. des restric-
concertédes mesures à prendre). tionsà l'activité depêchedansladite régionde la haute
La Cour était composéecomme suit : M. Lachs, meret d'engagerdes négociationsen vued'instaurer un
président; MM. Forster. Gros, Bengzon, Petrén, régimegarantissant notamment à l'Islande une situa-
Onyeama, Dillard, Ignacio-Pinto, de Castro, Moro- tion préférentielle conformeà sa position d'Etat spé-
zov, Jiménez de Aréchaga, sir Humphrey Waldock, cialement tributaire de ses pêcheries.
MM. Nagendra Singh et Ruda,juges. 1,'Islanden'a pris parà aucune phase de l'instance.
Par lettre du 29mai 1972.elle a informéla Cour qu'elle
Parmi les dix membres de la Cour ayant voté pour considéraitl'échangede notes de 1961comme caduc;
I'arrêt.le Président et M. Nagendra Singh y ont joint qu'àsonavislaCour nepouvait trouverdans sonStatut
des déclarations?MM. Forster. Bengzon, Jiménezde aucun fondementpour l'exercice de sa compétence et
Aréchaga,Nagendra Singh(déjàcité)et Rudal'exposé que, ses intérêtsvitaux étant en jeu, elle n'était dis-
de leur opinion individuelle collectiveet MM. Dillard, posée à attribuer compétence à la Cour dans aucune
deCastroet sirHumphrey Waldocklesexposésdeleur affaireconcernant l'étenduedesespêcheries.Parlettre
opinion individuelle. du Il janvier 1974, I'Islande a dit qu'elle n'acceptait
Des quatre juges ayant voté contre I'arrêt,M.Igna- aucun des faits énoncés,ni aucune des allégationsou
cio-Pinto y ajoint une déclarationetMM.Gros. Petrén thèsesjuridiques présentéesau nom du Royaume-Uni.
et Onyeamales exposés de leur opinion dissidente. L.eRoyaume-Uni s'étant référ àél'Article 53du Sta-
Ces déclarations et opinions définissent la position tut, la Cour doit dire si les conclusions finales sont
prise par les juges intéressés eten développent les fondées en fait et en droit. Les faits que la Cour doit
motifs. examinerpour statuer sont attestéspar des documents
dont l'exactitude ne semble pas soulever de doutes.
Quant au droit, s'il est regrettable que I'Islande ne se
soit pas fait représenter, la Cour n'en est pas moins
censée constater le droit international, ce qui ressor-
Procédure - Défautde comparutiond'unedesparties tit au domaine de sa connaissance judiciaire. Ayant
(paragraphes 1 à 18de l'arrêt) tenu compte de la position juridique de chacune des
Parties et faitpreuve d'une circonspectionparticulière
Dans son arrêt,la Cour rappelle que 1'instance.aété eu Cgard à l'absence du défendeur, elle se considère
introduite par le Royaume-Uni contre l'Islande le en possession des éléments nécessaires pourse pro-
14avril 1972.Surdemande du Royaume-Uni, la Cour a noncer.
indiquédesmesuresconservatoirespar ordonnance du Historique du différend - Colnpétence de I(rCour
17 août 1972et les a confirmées par ordonnance du
12juillet 1973. Par arrêtdu 2 février 1973,elle s'est (paragraphes 19 à 48 de l'arrêt)
déclarée compétente pourstatuer sur le fond du dif- La Cour rappelle qu'en 1948le Parlement islandais
férend. (Althing) a adopté une loi sur la conservation scien-tifique:des pêcheriesdu plateau continental qui don- eniglobedes désaccords quant àleurs droits respectifs
nait au Gouvernement le pouvoir d'établirdes zones sur lesressources delapêcheet quant à laconservation
de conservation intégralementréglementéeset contrô- de ces ressources. La Cour a le pouvoir de prendre en
léespar l'Islande, dans la mesure compatibleavec les considération tous les éléments pertinents.
acc&js conclus avec d'autres pays. puis laConvention
anglo-.danoisede 1901fixant la limite du droit exclusif de droit int pli ca paraegsa-
depêchede l'Islandeautourde ses côtes aétedCnoncée "bhes49 à 78 de
par 19tslande à dater de 1951,un nouveau rèl;lement Lors de la première Conférencedes Nations Unies
islandais de 1958a portéce:tte]imiteà 12milles marins Surle droit de la mer (Genève, 1958)a étéadoptéeune
C~)nventionsur la haute mer dont l'article 2 a poséle
et une,résolutionde 19Althintge 1959a proclamé :"Le principe de la libertéde la haute mer, c'est-à-dire de
droit (jel'Islande sur toute la zone du plateau continen-libertés de navigation, de pêche,etc., "exercées par
sacréepar la loi de 1948." A la suite d9inciden.tset de to~s les Etats en tenant raisonnablement compte de
l'intérêt qulealibertéde la haute merprésente pour les
négociations,l'Islande et leRoyaume-Uniont conclu le autres Etats".
