Résumé de l'arrêt du 28 novembre 1958

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2265
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Number (Press Release, Order, etc)
1958/1
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE RELATIVE À L'APPLICATION DE LA CONVENTION

DE 1902POURRÉGLERLA TUTELLEDESMINEURS

Arrêt du 28 novembre1958

L'affaire relatiàel'application de la Conventionde suédoisde Norrkopingannulait l'enregistrement antC-
1902pour régler la tutelle des mineurs, entre les Pays-rieur de la tutelle du pèreet rejetait une demandeten-
Bas et la Suède, concernait la validitéde la mesure dant à relever le curateur suédoisde ses fonctions.
d'éducation protectrice (skyddsuppfostp rrie)par Enfin, le 21 février 1956. la Cour suprêmeadminis-
les autorités suédoisesàl'égardd'une mineure, Marie trative suédoiseavait, par un dernier arrêt,maintenu la
Elisabeth Boll, de nationalité néerlandaise, résidant mesure d'éducation protectrice.
en Suède. Alléguantl'incompatibilitéde cette mesure L,'arrêdte la Cour internationale dejustice constate
avec les dispositions de la Convention de La Haye de que, dans l'ensemble des décisionsintervenuessoit en
1902pour régler latutelle des mineurs, aux termes de Suèdesoitau Pays-Bas,celles qui visentl'organisation
laquelle c'est la loi nationale de ceux-ci qui doit s'apdelatutellesonthorsdecause. Le différendserapporte
pliquer, les Pays-Bas, dans leur requête introductive aux décisions suédoisesqui ont institué et maintenu
d'instance, demandaient à la Cour de déclarerla me- I'éducationprotectrice. C'est sur elles uniquement que
sure d'éducation protectrice non conformeaux obliga- la Clourdoit statuer.
tions qui incombent à la Suède en vertu de la Conven-
tion et d'en prescrire la mainlevée. Aux yeux du Gouvernementdes Pays-Bas, I'éduca-
Par 12voix contre 4, la Cour a rejetécette demande. tion protectrice suédoise met obstacleà ce que la mi-
MM. Kojevnikov et Spiropoulos.juges, ont joint à neuresoit remise àlatutrice, alorsque laConventionde
1902établitquelatutelledes mineurs est régiepar laloi
I'arrêtdes déclarations. nationale de ceux-ci. L'exception visée parl'article 7
M. Badawi, sir Hersch Lauterpacht. MM. Moreno de la Convention ne s'applique pas, parce que l'édu-
Quintana, Wellington Koo et sirPercy Spender,juges, cation protectrice suédoise n'est pas une mesure per-
se prévalant du droit que leur confère l'Article 57 du mise par cet article et parce que la conditiond'urgence
Statut, ont joint l'arrêt l'exposde leur opinion indi- exigéen'a pas étéremplie.
viduelle.
M. Zafrulla Khan, vice-président, a déclaré serallier De son côté,le Gouvernement suédois ne conteste
d'une façongénérale à l'opiniondeM. WellingtonKoo. pas que l'éducation protectrice entrave temporaire-
ment la garde que détient la tutrice en vertu du droit
MM. Winiarski et Cordova, juges, et M. Offerhaus, néerlandais,mais ilsoutient que cette mesure ne cons-
juge ad hoc,se prévalant du droit que leur confère titue pas une violation de la Convention de 1902,en
l'Article57 duStatut, ontjointàI'arrêtl'exposéde leur premier lieu parce que, quand cette mesure a étprise,
opinion dissidente. ledroit degardeappartenant au pèreétaitunattribut de
Rappelantlesfaits essentiels et non contestésqui se la puissance paternelle qui n'est pas régiepar la Con-
vention de 1902;une tutriceayant succédé àce droit, la
mineure néerlandaiseMarie Elisabeth Boll est néedu la Convention de 1902 nes'applique pas davantagedans
soncas. En second lieu, laloisuédoisesurlaprotection
mariage de Johannes Boll. de nationaliténéerlandaise, de I'enfance est applicableà tout mineur domiciliéen
et de Gerd Elisabeth Lindwall,décédéele 5 décembre Suède; la Convention règleexclusivementdes conflits
1953. A la demande du père, les autorités suédoises de lois relatifs la tutelle, et l'éducation protectrice
avaient tout d'abord, le 18 mars 1954.,enregistré la étantune mesure d'ordre public ne constitue pas une
tutelle de celui-ci et nomméun curateur à la mineure, violation de cette Convention :les Etats contractants
conformément audroit suédoissur la tutelle. Puis, le conservent le droit d'imposer aux pouvoirsdes tuteurs
26avril 1954,l'enfant avait étéplacéepar lesautorités étrangers leslimitations réclamées par l'ordrepublic.
