Résumé de l'arrêt du 24 juillet 1964

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5343
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Number (Press Release, Order, etc)
1964/1
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE DE LA BARCELONA TRACTION, LIGHTAND POWER
COMPANY, L~IMITED (EXCEPTIONSPRÉLIMINAIRES)

Arrê dtu 24 juillet 1964

L'affaire de la BarcelonaTraction, Light and Power d'établir queledésistementvisait autrechoseque lafin
Company, Limited (Belgique c. Espagne) avait été de cette instance.
introduite le 19juin 1962par une requêtedu Gouver- Le défendeur, et c'est son troisième argument, dé-
nement belge ayant pour objet la réparation du pré- clarequ'il ya eu uneentente entre lesparties;appelle
judice qui aurait étécausé par le comportement de que les représentants des intérêtsprivés en cause
divers organes de 1'Etatespagnol à des ressortissants avaient pris contact en vue d'ouvrir desnégociationset
belgesactionnairesde la sociétécanadienneBarcelona que les représentants des intérêtsespagnols avaient
Traction.LeGouvernement espagnolaprésentéquatre posé commecondition préalable leretrait définitifde la
exceptions préliminaires. demande.D'après ledéfendeur,on entendaitpar làque
La Cour a rejetéla première exception par 12voix le désistement mettrait fià tout droit d'action pour
contre 4et la deuxièmepar 10voix contre6. Elleajoint l'avenir mais le demandeur conteste qu'il se soit agi
au fond la troisièmeexception par 9 voix contre 7 et la d'autre chose que de la fin de l'instance alors pen-
quatrièmepar 10voix contre 6. dante. La Cour ne trouve au niveau desgouvernements
SirPercy Spender. président, et M1M.Spiropoulos, aucune preuve de l'entente dont le défendeurallègue
Koretsky et Jessup, juges, ont jointà l'arrêt des dé- l'existence:il semble qu'on ait éludéle problème de
clarations. peur de compromettrelesnégociations; ledéfendeur, à
qui lui incombait de préciserla situation, n'a d'ailleurs
M. Wellington Koo, vice-président,et MM. Tanaka formuléaucunecondition lorsqu'ilafait connaître qu'il
et Bustamante y Rivero, juges, ont jointà l'arrêt les ne s'opposait pas au désistement.
exposés de leur opinion individuelle. Ide défendeur avance ensuite un quatrième argu-
M. Morelli,juge, et M. Armand-Ugon,juge ad hoc, ment, fondé sur la notion d'estoppel :en dehors de
ontjointà l'arrêtlesexposésdeleuropiniondissidente. toute entente, le demandeur a, par soncomportement,
trompé ledéfendeur quant àla portéedu désistement;
sinon, le défendeur n'aurait pas consenti au désiste-
ment et, partant, n'aurait pas subi de préjudice. La
Cour ne pense pas que le caractère trompeur des dé-
Première exception préliminaire clarationsfaites du côtébelge soit établi et ellene voit
Dans son arrêt,laCour rappelle que laBelgiqueavait pas ce que le défendeurrisquait de perdreen acceptant
adressée à la Cour le 23 septembre 1958une première de négociersur la base d'un simple désistementd'ins-
requête contre l'Espagneau sujet des mêmesfaits et tance :s'il n'avait pas accepté, la première procé-
que l'Espagne avait alors présenté trois exceptions dure aurait étépoursuivie, tandis queles négociations
préliminaires.Le 23 mai 1961,le demandeur, faisant offraient la possibilitéde régler définitivemenltelitige;
usage de la facultéqueluidonnaitl'article 69,paragra- au surplus, en cas d'échecde ces négociationset de
phe 2, du Règlement,avaitporté àlaconnaissance dela reprise de l'affaire, le défendeur pouvait soulever
Cour qu'il renonçaità poursuivre I'instance; le défen- nouveau les exceptions préliminairesqu'il avait déjà
deur avait notifiéqu'ilne formulait pas d'opposition et présentées.Certes, ledemandeur a rédigé sadeuxième
laCour avaitrayél'affairedu rôle(10avril 1961).Par sa requête en connaissantà l'avance la réponse probable
première exception préliminaire, le défendeuraffirme du défendeuret en tenant compte de celle-cimais. sila
que ce désistement empêchaitle demandeur d'intro- premièreprocédureavait étépoursuivie, il aurait tou-
duire la présente procédure et il énonceà l'appui de jours pu modifier ses conclusionsde la mêmemanière.
cette thèse cinq arguments.
