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B. L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international
M. Bogdan Aurescu, M. Yacouba Cissé, Mme Patrícia Galvão Teles,
Mme Nilüfer Oral et M. Juan José Ruda Santolaria
I. Introduction
1. L’élévation du niveau de la mer est devenue ces dernières années un sujet
d’importance croissante pour une partie importante de la communauté internationale : pas
moins de 70 États, soit plus du tiers de la communauté internationale, sont ou risquent
d’être directement touchés. En effet, comme on le sait, ce phénomène a déjà une incidence
grandissante sur de nombreux aspects essentiels de la vie pour les régions côtières, pour les
États côtiers de faible élévation et les petits États insulaires en développement et, en
particulier, pour leurs populations. Par ailleurs, un nombre assez important d’États sont
susceptibles d’en subir les effets indirects (en raison par exemple des déplacements de
population ou de l’accès restreint aux ressources). L’élévation du niveau de la mer est
devenue un phénomène mondial et soulève de ce fait des problèmes à l’échelle planétaire
qui ont des répercussions sur la communauté internationale dans son ensemble.
2. En 2015, au paragraphe 14 du Programme de développement durable à l’horizon
2030, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu que « [l]es changements
climatiques représentent l’un des plus grands défis de notre temps et leurs incidences
risquent d’empêcher certains pays de parvenir au développement durable. L’élévation des
températures à l’échelle mondiale et du niveau de la mer, l’acidification des océans et
d’autres effets des changements climatiques ont de graves répercussions sur les zones
côtières et les pays côtiers de basse altitude, y compris nombre de pays parmi les moins
avancés et de petits États insulaires en développement. C’est la survie de bien des sociétés
qui est en jeu ainsi que celle des systèmes biologiques dont la planète a besoin »1321.
3. Ainsi, l’élévation du niveau de la mer compte parmi les nombreux effets des
changements climatiques. Et selon des études et des rapports scientifiques tels que le
cinquième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat, on s’attend à ce que ce phénomène s’accélère à l’avenir1322. En conséquence,
l’inondation risque de rendre les régions côtières de faible élévation et les îles de moins en
moins habitables, voire inhabitables, entraînant leur dépeuplement partiel ou total.
4. Ces conséquences factuelles de l’élévation du niveau de la mer soulèvent un certain
nombre d’importantes questions ressortissant au droit international. Par exemple, quelles
sont les conséquences juridiques de l’inondation des régions côtières de faible élévation et
des îles sur les lignes de base et les espaces maritimes qu’elles déterminent, et sur la
délimitation de ces espaces, que ce soit par voie d’accord ou en justice ? Quels sont ses
effets sur les droits des États en ce qui concerne ces espaces maritimes ? Quelle est, en droit
international, la situation de l’État dont le territoire et la population disparaissent ?
De quelle protection les personnes directement touchées par l’élévation du niveau de la mer
bénéficient-elles au titre du droit international ?
5. Ces questions devraient être examinées par le biais d’une analyse approfondie du
droit international en vigueur, y compris le droit international conventionnel et le droit
coutumier, conformément au mandat de la Commission du droit international, à savoir le
développement progressif du droit international et sa codification. Cet examen pourrait
contribuer aux efforts déployés par la communauté internationale pour déterminer la
mesure dans laquelle le droit international actuel est en mesure de répondre aux questions
1321 A/RES/70/1. Non souligné dans l’original.
1322 Dans son cinquième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat estime que l’élévation moyenne du niveau de la mer à l’échelle mondiale serait de 26 à
98 centimètres d’ici à 2100 : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Climate
Change 2013: The Physical Science Basis, contribution du Groupe de travail I au cinquième rapport
d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Cambridge
(Royaume-Uni), Cambridge University Press, 2013, p. 25.
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suscitées par l’élévation du niveau de la mer et s’il y a lieu pour les États d’élaborer des
solutions pratiques à leur égard.
6. Le sujet a suscité un intérêt et un appui considérables auprès des États. Au cours de
la soixante-douzième session session de l’Assemblée générale des Nations Unies,
15 délégations à la Sixième Commission ont demandé son inclusion dans le programme de
travail de la Commission1323, tandis que 9 autres ont mentionné, dans leur déclaration
nationale, l’importance du problème1324. En outre, au cours d’une réunion informelle tenue
le 26 octobre 2017 à New York, à la Mission permanente de la Roumanie, les 35 États
participants se sont déclarés favorables à l’examen de cette question par la Commission.
7. En outre, le Gouvernement des États fédérés de Micronésie a présenté une
proposition datée du 31 janvier 2018 en vue de l’inclusion au programme de travail à long
terme de la Commission du droit international d’un sujet intitulé « Incidences juridiques de
l’élévation du niveau de la mer »1325, dont il a été tenu compte dans l’élaboration du présent
plan d’étude.
II. Références antérieures au sujet dans les travaux de la Commission
du droit International
8. Le sujet a été évoqué dans le quatrième rapport sur la Protection de l’atmosphère
(par. 66 et 67), examiné lors de la soixante-neuvième session de la Commission (2017).
À l’issue des débats qui ont alors eu lieu, cette dernière a décidé, relativement à ce sujet,
d’adopter provisoirement, entre autres, un paragraphe du préambule1326 et un autre
paragraphe1327 où il est fait mention de l’élévation du niveau de la mer. À cette occasion,
plusieurs membres de la Commission ont proposé que la question de l’élévation du niveau
de la mer soit traitée d’une manière plus globale et à titre prioritaire, en tant que sujet
distinct.
9. En ce qui concerne le sujet de la Protection des personnes en cas de catastrophe,
dont la Commission a achevé l’étude en 20161328, le commentaire indique que le projet
d’articles est considéré comme applicable à différents types de « catastrophes »1329,
notamment les « événements progressifs (comme une sécheresse ou une élévation du
1323 L’Indonésie, la Micronésie, le Pérou, la Roumanie, les Tonga et les petits États insulaires en
développement du Pacifique (Fidji, Îles Marshall, Îles Salomon, Kiribati, Micronésie, Nauru, Palaos,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu). Voir http://statements.unmeetings.org/
media2/16154559/marshall-islands-on-behalf-of-pacific-small-island-developing-states-.pdf.
1324 Autriche, Chili, Inde, Israël, Malaisie, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Singapour et Sri Lanka.
1325 Voir le document ILC(LXX)LT/INFORMAL/1 du 31 janvier 2018.
1326 « Conscients également, surtout, de la situation particulière dans laquelle les zones côtières de faible
élévation et les petits États insulaires en développement se trouvent du fait de l’élévation du niveau de
la mer ». Voir rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixanteneuvième
session (2017), document A/72/10, http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/72/10
&referer=http://legal.un.org/ilc/reports/2017/&Lang=F, p. 160.
1327 « 3. Aux fins de l’application des paragraphes 1 et 2, les États devraient prêter une attention
particulière aux personnes et aux groupes particulièrement vulnérables à la pollution et la
dégradation atmosphériques. Parmi ces groupes figurent, inter alia, les peuples autochtones, les
populations des pays les moins avancés et les populations des zones côtières de faible élévation et des
petits États insulaires en développement touchés par l’élévation du niveau de la mer ». Voir rapport
de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-neuvième session (2017),
document A/72/10, http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/72/10&referer=http://legal.un.org/
ilc/reports/2017/&Lang=F, p. 163.
1328 Texte adopté par la Commission du droit international à sa soixante-huitième session (2016) et
soumis à l’Assemblée générale dans le cadre de son rapport sur les travaux de ladite session
(A/71/10), par. 48. Le rapport sera reproduit dans l’Annuaire de la Commission du droit international,
2016, vol. II (2e partie).
1329 Aux termes de l’alinéa a) du projet d’article 3, « [p]ar “catastrophe” on entend un événement ou une
série d’événements calamiteux provoquant des pertes massives en vies humaines, de grandes
souffrances humaines et une détresse aiguë, des déplacements massifs de population, ou des
dommages matériels ou environnementaux de grande ampleur, perturbant ainsi gravement le
fonctionnement de la société ».
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niveau de la mer) et [les] événements de moindre ampleur mais fréquents (comme les
inondations ou les glissements de terrain) »1330.
III. Examen de la question par d’autres organes
10. Le sujet de l’élévation du niveau de la mer a d’abord été examiné par le comité de
l’Association de droit international (ADI) chargé de la question des lignes de base en droit
international de la mer, dont le rapport final a été examiné à la Conférence de Sofia
(2012)1331. Le rapport précisait que la question de la perte sensible de territoire résultant de
l’élévation du niveau de la mer débordait le cadre des lignes de base et du droit de la mer, et
mettait en jeu différents domaines du droit international.
11. En conséquence, l’ADI a créé en 2012 un nouveau comité chargé de la question de
l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, qui a décidé d’orienter ses
travaux suivant trois grands axes : droit de la mer, migrations forcées et droits de l’homme, et
questions liées à la survivance de l’État et à la sécurité internationale. Il a présenté, à la
Conférence de Johannesburg en 2016, un rapport provisoire1332 qui portait principalement sur
les questions liées, d’une part, au droit de la mer et, de l’autre, aux migrations et aux droits de
l’homme. Un autre rapport a été examiné à la Conférence de Sydney, ce qui a mis fin aux
travaux du Comité sur les questions relatives au droit de la mer1333. Le rapport de 2018
énonçait en outre 12 principes assortis de commentaires et formant une déclaration de
principes sur la protection des personnes déplacées en raison de l’élévation du niveau de la
mer. On s’attend à ce que le mandat du Comité soit prorogé pour qu’il puisse poursuivre
l’étude de la question de la survivance de l’État et d’autres questions connexes en droit
international.
IV. Conséquences de l’élévation du niveau de la mer
12. Comme il a déjà été mentionné, l’élévation du niveau de la mer provoque
l’inondation des régions côtières de faible élévation et des îles, ce qui a des conséquences
dans trois domaines principaux : a) droit de la mer ; b) survivance de l’État ; c) protection
des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
13. Ces trois thèmes traduisent les conséquences juridiques de l’élévation du niveau de
la mer du point de vue des éléments constitutifs de l’État (territoire, population et autorité
politique) ; ils sont donc liés entre eux et devraient être examinés ensemble.
V. Étendue du sujet et questions à examiner
14. Le sujet est limité aux conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer.
Sont exclus la protection de l’environnement, les changements climatiques en soi, ainsi que
1330 Par. 4 du commentaire du projet d’article 3 [Non souligné dans l’original].
1331 Voir le rapport final du International Law Association Commitee on Baselines under the International
Law of the Sea (2012), Conférence de Sofia, p. 30, consultable à l’adresse http://ilareporter.org.au/
wp-content/uploads/2015/07/Source-1-Baselines-Final-Report-Sofia-2012.pdf. Selon ce rapport, le
droit existant relatif aux lignes de bases normales s’applique en cas de modification sensible de la
côte attribuable à la diminution ou à l’accroissement du territoire. L’État côtier peut recourir à des
moyens matériels pour protéger et préserver son territoire, mais il ne peut pour cela invoquer la
fiction d’une ligne formelle qui ne correspond plus à la laisse de basse mer réelle.
1332 Voir Interim Report of the ILA Committee on International Law and Sea Level Rise (2016),
Conférence de Johannesburg, consultable à l’adresse http://www.ila-hq.org/index.php/committees.
1333 Voir Draft Report of the ILA Committee on International Law and Sea Level Rise (2018), Conférence
de Sidney, p. 19, disponible à l’adresse http://www.ila-hq.org/images/ILA/DraftReports/
DraftReport_SeaLevelRise.pdf. Le Comité a recommandé que l’ADI adopte une résolution énonçant
deux propositions « de lege ferenda » : 1) que les États acceptent que, une fois qu’elles ont été
établies conformément aux prescriptions détaillées de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de 1982, les lignes de base et les limites extérieures des espaces maritimes des États côtiers ou
archipélagiques ne sauraient être remises en question par la modification géographique de la côte en
raison du changement du niveau de la mer ; 2) que, dans l’intérêt de la sécurité et de la stabilité
juridiques, les effets de l’élévation du niveau de la mer sur les frontières maritimes, qu’ils aient ou
non été envisagés par les parties au moment des négociations, ne devraient pas être considérés comme
un changement fondamental de circonstances.
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la recherche de la responsabilité de ces phénomènes. Il ne s’agit pas de dresser un
inventaire complet et exhaustif de l’application du droit international aux questions
soulevées par l’élévation du niveau de la mer, mais plutôt de définir certaines questions
principales. Les trois domaines à examiner devraient être analysés dans le contexte de
l’élévation du niveau de la mer indépendamment d’autres facteurs susceptibles d’entraîner
des conséquences semblables. Il y a lieu, dans la mesure du possible, de s’employer à bien
distinguer les conséquences liées à l’élévation du niveau de la mer des autres facteurs.
Il n’est pas question de proposer des modifications au droit international en vigueur,
notamment à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. D’autres
questions pourraient se poser ultérieurement qui exigeraient un travail d’analyse. Compte
tenu des considérations exposées ci-dessus, la Commission pourrait aborder les questions
ci-après en ce qui concerne les conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer.
15. Questions relatives au droit de la mer :
i) Conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur
les lignes de base ainsi que les limites extérieures des espaces maritimes qu’elles servent à
mesurer ;
ii) Conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur la
délimitation maritime ;
iii) Conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur
les îles du point de vue de leur inclusion dans l’établissement des lignes de bases et la
délimitation maritime ;
iv) Conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur
l’exercice des droits souverains et de la juridiction, pour l’État côtier et ses ressortissants,
dans les espaces maritimes qui ont été délimités à partir des lignes de base établies,
notamment en ce qui concerne les activités d’exploration, d’exploitation et de conservation
visant les ressources qui s’y trouvent, ainsi que sur les droits des États tiers et de leurs
ressortissants (par exemple, droit de passage inoffensif, liberté de navigation, droits de
pêche) ;
v) Conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur
les îles, y compris les rochers, et sur les droits en mer des États côtiers comportant des
franges d’îles ;
vi) Situation juridique des îles artificielles ainsi que des travaux d’assèchement
et de renforcement et autres mesures d’adaptation qui y sont entrepris au titre du droit
international en réponse à l’élévation du niveau de la mer.
16. Questions liées à la survivance de l’État :
i) Analyse des conséquences juridiques éventuelles sur la survivance ou la
disparition de l’État insulaire qui est entièrement recouvert par la mer ou devient
inhabitable ;
ii) Valeur juridique du renforcement des îles au moyens de digues ou de la
construction d’îles artificielles comme moyen d’assurer la survie de l’État insulaire contre
le risque que son territoire soit complètement submergé ou devienne inhabitable ;
iii) Analyse de la fiction permettant de soutenir que, en raison de la permanence
des lignes de base et des frontières établies par les traités, les décisions judiciaires et les
sentences arbitrales, l’État insulaire continuerait d’exister relativement au territoire
maritime correspondant au territoire terrestre qui relevait de sa souveraineté avant d’être
complètement recouvert par la mer ou de devenir inhabitable ;
iv) Analyse des conséquences juridiques éventuelles du transfert − avec ou sans
transfert de souveraineté − d’une bande ou d’une partie du territoire d’un État tiers en
faveur de l’État insulaire dont le territoire terrestre risque d’être complètement submergé ou
de devenir inhabitable, dans le but de préserver son existence ou une forme quelconque de
personnalité juridique internationale ;
v) Analyse des conséquences juridiques éventuelles de la fusion avec un autre
État de l’État insulaire en développement dont le territoire risque d’être complètement
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submergé ou de devenir inhabitable, ou de la création entre eux d’une fédération ou d’une
association, afin de conserver à l’État insulaire son existence ou une forme quelconque de
personnalité juridique internationale.
17. Questions liées à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer :
i) Mesure dans laquelle les conséquences liées à l’élévation du niveau de la mer
sont visées par le devoir qu’a l’État de protéger les droits fondamentaux de ses
ressortissants ;
ii) Application du principe de coopération internationale afin d’aider les États à
faire face aux effets préjudiciables de l’élévation du niveau de la mer sur leur population ;
iii) Existence de principes de droit international applicables aux mesures à
prendre par les États pour aider leur population à rester sur place en dépit de l’élévation du
niveau de la mer ;
iv) Existence de principes de droit international applicables à l’évacuation, à la
réinstallation et à la migration des personnes touchées par les effets préjudiciables de
l’élévation du niveau de la mer ;
v) Principes éventuellement applicables à la protection des droits fondamentaux
des personnes déplacées à l’intérieur du pays ou qui migrent en raison des effets
préjudiciables de l’élévation du niveau de la mer.
VI. Méthode de travail de la Commission sur ce sujet
18. La création d’un groupe d’étude permettrait de recenser les questions juridiques
soulevées par l’élévation du niveau de la mer et les questions connexes. Le groupe d’étude
serait chargé d’analyser le droit international en vigueur, y compris le droit international
conventionnel et le droit coutumier, conformément au mandat de la Commission du droit
international, à savoir le développement progressif du droit international et sa codification.
Cet examen pourrait contribuer aux efforts déployés par la communauté internationale pour
faire face à ces questions et aider les États à élaborer des solutions pratiques à leur égard.
19. Les travaux du groupe d’étude auraient pour point de départ des articles portant sur
les différentes questions soulevées par le sujet, notamment en ce qui concerne : a) le droit
de la mer ; b) la survivance de l’État : et c) la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer. Cette façon de procéder comporterait suffisamment de
souplesse et permettrait d’associer activement les membres de la Commission aux travaux
sur le sujet. On se souviendra que la Commission a utilisé cette méthode avec succès dans
le passé, par exemple dans le cas de l’étude de la fragmentation du droit international
(2002-2006)1334.
20. Les travaux du groupe d’étude tiendraient compte, suivant une démarche intégrée et
systématique, de la pratique des États, des traités et autres textes internationaux, de la
jurisprudence des juridictions internationales et nationales, ainsi que des études réalisées
par les spécialistes.
VII. Le sujet satisfait aux critères de sélection des nouveaux sujets
21. Au moment de choisir de nouveaux sujets à inscrire à son programme de travail, la
Commission s’inspire des critères convenus à sa cinquantième session (1998)1335, à savoir :
a) le sujet devrait correspondre aux besoins des États en ce qui concerne le développement
progressif et la codification du droit international ; b) il devrait être suffisamment mûr sur le
terrain de la pratique des États pour se prêter à la codification et au développement
progressif ; c) il devrait être concret et suffisamment facile à traiter à ces fins ;
1334 D’autres sujets ont suivi : les traités dans le temps (2009-2012) et la clause de la nation la plus favorisée
(2009-2015).
1335 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquantième session, A/53/10
(1998), chap. X (C), par. 553. Voir également Rapport de la Commission du droit international,
soixante-neuvième session, A/72/10 (2017), chap. III (C), par. 32.
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d) la Commission ne devrait pas s’en tenir aux sujets classiques, mais pourrait aussi
envisager ceux qui correspondent à des tendances nouvelles du droit international et à des
préoccupations pressantes de l’ensemble de la communauté internationale.
22. Premièrement, le sujet « L’élévation du niveau de la mer au regard du droit
international » correspond aux besoins des États : plus d’un tiers des États existants de la
communauté internationale risquent d’être directement touchés par l’élévation du niveau de
la mer et sont très intéressés par cette question. Il pourrait en outre avoir des conséquences
plus larges pour la communauté internationale dans son ensemble, étant donné qu’un
nombre important d’États pourraient être par ailleurs indirectement touchés par l’élévation
du niveau de la mer (par exemple, en raison des déplacements de population et de l’accès
restreint aux ressources). L’élévation du niveau de la mer est devenue un phénomène
mondial et soulève de ce fait des problèmes à l’échelle planétaire qui ont des répercussions
sur la communauté internationale dans son ensemble. Cet intérêt est partagé par divers États
situés dans des régions géographiques très différentes, y compris des États sans littoral, ce
qui montre l’ampleur de l’intérêt des États.
23. Deuxièmement, il existe une pratique naissante des États, notamment en ce qui
concerne les questions relevant du droit de la mer (par exemple : permanence des lignes de
base, construction d’îles artificielles, ouvrages de renforcement des côtes) et de la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer (par exemple :
réinstallation des communautés locales à l’intérieur ou à l’extérieur du pays et création de
catégories de visas humanitaires). On observe par ailleurs une pratique à considérer en ce
qui concerne, entre autres, les gouvernements en exil, à titre d’exemples de la survivance de
l’État en l’absence d’autorité sur le territoire. Les conséquences de l’élévation du niveau de
la mer, qu’on peut considérer comme portant atteinte à l’existence même d’un certain
nombre d’États concernés et, en tout état de cause, aux attributs essentiels de l’État, soit le
territoire, la population et l’autorité politique, ainsi qu’à la jouissance des ressources
essentielles pour la prospérité de ces pays, exigent qu’il soit procédé d’urgence à leur
analyse sur le plan juridique.
24. C’est pourquoi, troisièmement, le sujet devrait être facile à traiter car les travaux du
groupe d’étude permettront de définir les domaines mûrs pour la codification et le
développement progressif du droit international, ainsi que les lacunes à cet égard. Dans le
même temps, les aspects à examiner sont très concrets, ainsi qu’il ressort des sections IV et V
ci-dessus.
25. Quatrièmement, il ne fait aucun doute que le sujet, à la lumière des arguments
présentés, traduit des tendances nouvelles du droit international et des préoccupations
pressantes de l’ensemble de la communauté internationale.
VIII. Conclusion
26. Les travaux aboutiraient à un rapport final du groupe d’étude sur « L’élévation du
niveau de la mer au regard du droit international », accompagné d’un ensemble de
conclusions en découlant. Après la présentation du rapport final du groupe d’étude, il y
aurait lieu d’examiner la manière de poursuivre le développement du sujet, en tout ou en
partie, au sein de la Commission ou d’autres instances.
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Chapitre IX
Élévation du niveau de la mer au regard
du droit international
A. Introduction
240. À sa soixante-dixième session (2018), la Commission a décidé d’inscrire le sujet
« Élévation du niveau de la mer au regard du droit international » à son programme de travail
à long terme431.
241. Dans sa résolution 73/265 du 22 décembre 2018, l’Assemblée générale a pris note de
l’inscription du sujet au programme de travail à long terme de la Commission et, à cet égard,
a demandé à la Commission de tenir compte des commentaires, des préoccupations et des
observations formulés par les États au cours du débat à la Sixième Commission.
242. À sa soixante et onzième session (2019), la Commission a décidé d’inscrire le sujet à
son programme de travail. Elle a également décidé de créer, sur ce sujet, un groupe d’étude
à composition non limitée, dont la coprésidence serait assurée, à tour de rôle, par
M. Bogdan Aurescu, M. Yacouba Cissé, Mme Patrícia Galvão Teles, Mme Nilüfer Oral et
M. Juan José Ruda Santolaria. Elle a aussi pris note du rapport oral conjoint des Coprésidents
du Groupe d’étude432.
243. À cette session également, le Groupe d’étude, coprésidé par Mmes Patrícia Galvão
Teles et Nilüfer Oral, s’est réuni le 6 juin 2019. Il a examiné un document informel sur
l’organisation de ses travaux qui contenait une feuille de route pour la période 2019-2021.
Les discussions ont porté sur la composition du Groupe d’étude, son projet de calendrier, son
projet de programme de travail et ses méthodes de travail433.
244. Concernant le programme de travail, et sous réserve des ajustements qui pourraient
être nécessaires en raison de la complexité des questions à examiner, le Groupe d’étude
devrait travailler sur les trois sous-sujets définis dans le plan d’étude établi en 2018434, à
savoir les questions relatives au droit de la mer, sous la coprésidence de M. Bogdan Aurescu
et Mme Nilüfer Oral, et les questions liées à la condition étatique (« Statehood » en anglais)
et celles liées à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, sous
la coprésidence de Mme Patrícia Galvão Teles et M. Juan José Ruda Santolaria.
245. S’agissant des méthodes de travail, il a été prévu que le Groupe d’étude se réunirait
environ cinq fois par session. Il a été convenu qu’avant chaque session, les Coprésidents
établiraient une note thématique qui serait éditée, traduite et diffusée en tant que document
officiel et qui servirait de base aux discussions et à la contribution annuelle des membres du
Groupe d’étude. Cette note servirait également de base aux rapports que le Groupe d’étude
élaborerait ensuite sur chaque sous-sujet. Les membres du Groupe d’étude seraient ensuite
invités à soumettre des contributions écrites dans lesquelles ils pourraient commenter ou
compléter la note thématique établie par les Coprésidents (en abordant, par exemple, la
pratique régionale, la jurisprudence ou tout autre aspect du sous-sujet concerné). Des
recommandations seraient formulées par la suite concernant la forme du résultat des travaux
du Groupe d’étude.
246. Il a aussi été convenu qu’à la fin de chaque session de la Commission, les travaux du
Groupe d’étude seraient exposés dans un rapport qui tiendrait dûment compte de la note
thématique établie par les Coprésidents, ainsi que des contributions écrites s’y rapportant
reçues des membres, et qui contiendrait un résumé des discussions du Groupe d’étude. Une
431 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
par. 369.
432 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, Supplément no 10
(A/74/10), par. 265 à 273.
433 Ibid., par. 269.
434 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
annexe B.
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fois le rapport approuvé par le Groupe d’étude, les Coprésidents le présenteraient à la
Commission qui pourrait ainsi en faire figurer un résumé dans son rapport annuel.
B. Examen du sujet à la présente session
247. À la présente session, la Commission a reconstitué le Groupe d’étude sur l’élévation
du niveau de la mer au regard du droit international, présidé par M. Bogdan Aurescu et
Mme Nilüfer Oral, les deux Coprésidents chargés des questions relatives au droit de la mer.
248. Conformément au programme et aux méthodes de travail convenus, le Groupe d’étude
était saisi de la première note thématique sur le sujet (A/CN.4/740 et Corr.1), établie par
M. Aurescu et Mme Oral et accompagnée d’une bibliographie préliminaire
(A/CN.4/740/Add.1).
249. En raison de l’apparition de la pandémie de COVID-19 et du report de la soixantedouzième
session de la Commission qui s’en est suivi, les Coprésidents ont invité les
membres de la Commission à leur adresser directement leurs commentaires écrits sur la
première note thématique. Après l’achèvement de la note, Antigua-et-Barbuda et la
Fédération de Russie ont soumis des informations, qui ont été publiées sur le site Web de la
Commission avec les informations précédemment reçues des gouvernements435 en réponse à
la demande formulée par la Commission au chapitre III de son rapport annuel de 2019436. Les
commentaires du Forum des îles du Pacifique relatifs à la note ont été distribués à tous les
membres du Groupe d’étude le 31 mai 2021.
250. Le Groupe d’étude a tenu huit réunions, du 1er au 4 juin et les 6, 7, 8 et 19 juillet
2021437.
251. À sa 3550e séance, le 27 juillet 2021, la Commission a pris note du rapport oral
conjoint des Coprésidents du Groupe d’étude438.
Discussions tenues au sein du Groupe d’étude
252. À la première réunion du Groupe d’étude, qui s’est tenue le 1er juin 2021, la
Coprésidente (Mme Oral) a indiqué que l’objectif des quatre premières réunions qui se
tiendraient pendant la première partie de la session était de permettre un échange de fond,
comme dans les séances plénières, sur la première note thématique et sur toutes les questions
pertinentes que les membres pourraient souhaiter aborder. Un résumé de cet échange, sous la
forme d’un rapport intermédiaire, fonderait les débats du Groupe d’étude aux réunions
prévues pendant la seconde partie de la session. Après ces débats, le rapport serait complété,
approuvé par le Groupe d’étude puis présenté par les Coprésidents à la Commission pour
qu’il figure dans le rapport annuel de celle-ci. Cette procédure, convenue par le Groupe
d’étude, est basée sur le rapport de la Commission de 2019.
253. Concernant le fond du sujet, il a été rappelé, ainsi qu’il était indiqué dans le plan
d’étude établi en 2018, que les conséquences factuelles de l’élévation du niveau de la mer
soulevaient un certain nombre d’importantes questions ressortissant au droit international.
Pour autant qu’elles aient un lien avec le droit de la mer, ces questions portaient notamment
sur les conséquences juridiques de l’inondation des régions côtières de faible élévation et des
îles sur les lignes de base et les espaces maritimes qu’elles déterminent, et sur la délimitation
de ces espaces, que ce soit par voie d’accord ou au plan contentieux. Le plan d’étude de 2018
prévoyait de surcroît que pour répondre à ces questions, il convenait d’analyser de manière
approfondie le droit international en vigueur, y compris le droit international conventionnel
et coutumier, conformément au mandat de la Commission, à savoir le développement
435 Croatie, États fédérés de Micronésie, États-Unis d’Amérique, Maldives, Pays-Bas, Roumanie,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et Singapour. Des informations ont
également été reçues du Forum des îles du Pacifique. Les informations soumises sont disponibles à
l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml.
436 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, Supplément no 10
(A/74/10), par. 31 à 33.
437 Voir supra le chapitre I pour la composition du Groupe d’étude.
438 Voir A/CN.4/SR.3550.
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progressif du droit international et sa codification439. Cette analyse pourrait contribuer aux
efforts déployés par la communauté internationale pour déterminer la mesure dans laquelle
le droit international actuel est en mesure de répondre aux questions suscitées par l’élévation
du niveau de la mer et s’il y a lieu pour les États d’élaborer des solutions pratiques à leur
égard.
a) Première note thématique
254. À la première réunion du Groupe d’étude, les Coprésidents (M. Aurescu et Mme Oral)
ont présenté la première note thématique et résumé les points principaux et les observations
préliminaires.
255. Le Coprésident (M. Aurescu) a présenté l’introduction et les première et deuxième
parties de la première note thématique. Il a notamment rappelé que l’introduction de la note
contenait un récapitulatif des opinions exprimées par les États Membres à la Sixième
Commission et a appelé l’attention du Groupe d’étude sur les observations formulées par les
délégations à la Sixième Commission, lors de la soixante-quinzième session de l’Assemblée
générale (2020), après la publication de la note. Plusieurs délégations s’étaient félicitées de
la note thématique440, tandis que d’autres y avaient simplement fait référence441. Le
Coprésident a aussi rappelé le champ d’application et le résultat proposé des travaux sur le
sujet, les limites qui encadraient les travaux du Groupe d’étude, telles qu’elles avaient été
convenues par la Commission, et le fait que l’accent avait été mis sur la pratique des États et
des organisations régionales et internationales.
256. Le Coprésident (M. Aurescu) a présenté la partie de la première note thématique
consacrée à l’analyse des conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la
mer sur les lignes de base et les limites extérieures des espaces maritimes qu’elles servent à
mesurer, ainsi qu’à l’analyse des conséquences de la mobilité de la ligne de base induite par
l’élévation du niveau de la mer. Il a ensuite présenté la partie portant sur l’analyse des
conséquences juridiques éventuelles de l’élévation du niveau de la mer sur les délimitations
maritimes et sur la question de savoir si l’élévation du niveau de la mer constituait un
changement fondamental de circonstances au sens du paragraphe 2 de l’article 62 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités, de 1969442. Enfin, il a exposé les principales
observations préliminaires de l’analyse des Coprésidents, présentées aux paragraphes 104 et
141 de la note, concernant d’une part les conséquences juridiques éventuelles de l’élévation
du niveau de la mer sur les lignes de base et les limites extérieures des espaces maritimes
qu’elles servent à mesurer, et d’autre part les délimitations maritimes, que celles-ci aient été
effectuées par voie d’accord ou par la voie juridictionnelle.
439 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
annexe B, par. 5. Le paragraphe 14 du plan d’étude de 2018 dispose notamment : « Le sujet est limité
aux conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer. Sont exclus la protection de
l’environnement, les changements climatiques en soi, ainsi que la recherche de la responsabilité de
ces phénomènes. Il ne s’agit pas de dresser un inventaire complet et exhaustif de l’application du droit
international aux questions soulevées par l’élévation du niveau de la mer, mais plutôt de définir
certaines questions principales. Les trois domaines à examiner devraient être analysés dans le
contexte de l’élévation du niveau de la mer indépendamment d’autres facteurs susceptibles
d’entraîner des conséquences semblables. Il y a lieu, dans la mesure du possible, de s’employer à bien
distinguer les conséquences liées à l’élévation du niveau de la mer des autres facteurs. Il n’est pas
question de proposer des modifications au droit international en vigueur, notamment à la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982. D’autres questions pourraient se poser
ultérieurement qui exigeraient un travail d’analyse. ».
440 Des 25 délégations qui ont fait des déclarations sur les travaux de la Commission, 11 se sont félicitées
de la première note thématique (le Belize, au nom de l’Alliance des petits États insulaires, les États
fédérés de Micronésie, les Fidji, au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, les
Maldives, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Portugal, les Îles Salomon, les
Tonga, la Turquie et les Tuvalu, au nom des États du Forum des îles du Pacifique).
441 Les trois délégations ci-après ont fait référence à la première note thématique : États-Unis
d’Amérique, République de Corée et Sierra Leone.
442 Convention de Vienne sur le droit des traités (Vienne, 23 mai 1969), Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1155, no 18232, p. 331.
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178 GE.21-11083
257. La Coprésidente (Mme Oral) a ensuite présenté la structure et le contenu des troisième
et quatrième parties de la première note thématique, en insistant notamment sur les deux
questions centrales qui y étaient traitées, à savoir les conséquences juridiques éventuelles du
déplacement vers la terre de la ligne de base, nouvellement tracée en raison de l’élévation du
niveau de la mer, et les effets de cette élévation sur le statut juridique des îles, des rochers et
des hauts-fonds découvrants. Elle a ensuite donné un aperçu des conséquences éventuelles,
sur les droits et la juridiction de l’État côtier et des États tiers dans les espaces maritimes
établis, d’un déplacement des zones, à savoir lorsqu’une partie des eaux intérieures passe
dans les eaux territoriales, une partie des eaux territoriales dans la zone contiguë ou la zone
économique exclusive et une partie de la zone économique exclusive dans la haute mer. Elle
a ensuite abordé le cas des États archipels dans lesquels l’inondation de petites îles ou de
récifs découvrants pourrait modifier les lignes de base archipélagiques et, potentiellement,
leur faire perdre leur statut.
258. La Coprésidente (Mme Oral) s’est ensuite penchée sur le statut des îles et rochers au
sens de l’article 121 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer443 et sur les
conséquences non négligeables que pourrait avoir, pour une île, la reclassification en rocher
en raison de l’élévation du niveau de la mer, voire en rocher « qui ne se prête pas à
l’habitation humaine ou à la vie économique » au sens du paragraphe 3 de l’article 121 de la
Convention. Elle a conclu son intervention en mettant l’accent sur plusieurs des observations
préliminaires formulées dans la première note thématique (voir les paragraphes 190 et 218
de la note).
b) Pratique des États africains en matière de délimitation maritime
259. Le Coprésident (M. Cissé) a fait un exposé sur la pratique des États africains en
matière de délimitation maritime. La délimitation des frontières maritimes étant un processus
récent en Afrique, aux enjeux considérables pour les États côtiers, il s’était penché sur la
pratique législative, constitutionnelle et conventionnelle de 38 États côtiers africains, ainsi
que sur les décisions judiciaires pertinentes rendues par les tribunaux internationaux444, afin
de déterminer si ces États étaient favorables à des limites maritimes mouvantes ou fixes.
260. Il était ressorti de ces recherches que les éléments existants de pratique législative et
constitutionnelle africaine en matière de lignes de base et de frontières maritimes étaient
hétérogènes. On ne pouvait donc pas en déduire l’existence d’une opinio juris en faveur du
caractère soit permanent soit mouvant des lignes de base ou des frontières maritimes. Il n’y
avait pas de pratique africaine généralisée car la géographie des côtes était variée, de sorte
que l’utilisation des lignes de base, de la marée (haute ou basse) ou de lignes mouvantes ou
permanentes pour délimiter les frontières maritimes pouvait se justifier en fonction de la
configuration générale des côtes.
261. Néanmoins, de l’avis du Coprésident, l’application des principes du droit international
public dans le contexte africain pourrait faire pencher la balance en faveur des lignes de base
fixes ou des frontières maritimes permanentes, pour les raisons suivantes :
a) Compte tenu du principe de l’intangibilité des frontières héritées de l’époque
coloniale, conformément au principe de l’uti possidetis juris, on pouvait supposer qu’une
443 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 10 décembre 1982), ibid.,
vol. 1833, no 31363, p. 3.
444 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 18 ; Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 13 ; Affaire de la
délimitation de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau, sentence du 14 février
1985, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XIX, partie IV, p. 149 à 196 (en français
− la version en anglais est disponible dans International Law Materials, vol. 25 (1986), p. 251 à
306) ; Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée-Bissau et le Sénégal,
sentence du 31 juillet 1989, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XX, partie II, p. 119
à 213 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ;
Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 303 ; Délimitation de la frontière
maritime dans l’océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire), arrêt, TIDM Recueil 2017, p. 4 ;
Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2017, p. 3.
A/76/10
GE.21-11083 179
frontière maritime tracée par les anciennes puissances coloniales continuait à s’appliquer aux
États nouvellement indépendants sans possibilité de modification ;
b) La limite imposée à l’application du principe rebus sic stantibus, à savoir,
comme le dispose le paragraphe 2 de l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités, qu’un changement fondamental de circonstances ne peut avoir d’effet sur un traité
établissant une frontière, semblait également applicable aux frontières maritimes puisqu’il
était établi dans la jurisprudence qu’il n’y avait pas lieu de faire la distinction entre les
frontières terrestres et les frontières maritimes. L’élévation du niveau de la mer ne devrait
donc pas, en principe, avoir de conséquences juridiques sur le plan du maintien des frontières
déjà délimitées ou des lignes de base ou points de base déjà définis. Le gel des lignes de base
pourrait répondre à cette préoccupation ;
c) Compte tenu de l’obligation qu’ont les États de coopérer lorsqu’ils sont dans
une impasse ou qu’ils peinent à conclure un accord sur la délimitation de leurs frontières
maritimes (recours au paragraphe 3 de l’article 83 ou au paragraphe 3 de l’article 74 de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer), la question du règlement des litiges
frontaliers pourrait être mise de côté au profit d’autres solutions, telles que l’établissement
de zones communes de développement.
c) Résumé de l’échange de vues général qui s’est tenu pendant la première partie
de la session
i) Observations d’ordre général
262. Pendant la première partie de la session, des membres du Groupe d’étude ont présenté,
oralement ou par écrit, des observations sur la première note thématique.
263. L’importance du sujet et la légitimité des préoccupations exprimées par les États
touchés par l’élévation du niveau de la mer, ainsi que la nécessité d’avoir pleinement
conscience du caractère urgent du sujet, ont été soulignées. Si certains membres ont insisté
sur le fait que l’élévation du niveau de la mer était un phénomène récent survenu au cours
des dernières décennies et dont on prévoyait qu’il aurait des conséquences importantes
− comme il était signalé dans la première note thématique − d’autres ont estimé que le
phénomène n’était ni nouveau, ni soudain. On a avancé qu’il convenait de déterminer
l’existence et les effets de deux types d’élévation du niveau de la mer − naturelle et
anthropique − et que la hausse et la baisse naturelles du niveau de la mer ou les valeurs
extrêmes du niveau de la mer, dues aux tremblements de terre, aux tsunamis ou à d’autres
catastrophes naturelles, pouvaient entraîner la modification des côtes. S’agissant de la
section III de l’introduction de la note, qui porte sur les conclusions scientifiques, les
perspectives sur l’élévation du niveau de la mer et leur relation avec le sujet, d’aucuns se sont
dits favorables à ce que l’élévation du niveau de la mer soit traitée comme un fait
scientifiquement prouvé dont la Commission pourrait prendre note aux seules fins de ses
travaux sur le sujet précis des conséquences juridiques internationales de l’élévation du
niveau de la mer. On a aussi fait remarquer que des raisons autres que l’élévation du niveau
de la mer pouvaient, au fil du temps, entraîner le déplacement des côtes, comme cela s’était
déjà produit par le passé ; toute nouvelle règle justifiée par l’élévation du niveau de la mer
devait tenir compte de la pratique dans de tels cas et il serait peut-être nécessaire qu’elle
définisse le mécanisme permettant de distinguer un cas d’un autre. En outre, certains ont dit
que l’hypothèse posée pour le traitement du sujet était que l’élévation du niveau de la mer
résultait des changements climatiques et était donc (principalement) anthropique, tout en
rappelant que conformément au plan d’étude de 2018, la marge de manoeuvre du Groupe
d’étude était limitée, notamment parce que « la recherche de la responsabilité » ne relevait
pas du sujet. Par conséquent, le Groupe d’étude devrait examiner le sujet en partant du
principe que l’élévation du niveau de la mer causée par les changements climatiques est un
fait scientifiquement prouvé.
