Audience publique tenue le lundi 19 mars 2012, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Tomka, président, en l'affaire relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre

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144-20120319-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
2012/6
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CR 2012/6

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2012

Audience publique

tenue le lundi 19 mars 2012, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Tomka, président,

en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2012

Public sitting

held on Monday 19 March 2012, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Tomka presiding,

in the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : M. Tomka,président
SeMúl.vvacepoé,ident

OwMaMa.
Abraham
Keith
Bennouna

Skotnikov
TCinçade
Yusuf
Greenwood

XuMemes
Donoghue
Gaja.
SjMuisnede,

SurMM.
jugissch, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presient ka
Vice-Presipeúnltveda-Amor

Judges Owada
Abraham
Keith
Bennouna

Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood

Xue
Donoghue
Gaja
Sebutinde

Judges ad hoc Sur
Kirsch

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement du Royaume de Belgique est représenté par :

M.Paul Rietjens, directeur général des affaires juridiques du service public fédéral des affaires
étrangères, du commerce extérieur etde la coopération au développement,

comme agent ;

M.Gérard Dive, conseiller, chef du service de droit international humanitaire du service public
fédéral de la justice,

comme coagent ;

M. Eric David, professeur de droit à l’Université Libre de Bruxelles,

sirMichaelWood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du

droit international,

M.DanielMüller, consultant en droit intern ational public, chercheur au Centre de droit
international de Nanterre (CEDIN), Université de Paris-Ouest, Nanterre-La Défense,

comme conseils et avocats ;

S. Exc. M. Willy De Buck, ambassadeur, représen tant permanent du Royaume de Belgique auprès

des institutions internationales à La Haye,

M. Philippe Meire, magistrat fédéral, parquet fédéral,

M.Alexis Goldman, conseiller, direction du dr oit international public, direction générale des

affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

M. Benjamin Goes, conseiller, chancellerie du premier ministre,

MmeValérie Delcroix, attaché, direction du dro it international public, di rection générale des
affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

Mme Pauline Warnotte, attaché, service de droit international humanitairedu service public fédéral
de la justice,

Mme Liesbet Masschelein, attaché, chancellerie du premier ministre,

M.VaiosKoutroulis, maître d’enseignement à la faculté de droit de l’Université Libre de
Bruxelles,

M.Geoffrey Eekhout, attaché, représentation perm anente du Royaume de Belgique auprès des
institutions internationales à La Haye,

M. Jonas Perilleux, attaché, service de droit intern ational humanitaire du service public fédéral de la

justice,

comme conseillers. - 5 -

The Government of the Kingdom of Belgium is represented by:

Mr.PaulRietjens, Director-General of Legal Affa irs, Federal Public Service for Foreign Affairs,
Foreign Trade and Development Co-operation,

as Agent;

Mr. Gérard Dive, Head of the International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

as Co-Agent;

Mr. Eric David, Professor of Law at the Université Libre de Bruxelles
,

SirMichaelWood, K.C.M.G., member of the E nglish Bar, member of the International Law

Commission,

Mr.DanielMüller, consultant in Public Interna tional Law, Researcher at the Centre de droit
international de Nanterre (CEDIN), University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,

as Counsel and Advocates;

H.E.Mr.WillyDeBuck, Ambassador, Permanent Representative of the Kingdom of Belgium to

the International Organizations in The Hague,

Mr. Philippe Meire, Federal Prosecutor, Federal Prosecutor’s Office,

Mr. Alexis Goldman, Adviser, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal

Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

Mr. Benjamin Goes, Adviser, Federal Public Service-Chancellery of the Prime Minister,

Ms Valérie Delcroix, Attaché, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal
Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

MsPaulineWarnotte, Attaché, International Huma nitarian Law Division, Federal Public Service
for Justice,

Ms Liesbet Masschelein, Attaché, Office of the Prime Minister,

Mr. Vaios Koutroulis, Senior Lecturer, Faculty of Law, Université Libre de Bruxelles,

Mr.GeoffreyEekhout, Attaché, Permanent Represe ntation of the Kingdom of Belgium to the
International Organizations in The Hague,

Mr. Jonas Périlleux, Attaché, International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

as Advisers. - 6 -

Le Gouvernement de la République du Sénégal est représenté par :

S.Exc.M.Cheikh Tidiane Thiam, professeur, ambassadeur, directeur général des affaires
juridiques et consulaires au ministère des affaires étrangères,

comme agent ;

S. Exc. M. Amadou Kebe, ambassadeur de la République du Sénégal auprès du Royaume des
Pays-Bas,

M.FrançoisDiouf, magistrat, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de

la justice,

comme coagents ;

M. Serigne Diop, professeur, médiateur de la République,

M. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,

M. Ibrahima Bakhoum, magistrat,

M. Oumar Gaye, magistrat,

comme conseils ;

M. Moustapha Ly, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à La Haye,

M. Moustapha Sow, premier conseiller à l’ambassade du Sénégal à La Haye. - 7 -

The Government of the Republic of Senegal is represented by:

H.E. Mr. Cheikh Tidiane Thiam, Professor, Ambassador, Director-General of Legal and Consular
Affairs, Ministry of Foreign Affairs,

as Agent;

H.E. Mr. Amadou Kebe, Ambassador of the Republic of Senegal to the Kingdom of the
Netherlands,

Mr. François Diouf, Prosecutor, Director of Criminal Affairs and Pardons, Ministry of Justice,

as Co-Agents;

Professor Serigne Diop, Mediator of the Republic,

Mr. Abdoulaye Dianko, Agent judiciaire de l’Etat,

Mr. Ibrahima Bakhoum, Prosecutor,

Mr. Oumar Gaye, Prosecutor,

as Counsel;

Mr. Moustapha Ly, First Counsellor, Embassy of Senegal in The Hague,

Mr. Moustapha Sow, First Counsellor, Embassy of Senegal in The Hague. - 8 -

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre le second tour de plaidoiries du Royaume de Belgique. Je donne

maintenant la parole à M.PaulRietjens, agent du Royaume de Belgique. Vous avez la parole,

Monsieur.

M. RIETJENS :

1. INTRODUCTION

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, tout d’abord je tiens à vous

remercier, au nom du Gouvernement et du peuple belges, et en particulier au nom des familles

touchées, pour le témoignage de sympathie que vous nous avez adressé à l’ouverture de l’audience

du jeudi 14 mars dernier, à la suite du tragique événement qui a frappé notre pays et a causé la mort

de 28personnes, dont 22enfants. Nous avons été profondément touchés par vos paroles, tout

comme par celles de la délégation sénégalaise, à la quelle je voudrais ici ég alement exprimer notre

plus vive reconnaissance. Enfin, avec votre permission, Monsieur le président, je voudrais saisir

cette occasion pour témoigner, à notre tour, notre sincère sympathie au Gouvernement et au peuple

néerlandais et, plus spécialement, aux familles néerlandaises qui ont également perdu des enfants

dans cette tragédie. Nous compre nons et partageons la vive douleur qui les afflige en ces jours de

deuil.

2. Monsieur le président, la délégation be lge va répondre ce matin aux allégations et aux

arguments que nos estimés contradicteurs ont expo sés jeudi et vendredi derniers. Le Sénégal n’a

cependant pas présenté beaucoup d’arguments nouveaux. Il s’est essentiellement limité à réitérer

ceux qui étaient déjà connus de la Cour et de la Belgique depuis les plaidoiries de la Partie

sénégalaise en 2009 et depuis le dépôt, par le Séné gal, de son contre-mémoire. Les plaidoiries de

la Belgique de lundi et mardi derniers ont, sel on nous, déjà répondu à la grande majorité de ces

arguments, et il n’y a nul besoin d’y revenir en détail.

3. Par ailleurs, la Belgique saisira l’oppor tunité de ce second tour de plaidoiries pour

répondre aux questions des juges. En ce qui concerne la question posée par M. le juge Greenwood, - 9 -

la Belgique apportera ultérieurement une réponse écrite plus détaillée et complète que celle qui sera

fournie à l’audience.

4. Mais avant cela, permettez-moi toutefois, Monsieur le président, de revenir sur certains

éléments soulevés par la Partie sénégalaise et qui ont provoqué une certaine surprise dans le chef de

la Belgique :

⎯ Premièrement, c’est avec étonnement que nous avons écouté le Sénégal tenter de démontrer

une prétendue précipitation, dans le chef de la Belgique, à réunir les conditions préalables

posées par l’article 30 de la convention contre la torture dans le but de porter la présente affaire

devant votre haute juridiction 1. Nul besoin de rappeler qu’entr e l’ouverture de la phase de

négociation et l’introduction de la présente affa ire, près de quatreans se sont écoulés. Le

coagent, M. Gérard Dive, reviendra brièvement sur cette période.

⎯ Deuxièmement, la Belgique a été particulièreme nt interloquée par les affirmations du Sénégal

selon lesquelles il apparaissait que la Belg ique n’aurait jamais voulu d’un procès de

2
HissèneHabré au Sénégal . Ces affirmations, totalement inexactes, sont contredites par la

délégation sénégalaise elle-même. En effet, le Sénégal fait référence, à plusieurs reprises, aux

offres de la Belgique, tant en termes de contributions financières que de coopération judiciaire.

Ces offres démontrent à suffisance la volonté de la Belgique à trouver une solution en vue d’un

procès de Hissène Habré sur le territoire sénégalais. M. Gérard Dive en dira également un mot.

⎯ Enfin, c’est avec grande surprise que la Belgique s’est vu reprocher un prétendu revirement de

position quant à l’intervention de l’Union africaine dans ce dossier 3. Aux dires de M. Dianko,

la Belgique n’aurait porté grâce que récemment à cette intervention. Il est vrai que la Belgique

a systématiquement rappelé le caractère strictement bilatéral du différend l’opposant au

Sénégal et concernant les obliga tions de ce dernier. Cela étant, elle a toujours manifesté sa

reconnaissance à l’égard des efforts fournis pa r l’Union africaine en vue de trouver une

solution pour un jugement rapide de Hissène Habré dans le respect des règles d’un procès

équitable.

1Voir notamment CR 2012/5, p. 24, par. 58 (Bakhoum).
2
Voir notamment CR 2012/5, p. 23, par. 53 (Bakhoum).
3CR 2012/5, p. 35, par. 16 (Dianko) - 10 -

5. Monsieur le président, après ces quelques mots d’introduction, et avec votre permission,

M. Gérard Dive prendra la parole pour revenir sur des questions factuelles qui, selon nous, méritent

d’être corrigées ou précisées. Il répondra également à la première question de

M. le juge Cançado Trindade concernant les faits.

6. Le professeur Eric David lui succédera à la barre pour répondre aux arguments du Sénégal

relatifs aux déclarations faites pa r les deux Parties conformément à l’article 36, paragraphe 2, du

Statut de la Cour. Il aura également l’occasion de répondre en tout ou en partie aux questions de

M. les juges Keith et Greenwood.

7. Puis sir Michael s’adressera à la Cour. Il traitera des questions concernant les violations,

commises par le Sénégal, de ses obligations interna tionales et la responsabilité qui en découle. En

particulier, il répondra aux questions des juges lorsque ces questions concernent spécifiquement

l’interprétation et l’application de la convention contre la torture.

8. A la fin de la matinée et avec votre perm ission, Monsieur le président, je reprendrai la

parole pour présenter les conclusions finales du Royaume de Belgique en la présente affaire.

9. Je remercie la Cour pour son aimable attention et vous prie, Monsieur le président, de bien

vouloir donner la parole au coagent de la Belgique, M. Gérard Dive.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’ag ent. Monsieur Dive, la parole est à vous.

Vous avez la parole, Monsieur.

M. DIVE : Merci, Monsieur le président.

2.F AITS

1. Monsieur le président, conformément à la demande que vous avez exprimée vendredi et

qui rappelle aux Parties le contenu de l’article 60 du Règlement de la Cour, je ne reviendrai sur les

faits pertinents de la présente affaire que pour répondre aux arguments avancés par la Partie

adverse, lors du premier tour de plaidoiries, et auxquels la Belgique n’aurait pas encore pleinement

répondu dans son mémoire ou lors de son premier tour de plaidoiries. Pour ce faire, j’aborderai

successivement et brièvement, les sixthématiques suivantes: la tentative de négociation(I.), la

proposition d’arbitrage(II.), l’exis tence du différend(III.), l’inten tion du Sénégal de poursuivre - 11 -

HissèneHabré(IV.), les propositions belges de coopération judiciaire(V.) et les suites réservées

aux demandes belges d’extradition (VI.).

I. La tentative de négociation

2. Débutons par certaines affirmations du Sénéga l concernant les faits relatifs à la tentative

de négociation et qui sont pertinents, et pertinen ts uniquement au regard de l’article30 de la

convention contre la torture. Monsieur le pr ésident, Mesdames et Messieurs de la Cour, les

représentants du Sénégal ont tenté de démontrer la semaine dernière qu’il n’y aurait jamais eu

l’ombre d’une négociation entre la Belgique et le Sénégal au suje t du différend relatif à

4
l’interprétation et l’application de la convention contre la torture . Plus précisément,

M. Ibrahima Bakhoum rappelait que :

«La négociation internationale suppose…un minimum de contacts, un

minimum de suivi et de définition des te rmes de la discussion, minima dont le
Royaume de Belgique a manifestement fait fi dans la présente affaire.» 5

3. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, comme nous l’avons démontré

lundi dernier 6, la Belgique ne s’est pas contentée d’un «minimum de contacts» ou de «suivi» et n’a

pas omis de circonscrire le champ du différend exis tant entre les deux Etats. Au contraire, la

Belgique a explicitement et systématiquement exposé son interprétation des dispositions litigieuses

qui ont ⎯ tout aussi explicitement ⎯ été énoncées, voire listées dans tous les contacts et échanges

7
entretenus avec les autorités sénégalaises . En outre, la Belgique a interrogé le Sénégal, à de

nombreuses reprises, de manière précise, sur l’interp rétation par cet Etat de ses obligations et de

l’application qu’il comptait leur réserver. Ces échanges ont débuté dès que la Belgique a perçu une

4 CR2012/5, p.12, par.25 et 26 (Diouf); CR2012/5, p.18-21, par.33-44 (Bakhoum), voir aussi CMS,
par. 188-195.

5 CR 2012/5, p. 19-20, par. 39 (Bakhoum), voir aussi CMS, par. 190.

6 CR 2012/2, p. 26 et suiv., par. 31 et suiv. (Dive).
7
Voir notamment en ce qui concerne uniquement les échanges officiels : note verbale de l’ambassade de
Belgique à Dakar au ministère de s affaires étrangères du Sénégal ⎯ 11 janvier 2006, MB, vol. II, annexe B.7 ; note
verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal ⎯ 9 mars 2006, MB, vol. II,
annexeB.8; note verbale du ministère des affaires étrangères de Belgique à l’ambassade du Sénégal à
Bruxelles ⎯ 4 mai 2006, MB, vol. II, annexe B.9 ; note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des

affaires étrangères du Sénégal ⎯ 20 juin 2006, MB, vol. II, annexe B.11 ; note verbale de l’ambassa de de Belgique à
Dakar au ministère des affa ires étrangères du Sénégal ⎯ 8 mai 2007, MB, vol. II, annexe B.14 ; note verbale de
l’ambassade de Belgique à Dakar au mini stère des affaires étrangères du Sénégal⎯ 2 décembre 2008, MB, vol. II,
annexe B.16. - 12 -

divergence d’interprétation et d’application de cer taines dispositions de la convention, c’est-à-dire

lorsqu’elle a pris connaissance de la note verbale que lui adressait le Sénégal pour lui annoncer sa :

«décision de transmettre le «dossier Hissène Habr é» à l’Union africaine, pour que les chefs d’Etat

8
et de gouvernement de l’Union décident de la suite à réserver à cette affaire…» .

4. Ainsi, dès le 11janvier2006, la Belgi que interpelle le Sénégal, en se référant

explicitement à la «procédure de négociation vi sée à l’article30 de la convention contre la

torture» 9. La Belgique donne son interprétation de l’obligation conventionnelle aut dedere aut

judicare, la confronte à l’attitude du Gouvernement séné galais et demande au Sénégal comment il

entend appliquer cette obligation, c’est-à-dire s’ il compte ou non extrader Hissène Habré. Comme

nous l’avons déjà précisé la se maine dernière, la position belge est transmise aux autorités

sénégalaises à Dakar lors d’une entrevue avec les au torités diplomatiques belges, qui en expliquent

le contenu et demandent au Sénégal de bien vouloir y répondre 10.

