Résumé de l'arrêt du 20 juin 1959

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4807
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1959/3
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE RELATIVEÀ LA SOUVERAINETÉ
SUR CERTAINESPARCELL.ES FRONTALIÈRES

Arrêd t u 20juin 1959

L'affaire relatiàela souveraineté surcertaines par- '"letatut quo sera maintenu, tantàI'tgard des villa-
celles frontalières avait étésoumise à la Cour par la gesde Baarle-Nassau(Pays-Bas) et Baerle-Duc(Bel-
Belgique et par les Pays-Bas en vertu d'un compromis gique) que par rapport aux chemins qui les tra-
intervenu entre ces deuxgouvernements le7mars 1957. versent".

Par ce compromis, la Courétait invitéeàdéterminer L.e travail de la Commission mixte de délimitation
si la souverainetésur lesparcellescadastrales connues aboutit au texte de la Convention de délimitationdu
de 1836 à 1843sous les numéros91 et 92, section A, 8août 1843,ratifiée le3octobre 1843.Le Procès-verbal
Zondereygen,appartenait au Royaume de Belgiqueou descriptif de la frontière annexéà cette convention
au Royaume des Pays-Bas. Par 10voix contre 4. elle a indique en son article 90 comment il est procédé lors-
ditque la souverainetésurcesparcellesappartenait àla que la détermination de la frontière arrive au terri-
Belgique. toiredescommunesdeBaarle-Nassauetde Baerle-Duc
et expose que les commissairesdémarcateurs ont dé-
Sir Hersch Lauterpacht ajoint àI'arrêtune dtclara- cidtSque le Procès-verbal communal de 1841,"cons-
tion expliquant les raisons pour lesquelles ilavait voté tatantlesparcellesdontsecomposent lescommunes de
en faveur d'un arrêtdéterminant que la souveraineté Bae:rle-Ducet de Baarle-Nassau, est transcrit mot à
sur les parcelles litigieuses appartenait.aux Pays-Bas. mot dans le présent article".
M. Spiropoulos a égalementjoint à I'arrêtune déclara- Or,dans la partie du Procès-verbaldescriptif de 1843
tion expliquant que, ayant à choisir entre deux hypo- qui reprend le Procès-verbal communal de 1841, on
thèses conduisant à des résultats opposés. il croyait li:
devoirdonner lapréférence àl'hypothèsequiluiparais-
sait la moins spéculative,c'est-à-dire,son avis, celle "Les parcelles no'78à 90inclus appartiennent àla
des Pays-Bas. MM. Armand-Ugon et Moreno-Quin- commune de Baarle-Nassau.
tana, se prévalant des dispositions de l'article 57 du "Les parcelles no'91et 92appartiennent à Baerle-
Statut. ont jointàl'arrêt l'exposéde leur opinion dis- Duc.
sidente. "Les parcelles no'93 à 111inclus appartiennent à
X Elaarle-Nassau."
x x
En outre, le plan sptcial annexé à la Convention
Dans son arrêt,lacour constate qu'il existe dans la de délimitation indiqueles parcelles litigieusescomme
région nordde la ville belge de Turnhout un certain appartenant à la
nombre d'enclaves forméespar la commune belge de L.eGouvernement belge invoque les termes du Pro-
Baerle-Duc et par la commune néerlandaisede Baarle- cès-verbal communal, tels qu'ils figurent au Procès-
Nassau. Le territoire de la première est faitd'une série verbal descriptif, pour soutenir que les parcelles 91 et
de parcelles dont un grand nombre sontenclavéesdans 92ont étéreconnues comme appartenant àlacommune
lacommune de Baarle-Nassau.Plusieursportionsde la de IBaerle-Ducet que la souveraineté sur ces parcelles
commune de Baerle-Duc sont isolées, non seulement appartientà la Belgique.