264. De surcroît, certains ont souligné l’immense défi que constituait la nécessité de
comprendre et de chercher à résoudre des questions juridiques et techniques complexes sans
perdre de vue leur dimension humaine, ainsi que la difficulté qu’il y avait à évaluer l’ampleur
du phénomène et de ses conséquences, y compris au regard du droit de la mer. Néanmoins,
les membres ont dans l’ensemble estimé que le sujet revêtait un intérêt particulier et qu’il
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180 GE.21-11083
soulevait des questions importantes sur lesquelles la Commission pourrait apporter des
éclaircissements.
ii) Observations d’ordre général sur la première note thématique
265. Certains se sont inquiétés du fait que la première note thématique avait été vue comme
reflétant l’opinion de la Commission et que, en raison du report de la soixante-douzième
session, elle avait fait l’objet de débats nourris en dehors de la Commission avant que celle-ci
ait eu l’occasion de l’étudier. On a fait observer que cette situation était aussi due au fait que,
étant donné l’urgence qu’il y avait à examiner ce sujet ô combien important, le Groupe
d’étude avait adopté une procédure différente de celle des groupes d’étude précédents.
D’aucuns ont toutefois fait remarquer qu’elle n’était pas propre au sujet et qu’il était
malheureusement fréquent que les rapports de rapporteurs spéciaux soient considérés comme
émanant de la Commission.
266. Certains membres ont souscrit à l’analyse figurant dans la première note thématique,
y compris aux observations préliminaires, tandis que d’autres ont fait part de leurs doutes
concernant ces observations. Certains sont convenus de la nécessité de préserver la stabilité,
la sécurité, la certitude et la prévisibilité, ainsi que l’équilibre des droits et obligations entre
les États côtiers et les autres États, mais n’étaient pas d’accord sur la question de savoir si les
observations préliminaires traduisaient bien cette nécessité. Qui plus est, certains membres
ont dit que les déclarations des États en faveur de la stabilité, de la certitude et de la
prévisibilité pouvaient donner lieu à différentes interprétations et ont remis en question le fait
que la note s’appuyait à plusieurs reprises sur les « préoccupations des États Membres ». On
a exprimé l’avis que le souci de « stabilité » exprimé par les États n’était pas nécessairement
le signe d’une opinio juris, comme la note le laissait entendre, dans la mesure où la préférence
pour la stabilité pouvait difficilement être considérée comme reflétant l’existence « d’une
obligation juridique ou d’un droit » au sens du projet de conclusions de la Commission sur
la détermination du droit international coutumier445. D’aucuns ont fait observer que dans la
jurisprudence, les termes « stabilité », « certitude » et « prévisibilité » étaient employés dans
le contexte de la délimitation des frontières terrestres et non dans celui des délimitations
maritimes, pour lequel les considérations étaient différentes. On a aussi avancé que ces
termes ne constituaient pas un principe en tant que tel, mais servaient à décrire un phénomène.
Le Groupe d’étude a accueilli favorablement la proposition visant à expliciter le sens de
« stabilité juridique » dans le contexte du sujet à l’examen, notamment en posant des
questions précises aux États Membres, mais a fait remarquer qu’il semblait que, dans leurs
interventions à la Sixième Commission, les délégations des États touchés par l’élévation du
niveau de la mer entendaient par « stabilité juridique » la nécessité de préserver les lignes de
base et les limites extérieures des zones maritimes.
iii) Examen des vues exprimées à la Sixième Commission et de la pratique des États
267. Les membres ont constaté que les États qui avaient fait des déclarations sur le sujet à
la Sixième Commission s’étaient montrés largement favorables à l’inscription de celui-ci au
programme de travail de la Commission. Il a été observé que, de manière générale, les États
semblaient s’accorder à dire que le résultat des travaux de la Commission sur le sujet ne
devrait pas compromettre la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ni le
modifier. Il a aussi été relevé que les principes de certitude, de sécurité et de prévisibilité et
la préservation de l’équilibre des droits et obligations entre les États côtiers et les États sans
littoral avaient occupé une place prépondérante dans les déclarations formulées à la Sixième
Commission en 2019.
268. La rareté de la pratique étatique, notamment dans certaines régions du monde, a été
soulignée. D’aucuns ont soulevé la question de savoir si les déclarations des États et leurs
observations sur la pratique étatique devaient être interprétées comme donnant le jour à des
règles émergentes, ou pouvaient être considérées comme une pratique ultérieure aux fins de
l’interprétation des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer. Certains membres se sont demandé si les déclarations des États en réaction à la
445 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
chap. V, sect. E, conclusion 9.
A/76/10
GE.21-11083 181
première note thématique pouvaient suffire à démontrer qu’il existait une pratique étatique
en faveur des lignes de base fixes. Il a également été dit qu’eu égard à l’insuffisance de la
pratique étatique, les interventions des États à la Sixième Commission revêtaient une
importance et une pertinence certaines. Il a été proposé en outre qu’afin de compléter les
renseignements qu’elle sollicite des États, la Commission mène des recherches et,
notamment, analyse la législation de chacun d’entre eux, ainsi que les notifications de zone
maritime transmises par le Secrétaire général dans le cadre de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer.
iv) Travaux de l’Association de droit international
269. Certains membres, appelant l’attention sur les travaux du comité de l’Association de
droit international chargé de la question des lignes de base en droit international de la mer et
sur ceux du comité sur le droit international et l’élévation du niveau de la mer, ont suggéré
que le Groupe d’étude en offre une explication plus détaillée et qu’il en fasse le point de
départ de son analyse. Ces membres ont fait observer qu’en 2012, le premier de ces comités
avait conclu que la ligne de base normale était mouvante, et que le droit en vigueur n’offrait
pas de solution adéquate en cas de perte totale de territoire résultant, par exemple, de
l’élévation du niveau de la mer. Il a également été rappelé que le comité sur le droit
international et l’élévation du niveau de la mer, créé par la suite, avait recommandé à
l’Association l’adoption d’une résolution contenant des propositions de lege ferenda,
notamment celle selon laquelle les « lignes de base et limites ne devraient pas être [remises
en question] si l’élévation du niveau de la mer modifie la réalité physique de la côte ». Cette
proposition a été approuvée dans la résolution 5/2018 adoptée par l’Association de droit
international à sa soixante-dix-huitième Conférence tenue à Sydney446. Il a été en outre
suggéré que le Groupe d’étude procède à une analyse des avantages et inconvénients des
différentes options possibles, comme l’Association de droit international l’avait fait dans le
rapport adopté à sa conférence de Sydney de 2018 sur le droit international et l’élévation du
niveau de la mer. En outre, il a été relevé qu’en vertu de la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer, les lignes de base devaient être conformes à la réalité. Il a été fait observer
de surcroît que le comité chargé de la question des lignes de base en droit international de la
mer n’avait pas considéré ses conclusions de 2012 comme définitives en ce qui concerne les
effets de l’élévation du niveau de la mer et avait estimé que l’examen de ces effets devait être
poursuivi par le comité sur le droit international et l’élévation du niveau de la mer, lequel a
formulé en 2018 la proposition selon laquelle, dans la mesure où elles ont été correctement
déterminées en accord avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982,
les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes d’un État côtier ou
archipélagique ne devraient pas être recalculées si l’élévation du niveau de la mer modifie la
réalité physique de la côte. Il a aussi été souligné que la méthodologie employée par la
Commission du droit international, qui travaille en relation étroite avec la Sixième
Commission, est différente de celle de l’Association de droit international.
v) Interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer :
caractère mouvant ou fixe des lignes de base
270. Certains membres ont fait valoir que la ligne de base normale, telle qu’elle était définie
à l’article 5 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, était la laisse de basse
mer, qu’ils considéraient comme mouvante par nature. D’autres membres ont fait observer
que la Convention était muette sur le point de savoir si les lignes de base étaient mouvantes
ou si leur position devait être régulièrement mise à jour. Les membres ont convenu qu’il
importait, voire qu’il était indispensable, de procéder à une évaluation de la pratique étatique
concernant le gel des lignes de base et la mise à jour éventuelle des cartes marines. Certains
ont exprimé l’opinion selon laquelle les lignes de base n’étaient pas établies par des cartes
marines ou des listes, mais par les règles détaillées énoncées dans la Convention et d’autres
sources pertinentes, et que les cartes marines et listes mentionnées à l’article 16 de la
Convention visaient exclusivement les lignes de base droites ou les lignes de délimitation (et
non les lignes de base normales), car le texte de cet article mentionnait expressément le fait
446 International Law and Sea Level Rise: Report of the International Law Association Committee on
International Law and Sea Level Rise, D. Vidas, et al. (dir. publ.), Brill, Leiden, 2019, p. 66 et 67.
A/76/10
182 GE.21-11083
que lesdites cartes marines et listes devaient être produites conformément aux dispositions
des articles 7, 9 et 10 de la Convention. Il a également été souligné qu’il importait de
distinguer entre les points de base (qui sont pertinents pour les délimitations maritimes en
tant qu’ils sont choisis comme points de référence sur les côtes pertinentes) et les lignes de
base (utilisées pour établir les limites extérieures des espaces maritimes), car l’élévation du
niveau de la mer avait des conséquences différentes pour ces deux éléments, de sorte qu’il
n’était pas exclu qu’ils requièrent des solutions juridiques différentes.
271. Si certains membres ont considéré que l’article 5 de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer réglait sans ambiguïté la question du caractère mouvant des lignes de
base normales, d’autres ont jugé que cette disposition pouvait recevoir une interprétation
différente. Il a été rappelé qu’il n’était pas question de l’élévation du niveau de la mer dans
les travaux préparatoires de la Convention. Certains membres ont affirmé que la Convention
était du reste complètement muette sur cette question, y compris s’agissant des lignes de base
et de la mise à jour des cartes marines. D’autres ont estimé que, même si l’élévation du niveau
de la mer n’était pas abordée, la question de la modification de l’emplacement des lignes de
base était mentionnée, notamment en lien avec leur détermination dans des contextes
particuliers (comme ceux des deltas). Il a toutefois été dit aussi qu’il ne fallait pas accorder
trop d’importance au silence de la Convention, qui pouvait être interprété de façons diverses.
Selon un point de vue, on pouvait cependant en déduire que la Convention ne tranchait pas
la question de savoir si les lignes de base étaient ou non mouvantes. Il a toutefois été relevé
que, même si l’élévation du niveau de la mer n’était pas expressément mentionnée, la
Convention prévoyait la modification des lignes de base du fait de changements affectant
la côte.
372. En réponse aux divers points de vue exprimés par les membres quant à l’existence de
systèmes de lignes de base mouvantes, fixes ou permanentes, il a été suggéré que la
Commission étudie plus avant la question de savoir s’il existait un principe de stabilité en
droit international général, et qu’elle réalise notamment une étude du droit de la délimitation
fluviale. Il a aussi été jugé important d’examiner soigneusement l’arrêt rendu par la Cour
internationale de Justice en l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et
l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua)447 dans lequel la Cour a utilisé une ligne mobile
de délimitation maritime.
273. Certains membres ont souligné que, si l’on retenait la thèse du caractère mouvant des
lignes de base, le déplacement de celles-ci vers l’intérieur des terres pourrait entraîner des
pertes considérables pour les États côtiers en termes de droits souverains et de juridiction. Il
pourrait aussi donner lieu à d’importantes pertes de ressources et à la perte de zones maritimes
protégées, ce qui aurait pour effet de compromettre la conservation de la biodiversité dans
les zones ne relevant plus de la juridiction d’aucun État. Ces membres ont ajouté que
l’incertitude juridique qui en résulterait quant à la délimitation des frontières maritimes serait
probablement une source de conflits et d’instabilité pour les États côtiers voisins. Il a
également été observé que, dans cette hypothèse, les États devraient consacrer d’importantes
ressources à la mise à jour régulière des cartes maritimes ou des données géographiques.
Certains membres ont souscrit à l’opinion des Coprésidents selon laquelle l’idée que les
lignes de base avaient un caractère généralement mouvant ne permettait pas de répondre aux
préoccupations des États qui subissaient les effets de l’élévation du niveau de la mer.
D’aucuns ont donc suggéré que le maintien des lignes de base et des limites maritimes
existantes était une solution optimale qui permettait de préserver les intérêts des États eu
égard aux effets de l’élévation du niveau de la mer.
274. D’autres membres ont dit ne pas être convaincus que le déplacement des zones sur
lesquelles les États possédaient des droits maritimes entraînait nécessairement la perte totale
de ces droits, estimant que ce déplacement ne faisait que modifier les lieux auxquels se
rapportaient lesdits droits. Il a aussi été signalé que des lignes de base fixes ne seraient pas
opportunes dans tous les cas (par exemple, lorsque le mouvement des plaques tectoniques
entraînait l’agrandissement du territoire terrestre d’un État). Il a été dit en outre que si les
447 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) et
Frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2018, p. 139.
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lignes de base étaient fixes, les États susceptibles de connaître une extension de leur territoire
terrestre, dans l’éventualité où un tel phénomène se produirait à l’avenir, ne pourraient pas
déplacer leurs lignes de base vers le large pour faire valoir leurs droits sur des zones plus
vastes. Ont été également mentionnées les situations particulières dans lesquelles des États
auraient érigé des ouvrages de renforcement côtiers face à la menace de l’élévation du niveau
de la mer et pourraient souhaiter que ceux-ci soient pris comme lignes de base fixes. En ce
qui concerne les situations d’agrandissement du territoire terrestre liées à des facteurs autres
que l’élévation du niveau de la mer, il a été souligné que cet aspect de la question ne relevait
pas du mandat du Groupe d’étude, qui visait exclusivement les conséquences de l’élévation
du niveau de la mer. Il a aussi été rappelé que, conformément à la délimitation du mandat
confié au Groupe d’étude dont il avait été convenu, le résultat final des travaux de celui-ci
devait être clairement limité à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements
climatiques.
275. Certains membres ont fait valoir qu’il existait sans doute tout un éventail de
possibilités intermédiaires entre les deux options envisagées dans la première note
thématique − mutabilité ou permanence des lignes de base − et que ces possibilités méritaient
d’être étudiées de manière approfondie et exhaustive. Étant donné que le débat en était encore
au stade préliminaire, une analyse plus poussée devait avoir lieu avant que le Groupe d’étude
puisse se positionner sur un sujet aussi complexe.
276. La question des cartes marines a également été soulevée, certains étant d’avis qu’il
était important de les mettre à jour par souci de sécurité, alors que d’autres maintenaient que
les dangers potentiels pour la navigation pourraient être vraiment exceptionnels étant donné
que les côtes se déplaçaient vers l’intérieur des terres en cas d’élévation du niveau de la mer,
et que la technologie satellitaire était plus accessible que jamais. La proposition faite ensuite
par les Coprésidents selon laquelle la question des cartes marines pouvait faire l’objet d’une
étude supplémentaire a été accueillie favorablement. Par exemple, cette étude pourrait porter
sur les différentes fonctions des cartes marines, prévues par les règlements de l’Organisation
hydrographique internationale, et sur celles des cartes déposées auprès du Secrétaire général
des Nations Unies aux fins de l’enregistrement des zones maritimes.
277. Des membres ont proposé que le Groupe d’étude envisage le cas possible où, en raison
de l’élévation du niveau de la mer et du recul du rivage vers l’intérieur des terres, les zones
de chevauchement délimitées par des accords bilatéraux dans les zones économiques
exclusives de deux États dont les côtes se faisaient face ne se chevaucheraient plus car un tel
cas de figure créerait une fiction juridique absurde pour certains États. Des membres se sont
dits favorables à l’examen de cette hypothèse, notamment sous l’angle de concepts issus du
droit des traités, comme la désuétude ou la survenance d’une situation rendant impossible
l’exécution d’un traité. D’autres membres ont estimé que le maintien des lignes de base
existantes, lorsque les lignes de base naturelles s’étaient sensiblement déplacées, pourrait
créer des zones maritimes anormalement vastes − excédant la surface autorisée au regard de
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer − ce qui pourrait profiter aux États
côtiers au détriment des droits des autres États ou de la communauté internationale. Il a
également été convenu d’examiner plus en détail la perte ou le gain éventuels d’avantages
pour les États tiers, mais il a été noté qu’aucun État ayant à ce stade fait des commentaires
sur le sujet n’avait demandé un tel examen ou abordé la question. Certains membres ont
relevé que, si l’on retenait la thèse des lignes de base fixes, l’élévation du niveau de la mer
pourrait créer de vastes étendues d’eaux intérieures qui, normalement, seraient des eaux
territoriales (ou même des zones de haute mer), dans lesquelles n’existerait aucun droit de
passage inoffensif. De même, la solution des lignes de base fixes pourrait aboutir au maintien
d’un régime de détroits dans un chenal qui normalement ne serait pas un détroit.
vi) Autres sources du droit international
278. Des membres ont estimé que, si la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer était certes une source essentielle pour les États parties à cet instrument, d’autres sources
devaient faire l’objet d’une analyse plus approfondie. Il a également été rappelé que, selon le
préambule de la Convention, les questions qui n’étaient pas réglementées par la Convention
continueraient d’être régies par les règles et principes du droit international général. Puisque
les problèmes juridiques résultant de l’élévation du niveau de la mer ne pouvaient être
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184 GE.21-11083
pleinement réglés par le régime de la Convention, d’aucuns ont émis l’idée que l’on devait
examiner d’autres règles pertinentes du droit international général. D’autres membres ont fait
remarquer que la question était couverte par l’article 5 de la Convention. Parmi ces autres
sources, on pouvait citer, notamment, le droit international coutumier, les Conventions de
Genève de 1958448 et d’autres instruments bilatéraux et multilatéraux, portant sur tout un
éventail d’aspects du droit de la mer et concernant différentes zones susceptibles d’être
touchées par l’élévation du niveau de la mer. Des membres ont également suggéré que l’on
examine plus avant d’autres règles et principes, notamment le principe en vertu duquel la
terre domine la mer et le principe de la liberté de la mer, ainsi que l’importance du principe
de l’équité, la bonne foi, les droits et titres historiques, l’obligation de régler pacifiquement
les différends, le maintien de la paix et de la sécurité internationales, la protection des droits
des États côtiers et non côtiers et le principe de la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. Le Groupe d’étude a en conséquence l’intention de donner suite à ces propositions
dans ses travaux futurs sur le sujet.
vii) Permanence de la zone économique exclusive et du plateau continental
279. Certains membres ont soulevé des questions précises concernant la relation entre la
proposition de la permanence du plateau continental et la zone économique exclusive au
regard de la référence faite dans la première note thématique à la divergence qui pourrait
résulter entre les limites extérieures permanentes du plateau continental et les limites
extérieures éventuellement mouvantes de la zone économique exclusive. Il a été estimé que
certaines déclarations relatives à la permanence du plateau continental figurant dans la note
étaient incorrectes.
280. Selon cette opinion, il n’existe aucune permanence : l’argument avancé dans la note
repose sur une délimitation du plateau continental fondée sur des critères géographiques ; or,
jusqu’à 200 milles marins, seul le critère de distance s’applique, tandis que, d’après l’opinion
exprimée, les limites extérieures du plateau continental et de la zone économique exclusive
sont fonction de l’emplacement des lignes de base. Ainsi, il a été soutenu que l’on ne saurait
affirmer que les lignes de base ont un caractère permanent en tirant argument du fait que le
plateau continental est le prolongement naturel du territoire terrestre.
viii) Élévation du niveau de la mer et article 62 (par. 2) de la Convention de Vienne
sur le droit des traités
281. Des membres ont fait remarquer que les traités maritimes et les frontières ayant fait
l’objet d’une détermination judiciaire devraient être définitifs, mais qu’il fallait poursuivre
l’examen de la question. On a relevé la pertinence du principe pacta sunt servanda. Plusieurs
membres ont fait des observations sur l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités et demandé si l’élévation du niveau de la mer constituerait un changement de
circonstances imprévu. Plusieurs membres ont relevé qu’on ne devrait pas faire de
distinction, à cet égard, entre les frontières terrestres et maritimes, ainsi qu’il ressort de la
jurisprudence internationale citée dans la première note thématique. D’autres se sont montrés
plus réservés, estimant qu’il fallait procéder à un examen plus poussé de la question,
notamment à une analyse des aspects positifs et négatifs de chaque point de vue. D’aucuns
ont soutenu cette proposition, et il a été rappelé que, à cet égard, la doctrine et les conclusions
formulées en 2018 par le comité de l’Association de droit international chargé de la question
de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international tendaient à établir que les
changements de frontières terrestres et maritimes ne devraient pas donner lieu à un
changement de circonstances imprévu. Des membres ont fait remarquer que les frontières
terrestres étaient parfois mouvantes en fonction de l’emplacement de la rive d’un fleuve ou
d’un lac, du point médian d’un fleuve ou d’un lac, ou du thalweg d’un fleuve, mais d’autres
ont estimé que la pratique des États s’inscrivait dans une tendance différente, à savoir qu’en
cas de modification du cours d’un fleuve, la frontière fluviale convenue conservait son
448 Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë (Genève, 29 avril 1958), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 516, no 7477, p. 206 ; Convention sur la haute mer (Genève, 29 avril 1958), ibid.,
vol. 450, no 6465, p. 11 ; Convention sur le plateau continental (Genève, 29 avril 1958), ibid.,
vol. 499, no 7302, p. 312 ; Convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la
haute mer (Genève, 29 avril 1958), ibid., vol. 559, no 8164, p. 286.
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GE.21-11083 185
caractère permanent. Selon un point de vue, la question de savoir si les traités de délimitation
maritime étaient couverts par l’article 62 relevait de l’interprétation des traités et devait être
tranchée par les juridictions internationales et non par la Commission car elle sortait du cadre
du mandat de celle-ci. Il a également été relevé que les accords bilatéraux de délimitation des
frontières maritimes n’étaient pas contraignants pour les États tiers, qui n’étaient donc pas
tenus de reconnaître la validité d’un accord établissant ou fixant des frontières maritimes.
Selon un autre avis, les accords établissant et fixant des frontières maritimes étaient des traités
conclus conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités et étaient
contraignants pour tous les États. Cela est sans préjudice de l’obligation faite aux parties à
ces traités de tenir dûment compte des droits légitimes des États tiers quant à leurs espaces
maritimes, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Il a été
noté que la question devait être examinée plus avant, notamment sous l’angle des régimes
objectifs qui existent en droit international. Il a également été proposé que le Groupe d’étude
examine la question des répercussions qu’aurait sur une frontière maritime le fait que le point
extrême d’une frontière terrestre convenue se retrouvât situé en haute mer du fait de
l’élévation du niveau de la mer.
ix) Îles, îles artificielles et rochers
282. Certains membres ont préconisé de traiter avec prudence le sujet des îles au regard de
l’article 121 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. D’autres membres
ont estimé qu’il aurait fallu s’intéresser de plus près à la sentence arbitrale rendue en l’affaire
South China Sea Arbitration between the Republic of the Philippines and the People’s
Republic of China449 sur la question du statut des îles au regard de l’article 121 et aux raisons
pour lesquelles des espaces maritimes leur avaient été accordés, mais il a été également dit
que cette sentence devait faire l’objet d’une analyse critique. Des membres ont estimé qu’une
île naturelle ne devenait pas artificielle du fait de l’existence d’ouvrages de renforcement
artificiels visant exclusivement à la préserver de l’élévation du niveau de la mer. Cela étant,
il a été considéré qu’il fallait élaborer des directives plus claires permettant de faire la
distinction entre les travaux de construction d’îles artificielles engagés à des fins de
préservation et ceux qui avaient pour but d’instaurer des droits artificiels. Des membres ont
estimé qu’il ne fallait pas faire un usage abusif des ouvrages de renforcement des côtes pour
obtenir des droits maritimes étendus. On a posé la question de savoir si les observations
formulées dans la première note thématique concernaient exclusivement l’élévation du
niveau de la mer ou si elles étaient d’application plus générale. Il a également été demandé
si les « rochers » qui seraient submergés devraient continuer à bénéficier de droits maritimes.
Il a été dit que figer le statut d’une île ne devait pas être une règle générale, étant donné
qu’une île pouvait être inondée pour des raisons n’ayant aucun lien avec l’élévation du niveau
de la mer. Le Groupe d’étude a estimé que des recherches supplémentaires pourraient être
menées dans ce domaine afin de déterminer si une telle distinction pouvait être opérée sur le
plan scientifique et en quoi un facteur particulier était important dans le cadre de ses travaux.
On a également appelé l’attention sur le coût élevé de la préservation artificielle des lignes
de base et des zones côtières.
d) Observations finales formulées à la fin de la première partie de la session
283. Les membres ont formulé plusieurs propositions concernant les travaux futurs et les
méthodes de travail du Groupe d’étude.
284. Des suggestions ont été émises concernant l’intitulé du sujet450 et la structure de la
première note thématique. Le Groupe d’étude a estimé que la question de l’intitulé du sujet
pourrait être examinée à un stade ultérieur. Il a également accueilli favorablement les
suggestions concernant la structure de la note, ainsi que celles relatives à la bibliographie.
L’idée de mener une étude sur la législation des États relative aux lignes de base, avec
l’appui du Secrétariat, a également été approuvée par le Groupe d’étude. Il a également été
449 South China Sea Arbitration between the Republic of the Philippines and the People’s Republic of
China, sentence, tribunal arbitral, Cour permanente d’arbitrage, 12 juillet 2016, Nations Unies,
Recueil des sentences arbitrales, vol. XXXIII, p. 166.
450 Parmi les suggestions formulées, on peut citer la proposition visant à modifier le titre du sujet comme
suit : « Élévation du niveau de la mer et droit international ».
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186 GE.21-11083
proposé de publier la note dans la première partie du volume II de l’Annuaire de la
Commission du droit international.
285. Rappelant que le Groupe d’étude avait pour mandat de recenser les questions
juridiques soulevées par l’élévation du niveau de la mer, ce qui pourrait nécessiter un suivi
mais ne donnerait pas lieu à l’élaboration de directives ou d’articles spécifiques, des membres
ont fait valoir que, pour préserver sa crédibilité, le Groupe d’étude − et la Commission −
devait, dès le début, faire preuve de clarté et de transparence en différenciant la lex lata, la
lex ferenda et les choix de politique publique. Il a également été considéré que la Commission
devrait être strictement guidée par ses propres travaux antérieurs en lien avec le sujet,
notamment ses conclusions sur la détermination du droit international coutumier et ses
conclusions sur les accords et la pratique ultérieurs dans le contexte de l’interprétation des
traités. Il a été souligné que la note avait un caractère préliminaire et qu’il était nécessaire de
respecter le mandat du Groupe d’étude, qui consistait à « recenser les questions juridiques
soulevées par l’élévation du niveau de la mer et les questions connexes », et il a également
été mis en avant que ce n’était qu’à un stade ultérieur, lorsque le Groupe d’étude aurait
approfondi son analyse et pris en compte les opinions de ses membres, que des conclusions
pourraient être tirées.
286. À l’inverse, certains ont estimé que, compte tenu de l’importance de la question, le
sujet devait être examiné par un rapporteur spécial et non par un groupe d’étude, le but étant
d’assurer la transparence et de permettre à la Commission de prendre position sur des projets
de texte, plutôt que de réaliser des études thématiques. À cet égard, il a également été suggéré
que des corapporteurs spéciaux soient désignés en vue d’élaborer un ensemble de projets
d’article qui pourraient être proposés aux États aux fins de la négociation d’une
convention-cadre de caractère universel sur les conséquences juridiques de l’élévation du
niveau de la mer, conformément à l’article 23 du Statut de la Commission.
287. L’approche méthodologique retenue par le Groupe d’étude aurait également des
conséquences importantes sur le résultat des travaux sur le sujet, sachant que l’approche que
l’on adopterait pourrait permettre à la Commission de faire preuve de plus de créativité dans
la définition des solutions qu’elle proposerait aux États sur un sujet amené à prendre une
importance croissante pour la paix, la sécurité et la stabilité de la communauté internationale.
Ainsi, certains ont estimé que des conclusions dans lesquelles la Commission expliciterait
les règles en vigueur et proposerait de nouvelles règles pour combler les lacunes existantes
permettraient aux États, en particulier à ceux d’entre eux qui étaient particulièrement touchés
par l’élévation du niveau de la mer, de disposer de solutions juridiques pratiques pour pouvoir
protéger leurs droits en vertu du droit de la mer. Il appartiendrait ensuite aux États et à la
communauté internationale dans son ensemble de décider d’adopter ou non ces règles, par la
pratique, les négociations ou l’adoption de résolutions internationales ou d’accords sur
l’application des instruments juridiques pertinents.
288. Certains membres ont recommandé de faire preuve de prudence pour éviter de tirer
des conclusions hâtives. Concernant le chapitre consacré aux conclusions scientifiques,
d’aucuns se sont dits favorables à ce que l’élévation du niveau de la mer soit traitée comme
un fait scientifiquement prouvé dont la Commission pourrait prendre note aux seules fins de
ses travaux sur le sujet précis des conséquences juridiques internationales de l’élévation du
niveau de la mer. À cet égard, il a été rappelé que le mandat du Groupe d’étude excluait la
recherche de responsabilité, le principe des travaux sur le sujet étant que l’élévation du niveau
de la mer due aux changements climatiques devait être considérée comme un fait
scientifiquement prouvé. Cependant, le Groupe d’étude pourrait, au besoin, envisager
d’inviter des experts scientifiques à ses futures réunions.
e) Résultat du débat interactif qui s’est tenu au cours de la seconde partie de la session
289. À la première réunion du Groupe d’étude qui s’est tenue le 6 juillet 2021 pendant la
seconde partie de la session, les Coprésidents ont répondu aux observations formulées par les
membres du Groupe au cours de la première partie et présenté un projet de rapport
intermédiaire, dont une version en anglais avait été distribuée à tous les membres le 2 juillet
2021, les autres versions linguistiques ayant été communiquées le 5 juillet 2021.
A/76/10
GE.21-11083 187
290. Au cours du débat interactif qui a suivi, les membres ont discuté des méthodes de
travail du Groupe d’étude. Des membres se sont dits préoccupés par le fait que la première
note thématique établie par les Coprésidents (A/CN.4/740 et Corr.1 et Add.1) ait pu être
interprétée comme étant celle du Groupe d’étude dans son ensemble. Les délais auxquels le
Groupe d’étude était soumis, ainsi que la nécessité d’adopter une démarche collective et
consultative, ont également été soulignés. Des membres ont en outre fait valoir que, compte
tenu de l’importance du sujet, il serait peut-être préférable que la Commission envisage de
suivre sa procédure habituelle et nomme un ou plusieurs rapporteurs spéciaux sur le sujet,
afin d’assurer une plus grande transparence tout en étant en mesure de tenir compte de la
position des États dans le cadre d’une première puis d’une seconde lecture de projets de texte.
Des questions ont en outre été posées quant au résultat escompté des travaux du Groupe
d’étude.
291. À cet égard, les Coprésidents ont estimé qu’ils avaient procédé conformément aux
méthodes de travail dont la Commission était convenue en 2019451. Selon eux, ces méthodes
avaient été délibérément conçues pour être plus formelles que celles suivies par les groupes
d’étude précédents, et se situaient à mi-chemin entre celles suivies par un rapporteur spécial
et celles appliquées par des groupes d’étude traditionnels. Ils ont salué les contributions des
membres et souligné la nécessité d’aboutir à un produit collectif. Il a été noté que le débat de
l’année en cours consistait en un « recensement » mené sur la base de la première note
thématique et des observations préliminaires qui y figuraient, et que le Groupe d’étude devait
effectuer des recherches approfondies supplémentaires pour mener à bien l’examen des
aspects du droit de la mer en lien avec le sujet. Les membres ont donc été invités par les
Coprésidents à prendre les devants concernant les différentes questions que le Groupe d’étude
examinerait collectivement, dont certaines avaient déjà été proposées au cours de l’échange
de vues qui avait eu lieu durant la première partie de la session.
292. Les résultats escomptés des travaux du Groupe d’étude, tels qu’énoncés durant la
première partie de la session, ont également été rappelés452. Il a en outre été suggéré qu’en
parallèle le Groupe d’étude continue de progresser sur les aspects liés au droit de la mer.
293. En concluant leurs échanges sur les méthodes de travail du Groupe d’étude, les
membres sont convenus qu’une fois finalisé et approuvé par le Groupe d’étude, le rapport
intermédiaire résumant les principaux points du débat tenu pendant la session serait présenté
à la Commission par les Coprésidents afin de constituer un chapitre du rapport annuel de la
Commission.
294. Le Groupe d’étude a ensuite décidé d’engager une discussion de fond sur le sujet à
partir des questions préparées par les Coprésidents comme suite au débat tenu au cours de la
première partie de la session453. À l’issue de cette discussion, il a conclu que les points
451 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, Supplément no 10
(A/74/10), par. 265 à 273. Voir aussi supra les paragraphes 245 et 246.
452 Voir aussi infra le paragraphe 296.
453 Les Coprésidents ont proposé que les questions suivantes servent de fil conducteur à la discussion :
1) Quelles autres sources du droit le Groupe d’étude devrait-il examiner dans le contexte du sujet ? Il
a été avancé, par exemple, qu’en plus de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, on
devrait examiner d’autres traités, bilatéraux et multilatéraux, portant sur tout un éventail d’aspects du
droit de la mer et concernant différentes zones susceptibles d’être touchées par l’élévation du niveau
de la mer. Ces traités devaient être interprétés, notamment, à la lumière de la pratique ultérieure.
Outre les Conventions de Genève de 1958, il fallait déterminer quels étaient ces traités. Il a également
été proposé que le Groupe d’étude s’attache à déterminer quelles autres règles du droit international
général pourraient être pertinentes dans le nouveau contexte. Il s’agit en effet d’une question qu’il
serait important d’examiner. Les Coprésidents apprécieraient de savoir quelles pourraient être ces
autres règles. On a également émis l’idée que le Groupe d’étude devrait examiner des normes du droit
international coutumier qui ne sont pas incorporées dans la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer ; il serait donc très utile que l’on précise de quelles normes il est question ; 2) Quels aspects
particuliers de la question des cartes et des cartes marines devraient être examinés et de quelle
manière ? ; 3) Le Groupe d’étude a-t-il besoin de disposer de davantage de données scientifiques aux
fins de ses travaux ? Comment concilier l’examen des différentes causes de l’élévation du niveau de
la mer et de leurs effets avec le mandat du Groupe d’étude, qui ne porte pas sur « la recherche de la
responsabilité de ces phénomènes », et quels aspects examiner ? ; 4) Faudrait-il réaliser d’autres
A/76/10
188 GE.21-11083
ci-après devraient faire l’objet d’une analyse plus approfondie, qu’il s’attacherait à réaliser
en priorité à brève échéance. Les points en question seraient examinés sur la base du
volontariat par les membres du Groupe d’étude :
a) Sources du droit : outre la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer454 (en particulier, sa genèse et l’interprétation de son article 5), les Conventions de
Genève de 1958455 (et leurs travaux préparatoires) ainsi que les sources du droit international
coutumier de portée régionale ou universelle, le Groupe d’étude examinerait d’autres sources
du droit − les traités applicables, bilatéraux, régionaux et multilatéraux, ou autres instruments
portant notamment sur la gestion des pêcheries ou la haute mer qui définissent les zones
maritimes, ou le Traité de 1959 sur l’Antarctique456 et son Protocole de 1991 relatif à la
protection de l’environnement457, les traités de l’Organisation maritime internationale qui
études techniques des conséquences de l’élévation du niveau de la mer pour les lignes de base, les
limites extérieures des zones maritimes mesurées à partir de celles-ci et les formations situées au large
des côtes ? Dans l’affirmative, comment faudrait-il procéder ? Le Groupe d’étude devrait-il examiner
différents cas de figure d’un point de vue purement technique ? ; 5) Le Groupe d’étude devrait-il
procéder à une analyse de l’élévation du niveau de la mer, ainsi que l’a suggéré un membre qui a
estimé qu’il serait intéressant de débattre des intérêts des États qui sont susceptibles de bénéficier de
l’élévation du niveau de la mer en raison de la perte par d’autres États de leurs droits actuels et de
l’augmentation de la superficie des zones de haute mer ? ; 6) Pour ce qui est de la stabilité et de la
prévisibilité juridiques, on a soulevé le point de savoir si cette question méritait de faire l’objet d’un
débat plus approfondi. Il faudrait déterminer quels aspects de cette question devraient être examinés
et de quelle manière ; 7) Plusieurs membres ont invoqué le principe de l’équité, question également
soulevée par un grand nombre d’États. L’équité devrait-elle être un facteur important que le Groupe
d’étude devrait prendre en considération dans le cadre de son analyse des conséquences de l’élévation
du niveau de la mer et aux fins de la recherche de solutions ? Qu’entend le Groupe d’étude par
« équité » ? Quelles autres considérations de principe pourraient aller dans le sens de la thèse des
lignes de base fixes plutôt que mouvantes ou vice versa (questions soulevées par deux membres) ? ;
8) L’idée a été émise qu’il pourrait y avoir tout un éventail de possibilités entre ces deux options
(système mouvant ou système fixe) et que toutes ces possibilités devraient être étudiées. Les
Coprésidents apprécieraient de savoir quelles pourraient être ces possibilités ; 9) Le Groupe d’étude
devrait-il s’attacher à déterminer comment distinguer les travaux de construction d’îles artificielles
engagés à des fins de préservation de ceux ayant pour but d’instaurer artificiellement des droits, ainsi
que l’a suggéré un membre ? ; 10) Plusieurs membres ont estimé qu’il fallait examiner plus avant
l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (rebus sic stantibus) et la question de
savoir si cet article s’appliquerait aux frontières maritimes délimitées par un traité. Outre les effets de
l’élévation du niveau de la mer sur les accords de délimitation des frontières maritimes en vigueur, le
Groupe d’étude pourrait aussi examiner, dans l’hypothèse d’un système de lignes de base mouvantes,
les effets qu’aurait l’élévation du niveau de la mer sur les affaires de délimitation des frontières
maritimes qui ont été jugées par la Cour internationale de Justice, le Tribunal international du droit de
la mer ou des tribunaux d’arbitrage. Le principe de l’autorité de la chose jugée s’appliquerait-il aux
décisions rendues dans ces affaires ? D’autres principes pourraient-ils s’appliquer ? Ou bien
existerait-il une obligation de rouvrir des affaires réglées ? Quelle incidence cela aurait-il sur la
stabilité, la sécurité et la prévisibilité ? ; 11) Comment envisager la question des effets de l’élévation
du niveau de la mer sur les revendications existantes concernant les droits sur les espaces maritimes
en cas de délimitations maritimes futures (voir l’alinéa f) du paragraphe 141 de la première note
thématique) ? ; 12) Quel intérêt y aurait-il à réaliser une étude du droit de la délimitation fluviale,
comme l’a suggéré un membre ? ; 13) Le Groupe d’étude devrait-il établir une liste des questions à
examiner en priorité ? ; 14) Questions au Coprésident qui a examiné la pratique et la législation des
États d’Afrique en vue d’un examen plus approfondi ; 15) Nécessité d’examiner la pratique d’autres
régions (Asie, Europe, Amérique latine). Les Coprésidents apprécieraient que les membres
s’acquittent de cette tâche (comme deux d’entre eux l’ont déjà fait).
454 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1833, no 31363, p. 3.
455 Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë (Genève, 29 avril 1958), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 516, no 7477, p. 205 ; Convention sur la haute mer (Genève, 29 avril 1958), ibid.,
vol. 450, no 6465, p. 11 ; Convention sur le plateau continental (Genève, 29 avril 1958), ibid.,
vol. 499, no 7302, p. 311 ; Convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la
haute mer (Genève, 29 avril 1958), ibid., vol. 559, no 8164, p. 285.
456 Traité sur l’Antarctique (Washington, 1er décembre 1959), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 402, no 5778, p. 71.
457 Protocole au traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement (Madrid, 4 octobre
1991), ibid., vol. 2941, p. 3.