5. Deux mois plus tard, le Sénégal n’ayant p as réagi, la Belgique le questionne à nouveau en

précisant comment elle interprète les articles4, 5, paragraphes1 c) et2, 7, paragraphe1, 8,

paragraphes 1, 2 et 4, et 9, paragraphe 1, de la convention. Elle demande à nouveau au Sénégal de

préciser ce que signifie, au regard de ses ob ligations, sa décision de «transmettre l’affaire

HissèneHabré à l’Union africaine» 11. Ce document, daté du 9mars2006, est remis ici aussi à

l’occasion d’un entretien tenu par les autorités dipl omatiques belges avec les autorités sénégalaises

à Dakar, au cours duquel le différend est plus amplement expliqué 12.

6. Toujours sans réponse du Sénégal, le mi nistère belge des affaires étrangères invite

l’ambassadeur du Sénégal à Bruxelles à se rendre, le 4mai2006, dans ses locaux, pour un

entretien. Cette réunion de travail, présidée par le jurisconsulte belge de l’époque et à laquelle

participent, outre l’ambassadeur du Sénégal à Bruxelles, plusieurs fonctionnaires belges en charge

8 Note verbale du ministère des affaires étrangè res du Sénégal à l’amba ssade de Belgique à

Dakar ⎯ 23 décembre 2005, MB, vol. II, annexe B.6.
9 Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du

Sénégal ⎯ 11 janvier 2006, MB, vol. II, annexe B.7.
10 CR 2012/2, p. 27, par. 33 (Dive).

11 Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du
Sénégal ⎯ 9 mars 2006, MB, vol. II, annexe B.8.

12 CR 2012/2, p. 27, par. 33 (Dive). - 13 -

du dossier, permet à l’ensemble des participants de discuter des divergences de vues relatives à

l’interprétation et à l’application des dispositions pe rtinentes de la convention contre la torture. A

l’issue de cet entretien, ces divergences persistant, la position de la Belgique est transmise par écrit

à l’ambassadeur du Sénégal. Ce document contient notamment l’interprétation, par la Belgique,

13
des obligations conventionnelles controversées . Il y est notamment précisé que :

«[l]a décision de confier le cas Hissène Habr é à l’Union africaine ne peut, du point de
vue de la Belgique, dispenser le Sénégal des obligations qui lui incombent de juger ou
d’extrader l’auteur des faits incriminés conformément aux articles pertinents de la

Convention contre la torture…, la Belg ique interprète l’article7 de [cette]
Convention…comme prévoyant l’obligation po ur l’Etat sur le territoire duquel est
trouvé l’auteur présumé de l’extrader à défaut de l’avoir jugé» . 14

A nouveau, la Belgique prie le Sénégal de définir plus clairement sa position.

7. Cette démarche conduit à une réaction officielle du Sénégal, le 9mai suivant, par note

verbale de l’ambassade sénégalaise à Bruxelles. Le Sénégal y donne, notamment, une

interprétation de l’article7 de la convention, clai rement contradictoire avec celle de la Belgique

puisque le Sénégal considère que: «en transférant le cas Hissène Habré à l’Union africaine, le

Sénégal, pour ne pas créer une impasse juridique, se conforme à l’esprit du principe aut dedere aut

punire».

8. La note verbale sénégalaise, elle-même, se place dans le cadre de l’article30 de la

convention puisqu’elle prend acte de «l’éventualité d’un recours de la Belgique à la procédure

15
d’arbitrage» prévue par cet article, en cas d’échec de la procédure de négociation . Par

conséquent, le Sénégal ne conteste pas, à l’époque, l’existence de négociations en cours et la

possibilité du recours à l’arbitrage ⎯et c’est bien à la position du Sénégal à l’époque qu’il

convient de se référer.

9. Monsieur le président, nul besoin, à ce stade des plaidoiries, de développer plus avant la

démonstration ⎯et je reprends les termes précités de M.Bakhoum ⎯ de l’existence d’«un

13Note verbale du minist ère des affaires étrangères de Belgique à l’ambassade du Sénégal à

Bruxelles ⎯ 4 mai 2006, MB, vol. II, annexe B.9.
14Ibid.

15Note verbale de l’ambassade du Sénégal à Bruxelles au ministère des affaires étrangères de
Belgique ⎯ 9 mai 2006, MB, vol. II, annexe B.10. - 14 -

16
minimum de contacts, un minimum de suivi et de définition des termes de la discussion» . La

preuve est rapportée plus qu’à suffisance.

10. En outre, et contrairement aux dires de M. Ibrahima Bakhoum, la Belgique n’a jamais eu

recours à des ««effets de surprise» ou des attitudes dissimulatrices» 17dans le cadre de ces

tentatives de négociations puisque, comme il vient d’être démontré également, la Belgique s’est,

dès janvier2006, explicitement référée à la procédure de négociation prévue à l’article30 de la

18
convention contre la torture .

11. Enfin, pour en terminer avec la théma tique des négociations, il doit être brièvement

rappelé que la condition relative à la tentative de procéder à des négociations est satisfaite lorsque

la partie adverse refuse ou nie l’utilité même d’ entamer de telles négociations. Or, Monsieur le

président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le s interventions de M.IbrahimaBakhoum de la

semaine dernière nous placent exactement dans ce cas de figure lorsqu’il disait, notamment, à la

Cour, vendredi dernier :

«Pourquoi d’ailleurs des négociations devr aient-elles avoir lieu dans la mesure

où le Sénégal remplit toutes ses obligations ? Une négociation, en effet, ne serait
concevable et accueillie par le Sénégal que si ce dernier était défaillant, ce qui n’est
pas le cas comme le Sénégal l’a démontré.» 19

Je répète, Monsieur le président, «concevable et accueillie par le Sénégal» . Autrement dit, le

Sénégal se plaint d’une prétendue absence de négoc iations et, dans le même souffle, affirme

qu’elles sont inutiles.

II. La proposition d’arbitrage

12. Monsieur le président, Mesdames et M essieurs de la Cour, passons maintenant aux

interrogations du Sénégal au suje t de la proposition belge de rec ourir à l’arbitrage, exprimée

notamment par M. Ibrahima Bakhoum : «l’invitation que la Belgique dit avoir adressée [le

16
CR 2012/5, p. 19-20, par. 39 (Bakhoum) ; voir aussi CMS, par. 190.
17
CR 2012/5, p. 21, par. 43 (Bakhoum) ; voir aussi CMS, par. 194.
18Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du
Sénégal ⎯ 11 janvier 2006, MB, vol. II, annexe B.7.

19CR 2012/5, p. 19-20, par. 39 (Bakhoum) ; voir aussi CMS, par. 190. - 15 -

20 juin 2006] au Sénégal aux fins de recourir à la procédure d’arbitrage … n’a été formulée qu’une

seule fois, de manière fort subreptice d’ailleurs…» 20.

13. Monsieur le président, je me permets de renvoyer respectueusement la Cour aux

21 22
développements de notre mémoire et de nos interventions de la semaine dernière . Que la Cour

me permette seulement deux citations. La première est extraite de la note verbale belge précitée du

20 juin 2006 :

«Rappelant que la Belgique a souligné, dans sa note verbale remise le 4mai à
l’ambassadeur du Sénégal à Bruxelles, qu’u ne controverse non résolue au sujet de
cette interprétation entraînerait un recour s à la procédure d’arbitrage prévue à

l’article30 de la Convention torture, et pr enant note du fait que le Sénégal, dans sa
réponse du 9 mai, se réfère à l’éventualité du recours de la Belgique à cette procédure,
tout en rappelant son interprétation divergen te des dispositions pertinentes de ladite

Convention … la Belgique se doit de constater que la tentative de négociation entamée
avec le Sénégal en novembre2005 n’a pas abouti et, conformément à l’article30,

paragraphe premier, de la Convention torture, demande en conséquence au Sénégal de
soumettre le différend à l’arbitrage selon les modalités à convenir de commun
accord.» 23

Cette note verbale est restée sans réponse.

14. La seconde citation est extraite de la note verbale belge du 8 mai 2007, soit près d’un an

plus tard, dans laquelle la Belgique rappelle au Sénégal qu’ :

«elle lui a fait part, par note verbale du 20 juin2006, de son s ouhait de constituer un
tribunal arbitral pour résoudre ce différend à défaut d’avoir pu trouver une solution par
24
la voie de la négociation, comme le prévoit l’article 30 de la Convention précitée» .

15. Ces seules citations, Monsieur le préside nt, montrent que l’invitation à recourir à

l’arbitrage ne fut pas unique ⎯et quand bien même, cela aurait ju ridiquement suffi au regard du

texte même de l’article 30 de la c onvention contre la torture. Cette invitation ne fut pas, non plus,

«subreptice», mais tout à fait explicite.

20
CR 2012/5, p. 24, par. 57 (Bakhoum) ; voir aussi CMS, par. 208.
21MB, vol. I, p. 62-65, par. 3.23-3.29.

22CR 2012/2, 12 mars 2012, p. 27-28, par. 34-36 (Dive) ; p. 61 ; par. 49-53 (Wood).

23 Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal
⎯ 20 juin 2006, MB, vol. II, B.11.
24
Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal
⎯ 8 mai 2007, MB, vol. II, B.14. - 16 -

III. L’existence du différend

16. Venons-en maintenant, Monsieur le président, à l’existence du différend dans la présente

25
affaire. M. Ibrahima Bakhoum, lors de son intervention de vendredi dernier , prend argument de

l’engagement de la Belgique à participer au budget des poursuites et du procès de Hissène Habré au

Sénégal, jusqu’à hauteur d’un milliond’euros, pour en déduire que:«Cette situation jette

un doute sur la réalité de l’existence d’un différend entre le Sénégal et la Belgique.» 26

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, si la Belgique a pris un tel engagement,

c’est bien entendu pour démontrer sa préférence pour un procès de HissèneHabré au Sénégal, et

cela en dépit de l’existence du différend porté devant la Cour 27. Cela ne remet donc aucunement en

question l’existence du différend lui-même, mais prouve, une fois de plus, que la Belgique cherche

toutes les solutions possibles, malheureusement infructueuses jusqu’à présent, pour résoudre ce

différend.

17. Car il est bien question d’un différend dans cette affaire, bien que plusieurs intervenants

parmi nos contradicteurs aient, à plusieurs repri ses, tenté de démontrer son absence. Cependant,

M. Oumar Gaye, lors de son intervention de jeudi dernier, admet explicitement l’existence d’un tel

différend lorsqu’il parle, au sujet de l’interprétati on et de l’application de la convention contre la

torture, de l’intervention de l’Union africaine da ns l’affaire qui nous préoccupe. En effet, il a

précisé :

«Il est question devant [la Cour] d’ un litige qui oppose deux Etats, sur la
manière d’entendre ou de comprendre l’exécution d’une obligation découlant d’un

25 CR 2012/5, p. 15, par. 12 à 14 (Bakhoum).

26 Ibid., par. 14.

27 Note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal
⎯ 8 mai 2007, MB, vol. II, B.14 ; note verbale de l’ambassade de Belgique à Daka r au ministère des affaires étrangères
du Sénégal ⎯ 2 décembre 2008, MB, vol. II, annexe B.16 ; note verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au

ministère des affaires étrangères du Sénégal ⎯23juin2009, MB, vol. II, annexe B.17;note verbale de l’ambassade de
Belgique à Dakar au ministère de s affaires étrangères du Sénégal ⎯ 14 octobre 2009, MB, vol. II, annexe B.20 ; note
verbale de l’ambassade de Belgique à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal⎯ 23 février 2010, MB,
vol.II, annexeB.22; note verbale de l’ambassade de Belgi que à Dakar au ministère des affaires étrangères du Sénégal
⎯28juin2010, MB, vol.II, annexeB.26; note verbale du mini stère des affaires étrangères de Belgique à l’ambassade
du Sénégal à Bruxelles ⎯15mars2011, lettre de l’agent de la Belgiq ue au greffier de la Cour du 21mars2011,

annexe4; note verbale du ministère des affaires étrangè res de Belgique à l’ambassade du Sénégal à Bruxelles
⎯ 5 septembre 2011, lettre de l’agent de la Belgique au greffier de la Cour du 8 septembre 2011, annexe 4 ; note verbale
du ministère des affaires étrangères de Belgique à l’ambassade du Sénégal à Bruxelles ⎯ 17 janvier 2012, lettre de
l’agent de la Belgique au greffier de la Cour du 23 janvier 2012, annexe 4. - 17 -

instrument international auquel ils sont tous deux parties. Voilà la réalité du
28
contentieux qui s’est noué devant la Cour.»

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il ne nous reste qu’à acter ce constat,

fait par la Partie sénégalaise, de l’existe nce d’un différend entre nos deux pays quant à

l’interprétation et à l’application des obligations relatives à la convention contre la torture.

18. Un autre exemple de reconnaissance par le Sénégal de l’existe nce d’un différend se

retrouvait déjà plus tôt dans l’intervention de M. Oumar Gaye, lorsqu’il affirmait que :

«le Sénégal a du mal à comprendre l’insistance de la Partie belge à faire valoir une
interprétation qui n’a jamais été celle de l’ Etat redevable de l’obligation en question
29
⎯ qui est celle de «juger» précisément» .

Monsieur le président, ici aussi, c’est la Partie sénégalaise elle-même qui souligne la divergence

d’interprétation relative à une obligation clef de la convention et de son exécution.

IV. L’intention du Sénégal de poursuivre Hissène Habré

19. Passons, à présent, à l’intention du Sénéga l de poursuivre HissèneHabré et de mener à

bien un procès sur son territoire. Monsieur le pr ésident, Mesdames et Messieurs de la Cour, je

souhaiterais revenir tout d’abord sur l’épisod e étonnant de la tentative d’expulsion de

Hissène Habré vers le Tchad en juillet 2011. Cette tentative d’expulsion est d’abord présentée par

la presse de l’époque comme une extradition, avan t que les autorités sénégalaises ne confirment

que les autorités tchadiennes n’ont pas demandé l’ extradition de Hissène Habré et qu’il s’agit bien

d’une expulsion. A ce sujet, la Belgique s’inte rroge sur la signification qu’elle doit apporter à

l’affirmation, faite par M. Oumar Gaye jeudi dernier, selon laquelle :

«La Cour constatera que, malgré les dé clarations du président de la République
du Sénégal, le Royaume de Belgique n’a pas apporté la preuve de l’existence d’une
quelconque décision visant à l’expulsion de M.HissèneHabré vers un autre pays.

Une telle décision administrative n’existe pa30 et le Sénégal reste conforme à ses
engagements pris ici devant votre Cour.»

20. Monsieur le président, la Belgique n’a jamais prétendu qu’un document formel

d’expulsion aurait été rédigé à cette occasion. Nous ne le savons tout simplement pas. Mais,

28CR 2012/4, p. 28, par. 39 (Gaye) ; CMS, par. 112.
29
CR 2012/5, p. 30-31, par. 28 et 29 (Gaye), voir aussi CMS, p. 58, par. 225.
30CR 2012/4, p. 33, par. 70 (Gaye). - 18 -

doit-on comprendre que la Partie sénégalaise remettrait en question l’existence même des

déclarations du président de la République du Séné gal? Or, ces déclarations ont été confirmées

par d’autres, et non des moindres.

21. Tout d’abord, le ministre des affaires étrangères sénégalais, lui-même, a déclaré

le 9 juillet 2011, alors que l’expulsion était programmée pour le surlendemain :

«Le président Wade a considéré que… extrader [HissèneHabré] vers la
Belgique c’était livrer un Africain aux Eur opéens, pour ces raisons il ne restait que
l’arme de l’expulsion vers son pays mais en le faisant de manière où sa vie serait

garantie mais aussi qu’il aurait droit à un procès juste et équitable, c’est pourquoi le
président avant de l’expulser vers son pays , avant de prendre la mesure administrative

d’expulsion, a saisi [le président de] la Commission de l’UA [, entendez l’Union
africaine,] et le président de l’[Union a fricaine] en leur demandant d’envoyer des
observateurs…qui seront présents au mo ment de l’exécution de la décision
31
d’expulsion.»