du territoire principal de la Belgique maisencore l'une
de l'autre. L,eGouvernement néerlandais,de soncôté,soutient
que la Convention de 1843n'a rien fait de plus que de
A la suite de tentatives pour déterminer les ]imites reconnaîtrel'existence du statu quo, sans ledéfinir.Ce
entrelesdeuxcommunesetlesfrontièresentre lesdeux statu qirodoit êtredéterminéconformémena tuProcès-
pays, un procès-verbaldit communal^ verbal communal,en vertu de quoi la souverainetésur
a étéétablipar les autoritésdes deux communes entre les parcelles litigieuses a étéreconnue comme appar-
1836et 1841.Un exemplairede ce procès-verbal a étt tenant aux Pays-Bas.
produit par lesPays-Bas. Sous la rubrique "Section A, Subsidiairement, le Gouvernement néerlandais sou-
dite Zondereygen", il énonce : tient que, même sila Convention de délimitation a
entendu statuer sur la souveraineté, la disposition qui
''Les parcelles 78à 111inclus appartiennent à la vise lesparcelles litigieuses était entachée d'erreur.La
commune de Baarle-Nassau." simple comparaison entre les termes du Procès-verbal
descriptif et ceux du Procès-verbal communal le dé-
part,à lasuitede laséparationentrelesPays- montre.
Bas et la Belgique en 1839,une Commission mixte de
délimitationavait étéchargéededtterminer les limites Très subsidiairement, le Gouvernement néerlandais
des possessions des deux Etats. Un Traité de limites, soutient que, s'ildevait êtredécidé quela Convention
intervenu entre eux en 1842et entréen vigueur en 1843, de (lélimitationa fixéla souveraineté sur les parcelles
proclamait dans son article 14que litigieuses et n'est pas entachéed'erreur, les actes de

66 souverainetéaccomplis par luidepuis 1843siirces par- dait reprendre au Procès-verbaldescriptif, annexé à la
celles ont déplacéletitrejuridique résultantde la Con- Convention de 1843et faisant partie de celle-ci, le texte
vention et établila souveraineté des Pays-Bas. duProcès-verbalcontenudansl'exemplaire produit par
les Pays-Bas.
Dans son arrêt,laCour examine successivementces
trois moyens. La Cour rappelle que la tâche de la Commission
inixte était essentiellementde définirlestatri qrro.
De l'examen des documents produits sur les tra-
vaux de la Commission mixte de délimitation etdes
Pour répondre àlapremièrequestion :laConvention correspondances qui s'y rapportent, la Cour tire la
de 1843a-t-elle détermirléelle-mêmela souveraineté conclusion que les deux exemplaires du Procès-verbal
sur les parcelles ou s'est-elle bornéeà un renvoi au communalaux mains des Commissions néerlandaiseet
stntu qriola Cour examine les travaux de la Commis- belgeétaienten contradiction quant à l'appartenance à
sion de délimitationconstatéspar les procès-verbaux. i:elleou telle commune des parcelles litigieuses. Elle
De cet examen, il ressort.que, àdater du 4 septembre estimeque les hypothèses présentéespar les Pays-Bas
1841, le travail de délimitations'est poursiiivi sur la pour expliquer comment l'exemplairedu Procès-verbal
base du maintien du stntri qrret que, à la :séancedu i:ommunalaux mainsde laCommissionnéerlandaisese
4 avril 1843, la Commission mixte de délimitationa présentait avec la rédaction quel'on retrouve dans le
adopté le texte d'un article qui prescrivait, dans les :Procès-verbaldescriptifne réussissentpas à démontrer
terrnes figurant auProcks-verbal descriptif., la trans- ::'erreur.