A/76/10
GE.21-11083 189
définissent la pollution ou les zones de recherche et de sauvetage, ou la Convention de 2001
sur la protection du patrimoine culturel subaquatique458, les principes généraux du droit et les
règlements des organisations internationales compétentes telles que l’Organisation
hydrographique internationale. Cette démarche viserait à déterminer la lex lata relative aux
lignes de base et aux zones maritimes sans préjudice de l’examen de la lex ferenda ou des
choix de politique publique. Elle viserait également à déterminer si ces instruments autorisent
ou obligent (ou non) à réajuster les lignes de base dans certaines circonstances, et si une
modification des lignes de base supposerait une modification des zones maritimes ;
b) Principles et règles du droit international : le Groupe d’étude examinerait plus
avant divers principes et règles du droit international, notamment le principe en vertu duquel
la terre domine la mer, le principe de l’intangibilité des frontières, le principe de l’uti
possidetis juris, le principe rebus sic stantibus, ou le principe de la liberté de navigation, ainsi
que l’importance du principe de l’équité, le principe de la bonne foi, les droits et titres
historiques, l’obligation de régler pacifiquement les différends, le maintien de la paix et de
la sécurité internationales, la protection des droits des États côtiers et non côtiers, et le
principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles ;
c) Pratique et opinio juris : le Groupe d’étude s’attacherait à étendre son étude de
la pratique des États et de l’opinio juris à des régions pour lesquelles on ne disposait, au
mieux, que de peu d’informations, notamment l’Asie, l’Europe et l’Amérique latine (un
membre du Groupe d’étude avait déjà procédé à cette analyse pour cette région), et
poursuivrait ses travaux sur l’Afrique. Ce faisant, il examinerait la corrélation entre la
pratique des États et les sources du droit en se penchant sur la question de savoir si la pratique
des États intéresse le droit international coutumier ou si elle est pertinente aux fins de
l’interprétation des traités. Le Groupe d’étude examinerait également les notifications de
zone maritime déposées auprès du Secrétaire général des Nations Unies et la législation
nationale accessibles sur le site Web de la Division des affaires maritimes et du droit de la
mer du Bureau des affaires juridiques pour déterminer si les États mettent à jour ou non ces
notifications et leur législation ;
d) Cartes marines : comme suite à l’étude mentionnée au paragraphe 37, le
Groupe d’étude envisagerait aussi des solutions tenant compte des considérations
opérationnelles et des circonstances, ainsi que des pratiques des États pour ce qui est de la
mise à jour des cartes marines.
295. Les membres du Groupe d’étude sont également convenus que le Groupe d’étude
pourrait demander à des scientifiques et à des experts techniques de l’aider dans sa mission,
étant entendu que cela serait fait de façon sélective, constructive et limitée.
f) Travaux futurs du Groupe d’étude
296. Concernant le programme de travail futur, le Groupe d’étude examinerait les
questions liées à la condition étatique (« Statehood » en anglais) et à la protection des
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, sous la coprésidence de Mme Patrícia
Galvão Teles et de M. Juan José Ruda Santolaria, qui établiraient une deuxième note
thématique, laquelle servirait de point de départ aux débats que le Groupe d’étude tiendrait à
la soixante-treizième session. Le Groupe d’étude s’attacherait ensuite à établir la version
définitive d’un rapport de fond sur le sujet, pendant les deux premières années du
quinquennat suivant, en compilant les résultats des travaux menés au cours des soixantedouzième
et soixante-treizième sessions de la Commission.
458 Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (Paris, 12 novembre 2001), ibid.,
vol. 2562, 1re partie, no 45694, p. 3.
A/77/10
344 GE.22-12452
Chapitre IX
international
A. Introduction
150. À sa soixante-
« » à son programme de
travail à long terme1205. Dans sa résolution 73/265, du 22
la Commission.
151.
son
à composition non limitée, dont la coprésidence serait assurée, à tour de rôle, par M. Bogdan
Aurescu, M. Yacouba Cissé, Mme Patrícia Galvão Teles, Mme Nilüfer Oral et M. Juan José
Ruda Santolaria. À sa 3480e séance, le 15 juillet 2019, la Commission a pris note du rapport
1206.
152. À sa soixante-douzième session (2021), la Commission a reconstitué le Groupe
et examiné la première note thématique sur le sujet1207, qui avait été publiée
1208. À sa 3550e séance, le 27 juillet 2021, la
1209.
B. Examen du sujet à la présente session
153.
du niveau de la mer au regard du droit international, qui était présidé par les deux
Coprésidents chargés des questions relatives à la condition étatique (« statehood » en anglais)
Mme Galvão Teles et M. Ruda Santolaria.
154. Conformément au programme et aux méthodes de travail
était saisi de la seconde note thématique sur le sujet (A/CN.4/752), établie par Mme Galvão
Teles et M. ective
(A/CN.4/752/Add.1
uniquement dans la langue originale en juin 2022.
155. 31 mai et les 6, 7 juillet et 21 juillet
20221210.
156. À sa 3612e séance, le 5 août 2022, la Commission a examiné et adopté le rapport du
-après.
157. À la même séance, la Commission a décidé de demander au secrétariat de réaliser une
étude recensant les éléments des travaux antérieurs de la Commission qui pourraient être
particulièrement utiles pour ses futurs travaux sur le sujet, en particulier en ce qui concerne
la condition étatique (« statehood » en anglais) et la protection des personnes touchées par
-quinzième session.
1205 -treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
par. 369.
1206 soixante-quatorzième session, Supplément no 10 (A/74/10),
par. 265 à 273.
1207 A/CN.4/740 et Corr. 1.
1208 A/CN.4/740/Add.1.
1209 -seizième session, Supplément no 10 (A/76/10),
par. 247 à 296.
1210 I.
A/77/10
GE.22-12452 345
1. Présentation de la seconde note thématique par les Coprésidents
a)
158. mai 2022, la Coprésidente
(Mme
première partie de la session était de permettre un échange de vues sur la seconde note
thématique et sur toutes questions pertinentes que les membres pourraient souhaiter soulever
sur le sujet, plus particulièrement sur les deux sous-
étatique (« statehood » en anglais)
niveau de la mer. La Coprésidente a également invité les membres à participer à un débat
structuré et interactif, à partir du contenu de la seconde note thématique, et à contribuer à un
projet de bibliographie sur les sous-
qui serait ensuite examiné et complété pendant la deuxième partie de la session, de manière
celle-ci. Cette procédure,
1211.
159. La Coprésidente a également rappelé que, comme indiqué dans la quatrième partie de
la seconde note thématique, dont le point II concernait le programme de travail futur du
des sous- droit de la mer, condition étatique (« statehood » en anglais) et protection
tion du niveau de la mer
rédiger un rapport de fond sur le sujet dans son ensemble, en synthétisant les résultats des
travaux menés.
b) Présentation de la seconde note thématique
i) Introduction, observations générales et méthodes de travail
160. Dans une introduction générale, les Coprésidents (Mme Galvão Teles et M. Ruda
Santolaria) ont insisté sur le caractère préliminaire de la seconde note thématique, rappelant
complétée par des contributions écrites établies par les membres.
161.
II). Elle donnait également un aperçu des manifestations de
des débats à la Sixième Commission dep
communication entreprises par les Coprésidents (chap. III). Le chapitre
niveau de la mer, qui avaient un rapport avec les sous-thèmes ; cette partie a été complétée
seconde note thématique, et présenter les principales conclusions énoncées dans le rapport
changements climatiques1212. Le chapitre
1211 soixante-quatorzième session, Supplément no 10
(A/74/10), par. 270 et 271.
1212 Climate Change 2022: Impacts,
Adaptation and Vulnerability Contribution of Working Group II to the Sixth Assessment Report
of the Intergovernmental Panel on Climate Change [H.-O. Pörtner et autres (dir. publ.)] (Cambridge,
Cambridge University Press)
Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change Contribution of Working Group III to the
Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [P. R. Shukla et autres
(dir. publ.)] (Cambridge et New York, Cambridge University Press).
A/77/10
346 GE.22-12452
u de la mer.
162. La première partie (intitulée « Généralités
en 20181213. Ainsi, elle contenait, au chapitre I, une présentation des questions soumises à
statehood » en anglais),
des travaux. Au chapitre II, il était rappelé que des questions de méthodologie et
1214, au chapitre X du rapport
annuel de 2019 de la Commission1215 et au chapitre IX de son rapport annuel de 20211216.
À ce propos, les Coprésidents ont souligné que la pratique des États était essentielle pour les
travaux de la Commission et ont engagé les États, les organisations internationales et les
ssion
et de faire part de leurs pratiques et expériences concernant le sujet.
ii) Condition étatique (« statehood » en anglais), observations connexes et questions indicatives
163. La deuxième partie de la note thématique, consacrée à la condition étatique
(« statehood Ruda
Santolaria) à la deuxième réunion du Groupe.
164.
ui constitue une menace grave pour tous les États. Pour
des États situés à faible altitude et des petits États insulaires en développement, la menace
revêt un caractère existentiel et, dans le cas des petits États insulaires en développement, il
en va de l
1217
Compte tenu
dans les réflexions préliminaires sur la condition étatique,
r une liste de questions de droit international pertinentes
lex lata et de la lex ferenda.
165. Abordant le chapitre II de la deuxième partie de la note thématique, consacré aux
critères nécessaires à la créati
État » généralement admise. En revanche, pour être considéré comme une
« personne » ou un sujet de droit international, un État devait satisfaire aux quatre critères
icle premier de la Convention sur les droits et devoirs des États, de 19331218 :
a) une population permanente ; b) un territoire déterminé ; c) un gouvernement ;
d) la
c
générale des critères figurait au chapitre II. Aux fins de références supplémentaires, ce
illustratifs
nouveaux États et des nouveaux gouvernements, de 19361219 ; le projet de Déclaration sur les
1213 -treizième session, Supplément no 10 (A/73/10),
annexe B, par. 12 à 14.
1214 Ibid., par. 18.
1215 A/74/10, par. 263 à 273.
1216 A/76/10, par. 245 et 246.
1217 Par exemple, les habitants des îles Carteret, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, ont été réinstallés en
1218 Convention sur les droits et devoirs des États (Montevideo, 26 décembre 1933), Société des Nations,
Recueil des Traités, vol. CLXV, no 3802, p. 19.
1219 Institut de droit international, « Résolutions sur la reconnaissance des nouveaux États et des nouveaux
gouvernements » (Bruxelles, avril 1936), The American Journal of International Law, vol. 30, no 4,
Supplement: Official Documents (octobre 1936), p. 185 à 187.
A/77/10
GE.22-12452 347
droits et les devoirs des États, de 19491220 ; le pro
proposé par le Rapporteur spécial1221
-Yougoslavie, de 19911222, et qui cadraient avec les
exigences de la Convention sur les droits et devoirs des États.
166. Au chapitre
-
souverain de Malte. Il a été fait observer
continué à exercer certains de leurs droits en vertu du droit international, en particulier le
droit de légation et le pouvoir de conclure des traités (sect.
circonstances était également examiné au chapitre III (sect. C). Il a été souligné que, bien
ient, ce qui était
internationaux mentionnés à la section D du chapitre III, dont la Convention sur les droits et
droit international, il avait le droit inaliénable de prendre des mesures pour rester un État.
167. IV, s
du niveau de la mer et les mesures prises à cet égard, les points suivants avaient été recensés
:
a) La pos
;
b)
son tour soulevait des questions concernant la nationalité, la protection diplomatique et le
statut de réfugié ;
c)
;
d)
;
e)
168. Le Coprésident a ensuite souligné la
telles que les mesures de
pouvant être envisag
r des
compte la perspective des petits États insulaires en développement a aussi été mise en avant.
169. Dans ce contexte, le chapitre V présentait plusieurs optio
vec les opinions exprimées par certains États, à savoir
avait été fait
1220 Annuaire de la Commission du droit international, 1949, p. 287.
1221 Annuaire de la Commission du droit international, 1956, vol. II, document A/CN.4/101, par. 10, p. 110.
1222 Maurizio Ragazzi, « Conference on Yugoslavia Arbitration Commission: opinions on questions arising
from the dissolution of Yugoslavia », International Legal Materials, vol. 31, no 6 (novembre 1992),
p. 1488 à 1526, à la page 1495.
A/77/10
348 GE.22-12452
population ou les difficultés à exercer les droits sur les zones maritimes. Une autre option
-
à propos de laquelle le Coprésident a exposé diverses modalités : a) cession ou attribution de
;
b) association avec un ou plusieurs autres États ; c) création de confédérations ou de
fédérations ; d) unification avec un autre État, y ; et
e) systèmes hybrides pouvant combiner des éléments de plusieurs modalités, dont des cas
conception de tels systèmes.
170.
indicatives en rapport avec la condition étatique (« statehood » en anglais), figurant au
paragraphe 423 de la note thématique. Il a souligné que ces questions étaient destinées à
iii)
connexes et questions indicatives
171. idente (Mme Galvão Teles) a
rappelé certaines des observations préliminaires fondées sur les troisième et quatrième parties
de la seconde note thématique, concernant le sous-thème « Protection des personnes touchées
».
172. La Coprésidente a fait observer que les cadres juridiques internationaux existants
ls pourraient être
développés pour répondre aux besoins particuliers des personnes touchées. En particulier, le
cadre existant pourrait être complété de sorte à refléter les particularités des conséquences à
au de la mer et à tenir compte du fait que
les personnes touchées pourraient demeurer sur place, être déplacées sur leur propre territoire
ou au contraire de les éviter. Les travaux antérieurs de la Commission, notamment le projet
1223, avaient été
considérés comme un point de départ pour cet exercice.
173. La Coprésidente a également fait observer que, si la pratique pertinente des États
restait rare au niveau mondial, elle était plus développée dans les États déjà touchés par
généralement les phénomènes de catastrophes et de changements climatiques. Néanmoins,
les pratiques avaient mis à jour plusieurs principes qui pourraient se révéler utiles pour
organisations internationales et autres entités dotées de mandats pertinents se montraient
préparés à tr
contexte des déplacements provoqués par les changements climatiques. Les efforts déployés
organisations internationales et les autres parties prenantes, notamment dans le cadre de
174. La Coprésidente a rappelé plusieurs instruments internationaux pertinents examinés
dans la troisième partie de la seconde note thématique, notamment les Principes directeurs
1224, la Convention de
(Convention de Kampala)1225, la Déclaration de New York pour les réfugiés et les
1223 Annuaire de la Commission du droit international, 2016, vol. II (2e partie), par. 48.
1224 E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe.
1225
(Kampala, 23 octobre 2009), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 3014, no 52375, p. 3.
A/77/10
GE.22-12452 349
migrants1226, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières1227, le Cadre
de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015-2030)1228
protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de catastrophes et de
1229, et la Déclaration de principes de Sydney
s le
1230
Teitiota c. Nouvelle-Zélande1231,
-refoulement dans le contexte des
La Coprésidente a en outre fait observer que, selon le Comité des droits de l
dans les États de destination pourraient exposer les personnes à une violation des droits qui
leur étaient garantis par les articles 6 (droit à la vie) et 7 (interdiction de la torture et des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques1232, déclenchant ainsi les obligations de non-
175. Passant à la quatrième partie de la seconde note thématique, la Coprésidente a ensuite
fait référence au paragraphe 435, contenant une liste de questions indicatives relatives à la
aient
réparties dans trois sous- : a) les principes applicables
mer ; b) de réinstallation, de
déplacement ou de migration de personnes, y compris de personnes et groupes vulnérables,
; c) du principe de coopération
internationale destinée à aider les États en matière de protection des personnes touchées par
été proposées dans le but de structur
ou
sur des éléments de la pratique des États ou des organisations internationales et autres entités
en
2. Résumé des débats
a)
i) Sujet en général
176.
nt la
compte tenu des questions en jeu et de la gravité de la situation, faisant observer que
ses branches du
droit international. Il a également été dit que les États qui risquaient peut-être de perdre leur
condition étatique (« statehood » en anglais) étaient de petits États insulaires en
développement qui contribuaient le moins aux émissions pol
1226 Résolution 71/1 , en date du 19 septembre 2016.
1227 Résolution 73/195 décembre 2018. Voir aussi A/CONF.231/7.
1228 Résolution 69/283 , en date du 3 juin 2015, annexe II.
1229 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans
le cadre de catastrophes et de changements climatiques, vol. 1 (décembre 2015).
1230
Report of the Seventy-eighth Conference, Held in Sydney, 19-24 August 2018, vol. 78
(2019), p. 897 et suiv., et résolution 6/2018, annexe, ibid., p. 39.
1231 CCPR/C/127/D/2728/2016.
1232 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (New York, 16 décembre 1966), Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 999, no 14668, p. 171.
A/77/10
350 GE.22-12452
niveau de la mer.
177. Cependant, il a aussi été fait observer que, si les besoins des petits États insulaires en
développement qui étaient spécialement touchés devaient être soigneusement pris en compte,
conformément à la position de la Commission dans ses conclusions sur la détermination du
droit international coutumier1233, la Commission ne devrait pas négliger les observations et
le
mer toucheraient non seulement des petits États insulaires en développement et des États
trouvé entre les
seconde. Il a en outre été souligné que certains aspects du sujet soulevaient des questions
desquelles la Commission devrait faire
preuve de prudence, et que la Commission devrait se concentrer sur les aspects juridiques du
sujet, conformément à son mandat de développement progressif et de codification du droit
international.
ii) Seconde note thématique
178.
(Mme Galvão Teles et M. Ruda Santolaria) pour une seconde note thématique très bien
informations
-thèmes à
de certains développements dans le
comme les commentaires sur les questions de nationalité et de protection
diplomatique en rapport avec la condition étatique (« statehood » en anglais)
évidente. Il a également été rappelé que le contenu de la note thématique émanait des
Coprésidents et non de la Commission dans son ensemble.
179. Des membres ont aussi salué les efforts de communication déployés par les
Coprésidents sur le sujet, que ce soit pour recueillir des preuves de la pratique des États, des
contributions sur le sujet dans les milieux intergouvernementaux et universitaires.
iii) travail
180.
: si certains membres
à des conclusions sur la question de savoir si le droit international existant permettait de régler
les difficultés rencontrées ou si de nouvelles règles ou de nouveaux principes étaient
181.
scénarios hypothétiques tout en évaluant le rôle opérationnel de la Commission et en
distinguant les questions de politique des questions de droit international a également été
soulignée. Sur ce point, il a été suggéré que le rôle de la Commission sur le sujet devrait se
limiter à un examen ou un exposé des problèmes juridiques pertinents découlant des
la possibilité de développer le droit exista
politique non contraignantes.
182. La nécessité de faire le lien entre le sous-thème des questions relatives au droit de la
que la Commission avait examiné à sa soixante-douzième session et les sous-thèmes
1233 A/73/10, chap. V (par. 53 à 66).
A/77/10
GE.22-12452 351
en particulier concernant les principes « la terre domine la mer » et la liberté des mers.
183.
de ses membres. Il a aussi été suggéré que la Commission, au cours du prochain quinquennat,
pourrait envisager de faire de ce sujet un sujet classique, désigner un rapporteur spécial ou
une rapporteuse spéciale ou plusieurs, et tenir des débats publics en séance plénière.
iv) Conclusions scientifiques
184.
appréciation uniforme des risques, les membres ont largement rappelé que les travaux du
et était un phénomène mondial. Il a égalem-rendu
des données scientifiques existantes figurait aux paragraphes 45 à 51 de la seconde note
et de la seconde notes thématiques
climat.
185. Sur le point de savoir si des réunions futures avec des scientifiques étaient nécessaires,
permettant de les informer et les éclairer sur les aspects les plus pertinents pour leur analyse
des questions juridiques.
v) Pratique des États
186.
étatique existante a
187.
en particulier dans le Pacifique
commençait à émerger, il a aussi été fait remarquer que peu de commentaires avaient été
réparent
des contributions écrites sur la pratique régionale.
39.
lequel la pratique des É
submergé, la Commission pourrait plutôt recourir au raisonnement par analogie et aux règles
interprétatives, conformément à son mandat de développement progressif du droit
international. En ce sens, il a été rappelé que la pratique juridique internationale reposait sur
les
vi) Sources du droit
189.
de la coopération internationale
A/77/10
352 GE.22-12452
Convention des Nations
ont également été soulignés1234.
190.
coopération internationale semblait également pertinent pour les deux sous-thèmes à
ourrait jouer un rôle important pour aider les
la seconde note thématique. Compte tenu du coût particulièrement élevé des mesures de
tion ou le renforcement de barrières ou défenses côtières et de
a été jugée tout
Le besoin a été mis en avant de trouver des voies et moyens pratiques pour que cette
coopération internationale puisse se concrétiser.
191. Il a aussi été dit que toute réflexion sur la condition étatique (« statehood » en anglais)
communes mais différenciées, dans la mesure où le coût de la lutte contre un problème
environnemental mondial aussi grave devrait être réparti entre différents États en fonction de
ace aux problèmes
2 de la Convention de Vienne pour la
1235, le principe 7 de la Déclaration de Rio sur
1236 3 de la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques1237 et le Protocole de Kyoto1238 20
de la Convention sur la diversité biologique1239 1240.
192.
scepticisme, ont aussi été exprimés sur la pertinence, pour la condition étatique (« statehood »
en anglais), du principe voulant que la terre domine la mer.
b) Commentaires sur la condition étatique (« statehood » en anglais), observations
connexes et questions indicatives
i) Critères énoncés dans la Convention sur les droits et devoirs des États
193.
question complexe devant être traitée avec prudence, et souligné, à l
-même avait
rencontré des difficultés pour définir la condition étatique dans le cadre de ses travaux sur le
projet de Déclaration des droits et des devoirs des États, de 1949. À cet égard, il a été fait
remarquer que le terme « État
le con
la matière. Il a également été dit que la question de la condition étatique concernait
1234 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 10 décembre 1982), Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 1833, no 31363, p. 3.
1235 Convention de Vienne pour mars 1985), Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 1513, no 26164, p. 293.
1236 A/CONF.151/26/Rev.1 (vol. I).
1237 Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (New York, 9 mai 1992),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1771, no 30822, p. 107.
1238 Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Kyoto,
11 décembre 1997), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2303, no 30822, p. 162.
1239 Convention sur la diversité biologique (Rio de Janeiro, 5 juin 1992), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 1760, no 30619, p. 79.
1240 Accord de Paris (Paris, 12 décembre 2015), Nations Unies, Recueil des Traités, no 54113 (numéro
de : https://treaties.un.org.
A/77/10
GE.22-12452 353
uniquement les États dont le territoire risquait de disparaître totalement ou de devenir
194. Diverses opinions ont été exprimées quant à la pertinence des quatre critères requis
devoirs des États, à savoir une population permanente, un territoire déterminé, un
sujets de droit international.
195. À cet égard, il a été fait observer que chacun des critères comportait de multiples
facettes, avec de nombreuses exceptions, possibilités et définitions changeantes. Ces critères
en raison de changements
environnementaux relevait de la fiction. Ils pourraient donc limiter inutilement les options
liées à la condition étatique subsistant pour les États concernés. Il a aussi été dit que ces
196.
intrinsèque de la condition étatique. En revanche, il a été fait observer que la souveraineté se
territoire terrestre. Ainsi, un territoire qui deviendrait complètement submergé en raison de
e inexistant.
197.
quatrième critère, était considérée dans certaines traditions juridiques comme une
conséquence découlant de la condition étatique, ce qui signifiait
: un territoire, une population et un gouvernement
effectif.
198. Il a aussi été fait observer que, dans leur pratique, les États avaient mis au point des
critères modernes qui complétaient ceux énoncés dans la Convention sur les droits et devoirs
Convention pourrait donc être utile, y
satisfaire à
nécessairement la fin de la condition étatique.
ii) Condition étatique et autodétermination
199. Au cours du débat, il a été fait remarquer que, pour comprendre quelles formes la
il était essentiel de prendre en considération les intérêts et les besoins de la population
touchée. À ce propos, le maintien en tant
de la Commission sur la question. En même temps, il a été fait remarquer que la Commission
sprit les contextes historiques et juridiques particuliers du droit à
iii) Condition étatique et présomption de continuité
200.
le maintien de leur personnalité juridique internationale, exposés dans la seconde note
thématique, diverses opinions ont été exprimées par des membr
A/77/10
354 GE.22-12452
201. Il a été dit que la présomption de continuité de la condition étatique était une solution
ation de droit international lors de sa conférence de Sydney en 2018. Il a
également été affirmé que le droit à la préservation était un droit inhérent à la condition
étatique.
202. Selon un autre avis exprimé, une présomption préliminaire de continuité de la
condition étatique devait être examinée plus avant par les États, dont certains avaient
partenait pas à la
203.
indiqué au paragraphe 64 de la seconde note thématique, la Commission devait notamment
effectuer une analyse des conséquences juridiques éventuelles sur la continuité ou la
disp
entièrement recouvert par la mer ou devenait inhabitable1241. Il a donc été dit que la
Commission pourrait examiner : a) les questions juridiques découlant de la continuité de la
de facto, qui avaient été partiellement abordées dans la note thématique ; et b) les questions
tatique, à savoir son extinction, qui
204. Il a également été fait observer que le principe de la continuité de la condition étatique
était temporaire, destiné à protéger un État en cas de situation anormale, par exemple en cas
192
et
absence totale ne pouvaient se comparer à un changement de territoire, et que la présomption
À
aussi été dit que la présompt
juridique plutôt que dépendante de son territoire et de sa population.
205.
à une situation dans laquelle un État immatériel, sans territoire, était soumis à la souveraineté
obligations internationales et nationales a également été mise en question, que ce soit,
par exemple, en ce qui concerne ses zones maritimes ou dans les domaines des droits de
culturelle et
traditionnelle des peuples, dans le cadre de la condition étatique ou autrement, dans les terres
côtières de faible altitude ainsi que dans les territoires entièrement submergés.
iv) ui concerne la condition étatique
206. Dans le cadre des échanges rapportés ci-
chapitre V de la deuxième partie de la note thématique, comme le maintien de la personnalité
juridique internationale sans territoire, et le recours à diverses modalités, énumérées au
paragraphe 169 ci-dessus, pour maintenir la condition étatique.
207. nalyse approfondie faite par les
Coprésidents et les nombreux exemples illustratifs examinés, notamment ceux concernant le
Saint-
1241 A/73/10, annexe B, par. 16.
A/77/10
GE.22-12452 355
plus avant sur la perte de la condition étatique pour les États submergés ou inhabitables, ont
niveau de la mer. Sur ce point, il a en particulier été fait observer que le contexte de ces
exemples, dans lesquels les entités concernées semblaient ne pas être véritablement
considér
208. Compte tenu des différentes options examinées dans la seconde note thématique, il a
analyse minutieuse et prudente des options possibles soit réalisée et que
sui generis
États ou de décisions de la communauté internationale. Dans ce cadre, certains cas ont été
petits États insulaires, selon laquelle chaque année, seulement 75 personnes sélectionnées à
1242.
209. ommander
olution a aussi été relevé :
v) sséchement
210.
Ces opérations se fonderaient sur un élément déjà existant, dans son état naturel comme
une île et en augmenteraient la taille de manière à accroître la masse terrestre.
vi) Condition étatique et indemnisation
211.
udices causés, en gardant à
difficultés que connaissaient les États les plus touchés, lesquels avaient le moins contribué à
trie humaine incontrôlée. Selon un autre avis,
-productif et
212. Il a également été fait observer que certains États avaient exprimé des préoccupations
quant au sous-
modific
le phénomène.
1242 Voir, par exemple, la déclaration de partenariat entre la Nouvelle-Zélande et Tuvalu (2019-2023),
: https://www.mfat.govt.nz/assets/Countries-and-Regions/Pacific/
Tuvalu/Statement-of-Partnership-NZ-Tuvalu-_2019-2023.pdf. Voir aussi Nouvelle-Zélande,
Operational Manual : https://www.immigration.govt.nz/
opsmanual/#46618.htm ; et Nouvelle- :
https://www.immigration.govt.nz/new-zealand-visas/apply-for-a-visa/about-visa/pacific-accesscategory-
resident-visa ; ainsi que R. Curtain et M. Dornan, « Climate change and migration in
Kiribati, Tuvalu and Nauru », DevPolicyBlog, 15 février 2019, :
https://devpolicy.org/climate-change-migration-kiribati-tuvalu-nauru-20190215/.
A/77/10
356 GE.22-12452
vii) Observations sur les questions indicatives
213. -après au sujet des
questions indicatives proposées au paragraphe 423 de la seconde note thématique :
a)
des critères énoncés dans la Convention sur les droits et devoirs des États. Toutefois la
prudence a été recommandée, car les situations pratiques seraient toujours sujettes à
interprétation. Dans le même temps, il a été dit que les critères de population et de territoire
;
b) Il a été fait observer que les cas du Saint-
en du sous-thème, mais également que, sans être directement en
rapport avec le sujet, ils pouvaient être considérés par analogie. De même, les cas de
territoire
précieuses, au moins pour la période suivant immédiatement la disparition du territoire
par la mer ;
c)
mesures de préservation des droits et des obligations ;
d) et e) Il a été fait remarquer que conserver la présomption de continuité de la
d)
et e) du paragraphe 423 de la seconde note thématique. En même temps, il a été proposé que
;
f)
concernés. Certains membres ont exprimé des doutes quant à la p
;
g)
de cette présomption, mais plutôt chercher à savoir si elle était appropriée ;
h)
sur les zones maritimes malgré la perte de son territoire terrestre, des difficultés pratiques se
Néanmoins, cette situation a été considérée comme un recours potentiel pour les États
on complète et partielle, des
recouvert par la mer ;
i) i) du paragraphe 423 de
la seconde note
;
j) Il a été fait observer que le choix des options concernant la condition étatique
était une question de politique et dépendrait des accords conclus entre les États concernés
dans chaque cas particulier.
A/77/10
GE.22-12452 357
c) ion du niveau
de la mer et les questions indicatives connexes
i) Cadres juridiques existants
214. Pendant le débat sur ce sous-thème, aux quatrième et cinquième réunions du Groupe
prévoyait un statut
cadres applicables existants étaient très fragmentés. La proposition de recenser les principes
existants applicables à la protection des perso
autre point de vue, il était permis de se demander si le caractère fragmenté des règles
juridique hautement spécifique pour la protection du groupe restreint de personnes touchées
tion du niveau de la mer.
215.
remarquer que le droit international des réfugiés, le droit en matière de changements
climatiques et le droit international humanitaire
instruments juridiques internationaux pertinents, tels que la Convention de Kampala, la
Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants et le Pacte mondial pour des
migrations sûres, ordonnées et régulières, ont été cités en exemples de réussite de coopération
étatique. Des membres ont également rappelé la récente jurisprudence pertinente en la
matière des organes 1243.
216. Concernant la question de la pratique des États, il a été regretté que seuls quelques
États aient fourni à la Commission des informations pertinentes sur le sujet. Il a été proposé
ormations sur la pratique déjà adressée aux États, aux organisations
internationales et aux autres entités concernées soit réitérée. Des exemples de politiques
administratives adoptées par les États en réaction aux déplacements transfrontières induits
par
plus approfondi.
ii)
217.
nécessa civils, politiques, économiques,
sociaux et culturels comme intimement liés, interdépendants et indivisibles. Il a aussi été
niveau de la
mer, certains instruments régionaux, comme la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés1244
et la Déclaration du Brésil1245 en Amérique latine ou la Convention de Kampala en
Afrique1246, prenaient en compte les changements climatiques et les catastrophes comme
cause de déplacement de personnes ayant besoin de protection. Il a en outre été souligné que
1243 Par exemple, Teitiota c. Nouvelle-Zélande (CCPR/C/127/D/2728/2016) et Bakatu-Bia c. Suède
(CAT/C/46/D/379/2009).
1244 Déclaration de Carthagène sur les réfugiés, adoptée au Colloque sur la protection internationale des
réfugiés en Amérique centrale, au Mexique et au Panama : problèmes juridiques et humanitaires,
tenu à Carthagène (Colombie), du 19 au 22 :
www.oas.org/dil/1984_Cartagena_Declaration_on_Refugees.pdf.
1245 Déclaration du Brésil, intitulée « Un cadre pour la coopération et la solidarité régionale pour le
renforcement de la protection internationale des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides
en Amérique latine et aux Caraïbes », 3 :
https://www.unhcr.org/brazil-declaration.html.
1246 Voir supra la note 1225.
A/77/10
358 GE.22-12452
environnement propre, sain et durable1247.
218.
droit
s, le phénomène
et contre qui des plaintes liées
devenu inhabitable. En réponse, il a été
comment mieux intég
juridique concernant les changements climatiques. Un examen complémentaire du principe
de non-
219. Il a été dit
nécessaire
de déterminer quel(s) État(s) précis étai(en)t responsable(s) dans chaque cas particulier de la
estion de la causalité1248
iii) Observations sur les questions indicatives
220. -après au sujet des
questions indicatives proposées au paragraphe 435 de la seconde note thématique :
a)
économiques, sociaux et culturels, d
non-
principes applicables à la protection des droits humains des personnes touchées par
;
b)
thématique au sujet des déplacements et de la mobilité humaine étaient trop particulières pour
être recommandées en tant que règle générale, puisque le choix dans chaque cas particulier
dépendrait largement des cadres juridiques et administratifs nationaux. Il a également été fait
déplacement ou de migration de personnes
niveau de la mer ;
c)
et au
1247 Voir résolution 48/13 du Conseil des dr, en date du 8 octobre 2021.
1248 A/73/10, annexe B, par. 14.
A/77/10
GE.22-12452 359
principe 4 de la déclaration de principes de Sydney sur la protection des personnes déplacées
1249.
d)
221.
31 à 34 supra
sous-men soit
réduit. Il a également été proposé de surtout concentrer les travaux sur les domaines où la
n étatique (« statehood » en
anglais) et concentre ses travaux futurs sur les questions liées au droit de la mer et à la
222. -thème de la condition étatique, il a été
cas où le territoire terrestre devenait inhabitable même
-thème de la protection des
personnes to
protection des personnes sur place et en déplacement soient examinées séparément. En outre,
: a) les obligations en matière de droits de
; b) les questions propres à la circulation des personnes, y compris les
déplacements ; c)
223.
travaux antérieurs de la Commiss
son ca
du système des Nations Unies sur le sous-thème de la protection des personnes touchées par
-thème soit traité sur
224. été
faites, notamment celle de rédiger une convention-
du niveau de la mer, qui pourrait servir de base à de nouvelles négociations au sein du système
des Nations Unies sur la lutte contre la
désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en
particulier en Afrique1250
ses travaux sur des résultats limités plus concrets, comme un projet de traité sur une nouvelle
afin de déterminer comment, exactement, ils étaient concernés et devraient être protégés
te de
questions juridiques devant être traitées au niveau politique au sein du système des
Nations Unies a été soutenue. Il a aussi été fait observer que, à court terme, le résultat des
-thèmes, mais que les
travaux de la Commission pourraient ensuite se poursuivre sous une forme différente.
À cet
1249 Final report of the Committee on International Law and Sea-Level Rise, dans International Law
Association Report of the Seventy-eighth Conference (voir supra la note 1230), et résolution 6/2018,
annexe, ibid., p. 39.
1250 Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés
par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique (Paris, 14 octobre 1994),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1954, no 33480, p. 3.
A/77/10
360 GE.22-12452
résolution concernant toutes les questions de politique en suspens, pour examen par
3. Observations finales des Coprésidents
a) Observations finales générales
225. me Galvão Teles et
M. Ruda Santolaria) ont fait des observations finales à la suite des commentaires exprimés
par les membres au cours des réunions précédentes.
226.
contributions et leurs commentaires sur la seconde note thématique. Celle-ci semblait
constituer une bonne base pour les débats futurs, mais des informations complémentaires
étaient nécessaires sur la pratique des États et des organisations internationales, surtout en
Afrique, en Asie et en Amérique latine et dans les Caraïbes. Les Coprésidents ont indiqué
-mêmes
c des scientifiques du Groupe
227.
futur de ses travaux et des résultats de ceux-ci serait examinée plus en détail à un stade
ultérieur.
b) Condition étatique (« statehood » en anglais)
228. Le Coprésident (M.
État, il était probable que les petits États insulaires en développement deviennent inhabitables
229.
ncipe de
la bonne foi. Si les exemples historiques du Saint-
être utiles dans le cadre des travaux futurs sur le sujet, concernant la possibilité de conserver
une personnalité juridique internationale malgré la perte de territoire. De même, des cas de
précieuses, au moins pour la période suivant immédiatement la disparition du territoire
par la mer.
230. Au sujet d
État » généralement acceptée, les critères énoncés dans la
Convention sur les droits et devoirs des États pouvaient servir de point de départ pour les
t
ques réflexions
ont été présentées sur les critères de territoire et de population permanente.
231.
également un point de départ pour les travaux futurs. Dans le même tem
fallait examiner les conséquences pratiques du maintien de cette présomption en dépit de
A/77/10
GE.22-12452 361
également été soulignée.
c)
232. La Coprésidente (Mme Galvão
régionaux e
en matière de migration, et le droit en matière de catastrophes et de changements climatiques,
niveau de la mer.
miner les principes applicables à la protection
233.
le résultats antérieurs des
protection des personnes en cas de catastrophe. La Coprésidente a également rappelé que les
4. Questions pour les travaux futurs sur les sous-thèmes relatifs à la condition étatique
et à la protection des personnes touchées par
234.
partie de la session, les Coprésidents ont fait les propositions ci-après concernant la poursuite
des travaux sur les sous-thèmes, san
a) Condition étatique (« statehood » en anglais)
235. Le Coprésident (M.
Secrétariat de réaliser une étude des travaux antérieurs pertinents de la Commission, en vue
-
entités et institutions juridiques spécialisées de différentes régions du monde afin de garantir
la diversité et la représentativité, surtout en matière de pratique dans des régions pour
suivantes
en vue de compléter la seconde note thématique sur le sous-thème relatif à la condition
de la condition étatique :
a) Évaluation de la façon dont ont été interprétées les conditions à remplir pour
la Convention sur les droits et devoirs des États, et incluant des références à la pratique de
; et une analyse des éventuelles
son existence ;
b) Analyse du territoire, notamment les différents espaces relevant de la
;
c) Présentation des effets juridiques possibles du maintien ou de la perte
personnalité juridique internationale, dans le contexte des différents scénarios résultant de
a mer ; et une analyse de la pertinence de la présomption de la
la possibili
A/77/10
362 GE.22-12452
distinguer deux situations et leurs effets potentiels respectifs proche dans le
la mer, mais pourrait devenir inhabitable
État pourrait être entièrement recouverte par la mer. Sans préjudice des particularités de
chaque sous-
différentes hypothèses ou scénarios relatifs à la condition étatique et leurs implications
éventuelles pour la protection des personnes et de leurs droits ;
d)
coopération internationale à cet effet ;
e) Analyse minutieuse et prudente des différentes options présentées dans la
seconde note thématique, tenant compte de la possibilité de créer des régimes juridiques
sui generis u
adoptés dans le cadre des organisations internationales, tout particulièrement dans le cadre
du système des Nations Unies.
b) Protection des personnes touchées
236. La Coprésidente (Mme
Secrétariat de réaliser une étude des travaux antérieurs pertinents de la Commission, en vue
-thème. Elle a encouragé les membres du Groupe
sur les questions indicatives figurant au paragraphe 435 de la seconde note thématique. Elle a
insisté sur la nécessité
les organisations internationales concernées. Enfin, elle a énuméré les points ci-
entendait examiner plus avant pour compléter la seconde note thématique sur le sous-thème
:
a) Protection de la dignité humaine comme principe supérieur dans la protection
des personnes touchées ;
b)
la mer ;
c) notamment les droits civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels dans le contexte de la protection des
;
d) Détermination de la portée des obligations incombant à ceux en charge de
de ;
e)
du niveau de la mer ;
f) Pertinence du principe de non-refoulement dans le contexte de la protection
;
g) Implications du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et
lévation du niveau de la mer ;
h)
;
i) Pertinence de visas humanitaires et de politiques administratives analogues
pour la ;
j)
de la mer ;
A/77/10
GE.22-12452 363
k) Teneur du principe de la coopération internationale, y compris les voies
institutionnelles de la coopération interétatique, régionale et internationale en matière de
C.
237. en 2023, sur le
sous-thème relatif au droit de la mer et, en 2024, sur les sous-thèmes concernant la condition
dans son ensemble, en compilant les résultats des travaux menés.