22. Ensuite, dès le lendemain, en réaction à cette décision, le haut commissaire des

NationsUnies aux droits de l’homme, dans un communiqué à la presse, «exhorte» le

Gouvernement sénégalais à revoir sa décision 32.

23. Enfin, le même jour, par communiqué du ministère des affaires étrangères, le Sénégal

informe officiellement qu’il :

«suspend la mesure d’expulsion qui a été prise [et je souligne Monsieur le président

«qui a été prise»] à l’endroit de M.Hissèn eHabré, compte tenu de la demande faite
par Mme le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme» 33.

24. Or, Monsieur le président, toute l’argum entation du Sénégal repose sur sa volonté, son

intention, son engagement à mener à bien les pour suites à l’égard de Hissène Habré et à mettre sur

34
pied son procès, à défaut de l’extrader vers la Belgique . Monsieur le président, Mesdames et

Messieurs de la Cour, s’il ne fallait qu’un seul exemple pour s’interroger sur cette volonté, le voici.

31
Transcription de l’interview de M. MadickéNiang, ministre de s affaires étrangères, 9 juillet2011, dossier de
plaidoiries, onglet 6.1.
32Communiqué du haut commissaire aux droits de l’homme du 10 juillet 2011, dossier de plaidoiries, onglet 6.3.

33Communiqué de presse de M.Madick éNiang, ministre des affaires étra ngères de la République du Sénégal,
10juillet2011, lettre de l’agent de la Belgique au greffde la Cour sur les derniers développements, 18 juillet 2011,
annexe 5.

34CR/2012/4, p.11, par.9; p.18, par.43 (Thiam); p.20, par. 4 ; p. 23, par. 17 ; p. 25, par. 23, 26-27 ; p. 28,
par. 40 et 43 ; p. 30, par. 48 ; p. 33, par. 69 (Gaye) ; CR/2012/5, p. 10, par. 10 et 14 ; p. 13, par. 33 (Thiam). - 19 -

Mais, il existe d’autres déclarations des plus haut es autorités sénégalaises qui, à tout le moins,

questionnent également cette volonté. Je vous en ai parlé déjà lundi dernier 35.

V. La coopération judiciaire

25. Monsieur le président, la Belgique continue néanmoins à ne pas désespérer de la tenue

36
d’un procès d’Hissène Habré au Sénégal. C’est pourquoi elle a rappelé à de nombreuses reprises

dans le cadre du respect de l’obligation de poursuivre ou à défaut d’extrader sa préférence pour que

le procès de HissèneHabré se déroule en Afrique sur le territoire de l’Etat où il se trouve,

c’est-à-dire au Sénégal et cela contrairement à ce qu’a persisté à affirmer M. OumarGaye lors de

sa première intervention devant votre Cour 37. C’est justement pour faciliter les poursuites contre

HissèneHabré au Sénégal, sur la base des faits relatifs aux plaintes déposées en Belgique, que

celle-ci a formulé, à huit reprises, comme nous l’av ons vu lundi dernier, une offre de coopération,

dont elle s’est engagée à assumer tous les frais 38. Cette offre visait, et vise toujours ⎯ cette offre

vise toujours ⎯à permettre aux autorités judiciaires sénégalaises de prendre connaissance de

l’entièreté du dossier judiciaire belge ⎯ près de trois mètres d’archives ⎯ reflétant une instruction

ayant atteint un stade déjà avancé, je ne vais p as me répéter. Ceci permettrait aux autorités

judiciaires sénégalaises de gagner un temps précieux et d’économiser une somme substantielle dans

le cadre de ses enquêtes. Car, Monsieur le pr ésident, Mesdames et Messieurs de la Cour, est-il

utile de rappeler à nos contradicteurs que, s’ils souhaitent respecter leur obligation de poursuivre

ou, à défaut, d’extrader HissèneHabré en décidant de procéder eux-mêmes aux poursuites, il leur

reviendra, au minimum, de mener l’action judiciaire pour les faits relatifs aux plaintes déposées en

Belgique et au Sénégal à l’encontre de l’intéressé ? Et, faut-il le rappeler, contrairement à ce qu’a

encore affirmé la Partie sénégalaise lo rs de son premier tour de plaidoiries 39, les faits relevant de

35 CR 2012/2, p. 36-37, par. 57-59 (Dive).
36
Note verbale du minist ère des affaires étrangères de Belgique à l’ambassade du Sénégal à
Bruxelles ⎯15mars2011, lettre de l’agent de la Belgique au greffier de la Cour du 21mars2011, annexe4; note
verbale du ministère des affaires étrangères de Belgique à l’am bassade du Sénégal à Bruxelles ⎯ 5 septembre 2011,
lettre de l’agent de la Belgique au greffier de la Coudu 8septembre2011, annexe4; note verbale du ministère des

affaires étrangères de Belgique à l’ambassade du Sénégal à Bruxelles ⎯ 17 janvier 2012, lettre de l’agent de la Belgique
au greffier de la Cour du 23 janvier 2012, annexe 4 ; CR 2012/2, p. 32, par. 47 (Dive).
37 CR 2012/5, p. 23, par. 53 (Bakhoum) ; voir aussi CMS, par. 204.

38 CR 2012/2, p. 30-32, par. 44-47 (Dive).

39 CR 2012/4, p. 12, par. 16 (Thiam). - 20 -

chacune de ces plaintes sont distincts, puisque les victimes qui ont porté plainte au Sénégal en 2000

40
et celles qui ont porté plainte en Belgique en2000 et2001 ne sont pas les mêmes . Dès lors, la

Belgique s’interroge sur ce que le Sénégal ⎯par la voix de M.OumarGaye ⎯a voulu dire à la

Cour dans sa première intervention, lorsqu’il a précisé :

«vu le nombre de victimes, des parties civiles en cause, même si le Sénégal remercie
encore le Royaume de Belgique de son offre de coopération, la justice sénégalaise a le
droit de traiter de la même manière les parti es civiles, les victimes et les témoins, tout

en respectant les droits de M.Hissène Habré et de ses éventuels complices.
L’organisation d’un tel procès mérite une préparation sérieuse et le Royaume de
Belgique devrait s’interdire la pression qu’il exerce en général sur les organes
41
judiciaires saisis d’affaires contentieuses» .

26. Doit-on comprendre par ces mots que le Sénégal, s’il devait poursuivre HissèneHabré,

ne le ferait pas sur la base des faits relatifs aux plaintes déposées en Belgique, et cela en violation

de ses obligations internationales? Compte-t -il multiplier les frais en ne prenant aucune

connaissance des enquêtes déjà menées par les auto rités judiciaires belges, en Belgique et au

Tchad, en ne prenant jamais connaissance du dossier judiciaire belge ? Considère-t-il que les offres

42
de coopération judiciaire belges constituent des «pressions sur les organes judiciaires»

sénégalais ?

27. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, puisqu’il vient d’être question

de la coopération judiciaire et de la tenue d’un procès à l’encontre de HissèneHabré, je

souhaiterais saisir cette opportunité pour apport er une réponse à la première question posée

vendredi dernier par M. le juge Cançado Trindade.

28. Cette question était libellée de la manière suivante :

«En ce qui concerne les faits à l’origine de la présente affaire, quelle serait
selon vous, en tenant compte du coût estim atif allégué ou éventuel que représenterait
l’organisation du procès de M.Habré au Séné gal, la valeur probante du rapport de la

commission d’enquête nationale du ministère tchadien de la justice ?»

29. Monsieur le président, la réponse qui va suivre se fonde, bien entendu, sur les règles

pertinentes du droit belge. En effet, puisque la question a été posée aux deux Parties par M. le juge

40CR 2012/2, p. 21, par. 16 (Dive).
41
CR 2012/4, p. 28, par. 42 (Gaye).
42Ibid. - 21 -

CançadoTrindade, nous laisserons à nos estimés contradicteurs le soin de développer les règles

applicables en droit sénégalais. Le droit belge, donc, consacre le principe de la liberté de la preuve

en matière pénale. Ce principe implique, d’une part, le libre choix des moyens de preuve et,

d’autre part, la libre appréciation de la valeur probante par le juge du fond.

30. Ce principe a été maintes fois consacré pa r la Cour de cassation belge. Ainsi, elle a

décidé que «en matière répressive, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du

fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa conviction, qui lui sont

43
régulièrement soumis» .

31. Le principe de la liberté de la preuve a pour corollaire le principe de l’intime conviction,

selon lequel le juge ne peut déclarer une préventi on établie que si l’ensemble des éléments qui lui

sont soumis par la partie poursuivante entraî ne son intime conviction que l’individu a commis

l’infraction.

32. Tout élément de preuve est donc admis, pourvu qu’il soit rationnel et reconnu par la

44
raison et l’expérience comme pouvant conduire le juge à la conviction . Toutefois, conformément

au principe général de droit du respect des droits de la défense, tout élément de preuve pris en

compte par le juge répressif doit être soumis à la contradiction des débats 45.

33. Dans le respect des règles qui vienne nt d’être énoncées, le juge pénal pourra

évidemment prendre en compte tous les éléments de preuve régulièrement recueillis à l’étranger

lors de l’exécution d’une demande d’entraide judi ciaire et transmis aux autorités belges, comme,

par exemple, l’obtention d’une copie du rapport de la commission d’enquête nationale du ministère

tchadien de la justice, pour autant que ces élémen ts de preuve ne violent pas le droit à un procès

46
équitable . Le juge appréciera à cet égard la léga lité de la preuve obtenue à l’étranger en

examinant: premièrement, si la loi étrangère au torise le moyen de preuve utilisé; deuxièmement,

si ce moyen n’est contraire ni aux règles de droit international directement applicables dans l’ordre

43
Cour de cassation belge, 27 février 2002, Pas., 2002, p. 598.
44 BoslyH.D., VandermeerschD. et BeernaertM.A., «Droit de la procédure pénale», Bruxelles, LaCharte,
2008, p. 1418.

45Ibid., p.1420.

46 Bosly H. D., Vandermeersch D. et Beernaert M. A., op. cit., p.1300 et suiv.; TraestP. et DeValkeneerC.,
«L’appréciation des preuves recueillies à l’étranger», Poursuites pénales et extrate rritorialité, Bruxelles, La Charte, 2002,
p. 189-209. - 22 -

juridique interne, ni aux règles d’ordre public belges ; et, troisièmement, si la preuve a été obtenue

conformément au droit étranger, pour autant que le juge ait été saisi d’une contestation à ce sujet.

On soulignera d’ailleurs que, lors de la délivra nce du mandat d’arrêt international à l’encontre de

Hissène Habré, le juge d’instruction belge a, notamment, pris en considération les éléments figurant

dans le rapport précité.

34. En conclusion, tout en rappelant qu’il appa rtient au juge du fond de se prononcer sur la

valeur probante du rapport précité, ce document pourrait certainement constituer un des éléments

de preuve dans le cadre des poursuites à l’encontre de HissèneHabré. Ceci représenterait, le cas

échéant, un gain non négligeable de temps et d’arge nt dans le cadre de l’exécution de l’obligation

de poursuivre, même si, comme nos contradicteurs l’ont reconnu vendredi, «l’insuffisance de

moyens financiers ou les contraintes de la constitution d’un budget spécial, [ne] constituent [pas]

des facteurs exonératoires» de la responsabilité de l’Etat tenu de poursuivre, à défaut d’extrader 47.

VI. Extradition

35. Pour terminer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, quelques

considérations finales relatives à des faits c oncernant, précisément, l es demandes d’extradition

belges et certaines affirmations du Sénégal lors du premier tour de plaidoiries.

36. Ainsi, M. Oumar Gaye, notamment lors de son intervention de jeudi dernier, a développé

plusieurs considérations sur la non-conformité des demandes d’ex tradition belges aux dispositions

48
de la loi sénégalaise, que vous trouvez à l’onglet8 des dossiers de plaidoiries de la Belgique .

Monsieur le président, nous ne reviendrons pas sur les explications déjà données dans notre

mémoire 49 et lors de notre premier tour de plaidoiries 50: nous avons amplement démontré que

chacune des demandes d’extradition était accompagnée, soit de l’original du mandat d’arrêt auquel

étaient joints les textes légaux requis ⎯pour la première demande d’extradition ⎯, soit d’une

47
CR 2012/5, p. 32, par. 34 (Gaye).
48
CR 2012/4, p. 24-25, par. 20-23 (Gaye).
49MB, vol. I, p. 22, par. 1.34.

50CR 2012/2, p. 24, par. 24-25 ; p. 32-36, par. 48-56 (Dive). - 23 -

copie certifiée conforme authentifiée de ce ma ndat et les annexes requises, dont les autorités

sénégalaises ont d’ailleurs accusé réception par note verbale 51.

o
37. Toutefois, il convient d’apporter la précision suivante: dans son arrêtn 7 du

10 janvier 2012 5, la chambre d’accusation mentionne une seconde cause d’irrecevabilité de la

troisième demande d’extradition belge. En effet, la chambre constate l’absence du procès-verbal

d’arrestation et de mise sous écrou et d’inte rrogatoire de la personne dont l’extradition est

demandée, documents requis par l’ article13 de la loi sénégalaise relative à l’extradition. Or, aux

termes de cette loi, il revient au ministère pub lic sénégalais d’établir ce procès-verbal et, en

application de la même loi, d’en saisir sur le champ la chambre d’accusation compétente et

d’accompagner ce procès-verbal de toutes les autres pièces pertinentes relatives à la demande

53
d’extradition . Il faut dès lors constater que, même si les pièces transmises par la Belgique en

copie certifiée conforme authentifiée avaient été remises à la chambre d’accusation, la troisième

demande d’extradition aurait, sans doute, été de tout e manière déclarée irrecevable, faute pour la

chambre d’accusation de disposer des documents judiciaires requis émanant du ministère public

sénégalais.

38. Monsieur le président, la précision qui vient d’être fournie n’a évidemment pas pour

objet de demander à la Cour de se prononcer sur un problème relevant des juridictions sénégalaises

elles-mêmes. Elle vise seulement à compléter la démonstration présentée lors du premier tour de

plaidoiries. Ainsi, après avoir montré que les documents fournis par la Belgique à l’appui des

demandes d’extradition, et transmis aux autor ités diplomatiques sénégalaises, n’ont pas été

transmis ou transmis tels quels à la chambre d’accusation compétente, la preuve vient d’être

apportée que les documents qui devaient être produits par le parquet sénégalais, dans le cadre de

l’examen de ces demandes, n’ont pas non plus été tr ansmis à la chambre compétente, en tout cas

pour la dernière demande d’extradition rejetée.

51Note verbale de l’ambassade du Sénégal à Bruxelles au ministère des affaires étrangères de

Belgique ⎯ 6 septembre 2011 ; note verbale de l’ambassade du Sénégal à Bruxelles au ministèr e des affaires étrangères
de Belgique ⎯ 23 janvier 2012.
52Arrêt nº7 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar, 10janvier2012, lettre de l’agent de la

Belgique au greffier de la Cour sur les nouveaux développements, 23 janvier 2012, annexe 3.
53Loi sénégalaise 71-77 du 28 décembre 1971 relative à l’extradition, dossier de plaidoiries, onglet 8. - 24 -

39. Monsieur le président, p assons maintenant à la dernière demande d’extradition belge.

L’agent du Sénégal, dans son intervention d’introduction de jeudi dernier, indiquait que:

«L’attente de la Belgique pourrait…re ncontrer une réponse favorable du Sénégal ⎯ et sa

persévérance sans doute couronnée de succès.» 54

40. La Belgique comprenait alors que le Séné gal envisage encore de tenter de répondre, trop

tardivement, à son obligation de poursuivre, ou à défaut d’extrader par le biais d’une extradition

vers la Belgique, en cas d’avis favorable de la chambre d’accusation. Notr e surprise fut dès lors

grande en entendant l’intervention faite par M.A bdoulayeDianko le lendemain lorsqu’il précisait

que la décision prise par l’Union africaine en juillet2006: «signi fie…que le Sénégal doit juger

Habré mais il doit le juger pour l’Afrique et en terre d’Afrique». Il ajoutait: «Le Sénégal

appliquera cette décision tout en se fais ant le devoir d’exécuter aussi son obligation

55
conventionnelle.»