cription mot à mot du Procès-verbal comcnunal. Ce
faisant, la Commission mixte a attribué les parcelles Les Pays-Bas ayant soutenu qu'ils n'avaient pas
1itig:ieusàsla Belgique. besoin de démontrer l'origine de l'erreur puisque la
simplecomparaisondes deux documents montrait suf-
L,aCour est d'avis que lacompétencede la.Commis- 17sammentqu'une erreur avait étécommise, la Cour
sion mixte de délimitationpour départager les deux répondqu'il n'est paspossible de trancher la question
communes ne fait aucun doute. Cela résulte de I'arti- sur cette base étroiteet qu'elle doit vérifierquelleétait
cle 86du Traitéentre lesPays-Baset la Belgique,conclu ]:'intentiondes parties d'après les dispositions d'un
à Londres le 19avril 1839.où il est dit : traité.à la lumière des circonstances. Elle constate
"'...lesdites limites seront tracées,conformément à iqu'en'avril1843les deux Commissions étaient enpos-
ces mêmesarticles, par des commissairi:s démar- :session d'exemplaires du Procès-verbal communal
cateurs belges et hollandais, qui se réunirontle plus depuis 1841. La différence quant à l'attribution des
tôt possible...", iparcelles91et 92entreces exemplairesétaitconnuedes
et cela est confirmépar le préambulede la Convention deux Commissions et a dû faire l'objet de discussions
de délimitationde 1843. ~rntreelles.Dans lesplansparcellairesétablispourfaire
:partiede la Convention de délimitation, il étaitclai-
Touteinterprétation qciiferaittenir laConvention de rement montré, etd'une façon qui ne pouvait échapper
délimitationcommelaissanten suspensetabandonnant ,Bl'attention, que les parcelles appartenaientà la Bel-
à uneappréciationultérieuredu statu quolaclétermina- gique. Au surplus, le rôle de la Commission n'étaitpas
tioride l'appartenance àl'unou l'autre Etat clesparcel- #celudi 'un simplecopiste, sa tâche étaitde vérifierquel
les litigieuses serait incompatible avec l'interitioncom- 'étaitlestatu quo. A sa 225'séance,elle a attribuéla
mu-nedes parties ainsi in.diquée. souverainetésur les parcelles litigieusesàla Belgique.
Sur le premier moyen, la Cour conclut qiie la Con- 'Cettedécisiona trouvé sonexpressiondans laConven-
vention aeffectivementfixéceluidesdeux Etats auquel .tiende délimitation.
appartenaient les différentes parcelles des cleuxcom- De l'avis de la Cour, en dehors de la simple com-
munes et que, d'après ses termes, ila étédécidéque les paraison entre le texte du Procès-verbal descriptif et
parcelles litigieuses appa.rtenaienà la Belgique. celui du Procès-verbalcommunalproduit par les Pays-
Bas, tous les efforts pour démontreret expliquer I'er-
reur alléguéereposent sur des hypothèses qui ne sont
pasplausiblesetqui ne sontpas étayéespardespreuves
Sur le second moyen tiré del'erreur, la Caur expose suffisantes. La Courestime qu'ilestétabli àsasatisfac-
dans son arrêt que cette thèsepeut êtreénoncée dela tion qu'il n'y a pas eu d'erreur et que la validitéet la
manièresuivante :le Proizès-verbaldescriptif de 1843a Forceobligatoire des dispositions de la Convention de
énoncé quele Procès-verbal communal de 1841cons- 1843se rapportant aux parcelles litigieuses n'en sont
tatantles parcelles dont sr composent lesconimunes de pas affectées.
Bade-Duc et de Baarle-.Nassau serait transcrit "mot
à niot" dans l'article 90 du Procès-verbal ;descriptif.