Nations Unies A/CN.4/752
Assemblée générale Distr. générale
31 mars 2022
Français
Original : anglais et espagnol
22-02934 (F) 200422 250422
*2202934*
p a r s s s 7
Commission du droit international
Soixante-treizième session
Genève, 18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022
L’élévation du niveau de la mer au regard du droit
international
Seconde note thématique établie par Patrícia Galvão Teles *
et Juan José Ruda Santolaria**, Coprésidents du Groupe d’étude
sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international
Table des matières
Page
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
I. Objet et structure de la seconde note thématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
II. Inscription du sujet au programme de travail de la Commission ; examen par la Commission 6
III. Débats de la Sixième Commission de l’Assemblée générale ; intérêt suscité par le sujet
chez les États Membres ; communication de la Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
IV. Conclusions des travaux scientifiques et perspectives sur l’élévation du niveau de la mer,
dans le cadre des sujets subsidiaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
V. Examen du sujet par l’Association de droit international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Première partie :généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
I. Champ d’application et résultat des travaux sur le sujet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
A. Questions soumises à l’examen de la Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
B. Visée finale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
II. Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
* La Coprésidente souhaite remercier les personnes qui ont apporté leur concours à l’élaboration
du présent document, notamment Claire Duval, Daniela Martins, Thaíssa Meira, Juan Francisco
Padin, Victor Tozetto da Veiga et Aylin Yildiz.
** Pour la partie relative à la survivance de l’État, le Coprésident remercie sincèrement
Grismi Bravo Arana et Roberto Claros Abarca, dont l’aide a été inestimable. Il tient à remercier
également le Directeur du Département de droit international de l’Organisation des États
américains, Dante Negro, et Jean-Baptiste Dudant de leur précieuse collaboration.
Merci de recycler@
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Deuxième partie : réflexions sur le statut d’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
II. Critères constitutifs d’un État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
A. Au titre de la Convention sur les droits et devoirs des États de 1933 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1. Population permanente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2. Territoire déterminé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3. Gouvernement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4. Capacité d’entrer en relations avec les autres États et les autres sujets de droit
international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
B. D’après les résolutions de 1936 de l’Institut de droit international . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
C. D’après le projet de déclaration de 1949 sur les droits et devoirs des États. . . . . . . . . . . . 30
D. D’après le projet d’articles de 1956 sur le droit des traités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
E. Dans les avis de la Commission d’arbitrage de la Conférence internationale de 1991
sur l’ex-Yougoslavie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
III. Quelques exemples représentatifs de l’action des États et des autres sujets de droit
international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
A. Le Saint-Siège . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
B. L’Ordre souverain de Malte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
C. Gouvernements en exil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
D. Quelques aspects pertinents dans divers instruments internationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
IV. Préoccupations, ainsi que quelques mesures, suscitées par le phénomène de l’élévation
du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
V. Options pouvant être envisagées à l’avenir en ce qui concerne la survivance de l’État . . . . . . . 49
A. Présomption de continuité de l’État concerné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
B. Maintien de la personnalité juridique internationale sans territoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
C. Recours à certaines des modalités suivantes : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
1. Cession ou attribution de parties de territoire d’autres États, avec ou sans transfert
de souveraineté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
2. Association avec un ou plusieurs autres États . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
3. Création de confédérations ou de fédérations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
4. Unification avec un autre État, y compris la possibilité d’une fusion . . . . . . . . . . . . 57
5. Systèmes hybrides potentiels : exemples issus de la pratique et pistes envisageables 58
Troisième partie : protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer 61
I. Considérations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
A. Une menace de taille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
B. Un phénomène aux dimensions et à l’intensité multiples, susceptible d’affecter
l’exercice des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
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C. Un phénomène dont l’impact peut entraîner d’importants déplacements de population
internes ou transfrontaliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
D. Absence d’un cadre juridique spécifique et d’un statut juridique distinct pour les
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
E. Protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer : la double
approche fondée sur les droits et les besoins issue du projet d’articles de 2016
sur la protection des personnes en cas de catastrophe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
II. Recensement des cadres juridiques existants éventuellement applicables à la protection
des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
A. Droit international des droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
B. Droit international humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
C. Droit international relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur
de leur propre pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
1. Droit international relatif aux réfugiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
2. Droit international relatif aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays 75
D. Droit international relatif aux migrants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
E. Droit international relatif aux catastrophes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
1. Projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe (2016) . . . . . 79
2. Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015 -2030) . . . . . . . 81
3. Initiative Nansen et Agenda pour la protection des personnes déplacées au -delà
des frontières dans le cadre de catastrophes et de changements climatiques . . . . . . . 82
F. Droit international relatif aux changements climatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
III. Recensement de la pratique des États et de celle des organisations et organismes
internationaux concernés en matière de protection des personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
A. Pratique des États en matière de protection des personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
1. Pratique des petits États insulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
2. Pratique des pays ayant des zones côtières de faible élévation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
3. Pratique des États tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
B. Pratique des organisations et organismes internationaux concernés en matière
de protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer. . . . . . . . . . . . . 95
1. Programme des Nations Unies pour l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
2. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture . . . . . . . . . . . . . 96
3. Organisation des Nations Unies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
4. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
5. Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
6. Organisation internationale pour les migrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
7. Organisation internationale du Travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
8. Équipe spéciale chargée de la question des déplacements de population . . . . . . . . . . 110
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9. Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
10. Fédération internationale des Sociétés de la Croix -Rouge et du Croissant-Rouge . . 111
11. Groupe de la Banque mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
12. Organisation de coopération et de développement économiques . . . . . . . . . . . . . . . . 112
Quatrième partie : observations préliminaires, questions destinées à guider le Groupe d’étude
et programme de travail futur 113
I. Observations préliminaires et questions destinées à guider le Groupe d’étude . . . . . . . . . . . . . 113
A. Survivance de l’État. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
B. Protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . 115
II. Programme de travail futur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
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Introduction
I. Objet et structure de la seconde note thématique
1. La présente note thématique a un caractère préliminaire. Elle a vocation à servir
de base de discussion au Groupe d’étude et pourra se compléter de contributions
écrites des membres du Groupe. Elle porte sur les sujets subsidiaires de la survivance
de l’État et de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la
mer et se compose d’une introduction et de quatre parties.
2. L’introduction aborde quelques questions d’ordre général : la décision d’inscrire
le sujet au programme de travail de la Commission et l’état actuel de ces travaux ; les
positions exprimées par les États Membres dans les débats des années précédentes au
sein de la Sixième Commission et l’intérêt suscité par les sujets subsidiaires traités
dans la présente note thématique ; enfin, la communication entreprise sur le terrain
par les Coprésidents du Groupe d’étude. On y trouvera également un résumé succinct
des conclusions des travaux scientifiques sur l’élévation du niveau de la mer et des
perspectives concernant la survivance de l’État et la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer, ainsi qu’un point sur l’examen de ces
sujets par l’Association de droit international.
3. La première partie est un rappel du champ d’application et du résultat des
travaux sur le sujet, des questions soumises à l’examen de la Commission, de la visée
finale de cet examen, ainsi que de la méthodologie que compte utiliser le Groupe
d’étude.
4. La deuxième partie, intitulée « Réflexions sur le statut d’État », après une
introduction, présente les critères constitutifs de l’État, puis quelques exemples
représentatifs de l’action des États et des autres sujets de dr oit international, répertorie
les préoccupations, ainsi que quelques mesures, suscitées par le phénomène de
l’élévation du niveau de la mer, et formule les options pouvant être envisagées à
l’avenir en ce qui concerne la survivance de l’État.
5. La troisième partie porte sur le sujet subsidiaire de la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer. On y trouvera, après quelques
considérations liminaires, un recensement des cadres juridiques existants
éventuellement applicables à la protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer. Suit un recensement préliminaire de la pratique des États et de celle
des organisations et organismes internationaux concernés en matière de protection des
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
6. La quatrième partie contient quelques observations préliminaires, un certain
nombre de questions destinées à guider le Groupe d’étude et le futur programme de
travail.
7. Une bibliographie sera proposée dans un additif à la présente note thématique.
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II. Inscription du sujet au programme de travail
de la Commission ; examen par la Commission
8. À sa soixante-dixième session (2018), la Commission a décidé de recommander
l’inscription à son programme de travail à long terme du sujet « L’élévation du niveau
de la mer au regard du droit international »1.
9. Dans sa résolution https://documents-ddsny.
un.org/doc/UNDOC/GEN/N18/464/94/PDF/N1846494.pdf?OpenElement 73/265
du 22 décembre 2018, l’Assemblée générale a pris note de l’inscription du sujet au
programme de travail à long terme de la Commission et a demandé à la Commission
de tenir compte des commentaires, des préoccupations et des observations formulés à
cet égard par les États au cours du débat de la Sixième Commission.
10. À sa 3467e séance, le 21 mai 2019, la Commission a décidé d’inscrire le sujet à
son programme de travail en cours. Elle a également décidé de créer, sur ce sujet, un
groupe d’étude à composition non limitée dont la coprésidence serait assurée à tour
de rôle par M. Bogdan Aurescu, M. Yacouba Cissé, Mme Patrícia Galvão Teles,
Mme Nilüfer Oral et M. Juan José Ruda Santolaria.
11. À sa 3480e séance, le 15 juillet 2019, la Commission a pris note du rapport oral
conjoint des Coprésidents du Groupe d’étude. Ce dernier avait examiné, lors d’une
séance tenue le 6 juin 2019, un document non officiel sur l’organisation de ses travaux
contenant un document d’orientation pour la période 2019-2021. Les discussions
avaient porté sur la composition du Groupe d’étude, son projet de calendrier, son
projet de programme de travail et ses méthodes de travail.
12. À la même séance, le Groupe d’étude avait décidé que, sur les trois sujets
subsidiaires définis dans le plan d’étude établi en 20182 , il examinerait le premier
(questions relatives au droit de la mer) en 2020, sous la présidence conjointe de
M. Aurescu et de Mme Oral, et les deuxième et troisième (questions liées à la survivance
de l’État et questions relatives à la protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer) en 2021, sous la présidence conjointe de Mme Galvão Teles et de
M. Ruda Santolaria.
13. Il avait été convenu qu’avant chaque session, les Coprésidents établiraient une
note thématique qui serait éditée, traduite et diffusée en tant que document officiel et
sur laquelle s’appuieraient les débats, la contribution annuelle des membres du
Groupe d’étude, ainsi que les rapports que le Groupe d’étude élaborerait ensuite sur
chaque sujet subsidiaire. Les membres du Groupe d’étude seraient ensuite invités à
soumettre des contributions écrites dans lesquelles ils pourraient commenter ou
compléter la note thématique établie par les Coprésidents (en abordant, par exemple,
la pratique régionale, la jurisprudence ou tout autre aspect du sujet subsidiaire
concerné). Des recommandations seraient formulées par la suite concernant la forme
que devrait revêtir le résultat des travaux du Groupe d’étude. À la fin de chaque
session de la Commission, les travaux du Groupe d’étude seraient présentés dans un
rapport de fond tenant dûment compte de la note théma tique établie par les
Coprésidents, ainsi que des contributions écrites y afférentes reçues des membres, et
qui contiendrait un résumé des discussions du Groupe d’étude. Une fois le rapport
__________________
1 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10
(A/73/10), par. 369.
2 Ibid., annexe B.
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approuvé par le Groupe d’étude, les Coprésidents le présenteraient à la Commission
qui pourrait ainsi en faire figurer un résumé dans son rapport annuel 3.
14. Le Groupe d’étude a également examiné et tranché un certain nombre d’autres
questions d’organisation4.
15. En raison de l’apparition de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19)
et du report consécutif de la soixante-douzième session de la Commission, le
calendrier initial de l’examen des première et seconde notes thématiques a été retardé
d’un an.
16. À sa soixante-douzième session (2021), la Commission a reconstitué le Groupe
d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international, présidé
par M. Aurescu et Mme Oral, les deux Coprésidents chargés des questions relatives au
droit de la mer.
17. Conformément au programme et aux méthodes de travai l qui ont été arrêtés, le
Groupe d’étude était saisi de la première note thématique sur le sujet 5, établie par
M. Aurescu et Mme Oral et accompagnée d’une bibliographie préliminaire6.
18. Le Groupe d’étude a tenu huit réunions, du 1er au 4 juin et les 6, 7, 8 et 19 juillet
20217.
19. À sa 3550e séance, le 27 juillet 2021, la Commission a pris note du rapport oral
conjoint des Coprésidents du Groupe d’étude8.
20. Le chapitre IX du rapport annuel de 2021 de la Commission contient un résumé
des travaux effectués au cours de l’année par le Groupe d’étude sur le sujet subsidiaire
du droit de la mer.
21. Concernant le programme de travail futur, il a été décidé qu’au cours de la
soixante-treizième session de la Commission (2022), le Groupe d’étude examinerait,
conformément au plan d’étude de 2018, les questions liées à la survivance de l’État
et à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, sous la
coprésidence de Mme Galvão Teles et de M. Ruda Santolaria, qui établiraient une
seconde note thématique sur laquelle s’appuieraient les débats du Groupe d’étude à
la même session.
22. Aux fins de l’examen des sujets subsidiaires inscrits au programme de 2022, la
Commission a indiqué au chapitre III de son rapport annuel de 2021 9 qu’elle
souhaitait recevoir, d’ici au 31 décembre 2021, toutes informations que les États, les
organisations internationales concernées et le Mouvement international de la Croix-
Rouge et du Croissant-Rouge pourraient lui communiquer sur la pratique relative à
__________________
3 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, Supplément no 10
(A/74/10), par. 270 et 271.
4 Ibid., par. 272 et 273 : « Le Groupe d’étude a recommandé que la Commission invite les États à
formuler des observations sur les points mentionnés au chapitre III du rapport annuel de la
Commission. La possibilité de demander une étude au Secrétariat de l’Organisation des Nations
Unies a été envisagée. Le Groupe d’étude garde à l’esprit la p ossibilité de s’appuyer sur les
compétences d’experts techniques et de scientifiques, peut -être dans le cadre d’activités organisées
en marge des prochaines séances de la Commission... [A]vec l’assistance du secrétariat, le Groupe
d’étude tiendra la Commission informée de toute nouvelle littérature sur le sujet et des réunions ou
activités connexes pouvant être organisées au cours des deux années à venir. »
5 A/CN.4/740 et Corr.1.
6 A/CN.4/740/Add.1.
7 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-seizième session, Supplément no 10
(A/76/10), par. 250.
8 Voir A/CN.4/SR.3550.
9 A/76/10, par. 26.
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l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international ainsi que toutes autres
informations pertinentes, notamment des renseignements sur :
a) la pratique relative à la construction d’îles artificielles et à la consolidation
du trait de côte en vue de faire face à l’élévation du niveau de la mer ;
b) les cas dans lesquels ont été prises des mesures de cession ou d’attribution
de territoire, avec ou sans transfert de souveraineté, en vue de l’installation de
personnes originaires d’États touchés par l’élévation du n iveau de la mer, en
particulier les petits États insulaires en développement ;
c) toutes lois, politiques et stratégies adoptées aux niveaux régional et
national pour protéger les personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer ;
d) la pratique, les connaissances et l’expérience des organisations
internationales concernées et du Mouvement international de la Croix -Rouge et du
Croissant-Rouge en matière de protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer ;
e) les mesures prises par les États tiers à l’égard des petits États insulaires en
développement, en particulier ceux qui sont touchés par l’élévation du niveau de la
mer, et notamment : i) les modalités de coopération ou d’association avec ces États,
y compris la possibilité donnée à leurs ressortissants de se rendre dans les États tiers,
de s’y établir et d’y mener des activités professionnelles ; ii) les mesures prises aux
fins de la conservation de la nationalité d’origine et de l’accès à la nationalité ou à la
citoyenneté de l’État tiers ; iii) les mesures prises pour que les personnes et les
groupes concernés puissent conserver leur identité culturelle.
III. Débats de la Sixième Commission de l’Assemblée générale ;
intérêt suscité par le sujet chez les États Membres ;
communication de la Commission
23. Outre les expressions de soutien et d’intérêt – ou autre – communiquées depuis
2018 par les États Membres lors du débat général tenu à la Sixième Commission sur
le sujet, dont a rendu compte la première note thématique 10, il est utile, aux fins de la
réflexion conduite dans la présente note thématique, de présenter les positions
exprimées par les États Membres sur les sujets subsidiaires de la survivance de l’État
et de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer11.
24. En ce qui concerne la survivance de l’État, plusieurs États Membres, dans leur
déclaration devant la Sixième Commission, en octobre 2018, ont fait part de leurs
préoccupations à l’égard de cette question. La Papouasie -Nouvelle-Guinée a souligné
qu’il était essentiel que les États survivent en tant qu’États pour conserver leurs zones
maritimes, et que cette question était liée au risque potentiel d’apatridie, y compris
d’apatridie de facto12.
25. Chypre, pour sa part, a mis l’accent sur les difficultés rencontrées au fil du temps
par la Commission du droit international pour ce qui était de définir la notion d’État 13.
__________________
10 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 8 à 16.
11 Le débat en plénière consacré par la Sixième Commission à ces sujets subsidiaires est consigné
dans les comptes rendus analytiques publiés dans les documents visés dans les notes de bas de
page ci-après. Ces comptes rendus contiennent une version résumée des déclarations prononcées
par les délégations ; pour le texte intégral des déclarations faites par les délégations durant le
débat en plénière, se reporter à la page Web de la Sixième Commission, à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/ (en anglais).
12 Papouasie-Nouvelle-Guinée (A/C.6/73/SR.23, par. 36).
13 Chypre (A/C.6/73/SR.23, par. 51).
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Les Fidji ont fait observer que l’un des éléments constitutifs de l’État étant une
population permanente, aux termes de l’article premier de la Convention sur les droits
et devoirs des États14, il manquait des orientations et une réglementation quant à ce
qu’il advenait d’un État qui, étant devenu inhabitable du fait de l’élévation du niveau
de la mer, se vidait de la totalité de sa population15.
26. Les États-Unis d’Amérique se sont préoccupés de savoir si, dans le cadre de
l’élévation du niveau de la mer, la pratique des États était suffisamment mûre
concernant les questions de statut d’État et de protection des personnes 16. La Grèce a
évoqué les risques qu’il y avait à se lancer dans une entreprise où la Commission
traiterait essentiellement de lege ferenda, et a relevé à cet égard certaines situations
hypothétiques traitées dans le plan d’étude de 2018, comme d’éventuels transferts de
souveraineté et fusions d’États, entre autres17.
27. Par ailleurs, dans le cadre des déclarations faites par les États à la Sixième
Commission, en octobre et novembre 2021, le Samoa, au nom des petits États
insulaires du Pacifique, a souligné que les questions relatives à la survivance de l’État,
à l’apatridie et aux migrations liées aux changements climatiques concernaient
directement cette région puisqu’il se pourrait que les territoires de petits États
insulaires soient totalement submergés en raison de l’élévation du niveau de la mer
liée aux changements climatiques. En droit international, une fois établi un État est
présumé continuer d’exister, en particulier s’il a un territoire et une population définis,
entre autres facteurs18.
28. L’Islande, au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège
et Suède), a appelé à son tour l’attention sur les répercussions disproportionnées
qu’aurait la situation sur certains États. Outre qu’il était possible que le territoire de
certains d’entre eux soit partiellement ou totalement submergé, l’élévation du niveau
de la mer pourrait également amplifier la dégradation des sols, les inondations
périodiques et la contamination de l’eau potable, ce qui faisait peser une menace à
plusieurs niveaux. Les pays nordiques ont répété qu’ils approuveraient que l’on
procède à l’examen des trois sujets subsidiaires dans une seule étude dont les résultats
figureraient dans un dernier rapport de fond sur la question de l’élévation du niveau
de la mer19.
29. La délégation de Singapour a déclaré qu’à l’instar d’autres petits États insulaires
de faible altitude, l’élévation du niveau de la mer menaçait son existence même 20.
30. Le Liechtenstein s’est félicité notamment de la décision d’inscrire, dans les
travaux du Groupe d’étude, les questions subsidiaires relatives à la protection des
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer et à la survivance de l’État,
car elle témoigne de l’importance accordée à l’aspect humain et aux droits de la
personne. Il convient, a-t-il insisté, de ne jamais perdre de vue le droit à
l’autodétermination des peuples les plus immédiatement touchés par l’élévation du
niveau de la mer et, partant, son incarnation dans le statut d’État de leur pays. Tout
débat sur le statut d’État dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer doit
__________________
14 Convention sur les droits et devoirs des États (Montevideo, 26 décembre 1933), Société des
Nations, Recueil des Traités, vol. CLXV, no 3802, p. 19.
15 Fidji (A/C.6/73/SR.23, par. 63).
16 États-Unis d’Amérique (A/C.6/73/SR.29, par. 27).
17 Grèce (A/C.6/73/SR.21, par. 68).
18 Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique) ( A/C.6/76/SR.19, par. 71).
19 Islande (au nom des pays nordiques) (A/C.6/76/SR.19, par. 87 et 88).
20 Singapour (A/C.6/76/SR.20, par. 22).
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présupposer dans la pratique une pérennité des États et réprouver l’extinction de tout
État ou pays21.
31. Pour Cuba, il importe de faire preuve d’une grande prudence lorsqu’il est
question de la possible perte du statut d’État due à l’élévation du niveau de la mer et
de s’en tenir au principe selon lequel tout petit État insulaire qui verrait disparaître
son territoire en raison de l’élévation du niveau de la mer ne perdrait ni son statut de
sujet international ni l’ensemble des attributs s’y rattachant. La coopération
internationale a un rôle fondamental à jouer à cet égard 22.
32. Les Maldives, quant à elles, ont souligné que la question de l’élévation du
niveau de la mer n’était pas une préoccupation théoriq ue abstraite. Les États de faible
altitude et les petits États insulaires comme les Maldives sont particulièrement
vulnérables aux conséquences de l’élévation du niveau de la mer. Il ne leur est pas
possible d’atténuer seuls ces conséquences et il est esse ntiel que la communauté
internationale coopère de façon à garantir à ces États une aide à la hauteur, prévisible
et accessible23.
33. Pour la Thaïlande, les problèmes nés de l’élévation du niveau de la mer se posent
différemment d’une région à l’autre. Les États peuvent adopter des mesures de
protection des côtes différentes adaptées à leur situation propre. Les incidences de
l’élévation du niveau de la mer ne concernent pas seulement les États et le statut
d’État, mais aussi directement la population qui peut être amenée à migrer ou à se
déplacer en raison de l’élévation24.
34. L’Argentine a souligné que l’élévation du niveau de la mer représentait l’une
des plus grandes menaces qui soient pour la survie et les perspectives de croissance
de nombreux petits États insulaires en développement, y compris, pour certains, une
perte de territoire. Dans certains cas, les petits États insulaires en développement
pourraient se trouver dans une situation de grande vulnérabilité, où leur survie en tant
qu’États pourrait être en jeu du fait des conséquences de l’élévation du niveau de la
mer. Il importe, a-t-elle insisté, d’analyser les interventions efficaces qui s’imposent
pour permettre la coopération et la coordination de l’action de la communauté
internationale avec ces États dans chaque situation concernée25.
35. Pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ces questions revêtaient une importance
fondamentale dans la réalité quotidienne de la région du Pacifique 26. La Lettonie, à la
lumière de l’expérience qu’elle avait acquise de la cont inuité du statut d’État, depuis
sa propre fondation en 1918 et comme membre de la Société des Nations, a dit
souscrire à la thèse selon laquelle l’exercice d’un contrôle effectif sur un territoire
n’est pas toujours un critère nécessaire de la continuité j uridique de l’État27.
36. Les Îles Salomon ont déclaré que les questions de protection des personnes et
de survivance de l’État dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer étaient très
importantes pour les petits États insulaires en développement. Elle s ont engagé les
délégations à réfléchir à ces questions en vue de trouver une solution internationale à
ce problème désormais mondial. En ce qui concerne la question du statut d’État, les
Îles Salomon souscrivent à la forte présomption en faveur de la con tinuité de la qualité
d’État, la continuité de l’État étant le fondement de l’ordre international actuel. L’idée
que l’État continue d’exister malgré l’absence des attributs visés dans la Convention
__________________
21 Liechtenstein (A/C.6/76/SR.21, par. 3 et 4).
22 Cuba (A/C.6/76/SR.21, par. 32).
23 Maldives (A/C.6/76/SR.21, para. 139).
24 Thaïlande (A/C.6/76/SR.22, par. 4).
25 Argentine (A/C.6/76/SR.22, par. 31).
26 Papouasie-Nouvelle-Guinée (A/C.6/76/SR.22, par. 35).
27 Lettonie (A/C.6/76/SR.22, par. 75).
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sur les droits et devoirs des États trouve appui dans la pratique des États. Les principes
de stabilité, de certitude, de prévisibilité et de sécurité sous -tendent également la
présomption de continuité de la qualité d’État. On ne saurait s’autoriser de l’élévation
du niveau de la mer pour dénier aux États vulnérables toute représentation vitale dans
l’ordre international. Les Îles Salomon ont exhorté la Commission du droit
international à tenir compte des avis des petits États insulaires en développement, en
leur qualité d’États particulièrement touchés28.
37. S’agissant des questions relatives au statut d’État, Chypre a mis en exergue
l’avis formulé par le juge James Crawford, à savoir que l’extinction d’un État n’est
pas nécessairement liée à des modifications substantielles de son territoire, de sa
population ou de son gouvernement, ou même, dans certains cas, de ces trois aspects
conjugués29.
38. Les Tonga reconnaissent également les incidences de l’élévation du niveau de
la mer sur la qualité d’État, l’apatridie, l’aggravation des catastrophes et les
migrations provoquées par les changements climatiques. Elles ont fait observer que
si un territoire défini et une population étaient des éléments constitutifs de la qualité
d’État en droit international, la question, pour les petits États insulaires en
développement, revenait à une question de survie. La délégation des Tonga a souligné
la nécessité de traiter sans tarder des incidences de ces problématiques nouvelles sur
le droit international30.
39. Les Tuvalu ont dit avoir conscience que plusieurs des conditions à réuni r pour
avoir le statut d’État étaient énoncées à l’article premier de la Convention de
Montevideo sur les droits et devoirs des États. Elles n’en ont pas moins insisté sur
l’importance de son réexamen complet, sachant que les critères énoncés dans la
Convention s’appliquent uniquement à la naissance des États. La réponse apportée en
droit international face à l’élévation du niveau de la mer doit tenir compte des intérêts
de ceux qui sont le plus spécifiquement touchés, notamment les petits États insulaires
en développement qui sont les moins responsables de ses causes 31.
40. En revanche, le Bélarus a estimé que, du point de vue du droit international, il
était plus pertinent d’examiner l’élévation du niveau de la mer du point de vue du
droit de la mer que sous l’angle de la perte de tout ou partie du territoire terrestre d’un
État. Les conséquences que cette perte pourrait avoir pour un État, a -t-il jugé, sont
indubitablement une question d’intérêt scientifique et pratique mais de telles
situations ne se produiront pas dans un avenir proche32.
41. En ce qui concerne le sujet subsidiaire de la protection des personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer, les délégations étaient généralement favorables à
ce qu’il soit inscrit à l’ordre du jour au titre de la question de l’élévation du droit de
la mer, dont elles ont noté les conséquences humaines. À cet égard, voir par exemple
les déclarations prononcées entre 2018 et 2021 par les délégations des pays et entités
ci-après : Afrique du Sud33, Argentine34, Bangladesh35, Belize (au nom de l’Alliance
__________________
28 Îles Salomon (A/C.6/76/SR.22, par. 81).
29 Chypre (A/C.6/73/SR.23, par. 48 ; A/C.6/74/SR.30, par. 102; A/C.6/76/SR.22, par. 101) ; voir
aussi James Crawford, The Creation of States in International Law [La création des États en droit
international], 2e éd. (Oxford, Oxford University Press, 2006).
30 Tonga (A/C.6/76/SR.22, par. 119 et 120).
31 Tuvalu (A/C.6/76/SR.23, par. 4 et 5).
32 Bélarus (A/C.6/76/SR.20, par. 63).
33 Afrique du Sud (A/C.6/73/SR.23, par. 15, et A/C.6/76/SR.20, par. 77).
34 Argentine (A/C.6/74/SR.29, par. 35).
35 Bangladesh (A/C.6/74/SR.31, par. 49).
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des petits États insulaires) 36 , Brésil 37 , Canada 38 , Chili 39 , Chine 40 , Chypre 41 ,
Colombie42, Costa Rica43, Cuba44, Égypte 45, El Salvador46, Estonie47, Fidji (au nom
du Forum des îles du Pacifique) 48 , France 49 , Hongrie 50 , Îles Salomon 51 , Inde 52 ,
Irlande53, Islande (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande,
l’Islande, la Norvège et la Suède)54, Israël55, Italie56, Jamaïque57, Japon58, Jordanie59,
Lettonie60 , Liban61 , Liechtenstein62 , Malaisie63 , Maldives64 , Mexique65 , Micronésie
(États fédérés de)66, Norvège (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la
Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède) 67 , Papouasie-Nouvelle-Guinée 68 ,
Pays-Bas69 , Pérou70 , Philippines71 , Portugal72 , République de Corée73 , Roumanie74 ,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord75, Samoa (au nom des petits
États insulaires en développement du Pacifique) 76 , Sierra Leone 77 , Slovénie 78 ,
__________________
36 Belize (au nom de l’Alliance des petits États insulaires) (A/C.6/75/SR.13, par. 24).
37 Brésil (A/C.6/76/SR.21, par. 26).
38 Canada (A/C.6/73/SR.22, par. 65).
39 Chili (A/C.6/76/SR.21, par. 57).
40 Chine (A/C.6/74/SR.27, par. 92).
41 Chypre (A/C.6/73/SR.23, par. 48 ; A/C.6/74/SR.30, par. 102 ; et A/C.6/76/SR.22, par. 101).
42 Colombie (A/C.6/74/SR.30, par. 113, et A/C.6/76/SR.23, par. 24).
43 Costa Rica (A/C.6/76/SR.23, par. 15).
44 Cuba (A/C.6/76/SR.21, par. 33).
45 Égypte (A/C.6/74/SR.30, par. 30, et A/C.6/76/SR.20, par. 59).
46 El Salvador (A/C.6/76/SR.20, par. 70).
47 Estonie (A/C.6/74/SR.30, par. 61).
48 Fidji (au nom du Forum des îles du Pacifique) (A/C.6/76/SR.19, par. 74).
49 France(A/C.6/76/SR.20, par. 47).
50 Hongrie(A/C.6/76/SR.21, par. 67).
51 Îles Salomon (A/C.6/76/SR.22, par. 79).
52 Inde(A/C.6/76/SR.23, par. 10).
53 Irlande(A/C.6/74/SR.29, par. 43).
54 Islande (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la
Suède)(A/C.6/76/SR.19, par. 88).
55 Israël(A/C.6/73/SR.23, par. 32).
56 Italie(A/C.6/74/SR.28, par. 29, et A/C.6/76/SR.20, par. 87).
57 Jamaïque (A/C.6/74/SR.27, par. 2).
58 Japon (A/C.6/74/SR.30, par. 34).
59 Jordanie (A/C.6/76/SR.24, par. 126).
60 Lettonie (A/C.6/76/SR.22, par. 75).
61 Liban (ibid., par. 134).
62 Liechtenstein (A/C.6/74/SR.30, par. 95, et A/C.6/76/SR.21, par. 3).
63 Malaisie (A/C.6/74/SR.30, par. 83, et A/C.6/76/SR.21, par. 153).
64 Maldives (A/C.6/76/SR.21, par. 137 à 139).
65 Mexique (A/C.6/74/SR.29, par. 114).
66 Micronésie (États fédérés de) (A/C.6/76/SR.21, par. 150).
67 Norvège (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et
la Suède) (A/C.6/74/SR.27, par. 86).
68 Papouasie-Nouvelle-Guinée (A/C.6/73/SR.23, par. 33 ; A/C.6/74/SR.30, par. 18 ; A/C.6/75/SR.13,
par. 39 ; et A/C.6/76/SR.22, par. 38).
69 Pays-Bas (A/C.6/74/SR.28, par. 79).
70 Pérou (A/C.6/74/SR.31, par. 5).
71 Philippines (A/C.6/74/SR.31, par. 9, et A/C.6/76/SR.23, par. 17).
72 Portugal (A/C.6/74/SR.29, par. 108, et A/C.6/76/SR.21, par. 10).
73 République de Corée (A/C.6/75/SR.13, par. 67).
74 Roumanie (A/C.6/74/SR.28, par. 15, et A/C.6/76/SR.21, par. 20.
75 Royaume-Uni (A/C.6/76/SR.21, par. 146).
76 Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique) (A/C.6/76/SR.19,
par. 71).
77 Sierra Leone (A/C.6/76/SR.20, par. 29).
78 Slovénie (A/C.6/74/SR.29, par. 146, et A/C.6/76/SR.21, par. 97).
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Thaïlande 79 , Tonga 80 , Tuvalu 81 , Union européenne (en qualité d’observatrice ;
également au nom de l’Albanie, de la Macédoine du Nord, du Monténégro et de la
Serbie, pays candidats ; de la Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation
et d’association, ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et de
l’Ukraine)82, Viet Nam83 et Saint-Siège84.
42. Le Bélarus 85 , les États-Unis d’Amérique 86 la Fédération de Russie 87 et la
République islamique d’Iran88 ont exprimé des réserves sur l’opportunité d’examiner
le sujet subsidiaire de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer, invoquant principalement à cet égard le manque de pratique des États. Par
ailleurs, la Tchéquie89 a semblé n’être favorable à des travaux que sur ce sujet, et
l’Allemagne 90 a fait observer l’urgence particulière que revêtait la question de la
protection des personnes.
43. Les Coprésidents du Groupe d’étude ont poursuivi leur démarche de
communication pour expliquer la progression des travaux de la Commission sur le
sujet, ainsi que les étapes et la méthodologie proposées. Certaines des manifestations
qu’ils ont organisées ou auxquelles ils ont participé ont également servi à faire
comprendre à quel point la Commission avait besoin d’informations sur la pratique
des États concernés91.
__________________
79 Thaïlande (A/C.6/73/SR.22, par. 18 ; A/C.6/74/SR.29, par. 99 ; et A/C.6/76/SR.22, par. 3).
80 Tonga (A/C.6/73/SR.22, par. 63, et A/C.6/76/SR.22, par. 120).
81 Tuvalu (A/C.6/76/SR.23, par. 5).
82 Union européenne (en qualité d’observatrice ; également, au nom de l’Albanie, de la Macédoine
du Nord, du Monténégro et de la Serbie, pays candidats ; de la Bosnie-Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association, ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova
et de l’Ukraine) (A/C.6/76/SR.19, par. 73).
83 Viet Nam (A/C.6/76/SR.21, par. 85).
84 Saint-Siège (en qualité d’observateur) (A/C.6/76/SR.23, par. 28 et 29).
85 Bélarus (A/C.6/74/SR.28, par. 22, et A/C.6/76/SR.20, par. 63).
86 États-Unis (A/C.6/73/SR.29, par. 27, et A/C.6/74/SR.30, par. 126).
87 Fédération de Russie (A/C.6/73/SR.22, par. 95).
88 Iran (République islamique d’) (A/C.6/76/SR.20, par. 38).
89 Tchéquie (A/C.6/74/SR.28, par. 66).
90 Allemagne (A/C.6/76/SR.21, par. 81).
91 Les activités organisées à l’initiative ou avec la participation des Coprésidents du Groupe d’étude,
en 2020 et 2021, comprennent notamment les manifestations suivantes : dialogues interactifs avec
la Sixième Commission (28 octobre 2020 et 27 octobre 2021) ; manifestation parallèle organisée
par les Fidji, la Jamaïque, Maurice et Singapour en marge de la Semaine du droit international de
2020 (28 octobre 2020) ; tables rondes, à l’occasion de la réunion annuelle de l’American Society
of International Law, sur l’élévation du niveau de la mer et le droit de la mer (2020) et la
protection des personnes dans le cadre des changements climatiques et des catastrophes (2021) ;
série d’ateliers organisés par le Liechtenstein Institute for Self-Determination de l’Université de
Princeton sur l’élévation du niveau de la mer et l’autodétermination (2020 et 2021) ; série de
webinaires organisés par le British Institute of International and Comparative Law sur le thème de
l’élévation du niveau de la mer et du rôle que peut jouer le droit international en faveur de la
justice climatique, dans le cadre d’une session sur le rôle de la Commission du droit international
(3 mars 2021) ; dialogue interactif virtuel avec l’Alliance des petits États insulaires sur la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer (22 avril 2021) ; table ronde
de la Société asiatique de droit international sur le thème de l’élévation du niveau de la mer et du
droit international, en Asie et ailleurs (26 mai 2021) ; séance d’information à l’intention du
Groupe « droit international public » de l’Union européenne (3 juin 2021) ; vingt et unième
réunion du Processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer, et
manifestation parallèle sur l’élévation du niveau de la mer et ses incidences en droit international
(dialogue avec le Groupe d’étude de la CDI) (15 juin 2021) ; webinaire organisé par l’Université
de Trente sur le thème « Changements climatiques et élévation du niveau de la mer : conséquences
juridiques du point de vue du droit de la mer, de l’État et des personnes touchées » (1er octobre
2021) ; réunion d’experts organisée par l’Université Roma Tre sur le thème « Le droit
international des catastrophes nous protège-t-il ? »(4 et 5 octobre 2021) ; séminaire de droit
A/CN.4/752
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44. Les Coprésidents du Groupe d’étude ont également continué à publier des
articles sur le sujet92.
IV. Conclusions des travaux scientifiques et perspectives
sur l’élévation du niveau de la mer, dans le cadre des sujets
subsidiaires
45. Comme il est indiqué dans le plan d’étude de 2018 et dans la première note
thématique93, l’examen du présent sujet postulera que l’élévation du niveau de la mer
est un fait, prouvé par la science. Ainsi que le précise le plan d’étude, plus de 70 États,
soit plus du tiers de la communauté internationale, sont ou risquent d’être directement
touchés par l’élévation du niveau de la mer. De fait, ce phénomène a déjà une
incidence grandissante sur de nombreux aspects essentiels de la vie des régions
côtières, des États côtiers de faible élévation et des petits États insulaires en
développement et à plus forte raison, de la vie de leurs habitants. Par ailleurs, un
nombre assez important d’États sont susceptibles d’en subir les effets indirects (en
raison par exemple des déplacements de population ou de l’accès réduit aux
ressources). L’élévation du niveau de la mer, devenue un phénomène mondial, soulève
des problèmes à l’échelle planétaire, qui ont des répercussions sur la communauté
internationale dans son ensemble94. Les données scientifiques disponibles, présentées
succinctement ci-après, montrent que le phénomène touche déjà un grand nombre
d’États, directement ou indirectement.
46. Le Rapport spécial publié en septembre 2019 par le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat concern ant l’océan et la cryosphère
dans le contexte du changement climatique est particulièrement pertinent pour
comprendre les incidences de l’élévation du niveau de la mer sur les populations et
__________________
international public organisé par le cabinet Freshfields sur le thème : « Élévation du niveau de la
mer : quelles incidences en droit international ? » (26 octobre 2021) ; débat informel organisé par
l’Alliance des petits États insulaires, le Forum des îles du Pacifique et l’Organisation juridique
consultative pour les pays d’Asie et d’Afrique sur le thème « Pourquoi est-il urgent, dans le
contexte de l’élévation du niveau de la mer, d’enregistrer et de publier les informations relatives
aux zones maritimes ? » (29 octobre 2021) ; séance de questions-réponses avec le Groupe d’étude
sur l’élévation du niveau de la mer et le droit international de la Commission du droit
international, manifestation parallèle organisée en marge de la Semaine du droit international de
2021 (1er novembre 2021).
92 Patrícia Galvão Teles, « Sea-level rise in relation to international law – A new topic for the
International Law Commission » [L’’élévation du niveau de la mer au regard du droit
international : un nouveau thème pour la Commission du droit international], in Marta Chantal
Ribeiro, Fernando Loureiro Bastos et Tore Henriksen (dir.), Global Challenges and the Law of the
Sea (Springer International, 2020) ; Patrícia Galvão Teles, Nilüfer Oral et al., « Remarks on
“Addressing the law of the sea challenges of sea-level rise” » [Propos sur les problématiques de
l’élévation du niveau de la mer pour le droit international], American Society of International Law
Proceedings, vol. 114 (2020), p. 385 à 396 ; Patrícia Galvão Teles, « Remarks on “Protecting
people in the context of climate change and disasters” » [Propos sur la protection des personnes
face aux changements climatiques et aux catastrophes], American Society of International Law
Proceedings, vol. 115 (2021), p. 158 à 161 ; Patrícia Galvão Teles, Claire Duval et Victor Tozetto
da Veiga, « International cooperation and the protection of persons affected by sea-level rise:
drawing the contours of the duties of non-affected States » [Coopération internationale et
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer: premiers linéaments d’une
définition des devoirs des États qui ne sont pas touchés (Annuaire de droit international des
catastrophes)], Yearbook of International Disaster Law, vol. 3 (2020), p. 213 à 237.