41. La Belgique en déduit donc que le Gouvernement sénégalais semble décidé, même en

cas d’avis favorable de la chambre d’accusati on, à refuser l’extradition à la Belgique ⎯ comme le

lui permet l’article18 de sa loi relative à l’extradition ⎯ puisque M.AbdoulayeDianko précise,

comme nous venons de le voir, que HissèneHabré ne qu ittera pas la terre africaine. Si tel devait

être le cas, il ne suffirait plus à la Cour, pour constater l’existence d’un fait internationalement

illicite dans le chef du Sénégal, que de vérifier si ce dernier a respecté son obligation de poursuivre

HissèneHabré, au regard de la convention contre la torture et des règles de droit international

général auxquelles la Belgique s’est référée 56.

42. A ce propos, il est important de souligner la position de l’Union africaine quant à la

possibilité d’une extradition vers la Belgique. En effet, on ne peut certainement pas déduire de la

dernière décision prise lors du 18 esommet des chefs d’Etat et de gouvernement en janvier 2012 que

57
l’Union s’opposerait à une telle extradition . Au contraire, le rapport intérimaire présenté par la

Commission de l’Union africaine au cours de ce même sommet indique que :

54
CR 2012/4, p. 19, par. 45 (Thiam).
55
CR 2012/5, p. 35, par. 18 (Dianko).
56CR 2012/3, p. 8-22, par. 1-44 (Wood) ; p. 22-36, par. 1-33 (David).

57Assembly/AU/Dec. 401 (XVIII), 31janvier2012:«4. Prend note du fait que la cour d’appel du Sénégal ne
s’est pas prononcée sur la demande d’extradition de Hissène Habré vers la Belgique ;» - 25 -

«L’extradition vers la Belgique est l’option qui a la préférence du
Gouvernement de la République du Tchad, des victimes et des groupes de défense des
droits de l’homme, mais il convient de ra ppeler que le comité d’éminents juristes

africains a proposé que le cadre de la solu tion soit africain, tel qu’approuvé par la
conférence à Banjul … en juillet 2006… Mais puisqu’il s’avère difficile de trouver
une solution africaine, cette option devrait êt re réexaminée par la conférence, sur la

base du principe du rejet de l’impunité, tel qu’énoncé à l’article4(alinéash eto) de
l’Acte constitutif de l’Union africaine.» 58

43. Enfin, précisons plus avant la position du Tchad sur la question de l’extradition vers la

Belgique, le Tchad qui est le pays où les crimes reprochés à Hissène Habré ont été commis, le pays

de la nationalité de Hissène Habré et le pays de la nationalité de dizaines de milliers de victimes de

ces crimes. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Tchad donc, auquel se

réfère le rapport précité 59, a déclaré par un communiqué de presse du 22juillet2011 signé par le

secrétaire d’Etat au ministère des affaires étrangèr es, de l’intégration africaine et de la coopération

internationale :

«Malgré les nombreuses initiatives à l’ échelle nationale, continentale et
internationale, il semble de plus en pl us hypothétique qu’un procès de l’ancien

dictateur puisse se tenir suivant le schéma privilégié par l’UA [l’Union africaine]. Les
récents développements de l’affaire viennent conforter ce sentiment.

Plus que jamais, les conditions, notamment juridiques, d’un procès de
M. Hissène Habré sur le sol africain paraissent difficilement réalisables.

Eu égard à cette situation, le droit légitime des victimes à la justice et le principe

de rejet de l’impunité consacré par l’Acte constitutif de l’Union africaine conduisent le
Gouvernement du Tchad à demander que soit pr ivilégiée l’option de l’extradition de
M. Hissène Habré vers la Belgique pour qu’ il y soit jugé. Cette option explicitement
60
envisagée parmi d’autres par l’Union Africaine est la mieux adaptée à la situation.»

Il convient de préciser que cette position a officiellement été notifiée par le Tchad au vice-président

61
de la Commission de l’Union africaine le 21juillet2011. La position du Tchad est donc

extrêmement claire : nul besoin d’en dire plus.

58
Assembly/AU/12(XVIII) Rev. 1, rapport intérimaire de la commission sur la mise en Œuvre des décisions de la
conférence sur l’affaire Hissène Habré (mise en Œuvre de la décision Assembly/AU/Dec.340(XIV)), par. 15.
59
Ibid., par. 8-10 et par. 15-16.
60Communiqué de presse du ministère des affaires étrang ères du Tchad, 22juillet2011, disponible en ligne:
http://www.infotchad.com/details.asp?item_id=2838.

61Ibid. - 26 -

44. Par ces mots, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, se termine mon

intervention devant vous. Je tiens à nouveau à vous remercier pour votre bienveillante attention et

vous prie, Monsieur le président, de bien vouloir ap peler maintenant le professeur Eric David à la

barre. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur le coagent, et je donne la parole à M.le

professeur Eric David.

M. DAVID : Merci, Monsieur le président.

3.C OMPÉTENCE DE LA C OUR EN VERTU DES DÉCLARATIONS FACULTATIVES DE LA C OUR

DE LA B ELGIQUE ET DU SÉNÉGAL (STATUT CIJ, ARTICLE 36,PARAGRAPHE 2)ET
QUESTIONS RELATIVES À L OBLIGATION DE POURSUIVRE OU D ’EXTRADER
AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, lors du premier tour de

plaidoiries, j’avais montré que, dans le présent différend, d’une part, la compétence de la Cour se

fondait, pour l’ensemble du différend, sur les déclarations unilatérales d’acceptation de la

juridiction de la Cour, d’autre part, le Sénégal avait l’obligation de poursuivre pénalement Hissène

Habré ou, à défaut, de l’extrader vers la Belgi que pour répondre des crimes de guerre, des crimes

contre l’humanité et des crimes de génocide qui lui étaient imputés par le mandat d’arrêt décerné

contre lui par la justice belge.

2. Le Sénégal n’a quasiment pas abordé ces qu estions dans son contre-mémoire et il n’a pas

été plus prolixe lors du premier tour de plaidoiries. En revanche, certaines des questions posées par

les membres de la Cour se rapportent aux thématiq ues que j’ai traitées. C’est essentiellement pour

répondre à ces questions que je vais revenir, d’upart, sur les déclarations d’acceptation de la

juridiction de la Cour (I.), d’autre part, sur l’obligation du Sénégal de réprimer les crimes de guerre,

les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide imputés à Hissène Habré (II.).

I. La juridiction de la Cour fondée sur les déclarations unilatérales
d’acceptation de sa compétence

3. Dans ses plaidoiries du premier tour, le Séné gal a soutenu que la re quête de la Belgique

n’était pas recevable en raison de l’absence de différend entre les deux Etats et l’absence de - 27 -

négociations préalables . Le Sénégal a développé son argum entation uniquement au regard de

l’article30 de la convention contre la torture, tout en constatant pourtant que la Belgique fondait

aussi la compétence de la Cour et la recevabilité de sa requête sur les déclarations unilatérales

d’acceptation de la juridiction de la Cour par le Sé négal et la Belgique. Sir Michael Wood traitera

des questions relatives à l’article30 de la convention contre la torture. Je vais me limiter

simplement aux déclarations facultatives d’acceptation de la juridiction de la Cour.

4. Même si le Sénégal n’a présenté aucun développement sur ces déclarations d’acceptation

en tant que fondement de la compétence de la Cour en la présente affaire, je dois revenir sur la

compétence de la Cour, en vertu de ces déclarations, en particulier afin de répondre à la question de

M.le juge Keith; et je parlerai successiveme nt dans cette partie de la prétendue absence de

différend ⎯et ce sera le premier point ⎯ et de l’existence, ou plutôt de l’inexistence, des

conditions préalables à l’exercice de la compét ence de la Cour en vertu des déclarations

d’acceptation de sa juridiction ⎯ ce sera le deuxième point.

A. La prétendue absence de différend

5. Lors de mon exposé de lundi dernier, j’ avais répondu à cette exception qui avait déjà été

soulevée dans le contre-mémoire du Sénégal en montrant que les trois principaux arguments

invoqués par le Sénégal pour soutenir qu’il n’exis tait pas de différend n’escamotaient pas celui-ci

par un coup de baguette magique: la modifica tion par le Sénégal de sa législation, la

reconnaissance par le Sénégal qu’il devait poursuiv re ou, à défaut, extrader HissèneHabré et

l’accord final sur le financement du procès de Hi ssèneHabré ne changeaient rien au fait que

HissèneHabré n’était ni poursuivi ni extradé; le différend portant, pour l’essentiel, non sur

l’applicabilité de la convention contre la torture et du droit international géné ral, mais plutôt sur

l’application de ces règles, le différend entre la Belgique et le Sénégal demeure donc dans sa

totalité.

6. Dans ses exposés de vendredi, la Partie sénégalaise a répété presque littéralement les

arguments de son contre-mémoire et n’a rien répondu à l’argumen t de la Belgique fondé sur le fait

que le différend résultait d’un désaccord sur l’applic ation concrète de cette convention et du droit

62
CR 2012/5, p. 13 et suiv. (Bakhoum). - 28 -

international général. Le différend persiste donc, excusez-moi de me répéter, dans son intégralité :

le Sénégal n’a pas montré le contraire et préte ndre l’inverse revient à masquer la dure réalité des

faits, qui démontre que le différe nd existe également quant à l’inte rprétation et à l’application des

règles pertinentes du droit international général.

7. Faute de vraie contradiction ou de contre-a rgument, la Belgique ne peut donc que répéter

ce qu’elle a déjà dit: le Sénégal ne poursuit pas HissèneHabré alors que le droit international,

conventionnel et coutumier l’y oblige, et il ne l’extrade pas non plus alors que les mêmes règles l’y

contraignent à défaut de poursuites. Ceci m’amène au deuxième point.

B. L’inexistence des conditions préalables à l’ex ercice de la compétence de la Cour en vertu
des déclarations d’acceptation de sa juridiction faites par les Parties

8. Le Sénégal ne répond rien au fait que, co mme je l’avais dit lundi dernier, la Cour a

d’abord été saisie sur la base des déclarations d’acceptation de sa juridiction par les deux Etats

(Statut, art.36, par.2) et que celles-ci n’exig ent pas de négociation diplomatique préalable. La

Cour avait dit, dans l’affaire de la Frontière Cameroun-Nigéria, que sa compétence, lorsque la

Cour est saisie sur la base de déclarations concor dantes de reconnaissance de sa juridiction, n’est

pas mise en péril par les conditions plus restrictiv es figurant dans un traité liant les parties et

subordonnant la compétence de la Cour auxdites cond itions. C’est ce qui ressortait, en effet, de la

constatation par la Cour, dans cette affaire, qu’elle avait «été saisie sur la base de déclarations faites

en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, déclarations qui ne contiennent aucune condition

relative à des négociations préalables» ( Frontière terrestre et maritim e entre le Cameroun et le

Nigéria (Cameroun c.Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil1998 , p.322,

par. 109 ; les italiques sont de nous). Il en va de même pour l’arbitrage ⎯ l’arbitrage en tant que

condition d’exercice par la Cour de sa compétence en vertu de l’article30 de la convention

de1984, mais non en vertu des déclarations d’accepta tion de sa juridiction. Le Sénégal n’a rien

répondu à cette simple constatation.

9. Et ceci me donne l’occasion de répondre à la première question de M. le juge Keith en ce

qu’elle se rapporte aux déclarations du Sénégal et de la Belgique fondées sur l’article36,

paragraphe 2, du Statut. La question se lit comme suit : - 29 -

«1. Les déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour que
les deux Parties ont faites en application du pa ragraphe 2 de l’article 36 du Statut sont

assorties de réserves qui excluent de leur champ d’application «les différends d’ordre
juridique…[pour lesquels] les Parties au raient convenu ou conviendraient d’avoir
recours à un autre mode de règlement pacifique» ([les termes de la déclaration belge

ici]) et les «différends pour lesquels les Parties seraient convenues d’avoir recours à
un autre mode de règlement» ([les termes de la déclaration sénégalaise]).

Les Parties estiment-elles que l’article 30 de la convention contre la torture, en
particulier dans ses dispositions relatives aux négociations et à l’arbitrage, prévoit un
tel «mode de règlement» en ce qui concerne les violations de cet instrument alléguées
par la Belgique, avec pour c onséquence que la compétence de la Cour pour connaître
63
de ces violations ne peut être déterminée que par référence à l’article 30 ?»

10. La réponse de la Belgique à cette ques tion est négative en raison du texte des deux

déclarations et de l’article 30 de la convention contre la torture. Les déclarations se réfèrent à un

«autre mode de règlement» convenu par les Parties. Or, premièrement, l’article 30 ne traite pas les

négociations comme un «autre mode de règl ement» du différend mais comme une condition

préalable à la saisine de la Cour. Deuxièmement, l’article30 ne contient pas de dispositions

garantissant qu’un arbitrage aura lieu à la demande d’une des parties. Au contraire, l’article30

traite de l’hypothèse où l’arbitrage n’aura pas lieu. Dès lors, de l’avis de la Belgique, l’arbitrage ne

peut pas être considéré comme un «autre mode de règlement» dans le sens de la réserve contenue

dans les déclarations d’acceptation des deux Etats, des deux Parties.

D’ailleurs, la jurisprudence de la Cour interp rète les réserves prévoyant un «autre mode de

règlement» comme se référant à un mode autre que la Cour elle-même. Ainsi, dans l’arrêt relatif à

Certaines terres à phosphates à Nauru , la Cour a interprété de telles réserves comme renvoyant à

«une procédure agréée autre que le règlement judiciaire» ( Certaines terres à phosphates à Nauru

(Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 246-247, par. 11).

Reste à voir si les conditions prévues par une clause compromissoire, en l’occurrence

l’article 30 de la convention contre la torture, peuvent être «importées» en quelque sorte à un autre

titre de compétence de la Cour qui ne prévoit pas de telles conditions. La réponse, ici aussi, est

négative. En effet, la jurisprudence de la Cour montre que les instruments fondant la compétence

de la Cour sont autonomes les uns par rapport aux autres et ne s’excluent pas.

63
CR 2012/5, p. 41. - 30 -

11. Ainsi, dans l’affaire de la Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie , en 1939, la

Cour était confrontée, comme ici, à deux titres de compétence :

⎯ d’une part, une convention prévoyant des cond itions préalables à la saisine de la Cour,

condition que la déclaration d’acceptation ne prévoyait pas ;

⎯ d’autre part, une déclaration de la Belgique excl uant de la compétence de la Cour les affaires

pour lesquelles les Parties auraient convenu d’un autre mode de règlement.

La Cour permanente de Justice internationale avait, alors, affirmé que :

«la multiplicité d’engagements conclus en fave ur de la juridiction obligatoire atteste

chez les contractants la volonté d’ouvrir de nouvelles voies d’accès à la Cour plutôt
que de fermer les anciennes ou de les laisser se neutraliser mutuellement pour aboutir
finalement à l’incompétence» . 64

La Cour avait poursuivi en disant que la réserve à la compétence de la Cour prévue par un

traité ne privait pas la Cour de la compétence qui lui était reconnue par des déclarations unilatérales

où cette réserve ne figurait pas 65.

En l’espèce, la Cour avait écarté sa compétence en vertu du traité et elle avait vérifié si elle

était compétente en vertu de la déclaration d’acceptation de la Belgique ⎯à l’époque, c’était la

Belgique qui était l’Etat demandeur. Elle avait donc vérifié si elle était compétente en vertu de la

déclaration d’acceptation de la Belgique considérée indépendamment du traité en question. Il en va

de même dans la présente affaire.

12. Le caractère distinct et autonome des titres de compétence a été également affirmé dans

l’affaire des Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c.Honduras) 66ainsi que

dans l’arrêt de2007 relatif au Différend territorial et maritime opposant le Nicaragua à la

Colombie 67.

13. Dans le cadre de la première affaire (Nicaragua c.Honduras) , la déclaration

d’acceptation du Honduras contenait une réserve équivalente à celles dont il est question ici.

64 o
Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n 77, p. 76.
65 Ibid.

66 Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c.Honduras),compétence et recevabilité, arrêt ,
C.I.J. Recueil 1988, p. 85, par. 36.

67 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt ,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 873, par. 137. - 31 -

Malgré l’existence de cette réserve, la Cour a confirmé l’indépendance des deux titres de

68
compétence, rejetant l’argument contraire du Honduras .

