Résumé de l'arrêt du 15 juin 1954

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4763
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Number (Press Release, Order, etc)
1954/1
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Résumés des arrêts, avis conDocument non officielces de la Cour
internationale de Justice

AFFAIRE DEL'ORMONÉTAIREPRIS À ROMEEN 1943

ALrrê dut 15juin 1954

L,'affairede I'or monétairea étéintroduitedevant la gouvernements nommèrent une commission tripartite
Courpar une requêtede laRépubliqueitalienne contre pour les assister en la matière. En ce qui concerne une
la F:épubliquefrançaise, le Royaume-Uni de Grande- quantitéd'or enlevée àRomeen 1943et quiappartenait
Bretagne et d'Irlande du Nord et les E;tats-Unis iila Banque nationale de I'Albanie. la commission tri-
d'Amérique. partite. saisie de réclamationscontradictoires de l'Al-
L,aCour était invitée à trancher des questionsjuri- banie et de l'Italie, ne put se prononcer. Les trois
diques de la solution desquelles dépendait ].aremise, gouvernementsconvinrent alorsde soumettre la ques-
soità l'Italie, soitau Roysiume-Uni,d'unequiintitéd'or tion à un arbitre (accord de Washington du 25 avril
monétaire prise à Rome en 1943par les Allemands, 1951).En mêmetemps, ilsconstatèrent (déclarationde
récupérée en Allemagne et reconnue appartenir à l'Al- 'Washingtonde la même date)que sil'arbitre sepronon-
banie. Le Royaume-Unifaisait valoir que la Cour avait (;aitenfaveurde I'Albanieilsse trouveraientdevant un
condamnél'Albanie à le dédommager pourles dégâts autre problème,l'orétantréclamé àlafoispar l'Italieet
causéspar les explosions survenues en 1946dans le parleRoyaume-Unipourdesraisons non couvertespar
détroit de Corfou et que l'indemnité à elle due ne lui liapartie III de l'accord de Paris; et ils décidèrent que
avaitjamais étéversée. De son côté,I'Italieprétendait ],'orserait remis au Royaume-Uni en satisfaction par-
en premier lieu qu'elle avait une créance contre l'Al- tielle de l'arrêt dela Cour du 15 décembre 1949en
banie, à la suite de mesuiresde confiscation qu'aurait il'affairedu détroitde Corfou. à moins que. dans un
prises le Gouvernement de ce pays en 1945,et en se- certain dClaiaprèsleprononcéde l'avisarbitral, ou bien
conidlieu que cette créa.ncedevait avoir prioritésur :l'Albaniede son côtéait saisi la Cour pour l'invitàr
celle du Royaume-Uni. .statuersur sespropres droits, ou bien l'Italie ait saisila
L,eGouvernement italien, se prévalant dt: la décla- #Couren vue dedéciderpremièrementsi, dufaitde tous
ration signée à Washington le 25 avril 19!il par les 'droitsqu'elle prétendavoir par suitedudécretalbanais
Gouvernements de la France, du Royaume-Uni et des ,du13janvier 1946ou des clauses du traité depaix avec
Eta.ts-Unis.a saisi laCour de ces deux questions. Mais, ['Italie, I'or doit lui êtreremis plutôt qu'à l'Albanie,
aprèsledépôtde sarequête, ilaéprouvédesdoutessur ,deuxièmement,si. dans le cas où la question se pose-
la compétencede la Coiir et il l'a priéede statuer au rait, laprétentionitalienne doitou nonavoirprioritésur
préalable à ce sujet. la prétentiondu Royaume-Uni.
C'est ainsique.dans ledélaiprescrit,l'Italiea saisila
C'est sur la question de sa compétenceque la Cour Cour par une requêtequi a fait l'objet des communica-
s'est prononcée. Elle a jugé, premièremen:t. à I'una- tions habituelles aux Etats admis à ester en justice
niniité,que, sans le corisentement de l'Albanie, elle devant la Cour, et qui a égalementététransmise au
n'étaitpas autoriséeàstatuer sur lacréancequeI'Italie Gouvernement albanais.
aurait contre l'Albanie; e:t,deuxièmement, par 13voix Les délaispour le dépôt despiècesde la procédure
coritre une, que la question de la prioriténe pourrait sécritefurent alors fixéspar la Cour. Toutefois, au lieu
poser que si la première question avait et6 résolueen deprésentersonmémoiresurlefond, leGouvernement
faveur de l'Italie. italien a mis en doute la compétencede la Cour pour
M. Levi Carneiro,juge, ajoint à l'arrêt l'exposde connaître de la premièrequestion :celle du bienfondé
sonopiniondissidente (sur ladeuxièmequestion); deux de la prétentionitalienne contre l'Albanie. Les parties
autres membres de la Cour (sir Arnold McNair, pré- ayant étéinvitéesà exposer leurs vues sur le problème
sident, etM. Read,juge), tout en ayant voté enfaveur ainsi soulevé,le Gouvernement italien a fait valoir que
de la décision,ontjointà.l'arrêtl'un une déclarationet la Cour n'avait pas titre suffisànse prononcer puis-
I'aiare une opinion individuelle. qu'en réalitél'actioviséepar la déclarationdeWash-
ington se dirigeait contre'Albanie et puisque ce pays
n'étaitpas partie au procès.Quant au Royaume-Uni. il
a vu dans la contestation de compétence de l'Italie un
motif pour mettre en doute la valeur de la requête,qui
L'arrêtrappelle d'abord les faits. L'affaire trouve devrait être considéréecomme non conforme à la dé-
solioriginedans lapartie III del'accord concernantles claration de Washington. ou comme nulle et non ave-
réparationsà recevoir de l'Allemagne(Paris, 14janvier nue, oucommeretirée.Les deuxautres gouvernements
1946),où ilest dit que I'or monétairerécupéréen Alle- défendeurs - France. Etats-Unis - n'ont pas déposé