93 A/73/10, annexe B, par. 1à 4, et A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 28.
94 A/73/10, annexe B, par. 1.
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les États touchés. Il mérite donc un examen plus approfondi, en p lus des références
qui y ont déjà été faites dans la première note thématique 95.
47. D’après le Résumé du Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat pour 2019 établi à l’intention des décideurs96 et le chapitre 4
du Rapport, consacré à l’élévation du niveau de la mer et à ses conséquences pour les
îles et zones côtières de faible altitude et leur population97, les grands constats ci-après
méritent qu’on s’y arrête :
a) Les communautés qui entretiennent des rapports étroits avec les milieux
côtiers et les petites îles (dont les petits États insulaires en développement) sont
particulièrement exposées à l’élévation du niveau de la mer et aux niveaux marins
extrêmes. D’autres communautés, établies plus loin du littoral, sont, elles aussi,
exposées aux conséquences des changements de l’océan, par exemple lors des
phénomènes météorologiques extrêmes.
b) Les littoraux de basse altitude (s’élevant à moins de 10 mètres au-dessus
du niveau de la mer) abritent quelque 680 millions de personnes (près de 10 % de la
population mondiale en 2010), et devraient en accueillir plus d’un milliard en 2050.
Les petits États insulaires en développement comptent 65 millions d’habitants.
c) Beaucoup de mégapoles (New York, Shanghai et Rotterdam), de grands
deltas tropicaux agricoles (Mékong, Gange et Nil) et de petites îles (dont des petits
États insulaires en développement comme les Fidji, les Tuvalu, Kiribati et les
Maldives) aux littoraux de basse altitude sont exposés aux risques liés à l’élévation
du niveau de la mer.
d) Il est probable que les modifications de l’océan et de la cryosphère qui
sont liées au climat rendront inhabitables certains États insulaires.
e) Les risques sont moindres si c’est un scénario d’émissions réduites qui
prévaut et plus élevés pour un scénario d’émissions fortes.
f) Les incidences de l’élévation du niveau de la mer ne seront pas uniformes
partout sur la planète et varieront d’une région à l’autre.
g) Des conséquences de l’élévation du niveau de la mer telles que l’érosion
et la perte de terres, les inondations et la salinisation se répercutent sur l’accès à l’eau,
la sécurité alimentaire et la santé et sur des activités de subsistance telles que le
tourisme et la pêche.
h) Les populations les plus exposées et les plus vulnérables sont souvent
celles qui disposent de la plus faible capacité de réponse, surtout dans les îles et les
zones côtières de basse altitude.
__________________
95 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Rapport spécial intitulé « L’océan
et la cryosphère dans le contexte du changement climatique » (à paraître), et A/CN.4/740 et
Corr. 1, par. 28 à 32.
96 Résumé à l’intention des décideurs, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat, « L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique » (voir supra
note 95).
97 Michael Oppenheimer et al., Sea Level Rise and Implications for Low-Lying Islands, Coasts and
Communities [L’élévation du niveau de la mer et ses incidences sur les îles et côtes de basse
altitude et leurs populations], in Rapport spécial (du Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat) sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique (en
anglais) (voir note précédente).
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16/120 22-02934
48. En ce qui concerne les impacts observés sur les populations côtièr es, les constats
que fait en la matière le Groupe d’experts dans son rapport spécial de 2019 sont les
suivants98 :
a) Les populations côtières sont exposées à de multiples aléas climatiques,
comme des cyclones tropicaux, des niveaux marins extrêmes, des s ubmersions
marines, et des vagues de chaleur marines. Des réponses variées ont été mises en
oeuvre dans le monde, souvent à la suite d’événements extrêmes, mais dans certains
cas en anticipant l’élévation du niveau de la mer à venir.
b) La protection des côtes par des ouvrages en dur tels que digues, murs
longitudinaux et obstacles contre les forts déferlements liés aux tempêtes est très
répandue dans de nombreuses villes côtières et dans les deltas. Les stratégies
écosystémiques et mixtes conjuguant écosystèmes et génie civil sont devenues de plus
en plus populaires dans le monde entier. Le recul stratégique, soit la fin de la présence
humaine dans une zone côtière, est également un choix observé, mais qui se limite
généralement à de petites collectivités humaines ou qui vise à créer des zones humides
littorales.
c) Lorsque la collectivité touchée est de petite taille , ou bien à la suite d’une
catastrophe, il est pertinent d’envisager de réduire les risques par une relocalisation
planifiée, à condition que des lieux d’accueil sûrs soient disponibles. Cette
relocalisation planifiée peut se heurter à des obstacles de nature sociale, culturelle,
financière et politique.
49. S’agissant des changements et risques projetés pour les populations concernées,
les constats essentiels faits par le Groupe d’experts dans son rapport spécial de 2019
peuvent se résumer comme suit99 :
a) la montée des niveaux marins moyens et extrêmes conjuguée au
réchauffement et à l’acidification de l’océan aggravera les risques qui pèsent sur les
populations des littoraux de basse altitude ;
b) dans les îles urbaines des atolls, les risques seront modérés à élevés
y compris dans le cas d’une forte baisse des émissions ;
c) dans le cas d’émissions élevées, les deltas et les villes côtières ri ches en
ressources devront faire face après 2050 à des risques modérés à élevés ;
d) beaucoup de pays auront des difficultés à s’adapter, même si des mesures
d’atténuation ambitieuses sont adoptées. La capacité d’adaptation diffère toujours
d’une communauté et d’une société à l’autre comme au sein de celles -ci ;
e) la réponse apportée face à l’élévation du niveau de la mer et la diminution
des risques associés présentent à la société d’immenses problématiques de
gouvernance, en raison de l’incertitude qui a trait à l’ampleur et au rythme de
l’élévation du niveau des mers à venir ;
f) intensifier la coopération et la coordination entre les instances dirigeantes
peut permettre de mettre en place des réponses efficaces face à l’élévation du niveau
de la mer ;
g) la coopération régionale, y compris par voie de traités et de conventions,
peut favoriser les mesures d’adaptation. Les dispositifs institutionnels qui tissent à
__________________
98 « Résumé à l’intention des décideurs » in Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du
climat, L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique (voir supra note 95),
par. A9, A9.2 et C3.2.
99 Ibid., par. B.9, B.9.2, C.1.4, C.3.3, C.4.1 et C4.2.
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divers échelons des liens solides avec les communautés locales et autochtones sont
bénéfiques pour l’adaptation.
50. Dans un rapport récent publié en août 2021100, le Groupe d’experts cite en outre
les importantes données ci-après concernant les projections futures en matière
d’élévation du niveau de la mer :
a) le niveau moyen de la mer s’est élevé de 20 centimètres entre 1901 et 2018.
Le rythme de la montée des eaux, qui était de 1,3 millimètre par an entre 1901 et
1971, s’est accéléré pour atteindre 1,9 millimètre par an entre 1971 et 2006 et
3,7 millimètres par an sur la période 2006-2018. Il est très probable que l’influence
humaine ait été le facteur principal de ces hausses depuis 1971 au moins ;
b) le rythme de l’élévation du niveau moyen de la mer a été plus rapide depuis
1900 qu’à n’importe lequel des siècles précédents, et ce, en remontant au moins à
3 000 ans. Le réchauffement du système climatique a conduit à une élévation du
niveau moyen de la mer en raison de la fonte des glaciers terrestres et de la dilatation
thermique des océans due à leur réchauffement ;
c) en raison du fort degré d’incertitude actuel quant à l’évolution des calottes
glaciaires, il n’est pas à exclure que l’élévation du niveau moyen de la mer dépasse
les chiffres de la fourchette donnée en termes de probabilités, pour atteindre p rès de
2 mètres d’ici à 2100 et de 5 mètres d’ici à 2150, si un scénario d’émissions très
élevées de gaz à effet de serre prévalait. À plus long terme, le niveau de la mer devrait
s’élever encore durant des siècles voire des millénaires en raison de la pou rsuite du
réchauffement des eaux profondes des océans et de la fonte des calottes glaciaires. Il
restera élevé pendant des milliers d’années ;
d) il est très probable, voire pratiquement certain que l’élévation du niveau
de la mer relatif moyen à l’échelle régionale se poursuivra durant tout le XXIe siècle,
hormis dans un petit nombre de régions caractérisées par des taux importants de
surrection des terres. Les projections indiquent que sur les deux tiers environ du
littoral mondial, l’élévation du niveau de la mer relatif, à l’échelle régionale, devrait
équivaloir à l’élévation moyenne mondiale plus ou moins 20 %. En raison de
l’élévation du niveau de la mer relatif, des fluctuations extrêmes du niveau de la mer
qui n’étaient observées, naguère, qu’une fois par siècle devraient d’ici à 2100 se
produire selon une fréquence au moins annuelle sur plus de la moitié de tous les sites
d’implantation des marégraphes. L’élévation du niveau de la mer relatif contribue à
l’augmentation de la fréquence et de la gravité des inondations côtières dans les zones
de faible altitude et à l’érosion côtière le long de la plupart des côtes sableuses ;
e) dans les villes côtières, la probabilité que surviennent des inondations sera
plus grande à cause d’un double phénomène : la fréquence plus grande des hausses
extrêmes du niveau de la mer (résultant de l’élévation du niveau de la mer et des ondes
de tempête) et des épisodes extrêmes de précipitations ou de fortes fluctuations de
débit des cours d’eau ;
f) si un niveau négatif net d’émissions mondiales de dioxyde de carbone était
atteint et maintenu, le mouvement de hausse de la température à la surface de la Terre,
induite par les émissions de dioxyde de carbone, s’inverserait progressivement mais
d’autres changements climatiques poursuivraient leur tendance actuelle pendant des
__________________
100 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Climate Change 2021: The
Physical Science Basis – Summary for Policymakers. Working Group I Contribution to the Sixth
Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Rapport de 2021 sur les
changements climatiques : Les éléments scientifiques – Résumé à l’intention des décideurs.
Contribution du Groupe de travail I au sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat] (Cambridge. Cambridge University Press, 2021).
A/CN.4/752
18/120 22-02934
décennies, voire des millénaires. Par exemple, il faudrait plusieurs siècles, voire des
millénaires pour que le niveau moyen mondial de la mer régresse, même si le niveau
négatif net d’émissions de dioxyde de carbone était élevé.
51. La relation entre ces faits scientifiquement prouvés et le sujet inscrit au
programme de travail de la Commission a été exposée dans le plan d’étude de 2018
dans le cadre de la définition de l’étendue du sujet : la Commission ne traitera que
des « conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer », et non de « la
protection de l’environnement, [d]es changements climatiques en soi [… ou de] la
recherche de la responsabilité de ces phénomènes »101. Nonobstant ces limites, le plan
d’étude de 2018 souligne, dans l’énoncé de la méthode de travail de la Commission
sur ce sujet, que l’examen du Groupe d’étude pourrait contribuer aux efforts déployés
par la communauté internationale pour répondre aux questions que so ulève l’élévation
du niveau de la mer, notamment en ce qui concerne la survivance de l’État et la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer 102, et que le
sujet « traduit des tendances nouvelles du droit international et des préoc cupations
pressantes de l’ensemble de la communauté internationale »103.
V. Examen du sujet par l’Association de droit international
52. Le sujet de l’élévation du niveau de la mer a été initialement examiné par le
comité de l’Association de droit international chargé de la question des lignes de base
en droit international de la mer, dont le rapport a été examiné lors de la Conférence
de Sofia organisée par l’Association en 2012104. Le rapport précisait que la question
de la perte importante de territoire résultant de l’élévation du niveau de la mer
débordait le cadre des lignes de base et du droit de la mer, et mettait en jeu différents
domaines du droit international105.
53. En conséquence, l’Association de droit international a créé en 2012 le comité
chargé de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du droit
international, qui a décidé d’axer ses travaux sur trois grandes problématiques : droit
de la mer, migrations forcées et droits de l’homme, et questions liées à la survivance
de l’État et à la sécurité internationale. Il a présenté, à la Conférence de Johannesburg,
en 2016, un rapport d’étape106 qui portait principalement sur les questions liées, d’une
part, au droit de la mer et, de l’autre, aux migrations et aux droits de l’homm e. Un
autre rapport a été examiné à la Conférence de Sydney de 2018. Le Comité a
recommandé que l’Association de droit international adopte une résolution énonçant
deux propositions de lege ferenda sur le droit de la mer et sur les migrations et les
droits de l’homme. Ces propositions ont été partiellement approuvées dans le rapport
et la résolution 5/2018 adoptés à la Conférence de Sydney, qui ont cependant maintenu
__________________
101 A/73/10, annexe B, par. 14.
102 Ibid., par. 18.
103 Ibid., par. 25.
104 Rapport final du comité chargé de la question des lignes de base en droit international de la mer, in
Association de droit international, Report of the Seventy-seventh Conference, Held in Sofia, August
2012 [Rapport de la soixante-dix-septième conférence tenue à Sofia (août 2012)], vol. 75 (2012),
p. 385, à la page 424.
105 Résolution 1/2012, par. 7, ibid., p. 17.
106 Rapport d’étape du Comité chargé de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du
droit international, in Association de droit international, Report of the Seventy-seventh Conference,
Held in Johannesburg, August 2016 [Rapport de la soixante-dix-septième conférence tenue à
Johannesburg (août 2016)], vol. 77 (2017), p. 842.
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leur orientation conceptuelle générale107. Le rapport de 2018 présentait en outre un
ensemble de principes assortis de commentaires et formant la Déclaration de principes
de Sydney sur la protection des personnes déplacées en raison de l’élévation du niveau
de la mer108.
54. La Déclaration de principes de Sydney, contenue dans la résolution 6/2018, se
compose de neuf principes fondés sur les dispositions, principes et cadres juridiques
internationaux pertinents et dérivés de ceux-ci. L'objectif de ces principes est de
fournir des orientations aux États pour qu’ils puissent éviter, atténuer et gérer les
déplacements de personnes qui se produisent dans le contexte de l’élévation du niveau
de la mer.
55. Les neuf principes de la Déclaration de Sydney sont les suivants :
a) le devoir d’aide et de protection des personnes touchées, première
responsabilité des États ;
b) le devoir de respect des droits humains des personnes touchées ;
c) le devoir d’agir par des mesures concrètes ;
d) le devoir de coopération ;
e) l’évacuation des personnes touchées ;
f) la réinstallation planifiée des personnes touchées ;
g) la migration des personnes touchées ;
h) le déplacement interne des personnes touchées ;
i) le déplacement transfrontière des personnes touchées.
56. S’agissant des questions de statut d’État et de personnalité juridique
internationale dans les cas où la totalité du territoire vient à disparaître ou à être
définitivement inhabitable, le rapport de la Conférence de Sidney de 2018 de
l’Association de droit international indique que le Comité a considéré que les règles
de droit international relatives à l’acquisition et à la perte de territoire étaient claires
et bien établies, étant donné que le passé regorge de situations dans lesquelles les
gouvernements n’avaient pas le contrôle physique du territoire, tels, par exemple, les
gouvernements en exil. Toutefois, le Comité est conscient du fait qu’il n’existe pas de
précédents de situations dans lesquelles l’élévation du niveau de la mer ait revêtu des
proportions existentielles pour un certain nombre d’États insulaires 109.
57. Il est généralement admis, comme hypothèse de départ, qu’il y aurait
présomption de la permanence du statut d’État dans le cas de la perte de territoire
terrestre, ce qui laisse à penser, selon le Comité, que les modalités exactes du maintien
du statut d’État, ou peut-être de quelque autre forme de personnalité juridique
internationale, ainsi que d’autres solutions à ce problème (par exemple, la fusion avec
__________________
107 Rapport final du Comité chargé de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du
droit international, in Association de droit international, Report of the Seventy-eighth Conference,
Held in Sydney, 19-24 August 2018 [Rapport de la soixante-dix-huitième conférence tenue à
Sydney (19-24 août 2018)], vol. 78 (2019), p. 866.
108 Rapport final du Comité chargé de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du
droit international, ibid., p. 897 ff., et résolution 6/2018, annexe, ibid., p. 33.
109 Rapport final du Comité chargé de la question de l’élévation du niveau de la mer au regard du
droit international, in Association de droit international, Report of the Seventy-eighth Conference
(voir supra note 107), p. 25.
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20/120 22-02934
un autre État), sont des questions très névralgiques auxquelles le Comité devrait
s’attaquer avec une très grande prudence110.
58. Dans sa résolution 6/2018 111 , la 78e conférence de l’Association de droit
international a recommandé au Conseil exécutif de prolonger le mandat du Comité
afin de lui permettre de poursuivre ses travaux sur les aspects restants de ce mandat,
à savoir la question de l’État et les droits des populations touchées, ainsi que d’autres
aspects du droit international, notamment le droit de la mer et les questions
territoriales. Le mandat du Comité a été prolongé par le Conseil exécutif de
l’Association de droit international jusqu’en novembre 2022.
59. Le Comité doit présenter un nouveau rapport lors de la conférence de
l’Association de droit international à Lisbonne en juin 2022. Il est possible que son
mandat soit encore prolongé au-delà de 2022, mais cette information n’est pas encore
connue au moment de la rédaction de la présente note thématique.
Première partie : généralités
I. Champ d’application et résultat des travaux sur le sujet
60. Le présent sujet se rapporte à la question de « l’élévation du niveau de la mer
au regard du droit international ». Conformément au plan d’étude de 2018, le Groupe
d’étude examinera les effets ou conséquences juridiques possibles de l ’élévation du
niveau de la mer dans trois domaines principaux : a) le droit de la mer ; b) la
survivance de l’État ; c) la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer112. Le plan d’étude précise également que « [c]es trois thèmes traduisent les
conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer du point de vue des
éléments constitutifs de l’État (territoire, population et autorité politique) ; ils sont
donc liés entre eux et devraient être examinés ensemble »113.
61. Le plan d’étude de 2018 précise en outre qu’il « ne s’agit pas de dresser un
inventaire complet et exhaustif de l’application du droit international aux questions
soulevées par l’élévation du niveau de la mer, mais plutôt de définir certaines
questions principales » dans les trois domaines susmentionnés114. Il y est clairement
indiqué que les « trois domaines à examiner devraient être analysés dans le contexte
de l’élévation du niveau de la mer indépendamment d’autres facteurs susceptibles
d’entraîner des conséquences semblables »115. Une autre limite y est fixée : « Il n’est
pas question de proposer des modifications au droit international en vigueur »116. En
revanche, le plan n’exclut pas que « [d]’autres questions [se posent sur le sujet]
ultérieurement qui exigeraient un travail d’analyse »117.
A. Questions soumises à l’examen de la Commission
62. Comme il a déjà été indiqué, le Groupe d’étude se penchera sur les éventuels
effets ou conséquences juridiques de l’élévation du niveau de la mer dans trois
__________________
110 Ibid., p. 25 et 26.
111 Résolution 6/2018, in International Law Association, Report of the Seventy-eighth Conference
(voir supra note 107), p. 33.
112 A/73/10, annexe B, par. 12.
113 Ibid., par. 13.
114 Ibid., par. 14.
115 Ibid.
116 Ibid.
117 Ibid.
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22-02934 21/120
domaines principaux : a) le droit de la mer ; b) la survivance de l’État ; c) la protection
des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
63. Les aspects relatifs au droit de la mer ont fait l’objet de la première note
thématique118 qui a été présentée par les Coprésidents en 2020 et examinée par le
Groupe d’étude, la Commission et la Sixième Commission en 2021. On trouvera le
résumé des délibérations de la Commission au chapitre IX de so n rapport annuel119 et
le résumé des débats en plénière de la Sixième Commission sur le même sujet dans
les comptes rendus analytiques correspondants120. Les travaux sur ce sujet subsidiaire
se poursuivront ultérieurement.
64. S’agissant de la survivance de l’État, le plan d’étude de 2018 dresse la liste
suivante des questions à examiner : a) Analyse des conséquences juridiques
éventuelles sur la survivance ou la disparition de l’État insulaire qui est entièrement
recouvert par la mer ou devient inhabitable ; b) Valeur juridique du renforcement des
îles au moyens de digues ou de la construction d’îles artificielles comme moyen
d’assurer la survie de l’État insulaire contre le risque que son territoire soit
complètement submergé ou devienne inhabitable ; c) Analyse de la fiction permettant
de soutenir que, en raison de la permanence des lignes de base et des frontières
établies par les traités, les décisions judiciaires et les sentences arbitrales, l’État
insulaire continuerait d’exister relativement au territoire maritime correspondant au
territoire terrestre qui relevait de sa souveraineté avant d’être complètement recouvert
par la mer ou de devenir inhabitable ; d) Analyse des conséquences juridiques
éventuelles du transfert − avec ou sans transfert de souveraineté − d’une bande ou
d’une partie du territoire d’un État tiers en faveur de l’État insulaire dont le territoire
terrestre risque d’être complètement submergé ou de devenir inhabitable, dans le but
de préserver son existence ou une forme quelconque de personnalité juridique
internationale ; e) Analyse des conséquences juridiques éventuelles de la fusion avec
un autre État de l’État insulaire en développement dont le territoire risque d’être
complètement submergé ou de devenir inhabitable, ou de la création entre eux d’une
fédération ou d’une association, afin de conserver à l’État insulaire son existence ou
une forme quelconque de personnalité juridique internationale121.
65. Concernant la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la
mer, la liste ci-après de questions à examiner est dressée dans le plan d’étude de 2018 :
a) Mesure dans laquelle les conséquences liées à l’élévati on du niveau de la mer sont
visées par le devoir qu’a l’État de protéger les droits fondamentaux de ses
ressortissants ; b) Application du principe de coopération internationale afin d’aider
les États à faire face aux effets préjudiciables de l’élévation d u niveau de la mer sur
leur population ; c) Existence de principes de droit international applicables aux
mesures à prendre par les États pour aider leur population à rester sur place en dépit
de l’élévation du niveau de la mer ; d) Existence de principes de droit international
applicables à l’évacuation, à la réinstallation et à la migration des personnes touchées
par les effets préjudiciables de l’élévation du niveau de la mer ; e) Principes
éventuellement applicables à la protection des droits fondamenta ux des personnes
déplacées à l’intérieur du pays ou qui migrent en raison des effets préjudiciables de
l’élévation du niveau de la mer122.
__________________
118 A/CN.4/740, Corr.1 et Add.1.
119 A/76/10.
120 A/C.6/76/SR.17 à A/C.6/76/SR.24. Le texte intégral de ces déclarations peut être consulté sur le
site Internet de la Sixième Commission, à l’adresse https://www.un.org/en/ga/sixth/.
121 A/73/10, annexe B, par. 16.
122 Ibid., par. 17.
A/CN.4/752
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B. Visée finale
66. Selon le plan d’étude de 2018, le Groupe d’étude procèdera à un « recensement
des questions juridiques soulevées par l’élévation du niveau de la mer et les questions
connexes. [...] Cet examen pourrait contribuer aux efforts déployés par la
communauté internationale pour faire face à ces questions et aider les États à élaborer
des solutions pratiques à leur égard »123.
67. Le plan d’étude indique également que les travaux aboutiront à un rapport final
du Groupe d’étude, assorti d’un ensemble de conclusions. Après la présentation du
rapport final du Groupe d’étude, « il y aurait lieu d’examiner la manière de poursuivre
le développement du sujet, en tout ou en partie, au sein de la Commission ou d ’autres
instances »124.
II. Méthodologie
68. Selon le plan d’étude de 2018, le Groupe d’étude analysera le droit international
en vigueur, y compris le droit international conventionnel et le droit coutumier,
conformément au mandat de la Commission du droit international, à savoir le
développement progressif du droit international et sa codification 125. Les travaux du
Groupe d’étude tiendront compte, suivant une démarche intégrée et systématique, de
la pratique des États, des traités et autres textes internationaux, de la jurisprudence
des juridictions internationales et nationales, ainsi que des études réalisées par les
spécialistes126.
69. D’autres questions de méthodologie et d’organisation ont été abordées au
Chapitre X du rapport annuel de la Commission en 2019127 et au Chapitre IX de son
rapport annuel de 2021128.
70. La pratique des États revêt une importance essentielle dans les travaux de la
Commission, y compris ceux du Groupe d’étude sur le présent sujet. Les Coprésidents
remercient vivement les États et les organisations internationales et autres organismes
concernés qui ont répondu à la demande de la Commission en communiquant des
exemples de cette pratique pour le chapitre III des rapports annuels 2019 et 2021 de
la Commission, s’agissant des sujets subsidiaires qui font l’objet de la présente note
thématique 129 . Les Coprésidents savent également gré au Secrétariat du concours
apporté à leurs recherches sur la pratique des États ainsi que la pratique des
organisation et organes internationaux concernés.
__________________
123 Ibid., par. 18.
124 Ibid., par. 26.
125 Ibid., par. 18.
126 Ibid., par. 20.
127 A/74/10, par. 263 à 273.
128 A/76/10, par. 245 et 246.
129 A/74/10, par. 31 à 33, et A/76/10, par. 26. Des communications ont été reçues des pays et entités
suivants : Belgique (23 décembre 2021) ; Fédération de Russie (17 décembre 2020) ; Fidji (au nom
des membres du Forum des îles du Pacifique, à savoir : Australie, Fidji, Îles Marshall, Îles Salomon,
Kiribati, Micronésie (États fédérés de), Nauru, Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-
Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu, et Vanuatu) (31 décembre 2021) ; Liechtenstein (12 octobre 2021),
Maroc (22 décembre 2021) et Tuvalu (au nom des membres du Forum des îles du Pacifique)
(30 décembre 2019) ; et Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC)
(3 janvier 2022) ; Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
(30 décembre 2021), Organisation maritime internationale (OMI) (11 octobre 2021), Programme des
Nations Unies pour l’environnement (PNUE) (6 décembre 2021) et Convention-cadre des Nations
Unies sur les changements climatiques (30 décembre 2021). Ces communications peuvent être
consultées à l’adresse : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms.
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71. Les Coprésidents engagent les États, les organisations internationales et les
autres organismes concernés à continuer de collaborer avec le Groupe d’étude et la
Commission, de manière formelle et informelle, afin de faire part de leur pratique et
de leur expérience en ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer au regard du
droit international.
Deuxième partie : réflexions sur le statut d’État
I. Introduction
72. L’élévation du niveau de la mer, comme l’a fait observer en octobre 2018 la
délégation du Viet Nam devant la Sixième Commission de l’Assemblée générale, est
devenue un phénomène planétaire, qui engendre des problèmes mondiaux, et don t les
répercussions concernent l’ensemble de la communauté internationale 130.
73. Toutefois, l’élévation du niveau de la mer n’est pas un phénomène uniforme : il
varie en effet d’une région à l’autre du monde131 et est particulièrement grave, par
exemple, dans le Pacifique occidental. Les États côtiers de faible altitude et, en
particulier, les petits États insulaires en développement, dont la population totalise
quelque 65 millions d’habitants, subissent directement les effets de ce phénomène.
Comme l’ont indiqué le Samoa et les Seychelles à la Sixième Commission, les petits
États insulaires en développement sont exposés à l’érosion, aux inondations et à la
salinisation des terres, dont les répercussions sont con sidérables sur
l’approvisionnement des populations en eau potable et, par voie de conséquence, sur
leur activité économique132.
74. L’Assemblée générale des Nations Unies, pour sa part, a mis en exergue la réelle
menace que constitue l’élévation du niveau de la mer pour la survie de certains petits
États insulaires en développement133 comme, par exemple, les Îles Marshall, Kiribati,
Nauru, les Palaos, les Maldives et les Tuvalu, dont la surface pourrait se trouver
entièrement recouverte par la mer ou devenir inhabitable134.
II. Critères constitutifs d’un État
A. Au titre de la Convention sur les droits et devoirs des États de 1933
75. S’il n’existe pas de notion de l’État généralement admise, les conditions à réunir
par l’État pour être considéré comme sujet (« personne ») de droit international aux
termes de l’article premier de la Convention sur les droits et devoirs des États, de
1933, servent généralement de référence : a) population permanente ; b) territoire
déterminé ; c) gouvernement ; d) capacité d’entrer en relations avec les autres États.
__________________
130 Viet Nam, A/C.6/73/SR.30, par. 48.
131 Communication de la FAO.
132 Samoa, A/C.6/73/SR.23, par. 65, et Seychelles, A/C.6/73/SR.24, par. 11.
133 Résolution 72/217 de l’Assemblée générale en date du 20 décembre 2017, onzième alinéa.
134 Jane McAdam et al., International Law and Sea-Level Rise: Forced Migration and Human Rights
[Droit international et élévation du niveau de la mer : migrations forcées et droits de l’homme]
(Lysaker, Institut Fridtjof Nansen, 2016), p. 7 à 9 ; Mariano J. Aznar Gómez, “El Estado sin
territorio: La desaparición del territorio debido al cambio climático” [L’État sans territoire :
Disparition de territoire provoquée par les changements climatiques], Revista Electrónica de
Estudios Internacionales, no 26 (2013), p. 6 et 7 ; Susin Park, “El cambio climático y el riesgo
de apatridia: La situación de los Estados insulares bajos” [Changements climatiques et risque
d’apatridie : La situation des États insulaires de basse altitude],Genève, Haut-Commissariat des
Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 2011, p. 11.
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La présente note thématique examine chacune de ces conditions, étant entendu que,
pour tenir compte de l’existence d’organisations internationales et d’autres entités
dotées de la personnalité juridique internationale, il a été jugé préférable d’utiliser,
pour la quatrième condition, la formule « capacité d’entrer en relations avec les autres
États et les autres sujets de droit international ».
76. La Convention sur les droits et devoirs des États est issue de la septième
Conférence internationale américaine, tenue en décembre 1933 dans la capitale
uruguayenne dans un contexte – le début de la politique de « bon voisinage » du
Président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, à l’égard de l’Amérique latine
qui venait de connaître au XIXe siècle et au début du XXe siècle, une série
d’interventions des États-Unis – où la question centrale, pour les participants,
consistait à réfléchir à la manière d’aborder le principe de non-intervention135. Une
analyse des procès-verbaux de la Conférence livre un détail important : le fait que la
teneur de l’article premier de la Convention, lui, n’a pas donné lieu à des débats
considérables parce qu’il traduisait des principes partagés par tous les États
américains, et qu’il a été approuvé à l’unanimité par les délégations des États
représentés à la Conférence136.
1. Population permanente
77. Quel que soit le nombre, élevé ou réduit, de ses habitants, l’État doit avoir une
population permanente installée sur son territoire. Cette population comprend à la fois
des nationaux et des étrangers, bien que la majorité des personnes qui la composent
possèdent généralement la nationalité de cet État.
78. La nationalité, en tant que lien juridique des individus avec l ’État, est
déterminée conformément au droit interne de ce dernier, même si, dans certains cas,
des questions de nationalité peuvent faire l’objet de traités entre les États concernés.
79. La nationalité peut être originaire – fondée sur l’application des critères de ius
soli ou de ius sanguinis, selon ce que dispose la législation en vigueur dans chaque
État – ou acquise, en fonction des conditions établies à cet égard dans la législation
interne de chaque État et dans les traités éventuellement conclus sur la question e ntre
certains États137.
80. Il arrive que se présentent des cas de nationalités originaires multiples, lorsque,
par exemple, l’on acquiert iure soli la nationalité d’un État et, en même temps, en
vertu du ius sanguinis, celle d’un autre État, mais aussi lorsque l’on acquiert
secondairement la nationalité d’un État sans perdre sa nationalité d’origine ou sans
devoir y renoncer.
81. L’État exerce une compétence personnelle sur ses ressortissants. Comme on l ’a
vu plus haut au paragraphe 79, la détermination des titulai res de la nationalité et les
__________________
135 Final Act of the Seventh International Conference of American States , Montevideo, 19 décembre
1933 ; Report of the Second Subcommittee on Rights and Duties of States to the Second
Commission of the Seventh International Conference of American States [Rapport du deuxième
sous-comité sur les droits et devoirs des États à la Deuxième Commission de la septième
Conférence internationale des États américains], Actas y Antecedentes de la Segunda Comisión
(Montevideo, décembre 1933), p. 177 et 178.
136 Final Act of the Seventh International Conference of American States (voir supra note 135), p. 82 ;
Report of the Second Subcommittee on Rights and Duties of States to the Second Commission of
the Seventh International Conference of American States, Actas y Antecedentes de la Segunda
Comisión (Montevideo, 22 décembre 1933) ; Record of the Third Plenary Session of the Seventh
International Conference of American States [Minutes de la troisième séance plénière de la
septième Conférence], ibid., p. 57.
137 Par. 1 à 3 du commentaire de l’article 4 du projet d’articles sur la protection diplomatique,
Annuaire de la Commission du droit international 2006, vol. II (2e partie), par. 50.
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modalités d’acquisition de celle-ci – primaire (à l’origine) ou secondaire –, relèvent
du système juridique de l’État. Ce dernier a une compétence exclusive en la matière,
bien que la question de savoir si la nationalité d ’un État est opposable aux États tiers
puisse dépendre de l’existence d’un lien effectif avec cet État.
82. À cet égard, s’agissant de la protection diplomatique, la Cour internationale de
Justice, dans l’affaire Nottebohm, a opéré une distinction entre les effets de
l’acquisition d’une nationalité à l’intérieur de l’État qui l’avait accordée, et les effets
que cette acquisition pouvait avoir en termes d’opposabilité à un autre État 138.
83. La compétence personnelle de l’État s’applique à la fois aux nationaux présents
sur son territoire, qui sont aussi, bien sûr, soumis à la compétence territoriale de
l’État139 – puisque la possibilité d’occuper certains emplois publics peut être limitée
à ceux qui ont la nationalité de l’État voire même à ses seuls nationaux d’origine –,
et à ceux qui se trouvent hors de l’État. En ce qui concerne ces derniers, l’État
territorial est sans doute également compétent, mais l’État de nationalité prend
diverses mesures à leur égard, notamment l’enregistrement à l’état civil, la délivrance
de certains documents, l’assistance consulaire, la protection consulaire et la
protection diplomatique.
84. En outre, il convient d’examiner des cas comme celui de l’Union européenne,
où, à la qualité de national de chaque État membre – déterminée en vertu des
dispositions de leur législation interne respective – s’ajoute la qualité de citoyen de
l’Union européenne. En conséquence, les nationaux ont, entre autres droits, la liberté
de circuler et de résider dans n’importe quel État membre, en plus de la possibilit é
d’être électeurs et élus sur les listes du Parlement européen de l’État de résidence, et
de voter et d’être élus aux élections municipales de l’État de résidence, et de la
possibilité de se prévaloir, sur le territoire d’un pays tiers où l’État membre do nt ils
sont nationaux n’est pas représenté, de la protection des autorités diplomatiques et
consulaires de tout État membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet
État140.
85. Dans le cas d’une pluralité de nationalités, selon les articles adoptés p ar la
Commission du droit international en 2006, tout État dont une personne ayant une
double ou multiple nationalité a la nationalité peut exercer la protection diplomatique
à l’égard de cette personne à l’encontre d’un État dont elle n’a pas la nationalité, avec
la particularité que deux ou plusieurs États dont une personne a la nationalité peuvent
exercer conjointement la protection diplomatique à l ’égard de cette personne 141 .
Cependant, un État dont une personne a la nationalité ne peut exercer la protec tion
diplomatique à son égard contre un autre État dont cette personne a également la
nationalité, à moins que la nationalité prépondérante de celle -ci soit celle du premier
État en question tant à la date du préjudice qu ’à la date de la présentation officielle
__________________
138 Affaire Nottebohm (deuxième phase), arrêt du 6 avril 1955, C.I.J. Recueil 1955, p. 4, aux pages 21
à 24.
139 Annuaire de la Commission du droit international 1997, vol. I, p. 11, 2475e séance, par. 45, et
Annuaire de la Commission du droit international 1952, vol. II, p. 7, par. 2 (en anglais).
140 Voir la version consolidée du traité sur l’Union européenne art. 55, la version consolidée du traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 20 à 24, et la Charte des droits fondamentaux de
l’Union européenne, Journal officiel de l’Union européenne (2016/C 202/01 et 2016/C 202/02
respectivement), consultables à l’adresse https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/
?uri=OJ:C:2016:202:FULL&from=ES (consulté le 25 février 2022).
141 Article 6 des articles sur la protection diplomatique, Annuaire de la Commission du droit
international 2006, vol. II (2e partie), par. 49, et résolution 62/67 de l’Assemblée générale en date
du 6 décembre 2007.
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de la réclamation142. Les affaires concernant Raphaël Canevaro143, Florence Strunsky-
Mergé144, et les doubles nationaux irano-américains sont des exemples de ce cas de
figure145.
86. La nationalité, conformément à l’article 15 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme de 1948, est un droit fondamental reconnu à tout individu 146. Il
vaut la peine de souligner à cet égard les efforts déployés par la communauté
internationale pour éviter des situations d’apatridie, comme en témoignent par
exemple le paragraphe 3 de l’article 24 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques de 1966147, qui reconnaît le droit de l’enfant à une nationalité, et des
instruments adoptés sur la question tels que la Convention sur la réduction des ca s
d’apatridie de 1961148. Cette dernière prévoit, par exemple, que tout État contractant
octroie la nationalité à une personne qui, faute de cela, serait apatride, y compris les
enfants trouvés nés sur le territoire de l’État et qui, jusqu’à preuve du contraire, sont
présumés nés de parents possédant la nationalité de cet État, ainsi que ceux qui ne
sont pas nés sur le territoire d’un État contractant si, au moment de leur naissance,
l’un des parents était un national de cet État. D’autre part, un(e) ressort issant(e) d’un
État contractant demandant sa naturalisation dans un pays étranger ne perd pas sa
nationalité à moins qu’elle ou il n’acquière ou n’ait reçu l’assurance d’acquérir la
nationalité de ce pays, et les États contractants ne doivent pas priver un e personne de
sa nationalité si cette privation la rendrait apatride.
87. Enfin, il convient également de souligner que les articles sur la protection
diplomatique adoptés par la Commission du droit international prévoient
expressément qu’un État peut exercer la protection diplomatique à l’égard d’une
personne apatride ou d’une personne à laquelle il reconnaît la qualité de réfugié,
conformément aux critères internationalement acceptés, si cette personne, à la date
du préjudice et à la date de la présentation officielle de la réclamation, a sa résidence
habituelle sur son territoire149.
2. Territoire déterminé
88. Le territoire est l’espace physique concret – quelle que soit sa taille – où l’État
exerce sa souveraineté et sa juridiction, et qui comprend les zones continentales et
insulaires, la mer adjacente à ses côtes, y compris les eaux intérieures, définies par
l’utilisation de lignes de base droites, les eaux archipélagiques lorsqu ’elles existent,
et la mer territoriale, ainsi que l’espace aérien surjacent.
__________________
142 Article 7 des articles sur la protection diplomatique, Annuaire de la Commission du droit
international 2006, vol. II (2e partie), par. 49.
143 Affaire Canevaro (Italie c. Pérou), sentence du 3 mai 1912, Cour permanente d’arbitrage, Nations
Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 397 à 410.
144 Affaire Mergé, Décision no 55 du 10 juin 1955, Commission de conciliation italo-américaine,
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XIV, p. 236 à 248.
145 Islamic Republic of Iran v. United States of America, Tribunal des différends irano-américains,
Iran-États-Unis, Iran-United States Claims Tribunal, Décision, Affaire no A/18 du 6 avril 1984,
consultable à l’adresse : https://iusct.com/cases/a18-decision-no-32-6-april-1984/ (consulté le
25 février 2022).
146 Déclaration universelle des droits de l’homme, Assemblée générale, résolution 217 A (III) du
10 décembre 1948.
147 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (New York, 16 décembre 1966), Nations
Unies, Recueil des Traités, vol. 999, no 14668, p. 171.