14. La deuxième affaire (Nicaragua c.Colombie) confirme la jurisprudence de la Cour.

Dans cette affaire, le Nicaragua invoquait deux titres de compéten ce de la Cour: d’une part,

l’article XXXI du pacte de Bogotá, d’autre part, les déclarations d’acceptation de la juridiction de

la Cour en vertu de l’article36, paragraphe2. Aucune des deux déclarations ne contenait une

réserve visant l’existence d’un autre mode de règlement. Toutefois, la Colombie affirmait que «la

compétence dévolue à la Cour par le pacte de Bogotá est déterminante et donc exclusive»

(Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) , loc. cit., p.870, par.123), au titre de

lex specialis par rapport à la déclaration faite en applicati on de l’article 36, paragraphe 2. La Cour

a rejeté cette interprétation en disant, comme dans l’arrêt Nicaragua c. Honduras, que «les

dispositions du pacte de Bogotá et les déclarations faites en vertu de la clause facultative

constituent deux bases distinctes de compétence de la Cour qui ne s’excluent pas mutuellement»

(ibid., p. 873, par. 136).

15. La Cour note encore que la clause facultative lui assure une compétence plus étendue que

celle résultant du pacte de Bogotá et que la restric tion prévue par ce dernier ne s’applique pas à «la

compétence découlant de la clause facultative» (ibid., p. 873, par. 137).

16. En guise de conclusion sur ce point, il ressort de la jurisprudence analysée que :

1) Les clauses compromissoires et les déclarations d’acceptation de la compétence de la Cour en

vertu de l’article 36, paragraphe 2, sont deux titres de compétence distincts et indépendants qui

ne s’excluent pas mutuellement ;

2) Cette indépendance implique que les clauses compromissoires ne sont pas une lex specialis par

rapport aux déclarations faites en vertu de l’article 36, paragraphe 2, et qu’elles ne prévalent pas

sur les secondes. Il n’y a pas de présomption de primauté d’une norme restrictive sur une

norme à caractère extensif. La Cour l’avait laissé entendre dans l’affaire Cameroun c. Nigéria

en1998. Elle l’a dit plus explicitement dans l’affaire Nicaragua c. Colombie en2007 en se

68
Actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), loc. cit., p. 85, par. 36. - 32 -

référant à l’affaire Nicaragua c. Honduras, où il était question d’une réserve du Honduras ayant

la même portée que les réserves de la Belgique et du Sénégal.

17. Dans le cadre de la présente affaire, ces conclusions impliquent que :

1) Les déclarations d’acceptation de la compétence de la Cour, qui couvrent l’ensemble du

différend dont la Cour est saisie, constituent un titre de compétence autonome et distinct de

l’article 30 de la convention contre la torture ;

2) L’article 30 de cette convention ne peut pas être considéré comme une lex specialis par rapport

à ces déclarations.

J’espère que l’analyse qui précède apportera d es éléments concrets de réponse à la question

de M. le juge Keith.

II. L’obligation du Sénégal de réprimer les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité

et les crimes de génocide imputés à Hissène Habré

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pas plus que le

contre-mémoire, les plaidoiries orales du Sénégal n’ont développé la question des violations du

droit international général. Tout au plus, l’agent du Sénégal affirme dans ses conclusions que le

Sénégal n’a violé ni la convention contre la tort ure ni «aucune autre règle de droit conventionnel,

69
de droit international général ou de droit international coutumier» . C’est, à peu près, la seule

référence du Sénégal au droit international général.

19. La Belgique maintient donc l’ensemble de ses conclusions et voudrait profiter de

l’occasion pour répondre, ici, aux questions de M.lejugeGreenwood, sans préjudice des

compléments d’information qu’elle apportera par écrit le 28 mars au plus tard, conformément à la

décision de la Cour.

20. Avant cela, la Belgique voudrait comme ncer par rappeler qu’au premier tour de

plaidoiries, elle avait constaté que le Sénégal partageait les mêmes convictions que la Belgique en

ce qui concerne son obligation de réprimer les crim es de guerre, les crimes contre l’humanité et les

crimes de génocide. Cette conve rgence de vues du Sénégal avec l es vues de la Belgique ressortait

de plusieurs éléments :

69
CR 2012/5, p. 40. - 33 -

⎯ les prises de position du Sénégal, lors des travaux de la SixièmeCommission de l’Assemblée

générale sur l’obligation de poursuivre ou d’extrader 70, notamment étaient favorables à la lutte

contre l’impunité ;

⎯ l’exposé des motifs de la loi sénégalaise du 12 février2007 incriminant les crimes de guerre,

les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide 71, exposé des motifs qui se fonde

notamment sur la coutume internationale ; et enfin,

⎯ le fait que le Sénégal et la Be lgique sont tous les deux parties au statut de Rome dont le

préambule (considérants 4 à 6) oblige les Etats à réprimer ces crimes.

Le Sénégal n’a pas contesté ces conclusions lors des plaidoiries du premier tour où, sans entrer

dans le détail de la question, il s’est référé quand même à six reprises, au moins, aux exigences de

72
la «lutte contre l’impunité» , notamment en insistant sur le fait que

«le Sénégal, Etat de droit, respectueux des droits humains, est également
profondément engagé dans la lutte contre l’impunité et la répression des violations du
droit international les plus graves, au même titre que les autres Etats, membres de la

communauté internationale qui partagent avec lui les mêmes idéaux, car les crimes de
droit international portent atteinte à des valeurs jugées universelles touchant la dignité
humaine» . 73

Le Sénégal est donc d’accord avec la Belgique sur le fait qu’il est tenu de réprimer les crimes

de guerre, les crimes contre l’humanité et les crim es de génocide. La Belgique attend simplement,

comme elle l’a dit et répété, que le Sénégal joigne le geste à la parole.

21. Je vais à présent examiner chacune des trois parties de la question posée par le

M.lejugeGreenwood relative à «l’argument selon lequel le Sénégal aurait violé l’obligation de

poursuivre ou d’extrader prévue par le droit international coutumier».

22. Dans la première partie de la question, M. le juge Greenwood, demande à la Belgique :

«de désigner les Etats ayant conféré compétence à leurs juridictions pour connaître

i) de crimes de guerre commis dans le cadre d’un conflit armé ne revêtant pas

un caractère international, et

70
Nations Unies, doc. A/C.6/66/SR.12, par. 27.
71Loi n 2007-02 du 12février2007 modifiant le code pénal, Journal officiel de la République du Sénégal,
p. 2377, in MB, annexe D.6.

72CR 2012/4, p.9, 15, par.5, 23 (Thiam); ibid., p.20, 23, 26, 29, par.5, 18, 30, 44 (Gaye); CR2012/5,
p. 10-11, par. 10 et 20 (Diouf) ; ibid., p. 34, par. 11 (Dianko).

73CR 2012/4, p. 20, par. 5 (Gaye). - 34 -

ii) de crimes contre l’humanité,

lorsque le crime allégué a eu lieu hors de le urs frontières et que ni son auteur présumé
ni les victimes ne sont des ressortissants de ces Etats».

23. A la connaissance de la Belgique, les études de droit comparé les plus exhaustives sont

celles réalisées par le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) et par Amnesty International.

Il ressort de l’impressionnante étude d’Amnesty International 74 qu’à ce jour le droit interne d’au

moins une cinquantaine d’Etats prévoit la compét ence du juge national pour connaître de crimes

contre l’humanité et de crimes de guerre commis dans un conflit armé non international, même si

ni le suspect ni les victimes ne sont des ressortissants de l’Etat du for et si le crime n’a pas été

commis sur le territoire de l’Etat du for. Ce groupe d’Etats comprend des Etats de tous les

continents, et leur identité sera portée à la connaissance de la Cour dans les compléments écrits de

réponses aux questions des juges (pour gagner du temps, nous avons décidé de ne pas le faire ici).

24. Dans la deuxième partie de sa question, M. le juge Greenwood demande à la Belgique

«de citer des exemples d’Etats ayant exercé leur compétence ou accordé l’extradition en pareils

cas».

On peut évidemment citer la Belgique pour les procès et les condamnations de citoyens

rwandais pour des crimes de guerre à la suite de leur participation en1994 au conflit armé qui

75
déchirait le Rwanda et qui a c onduit au génocide que vous connaissez , mais la pratique ne se

limite pas à la Belgique. Le base de données du CICR relative au droit international humanitaire

coutumier 76 énonce d’autres cas de poursuites d’étrangers soupçonnés d’avoir commis, en dehors

de l’Etat du for, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre dans un conflit armé de

77 78 79 80
caractère non international, par exemple, en Hongrie , en Suisse , en France , aux Pays-Bas ,

74
Amnesty International , Universal Jurisdiction - A Preliminar y survey of Legislation around the World ,
London, Amnesty Int. Publ., 2011, 390 p.
75
Cour d’assises de Bruxelles, 8-9juin2001, Ntezimana et al. , in Ybk. I.H.L. , 2000 (paru en 2002), p.426 et
suiv. ; ibid., 2001 (paru en 2004), p. 453 et suiv. ; id., 29 juin 2005, Nzabonimana et al., ibid., 2003 (paru en 2006).
76
http://www.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/home.
77
Cour constitutionnelle, déc. 53/1993, 13 octobre 1993.
78 Tribunal militaire de Lausanne, 18 avril 1997, Grabez.

79 Cour de cassation française, 6 janvier 1998, Munyeshiaka.
80
Neth. Supr. Crt., 11 novembre 1997, Knesevic. - 35 -

en Afrique du Sud 81, en République centrafricaine 82. La Belgique apportera, ici aussi, une

documentation plus abondante dans ses compléments de réponses au plus tard le 28 mars prochain.

25. Dans la troisième partie de sa question, M.lejugeGreenwood, demande à la Belgique

«de produire des éléments de preuve attestan t que des Etats s’estiment tenus par le droit

international de poursuivre ou d’extrader dans de telles circonstances».

La Belgique a montré dans son mémoire et lors des plaidoiries du premier tour que les Etats

s’estiment en effet tenus de poursuivre ou d’extr ader la personne soupçonnée d’avoir participée à

un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un crime de génocide. La Belgique ne reprendra

pas ici cette démonstration, mais elle complétera, dans les répons es écrites qui seront transmises à

la Cour le 28 mars au plus tard, ses éléments de preuve concernant le fait que les Etats s’estiment

bel et bien tenus de concourir à la répression des personnes ayant commis ou étant présumées avoir

commis de tels crimes.

26. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ici se termine mon exposé au

nom de la Belgique. Je vous remercie de votre patiente et bienveillante attention.

Je voudrais vous demander, Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à

sirMichaelWood, à moins que vous n’estimiez peut -être qu’il est temps de suspendre la séance.

Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur le professeur. Sir Michael parlera après la pause. La

séance est suspendue pour dix minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 35.

The PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. The sitting is resumed and I invite Sir Michael to

address the Court. You have the floor, Sir.

Mr. WOOD: Thank you very much, Mr. President.

81
S. Afr. Const. Crt., 10 mars 2004, Basson.
82Cour de cassation, 11 avril 2006, Patassé et al. - 36 -

4.Q UESTIONS CONCERNING THE C ONVENTION AGAINST TORTURE ,AND

CONCERNING S TATE R ESPONSIBILITY

1. Mr. President, Members of the Court, I shall first say a few words in reply to what Senegal

has said in the first round concerning the breachesof the Torture Convention that Belgium has

raised in these proceedings. I sh all then seek to respond to those questions put by Members of the

Court that directly concern the interpretation orapplication of the Convention. We are very

grateful for these questions, which assist us to clar ify some important questions of law and fact at

issue in these proceedings.

2. Mr.President, I shall be dealing mainly with issues under the Torture Convention. First

some points concerning jurisdiction under Article30; and then Senegal’s breaches of Article5,

paragraph 2, Article 6, paragraph 2, and Article 7, paragraph 1. In fact, there is not a great deal that

I need say in response to Senegal’s oral pleadings last week, since we have already sought to reply

in the first round to the arguments in the Counter-Memorial.

3. Mr.President, I turn first to a few points arising under Article30 of the Torture

Convention, the compromissory clause. As Profess or David has just recalled, the jurisdiction of

the Court under Article30 in respect of the dis pute under the Torture Convention is additional to

the Court’s jurisdiction under the Optional Clause, wh ich also applies to that dispute, as well as to

the other issues in dispute between Belgium and Senegal in the present proceedings. In other

words, if ⎯ which we certainly do not accept ⎯ the conditions under Article 30 were not met, the

Court would still have jurisdiction under the Optional Clause over the dispute concerning the

interpretation or application of the Convention.

4. Mr.President, last Monday I referred to the fact that, Georgia v. Russian Federation,

the requirement that the dispute be one that coul d not be settled by negotiation turned out to be

crucial. I did not then go into any details, since I wanted to see what reliance Senegal would place

83
upon that judgment . In fact, they did not refer to the case during the first round but I feel,

nevertheless, in order to assist the Court, hould address briefly the possible relevance of that

judgment to this case.

83
CR 2012/2, pp. 60-61, para. 47 (Wood). - 37 -

In5. Georgia v. Russian Federation , you were, of course, considering Article22 of the

Racial Discrimination Convention, CERD, not Article30 of the Torture Convention. The two

provisions, while similar, are by no means identical.

6. I should like to draw attention to two differences between the compromissory clauses in

these two conventions, although, as you will see, in our submission these differences are not

material in the present case. First, CERD refers to a dispute “which is not settled” by negotiation,

whereas the Torture Convention has “which cannot be settled” by negotiation. I note in passing

that the French version of “is not” ⎯ “qui n’aura pas” ⎯ tends to suggest that this particular

difference between CERD and the Tortur e Convention has no significance. In Georgia v. Russian

Federation different views were expressed by the majority and by the five judges who joined in the

joint dissenting opinion ( Application of the International C onvention on the Elimination of All

Forms of Racial Discrimination Convention (Georgia v. Russian Federation), Preliminary

Objections, Judgment of 1 April 2011, para. 28), as regard s the meaning of “is not settled”, but all

Members of the Court, as I read it, seem to have felt that the different wording of the various

references to negotiation in the various conventions was without significance. In any event, in our

submission any conceivable difference is not material in the present case.

7. A second difference between the compromi ssory clauses in CERD and in the Torture

Convention is this. CERD contains an additional condition, not included in the Torture

Convention, that the dispute “is not settled... by the procedures expressly provided for in this

Convention”. It was not, in the event, necessary in Georgia v. Russian Federation for you to

examine whether the preconditions in CERD were cumulative or alternative ( ibid., para. 183).

Mr. President, Members of the Court, our firm submission is that ⎯ whatever may be the position

under the CERD ⎯recourse to Article21 of the Torture Convention, that is the inter-State

communications procedure, is not a precondition for the Court’s jurisdiction under Article30.

Quite apart from the fact that the Article21 procedure does not lead to a binding settlement, the

absence of any reference to Article 21 in Article 30 is, in our submission, conclusive.

8. Mr. President, it is also worth recalling how you approached the concept of negotiations in

Georgia v. Russian Federation. I do so in response to Senegal’s rather formalistic view of the - 38 -

matter, as set out by Mr.Bakhoum on Friday 84. In Georgia v. Russian Federation , you recalled

that the phrase “any dispute... which is not settled by negotiation” did not suggest formal

negotiations within the framework of the Convention, but that “some attempt should have been

made by the claimant party to initiate discussion” on issues that would fall within the Convention

(Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial

Discrimination Convention (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment of

1April2011, para.129). And you noted that reso rt to negotiations in compromissory clauses

fulfilled three functions: to give notice to the respondent that a dispute exists and to delimit the

scope of the dispute and its subject-matter; to en courage the parties to settle the dispute; and to

indicate the limit of consent to jurisdiction ( ibid., para. 131). Each of these three functions, we

submit, had been fulfilled in the present case by th e time that Belgium submitted its Application to

the Court in 2009. As Mr. Dive has just recalled, Senegal can have been in no doubt that a dispute

existed and as to its scope and subject-matter. And the Parties have had ample opportunity to settle

the dispute.