L,e dernier argument est d'un ordre différent. Le
La Cour accepte lepremier argument,d'après lequel défendeurallègueque la présente instance serait con-
un désistementest un acte purement procéduraldontla trairà l'esprit du traitéhispano-belge de conciliation,
véritablesignificationdoit êtrerecherchéedanslescir- de règlementjudiciaire et d'arbitrage du 19juillet 1927,
constances de l'espèce. aui.,selonledemandeur,confèrecompétence à laCour;
En revanche, la Cour ne peut accepter le deuxième ks démarchespréliminairesprévuespar cetraité ayant
argument, selon lequel un désistement doit toujours déjàétéaccomplieslors de la première procédure,on
êtreconsidérécomme emportant renonciation à tout ne pouvait l'invoquer une deuxièmefois pour saisirla
droitd'action pour l'avenirmoinsque ledroitd'inten- Cour des mêmesgriefs. La Courestimequecesdémar-
ter une nouvelle instance ne soitexpressémentréservé. ches ne sauraientêtreconsidéréecsommeépuiséestant
Comme la lettre de désistementdu demandeur en l'es- que le droitd'intenter une nouvelle instanceexiste par
pècene contenait aucun motif et qu'elle était trèsclai- ailleurs et tant que l'affaire n'a pajugée.
rement limitée à l'instance introduite par la première Pources motifs, laCour rejettela premièreexception
requête,la Courconsidère qu'ilincombe au défendeur préliminaire.Deuxièmee-rceptiortpréliminaire compétence.LaCourobserve quelanotion dedroitset
ti'obligations suspendus mais non éteintsest courante
Pourétablirla compétencedela Cour, le demandeur et que les Etats devenus parties au Statut après la
invoque l'effet combinéclel'article 17,4, duitraitéde tiissolutiondelaCourpermanenteétaientcenséssavoir
1927entre la Belgique et l'Espagne, d'après lequel,si que leur admission aurait pour résultat la remise en
les autres méthodesde règlementprévues par ce traité vigueur de certaines clausesjuridictionnellesen vertu
échouent, chaquepartiepeutportertout difféi-end d'or- del'Article37. La thèse contraire du défendeurengen-
dre juridique devant la Cour permanente cle Justice drerait une discrimination entre les Etats selon qu'ils
internationale, et de l'Article 37 du Statut de la Cour :;ontdevenusparties au Statut avant ouaprèsladissolu-
internationale de Justice, ainsi conçu : tion de la Cour permanente.
"Lorsqu'un traité OLIune convention eil vigueur
prévoitlerenvoi à unejuridiction quedevaitinstituer En ce qui concerne plus particulièrement I'arti-
la Société des Nationsou à la Cour permanente de #-,17,4, laCourconsidèrequ'ilfaitpartieintégrantedu
Justice internationale, la Cour internationalede Jus- traitéde 1927.Or il serait difficilede dire que l'obliga-
tice constituera cette juridiction entre les parties au i:ionfondamentale de se soumettre au règlementjudi-
présent Statut." ciaire énoncée dans ce traitédépendexclusivementde
l'existence d'un tribunal désigné. u cas où ce tribunal
A titreprincipal, ledéfendeursoutientque, siletraité disparaît, I'obligation devient inapplicable mais elle
de 1927peutencore êtree:nvigueur, sonarticle 17,4est :surviten substance et elle peut redevenir applicable si
devenu caduc en avril 1946,au moment de 1;adissolu- iunnouveau tribunal est fourni par lejeu automatique
tion de la Cour permanente à laquelle ledit article se d'un autre instrument. L'Article 37 du Statut a pré-
réfère. La Cour actuellen'a pu êtresubstituée à I'an- cisément un tel effet. En conséquence, on doit lire
cienne Cour dans cet article avant la dissolution, puis- maintenantdans letraitéCourinterncrtionaledeJustice
que l'Espagne n'était pas alors partie au Statut; en ;au lieu de "Cour permanente de Justice internatio-
conséquence, le traité de 1927ne contenait plus de nale".
clausejuridictionnelle vaiiablelorsque l'Espagne a été A titre subsidiaire, le défenseursoutientque, sil'Ar-
adrriise aux Nations Unies et est devenue i,asofucto ticle 37 du Statut a redonné vie en décembre 1955 à
partie au Statut (décembre 1955).En d'autres termes, l'article 17,4,dutraité,une obligationnouvelle est alors
l'Article 37n'a jouéqu'entre Etats devenus parties au néeentre les Parties; or, de mêmeque l'obligation
Statut avant la dissolutictn de la Cour permanente et primitivene s'appliquaitqu'aux litigesnésaprèsladate
cette dissolution aentraîriél'extinction des clauses ju- du traité, la nouvelle obligation ne peut s'appliquer
ridictionnelles prévoyant le renvoi à la Coiir perma- qu'auxdifférendsnésaprèsdécembre1955;ledifférend
nente, à moins que l'Article 37 ne les ait auparavant n'est doncpas visé,carilest antérieuràdécembre1955.
transforméesen clauses prévoyant le renvoi à la Cour De l'avisde la Cour, lorsque l'obligationde se soumet-
actuelle. tre au règlement judiciaire est redevenue applicable,
La Cour constate que c:eraisonnement a étéénoncé
pour la premièrefoispar le défendeuraprès1;idécision ellen'apujouer que sur labase dutraitéquilaprévoyait
rendue par la Cour le 26rnai 1959en l'affairerelativeà et ellea continuéde s'appliquer à tout litige néaprèsla
l'Incident aériendu 27jidlet 1955(Israël c. Bulgarie). date du traité.