148 Convention sur la réduction des cas d’apatridie (New York, 30 août 1961), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 989, no 14458, p. 175.
149 Article 7 des articles sur la protection diplomatique, Annuaire de la Commission du droit
international 2006, vol. II (2e partie), par. 49.
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89. Le territoire peut être vaste, réduit ou même exigu, continu ou discontinu, au
sens où il n’y a pas de continuité géographique entre plusieurs de ses parties, comme
c’est le cas des États de l’Alaska et d’Hawaï, aux États-Unis d’Amérique, et il peut
aussi être totalement enclavé dans le territoire d’un autre État, comme les États de la
Cité du Vatican, du Lesotho, ou de Saint-Marin, par exemple.
90. Le territoire d’un État ou ses délimitations peuvent faire l’objet de différends
avec d’autres États, car il n’est pas nécessaire qu’aient été définies les frontières de
l’État pour considérer qu’il existe150. De même, il n’y a pas de perte ou de disparition
du territoire d’un État qui, en période de conflit, se trouve totalement ou partiellement
sous occupation. À cet égard, à l’annexe de la Convention concernant les lois et
coutumes de la guerre sur terre du 18 octobre 1907, l’article 42 du Règlement du
même nom précise qu’un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve
placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie et que l’occupation ne s’étend qu’aux
territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer 151.
91. L’État a également des droits souverains et une juridiction sur des espaces
marins comme la zone économique exclusive et le plat eau continental, tels que les
définit la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, dont plusieurs
règles ont également le caractère de droit international coutumier 152.
92. En même temps, l’État exerce des compétences extraterritoriales vis -à-vis des
navires ou aéronefs battant son pavillon et enregistrés ou immatriculés sur son
territoire, même quand ils se trouvent hors de l’aire géographique relevant de sa
souveraineté ou de ses droits souverains et de sa juridiction, comme c’est le cas en
haute mer153.
93. L’État a en outre compétence à l’égard des étrangers présents sur son territoire.
En même temps, relèvent de l’État territorial deux attributs fondamentaux que sont la
plénitude et l’exclusivité, qui reposent sur l’égalité entre les États et l e principe de
non-intervention, s’agissant précisément de l’exercice par l’État des compétences
territoriales. L’État a la plénitude et l’exclusivité de la juridiction sur son territoire
dans les domaines exécutif, législatif et judiciaire, les États tiers ne pouvant prendre
la moindre mesure sans son autorisation ou son consentement ou en l’absence de
dispositions du droit international qui le permettent. Cela n’exclut pas que puisse
exister sur un territoire donné un condominium reposant sur des traités c onclus entre
les États concernés, comme c’est le cas, par exemple, entre l’Espagne et la France
pour l’île des Faisans (ou île de la Conférence), située sur le fleuve Bidassoa, où
s’exerce en alternance tous les six mois l’administration de l’un et l’autre pays154.
__________________
150 Crawford, The Creation of States (voir supra note 29), p. 46, 47, et 48 à 52, et Juan José Ruda
Santolaria, Los Sujetos de Derecho Internacional: El Caso de la Iglesia Católica y del Estado de
la Ciudad del Vaticano [Les sujets de droit international : le cas de l’Église catholique et de l’État
de la Cité du Vatican] (Lima, Fondo Editorial de la Pontificia Universidad Católica del Perú,
1995), p. 38 et 39.
151 Convention IV concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son annexe, le Règlement
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye, 18 octobre 1907), James Brown
Scott (dir.), The Hague Conventions and Declarations of 1899 and 1907 , 3e éd. (New York,
Oxford University Press, 1918), p. 100.
152 Voir la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 10 décembre 1982),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1833, no 31363, p. 3, art. 55 et 56, et 76 et 77.
153 Voir Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, art. 91.
154 Traité entre la France et l’Espagne pour déterminer la frontière depuis l’embouchure de la
Bidassoa jusqu’au point où confinent le département des Basses-Pyrénées l’Aragon et la Navarre
(Bayonne, 2 décembre 1856), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1142, no 838, p. 317 ;
Convention additionnelle au Traité susmentionné entre l’Espagne et la France (réglementant la
juridiction de l’île des Faisans) (Bayonne, 27 mars 1901), ibid.
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94. Par ailleurs, il convient de ne pas perdre de vue que l ’État peut exercer sa
juridiction dans des zones ou des espaces géographiques qui ne font pas à proprement
parler partie de son territoire. Le cas des colonies en est une illustration, puisqu’ elles
sont sous la juridiction et l’administration de puissances coloniales sans que cela
implique qu’elles fassent partie des territoires de ces puissances 155.
95. Enfin, l’État peut autoriser l’existence de bases militaires d’États tiers sur son
territoire. Cette autorisation repose généralement sur un traité, qui détermine les
conditions dans lesquelles ces bases fonctionneront, la durée de la concession, le
montant éventuel de la compensation financière ou du loyer correspondant, ainsi que
le régime juridique auquel le personnel militaire et civil – national ou étranger – est
soumis dans les zones couvertes par ces bases.
3. Gouvernement
96. La référence au gouvernement renvoie à l’organisation politique qui régit l’État
et y exerce les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. À cet égard, il est essentiel
que l’État dispose de son propre système juridique, en vertu duquel il s’organise ;
y sont soumis les ressortissants et les étrangers présents sur son territoire, à l’égard
desquels les tribunaux de l’État sont compétents.
97. La forme adoptée par l’organisation politique dépend des caractéristiques et de
la réalité de chaque État, au point qu’elle peut changer à la suite d’une décision prise
librement par l’État lui-même, sans modifier la personnalité juridique internationale
de l’État. Ainsi, un État peut être soit une monarchie, soit une république, il peut être
à structure unitaire ou complexe, comme c’est le cas d’une fédération, sans que rien
ne limite sa capacité d’adopter une autre forme d’organisation politique. Dans le
même temps, l’État conserve sa personnalité internationale malgré les noms différents
qu’il prend au fil du temps, comme le montrent les cas du Bénin, de l’État
plurinational de Bolivie, du Burkina Faso, du Cambodge e t de l’Eswatini156.
98. L’existence d’un gouvernement, qui exerce également un contrôle effectif sur le
territoire et la population, revêt une importance particulière pour déterminer si un État
existe en tant que tel et, sur cette base, pour le reconnaître. Tou tefois, dans certaines
circonstances, par exemple lorsqu’un nouvel État est constitué en vertu de l’exercice
par son peuple de son droit à l’autodétermination, il se peut que l’action du
gouvernement soit soutenue ou appuyée par d’autres États amis ou orga nisations
internationales qui permettent à l’État de fonctionner et de s’acquitter de ses
principales fonctions à l’égard de la population vivant sur son territoire. Dans ces
situations, en raison de la nature exceptionnelle des circonstances, l’existence de
l’État n’est pas remise en question même si le gouvernement, par lui -même, n’est pas
capable de remplir ou d’accomplir toutes les tâches qui lui incombent. Toutefois, les
mesures prises dans ces cas par les autres États et organisations internationales,
comme l’Organisation des Nations Unies, revêtent un caractère temporaire et ne
portent pas atteinte à la souveraineté et à l’intégrité de l’État ni à la capacité de son
gouvernement de prendre ses propres décisions157.
99. Il convient également de préciser que, si certains traités font référence aux
gouvernements lorsqu’ils désignent les parties, les sujets de droit international visés
par ces instruments sont les États, dont la structure politique comprend un
gouvernement qui agit en leur nom et les lie au niv eau international.
__________________
155 Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, résolution 2625 (XXV)
de l’Assemblée générale en date du 24 octobre 1970, annexe.
156 Crawford, The Creation of States (voir supra note 29), p. 679 et 680.
157 Ibid., p. 55 à 58.
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100. En outre, il est très important d’appeler l’attention sur le fait que, dans des
situations exceptionnelles, lorsque le territoire de l ’État se trouve sous l’occupation
d’une puissance tierce, la représentation de cet État peut échoir à un gouvernement
en exil158. À titre d’exemple, comme on le verra plus loin, ce fut le cas de certains
États pendant la Première et la Deuxième guerres mondiales, ainsi que du
Cambodge – alors appelé Kampuchea démocratique – après l’invasion vietnamienne
de décembre 1978 et la mise en place en janvier 1979 d ’un gouvernement contrôlé
par les forces d’occupation ; il en va de même du Koweït, entre 1990 et 1991, après
son invasion et son annexion par l’Iraq159.
4. Capacité d’entrer en relations avec les autres États et les autres sujets de droit
international
101. La capacité qu’a l’État d’entrer en relations avec les autres États et les autres
sujets de droit international est liée à sa souveraineté, qui trouve son expression
extérieure dans son indépendance. L’État est indépendant, non subordonné au pouvoir
d’une autre puissance, autonome et directement soumis au droit international. En ce
sens, les limites de la capacité de l’État résident dans la souveraineté des autres États,
ainsi que dans le respect des normes et des principes du droit international.
102. L’État a une personnalité juridique internationale propre, dans la mesure où lui
reviennent directement, en vertu du droit international, des droits et des obligations.
En conséquence de leur caractère souverain et indépendant, les États sont
juridiquement égaux entre eux et aucun acte relevant de l’immixtion ou de l’ingérence
dans leurs affaires intérieures n’est autorisé.
103. Parmi les formes que revêt l’exercice de la capacité de l’État d’entrer en
relations avec les autres sujets de droit international figure nt le droit de légation, base
des relations diplomatiques, dans sa double dimension active et passive ; le droit
d’entretenir des relations consulaires, également actif et passif ; la participation en
qualité de membre à des organisations internationales ; la conclusion de traités ; la
responsabilité internationale pour les actes illicites de l ’État lui-même et de ses
agents ; le fait de jouir d’immunités et de privilèges en vertu du droit international ;
__________________
158 Crawford, The Creation of States…(supra note 29), p. 97 à 99, 106 et 107 ; Thomas D. Grant,
« Defining statehood: the Montevideo Convention and its discontents », Columbia Journal of
Transnational Law, vol. 37, no 2 (1999), p. 403 à 457, à la page 435 ; Jenny Grote Stoutenburg,
« When do States disappear? Thresholds of effective statehood and the continued recognition of
‘deterritorialized’ island States » [Quand y a-t-il disparition d’un État ? Conditions minimales
d’existence de l’État et continuité de reconnaissance d’États insulaires « déterritorialisés »], in
Michael B. Gerrard et Gregory E. Wannier (dir.), Threatened Island Nations: Legal Implications of
Rising Seas and a Changing Climate [États insulaires menacés : conséquences juridiques de
l’élévation du niveau des mers et des changements climatiques] (Cambridge, Cambridge
University Press, 2013), p. 59, et 72 à 76 ; Park, « El cambio climático y el riesgo de apatridia »
(supra note 134), p. 11 ; Stefan Talmon, « Who is a legitimate government in exile? Towards
normative criteria for governmental legitimacy in international law » [Quel est le gouvernement en
exil légitime ? Pour des critères normatifs de légitimité des gouvernements en droit international],
in Guy Goodwin-Gill et Stefan Talmon (dir.), The Reality of International Law. Essays in Honour
of Ian Brownlie, (Oxford, Oxford University Press, 1999), p. 499 à 537.
159 Crawford, The Creation of States (voir supra note 29), p. 97 à 99 ; Grote Stoutenburg, « When do
States disappear?” (voir supra note 158), p. 59, 69 et 70, et 74 et 75 ; John Hiden, Vahur Made et
David J. Smith (dir.), The Baltic Question during the Cold War [La question balte durant la guerre
froide] (New York, Routledge, 2008) ; Lauri Mälksoo, « Professor Uluots, the Estonian
Government in exile and the continuity of the Republic of Estonia in international law » [Le
Professeur Uluots, le Gouvernement estonien en exil et la continuité de la République d ’Estonie en
droit international], Nordic Journal of International Law, vol. 69, no 3 (mars 2000), p. 289 à 316 ;
Park, « El cambio climático y el riesgo de apatridia » (supra note 134), p. 11 à 13 ; Romain
Yakemtchouk, « Les Républiques baltes en droit international. Echec d’une annexion opérée en
violation du droit des gens », Annuaire français de droit international, vol. 37 (1991), p. 259 à 289.
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et le règlement des différends, que ce soit par des moyens politiques ou diplomatiques,
d’une part, ou par des moyens juridictionnels, d’autre part, conformément au système
international en vigueur. Par ailleurs, l’État a la capacité d’exercer sa légitime
défense, conformément au droit international, afin d e préserver son intégrité et son
indépendance, y compris contre d’autres États qui ne le reconnaissent pas.
B. D’après les résolutions de 1936 de l’Institut de droit international
104. Conformément à l’article premier des Résolutions concernant la reconnaissance
des nouveaux États et des nouveaux gouvernements, adoptées en avril 1936 par
l’Institut de droit international :
La reconnaissance d’un État nouveau est l’acte libre par lequel un ou plusieurs
États constatent l’existence sur un territoire déterminé d’une société humaine
politiquement organisée, indépendante de tout autre État existant, capable
d’observer les prescriptions du droit international, et manifestent en conséquence
leur volonté de la considérer comme membre de la Communauté internationale.
La reconnaissance a un effet déclaratif ;
L’existence de l’État nouveau, avec tous les effets juridiques qui s ’attachent à
cette existence, n’est pas affectée par le refus de reconnaissance d’un ou
plusieurs États160.
105. Comme on peut le constater, il y a dans ce texte des coïncidences indéniables
avec les éléments contenus dans l’article premier de la Convention sur les droits et
devoirs des États, dans la mesure où il y est indiqué que le nouvel État comporte une
société politiquement organisée sur un territoire donné, et que cette société est
indépendante de tout autre État existant et capable de respecter les obligations du droit
international. Il importe de noter ce détail : il s’agit d’un État nouveau, ce qui signifie
que les conditions préalables permettant de le considérer comme tel doivent être
réunies au moment de sa création ou de sa constitution. Par ailleurs, il faut souligner
le caractère déclaratif de la reconnaissance de l’État nouveau et le fait que l’existence
du nouvel État, avec tous les effets juridiques qui s’attachent à cette existence, n’est
pas affectée par le fait qu’un ou plusieurs États refusent de le reconnaître.
C. D’après le projet de déclaration de 1949 sur les droits et devoirs
des États
106. Dans sa résolution 375 (IV) du 6 décembre 1949, l’Assemblée générale a pris
acte du projet de déclaration sur les droits et devoirs des États élaboré par la
Commission du droit international à sa première session161, lequel, s’il ne comporte
pas la notion d’État ni ne décrit les conditions à réunir pour que l’État soit considéré
comme tel, comprend dans ses deux premiers articles des éléments qui relèvent
indubitablement de la nature de l’État. Ces articles disposent ce qui suit :
__________________
160 Institut de droit international, « Résolutions sur la reconnaissance des nouveaux États et des
nouveaux gouvernements » (Bruxelles, avril 1936), consultable sur le site de l’Institut, à l’adresse
https://www.idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1936_brux_01_fr.pdf, p. 185 à 187.
161 Annuaire de la Commission du droit international 1949 (en anglais), p. 287. En français, voir
Documents officiels de l’Assemblée générale, quatrième session, supplément no 10 (A/925), p. 9.
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Article premier
Tout État a droit à l’indépendance et, par suite, le droit d’exercer librement, sans
aucune pression de la part d’un autre État, toutes ses compétences juridiques,
y compris le choix de la forme de son gouvernement.
Article 2
Tout État a le droit d’exercer sa juridiction sur son territoire ainsi que sur toutes
les personnes et choses qui s’y trouvent, sous réserve des immunités consacrées
par le droit international.
107. Il est donc fait référence au droit qu’a tout État d’exercer sa juridiction sur son
territoire et sur toutes les personnes et choses qui s ’y trouvent (ce qui comprend la
population et les ressources biologiques ou non biologiques du territoire), ainsi qu ’au
droit qu’a l’État à l’indépendance, au libre exercice de ses compétences juridiques et
au choix de la forme de son gouvernement et ce, en l ’absence de toute pression de la
part d’un autre État mais en même temps sans préjudice des immunités consacrées
par le droit international.
D. D’après le projet d’articles de 1956 sur le droit des traités
108. Le projet d’articles sur le droit des traités présenté en 1956 à la Commission du
droit international par le Rapporteur spécial sur la question, Gerald Fitzmaurice,
comprend, en son article 3, intitulé « Quelques définitions connexes », les éléments
de définition suivants :
Aux fins du présent Code :
a) En dehors des collectivités dont la qualité d’États est reconnue à titre spécial,
le terme « État » :
i) Désigne une collectivité comprenant une population habitant un territoire
déterminé, placée sous un système de gouvernement organisé, et ayant la capacité
d’entretenir des relations internationales lui imposant des obligations en sa qualité,
soit directement, soit par l’intermédiaire d’un autre État ; toutefois, cela ne préjuge
en rien la question de savoir par quelle méthode ou par quelles voies un traité doit
être négocié pour le compte d’un État donné – ce qui dépend de sa situation et de
ses liens internationaux ;
ii) Désigne également le gouvernement de l’État […]162
109. Hormis le fait que cette dernière définition n’a été reprise ultérieurement ni dans
les travaux de la Commission sur la question ni, en 1969, dans la Convention de
Vienne sur le droit des traités163 et que, compte tenu de l’époque à laquelle elle a été
proposée, elle fait également référence aux « États protégés », certains éléments de
cette définition sont compatibles avec l’article premier de la Convention sur les droits
et devoirs des États. Il faut noter à cet égard qu’il est ici question d’une collectivité
constituée d’une population habitant un territoire déterminé, placée sous un système de
gouvernement organisé, et ayant la capacité d’entretenir des relations internationales lui
imposant, à ce titre, des obligations, ainsi que le fait que la définition englobe expressément,
comme il a été dit plus haut, le gouvernement de l’État.
__________________
162 Annuaire de la Commission du droit international 1956, vol. II, document A/CN.4/101, par. 10,
p. 110.
163 Convention de Vienne sur le droit des traités (Vienne, 23 mai 1969), Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1155, no 18232, p. 331.
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E. Dans les avis de la Commission d’arbitrage de la Conférence
internationale de 1991 sur l’ex-Yougoslavie
110. Dans l’avis no 1 rendu le 29 novembre 1991 par la Commission d’arbitrage de
la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie (la « Commission Badinter ») en
réponse à la lettre que lui avait adressée, le 20 novembre 1991, le Président de la
Conférence pour la paix en Yougoslavie, Lord Carrington, figure l ’indication
suivante : « l’État est communément défini comme une collectivité qui se compose d’un
territoire et d’une population soumis à un pouvoir politique organisé ; il se caractérise par la
souveraineté »164.
111. Comme on peut le constater, la définition prise comme référence par la
Commission Badinter est tout à fait conforme aux dispositions de l ’article premier de
la Convention sur les droits et devoirs des États, dans la mesure où l’État est conçu
comme une collectivité composée d’un territoire et d’une population, soumis à une
autorité politique organisée, caractérisée par la souveraineté.
III. Quelques exemples représentatifs de l’action des États
et des autres sujets de droit international
112. Il ne s’est pas produit à ce jour de situation dans laquelle le territoire d’un État
ait été entièrement recouvert par la mer ou soit devenu inhabitable. Toutefois,
l’histoire fournit quelques exemples, comme le Saint -Siège et l’Ordre souverain de
Malte, dans lesquels des entités exerçant leur juridiction sur des territoires déterminés
– les États pontificaux et l’île de Malte, respectivement – se sont vues privées de ces
territoires et n’en ont pas moins conservé leur personnalité juridique internationale.
Par ailleurs, on rencontre au fil du temps différents cas dans lesquels une circonstance
exceptionnelle sur le plan intérieur ou bien l’occupation totale ou partielle du
territoire d’un État par une puissance étrangère ont conduit à l’installation dans un
État tiers d’un gouvernement en exil agissant pour le compte de l’État occupé ou placé
dans cette circonstance exceptionnelle.
A. Le Saint-Siège165
113. Le catholicisme est une confession religieuse dont les fidèles, dans le monde
entier, reconnaissent à la tête de leur Église l ’autorité spirituelle du pape. L’Église
__________________
164 Maurizio Ragazzi, « Conference on Yugoslavia Arbitration Commission: opinions on questions
arising from the dissolution of Yugoslavia », International Legal Materials, vol. 31, no 6
(novembre 1992), p. 1488 à 1526, à la page 1495.
165 Cette partie s’inspire des travaux ci-après du Coprésident : Juan José Ruda Santolaria, Los Sujetos
de Derecho Internacional (voir supra note 150) ; Juan José Ruda Santolaria, « La Iglesia Católica
y el Estado Vaticano como Sujetos de Derecho Internacional » [L’Église catholique et l’État du
Vatican en tant que sujets de droit international], Archivum Historiae Pontificiae – Pontificia
Universidad Gregoriana, no°35 (1997), p. 297 à 302 ; Juan José Ruda Santolaria, « Relaciones
Iglesia-Estado: Reflexiones sobre su marco jurídico » [Les relations entre l’Église et l’État :
Réflexions sur un cadre juridique], in Manuel Marzal, Catalina Romero et José Sánchez (dir.),
La Religión en el Perú al filo del milenio [La religion au Pérou au cours du millénaire] (Lima,
Fondo Editorial de la Pontificia Universidad Católica del Perú, 2000), p. 59 à 86 ; Juan José Ruda
Santolaria, « Vatican and the Holy See » [Le Vatican et le Saint-Siège], in Anthony Carty (dir.),
Oxford Bibliographies in International Law (New York, Oxford University Press, 2016). Les
publications suivantes, en particulier, ont également servi dans la rédaction de la présente partie :
Hyginus Eugene Cardinale, The Holy See and the International Order [Le Saint-Siège et l’ordre
international] (Gerrards Cross, Smythe, 1976) ; Carlos Corral Salvador, La relación entre la
Iglesia y la comunidad política [La relation entre l’Église et la communauté politique] (Madrid,
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catholique, qui a, de ce fait, une dimension universelle, dispose de structures de
gouvernement et d’une représentation internationale constituée par le Saint -Siège ou
Siège apostolique qui, à son tour, se compose du pape et de la curie romaine166. Au
sein de cette dernière figurent un dicastère, la Secrétairerie d’État, dont la seconde
section est responsable des rapports avec les États 167.
114. L’Église catholique est autonome et indépendante de tout autre pouvoir ou
autorité dans le monde. À cet égard, elle possède son propre système juridique, le
droit canonique, qui émane de ses organes et qui est directement applicable aux fidèles
dans les domaines dont il traite.
115. Pendant plusieurs siècles et jusqu’en 1870, le pape a conjugué les rôles de chef
de l’Église catholique universelle et de chef d’État des États pontificaux, qui
couvraient environ un tiers de la péninsule italienne et dont la capitale était Rome. Le
Saint-Siège exerçait alors le droit de légation, dans ses versions active et passive,
suivant en cela une pratique qui remontait à l’empire byzantin. Les représentants de
l’empire byzantin étaient en effet accrédités par le Saint -Siège auprès des États,
lesquels, de leur côté, ont commencé à accréditer des représentations diplomatiques
permanentes auprès du Saint-Siège dès la fin du XVe siècle. À ce propos, le
Règlement sur le rang entre les agents diplomatiques, inséré au protocole du Traité de
Paris, adopté à la séance du 19 mars 1815 du Congrès de Vienne168, a officialisé le
statut d’ambassadeur ou d’agent de première classe des nonces et légats ainsi que la
possibilité d’accorder la préséance aux représentants pontificaux afin qu’ils puissent
occuper le décanat du corps diplomatique dans les États auprès desquels ils étaient
accrédités.
116. En même temps, le Saint-Siège concluait des instruments de type traité
– généralement appelés concordats –, pour régler les affaires relatives au statut
__________________
Biblioteca de Autores Cristianos, 2003) ; Julio A. Barberis, « Sujetos del Derecho Internacional
vinculados a la actividad religiosa » [Sujets de droit international liés à une activité religieuse],
Anuario de Derecho Internacional Público (Buenos Aires, Université de Buenos Aires, Faculté de
droit et de sciences sociales, Institut de droit international public), vol. 1 (1981), p. 18 à 33 ;
Pío Ciprotti, « Santa Sede: su función, figura y valor en el Derecho Internacional » [Fonction et
intérêt de la figure du Saint-Siège en droit international], Concilium – Revista Internacional de
Teología (Madrid, Ediciones Cristiandad), no°58 (1970), p. 207 à 217. On pourra aussi visionner
utilement la conférence ci-après : Juan José Ruda Santolaria, « La Santa Sede y el Estado de la
Ciudad del Vaticano a la luz del derecho internacional » [Le Saint-Siège et l’État de la Cité du
Vatican au regard du droit international], Médiathèque de droit international, fichiers audio et
vidéo, 16 mai 2018, consultable (en espagnol) à l’adresse suivante : https://legal.un.org/avl/ls/
RudaSantolaria_IL.html.
166 Canon 361 du Code de droit canonique, Rome, 25 janvier 1983 [voir, en français,
https://www.droitcanonique.fr/codes/cic-1983-1/c-361-cic-1983-361] ; Canon 48 du Code des
Canons des Églises orientiales, Rome, 18 octobre 1990 [voir, en latin : http://w2.vatican.va/
content/john-paul-ii/la/apost_constitutions/documents/hf_jp-ii_apc_19901018_index-codex-caneccl-
orient.html, consulté le 25 février 2022) et, en français : https://www.droitcanonique.fr/codes/
cceo-1990-13/c-48-cceo-1990-4373).
167 Articles 39 à 47 de la Constitution apostolique Pastor Bonus, Rome, 28 juin 1988 [voir, en anglais
et en espagnol notamment, https://www.vatican.va/content/john-paul-ii/en/apost_constitutions/
documents/hf_jp-ii_apc_19880628_pastor-bonus.html (consulté le 25 février 2022), et, en
français, https://www.droitcanonique.fr/sources-droit/dcmodel-autresource-105-105].
Postérieurement à la rédaction de la présente note thématique, le pape François a promulgué, le
19 mars 2022, la Constitution apostolique Praedicate Evangelium, qui abroge et remplace la
Constitution Pastor Bonus avec effet le 5 juin 2022. Les articles 44 à 52 ont trait à la Secrétairerie
d’État, conçue comme secrétariat papal, et composée de trois sections, dont la Section des rapports
avec les États et les organisations internationales. Le texte de la nouvelle Constitution apostolique
peut être consulté (en italien) à l’adresse suivante : https://press.vatican.va/content/salastampa/it/
bollettino/pubblico/2022/03/19/0189/00404.html.
168 Voir articles 1 et 2 du Règlement sur le rang entre les agents diplomatiques, Congrès de Vienne
(19 mars 1815), Annuaire de la Commission du droit international 1956, vol. II, p. 136.
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juridique de l’Église catholique sur le territoire de l’État concerné ainsi que les
questions intéressant et l’Église et l’État ; le pape, quant à lui, intervenait dans le
règlement des différends entre les monarques chrétiens et officialisait les droits de ces
derniers sur des territoires déterminés, comme cela s’est produit, par exemple, dans
le cas des bulles émises en 1493 par le pape Alexandre VI après la découverte de
l’Amérique par Christophe Colomb, qui ont servi de base au Traité de Tordesillas
conclu l’année suivante entre l’Espagne et le Portugal. Le Saint -Siège, au nom des
États pontificaux, exerçait également le droit d’entretenir des relations consulaires,
dans sa double dimension active et passive.
117. Après la prise de Rome par les troupes du roi Victor-Emmanuel II, le
20 septembre 1870, et après que la ville fut proclamée capitale de l’Italie, le Saint -
Siège se trouva privé de fait du territoire sur lequel il avait ex ercé sa souveraineté et
sa juridiction. En signe de protestation, le pape s’enferma au Vatican, donnant
naissance à ce qui fut appelé la « question romaine », laquelle ne prit fin qu’avec la
signature, le 11 février 1929, du Traité du Latran entre le Saint-Siège et l’Italie, entré
en vigueur le 7 juin de la même année, par lequel la seconde reconnaissait la
souveraineté et le droit de propriété du premier sur la Cité du Vatican 169.
118. Entre-temps, le Parlement italien adopta la loi des Garanties sur les préroga tives
du souverain pontife et du Saint-Siège et sur les relations de l’État avec l’Église
(loi no 214) du 13 mai 1871170, rejetée par le Saint-Siège en raison, notamment, de
son caractère unilatéral et du fait que ne lui était reconnu qu’un droit d’usufruit sur le
Vatican et certains biens immobiliers. Concernant la question qui nous occupe, la « loi
des Garanties » portait toutefois reconnaissance par l’Italie du maintien du droit de
légation actif et passif du Saint-Siège, les représentants diplomatiques accrédités
auprès de lui se voyant accorder les mêmes faveurs et immunités que ceux qui étaient
accrédités auprès de l’Italie elle-même et les légats pontificaux recevant un traitement
et des privilèges équivalents à ceux prévus pour leurs homologues italie ns en voyage
à l’aller ou au retour.
119. Il vaut la peine de noter, à cet égard, que durant la période de 1870 à 1929, le
Saint-Siège a conservé sans interruption l’exercice du droit de légation, dans sa
double dimension active et passive, avec la particularit é que le nombre d’États qui
entretenaient des relations diplomatiques avec lui a augmenté au cours de la période.
Dans le cas d’un État comme la France, par exemple, ces relations diplomatiques se
sont poursuivies jusqu’en 1904, puis ont été interrompues pendant 17 ans, avant d’être
de nouveau rétablies en mai 1921, 8 ans avant l’entrée en vigueur du Traité du Latran.
120. Durant toute la période en question, le Saint-Siège a conclu des concordats avec
le Portugal (1886), la Colombie (1887), la Pologne (1925) et la Lituanie (1927),
notamment. Rappelons également la médiation assurée en 1885 par le pape Léon XIII
dans le différend opposant l’Espagne à l’Allemagne au sujet des îles Carolines, ainsi
que les efforts et démarches mis en oeuvre par le pape Benoît XV pour mettre fin à la
Première Guerre mondiale.
121. En ce qui concerne le droit d’entretenir des relations consulaires, le Saint-Siège,
en vertu de la conception rattachant ce droit à la survivance de la souveraineté
territoriale, n’a pas cherché à envoyer ou recevoir de consuls, mais il est éloquent que
__________________
169 Voir articles 2 et 3 du Traité entre le Saint-Siège et le Royaume d’Italie (1929), à l’adresse :
https://www.vaticanstate.va/phocadownload/leggi-decreti/TrattatoSantaSedeItalia.pdf (en italien,
consulté le 25 février 2022) ; disponible en français à l’adresse : https://mjp.univ-perp.fr/traites/
1929latran.htm.
170 Voir, concernant les prérogatives du souverain pontife et du Saint-Siège et les relations de l’État
avec l’Église : « Sulle prerogative del Sommo Pontefice e della Santa Sede, e sulle relazioni dello
Stato con la Chiesa (071U0214) », à l’adresse : https://www.gazzettaufficiale.it/eli/gu/1871/05/15/
134/sg/pdf (consulté le 25 février 2022).
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l’exequatur n’ait pas été retiré officiellement aux consuls du pape. Il convient
d’évoquer à cet égard le cas du Consul pontifical en poste à New York, que le
Gouvernement des États Unis a continué de traiter comme tel jusqu’à son décès, en
1895, et celui du Consul envoyé par le pape à Anvers, auquel le Gouvernement belge
a accordé l’exequatur en 1872, mais qui, tout en veillant au maintien par le pape de
ses attributions habituelles, a renoncé sans prendre ses fonctions 171.
122. À partir de l’entrée en vigueur du Traité du Latran, en 1929, le pape conjugue
les fonctions de chef de l’Église catholique universelle et de chef de l’État de la Cité
du Vatican. Dans la majorité des actes qu’il entreprend au niveau international, le
Saint-Siège agit en qualité d’organe de gouvernement et de représentant de l’Église.
Il exerce, dans ce cadre, le droit de légation, dans sa double version active et passive,
sachant que les nonces et internonces sont considérés dans la Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961 comme agents diplomatiques de première et
de deuxième classe, respectivement, et que la Convention envisage la possibilité de
reconnaître la préséance au représentant du Saint -Siège, à titre d’exception au critère
général d’ancienneté172.
123. Le Saint-Siège conclut des concordats et des accords de ce type avec des
États173, mais il est également partie à un certain nombre de traités multilatéraux, tels
que la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, la Convention
de Vienne sur les relations consulaires de 1963174 et la Convention de Vienne sur le
droit des traités de 1969. Il participe également aux travaux d’organisations
internationales175 , soit en tant que membre – comme à l’Agence internationale de
l’énergie atomique, dont il est également l’un des membres fondateurs – soit en tant
qu’observateur, comme à l’Organisation des Nations Unies. De surcroît, il agit, dans
le cadre de sa mission de paix, aux fins du règlement pacifique des différends, comme
cela s’est produit sous le pontificat de Jean-Paul II, sous la forme, d’abord, d’efforts
de bons offices, puis de la médiation offerte dans le différend portant sur la zone
australe entre l’Argentine et le Chili, qui a conduit au Traité de paix et d’amitié signé
par les deux États dans la Cité du Vatican le 29 novembre 1984176 et qui est placé sous
la « protection morale » du Saint-Siège.
124. En revanche, la Cité du Vatican remplit les conditions requises par la Convention
sur les droits et devoirs des États pour être considérée comme un État, en ce qu’elle a
un territoire en vertu du Traité du Latran de 1929, une population (composée de ceux
qui résident au Vatican ou possèdent la citoyenneté vaticane en raison des charges
exercées pour le compte du Saint-Siège ou la Cité du Vatican elle-même, et des
cardinaux résidant à Rome ou dans la Cité du Vatican), un gouvernement ou une
organisation politique (car la Cité du Vatican a ses organes de gouvernement et son
système juridique, qui comprend le droit canonique, mais aussi les normes vaticanes
proprement dites) et la capacité d’entrer en relations avec les autres États et les autres
__________________
171 Cardinale, The Holy See and International Order (voir supra note 165), p. 183, 283, 284 et 288, et
Adolfo Maresca, Las Relaciones Consulares [Les relations consulaires] (Madrid, Aguilar, 1974),
p. 34.
172 Voir article 14 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (Vienne, 18 avril 1961)
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, no 7310, p. 95.
173 Pour la liste des États avec lesquels le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques, se
reporter à l’adresse suivante : https://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/index_attivitadiplomatica_
it.htm (consulté le 25 février 2022).
174 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Vienne, 24 avril 1963), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 596, no 8638, p. 261.
175 Pour la liste des organisations internationales aux travaux desquelles le Saint -Siège participe, se
reporter à l’adresse suivante : https://www.vatican.va/roman_curia/secretariat_state/org-intern/
documents/rc_segstat_20100706_org-internaz-2009_it.html (consulté le 25 février 2022).
176 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1399, no 23392, p. 89.
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sujets de droit international177. Sur le plan international, il convient de noter que, en
vertu du Traité du Latran de 1929 et comme on a pu le constater pendant la Deuxième
Guerre mondiale, le territoire du Vatican est neutre et inviolable et que, conformément
aux dispositions de sa loi fondamentale, l’État de la Cité du Vatican est représenté par
la Secrétairerie d’État du Saint-Siège 178 . Concrètement, pour certains traités et
certaines organisations à caractère technique comme l’Union postale universelle et
l’Union internationale des télécommunications, le Saint -Siège agit au nom de l’État
de la Cité du Vatican179.
125. La Cité du Vatican n’est pas une fin en soi, mais constitue en pratique un
instrument ou un moyen de garantir l’indépendance du Saint -Siège vis-à-vis de tout
État ou autorité terrestre. Toutefois, comme on vient de le préciser, c’est sur le Saint -
Siège, en tant qu’organe de gouvernement et de représentation de l’Église catholique,
et non sur la Cité du Vatican, que repose fondamentalement le poids de l’action
internationale. Preuve en est que, dans la période comprise entre 1870 et 1929,
pendant laquelle il a été privé de fait de souveraineté sur tout territoire, le Saint -Siège
a continué à exercer le droit de légation, actif et passif, en concluant des accords ayant
la nature de traités et en agissant pour le règlement pacifique des différends.
B. L’Ordre souverain de Malte180
126. La naissance de l’Ordre souverain de Malte, au XI e siècle, coïncide avec la
fondation à Jérusalem d’un hôpital destiné aux pèlerins, à l’initiative de marchands
venus d’Amalfi, dans le sud de la péninsule italienne. Par la suite, un ordre de
chevalerie consacré à Saint Jean-Baptiste a été constitué et approuvé par le Saint-
Siège en 1113.
127. En plus de son action sociale, l’Ordre avait également un caractère militaire de
par sa participation active à la défense de la présence chrétienne e n Terre Sainte, et
ce, jusqu’à la prise de Saint-Jean d’Acre par les musulmans en 1291. À partir de cette
date, l’Ordre s’est réinstallé sur l’île de Chypre, puis, peu de temps après, en 1310,
sur l’île de Rhodes, où il a exercé sa juridiction jusqu’à la f in de 1522, date de la
conquête de l’île par les Turcs ottomans.
128. En 1530, Charles Ier d’Espagne – Charles Quint, dans le Saint-Empire romain
germanique – a accordé à l’Ordre, à la demande du pape, les îles de Malte et de Gozo
et la ville de Tripoli. À partir de ce moment et jusqu’en 1798, date à laquelle Malte
est envahie et occupée par les troupes françaises menées par Napoléon Bonaparte,
__________________
177 Voir la nouvelle loi fondamentale de l’État de la Cité du Vatican (Rome, 26 novembre 2000), à
l’adresse : https://www.vaticanstate.va/phocadownload/leggi-decreti/LanuovaLeggefondamentale.pdf
(en italien, consulté le 25 février 2022).
178 Voir le Traité entre le Saint-Siège et le Royaume d’Italie (1929), à l’adresse
https://www.vaticanstate.va/phocadownload/leggi-decreti/TrattatoSantaSedeItalia.pdf (en italien,
consulté le 25 février 2022).
179 Pour la liste des organisations internationales dont l’État de la Cité du Vatican est membre, se
reporter à l’adresse suivante : https://www.vaticanstate.va/it/stato-governo/rapporti-internazionali/
partecipazioni-ad-organizzazioni-internazionali.html (en italien, consulté le 25 février 2022).
180 Les publications suivantes, en particulier, ont servi à la rédaction de la présente partie :
Ruda Santolaria, Los Sujetos de Derecho Internacional (voir supra note 150), p. 70 à 74 ;
Piero Valentini, L’ordine di Malta. Storia, giurisprudenza e relazioni internazionali [L’Ordre de
Malte : Histoire, jurisprudence et relations internationales] (Rome, De Luca Editori d’Arte, 2016) ;
Charles d’Olivier Farran, « La Soberana Orden de Malta en el Derecho Internacional » [L’Ordre
souverain de Malte dans le droit international] (Lima, Ed. Lumen S.A., 1955). Le site Web officiel
de l’Ordre souverain de Malte a également été consulté pour les informations pertinentes : voir
https://www.orderofmalta.int/fr/ordre-de-malte/ (en français ; version espagnole consultée le
25 février 2022).
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l’île relève de la juridiction de l’Ordre. À cette époque, à tous égards, l’Ordre agissait
sur la scène internationale sur un pied d’égalité avec les États.
129. Après la perte par les chevaliers de l’île de Malte, qui revient aux Français, les
Britanniques chassent ces derniers. Plus tard, en dépit du Traité d’Amiens de 1802181
portant restitution de Malte aux chevaliers de l’Ordre, la Grande-Bretagne conserve
le contrôle de l’île.
130. La communication de la Fédération de Russie précise à cet égard ce qui suit
[traduction non officielle] :
[…] pendant une période de l’histoire russe, l’État a maintenu des relations
internationales avec une entité de type étatique qui a vait perdu son territoire.
Après la prise de Malte par Napoléon en 1798, l’État russe a poursuivi ses
relations avec l’Ordre de Malte pendant encore plusieurs décennies, jusqu’en
1817182.
131. En 1834, l’Ordre établit son siège à Rome, où il demeure à ce jour, s ans avoir
jamais exercé de nouveau de juridiction sur un quelconque territoire.
132. En outre, un détail très important, stipulé dans la sentence cardinalice du
24 janvier 1953 et la Constitution de l’Ordre de 1961183, est le double statut de l’Ordre
en tant que sujet de droit international et ordre religieux autorisé par le Saint -Siège.