9. You next considered, in Georgia v. Russian Federation , the concept of negotiations,

observing that “negotiations are distinct from mere protests or disputations”. They “entail more

than the plain opposition of legal views or interests . . ., or the existence of a series of accusations

and rebuttals, or even an exchange of claims and directly opposed counter-claims”. The concept of

negotiations, you went on to say, “requires ⎯ at the very least ⎯ a genuine attempt by one of the

disputing parties to engage in discussions with the other disputing party, with a view to resolving

the dispute” (ibid., para. 157). Mr. President, I need hardly recall that Belgium has made repeated

efforts to engage Senegal in discussions over the dispute. Belgium constantly sought information

85
and explanations, for example in its Note of 8May2007 . But in vain. Senegal remained

unresponsive.

10. I now turn to Judge Keith’s second question, which reads as follows:

“What significance is to be given to the reference in Article30(1) of the
Convention to the inability of the Parties to a dispute to agree to the organization of
the arbitration to resolve the dispute? Does it, for instance, require the Party

84
CR 2012/5, 16 March 2012, pp. 18-23, paras. 33-53 (Bakhoum).
8MB, Vol. II, Ann. B.14. - 39 -

proposing arbitration to formulate the issue which it considers should be submitted to

arbitration or to propose other aspects of the organization of the arbitration? What is
the evidence, in this case, of that inability?”

11. Mr. President, Article30 provides that, “[i]f within six months from the date of the

request [for arbitration] the Parties are unable to agree on the organization of the arbitration”, any

one of them may refer the dispute to the Court. Th is is an imperfect arbitration clause, in the sense

that it does not set out fail-safe provisions ensuring that an arbitration will take place, even if one of

the parties does not co-operate. It means that, in practice, the consent of the other party is required.

86
This contrasts with what we find in many other treaties . In the case of Article30, it is the

International Court that is, to use a cricketing term , the “long stop”. It is the International Court,

which ensures that ultimately any dispute under the Convention may be resolved in a binding

fashion by a third party, if, after the six–month period has elapsed, the other party submits the

dispute to the Court. In our submission, the c ondition that the Parties are unable to agree on the

organization of the arbitration within a fixed period of time is met if, for any reason, the period

expires without agreement on the arbitration. Any other view would be inconsistent with the aim

of Article 30, which is to ensure that disputes are resolved.

12. I would recall what I said last week 87. In neither the Lockerbie cases ⎯ which

concerned Article14 of the Montreal Convention ⎯ nor Democratic Republic of the Congo v.

Rwanda ⎯ which concerned Article29 of the Conventi on on the Elimination of All Forms of

Discrimination against Women, as well as the Montreal Convention ⎯ did the Court inquire

whether the requesting party had made proposals concerning the organization of the arbitration. In

Democratic Republic of the Congo v. Rwanda, after saying that “the lack of agreement between the

parties as to the organization of an arbitration cannot be presumed”, the Court continued: “[t]he

existence of such disagreement [that is, a disagreement as to the organization of the arbitration] can

follow only from a proposal for arbitration by the a pplicant, to which the respondent has made no

answer or which it has expressed its intention not to accept” ( Armed Activities on the Territory of

the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction

86
See, for example, Annex VII to the United Nations Convention on th e Law of the Sea, Montego Bay,
10 December 1982, United Nations, Treaty Series (UNTS), Vol. 1833, p. 3 (I-31363).
8CR 2012/2, p. 62, paras. 54-56 (Wood). - 40 -

of the Court and Admissibility of the Application , Judgment of 3February 2006, I.C.J

Reports 2006, p. 41, para. 92).

13. Article 30 refers to a dispute being submitted to arbitration at the request of a State party.

A request under Article 30 needs to be with reference to an identifiable dispute, though the precise

formulation of the dispute would normally be included in the arbitration agreement which has to be

negotiated and agreed between the Parties. As Mr .Dive has just recalled, in the present case, it

was certainly clear from all the circumstances, an d in particular from the extensive diplomatic

exchanges between the Parties, that the dispute concerned the interpretation or application of

specific provisions of the Convention in relation to the prosecution or, in default thereof,

extradition of Hissène Habré.

14. There is no requirement in the text of Artic le 30, or otherwise, that a State must propose

other aspects of the organization of the arbitration together with its request to submit a dispute to

arbitration or at any specific time. Article30 is silent on this. These are matters for negotiation

between the parties once arbitration is agreed in pr inciple, or once some interest, at least, has been

shown by the other party in proceeding to arbitration. It would be entirely natural, as a matter of

diplomacy, for a State requesting arbitration to wait and see whether the request is accepted in

principle, for example, to see whether the other party itself has any proposals to make in this

regard, and under what conditions, if any, it has accepted before putting forward its own thoughts

on aspects of the organization of the arbitration. It may, for example, be judged tactically unwise

to raise such details at too early a stage. Th at might itself reduce the chances of agreeing on an

arbitration. So we say a State requesting arb itration under Article30 is not required to make

proposals for, or even to raise questions concerning the organization of the arbitration at the outset

or at any specific moment. Experience shows wh at a time-consuming process that can be, and it

may anyway be something best wo rked on jointly. We can see how detailed the matters are that

have to be resolved by looking at examples of rules for inter-State arbitration, such as the

Permanent Court of Arbitration’s Optional Rules which run to some 41 articles 88.

88Permanent Court of Arbitration Optional Rules for Arbitrating Disputes betw een Two States, online:

http://www.pca-cpa.org/upload/files/2STATENG.pdf. - 41 -

15. Moreover, the requesting State should no t be required to disclose its hand on matters

such as the number and qualifications of arbitrators, finance, organization of the registry, and so on,

before its request is received favourably by the ot her party. Indeed, the requested State may have

no interest in arbitration, as seems to have been the position in our case, since it evoked no

response; it may, for example, prefer that the matter come before this Court, with the obvious

advantages that that has for the Parties.

16. As I have said, in the Lockerbie case, the Court did not suggest that Libya should have

made proposals on the organization of the arbitration. In our case, as the Court put it in Lockerbie,

Belgium’s request for arbitration “met with no answer” ( Questions of Interpretation and

Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan

Arab Jamahiriya v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998,

p. 17, para. 21; Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention

arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of

America), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998 , p. 122, para. 20). In fact, it met

89
with no answer for a period well beyond the six months specified in Article 30, from June 2006 ,

or May 2007 90 when the request was repeated, up to Febr uary 2009 when these proceedings were

initiated. This, in response to the final part of JudgeKeith’s question, is we say the evidence of

inability. As we have said, this was certainly not a case of rushing to the Court, or of entrapment,

91
as Senegal appeared to suggest last week . It is in fact Senegal that has shown throughout the

entire period and, by its eloquent silence, its lack of interest in negotiating with Belgium on the

dispute or in going to arbitration.

17. Mr.President, Members of the Court, I now turn from Article30 to the substance of

Belgium’s case under the Torture Convention. As I have said, Belgium has raised breaches of

three provisions. Senegal said virtually nothi ng last week about the breach of Article5,

paragraph 2, which seems to be admitted. What Senegal does not seem to appreciate, however, are

the very serious consequences that flowed from th at breach. They have tried to play down their

89MB, Vol. II, Ann. B.11.
90
MB, Vol. II, Ann. B.14.
91CR 2012/5, p. 20, para. 40, and p. 25, para. 59 (Bakhoum). See also CMS, paras. 191-192. - 42 -

omission, which lasted over 20 years, in the face of repeated reminders from the Committee against

Torture, and from the Senegalese courts themselves, including the highest court. They said that it

92
was in the past . Yes, Mr. President, it was in the past, but the serious consequences endure to this

day.

18. The second provision that Belgium says Senega l has breached is Article 6, paragraph 2.

I dealt with this last week 93. Senegal, I think I am right, did not even mention this provision in its

oral pleadings last week, so I need not add to what I have already said except, of course, to reply to

Judge Cançado Trindade’s question. That question was as follows:

“According to Article 6 (2) of the United Nations Convention against Torture, a
State Party wherein a person alleged to have committed an offence (pursuant to

Article4) is present, ‘shall immediately ma ke a preliminary inquiry into the facts’.
How is this obligation to be interpreted? In your view, are the steps that Senegal
alleges to have taken to date, sufficient to fulfil its obligation under this provision of

the United Nations Convention against Torture?”

19. Mr.President, Members of the Court, as I explained last Tuesday, Article6 of the

Convention sets out essential preliminary steps to make the Convention’s aut dedere aut judicare

system effective. There are three such steps in the Article: first , to secure the offender’s presence;

second, to conduct, immediately, a preliminary inquiry; and, third, to notify, immediately, certain

States what is going on, including in particular reporting to them its findings following the

preliminary inquiry and indicating whether it intends to exercise jurisdiction.

20. So, first, the person’s presence must be secured. That is what paragraph 1 provides. We

94
heard on Friday from Mr.Dianko that Senegal had fulfilled the obliga tion in paragraph1 .

Belgium never contested that, though from time to time we have had serious concerns about

Senegal’s continuing commitment to this obligation, given certain statements by high-level

officials95.

21. But we heard not a word ⎯ not a word ⎯ from the Senegal’s counsel last week

concerning Article6, paragraph2. This sile nce was eloquent, since Belgium raised Senegal’s

92CR 2012/5, p. 28, para. 17 (Gaye), and p. 39, para. 41 (Dianko). See also CMS, paras. 100, 218-220.
93
CR 2012/3, p. 18, paras. 30-32 (Wood).
94
CR 2012/5, p. 35, paras. 14-15 (Dianko).
95CR 2012/2, pp. 36-38, paras. 57-62 (Dive). - 43 -

violation of paragraph2 in the Memorial 96, and at some length in the first round of oral

97
pleadings .

22. Article6 is a common provision in conventions containing aut dedere aut judicare

clauses. It is to be found, for example, in th e Hague and Montreal Conventions concerning civil

aviation. Last Tuesday, I cite d a passage from the United Nations Study on such clauses, to the

effect that the preliminary steps set out in the conventions, including “measures... to investigate

relevant facts”, are essential to allow the prope r operation of the mechanism for the punishment of

98
offenders in the relevant conventions .

23. The nature of the investigation required by Article6, paragraph2, will, in our view,

depend to some extent on the particular legal system concerned, and it will depend upon the

circumstances of the particular case. But it follows from the structure of the aut dedere aut

judicare provisions of the Convention, that the refere nce to a preliminary inquiry in Article6,

paragraph 2, is to the kind of preliminary investigation ⎯ by investigating authorities, for example

the police ⎯ that precedes the submission of the matte r to the prosecuting authorities. And it is

clear, from paragraph 4 of the Article, that the pre liminary inquiry should lead to findings and that

a primary purpose of the inquiry is to enable the State in whose territory the alleged offender is

present to take a decision on whether it intends to take jurisdiction. Another purpose, also

expressed in paragraph4, is to re port its findings to other interested States to ensure that they are

sufficiently informed so that they may take a decision whether or not to move towards seeking

extradition.

24. The preliminary inquiry referred to in Article 6, paragraph 2, thus requires the gathering

of first pieces of evidence and information, suffi cient to permit an informed decision by the

competent authorities of the territorial State whether a person should be charged with a serious

criminal offence and brought to justi ce. In discussing paragraph2 in their Commentary, Nowak

and McArthur, in a passage which we would endorse , say “[s]uch criminal investigation is based

96
MB, paras. 4.52-4.57.
97CR 2012/3, p. 18, paras. 30-32 (Wood).

98CR 2012/3, p.14, para. 12 (Wood); Survey of multilateral conventions which may be of relevance for the
Commission’s work on the topic “The ob ligation to extradite or prosecute(aut dedere aut judicare) ”, Study of the
Secretariat, 2010, A/CN.4/630, para. 144. - 44 -

on the information made available by the victims and other sources as indicated in Article 6 (1) and

includes active measures of gathering evidence, such as interrogation of the alleged torturer, taking

99
witness testimonies, inquiries on the spot, searching for documentary evidence, etc” .

25. Mr.President, there is no information be fore the Court to suggest that any such

preliminary inquiry has been conducted. Certainly Belgium has no such information. As I have

just said, Senegal did not even refer to this provision last week, and this notwithstanding its

keenness to cite other provisions with which it considered Senegal to have complied 100.

26. Mr. President, Members of the Court, I now turn to the last of the three provisions of the

Torture Convention that we say Senegal has breached , Article7, paragraph1. Last week, on this

central issue, Senegal confined itself to repeating what was in its Counter-Memorial 101. It did not

address any of the points we made earlier in the week, or in our Memorial. It did not address, for

example, what we said about the need to act under this provision in a timely manner, not years after

the event. It did not address what we said about the need to fulfil the obligations, not just to say

that one intends to fulfil them, or has begun to take steps to fulfil them. On all this I would simply

refer you to what we have already said in the Memorial 102 and last week 103.

27. Mr.President, Members of the Court, a number of questions were put by judges

concerning the obligation in Article 7, paragraph 1. And it is these that I will try to answer.

28. First, Judge Bennouna said the following:

“What would be the critical date on which the violation took place, as alleged
by Belgium, of Senegal’s obligation to prosecute or extradite Mr.HissèneHabré,
under the Convention against Torture?”

29. As we have explained in our written and oral pleadings, Belgium considers that

Senegal’s obligations under Article 7, paragraph 1, of the Convention in respect of Hissène Habré

to submit the case to its competent authorities for the purposes of prosecution, if it does not

99
M. Nowak, E. McArthur, The United Nations Convention Against Torture, A Commentary , Oxford University
Press, 2008, p. 340.
100
CR 2012/5, pp. 26-27, paras. 2-12 (Gaye).
101
CMS, paras. 221-228; CR 2012/5, pp. 29-32, paras. 20-38 (Gaye).
102MB, paras. 4.38-4.51.

103CR 2012/3, pp. 12-13, paras. 15-17, pp. 18-22, paras. 33-43 (Wood); pp. 37-42, paras. 5-17 (Müller). - 45 -

extradite, applied as from the time when Senegal b ecame aware that he was a person present in its

territory who is alleged to have committed an offence referred to in Article 4 of the Convention.

30. Senegal must have been aware of that HissèneHabré was such a person, at the latest

when a complaint was lodged in Senegal in Ja nuary2000, a complaint that made detailed

allegations against him 104. I say “at the latest” because the events in Chad were widely known well

before that date, not least following publication of the report of the Chadian National Commission

of Enquiry in 1993 105.

31. So, in our view, Senegal was in breach of Article 7, paragraph 1, of the Convention at the

latest in March2001 when the Cour de cassation annulled the indictment and the prosecution

procedure against Hissène Habré 106. This was also the view of the Committee against Torture in its

2006 decision, in which the Committee said:

“It is of the opinion that the State party [that is Senegal] was obliged to
prosecute Hissène Habré for alleged acts of torture unless it could show that there was
not sufficient evidence to prosecute, at l east at the time when the complainants

submitted their complaint in January2000. Yet by its decision of 20March2001,
which is not subject to appeal, the Court of Cassation put an end to any possibility of
prosecuting Hissène Habré in Senegal.” 107

32. But, of course, Mr.President, this violation commencing in 2001 did not mean that

Senegal no longer had obligations under Article 7, paragraph 1, and as it did not remedy its failure,

the breach continued. In 2005, a further breach wa s added to this continuing breach because, as

from the date Senegal had received the Belgian arrest warrant in September2005, it could or

should have chosen extradition in order to fulfil its obligation under Article 7, paragraph 1, if it was

108
unable to prosecute. But, again, it did not do so in breach of its obligation under that provision .

33. Judge Cançado Trindade also asked about the interpretation of Article7. His question

was as follows:

104
See also Suleymane Guengueng et al v. Senegal , Communication No. 181/2001, CAT/C/36/181/2001,
para. 9.8; MB, Vol. II, Ann. E.2.
105Les crimes et détournements commis par l’ex-Président Habré, ses co-auteurs et complices , [The crimes and

misappropriations committed by ex-Preside nt Habré, his accomplices and/or accessories], Report of the National
Commission of Enquiry of the Chadian Ministry of Justice, L’Harmattan, Paris, 1993.
106MB, Vol. II, Ann. D.4.

107Suleymane Guengueng et al v. Senegal, Communication No. 181/2001, CAT/C/36/181/2001, para.9.8; MB,
Vol. II, Ann. E.2.

108Ibid., paras. 9.9-9.10. - 46 -

“Pursuant to Article 7 (1) of the Un ited Nations Convention against Torture,
how is the obligation to ‘submit the case to its competent authorities for the purpose of
prosecution’ to be interpreted? In your view, are the steps that Senegal alleges to have

taken to date, sufficient to fulfil the obligation under Article 7 (1) . . .”