suédoises sous le régimede I'éducation protectrice, Sur le premier moyen invoquépar la Suède,la Cour
organiséparl'article22adelaloisuCdoisedu6juin 1924 constate que la distinction entre la périodeoù le père
sur la protection de I'enfance et de lajeunesse.
Le 2juin 1954,lejuge cantonal d'Amsterdam avait était investi de la tutelle et celle où la tutelle a été
organiséla tutelle conformémentau droit néerlandais. confiée àun tiers peut conduirà distinguer entre I'éta-
Le père et le subrogé-tuteur avaient alors sollicité la blissement initial du régimede I'éducationprotectrice
mainlevéede I'éducation protectrice, demande qui fut et son maintien en face de la tutelleconféràun tiers.
rejetée par le Gouvernement de la province d'Oster- La Courestimen'avoir pas às'attacherà cette distinc-
gotland. Le 5août 1954,letribunal depremièreinstance tion. Les motifs de sa décision s'appliquentI'ensem-
de Dordrecht, à la demande du conseil de tutelle de ble du différend.
cette ville, etavec leconsentement dupère,avaitrelevé Pour apprécierla valeur de la thèse d'aprèslaquelle
celui-cideses fonctions de tuteur et désigen son lieu 1'Cducationprotectrice constitue une tutelle rivale de la
et place une tutrice, en prescrivant que l'enfant seraittutelle néerlandaise, I'arrêtnote qu'un certain nombre
remise à celle-ci. Le 16 septembre 1954, le tribunal de dkcisions suédoises relativeà l'administration desbiens de la mineure procèdent de la reconnais!;ance de portant sur un objet différent et dont l'effet indirect
la tut.ellenéerlandaise. lirniterait, sans le supprimer. le droit de garde du tu-
teur? La Cour estime que l'admettre seraitdépasserle
L'iirrêtde la Cour suprê.me administrative tlu 21 fé- biit de la Convention qui se limiteaux conflits des lois.
vrier 1956mériteune mention particulière. lia Cour Si la Convention avait entendu réglerle domaine d'ap-
supriimeadministrativen'a pas contestélaqualitédela plication de lois telles que la loi suédoise surla protec-
tutrice pour agir; elle aar là reconnu sa quahité.Elle tion de I'enfance, celle-ci devrait êtreappliquée aux
n'a pasélevél'éducation protectriceen institutiondont mineurs suédoisenpaysétrangers.Or. nuln'aprétendu
l'effet serait d'absorber complètement la tutelle néer- lui attribuer un tel effet extraterritorial.
landaise. Elle s'est bornée,pour des motifs qui ne re-
Ièveritpas del'examen delaCour, ànepasfaire:droitau L'arrêt reconnaîtque latutelle et l'éducation protec-
désirdelatutrice. Enfin,sous lerégimeainsimaintenu, trice ont certains buts communs. Mais, si l'éducation
celui à qui l'enfant a étéconfiéeen application de la protectricecontribue àlaprotectiondel'enfant, elleest
mesure d'éducation protectricen'a pasla qualitéet les erimêmetemps et surtoutdestinée àprotégerla société
droits d'un tuteur. contre les dangers résultant de la mauvaise éducation,
dc l'hygiènedéfectueuseou de la perversion morale de
L'éducation protectrice. telle qu'ellepparaît dans lajeunesse. Pour atteindre son but de protection indi-
les données defait du litige, ne saurait êtreconsidérée viduelle, la tutelle, d'après la Convention. a besoin
comme une tutelle rivale de celleconstituéeaux Pays- d"êtrerégiepar la loi nationale du mineur. Pour attein-
Bas conformément à la Convention de 1902. dre le sien, la garantie sociale, la loi suédoise sur la
protection de I'enfance a besoin de s'appliqueà toute
Erirejetant lademandede latutrice, laCoursuprême lajeunesse vivant en Suède.
administrative suédoise s'est sans doute bornée àsta-
tuer sur le maintien de l'éducation protectricemais, en
mêm.e temps, elle a appofléun obstacle au plein exer- On a soutenu que la Convention de 1902devait s'en-
cice du droit de garde appartenant àla tutrice. tendre comme comportant une réserveimplicite auto-
Pour savoir si c'est là u:nmanquement à la Conven- risantàfaire échec,pour motifs d'ordre public, à l'ap-
tion de 1902qui prescritquie"l'administration tutélaire p:licationde la loiétrangèrenormalement compétente.
s'étend à la personne. ..du mineur", la Cour a estimé La Cour n'a pas estimé nécessairedese prononcer sur
n'avoir pas à rechercher ].esmotifs des décisionscri- cette thèse. Elle s'est attachée à savoir plus direc-