Dans sa première dimension, c’est-à-dire en tant que sujet de droit international,
l’Ordre de Malte est en relations avec le Saint-Siège par l’intermédiaire de la
Secrétairerie d’État, tandis que dans la seconde, il est en relations avec le Saint -Siège
par l’intermédiaire des dicastères et des organes de la curie romaine chargés des ordres
religieux.
133. Depuis la perte de Malte en 1798, l’Ordre n’a plus de caractère militaire et
concentre son action sur l’aide sociale, rôle dans lequel il apporte un soutien précieux
en cas de catastrophes naturelles, d’urgences, de situations humanitaires et de conflits.
À cette fin, l’Ordre conclut des accords avec différents États dans lesquels il r éalise
cette assistance et ce travail humanitaire.
134. L’Ordre de Malte possède sa propre structure de gouvernement, dirigée par un
Grand Maître résidant à Rome, et son propre système juridique, la loi de l’Ordre de
Malte, constituée notamment de la Constitution de 1961 et du Code de 1966, tels que
modifiés. À la différence d’autres ordres de chevalerie constitués il y a des siècles
dans certains États européens et qui relevaient de la sphère de ces États, l’Ordre de
Malte, dans l’histoire comme aujourd’hui, quoique présent dans plusieurs États de
différents continents, n’est subordonné ou soumis à aucun d’entre eux.
135. L’Ordre de Malte, également connu sous le nom d’Ordre souverain militaire
hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, en raison des différents
lieux où il a eu son siège principal au cours de l’histoire, exerce le droit de légation
sous son double aspect : actif et passif. L’Ordre entretient ainsi des relations
diplomatiques avec plus de 100 États, ainsi qu’avec l’Union européenne. Les
__________________
181 Traité définitif de paix entre la République française, Sa Majesté le Roi d’Espagne et des Indes, et
la République batave, d’une part, et Sa Majesté le Roi du Royaume -Uni de la Grande-Bretagne et
d’Irlande, d’autre part (Amiens, 27 mars 1802), Alejandro del Cantillo (dir.), Tratados de paz y de
comercio desde el año 1700 hasta el día [Traités de paix et de commerce de 1700 à nos jours (en
espagnol)], Madrid, Imprenta de Alegria y Charlain, 1843, p. 702.
182 Communication de la Fédération de Russie, par. 35.
183 Charte constitutionnelle et Code de l’Ordre souverain militaire et hospitalier de Saint -Jean de
Jérusalem, de Rhodes et de Malte, promulgués le 27 juin 1961, modifiés par le Chapitre général
extraordinaire des 28-30 avril 1997 (texte officiel en italien publié dans le Bollettino Ufficiale de
l’Ordre, numéro spécial du 12 janvier 1998).
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informations susmentionnées communiquées par la Fédération de Russie indiquent
d’ailleurs que la Fédération de Russie a rétabli des relations officielles avec l’Ordre
de Malte par voie de protocole en date du 21 octobre 1992184.
136. Parallèlement, l’Ordre de Malte dispose de missions permanentes auprès de
l’Organisation des Nations Unies et de ses institutions spécialisées, ainsi que de
délégations ou de représentations auprès d’autres organisations internationales.
L’Ordre de Malte conclut également des traités avec différents États concernant
certains aspects de son travail d’aide humanitaire, principalement, et bénéficie de la
coopération de certaines organisations internationales pour mener à bien ce travail.
137. Enfin, il convient de noter que les organes administratifs et juridictionnels de
l’Italie, où l’Ordre a son siège principal depuis le XIXe siècle, en ont établi, dans
diverses déclarations, le caractère de sujet de droit international tout comme ils ont
établi l’inviolabilité et les autres immunités et privilèges s’attachant à ses locaux et
aux détenteurs des plus hautes fonctions de ses structures dirigeantes qui agissent en
son nom. Les arrêts du 10 mars 1932185 de la section unique de la Cour de cassation
italienne et du 13 mars 1935186 de sa première chambre civile sont particulièrement
signifiants à cet égard ; de même que, plus récemment, celui rendu le 13 février 1991
par la section civile de la Cour suprême, entre autres187.
C. Gouvernements en exil
138. Dans certaines situations exceptionnelles – territoire d’un État occupé par une
puissance tierce ou circonstances particulières compromettant gravement l’ordre
institutionnel de l’État –, il est arrivé, à différents moments de l’histoire, que se
constituent des gouvernements en exil qui, sans avoir le contrôle du territoire de l’État
en question ou même d’une grande partie de ce territoire, ont cependant assumé la
représentation internationale de cet État.
139. Le gouvernement de l’État placé dans ces circonstances exceptionnelles se
transporte sur un territoire relevant de la juridiction d’un État d’accueil, depuis lequel
il agit en exerçant son droit de légation, en concluant des traités, en participant à des
organisations internationales, en fournissant une assistance à ses ressortissants et en
prenant les mesures qui s’imposent pour préserver les avoirs, les biens, les droits et
les intérêts de son État à l’étranger.
140. Ce qui est signifiant, en l’occurrence, c’est le fait que, bien que n’exerçant aucun
contrôle sur la totalité ou sur une bonne partie du territoire, qui peut se trouver sous
l’occupation d’un État ou d’un groupe d’États, l’État concerné conserve ce statut
d’État. Il maintient sa personnalité juridique internationale en dépit de la situation
exceptionnelle qui est à l’origine de sa perte de contrôle du territoire, avec la
__________________
184 Communication de la Fédération de Russie, p. 13.
185 Sezioni unite: Udienza 10 marzo 1932, Pres. Barcellona P., Est. Casati, P. M. Giaquinto (concl.
conf.); S. O. Gerosolimitano, detto di Malta (Avv. Chiovenda, Gozzi) c. Brunelli (Avv. Scialoja,
Massari, Fanna), Tacoli (Avv. Carnelutti, Donatelli, Troiani), Tiepolo (Avv. Persi co, Zironda) e
Medina (Avv. De Notaristefani, Tagliapietra, Landi), Il Foro Italiano, vol. 57, première partie
(1932), p. 543 à 547.
186 Sezione I civile: Udienza 13 marzo 1935, Pres. ed est. Casati, P. M. Dattino (concl. diff.); Nanni
(Avv. Merolli) c. Pace (Avv. Astorri) e Sovrano Militare Ordine di Malta, Il Foro Italiano, vol. 60,
première partie (1935), p. 1485 à 1493.
187 Sezione I civile: Sentenza 5 novembre 1991, n. 11788, Pres. Corda, Est. Senofonte, P.M.
Donnarumma (concl. diff.); Sovrano militare Ordine di Malta (Avv. Marini) c. Min. Finanze (Avv.
dello Stato Olivo). Cassa Comm. trib. centrale 17 ottobre 1987, n. 7334, Il Foro Italiano, vol. 114,
première partie (1991), p. 3335 à 3337.
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particularité que l’existence d’un gouvernement en exil assumant la représentation de
l’État est une preuve de la permanence de l’État .
141. Comme le souligne à juste titre Stefan Talmon [traduction non officielle],
Selon l’opinion qui prédomine dans la littérature juridique, un « gouvernement
en exil » n’est pas un sujet de droit international mais l’« organe représentatif »
de la personne morale internationale qu’est l’État et, en tant que tel, le
dépositaire de sa souveraineté. Il ne peut donc logiquement y avoir de
« gouvernement », que ce soit en exil ou sur place, sans existence légale de
l’État que le gouvernement représente188.
142. Le cas du Gouvernement belge pendant la Première Guerre mondiale illustre
bien ce qui précède. Le 11 octobre 1914, le Président français Raymond Poincaré
donne au roi Albert Ier de Belgique l’assurance que : « le Gouvernement de la
République […] va immédiatement arrêter toutes les mesures nécessaires pour assurer
en France le séjour de Votre Majesté et de ses ministres en pleine indépendance et
souveraineté »189. Alors que le roi Albert Ier demeure à Veurne, à l’arrière du front de
l’Yser, dans la seule bande de territoire belge restée non occupée entre 1914 et 1918,
un Gouvernement belge en exil dirigé par le Premier Ministre, Charles de Broqueville,
assure la gestion des affaires dans le faubourg havrais de Sainte-Adresse, en France.
143. On peut également citer les exemples ci-après : l’Empereur Hailé Sélassié Ier
qui, après l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie en 1936, s’est d’abord réinstallé à
Jérusalem, durant le mandat britannique sur la Palestine, puis à Bath
(Royaume-Uni)190 ; et quelques gouvernements exilés durant la Deuxième Guerre
mondiale, dont ceux de la Belgique, de la Norvège et des Pays -Bas, établis à Londres ;
le Gouvernement luxembourgeois, installé à Montréal et à Londres ; le Gouvernement
grec, réfugié d’abord au Caire, puis à Londres ; le Gouvernement yougoslave, fixé
successivement à Jérusalem, à Londres, au Caire puis de nouveau à Londres 191; enfin,
le Gouvernement polonais, réinstallé à Londres192.
144. En ce qui concerne les exemples ci-dessus, il importe tout particulièrement
d’examiner comment cette question a été gérée par le Royaume -Uni, qui a accueilli
la plupart des gouvernements en exil pendant la Deuxième Guerre mondiale, et leur a
accordé des immunités et des privilèges sur le sol britannique en vertu de sa loi sur
les privilèges diplomatiques de 1941 (Diplomatic Privileges (Extension) Act ) et de
sa loi de 1944 du même nom 193 . Concrètement, les critères d’invitation, de
consentement et de reconnaissance ont été mis en exergue dans l’affaire Amand, dans
le cadre de la déclaration ci-après du procureur général britannique au sujet du
Gouvernement néerlandais en exil [traduction non officielle] :
Le Procureur général a déclaré devant la Cour que le Gouvernement néerlandais
était actuellement allié à Sa Majesté le Roi de Grande -Bretagne et d’Irlande du
Nord, et établi au Royaume-Uni ; qu’il était établi et exerçait ses fonctions au
__________________
188 Talmon, « Who is a legitimate government in exile? » (voir supra note 158), p. 501.
189 Raymond Poincaré, Au service de la France : neuf années de souvenirs (mémoires), vol. V,
« L’invasion, 1914 » (Paris, Plon, 1929), p. 375 et 76, consultable à l’adresse https://gallica.bnf.fr/
ark:/12148/bpt6k209305p/f389.item. Également cité par Talmon, « Who is a legitimate
government in exile? » (voir supra note 158), p. 516 et 517.
190 Lutz Haber, « The Emperor Haile Selassie I in Bath, 1936-1940 », in Trevor Fawcett (dir.),
Bath History, vol. 3 (Gloucester, Alan Sutton Publishing, 1990).
191 Maurice Flory, Le statut international des gouvernements réfugiés et le cas de la France libre,
1939-1945 (Paris, Pedone, 1952), p. 5.
192 George V. Kacewicz, Great Britain, the Soviet Union and the Polish Government in Exile
(1939-1945) [La Grande-Bretagne, l’Union soviétique et le Gouvernement polonais en exil],
Studies in Contemporary History, vol. 3 (La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1979), p. IX.
193 Flory, Le statut international (voir supra note 191), p. 21.
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Royaume-Uni à l’invitation et avec le consentement du Gouvernement de
Sa Majesté au Royaume-Uni, et que le Gouvernement de Sa Majesté
reconnaissait que Sa Majesté la Reine Wilhelmine et son gouvernement étaient
exclusivement compétents pour accomplir toutes les fonctions législatives,
administratives ou autres appartenant au Souverain et au Gouvernement
néerlandais194.
Dans ce cas, il a également été reconnu que le Gouvernement néerlandais en exil à
Londres avait pleine autorité sur un ressortissant néerla ndais domicilié en
Angleterre195.
145. Notons que ce même Gouvernement néerlandais en exil a également été reconnu
par les États-Unis d’Amérique, comme le montre, s’agissant de la note no 4934 de la
légation néerlandaise en date du 14 juin 1940, la communication adressée par le
Département d’État au Secrétaire du Trésor, dans laquelle le Département d’État
déclarait que le Gouvernement des États-Unis continuait de reconnaître comme
Gouvernement du Royaume des Pays-Bas le Gouvernement royal néerlandais résidant
et exerçant temporairement des fonctions à Londres 196.
146. Dans un autre dossier, l’affaire Lorentzen v. Lydden 197 a démontré que le
Gouvernement norvégien en exil était reconnu par le Royaume -Uni comme
gouvernement de jure du Royaume de Norvège tout entier198.
147. Par ailleurs, rappelons que, s’agissant de la situation en Pologne pendant la
Deuxième Guerre mondiale, les tribunaux des États -Unis ont estimé ce qui suit, dans
les affaires Skewrys’ Estate, Murika199 et Flaum’s Estate200 :
Bien que la Pologne soit occupée par l’ennemi, sa souveraineté demeure intacte,
et les obligations conventionnelles mutuelles, notamment les droits consulaires,
sont pleinement reconnues par les États-Unis d’Amérique. Les termes du traité
conclu entre la Pologne et les États-Unis d’Amérique (Traité d’amitié, de
commerce et de droits consulaires daté du 15 juin 1931, ratifié et confirmé le
__________________
194 Re Amand, King’s.Bench Division, Law Reports of the Incorporated Council of Law Reporting,
1941, vol. II (Londres, 1941), p. 239; cité dans Flory, Le statut international (voir supra note 191),
p. 36.
195 Ibid., p. 208.
196 Ibid., p. 36. Lettre du Sous-Secrétaire du Département d’État des États-Unis (Washington) en date
du 27 juin 1940, adressée au Secrétaire du Trésor. Cette communication fait référence aux
documents suivants : un décret royal des Pays-Bas daté du 24 mai 1940, une note du Département
d’État datée du 13 juin 1940, adressée à la légation du Royaume des Pays-Bas à Washington, et la
note no 4934, datée du 14 juin 1940, dans laquelle la légation du Royaume des Pays-Bas à
Washington, donnait sa réponse au Département d’État. Elle est consultable à l’adresse suivante :
https://fraser.stlouisfed.org/files/docs/historical/eccles/049_11_0005.pdf. Cette référence est
également donnée dans Anderson v. N.V. Transandine Handelsmaatschappij (289 N.Y. 7; Annual
Digest, 1941-2, Case No. 4), cité par Whiteman, Marjorie (dir.), Digest of International Law,
vol. 2, Washington, Department of State Publication 7553, 1963, p. 475.
197 Lorentzen v. Lydden, The Law Reports 1942, vol. II, p. 202.
198 Lorentzen v. Lydden ([1942] 2 K.B. 202), cité in Marjorie Whiteman (dir.), Digest of International
Law, vol. 2 (Washington, Department of State Publication 7553, 1963), p. 475. Voir aussi Flory, Le
statut international (supra note 191), p. 37.
199 Re Skewrys’ Estate, Re Murika, 46 N.Y.S. 2d 942 (reproduit dans International Law Reports,
vol. 12, p. 424).
200 Re Flaum’s Estate, 42 N.Y.S. 2d 539 (reproduit dans International Law Reports, vol. 12, p. 425).
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10 juillet 1933 ; 48 U.S. Stat. 1507) restent donc contraignants et exécutoires
devant tous les tribunaux de l’État (Matter of Schurz, 28 N.Y.S.2d 165)201.
148. D’autre part, citons, plus récemment, le cas du Cambodge : après son invasion
par le Viet Nam en décembre 1978 et la proclamation, le 7 janvier 1979, de la
« République populaire du Kampuchea », la Commission de vérification des pouvoirs
et l’Assemblée générale des Nations Unies ont été conduites à refuser que les
représentants du soi-disant gouvernement prennent la place du Cambodge dans
l’Organisation, au motif que, dans la pratique, le territoire cambodgien ou la majeure
partie de celui-ci était contrôlé par les forces militaires vietnamiennes. Inversement,
c’est avec le soutien de la majorité des membres de la Commission de vérification des
pouvoirs et des États Membres de l’Organisation à l’Assemblée générale que le
Gouvernement du Kampuchea démocratique a continué, pour le temps qu’a duré cette
situation, de représenter le Cambodge à l’Organisation des Nations Unies 202.
149. À cet égard, la déclaration prononcée le 18 septembre 1981 devant l’Assemblée
générale par le Représentant permanent de Singapour d’alors, M. Tommy Koh, est
particulièrement éloquente :
Le dernier argument dont on s’est servi pour défendre l’amendement proposé
est que l’autorité du Gouvernement du Kampuchea démocratique ne s’étend pas
à tout le territoire ni à toute la population du Kampuchea. Je reconnais que, dans
des circonstances normales, deux des critères en vertu desquels nous décidons
de savoir s’il y a lieu de reconnaître un gouvernement sont l’ autorité sur le
territoire et l’autorité sur l’obédience coutumière de la population. Cependant,
cette règle générale ne s’applique pas lorsqu’un pays est envahi et occupé par
un autre. À l’appui de cette affirmation, qu’il me suffise de rappeler qu’au cou rs
de la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements de plusieurs pays alliés
occupés par l’Allemagne nazie ont trouvé refuge à l’étranger, qu’ils ont continué
de fonctionner outre-mer et ont été reconnus par d’autres pays comme étant les
gouvernements légaux et légitimes de ces pays occupés. De même, le
Kampuchea est aujourd’hui un pays qui subit l’occupation armée étrangère. Le
gouvernement légal et légitime de ce pays poursuit une guerre de résistance
contre l’armée d’occupation. Le critère normal de l’au torité sur le territoire et
sur la population ne s’applique pas en l’occurrence 203.
150. L’année suivante, le Prince Norodom Sihanouk, qui dirigeait alors le
Gouvernement de coalition du Kampuchea démocratique, a indiqué, dans sa
déclaration à l’Assemblée générale du 25 octobre 1982, qu’il existait des zones
libérées dans le nord-ouest, le sud-est et le nord-est du pays, mais que les principales
villes du Cambodge restaient sous le contrôle des forces d’occupation 204. Le même
jour, pour soutenir la position de Singapour selon laquelle le Gouvernement du
__________________
201 S. Griffiths, « Matter of Skewrys », Avis du 21 février 1944, consultable à l’adresse :
https://casetext.com/case/matter-of-skewrys. Voir aussi H. Lauterpacht (dir.), Annual Digest and
Report of Public International Law Cases, vol. 12 (Londres, Butterworth, 1949), p. 424 et 425.
Cité dans Flory, Le statut international… (voir supra note 191), p. 208.
202 Voir mémorandum adressé au Secrétaire général adjoint aux affaires politiques et aux affaires de
l’Assemblée générale intitulé « Question de la représentation du Kampuchea démocratique à la
reprise de la trente-troisième session de l’Assemblée générale. Reconnaissance provisoire des
représentants contestés d’un État Membre. Majorité requise pour le réexamen des pouvoirs des
représentants déjà acceptés par l’Assemblée générale. L’Assemblée générale n’est pas tenue par
les décisions prises par d’autres organes de l’ONU à propos de la représentation », Nations Unies,
Annuaire juridique 1979, p. 181. Voir aussi documents A/34/500, A/34/PV.4 et Corr.1 ; A/35/484
et A/35/PV.35 ; A/36/517 et A/36/PV.3 ; A/37/543, A/37/PV.42 et A/37/PV.43 ; A/38/508 ;
A/39/574 ; A/40/747 ; A/41/727 ; A/42/630 ; A/43/715 ; et A/44/639.
203 A/36/PV.3, par. 117.
204 A/37/PV.42, par. 23, 30 et 31.
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Kampuchea démocratique devrait continuer à agir au nom du Cambodge au sein de
l’Organisation, le Représentant permanent Tommy Koh a de nouveau cité
expressément le cas des gouvernements en exil des États occupés par l’Allemagne
nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale205.
151. La situation provoquée entre août 1990 et février 1991 par l’invasion et
l’occupation du Koweït par l’Iraq, et par l’installation consécutive du Gouvernement
koweïtien en Arabie saoudite, d’où il a continué d’agir au nom de l’État du Koweït,
mérite également d’être mentionnée. Le Koweït a également maintenu sa
représentation à l’Organisation des Nations Unies et dans les institutions spécialisées
du système des Nations Unies, telles que l’Organisatio n de l’aviation civile
internationale206.
152. Il convient également de considérer la situation qui a suivi le coup d’État du
30 septembre 1991 en Haïti contre le Président de l’époque, Jean -Bertrand Aristide,
lequel, avec l’aide d’une force multinationale, a pu rentrer dans le pays en octobre
1994 et achever le mandat pour lequel il avait été démocratiquement élu. À cet égard,
il est intéressant de souligner les efforts déployés conjointement par l’ONU et
l’Organisation des États américains face à cette situation. On peut citer, par exemple,
la résolution 47/20 de l’Assemblée générale des Nations Unies en date du
24 novembre 1992 sur la situation de la démocratie et des droits de l’homme en Haïti,
où l’Assemblée déclarait de nouveau inacceptable toute entité issue d’une situation
illégale et exigeait le rétablissement du gouvernement légitime du Pr ésident
Jean-Bertrand Aristide, ainsi que la pleine application de la Constitution nationale et,
partant, le respect intégral des droits de l’homme en Haïti.
153. Toujours dans le cas d’Haïti, il vaut aussi la peine de préciser que le Fonds
monétaire international a décidé en 1992 d’accréditer la délégation nommée par le
gouvernement en exil du Président Jean-Bertrand Aristide au lieu de la délégation
nommée par le gouvernement de Port-au-Prince qui contrôlait de fait le territoire et
l’administration du pays membre. Le Fonds a maintenu cette position en 1993 et en
1994207.
154. En outre, comme indiqué ci-dessus, il convient de préciser que, dans certaines
situations, il n’est pas question de gouvernements en exil proprement dits, en
l’absence d’État pour le compte duquel ceux-ci pourraient agir. Un exemple en est le
Tibet, dont le territoire et la population font partie de la Chine, et dont le chef spirituel,
le dalaï-lama, réclame depuis plusieurs années l’autonomie des Tibétains au sein de
l’État.
D. Quelques aspects pertinents dans divers instruments internationaux
155. Dans le cadre de cette réflexion sur l’élévation du niveau de la mer et la menace
qu’elle représente pour la survivance de l’État, en particulier les petits États insulaires
en développement, il convient de rappeler que la Convention sur les droits et devoirs
des États elle-même souligne que les droits de chaque État dépendent du simple fait
de son existence comme « personne » ou sujet de droit international, et que les droits
fondamentaux des États ne sont susceptibles d’être affectés en aucune manière
(articles 4 et 5, respectivement). Cet aspect prend un relief encore plus grand si l’on
__________________
205 A/37/PV.43, par. 67.
206 Organisation de l’aviation civile internationale, résolution A28-7 de l’Assemblée relative aux
conséquences aéronautiques de l’invasion iraquienne du Koweït, Nations Unies, Annuaire
juridique 1990, p. 199.
207 Nations Unies, Annuaire juridique 1992, p. 295 ; Nations Unies, Annuaire juridique 1993, p. 284 ;
Nations Unies, Annuaire juridique 1994, p. 217.
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considère le droit – consacré par l’article 3 – qu’a chaque État de défendre son
intégrité et son indépendance, mais aussi de pourvoir à sa propre conservation et à sa
prospérité, sachant, en outre, que l’exercice de ces droits n’a d’autres limites que
l’exercice des droits des autres États en vertu du droit international.
156. Dans le même ordre d’idées, la Charte de l’Organisation des États américains,
dans ses articles 10 et 12, dispose que les droits de chaque État dépendent du simple
fait de son existence en tant que « personne » ou sujet de droit international et que les
droits fondamentaux des États ne sont susceptibles d’altération d’aucune sorte. Par
ailleurs, la Charte prévoit, dans son article 13, que l’État a le droit de défendre son
intégrité et son indépendance, ainsi que d’assurer sa conservation, précisant
également que l’exercice de ces droits n’a d’autre limite que l’exercice des droits des
autres États conformément au droit international208.
157. La Charte de l’Organisation de l’Unité africaine, quant à elle, consacre dans son
article III l’adhésion des États membres à des principes comme le « respect de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque État et de son droit inaliénable à
une existence indépendante »209. Parallèlement, l’Acte constitutif de l’Union africaine
dispose expressément dans son article 3 que l’Union a notamment pour objectifs de
« défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de ses États
membres »210.
158. À cet égard, il est valable de soutenir qu’une fois qu’un État existe en tant que
tel, dans la mesure où il répond aux critères de l’article premier de la Convention sur
les droits et devoirs des États, il a, conformément au droit international et dans le
respect des droits des autres membres de la communauté internationale, la pleine
capacité d’exercer ses droits. Ces droits, qui ne sont susceptibles d’aucune altération,
comprennent sans aucun doute le droit de pourvoir à sa préservation, c’est -à-dire
d’utiliser les différents moyens dont il dispose, y compris la coopération
internationale, pour préserver sa propre existence.
IV. Préoccupations, ainsi que quelques mesures, suscitées
par le phénomène de l’élévation du niveau de la mer
159. S’agissant de la question de la survivance de l’État, les interventions des petits
États insulaires en développement devant la Sixième Commission de l’Assemblée
générale, en octobre 2018, sont assez éloquentes.
160. La délégation des Îles Marshall, au nom des membres du Forum des îles du
Pacifique, a notamment souligné que :
Les questions touchant le statut d’État, l’apatridie et les migrations causées par
les changements climatiques concernent également la région directement,
d’autant que des atolls entiers pourraient être entièrement submergés211.
161. Pour sa part, la délégation fidjienne, se fondant sur l’article premier de la
Convention sur les droits et devoirs des États, a mis en exergue l’importance de la
population en tant qu’élément fondamental de l’État, soulignant le risque que
constitueraient pour sa survivance les situations de migration qui pourraient se
__________________
208 Charte de l’Organisation des États américains (Bogota, 30 avril 1948), Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 119, no 1609, p. 3, art.10, 12 et 13.
209 Charte de l’Organisation de l’Unité africaine (Addis-Abeba, 25 mai 1963), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 479, no 6947 p. 39, art. III.
210 Acte constitutif de l’Union africaine (Lomé, 11 juillet 2000), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 2158, no 37733, p. 3, art. 3.
211 Îles Marshall (au nom des membres du Forum des îles du Pacifique) (A/C.6/73/SR.20, par. 41).
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produire si le territoire des États insulaires devenait inhabitable. Les Fidji ont ainsi
souligné que [traduction non officielle] :
Les communautés côtières et les atolls de faible altitude perdent
progressivement leurs populations en raison de l’élévation du niveau de la mer.
L’un des éléments constitutifs de l’État aux termes de l’article premier de la
Convention de Montevideo de 1933 sur les droits et devoirs des États est une
population permanente. L’élévation du niveau de la mer ne devrait pas causer
un seul et unique mouvement de populations ; au contraire, ce mouvement sera
graduel et aléatoire. De même, la population se désintégrera lent ement au cours
d’un processus engendrant des problèmes de tous ordres : juridiques,
économiques, financiers, éducatifs, culturels et bien d’autres encore 212.
162. Parallèlement, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a attiré l’attention sur le fait que
la préservation des droits maritimes des États était étroitement liée à la préservation
du statut d’État, seuls des États pouvant être à l’origine de zones de juridiction
maritime. À cet égard, elle a souligné que :
Comme seuls les États peuvent générer des zones maritimes , il est essentiel que
les États insulaires survivent en tant qu’États pour préserver leurs zones
maritimes. Ainsi, la survivance de l’État est la première des questions et elle est
liée à celles concernant les zones maritimes213.
163. De même, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a soulevé une autre question très
importante à prendre en compte lors de l’examen des questions relatives au statut
d’État, à savoir qu’il pouvait se produire des situations d’apatridie de facto. Elle a fait
valoir à cet égard que :
La survivance de l’État soulève une question potentielle, celle de l’apatridie,
y compris l’apatridie de facto. En droit international, le principe de prévention
de l’apatridie est un corollaire du droit à une nationalité, et la Convention
de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie devrait figurer parmi les instruments
juridiques dont la CDI doit tenir compte214.
164. À cet égard, lorsque l’on analyse le phénomène de l’élévation du niveau de la
mer sous l’angle particulier de la survivance de l’État, il convient de consi dérer, entre
autres, les aspects suivants :
a) Le risque que le territoire de l’État se trouve entièrement recouvert par la
mer ou devienne inhabitable ; et qu’en outre, l’approvisionnement en eau potable ne
suffise plus à la population.
b) Le déplacement de personnes qui en résulterait vers le territoire d’autres
États, qui soulève un certain nombre de préoccupations quant aux droits et au statut
juridique des ressortissants des États particulièrement touchés par le phénomène,
notamment des questions sur :
i) la préservation de la nationalité ou de la citoyenneté d’origine,
l’acquisition d’une autre nationalité ou la possibilité de recourir à la double
nationalité ou à la citoyenneté commune à plusieurs entités, afin d’éviter les
situations d’apatridie de fait ;
ii) les formes que pourraient revêtir la protection diplomatique, l’assistance
diplomatique, la protection consulaire et l’assistance consulaire offertes aux
__________________
212 Fidji (https://www.un.org/en/ga/sixth/73/pdfs/statements/ilc/fiji_1.pdf ; A/C.6/73/SR.23, par. 63).
213 Papouasie-Nouvelle Guinée (A/C.6/73/SR.23, par. 36).
214 Ibid.
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personnes dont les droits peuvent être violés ou qui ont besoin d’assistance dans
des États tiers ;
iii) la possibilité d’étendre le statut de réfugié à ces personnes.
c) La situation juridique du gouvernement d’un État contraint de s’établir sur
le territoire d’un autre État, notamment du point de vue des immunités et privilèges
dont il aurait la jouissance ainsi que de l’exercice au nom de l’État concerné de droits
internationaux attestant du maintien de sa personnalité juridique internationale. Il
faudrait également se pencher sur l’utilisation éventuelle de mécanismes ou formes
d’« administration numérique », de même que sur la manière dont le gouvernement
de l’État concerné pourrait agir au nom de sa population une fois celle -ci installée
dans l’État où il est accueilli ou sur le territoire d’autres États.
d) La préservation par les États touchés de leurs droits sur les espaces
maritimes placés sous leur juridiction, ainsi que sur les ressources biologiques et
autres qui s’y trouvent. À cet égard, il convient également de garder à l’esprit le
nécessaire maintien des délimitations maritimes établies en vertu d’accords avec
d’autres États, ou de décisions judiciaires ou de sentences arbitrales rendues par des
instances juridictionnelles internationales.
e) Le droit à l’autodétermination des populations des États touchés par le
phénomène, notamment le droit qu’elles ont de préserver des identités de nature
nationale, culturelle ou de groupe, notamment.
165. Par ailleurs, parmi les mesures appliquées dans différents États pour faire face
au phénomène de l’élévation du niveau de la mer figure l’i nstallation ou le
renforcement de barrières ou de défenses côtières et de digues (« polders »). C’est un
type de mesures adopté dans les États du monde entier et pas seulement dans les petits
États insulaires en développement. La Commission du droit intern ational a reçu à cet
égard de la Belgique 215 et du Maroc 216 des informations sur leurs travaux. Des
renseignements ont également été communiqués sur l’action menée en la matière par
__________________
215 Belgique (https://legal.un.org/ilc/sessions/73/pdfs/french/slr_belgium.pdf Error! Hyperlink
reference not valid.).
216 Maroc (https://legal.un.org/ilc/sessions/73/pdfs/french/slr_morocco.pdf).
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l’Allemagne 217 , l’Australie 218 , la Belgique 219 , les États-Unis 220 , la France 221 , le
Royaume-Uni222 et Singapour223.
__________________
217 Gouvernement fédéral allemand, « Stratégie allemande d’adaptation aux changements climatiques »,
adoptée le 17 décembre 2008 par le Conseil des ministres de la République fédérale, consultable à
l’adresse : https://www.preventionweb.net/files/27772_dasgesamtenbf1-63.pdf (consulté le 25 février
2022) ; Plan d’action en matière d’adaptation aux changements climatiques dans le cadre de la
stratégie allemande éponyme, adoptée le 31 août 2011 par le Conseil des ministres de la République
fédérale, consultable à l’adresse https://www.bmuv.de/fileadmin/bmu-import/files/pdfs/allgemein/
application/pdf/aktionsplan_anpassung_klimawandel_en_bf.pdf (consulté le 25 février 2022) ;
J.-T. Huang-Lachmann et J. C. Lovett, « How cities prepare for climate change: Comparing Hamburg
and Rotterdam » [Les villes se préparent face aux changements climatiques : Comparaison entre
Hambourg et Rotterdam], Cities, 54 2015, p. 36 à 44 ; Bob Berwyn, « Hamburg’s Half-Billion-Dollar
Bet » [Hambourg : un pari d’un demi-milliard de dollars], magazine Hakai, 5 mai 2017, consultable à
l’adresse : https://hakaimagazine.com/news/hamburgs-half-billion-dollar-bet/ (consulté le 25 février
2022) ; « Up a notch: Hamburg takes on sea level rise » Euronews, 26 juillet 2017, consultable à
l’adresse : https://www.euronews.com/2017/07/26/up-a-notch-hamburg-takes-on-sea-level-rise
(consulté le 25 février 2022), en français : https://fr.euronews.com/2017/07/26/hambourg-se-prepareaux-
crues-exceptionnelles-de-l-elbe ; HafenCity, « Central innovation theme of the city of tomorrow,
Infrastructure » [Thème central d’innovation de la ville de demain, Infrastructure ], voir
https://www.hafencity.com/en/urban-development/infrastructure (consulté le 25 février 2022) ; Agence
européenne pour l’environnement, « 10 case studies. How Europe is adapting to climate change »
[10 études de cas: Comment l’Europe s’adapte aux changements climatiques], Plateforme européenne
d’adaptation au changement climatique (Climate-ADAPT), (Luxembourg : Office des publications de
l’Union européenne, 2018), consultable à l’adresse : https://climate-adapt.eea.europa.eu/about/
climate-adapt-10-case-studies-online.pdf (consulté le 25 février 2022).
218 Australie, Ministère de l’environnement, Nouvelles Galles du Sud, manuel de gestion, septembre
1990, consultable à l’adresse : https://www.environment.gov.au/archive/coasts/publications/
nswmanual/index.html (consulté le 25 février 2022) ; Office chargé de l’environnement, « Coastal
Adaptation Project: Review of international best practice » [Projet d’adaptation pour le littoral :
Examen des meilleures pratiques internationales], Halcrow Group Ltd., novembre 2008, p. 25 à
31, à l’adresse : https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/
attachment_data/file/292911/geho0409bpwi-e-e.pdf (consulté le 25 février 2022).
219 Agence européenne pour l’environnement, « 10 case studies. How Europe is adapting to climate
change » Climate-ADAPT (voir supra note 217).
220 Voir, par exemple, le cas des mesures de protection adoptées pour le litt oral de la Louisiane,
États-Unis d’Amérique, Autorité de protection et de restauration des côtes, à l’adresse
https://coastal.la.gov/our-plan/ et http://coastal.la.gov/wp-content/uploads/2017/04/2017-Coastal-
Master-Plan_Web-Book_CFinal-with-Effective-Date-06092017.pdf (consulté le 25 février 2022).
221 Ministère de la transition écologique, « Adaptation des territoires aux évolutions du littoral »,
consultable à l’adresse : https://www.ecologie.gouv.fr/adaptation-des-territoires-aux-evolutionsdu-
littoral (consulté le 25 février 2022) ; GIP Littoral 2030, « Stratégie régionale de gestion de la
bande côtière », consultable à l’adresse : https://www.giplittoral.fr/ressources/strategie-regionalede-
gestion-de-la-bande-cotiere (consulté le 25 février 2022) ; loi no 2021-1104 du 22 août 2021
portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets,
publiée au Journal officiel de la République française, JORF n°0196 du 24 août 2021, consultable
à l’adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924 (consulté le
25 février 2022) ; « Fait du jour. Une digue à Fourques pour ne plus avoir peur du Rhône »,
ObjectifGard, consultable à l’adresse : https://www.objectifgard.com/2019/07/09/fait-du-jour-unedigue-
a-fourques-pour-ne-plus-avoir-peur-du-rhone/ (consulté le 25 février 2022) ; Seasteading
Institute, Recueil d’intentions réciproques entre la Polynésie française et The Seasteading
Institute, consultable à l’adresse : https://static.actu.fr/uploads/2017/01/Memorandum-of-
Understanding-MOU-French-Polynesia-The-Seasteading-Institute-Jan-13-2017-1.pdf (consulté le
25 février 2022) ; Adapto, « Adapto, un projet LIFE », projet partiellement financé par l’Union
européenne dans le cadre du programme Life, consultable à l’adresse : https://www.lifeadapto.eu/
adapto-un-projet-life.html (consulté le 25 février 2022).
222 Office chargé de l’environnement, « Managing flood risk through London and the Thames estuary »,
[Gestion du risque d’inondation dans Londres via l’estuaire de la Tamise], Plan 2100 pour l’estuaire
de la Tamise, novembre 2012, consultable à l’adresse : https://assets.publishing.service.gov.uk/
government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/322061/LIT7540_43858f.pdf (consulté le
25 février 2022) ; Chambres du Parlement, Office parlementaire des sciences et de la technologie,
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166. En ce qui concerne les petits États insulaires en développement, il convient de
souligner le cas des Maldives qui ont construit la nouvelle île artificielle de
Hulhumalé, à proximité de la capitale, Malé, sur l’île du même nom, et érigé des
barrières côtières pour faire face à la grave menace que représente pour l’État la
montée du niveau de la mer224.
167. Dans le document d’information communiqué le 31 décembre 2021 par le Forum
des îles du Pacifique à la Commission du droit international sur la question de
l’élévation du niveau de la mer dans le cadre de la survivance de l’État et de la
protection des personnes touchées, certains membres du Forum ont fait part de le ur
pratique (construction d’îles artificielles, érection ou renforcement de barrières
côtières) au titre des stratégies mises en place pour faire face au phénomène 225.
168. Dans le cas des Îles Cook, il n’y a pas d’îles artificielles et il n’est pas prévu
actuellement d’en construire. Cependant, il a été précisé que [traduction non
officielle] :
Plusieurs mesures de renforcement du littoral ont été mises en oeuvre dans la
capitale de Rarotonga, afin de protéger le territoire de l’érosion, notamment
l’érosion provoquée par l’élévation du niveau de la mer. Il s’agit principalement
de structures « en dur » (digues en béton, épis, murs de pierres). Toutefois, un
projet pilote mis en oeuvre en ce moment sur un site côtier consiste à protéger
les côtes en plaçant en parallèle des sacs de sable en matériau géotextile, suivis
d’un rang de plants de vétiver et d’autres végétaux, de sorte qu’au moment où
la barrière de sacs de sable cédera, la végétation sera bien établie. Cette solution
semi-naturelle pourrait tendre à se généraliser à l’avenir, à Rarotonga et dans les
îles extérieures. La construction et la modernisation des structures de protection
côtière ont un statut prioritaire dans le plan d’action national conjoint des Îles
Cook dans le cadre de la prévention des inondations et de la protection contre
l’érosion226.
__________________
« Sea Level Rise », Postnote, no 363, septembre 2010, consultable à l’adresse :
https://www.parliament.uk/globalassets/documents/post/postpn363-sea-level-rise.pdf (consulté le
25 février 2022) ; Office chargé de l’environnement, « Thames Estuary 2100: 10-Year Review
monitoring key findings » [Estuaire de la Tamise 2100 : conclusions essentielles de l’examen
décennal], document de politique générale actualisé le 22 février 2021, consultable à l’adresse :
https://www.gov.uk/government/publications/thames-estuary-2100-te2100/thames-estuary-2100-
key-findings-from-the-monitoring-review#conclusion (consulté le 25 février 2022) ; Littoral de
l’ouest et du nord du Pays de Galles, « Shoreline Management » [Gestion du trait de côte],
consultable à l’adresse : https://www.mycoastline.org.uk/shoreline-management-plans/(consulté le
25 février 2022). Voir aussi les références au programme Polder 2C : Interreg 2 Seas Mers Zeeën,
Fonds européen de développement régional, à l’adresse : https://polder2cs.eu/activities (consulté
le 25 février 2022).
223 Secrétariat national de gestion des changements climatiques, Singapour, groupe Stratégie, Cabinet
du Premier Ministre, « Coastal Protection » [Protection des côtes], consultable à l’adresse :
https://www.nccs.gov.sg/singapores-climate-action/coastal-protection/ (consulté le 25 février
2022 ) ; Audrey Tan, « National Day Rally 2019: Land reclamation, polders among ways S’pore
looks to deal with sea-level rise » [Exondation des terres et polders : Quelques solutions testées à
Singapour face à l’élévation du niveau de la mer], The Straits Times, consultable à l’adresse :
https://www.straitstimes.com/politics/national-day-rally-2019-land-reclamation-polders-amongways-
spore-looks-to-deal-with-sea (consulté le 25 février 2022).