34. Mr.President, the first thing I would say about the obligation under Article7,

paragraph1, is that it is closely related to th e obligations under Article5, paragraph2, and

Article6, paragraph2, which Be lgium says Senegal has also breach ed. Indeed, in our case, the

breach of Article7 flowed from the breach of the other two provisions. The absence of the

necessary legislation, in clear breach of Artic le5, paragraph2, until 2007/2008 meant that

Senegal’s prosecutorial efforts were doomed to failu re. So the prosecutorial efforts undertaken in

2000 and 2001 cannot be seen as fulfilling the obligation laid down in Article 7, paragraph 1, of the

Convention. Yes, Senegal submitted the case conc erning certain allegations to its prosecution

authorities at that time. And yes, it legislated. But in the wrong order!

35. Mr.President, the obligation in Article7 of the Convention, “to submit the case to the

competent authorities for the purpose of prosecution” is carefully drafted, and with good reason. It

would not be realistic to require a State ⎯ or rather the prosecuting authorities of a State ⎯ to

prosecute whenever allegations are made, to prosecute whenever allegations are made . What can

be required is that the case is submitted to the prosecuting authorities for the purpose of

prosecution; and that those authorities “shall take their decision in the same manner as the case of

any ordinary offence of a serious nature” ⎯ in paragraph2 of Article7, with which paragraph1

should be read, provides. What is at issue here, in particular, is the need for the prosecuting

authorities to decide whether the available evidence is sufficient for a prosecution.

36. The negotiating history of the wording ⎯ “to submit the case to the competent

authorities for the purpose of prosecution” ⎯ is briefly summarized in the United Nations

109
Secretariat Study, to which I have already referred . The language of the Hague Hijacking

Convention of 1970 110 was itself inspired by the 1957 European Convention on Extradition 111. But

in the European Convention the wording was somewh at looser. That spoke of an obligation “to

109
Survey of multilateral conventions which may be of relevance for the Commission’s work on the topic “The
obligation to extradite or prosecute (aut dedere aut judicare)”, Study of the Secretariat, 2010, A/CN.4/630,
paras. 145-147.
11Convention for the Suppression of Unlawful Se izure of Aircraft, The Hague, 16 Dec. 1970, UNTS, Vol.860,

p. 105 (I-12325).
11European Convention on Extradition, Paris, 13 Dec. 1957, ETS No. 24. - 47 -

submit the case to its competent authorities in orde r that proceedings may be taken if they are

112
considered appropriate” . At the Hague Conference that was replaced by the current language,

and we now find the same language in many of the aut dedere aut judicare clauses that follow the

113
Hague Convention model, including the Torture Convention.

T3he. travaux of the Torture Convention are also of some interest. An early Swedish draft

would have required the territorial State “to ensure that criminal proceedings are instituted”. But

that was followed by a French proposal and that was to the effect that the language should be

114
replaced by the well-established language of the Hague Convention . But as Nowak and

McArthur explain in their Commentary:

“The difference between these formulati ons [that is, the Swedish original and

the Hague language] is . . . not as significant as it may look at first sight. Any duty to
prosecute would necessarily be subject to th e evidence gathered against the accused
and to the informed decision of the prosecuto r to indict the accused before a criminal
115
court.”

38. Mr. President, the fact that there is no ab solute requirement to prosecute does not mean

that the prosecuting authorities have total discretion, and that a State may simply do nothing. Like

any international obligation, the obligation “to s ubmit the case to the competent authorities for the

purposes of prosecution” must “be performed . . . in good faith” ⎯ “pacta sunt servanda” 116. The

object and purpose of the Torture Convention is st ated in the clearest possible terms in the

concluding preambular paragraph: “to make more effective the struggle against torture” 117. That

requires that the prosecuting authorities commence a prosecution if there is sufficient evidence, and

that they do so in a timely fashion. As the Committee against Torture said in the Guengueng case,

“the State party was obliged to prosecute Hissène Habré for alleged acts of torture unless it could

118
show that there was not sufficient evidence to prosecute” .

112
European Convention on Extradition, Art. 6 (2).
113
See footnote 110 above.
11M. Nowak, E. McArthur, The United Nations Convention Against Torture, A Commentary , Oxford University

Press, 2008, p. 361, para. 62.
11Ibid., p. 361, para. 62.

11Vienna Convention on the Law of Treaties, Art. 26.

11Torture Convention, sixth preambular paragraph.
118
Suleymane Guengueng et al v. Senegal, Communication No.181/2001, CAT/ C/36/181/2001, para.9.8; MB,
Vol. II, Ann. E.2. - 48 -

39. Some useful guidance on the interpretation of Article 7 may be found in the writings of

those who took part in the negotiation of the Ha gue Convention. GillianWhite, who is a British

representative, for example wrote:

“Article7 was the subject of a considerable controversy at the Diplomatic
Conference. A number of States, including both the United States and the Soviet

Union, argued that States should be under an obligation in every case either to
extradite or prosecute the hijacker. Ho wever such a provision would have been
unacceptable to many other States who considered that there could be exceptional

cases where, perhaps for lack of evid ence or for humanitarian reasons, the
circumstances would not justify bringing a prosecution. Those States considered that,
although cases where proceedings were not brought would be rare, they could not

accept a fetter on the discretion enjoyed by their prosecuting au119rities to decide
whether or not to prosecute in the light of all the facts of a case.”

40. I would also refer you to a 1971article by a former President of this Court,

Gilbert Guillaume, also about the Hague Convention. And I will cite a couple of sentences, and I

shall try do so in French:

“L’obligation ainsi posée est quant à elle parfaitement claire: la décision de
classement du dossier ne peut être prise par l’autorité de police. Celle-ci doit
soumettre l’affaire au Parquet. Ce dernier prend sa décision dans les conditions fixées
120
par les lois de l’Etat intéressé.”

41. Mr.President, as we have set out in our written pleadings, and orally last week, we

consider that Senegal is in clear breach of its obligation under Article7 of the Convention. As I

have just said, the fact that the prosecuting authorities acted in the year 2000, without success, is

certainly insufficient to meet that obligation. Senegal may have prosecuted, it may have legislated,

but in the wrong order, and with the results we have all seen.

42. And since that abortive prosecution in 2000- 2001, so far as we know, no action has been

taken by Senegal to submit any of the allegations against HissèneHabré to the prosecuting

authorities. This is a matter of particular con cern given that the allegations against Hissène Habré

were renewed in the Belgian extradition request of 2005, and in the further complaint laid in

Senegal in 2008, not to speak of the information now publicly available concerning the crimes that

occurred when HissèneHabré was in power in Chad, and for which it is alleged he bears

responsibility.

119
Gillian M. E. White, “The Hague Convention for the Suppression of Unlawful Seizure of Aircraft”The
Review of the International Commission of Jurists, Vol. 6, 1971, p. 42; emphasis added.
12G. Guillaume, “La Convention de La Haye du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite
d'aéronefs”, AFDI, Vol. 16, 1970, p. 52. - 49 -

43. Mr. President, I now turn to the question asked by Judge Xue, which was also a question

about Article 7. Judge Xue asked as follows:

“One of the primary objectives of the Convention against Torture... is to
ensure that the perpetrator does not go unpunished; in other words, to eradicate

impunity. I wish to seek the views of the Parties whether the obligation aut dedere aut
judicare, under Article7, paragraph1, of th e Torture Convention, is an absolute
obligation in the sense that it precludes any other jurisdiction than those of the State in
whose territory the alleged perpetrator is present and the States requesting extradition

under Article 5, paragraph 1, of the Torture Convention.”

44. Mr.President, under Article7, paragraph 1, the State in whose territory the alleged

offender is found, which I will call for short the “te rritorial State”, is required to submit the case to

its competent authorities for the purpose of prosecuti on, if it does not extradite him. According to

its terms, this provision is not limited to extradition to one of the States mentioned in Article5,

paragraph 1. It covers all States mentioned in Ar ticle 5, including, for example, paragraph 3, that

is, other States with “criminal jurisdiction exercised in accordance with internal law”.

45. What Article7 clearly does not permit is that the territorial State may fulfil its

obligations by handing the alleged torturer to some organization or third State that does not have

the competence or does not intend to prosecute him or her, as Senegal seemed intent on doing from

time to time. Another question, which has been much debated, is whether the use of the term

“extradition” would permit, under certain circumstan ces at least, the transfer of a person to an

international criminal court or tribunal, the so-called “third option”. I hope I have answered

Judge Xue’s question.

46. I now come to Judge Donoghue’s quest ions, which also concern Article 7.

Judge Donoghue’s first question reads:

“do Senegal’s obligations under Article 7, paragraph 1, of the Convention against
Torture apply to offences alleged to have been committed before 26 June 1987, when

the Convention entered into force for Senegal”?

[“Second, in the circumstances of th is case, do Senegal’s obligations under
Article 7, paragraph 1, of the Convention against Torture extend to offences alleged to

have been committed prior to 25July 1999 , when the Convention entered into force
for Belgium?”]

47. Mr. President, in our submission, the answer to this question is “Yes”. We say this based

on the interpretation of the Convention in accordance with the rule for the interpretation of treaties - 50 -

set forth in the Vienna Convention on the Law of Treaties, an interpretation which seems to be

confirmed by the recent decisions of the Committee against Torture, including Guengueng itself.

48. The Convention, of course, has to be interpreted in good faith in accordance with the

ordinary meaning to be given to its terms in their context and in the light of its object and purpose.

The object and purpose is “to make more effective the struggle against torture” 12. And to this end

it establishes the aut dedere aut judiciare system that we are all quite familiar with by now. An

essential point about the Convention, and a point that is underlined by Burgers and Danelius on

page 1 of their Commentary is this, and I would adopt their words:

“Many people assume that the Convention’s principal aim is to outlaw torture

and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment. That assumption is
not correct insofar as it would imply that the prohibition of these practices is
established under international law by the Convention only and that this prohibition

will be binding as a rule of international la w only on those States which have become
parties to the Convention. On the contrary, the Convention is based upon the
recognition that the above-mentioned practices are already outlawed under

international law. The principal aim of the Convention is to streng122n the existing
prohibition of such practices by a number of supporting measures.”

49. Mr.President, Members of the Court, what the Convention does in Article7 is to

strengthen existing law, customary international law and indeed domestic law, by imposing specific

procedural obligations, the object of which is to ensure there will be no impunity. There is nothing

unusual in applying such procedural obligations to crimes that occurred before the procedural

provisions came into effect. There is nothing in the text of the Convention, or in the rules of treaty

interpretation, that would require that Article7 not apply to alleged offenders who are present in

the territory of a State party after the entry into force of the Convention for that State simply

because the offences took place before that date. Su ch an interpretation would run counter to the

object and purpose of the Convention. And such an interpretation would be contrary to the position

of the Committee against Torture in the Guengueng decision, which did not distinguish between

crimes alleged to have been committed before June 1987 and tho se committed after. I would say,

Mr. President, that, in any event, a considerable number of the alleged offences at issue in this case

occurred after 26June1987 and, of course, it w ould only take one alleged offence to trigger the

121
See footnote 117 above.
12H. Burgers and H. Danelius, The United Nations Convention against Torture: a Handbook on the Convention
against Torture and other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment, Nijhoff, Dordrecht, 1988, p. 1. - 51 -

obligation in Article7. Crimes of which Hiss èneHabré stands accused and which occurred after

June1987, include the persecution of the Hadjer aï in 1987, July 1987 being one of the worst

months, and of the Zaghawa in 1989 123. This period also includes, for example, the alleged torture

124
of five of the seven individual complain ants in the first case against Senegal , a number of the

complainants in the case in Belgium, including the alleged torture of the Belgian national,

Mr. Aganaye in 1989 125, and it includes the torture of two Senegalese citizens who filed cases with

126
the Senegalese authorities in September 2008 .

50. I ought, however, at this point, to draw the Court’s attention to one very early decision of

the Committee, in which the Committee did appear to suggest that Article13 of the Convention

127
should not apply to crimes committe d before its entry into force . However, in the later case of

Bouabdallah Ltaief v. Tunisia, the Committee considered a series of allegations of torture between

July and September 1987, although the Convention only came into force for Tunisia in 1988 12.

129
And in the Guengueng case itself, as I have just said , the Committee made no distinction

between acts of torture alleged to have been committed before the entry into force of the

Convention and those committed thereafter. The same approach seems to be the case with the

Committee’s consideration of the reports of States parties.

51. So, in our view, the obligations that Senegal is in breach of under the 1984 Convention

apply irrespective of when the alleged offences were committed. These breaches of the aut dedere

aut judicare provisions of the Convention occurred af ter Senegal became a party to the

123CR 2012/3, p. 28, para. 18 (David).
124
Suleymane Guengueng, Zakaria Fadoul Khidir, Issac Haroun, Younous Mahadjir, and Samuel Togoto Lamaye.
See Plainte avec constitution de partie civile, online://www.hrw.org/legacy/french/themes/habre-plainte.html
125
CR 2012/2, p. 23para. 19 (Dive).
126
Demba Gaye and Abdourahmane Gueye, “Pour accuser Hi ssène Habré, des témoignages et des dessins de
torture”, Agence France Presse , 18 September 2008, online:
http://afp.google.com/article/ALeqM5giTrOCk19gXG4I3Jc076TPeAPBIQ.
127
O. R. et al. v. Argentina, Communications Nos. 1/1988, 2/1988 and 3/1988, Decision, 23 Nov. 1989, para. 7.3,
Official Records of the General Assembly, Forty-Fifth Session, Supplement No. 44 (A/45/44), Ann. V, p. 108.
128
Bouabdallah Ltaief v. Tunisia, Communication No. 189/2001, De cision, 14 November 2003, Official Records
of the General Assembly, Fifty-Ninth Session, Supplement No. 44 (A/59/44), Ann. VII, p. 207.
129See, e.g., Conclusions and Recommendations of the Committee Against Torture, Algeria, UN doc.

CAT/C/DZA/CO/3, 26 May 2008, para. 12; Conclusions a nd Recommendations of the Committee Against Torture,
Turkey, CAT/C/TUR/CO/3, 20Jan.2011, para.9; Conc lusions and Recommendations of the Committee Against
Torture, Ireland, UN doc. CAT/C/IRL/CO/1, 17 June 2011, para. 21. - 52 -

Convention. The procedural breaches ⎯ the breaches of Article 7 ⎯ occurred well after Senegal

became a party to the Convention.

52. The breaches that Belgium asserts before the Court we also committed after Belgium

became a party to the Convention. As I just said , the procedural obligations owed by Senegal are

not conditioned ratione temporis by the date of the alleged acts of torture. Therefore, Belgium has

the right to invoke the violation of these obligations under the Convention as a State party to the

Convention in its capacity of an injured State. That does not involve a retroactive application of

the Convention to the omissions of Senegal. All these omissions took place after both States,

Belgium and Senegal, became parties to the Convention and became mutually bound by the

procedural obligations contained therein. So Belgium’s response to the second question of

Judge Donoghue is also in the affirmative.

53. Mr.President, Members of the Court, befo re concluding, I shall deal with two points

concerning the law of State responsibility.

54. First, Judge Abraham asked the following question:

“Is Belgium entitled to invoke the res ponsibility of Senegal for the alleged

breach by the latter of its obligation to submit the H.Habré case to its competent
authorities for the purpose of prosecution, unl ess it extradites him, in respect of the
alleged crimes the victims of which did not have Belgian nationality at the time the
facts occurred? In the case of an affirmative answer, what is the legal basis conferring

such entitlement on Belgium? In this r espect, should one differentiate between the
alleged crimes falling within the scope of the 1984 convention against torture and the
others?”

55. Mr. President, Belgium explained in its Memorial that it is indeed entitled to invoke the

responsibility of Senegal either under Article 42 (b) (i) of the Articles on State Responsibility, or, at

least, under Article 48 of those Articles 13. This holds true both for the violation of the obligation

to prosecute or, in the alternative, to extradite under the Torture Convention, and for the violation

of the obligations to prosecute under general internat ional law. No distinction needs to be made in

this regard with regard to the nationality of the victims, a question which does not need to be

addressed.