tiqueies.En présence d'une mesure établieen applica- tement si, compte tenu de son objet, la Convention
tion d'une loi suédoise,elle doit dire si l'établissement d,e 1902pose des règles que les autorités suédoises
et le maintien de cette mesure sont incompatibles avec auraient méconnues.
la Convention. Pour cela, elle doit déterminerquelles
sont les obligations imposées par cette Corivention, Dans cette recherche, la Cour a constaté quelaCon-
jusqii'où elles s'étendente:tsi la Convention a entendu vention de 1902s'est placéeen face d'un problèmede
interdirel'applicationàunemineure étrangèred'uneloi clonflitde lois de droit privé etqu'elle a donnéla pré-
telle que la loi suédoisesur la protection de I'enfance. ftirenceàla loi nationale du mineur. Mais quand on se
demande quel est le domaine d'application de la loi
LaConvention de 1902prescrit I'applicatioride la loi suédoiseou de la loi néerlandaisesur la protection de
nationale du mineur, qu'elle étend expressérnent à la I'enfance, onconstate que les mesuresprévues ont été
personneet à l'ensembledes biens du mineur, maiselle prises en Suèdepar un organe administratif qui nepeut
ne va pas au-delà. Son objet a étéde mettre fin aux agir que selon sa propre loi. Ce que lejuge suédoisou
oppositions devues toucharntlapréférence àdonner à la néerlandaispeut faire en matière de tutelle, à savoir
loi nationale du mineur, à la loide son domicile, etc., appliquer une loiétrangère,lesautoritésde cespays ne
mais sans établir, spécialement dans le dornaine du peuvent le faire en matière d'éducation protectrice.
droit.de garde, une immunitédu mineur et du .tuteurau L.'extensionà cette situation de la Conventionde 1902
regard de l'ensemble de la législation locale. La loi conduiraità une impossibilité.Cette convention a pour
nationale et laoilocalepriisentent parfois des pointsde but de mettre fin à la prétention concurrente de plu-
contact. Mais il n'en résultepas quela loinationale du sieursloisde réglerun mêmerapportdedroit. Unetelle
mineur doive alors l'emporter toujours sur la loilocale prétentionconcurrente n'existe pas quand il s'agitdes
et que l'exercice des pouvoirs du tuteur échappetou- loissur laprotection de I'enfance etdelajeunesse. Une
jour:<àl'applicationdes loislocalesportant sur.d'autres telle loi n'a pas et ne peut avoir d'aspirations extra-
objets que l'attribution de la tutelle et la déterminationterritoriales. Une interprétation extensive de la Con-
des :pouvoirset ob1igation.sdu tuteur. vention conduiraità une solution négativesi l'on refu-
sait d'appliquer la loi suédoiseaux enfants néerlandais
Les lois locales sur l'instruction obligatoire, la sur-vivant en Suède,la loi néerlandaise surle mêmeobjet
veillancesanitairedesenfants, laformationprofession- ne pouvant s'appliquer à eux.
nelle ou la participation de la jeunesseà certains tra-
vaux sont applicables aux étrangers. Le droit de garde Ilestà peine besoin d'ajouter, dit laCour, qu'aboutir
du tuteur, qu'il tient dearloi nationale du mineur, ne àune solution écartantl'application de la loi suédoise
peut mettre obstacle à l'application de ces loisà un sur la protection de I'enfance à un mineur étranger
mincur étranger. vivantenSuèdeseraitméconnaîtrelebut socialdecette
loi. La Cour a déclaréne pouvoir aisément souscrire à
L"arrêtconstate que la iloisuédoisesurla protection une interprétationde la Convention de 1902qui ferait
de l'enfance et de lajeunesse n'est pas une loi sur la u.nobstacle sur ce point au progrès social.
tutelle et qu'elle s'applique. que le mineur soit sous la
puissancepaternelleou so,ustutelle. La C~nv~entiode Il apparaît ainàila Courque, malgréleurs points de
1902a-t-elleentendu prohiber I'applicationde toute loi contact et lesempiétementsquelapratiquerévèle.laloisuédoise sur la protection de l'enfance ne rentre pas relevé demanquement àlaConvention àlachargede la
dans le cadre de la Convention de 1902sur la tutelle. Suède.
Celle-ci n'a donc pu créerdes obligationsà la charge
des Etats signataires dans undomaine étranger à ses Pour ces motifs. elle a rejetéla demande du Gouver-
préoccupations. Dès lors, la Cour. en l'espèce, n'a pas nement des Pays-Bas.

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