Or, lacomparaison entre l'exemplaireduProcès-verbal
cornmunalproduitpar lesPays-Baset le Proi:ès-verbal Ledernier moyen avancéparlesPays-Bas estqueles
descriptif révèlequelepremiern'a pasété transcrit mot actes de souveraineté accomplispar eux depuis 1843
à niot, puisque le Procès-verbaldescriptif attribue les ont établileur souveraineté surles parcelles. La ques-
parcelles 91 et 92à la Belgique, alors que ledit exem- tion qui se pose à la Cour est donc de savoir si la
plairedu Procès-verbalcommunalles attribue àBaarle- Belgique a perdu cette souveraineté faute d'avoir
Na:ssau. exercé sesdroits et pour avoiracquiescé à des actesde
souverainetéprétendument exercéspar lesPays-Bas à
IdaCour estimeque la simplecomparaisori des deux différentesreprises depuis 1843.
doc:uments ne démontreDasl'existence d'une erreur.
Poiir faire cette démonskation, les Pays-Bas doivent La Cour rappelle différents actes accomplis par la
éta'blique la Commissionmixte de délimitationenten- Belgiqueet qui montrent qu'elle n'a jamais abandonné
67sa souveraineté : publication de cartes d'état-major, Belgique. Ils invoquent égalementune procédureinten-
inscription des parcelles au cadastre, inscription d'ac- téeen 1851par la commune de Baerle-Duc devant un
tes de mutation au cadastre de Baerle-Duc en 1896et tribunal de Breda et divers autres actes qui consti-
1904.En revanche, les Pays-Bas font étatde I'inscrip- tueraientl'exercice delasouveraineté néerlandaisesur
tion aux registresde Baarle-Nassaudeplusieurs muta- les parcelles, sans oppositionde la part de la Belgique.
tions foncières se rapportantauxparcelles,de I'inscrip- IdaCour constate que dans une large mesure ils'agit
tion d'actes de I'étatcivilau registre de cette commune. là (l'actes courants et d'un caractère administratif qui
C'est en juillet1914qu'une enquêteofficielle belge a sont la conséauence de I'inscri~tion Dar les Pavs-Bas
amené ladirecteur du cadastre d'Anvers àfaire savoir des parcelles lhigieuseà leur cadastre: contrairekentà
au Ministre des finances de Belgique qu'il jugeait né- laConvention de délimitation.Ilssont insuffisants pour
cessaire que la question fût soumise au Ministère des déplacer la souveraineté belge établie par cette con-
affaires étrangères de Belgique. La première guerre
mondiale survint alors. En août 1921,le Ministre de vention.
Belgique à La Haye a attiré l'attention du Gouver- L,aCour note en outre que, dans une convention non
nement néerlandais sur le fait que les deux parcelles ratifiéeentre les deux Etats remontant à 1892,la Bel-
litigieuses appartenantà Baerle-Ducfiguraient dansles gique consentait àcéder aux Pays-Bas les deux parcel-
documents cadastraux des deux Etats. C'est en 1922 les litigieuses. Sansdoute cette convention non ratifiée
que les autorités néerlandaises ont, pour la première n'a crééni droits ni obligations, mais ses termes mon-
fois, prétendu que le Procès-verbal communal de 1841 trent qu'à cette époque la Belgique affirmait sa sou-
avait étéreproduit de manièreinexactedans le Procès- verainetésur les deux parcelleset que les Pays-Bas ne
verbal descriptif de 1843et que les parcelles 91 et 93 l'ignoraient pas. Ni en1892ni à aucune époquedepuis
appartenaientaux Pays-Bas.Outre l'incorporationdes lors, les Pays-Bas n'ont rejeté les assertions belges de
parcelles au cadastre néerlandais, la transcription des souveraineté,jusqu'au jour où le différends'est élevé
mutations foncières sur les registres néerlandais et ent:reles deux Etats en 1922.La Cour constate que la
l'inscription des actes de I'état civilau registre com- souveraineté de la Belgique établie en 1843 sur les
munal de Baarle-Nassau, les Pays-Bas invoauent la parcelles litigieuses ne s'est pas éteinte.
perception de l'impôt foncier néeilandais sur les deux C'est pour ces motifs que la Cour arrive à la con-
parcelles sansrésistance ou protestationde lapartde la cluijion qui a étéénoncéeplus haut.

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