56. Indeed, it is not the nationality of the alleged victims which is the basis of the entitlement

of a State to invoke the responsibility of another Stat e. What is relevant is to whom the obligation

130
MB, paras. 5.14-5.18. - 53 -

breached is owed. Having regard to the ultimate aim of the obligation to prosecute or, in default, to

extradite, i.e., to combat impunity, this obligatio n is not only imposed on all States parties to the

Convention, or, as far as general international law is concerned, on all States; it is also owed by

each State party to all other States parties to the Convention, or by each State to all other States

under general international law. It is a typical example of an obligation erga omnes partes or

erga omnes and not just an obligation owed in a bilate ral manner between two States. The rule is

aimed at realizing a community interest concerning all States parties, or all States in the case of

general international law. We did also deal with this point to some extent in our Written Reply to

Judge Cançado Trindade’s question in 2009 13.

57. Concerning the legal basis for invoking the violation of such an obligation erga omnes, I

would recall what the Court said in 1970 in the Barcelona Traction case. It said there:

“an essential distinction should be drawn between the obligations of a State
towards the international community as a w hole, and those arising vis-à-vis another

State in the field of diplomatic protection. By their very nature the former are the
concern of all States. In view of the importance of the rights involved, all States can
be held to have a legal interest in their protection; they are obligations erga omnes.”
(Barcelona Traction, Light and Power Company , Limited (New Application: 1962)

(Belgium v. Spain), Judgment, I.C.J. Reports 1970, p. 32, para. 33.)

58. In the present circumstances, Belgium, like any other State party to the Convention

against Torture ⎯ as regards compliance with that Convention ⎯, or any other State ⎯ as regards

compliance with general international law ⎯, is entitled to invoke the responsibility of Senegal,

simply because they are part of the group to wh ich the obligation is owed, and without further

conditions.

59. Belgium is, in this regard, certainly a “State other than an injured State” to use the

language of the Articles on State Responsibility. Under Article 48 (1) (a) of these Articles, “[a]ny

State other than an injured State is entitled to invo ke the responsibility of another State . . . if . . .

the obligation breached is owed to a group of States including that State, and is established for the

protection of a collective interest of the group”. Belgium, as a State other than an injured State, can

invoke the responsibility of Senegal and, according to paragraph 2 (a), request the “cessation of the

internationally wrongful act”. This right is in no way conditioned or altered by the nationality of

131
See also Reply by Belgium to Judge Cançado Trindade, 8 April 2009, para. 11. - 54 -

the victims. Under the Convention, every State part y, irrespective of the nationality of the victims,

is entitled to claim performance of the obligati on concerned, and, therefore, can invoke the

responsibility resulting from the failure to perform.

60. However, in our opinion, Belgium is not on ly a “State other than an injured State”, but

has also the right to invoke the responsibility of Senegal as an “injured State” under

Article 42 (b)(i) of the Articles on State Responsibility. Indeed, Belgium, to quote the

commentary of the International Law Commission is “affected by the breach in a way which

132
distinguishes it from the generality of other States to which the obligation is owed” . Indeed,

Belgium is in a particular position as compared to all other States parties to the Torture Convention

because, in this particular case, it has availed itself of its right under Article5 to exercise its

jurisdiction and to request extradition. This is equally true with regard to general international law.

And once again, the nationality of the victims is irrelevant in this regard as a matter of international

law, even if, as Mr. Dive explained last Monday, the Belgian nationality of some of them played a

role under Belgian internal law in the establishment of the domestic jurisdiction necessary for

prosecution 133.

61. It is important, Mr. President, to emphasize that Belgium is not exercising its right of

diplomatic protection as against Senegal. In su ch a circumstance, indeed, it would not be proper

for Belgium to invoke the responsibility of a nother State for injuries caused to non-Belgian

nationals. However, in the present case, Belgium is invoking its own rights ⎯ and not the rights of

the victims ⎯ which does not mean that they do not have rights, of course ⎯ the right it has as a

State party under the 1984 Convention or, as far as general international law is concerned, the right

it shares with all other States.

62. Mr. President, I turn to the second point in the area of State responsibility.

63. Last week, in the course of the oral plead ings, Senegal stressed the independence of the

judiciary from the Senegalese Government. Belgiu m has never questioned this. Yet on Thursday

Mr. Gaye insisted on the fact that, and I quote, “t he independence of the judiciary with respect to

132
Yearbook of the International Law Commission (YILC) , 2001, Vol. II, Part 2, p. 119, para. 12, of the
commentary to Article 42.
13CR 2012/2, pp. 22-23, para. 18 (Dive). - 55 -

the executive power is enshrined in the Constitutio n of Senegal, the president of the Republic

cannot interfere in the functioning of the judicial power” 134. This reference to the independence of

the judiciary seems to imply that only the acts of the Senegalese executive are relevant for

establishing the violation by Senegal of its intern ational obligations to prosecute or extradite

Hissène Habré.

64. This position is, of course, untenable under the international law of State responsibility.

Article 4 of the Articles on State Responsibility is clear. It unequivocally states that: “The conduct

of any State organ shall be considered an act of that State under international law, whether the

organ exercises legislative, executive, ju dicial or any other functions...” 135 The Commentary to

the Article confirms that for the purpose of the Article “[n]o distinction is made . . . between

legislative, executive or judicial organs” 136 and it cites many cases where a State was found

137
responsible for the acts of its judiciary . This is also confirmed in case law following the

adoption of the draft Articles, in particular LaGrand ((Germany v. United States of America) ,

Judgment, I.C.J. Reports 2001, p.508, paras.114-115), Avena (Avena and Other Mexican

Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2004 , p.57,

paras. 113-114), and Germany v. Italy ( Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy;

Greece Intervening), Judgment of 3 February 2012, para. 133).

65. Mr. President, Members of the Court, that concludes what I have to say. I thank you for

your attention, and I request that you invite the Agent of Belgium, Mr.Paul Rietjens, to present

Belgium’s concluding submissions.

The PRESIDENT: Thank you, Sir Michael. Je passe la parole à M.Rietjens pour les

conclusions qu’il va présenter au nom du Gouvern ement du Royaume de Belgique. Vous avez la

parole, Monsieur.

13CR 2012/4, p. 25, para. 25 (Gaye).
135
YILC, 2001, Vol. II, Part Two, p. 40.
13YILC 2001, Vol. II, Part Two, p. 40, para. 6.

13YILC, 2001, Vol. II, Part Two, p. 40, para. 6, notes 107, 108. - 56 -

M. RIETJENS :

5. CONCLUSIONS

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les coagent, conseils et avocats

de la Belgique vous ont présenté les arguments de fait et de droit qui prouvent que le Sénégal a

violé et viole toujours ses obligations découlant de la convention contre la torture et d’autres règles

du droit international général. Il me revient main tenant, en ma qualité d’agent de la Belgique, de

faire quelques remarques conclusives avant de formellement présenter les conclusions finales du

Royaume de Belgique.

2. Monsieur le président, le différend que nous avons soumis à la décision de la Cour n’est

pas une affaire symbolique, comme je l’ai rappelé dans mon intervention de lundi dernier. Il est

inspiré par le fait que la Belgique a droit à ce que l’application du principe de poursuivre ou, à

défaut, d’extrader ⎯ judicare vel dedere ⎯ soit respectée. L’action de la Belgique ne vise pas à

faire reconnaître dans l’abstrait les obligations internationales du Sénégal; à l’origine de son

différend avec le Sénégal se trouve une affaire concrète. En effet, il ne s’agit pas de lutter contre

l’impunité en poursuivant «au nom de la communauté internationale» ou «au nom de tout un

continent» la personne suspectée de crimes de tort ure, crimes de guerre, crim es contre l’humanité

et crimes de génocide. Il ne s’agit pas non plus d’organiser à cette fin un grand procès exemplaire,

à la mémoire des dizaines de milliers de vi ctimes d’un régime sanguinaire, dans un lieu

symbolique. Monsieur le président, il s’agit de soumettre aux autorités nationales compétentes

pour l’exercice de l’action pénale, les faits qui sont à la base des plaintes déposé
es, il y a

maintenant près de douze ans, par des victimes qui ont droit à ce que leur cause soit entendue, dans

un délai raisonnable, au Sénégal, pays d’Afrique où la personne suspectée de ces crimes se trouve,

ou, à défaut, en Belgique, pays qui en demande l’extradition depuis 2005.

3. Monsieur le président, nos estimés contradict eurs se sont plaints, à plusieurs reprises, de

l’image ternie qui aurait été présentée de leur pays par ma délégation. Permettez-moi d’être formel

à ce sujet: à aucun moment il n’est entré dans les intentions de la Belgi que de vouloir faire le

procès de la République du Sénégal. Nous a vons un très grand respect pour ce pays ami et nous

connaissons le rôle apprécié qu’il joue dans le concert des nations, et en particulier sur le continent - 57 -

africain, pour le respect des droits de l’homme et la lutte en faveur de la paix, la justice et la liberté.

L’affaire qui est soumise à votre Cour, Monsieur le président, porte, tout simplement allais-je dire,

sur un différend qui existe entre le Sénégal et la Be lgique quant à l’interprétation et à l’application

de la convention des Nations Un ies contre la torture et d’autres règles pertinentes du droit

international général auxquelles nos estimés contradicteurs ont par ailleurs attesté leur attachement

lors de leur premier tour de plaidoiries.

4. Ce différend, que votre Cour est appelée à trancher, n’en demeure pas moins d’une

importance cruciale. Il est importa nt pour l’intégrité et l’interpréta tion de la convention contre la

torture et d’autres conventions internationales qui comportent des dispositions comparables, voire

identiques. Il est tout aussi important pour l’inté grité et l’interprétation des autres règles de droit

international auxquelles nous nous sommes référés. Et il est également important pour permettre,

comme je viens de le dire, de traduire Hissène Ha bré en justice: après tout ce temps, il devient

urgent que des poursuites soient effectivement et rapidement introduites contre lui au Sénégal ou, si

le Sénégal ne veut pas ou ne peut pas le faire, qu’il l’extrade en Belgique pour que les autorités

judiciaires belges puissent le juger, comme elles le demandent.

5. Monsieur le président, le Sénégal n’a p as respecté ses obligations internationales. En

effet, ces obligations, dont le Sénégal ne nie pas la pertinence, ne requièrent pas des paroles, mais

des actions concrètes. La Belgique l’a consta mment souligné. Il ne suffit pas d’adapter sa

Constitution et sa législation, par ailleurs ta rdivement, ou de se contenter, comme l’a dit

M. Bakhoum vendredi passé, «de réunir les conditions au double point de vue légal et matériel pour

138
juger» . Il s’agit de remplir effectivement ces oblig ations par des actes, et non pas de promettre

indéfiniment ou d’exprimer l’intention de s’en ac quitter. A cet égard, la Belgique ne peut que

répéter ce que M. Dianko a dit ce même vendredi matin : «En droit international, un Etat ne peut

être jugé qu’à l’aune de ses actes effectifs.» 139 C’est exactement ces actes que la Belgique, la

communauté internationale et les victimes attendent depuis trop longtemps.

6. Le délai raisonnable que le Sénégal récl ame pour mettre en Œuvre ses obligations est,

depuis longtemps, écoulé. Depuis les premières tentatives de soumettre l’affaire Hissène Habré

138
CR 2012/5, p. 15, par. 9 (Bakhoum).
139CR 2012/5, p. 39, par. 40 (Dianko). - 58 -

aux autorités sénégalaises pour l’ exercice de l’action pénale en 2000, douze ans se sont écoulés.

Nous ne sommes toujours pas plus proches de l’organisation d’un procès au Sénégal ; nous nous en

éloignons même, si l’on veut croire les explica tions données la semaine dernière par les agents,

conseils et avocats sénégalais. Même si, conf ormément à l’article7, paragraphe3, de la

convention contre la torture, Hissène Habré doit bé néficier d’un procès juste et équitable, il a

également le droit à être jugé dans un délai raisonnable. Douze années de tergiversations entre les

deux options qui sont ouvertes au Sénégal et qui , miraculeusement, semblent disparaître et

réapparaître au fil des temps, douze années c’est évidemment trop. C’est pour ces raisons que la

Belgique demande à la Cour non seulement de constater les violations, commises par le Sénégal, de

ses obligations, mais également de souligner que la République du Sénégal doit exécuter les

obligations qu’elle a assumées, sans aucun délai supplémentaire.

7. La Belgique est consciente des évolutions que le différend porté devant la Cour est

susceptible de connaître dans les semaines à venir, semaines durant lesquelles votre Cour va

procéder aux délibérations. Elle a pris note que le Sénégal a transmis la quatrième demande

d’extradition de la Belgique du 17 janvier 2012 «en l’état aux autorités sénégalaises

140
compétentes» . Mais ceci ne change aucunement la pertinence des conclusions que la Belgique

va présenter à la Cour et qui reste entière. Ceci étant, et en raison de ces circonstances

particulières, la Belgique se tient à la disposition de la Cour pour l’informer de tout développement

qui interviendrait après la clôture de la phase orale de la présente procédure.

8. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les relations et l’amitié entre la

Belgique et le Sénégal ne sont pas ⎯et n’ont jamais été ⎯ en jeu. Les relations bilatérales sont

bonnes ; mon collègue, l’agent du Sénégal, les a même qualifiées d’excellentes 141. Certes, il y a un

différend juridique entre nos deux pays, mais nous sommes justement venus ici, devant votre Cour,

pour trouver une solution à celui-ci dans le respect du droit international.

140
Lettre de l’agent de la République du Sénégal au grefde la Cour internationale de Justice, 8mars2012,
dossiers de plaidoiries de la République du Sénégal, onglet n° 8.
141CR 2012/4, p. 9, par. 4 (Thiam). - 59 -

9. Avant de donner lecture des conclusions de la Belgique, j’aimerais, au nom de ma

délégation, remercier la Cour pour l’attention et la patience dont elle a fait preuve au cours des

audiences.

Nos remerciements vont également au greffier et à son équipe pour la précieuse assistance

qu’ils nous ont apportée dans le cadre de cette affaire et pour le bon déroulement des audiences. Et

j’aimerais également exprimer notre gratitude a ux excellents et excellentes interprètes, qui ont

accompli un travail remarquable.

10. Je voudrais enfin saluer l’agent, le coag ent et tous les membres de la délégation

sénégalaise et les remercier pour la cordialité de leurs relations avec notre délégation durant ces

audiences.

11. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs les Membres de la Cour, je vais

maintenant lire les conclusions finales du Royaume de Belgique conformément à l’article60,

paragraphe 2, du Règlement de la Cour.

Pour les motifs exposés dans son mémoire et lors de la procédure orale, le Royaume de

Belgique prie la Cour internationale de Justice de dire et juger que, premièrement :

a) le Sénégal a violé ses obligations international es en n’ayant pas introduit dans son droit interne

et en temps utile les dispositions nécessaires permettant aux autorités judiciaires sénégalaises

d’exercer la compétence universelle prévue par l’article 5, paragraphe 2, de la convention

contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le Sénégal a violé et viole ses obligations interna tionales découlant de l’article 6, paragraphe 2,

et de l’article 7, paragraphe 1, de la convention contre la torture et autres peines ou traitements

cruels, inhumains ou dégradants, et d’autres règles du droit international en s’abstenant de

poursuivre pénalement Hissène Habré pour des fa its qualifiés notamment de crimes de torture,

crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide qui lui sont imputés en tant

qu’auteur, coauteur ou complice, ou, à défaut, de l’extrader vers la Belgique aux fins de telles

poursuites pénales ;

c) le Sénégal ne peut pas invoquer des difficultés d’ordre financier ou autres pour justifier les

manquements à ses obligations internationales. - 60 -

Et de dire et juger que, deuxièmement, le Sénégal est tenu de mettre fin à ces faits

internationalement illicites

a) en soumettant sans délai l’affaire Hissène Habr é à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale ; ou,

b) à défaut, en extradant Hissène Habré sans plus attendre vers la Belgique.

12. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ceci marque la fin de la

présentation de la Belgique. Je vous remercie.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’agent. La Cour prend acte des conclusions

finales dont vous venez de donner lecture au nom du Royaume de Belgique. Les audiences

reprendront mercredi 21 mars à 10 heures pour entendre la République du Sénégal dans son second

tour de plaidoiries. L’audience est levée.

L’audience est levée à 12 h 50.

___________

Document Long Title

Audience publique tenue le lundi 19 mars 2012, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Tomka, président, en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal)

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