magne sera réunien une masse commune pour être de conclusionsformelles.
répartiauxayantsdroit. LaFrance, leRoyaiime-Uniet
les Etats-Unis sont signataires de l'accord,. ainsi que Aprèsavoir ainsi rappeléles faits, la Cour examine
1'A.lbanieet d'autres Etats: I'Italie a adhéréultérieu- les thèses en présence, en commençant par les con-
rernentà lapartie III. L'exécution desdispositionsdela clusions du Royaume-Uni qui viennent d'êtrerésu-
partie III ayant étéconfiée auxGouvernenients de la mées.Certes, une contestation de compétence éma-
France, du Royaume-Uiii et des Etats-Unis, ces trois nant dudemandeurestinsolite, mais ilfauttenircomptedes circonstances de l'espèce :c'est la déclaration de conséquence. pour déterminer si l'Italie a titrà re-
Washington, émanant des trois gouvernements, qui a cevoirI'or, ilest nécessairededéterminersil'Albaniea
formulél'offredejuridiction acceptéepar l'Italie et qui conimis un délitinternationalcontre l'Italie et sielleest
adéterminéparavancel'objet del'action; etc'est après teniie à réparation envers elle; puis, dans ce cas, de
avoir fait la démarche initiale que l'Italie a ressenti détermineraussi le montant de l'indemnité. Pour tran-
un doute et a présentéune exception préliminaireen cher ces questions, il est nécessairede déterminersi la
invoquant l'article62du Règlement de la Cour. Or, ce loi albanaise du 13janvier 1945était contraire au droit
texte n'exclut pas que, dans de telles circonstances, le international. A la solution de ces questions, qui ont
demandeursoulève une exception. De par cette excep- traii:au caractère licite ou illicite de certains actes de
tion, l'acceptation par l'Italie de la juridiction de la l'Albanie vis-à-vis de l'Italie, deux Etats seulement,
Cour n'est devenue ni moins complète ou ni moins l'Italie et l'Albanie, sont directement intéressés.
positiveque ne l'envisageait ladéclarationde Washing- Examiner au fond de telles questionsserait trancher
ton. Demander à la Cour de réglerle problème de sa un différendentre l'Italie et l'Albanie, ce que laCour ne
compétence ne revient pas à lui demander de ne se peut faire sans le consentement de cet Etat. Si elle le
prononcer en aucune circonstances sur les questions faisait. elle agiraàtl'encontre d'un principe de droit
formulées dans la requête. Celle-ci est réelle; elle le international bien établi et incorporé dans le Statut,à
reste, tant qu'elle n'est pas retirée; or elle n'est pas savoir qu'elle ne peut exercer sa juridiction à l'égard
retirée. Enfin. la requête,qui n'étaitpas nulle lors de d'un Etat sicen'est avec leconsentementde ce dernier.
son dépôt. ne l'est pas devenue par la présentation de On a soutenuquel'Albanieaurait pu intervenir, I'ar-
I'objection à la compétence. ticle 62 du Statut donnant ce droit à un Etat tiers qui
Ayant ainsi conclu qu'elle avait étévalablement sai- estiine que, dans un différend,un intérêt d'ordrejuri-
sie par la requête. et que celle-ci subsistait, la Cour dique est pour luien cause;que le Statutn'empêchepas
passe à l'examen de l'objection italienne quant à sa qu'une instance se poursuive, mêmequand I'Etat tiers
compétence, en vue de décider si elle est ou non en qui aurait le droitd'intervenir s'en abstient;et que, par
mesure de statuer au fond sur les demandesénoncées conséquent,l'abstention de l'Albanie ne doit pas empê-
dans la requête.Elle constate que, dans les rapports cher.la Cour de statuer. Mais en l'espèce, les intérêts
entre les trois Gouvernements et l'Italie, la requête juridiques de l'Albanie ne seraient pas seulementtou-
est conforme à l'offre énoncée dansla déclaration de chés par une décision : ils en constitueraient l'objet
Washington, tant pour ce qui est del'objet du différend même.Le Statut ne peut donc êtreconsidérécomme
que pour ce qui est des parties en cause: elle est donc autorisant implicitement la continuation de la procé-
compétente pour traiter des questions qui sont posées dure en l'absence de l'Albanie.
dans la requête.Mais sa compétenceest-ellede même
etendue que la mission qui lui est confiée ? La Cour en conclut que, bien que l'Italie et les trois
Etats défendeurslui aientconféréune compétence,elle
A cet égard,la Cour constate qu'elle n'est pas sim- ne peut exercer cette compétenceen vue de statuer sur
plement appelée àdire siI'ordoit êtrereinisàl'Italie ou la première demande qui lui a étésoumise par l'Italie.
au Royaume-Uni :elle estinvitéeàtrancher en premier Quant à la secondedemande - qui a traià la priorité
lieu certainesquestionsjuridiquesdesquelles dépendla entre les prétentions del'Italie et du Royaume-Uni -.
solution du problème. Or, la première demande énon- elle lie se poseraitquesi,dans les rapportsentre l'Italie
céedansla requête graviteautour d'une déclarationde et l'Albanie. ilavait étédécidéquel'Italie doit recevoir
l'Italie contre l'Albanie, réclamation d'indemnitépour I'or. Elleest parconséquent enrelationsdedépendance
ledommage prétendu. L'Italie estime avoir contre l'Al- aveclapremièredemande. La Courdoitdoncconclure
banie droit à réparation d'un délitinternational que, que, ne pouvant statuer sur cette première demande,
selon l'Italie, l'Albanie aurait commis envers elle. En elle doit s'abstenir d'examiner la seconde.

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