Or cette affaire concernait une déclarationunilatérale Pour ces motifs, la Cour rejette la deuxièmeexcep-
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour tion préliminairetant à titre principal qu'à titre sub-
permanente et non un traité. Elle visait dclnc I'Arti- sidiaire.
cle 36, paragraphe 5, et lion l'Article 37 du Statut.
Troisièmeet quatrième e-rceptionspréliminaires
Eh ce qui concerne l'Article 37, la Cour rappelle Les troisièmeet quatrième exceptions préliminaires
qu'en 1945ses rédacteurs ontentenduempêcherleplus dudéfendeursoulèventlaquestion de larecevabilitéde
grand nombre possible de clauses juridictioinnelles de lademande.Ledemandeur aconclu àcequ'elles soient
devenir inapplicables à riiison de la dissoluti,onprévue rejetéeset, àtitre subsidiaireà ce qu'elles soientjoin-
de laCourpermanente. Ilest donc difficileda supposer tes au fond.
qu'ilsaientdélibérémenetnvisagéque l'événemena tux
conséquences duquel cet article avait pour but de re- Par satroisièmeexception préliminaire,ledéfendeur
médierpuisseentraîner l'.annulationdes claus,esjuridic- conteste que le demandeur ait qualitépour protégerles
tionnelles dont ils désiraient assurer la sauvegarde. intérêtsbelges au nom desquels il a formulé sa de-
mande. Les mesures incriminéesont été prises àl'égard
L'Article 37n'énonceque trois conditions :ildoit y nonpasdepersonnesphysiques ou morales belgesmais
avoir un traité envigueur, cet instrumentdolitcontenir de la société Barcelona Traction, personne morale
une clauseprévoyantle renvoi àlaCourpermanenteet constituéeau Canada, les intérêtsbelges en cause se
ledifférenddoitopposerdes Etats parties au Statut. La présentant sousla formed'actions decette société.Or
coriclusion en l'espèce doit êtrecelle-ci : k:traitéde ledéfendeursoutientque ledroitinternational n'admet
1927est en vigueur, ilcontient une clause pr15voyantle pas, en casde préjudicecauséparun Etat à une société
renvoi à la Courpermanente et les parties au différend étrangère,une protection diplomatique d'actionnaires
sont parties au Statut; le renvoi doit donc êtrefaitla exercéepar un Etat autre que 1'Etatde la société. Le
Cour internationale de Justice, qui constitue lajuridic- demandeur conteste cette manièrede voir.
tion compétente. La Cour constate que la qualitéd'un gouvernement
On objecteque cette manièrede voir aboutità ce que pour protéger les intérêts d'actionnaires soulèvela
la clause juridictionnelle en question a cessé d'être question préalablede la situationjuridique des action-
applicable et l'estredevenue après un certain nombre naires telle que le droit international la reconnaît. Le
d'années et on demande si. dans ces ~on~ditions,le demandeur invoque donc nécessairement des droits
défendeuravéritablementdonnéson conseni:ement à la qu'ilestime luiêtreconférés.enfaveurde ses ressortis-sants, par les règlesde droit international relatives au pour sa décision.La procédure surlefond mettradonc
traitementdesétrangers. Dire qu'iln'a pas qualitépour laCour à mêmedestatuer enmeilleureconnaissancede
agir équivaudraitde la part de la Courà conclure que cause.
ces droits n'existent pas et que la demande est injus- Ces considérations s'appliquent à fortiorià la
tifiéequant au fond. quatrièmeexceptionpréliminaire,par laquelleledéfen-
deiir allèguele non-épuisementdes recours internes.
Latroisièmeexception a, àcertainségards,uncarac- Cette allégationest en effet inextricablement liée aux
tère préliminairemais elle comporte un tel enchevê- questions de déni de justice qui constituent la plus
trement de questions dedroit, de fait et de qualitépour grande partie du fond de l'affaire.
agir que la Cour ne saurait se prononcer sur elle au
présent stadeaveclapleineassurance d'êtreenposses- 1%conséquence, la Courjoint au fond les troisième
sionde touslesélémentspouvantavoirde l'importance et quatrième exceptions préliminaires.

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