11 mars 1961un échange de notes d'où il re:ssortait
notaniment quele Royaume-Uni n'élèveraitplils d'ob- Les questions dela largeur dela mer territoriale et de
jection contre la limite de 12milles; que I'Islafiidecon-l'étenduedelacompétencede1'Etatriverain en matière
tinuerait de s'employerà mettreen Œuvre la r6:jolution de pêcheriesn'ont pu êtrerégléesni par la Conférence
de 19.59relativeà l'élargissement delajuridiction sur de 1958ni par une deuxième Conférencetenue à Ge-
les pkcheries mais notifierait six moisà 1'av:anceau nè.veen 1960.Cependant, par l'effet d'un assentiment
Royaume-Uni toute mesure en ce sens; et que "au cas généraalpparu àcette deuxièmeConférence,deux no-
où suirgiraitundifférendenIlamatière,laquestionserait tions se sont depuis lors cristalllisées en droit cou-
portéle.à la demande de l'une OU l'autre partie, devant tumier : celle d'une zone de pêcheentre la mer ter-
la Cour internationale de Justice". ritoriale et la haute mer,l'intérieurde laquelle 1'Etat
En 1971, le Gouverneme:nt islandais a annoncéque riverain peut prétendreàune compétenceexclusiveen
l'accord sur la compétence en matière de pi!cheries matièrede pêcherieset dont il semble désormaisgéné-
conclu avec le Royaume-Uni prendrait fin et que la ralement acceptéqu'ellevajusqu'à 12milles;et cellede
limite:de la zone islandaise de pêcheexclusive serait droitsdepêchepréférentielsdansleseauxadjacentes à
portée à 50 milles. Par aide-mémoire du 24 février cette zone de pêcheexclusive,en faveurde 1'Etatrive-
1972, cette intention a éténotifiée officii:llement rain setrouvant dans une situationde dépendance spé-
au Royaume-Uni. Celui-ci a déclaréque l'éch.angede ciaieà l'égardde ses pêcheries.La Cour n'ignore pas
notes ne pouvait êtredénoncéunilatéralemen!!et que, ces dernières années,un certain nombre d'Etats
son a,visla mesure envisalzée"n'aurait aucun fonde- ont décidéd'élargirleur zone de pêcheexclusive. Elle
ment en droit internationiilM. Le 14juillet 1972, un onn naîtles efforts~OU~SU~V~S act~ellement SOUS les
nouveau règlement a porte la ]imite de pêchede 1'1s- auspices des Nations Unies en vue de faire avancer,
lande à 50 milles à dater du lerseptembre 1,972et a 10'sd'une troisièmeConférencesurledroitdelamer, la
interdittoute pêche auxnavires étrangers à13i.ntérieur codification et le développement progressif de cette
de cette limite. Son application a donné lieu,pendant branche du droit. Elle n'ignore Pas non plus les Pro-
que se déroulaitla procécluredevant la Cour et que positions et documents préparatoires soumis à Cette
l'Islande se refusaàtreconnaître lesdécisionsdecelle- occasion. Mais, en tant que tribunal, elle ne saurait
ci, àune +rie d'incidents et de négociationsqui ont rendre de décisionsrrbspecie legisferendne niénoncer
le 13 novembre 1Ç173 à un échange (le notes le droit avant que le législateurl'ait édicté.Elle doit
consl,ituantun accord provisoire entre le~o~~~~m~-~~i tenir compte des règlesactuelles du droit international
et l'Islande. Valable deux ans, l'accord prévoit des et de l'échangede notes de l961.
arrangementstemporaires "en attendant un rkglement L'existence de droits de pêche préférentiela s été
du d:ifférendau fond et sans préjudice de la position soutenue pour la premièrefois par l'Islandeà la Con-
juridique nidesdroits del'iinoul'autregouveriiement à fkrence de Genève de 1958,qui s'est bornée à recom-
cet égard". rriander que,

La.Cour estimeque l'existence de ce dernieraccord "lorsqu'il devient nécessaire, dans l'intérêt de la
ne doit pas l'inciteràne pas statuer. En effet, on ne conservation, de limiter la prise totale d'un ou de
peut soutenir que les questions àelle sou mi sisoient plusieurs stocks de poisson dans une régionde la
devenues sans objet, puisq!uele différendsub~lste.Par haute mer adjacente à la mer territoriale d'un Etat
ailleurs, s'il est en dehors des pouvoirs de la Cour de riverain,tous lesautres Etats quipratiquent lapêche
dire quel pourra êtreledroit entre les Partàel'expira- danscette régioncollaborentavec 1'Etatriverain à la
tion de l'accord provisoire,cela ne saurait la décharger solution équitablede cette situation, en établissant
de l',obligationde statuer :surla base du droit tel qu'il d'un commun accord des mesures qui reconnaîtront
existe en ce moment. Enfin il ne faudrait pas décou- tous besoins prioritaires de 1'Etatriverain résultant
rager laconclusion,dansdesdifférends futurs, d'arran- de sa dépendance à l'égardde la pêcherie encause,
gements temporaires destinés à réduireles frictions. compte tenu des intérêtsdes autres Etats".
Re:venant à l'échangede notes de 1961,dont elle a A la Conférencede 1960,la mêmeidéea trouvé son
constaté dans son arrêtde 1973qu'ilest en vigueur, la expressiondans un amendementincorporé à une forte
Cour soulignequece serail:interprétertropétroitement majoritédansl'une despropositionsconcernant lazone
sa clause compromissoire (citée ci-dessus) que d'en de pêche.La pratique contemporaine des Etats montre
conclurequ'elle n'a compiitencequepourrépondrepar que cette notion, de plus en plus largement acceptée,
oui ou par non à la question de savoir si le rkglement est mise en Œuvre par la voie d'accords bilatérauxou
islandais de 1972est conforme au droit international. n~ultilatéraux.En la présente espèce, où la zone de
Il semble évident que le différend entre les parties pêcheexclusive en deçà de 12millesn'est pasen litige,

121 le Royaume-Uni a expressément reconnu les droits cheries encause et entenantcomptedesdroitsd'autres
préférentielsde l'autre Partie dans les eauxcontestées Etats et des nécessitésde la conservation. Il s'ensuit
situées au-delà.Il est hors de doute que l'Islande est que l'Islande n'est fondée en droit nià exclure unila-
exceptionnellementtributaire de sespêcheries et ilpa- téralementlesnavires de pêchebritanniquesdeszones
raît bien que le moment est atteint oùildevient essen- madimes situées au-delàde la limite de 12millescon-
tiel de protéger des stocks de poisson aux fins d'une venue en 1961ni à imposerunilatéralementdesrestric-
exploitationrationnelle et économique. tionsà leur activité. Mais cela ne signifie pas que le
Cependant la notion mêmede droits de pêche pré- Royaume-Uni n'ait envers l'Islande aucune obligation
férentielsenfaveurdes Etats riverains setrouvantdans en ce qui concerne la pêche dans les eauxlitigieuses
une situationde dépendance spécialeimplique que ces entre 12 et 50 milles. Les deux parties ont I'obliga-
droits bénéficientd'une certaine prioritémais non pas tion de continuer à étudier la situation des ressour-
qu'ils puissent abolir les droits concurrents d'autres ces de la pêche dans ces eauxet d'examiner ensemble,
Etats. Le fait que l'Islande soit fondéeà revendiquer sur la base des renseignementsdisponibles,les mesu-
des droits préférentielsne suffitdonc pas àjustifier sa res qu'imposent la conservation, le développementet
prétention d'interdire unilatéralementtoute pêcheaux l'exploitation équitable de ces ressources, en tenant
navires britanniques au-delà de la limite de 12milles compte de tout accord international en vigueur ou à
convenue en 1961. coriclure.
Idaméthodelaplus propre àrésoudreledifférendest
LeRoyaume-Uni afait valoirqueses navires pêchent detouteévidencede négocieren vue decirconscrireles
dans leseauxislandaisesdepuisdes siècles,quedepuis droitset intérêtsdesPartiesetderéglerdefaçonéquita-
plus de cinquante ans leur activité est comparableàce ble des questions comme la limitation des prises, I'at-
qu'elle est aujourd'hui et que leur exclusion aurait des tribution de parts ou les restrictions connexes. L'obli-
conséquences extrêmementgraves. Il s'agitlà aussi de gationde négocierdécouledelanaturemême desdroits
la dépendance économique et des moyens de subsis- respectifsdesPartieset correspond aux dispositions de
tance de collectivitésentières. L'intérêqtui s'attache la Charte des Nations Unies concernant le règlement
la conservation des stocks de poisson est le mêmeque pacifique des différends. La Cour ne saurait admettre
pour l'Islande, laquelle a d'ailleurs admis l'existence que l'intention commune des Parties ait été dene pas
'desintérêtshistoriqueset spéciaudxuRoyaume-Uni en négociertant que leur accord provisoire de 1973res-
ce qui concerne la pêchedans leseauxcontestées. Son terait en vigueur. Leur tâche sera de conduire les né-
règlement de 1972ne saurait donc êtreopposable au gociations dans un esprit tel que chacuned'elles doive
Royaume-Uni : il méconnaît lesdroits établis de cet de bonne foi tenir raisonnablement compte des droits
Etat, ainsi quel'échange denotesde 1961,et ilviolele de l'autre, de la situation locale et des intérêts des
principe (Conventionde 1958sur la haute mer, art. 2) autres Etats ayant dans la régiondes droits de pêche
d'une prise en considération raisonnable des intérêts bien établis.
des autres Etats, y compris le Royaume-Uni.
Un règlementéquitabledu différendexigeque soient
conciliéslesdroitsdepêchepréférentielsdel'Islandeet
les droits de pêchetraditionnels du Royaume-Uni,en
essayant d'apprécier selon le moment le degréde dé- Pour ces motifs, la Cour se prononce (par. 79 de
pendance respective des deux Etats à l'égarddes pê- l'arrêt) comme il a étéindiquéci-dessus.

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