224 Emma Allen, « Climate change and disappearing island States: pursuing remedial territory »
[Changements climatiques et disparition d’États insulaires : pour une action territoriale
corrective], Brill Open Law (2018), p. 5.
225 Communication des Fidji, au nom des membres du Forum des îles du Pacifique : Australie, Fidji,
Kiribati, Îles Marshall, Îles Salomon, Micronésie (États fédérés de), Nauru, Nouvelle-Zélande,
Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu (31 décembre 2021).
Consultable à l’adresse : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms.
226 Ibid., p. 3, par. 17.
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169. Les États fédérés de Micronésie, quant à eux, ont expliqué qu’aux termes de leur
Code, le Gouvernement a compétence pour créer et utiliser des îles, des installations
et des structures artificielles. Ils ont également précisé que certaines parties des États
fédérés de Micronésie pratiquaient de longue date la construction d’îles artificielles
et de structures du même type, qui ont la fonction de sièges et de symboles de pouvoir
et d’autorité politique. Ces structures, classées sur la liste des sites du patrimoine
mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture,
sur l’île de Pohnpei, ont récemment été inscrites sur la Liste du patrimoine mondial
en péril, notamment à cause des menaces engendrées par la montée du niveau de la
mer227.
170. Aux Fidji, le Gouvernement fidjien a construit des ouvrages longitudinaux de
défense des côtes au sein des collectivités locales qui luttent contre le problème de
l’élévation du niveau de la mer. Il s’agit notamment d’ouvrages longitudinaux
hybrides construits récemment au village de Viro (île d’Ovalau), combinant
ingénieusement solutions humaines et naturelles pour offrir une protection plus
efficace et moins coûteuse qu’un mur de béton228.
171. De même, dans le cas de la République des Îles Marshall, il n’existe pas non
plus de pratique systématique de construction d’îles artificielles, mais [traduction non
officielle] :
le renforcement des côtes et des îles dans le cadre d’interventions structurelles
« en dur » est l’un des aspects pris en compte dans la planification des stratégies
d’adaptation nationales, notamment dans les zones urbaines, car l’atoll que nous
habitons se situe en moyenne entre un et deux mètres (dans la fourchette des
projections sur l’élévation du niveau de la mer à long terme). Les mesures visant
à renforcer les côtes relèveraient pour une part de la loi sur la conservation des
côtes de 1998 ainsi que de la loi de 2018 relative au Ministère de
l’environnement. La pratique moderne du renforcement du littoral ou de
l’alternance structurelle remonte au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale
et aux actions militaires américaines, et est devenu un facteur constant de la
croissance ultérieure des centres de population. Toutefois, ces mesures
structurelles peuvent également avoir une série d’incidences négatives sur
l’environnement. De façon générale, l’élévation du niveau de la mer pose, dans
la vie d’un atoll, des problèmes complexes de planification, de mise en oeuvre
et de politique229.
172. Aux Îles Salomon, un mur permanent en béton a été érigé à Tulagi pour protéger
le littoral contre les effets de l’élévation du niveau de la mer, et dans tout le pays, des
digues semi-permanentes ont été construites par des particuliers sur leurs fronts de
mer privés. La construction d’îles artificielles est une pratique courante chez les
habitants de la province de Malaita, pour protéger les côtes, en particulier dans
certaines parties du lagon de Lau au nord, de Walande au sud , d’East ‘Are ‘Are à l’est
et de la lagune de Langa Langa à l’ouest de la province. La plantation d’arbres et de
mangroves est encouragée là où c’est nécessaire230.
173. Toutefois, il convient de souligner qu’il est très coûteux de construire des îles
artificielles pour loger les personnes touchées par le phénomène de l’élévation du
niveau de la mer et d’ériger des digues (« polders »), dont il faudra également mesurer
l’impact environnemental (par exemple sur les récifs coralliens)231. La communauté
__________________
227 Ibid., p. 4, par. 18.
228 Ibid., p. 4, par. 21.
229 Ibid., p. 6, par. 29.
230 Ibid., p. 6 et 7, par. 33.
231 Allen, « Climate change and disappearing island States » (voir supra note 224), p. 5 et 6.
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internationale se doit d’apporter des réponses prévisibles dans le cadre de sa
coopération avec les États les plus touchés par le phénomène, en dépassant les
considérations de court terme pour trouver des solutions d urables et écologiquement
viables.
174. La déclaration prononcée par les Maldives devant la Sixième Commission, fin
octobre 2021, traduit clairement, à cet égard, ce qui précède [traduction non
officielle] :
Les Maldives ont engagé d’importantes mesures d’adaptation pour lutter contre
les effets de l’élévation du niveau de la mer, notamment en construisant des
ouvrages longitudinaux de défense et en reconstituant les plages. Or l’action que
nous menons pour préserver les côtes par des ouvrages artificiels ,
quoiqu’extrêmement coûteuse, ne fait que maintenir le statu quo. Les mesures
d’adaptation à elles seules ne sauraient constituer une solution durable face à
l’élévation constante du niveau de la mer. L’action que nous menons pour
renforcer la résilience et consolider nos défenses prend une part toujours plus
importante d’un budget déjà limité, et de surcroît, mis à mal par la pandémie de
COVID-19 et ses effets sur nos budgets nationaux. Un grand nombre de petites
îles et d’États côtiers n’ayant pas les moyens d’atténuer seuls les conséquences
de l’élévation du niveau de la mer, il est essentiel que la communauté
internationale coopère pour garantir à nos États une aide suffisante, prévisible
et accessible. Simultanément, nous devons nous employer à réduire les
émissions de gaz à effet de serre afin d’enrayer le réchauffement de la planète,
et sa conséquence, à terme : l’élévation du niveau de la mer232.
V. Options pouvant être envisagées à l’avenir en ce qui concerne
la survivance de l’État
175. On ne connaît encore aucune situation dans laquelle l’ensemble du territoire
terrestre d’un État serait entièrement recouvert par la mer ou deviendrait inhabitable,
mais l’évolution du phénomène de l’élévation du niveau de la mer et la conception
qu’en ont les États touchés, notamment ceux pour lesquels la menace est beaucoup
plus proche et plus concrète, imposent de réfléchir, au regard du droit international,
aux options qui pourraient, à un moment donné, être envisageables.
176. Compte tenu de la gravité de la question, on ne saurait attendre que la situation
se présente pour y réfléchir et, par conséquent, des options doivent être mises sur la
table afin de nourrir le dialogue et les échanges de vues pouvant contribuer à trouver
les formules les plus adaptées. De cette manière, il sera possible d’aider les États
Membres, et en particulier ceux qui risquent d’être les premiers concernés, à évaluer
chacune des solutions proposées, voire d’en combiner certaines, dans le cadre des
examens qu’ils mènent au sein de leur groupe ou à titre individuel, compte tenu de
leurs circonstances spécifiques et des décisions que leurs populations pourraient
prendre, conformément au droit à l’autodétermination.
177. En outre, dans l’allocation faite au nom des pays nordiques (Danemark,
Finlande, Islande, Norvège et Suède) à la Sixième Commission de l’Assemblée
générale le 28 octobre 2021, l’Islande a appelé l’attention, dans les termes suivants,
sur la situation de certains États qui sont touchés de manière disproportionnée par le
phénomène de l’élévation du niveau de la mer :
__________________
232 Maldives (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/21mtg_maldives_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.21, par. 139).
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Outre qu’il est possible que les territoires de certains d’entre eux soient
partiellement ou totalement submergés, l’élévation du niveau de la mer
contribuera également à la dégradation des sols, provoquera des inondations
périodiques et entraînera une contamination de l’eau douce. Il s’agit d’une
menace à plusieurs niveaux, notamment pour les petits États insulaires en
développement, qui n’ont guère contribué aux changements climatiques, mais
qui vont probablement être touchés de manière disproportionnée233.
178. Par ailleurs, dans son allocution à la Sixième Commission le 29 octobre 2021,
Singapour a souligné que « l’élévation du niveau de la mer mena[çait] l’existence
même de Singapour, comme celle d’autres petits États insulaires de faible altitude.
Nous appuyons énergiquement les efforts visant à trouver des solutions possibles pour
remédier à la situation critique des petits États insulaires vulnérables »234.
179. Les Maldives, pour leur part, ont fait remarquer à la même date que :
L’élévation du niveau de la mer n’est pas une préoccupation théorique lointaine,
mais bien une situation que nous connaissons actuellement. Les États côtiers de
faible altitude et les petits États insulaires, tels que [...] les Maldives, son t
particulièrement vulnérables aux conséquences de l’élévation du niveau de la
mer235.
180. Dans le cas du Forum des îles du Pacifique, le document d’information envoyé
à la Commission du droit international le 31 décembre 2021 indique qu’aucune
approche collective n’a encore été adoptée sur la question, ce qui n’a pas empêché
certains de ses membres d’exprimer leurs positions ou leurs préférences 236.
181. Ainsi, par exemple, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a souligné que « [c]es
questions présentaient un intérêt fondamental pour [elle] dans le contexte de la réalité
quotidienne vécue par [son] peuple dans la région du Pacifique »237. À leur tour, les
Îles Salomon, évoquant la protection des personnes et la survivance de l’État dans le
cadre des travaux du Groupe d’étude de la Commission du droit international, ont
souligné que « [ces] sujets [étaie]nt d’une grande importance pour les petits États
insulaires en développement, comme les Îles Salomon [...] ». Nous engageons
vivement les délégations à réfléchir à ces questions en vue de trouver une solution
internationale à ce qui devient déjà un problème mondial »238.
182. À cet égard, quelques options sont présentées ci-après, sans qu’elles n’aient
vocation à être définitives ou à fermer la porte à d’autres éléments de réflexion.
__________________
233 Islande (au nom du Danemark, de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède)
(https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/19mtg_nordic_2.pdf ; A/C.6/76/SR.19,
par. 87).
234 Singapour (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/20mtg_singapore_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.20, par. 22).
235 Maldives (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/21mtg_maldives_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.21, par. 137).
236 Soumission de Fidji (au nom des membres du Forum des îles du Pacifique : Australie, Fidji, Îles
Marshall, Îles Salomon, Kiribati, Micronésie (États fédérés de), Nauru, Nou velle-Zélande, Palaos,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu et Vanuatu.
237 Papouasie-Nouvelle-Guinée (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/22mtg_
papuanewguinea_2.pdf ; A/C.6/76/SR.22, par. 35).
238 Îles Salomon (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/22mtg_solomonis_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.22 para. 78).
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A. Présomption de continuité de l’État concerné
183. En accord avec ce qui avait été avancé de manière préliminaire au niveau de
l’Association de droit international lors de sa réunion de 2018 à Sydney et par certains
États, une première option consiste à supposer une forte présomption de continuité de
l’État.
184. À cet égard, le Samoa, au nom des petits États insulaires en développement du
Pacifique, a souligné les points suivants dans son intervention à la Sixième
Commission de l’Assemblée générale le 28 octobre 2021 :
En droit international, une fois établi, un État est présumé continuer d’exister,
en particulier s’il a un territoire et une population définis, entre autres
facteurs239.
185. Dans le même ordre d’idées, la délégation des Îles Salomon a demandé
instamment à la Commission du droit international de prendre en considération les
points de vue des petits États insulaires en développemen t en tant qu’États
spécialement touchés, en soulignant que :
Les Îles Salomon souscrivent à la forte présomption de continuité de la qualité
de l’État, la continuité de l’État étant le fondement de l’ordre international
actuel. L’idée que l’État continue d’exister malgré l’absence des attributs visés
dans la Convention de Montevideo sur les droits et les devoirs des États trouve
appui dans la pratique des États. Les principes de stabilité, de certitude, de
prévisibilité et de sécurité sous-tendent également la présomption de continuité
de la qualité d’État. On ne saurait s’autoriser de l’élévation du niveau de la mer
pour dénier aux États vulnérables toute représentation vitale dans l’ordre
international240.
186. De même, les Tonga ont souligné ce qui suit :
Or, un territoire défini et une population étant des éléments constitutifs de la
qualité d’État en droit international, la question est pour les petits États
insulaires en développement une de survie. Aussi la délégation des Tonga
souligne-t-elle la nécessité de traiter sans tarder des incidences de ces
problématiques nouvelles sur le droit international 241.
187. Par ailleurs, Tuvalu a apporté une précision importante, en déclarant ce qui suit :
Nous soulignons que plusieurs des conditions à réunir pour avoir le st atut d’État
sont énumérées à l’article premier de la Convention de Montevideo sur les droits
et devoirs des États. En ce qui concerne mon pays, bien que nous procédions à
un examen complet de notre politique, nous constatons que l’argument se
développe [selon lequel] les critères prévus par la Convention de Montevideo
[s’appliquent] uniquement pour la détermination de la naissance d’un État plutôt
que [pour la détermination] de [la continuité] d’un État 242.
188. Par ailleurs, Cuba a souligné qu’il importait de faire preuve de prudence, en
déclarant ce qui suit :
__________________
239 Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique (https://www.un.org/en/
ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/19mtg_psids_2.pdf ; A/C.6/76/SR.19, par. 71).
240 Îles Salomon (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/22mtg_solomonis_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.22, par. 81).
241 Tonga (A/C.6/76/SR.22, par. 120).
242 Tuvalu (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/23mtg_tuvalu_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.23, par. 4).
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« Il importe de faire preuve d’une grande prudence lorsqu’il est question de la
possible perte du statut d’État due à l’élévation du niveau de la mer. Il est
essentiel de maintenir le principe selon lequel tout petit État insulaire qui verrait
disparaître son territoire en raison de l’élévation du niveau de la mer ne perdrait
ni son statut de sujet international ni l’ensemble des attributs s’y rattachant. La
coopération internationale a un rôle crucial à j ouer à cet égard243. »
189. Pour sa part, sur la base de sa propre expérience, la Lettonie a déclaré ce qui
suit :
Dotée de la qualité d’État depuis sa fondation en 1918 et de membre de la
Société des Nations, la Lettonie a souscrit à la thèse selon laquelle l’ exercice
d’un contrôle effectif sur un territoire n’est pas toujours un critère nécessaire de
la continuité juridique de l’État244.
190. Chypre, citant l’éminent juge et juriste James Crawford dans son célèbre
ouvrage The Creation of States in International Law, a souligné que245 :
[E]n ce qui concerne les questions relatives au statut d’État, nous souhaitons
souligner que le regretté juge James Crawford a souligné qu’un État ne cessait
pas nécessairement d’exister en cas de modifications profondes de territoire, de
population ou de gouvernement, ou même, dans certains cas, d’une combinaison
de ces trois éléments246.
191. En mettant l’accent sur le respect du droit à l’autodétermination, le
Liechtenstein a souligné ce qui suit :
Il est arrivé dans le passé que la survivance d’un État soit remise en question au
regard du droit, lorsque celui-ci avait perdu le contrôle de son territoire ou de sa
population et qu’en lieu et place, un autre État ou Gouvernement avait pris le
contrôle du territoire et de la population susmentionnés. La contestation tenait
alors au fait que l’État concerné ne remplissait pas les trois premiers critères
énoncés dans la Convention de Montevideo, selon lequel un État est une entité
réunissant au moins les conditions suivantes : une population permanente, un
territoire déterminé et un gouvernement. Dans le cas de l’inondation d’un
territoire due à l’élévation du niveau de la mer, cependant, les terres submergées
et leurs habitants ne sont pas tombés sous le contrôle d’un autre État et l’on peut
supposer que tant la population que le gouvernement concernés continuent
d’exister.
S’agissant du statut d’État dans le contexte de l ’élévation du niveau de la mer,
il convient de noter qu’il existe dans la pratique une forte présomption de la
pérennité des États, y compris en ce qui concerne leurs droits et obligations au
regard du droit international, par exemple dans les situations d ’occupation
belligérante. Il serait donc opportun d’adopter une position similaire pour les
cas d’inondations totales ou partielles du territoire d’un État ou d’un pays, ou
de déplacement de sa population247.
192. À cet égard, il convient de noter que les critères de la Convention sur les droits
et devoirs des États sont applicables dès lors qu’un État réunit lesdits critères, c’est -
à-dire lorsqu’il s’est constitué en sujet de droit international et, de manière géné rale,
à partir de ce moment-là. Il existe toutefois des situations exceptionnelles, par
__________________
243 Cuba (A/C.6/76/SR.21, par. 32).
244 Lettonie (A/C.6/76/SR.22, par. 75).
245 Crawford, The Creation of States (voir note de bas de page 29 ci-dessus).
246 Chypre (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/22mtg_cyprus_2.pdf ).
247 Liechtenstein (https://www.un.org/en/ga/sixth/76/pdfs/statements/ilc/21mtg_liechtenstein_2.pdf ;
A/C.6/76/SR.21, par. 3 et 4).
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exemple, dans le cas où le territoire d’un État est entièrement occupé par un autre État
ou un groupe d’États sans qu’il n’y ait pour autant disparition dudit État. Cel a est
d’autant plus vrai, comme on a pu le constater ci-dessus, lorsqu’un Gouvernement en
exil agit au nom de l’État concerné, ce dernier continuant donc d’exister et conservant
sa personnalité juridique internationale.
193. Même dans le cas d’États en proie à des violences internes graves ou à des
conflits non internationaux qui se poursuivent pendant plusieurs années et où aucun
Gouvernement ne contrôle la majeure partie du territoire et de la population ou
lorsqu’un tel Gouvernement n’est pas reconnu par les autres membres de la
communauté internationale, on suppose, en principe, que les États touchés par ces
situations n’ont pas cessé d’exister.
194. Dans le cas des petits États insulaires en développement dont le territoire
pourrait être recouvert par la mer ou devenir inhabitable en raison de circonstances
exceptionnelles échappant à la volonté ou à la capacité des États concernés, une forte
présomption de continuité de l’État peut être envisagée. Ces États ont le droit de
pourvoir à leur conservation et la coopération internationale a un rôle important à
jouer à cet égard.
195. La survivance de l’État est également liée à la préservation des droits des États
touchés par le phénomène de l’élévation du niveau de la mer liés aux zones maritimes
relevant de leur juridiction, ainsi qu’aux ressources biologiques et non biologiques
qui s’y trouvent.
196. Cependant, cette option peut soulever des problèmes ou des difficultés,
notamment l’apatridie possible de la population et la difficulté pour les États touchés
de fournir aux ressortissants une protection et une assistance diplomatiques , une
protection et une assistance consulaires, le manque d’efficacité du Gouvernement et
la difficulté pour l’État d’exercer ses droits sur les espaces maritimes relevant de sa
juridiction et sur les ressources biologiques et non biologiques qui s’y trouvent.
B. Maintien de la personnalité juridique internationale sans territoire
197. Dans le cas où l’ensemble du territoire terrestre d’un État est recouvert par la
mer ou devient inhabitable, on pourrait également envisager que l’État touché
conserve sa personnalité juridique internationale, comme ce fut le cas pour le Saint -
Siège entre 1870 et 1929 et comme c’est actuellement le cas pour l’Ordre souverain
de Malte. Dans un tel contexte, le sujet de droit international concerné pourrait
exercer le droit de légation, active ou passive, et conclure des traités, ainsi que
conserver la qualité de membre de certaines organisations internationales, agir au nom
de sa population ou de certains de ses ressortissants et veiller à la bonne utilisation de
ses ressources dans l’intérêt de sa population.
C. Recours à certaines des modalités suivantes :
1. Cession ou attribution de parties de territoire d’autres États,
avec ou sans transfert de souveraineté
Avec transfert de souveraineté
198. Dans ce cas de figure, un État pourrait céder une partie de son territoire en faveur
de l’État insulaire en développement dont le territoire risque d’être entièrement
recouvert par la mer. Cependant, bien qu’il s’agisse d’une option valable d’un point
de vue juridique, elle est très difficile à réaliser dans la pratique.
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Sans transfert de souveraineté
199. Autre cas de figure, une portion de territoire pourrait être cédée sans transfert
de souveraineté, par exemple, dans le cadre d’un accord conclu entre les États
concernés dans lequel ils prévoiraient un tel transfert ainsi que des dispositions
relatives à l’installation de la population et du Gouvernement de l’État touché dans
l’espace géographique concerné.
200. Un tel accord pourrait comporter des dispositions sur la nationalité des citoyens
de l’État insulaire concerné qui, sans préjudice du maintien de leur nationalité
d’origine, pourraient également acquérir la nationalité de l’État cédant ou bénéficier
d’une citoyenneté commune qui pourrait être créée à cette fin pour les ressortissants
des deux États, en vue d’éviter des situations concrètes d’apatridie, ainsi que jouir
d’une large autonomie destinée à préserver leur identité nationale, culturelle ou
collective.
201. En outre, l’accord pourrait porter sur les questions liées à l’installation du
Gouvernement de l’État insulaire concerné dans la bande de territoire à céder,
y compris les questions liées à l’exercice des immunités et des privilèges, ainsi qu’à
l’exercice des droits au nom de l’État concerné – tels que le droit de légation et la
conclusion de traités – et à l’accomplissement de formalités au profit de sa population,
que le Gouvernement continuerait de représenter.
202. À propos de cette option, et bien qu’il s’agisse de droits accordés ou reconnus
dans des contextes différents de ceux qui motivent la présente réflexion, il convient
de citer deux exemples : d’une part la relation entre le Pérou et l’Équateur, et d’autre
part la relation entre le Saint-Siège et l’Italie.
203. Le premier de ces exemples est celui d’un kilomètre carré, au centre duquel se
trouve le site connu sous le nom de Tiwinza, situé en territoire péruvien et sous
souveraineté péruvienne, dont le droit de propriété, sans possibilité de confiscati on
ultérieure, a été transféré gratuitement au Gouvernement équatorien. Ce dernier jouit
de droits réels en vertu du droit privé national péruvien, à ceci près qu’il ne peut
transférer le droit de propriété ou déployer de personnel militaire ou policier da ns la
zone ; en contrepartie, seules les commémorations préalablement convenues avec le
Gouvernement péruvien sont autorisées et aucune arme d’aucune sorte ne peut être
transportée d’un pays à l’autre248.
204. Le deuxième exemple est le traité entre le Saint -Siège et l’Italie conclu dans le
cadre des accords du Latran en 1929, qui non seulement reconnaît la souveraineté et
la propriété du Saint-Siège sur la Cité du Vatican, mais prévoit également un
traitement spécial pour une série de biens immobiliers apparten ant au Saint-Siège et
situés sur le territoire de l’État italien, tels que les basiliques patriarcales de Saint -
Jean de Latran, de Sainte-Marie-Majeure et de Saint-Paul, avec leurs bâtiments
annexes, ainsi que les locaux abritant les dicastères de la Curie romaine à Rome ; le
Palais des Papes et la Villa Barberini à Castelgandolfo, qui, outre qu’ils jouissent des
immunités et privilèges accordés par le droit international aux sièges des
représentations diplomatiques d’autres États, ne feront jamais l’objet de
cautionnements ou d’expropriations pour cause d’utilité publique, sauf accord
__________________
248 Avis contraignant émanant des chefs d’État des pays garants du Protocole de Rio de Janeiro, du
13 octobre 1998, comportant des éléments permettant de délimiter une frontière terrestre
commune. Ledit avis fait partie intégrante de l’Acte présidentiel de Brasilia, signé par les
Présidents du Pérou et de l’Équateur le 26 octobre 1998, voir par. 2, à l’ad resse suivante :
https://planbinacional.org.pe/wp-content/uploads/2018/07/BIN-Acuerdos-Brasilia-Per%C3%BAEcuador-
1998.pdf (consulté le 25 février 2022).
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préalable avec le Saint-Siège, et sont exonérés des impôts ordinaires ou
extraordinaires de l’État ou de toute autre entité249.
2. Association avec un ou plusieurs autres États
205. Pour ce cas de figure, on peut se référer à la situation de certains des petits États
insulaires en développement :
a) Le cas des Îles Cook et de la Nouvelle-Zélande : la Déclaration conjointe
du centenaire des principes régissant la relation entre les deux pays, signée le 11 juin
2001, souligne l’existence de deux États indépendants et souverains, ayant pour
citoyenneté commune celle de la Nouvelle-Zélande250. À cet égard, on peut souligner
la pratique des Îles Cook en matière de relations internationales, notamment
s’agissant de l’élaboration de traités et de l’adhésion à des organisations
internationales, telles que l’Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique
Sud, dont la Nouvelle-Zélande et les Îles Cook sont toutes les deux membres251.
b) Le cas des États fédérés de Micronésie, des Îles Marshall et des Palaos
avec les États-Unis d’Amérique : les accords en vigueur ne prévoient pas l’octroi de
la citoyenneté américaine ou de la résidence permanente aux habitants de ces États,
mais prévoient une coopération américaine favorable à ces territoires et la
reconnaissance du droit de leurs ressortissants de s’installer et de travailler aux États -
Unis, y compris de servir dans les forces armées américaines.
3. Création de confédérations ou de fédérations
206. S’il faut remonter le cours de l’histoire pour trouver des exemples de
confédérations, comme les États-Unis dans les premières années de leur existence
jusqu’à l’entrée en vigueur de la Constitution fédérale de 1787, la Suiss e, jusqu’en
1848, et la Confédération germanique entre 1815 et 1867 252, ces exemples peuvent
tout de même être utiles lorsqu’on examine la situation des petits États insulaires en
développement touchés par l’élévation du niveau de la mer. En effet, les
confédérations sont établies par des accords entre les États concernés, qui conservent
leur souveraineté et y participent sur un pied d’égalité, afin d’atteindre ou de
développer certains objectifs communs. De leur côté, la population et le territoire
n’ont pas une relation directe ou immédiate avec la confédération, mais avec les États
qui la composent.
207. Il est aussi possible de former une fédération ou de rejoindre une fédération
préexistante, dotée d’une constitution, à laquelle la souveraineté est dévolue et qui a
une relation directe – à l’instar des unités infra-étatiques qui la composent – avec la
population et le territoire. Dans les fédérations, le sujet de droit international est l’ État
__________________
249 Art. 13-16 du Trattato fra la Santa Sede e l’Italia (1929), disponible à l’adresse suivante :
https://www.vaticanstate.va/phocadownload/leggi-decreti/TrattatoSantaSedeItalia.pdf (consulté le
25 février 2022).
250 Déclaration conjointe du centenaire des principes régissant la relation entre les Îles Cook et la
Nouvelle-Zélande (Rarotonga, 11 juin 2001), disponible à l’adresse suivan te :
https://www.mfat.govt.nz/assets/Countries-and-Regions/Pacific/Cook-Islands/Cook-Islands-2001-
Joint-Centenary-Declaration-signed.pdf (consulté le 25 février 2022).
251 Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud, Participation, Membres de la
Commission, disponible à l’adresse suivante https://www.sprfmo.int/about/participation/ (consulté
le 25 février 2022).
252 François Aubert, « The historical development of confederations », dans la Commission
européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), « The modern concept of
confederation », Santorini, 22–25 September 1994, Science and technique of democracy No. 11,
document CDL.STD (1994)011, disponible à l’adresse suivante : https://www.venice.coe.int/
webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-STD(1994)011-e (consulté le 25 février 2022).
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fédéral, bien que, comme le précise le projet d’articles sur le dro it des traités adopté
par la Commission en 1966,
Les États membres d’une union fédérale peuvent avoir une capacité de conclure
des traités si cette capacité est admise par la constitution fédérale et dans les
limites indiquées dans ladite constitution253.
208. Un détail pertinent à éventuellement prendre en compte lorsque l’on examine
l’opportunité de former une fédération ou de rejoindre une fédération préexistante :
dans certains cas, les unités constitutives de la fédération sont reconnues comme ayant
la capacité d’accomplir certains actes de caractère international.
Allemagne
209. Autre expérience particulièrement intéressante : les « droits réservés »
(« Reservatrechte ») dont a été doté le Royaume de Bavière sous l’Empire allemand
(1871-1918) en ce qui concerne, par exemple, la capacité d’exercer le droit de légation
et celui de conclure des traités254.
210. Dans l’actuelle République fédérale d’Allemagne, d’après l’article 32 (1) de la
Loi fondamentale, il revient au Gouvernement fédéral d’entretenir des rela tions avec
les États étrangers. Toutefois, il convient de souligner que, d’après les autres
paragraphes du même article, les Länder ont la capacité de conclure des accords
internationaux, avec le consentement du Gouvernement fédéral, dans les domaines
relevant de leur compétence législative, et qu’il existe des mécanismes de
coordination entre le Gouvernement fédéral et les Länder s’agissant des questions de
politique étrangère intéressant ou impliquant ces derniers 255.
211. On peut trouver un exemple de cette pratique dans le traité sur les aspects
culturels conclu entre la République française et les Länder de Bade -Wurtemberg, de
l’État libre de Bavière, de Berlin, de la Ville libre hanséatique de Brême, de la Ville
libre hanséatique de Hambourg, de la Hesse, de la Basse-Hasse, de la Rhénanie-du-
Nord-Westphalie, de la Rhénanie-Palatinat, de la Sarre et du Schleswig-Holstein,
signé à Berlin le 2 octobre 1990 et entré en vigueur le 11 juillet 1992 256.
Suisse
212. Si la Constitution fédérale prévoit expressément à l’a rticle 54 que les affaires
étrangères relèvent de la compétence de la Confédération, les articles 55 et 56 traitent
respectivement de la participation des cantons aux décisions de politique extérieure
et des relations des cantons avec l’étranger257.
__________________
253 Par. 2 de l’article 5 du projet d’articles sur le droit des traités, Annuaire de la Commission du droit
international, 1966, vol. II, document A/6309/Rev.1, partie II, par. 38, p. 193.
254 B. Poloni, « La Bavière et l’empire », in G. Krebs et G. Gérard Schneilin (dir.), La naissance du
Reich, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 1995, p. 60 à 74.
255 Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne dans la version révisée publiée au
Journal officiel fédéral, partie III, numéro de classification 100-1, modifiée en dernier lieu par
l’article premier de la loi du 29 septembre 2020 (Journal officiel fédéral I, p. 2048), disponible en
anglais à l’adresse suivante : https://www.gesetze-iminternet.
de/englisch_gg/englisch_gg.html#p0019 (consulté le 25 février 2022).
256 Traité sur la chaîne culturelle européenne (avec déclaration) (Berlin, 2 octobre 1990), Nations
Unies, Recueil des Traités, vol. 1705, n° 29477, p. 9.
257 Art. 54-56 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (état au 7 mars
2021), disponible à l’adresse suivante : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1999/404/fr (consulté
le 25 février 2022).
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Belgique
213. L’organisation fédérale de l’État consacre les droits des régions et des
communautés linguistiques. Cela pose, par exemple, la question de la capacité de la
Région wallonne à disposer d’une délégation en France et à conclure des accords avec
la France. Citons par exemple l’Accord de coopération entre le Gouvernement de la
République française et la Région wallonne de Belgique, signé à Bruxelles le 10 mai
2004 et en vigueur depuis le 1er février 2006258, et l’Accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la Région wallonne du Royaume de
Belgique sur l’accueil des personnes handicapées, signé à Neufvilles (Belgique) le
21 décembre 2011 et en vigueur depuis le 1er mars 2014259.
Canada
214. Selon la pratique canadienne, il est possible que des accords soient conclus entre
les provinces et d’autres États sur des questions relevant de la compétence des
provinces. On peut citer à titre d’exemple l’Entente de coopération en matière
d’adoption internationale entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de la
République du Pérou signée en 2002 entre le Gouvernement du Pérou et le
gouvernement du Québec pour permettre aux résidents de cette province canadienne
d’adopter des enfants au Pérou260.
Ex-Union soviétique
215. Dans le cadre de ses constitutions successives, l’Union des républiques
socialistes soviétiques avait doté ses républiques constitutives de la capacité
d’accomplir des actes de caractère international et il convient de rappeler les exemples
des républiques soviétiques d’Ukraine et de Biélorussie de l’époque, qui avaient
adhéré à l’Organisation des Nations Unies et obtenu le statut de parties à des traités
multilatéraux261.
4. Unification avec un autre État, y compris la possibilité d’une fusion
216. Dans le cas d’une fusion, l’État insulaire touché par le phénomène de l’élévation
du niveau de la mer serait absorbé par un autre État. La population du premier État
serait intégrée à la population du second, dont elle obtiendrait également la
nationalité. Toutefois, un certain degré d’autonomie en faveur des anciens
ressortissants de l’État insulaire concerné pourrait être accordé au préalable afin de
préserver leur identité culturelle et collective.
__________________
258 Décret n° 2009-281 du 11 mars 2009 portant publication de l’accord de coopération entre le
Gouvernement de la République française et la région wallonne de Belgique, signé à Bruxelles le
10 mai 2004, publié au Journal officiel de la République française, 14 mars 2009, disponible à
l’adresse suivante :
https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=A3wJUVkMYZxmy8At3EmqcEY0JMRNZGyV
DKF_N-r7shY= (consulté le 25 février 2022).
259 Décret n° 2014-316 du 10 mars 2014 portant publication de l’accord-cadre entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la région wallonne du Royaume de Belgique sur
l’accueil des personnes handicapées, signé à Neufvilles le 21 décembre 2011, publié au Journal
officiel de la République française, 12 mars 2014, disponible à l’adresse suivante :
https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=OCqqBWszkTNKfQ5XVejd-vCwQ8RhV7Mt8asmbCOZxc=.
260 Entente de coopération en matière d’adoption internationale entre le gouvernement du Québec et
le gouvernement de la République du Pérou (6 mai 2002), disponible à l’adresse suivante :
http://www.mrif.gouv.qc.ca/Document/Engagements/2002-07.pdf (consulté le 25 février 2022).
261 Rosalyn Cohen, « The concept of statehood in United Nations practice », University of
Pennsylvania Law Review, vol. 109, n° 8 (juin 1961), p. 1131 et 1132.
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5. Systèmes hybrides potentiels : exemples issus de la pratique et pistes
envisageables
Formule de « co-souveraineté »
217. Outre le cas précité de l’Île des Faisans, également connue sous le nom d’Île de
la Conférence, située entre l’Espagne et la France, il convient de mentionner que
l’option de « co-souveraineté » avait fait l’objet de négociations entre l’Argentine et
le Royaume-Uni au sujet des Îles Falkland (Malvinas) avant la guerre de 1982, et
après l’invasion argentine de cette année-là, lorsque le Secrétaire d’État américain de
l’époque, Alexander Haig, faisait office de médiateur 262.
218. D’autre part, l’option de « co-souveraineté » a également fait l’objet de
négociations entre l’Espagne et le Royaume-Uni au sujet de Gibraltar en 2001 et 2002.
Plus récemment, le 4 octobre 2016, le Représentant permanent de l’Espagne auprès
de l’Organisation des Nations Unies a présenté une proposition par laquelle le
Royaume-Uni était officiellement invité à entamer des négociations pour convenir
d’un régime de souveraineté partagée sur Gibraltar fondé sur la reconnaissance d’une
autonomie aussi large que possible, conforme à l’ordre consti tutionnel espagnol, et
prévoyant un statut avantageux pour les Gibraltariens et Gibraltariennes qui pourrait
inclure la double nationalité263.
Cas de la Bosnie-Herzégovine
219. En Bosnie-Herzégovine, conformément à la Constitution résultant de l’Accord -
cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine de 1995, il existe deux entités
étatiques – la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine – dont les
habitants sont citoyens de chaque entité et de la Fédération dans son ensemble 264.
Cas des Îles Féroé
220. Les Îles Féroé sont dotées d’un très haut degré d’autonomie au sein du Royaume
du Danemark et prennent part aux relations internationales par la conclusion de
traités265 (par exemple de nature commerciale avec l’Union européenne, ainsi qu’avec
l’Islande, la Norvège et la Suisse) et sont membres d’organisations internationales,
__________________
262 Ana Laura Bochicchio, « Cold War and American Intervention in Malvinas (1982) », Quinto Sol,
vol. 25, no 1 (janvier- avril 2021) ; John O’Sullivan, « How the U.S. Almost Betrayed Britain »,
The Wall Street Journal, 2 avril 2012, disponible à l’adresse suivante :
https://www.wsj.com/articles/SB10001424052702303816504577313852502105454 (consulté le
25 février 2022) ; et Juan González Yuste, « Buenos Aires rechaza una administración tripartita »,
El País, 13 avril 1982, disponible à l’adresse suivante : https://elpais.com/diario/1982/04/14/
internacional/387583201_850215.html (consulté le 25 février 2022). La souveraineté sur les îles
Falkland (Malvinas) fait l’objet d’un différend entre le Gouvernement de l’Argentine et le
Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Voir ST/CS/SER.A/4,
en date du 3 août 1999.
263 Espagne (http://www.spainun.org/wp-content/uploads/2016/10/Intervenci%C3%B3n-
Espa%C3%B1a-
Item-58-71AG-versi%C3%B3n-compilada-ESP.ING_.pdf ; A/C.4/71/SR.3, par. 3 et 4).
264 Lettre datée du 29 novembre 1995, adressée au Secrétaire général par la Représentante permanente
des États-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies, à laquelle est joint
l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (A/50/79C-S/1995/999), 30 novembre
1995.
265 Loi n° 80 du 14 mai 2005 sur la conclusion d’accords de droit international par le Gouvernement
des Îles Féroé, disponible à l’adresse suivante : https://www.government.fo/en/foreignrelations/
constitutional-status/the-foreign-policy-act/ (consulté le 25 février 2022).
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notamment des organisations de gestion de la pêche telles que l’Organisation
régionale de gestion de la pêche du Pacifique Sud266.
Régions administratives spéciales de Hong Kong et Macao (Chine)
221. Les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao (République
populaire de Chine) sont des territoires douaniers spécifiques et, à ce titre, elles sont
membres de l’Organisation mondiale du commerce et concluent des traités en matière
de commerce et d’investissement 267 . Elles ont également conservé les systèmes
juridiques et l’organisation judiciaire qui existaient avant la rétrocession à la
République populaire de Chine ainsi qu’un certain nombre de droits reconnus à leurs
habitants. De même, outre le chinois, l’anglais reste une langue officielle à Hong
Kong et le portugais une langue officielle à Macao 268.
Cas de figure liés à la citoyenneté
222. Un cas de figure consiste à conserver la citoyenneté de chaque entité constitutive
de l’État aux côtés d’une autre citoyenneté commune à l’ensemble de l’État, comme
c’est le cas en Bosnie-Herzégovine, ou pour ce qui est de la « citoyenneté de l’Union
européenne », à laquelle on accède dans la mesure où l’on détient la nationalité de
l’un des États membres. Cette citoyenneté permet, par exemple, aux ressortissants
d’un État membre de l’Union européenne d’avoir accès à l’assistan ce consulaire d’un
autre État de l’Union dans un État tiers si l’État de nationalité ne dispose pas de sa
propre représentation dans cet État269.
223. Les différentes catégories de citoyenneté prévues par la loi sur la nationalité
britannique (distinctes de la catégorie « British citizen ») ne donnent pas en soi le
droit de vivre et de travailler au Royaume-Uni, mais donnent le droit de détenir un
passeport britannique et de bénéficier de l’assistance consulaire et de la protection
diplomatique du Royaume-Uni à l’étranger. À cet égard, il convient de rappeler le cas
des descendants d’Asiatiques installés en Ouganda pendant la colonisation
britannique, dont la plupart étaient d’origine indienne et se livraient essentiellement
__________________
266 Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud, Participation, Membres de la
Commission, disponible à l’adresse suivante https://www.sprfmo.int/about/participation/ (consulté
le 25 février 2022).
267 Organisation mondiale du commerce, Membres et observateurs, disponible à l’adresse suivante :
https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org6_f.htm Les accords de libre-échange et les
accords internationaux d’investissement conclus par Hong Kong (Chine) et Macao (Chine)
peuvent être consultés sur le site Web suivant : https://investmentpolicy.unctad.org/internationalinvestment-
agreements/by-economy (consulté le 25 février 2022).
268 Constitution de la République populaire de Chine, adoptée lors de la cinquième session de la
cinquième Assemblée populaire nationale et promulguée par l’annonce de l’Assemblée populaire
nationale le 4 décembre 1982, disponible à l’adresse suivante :
https://www.basiclaw.gov.hk/en/constitution/introduction.html (consulté le 25 février 2022) ; Loi
fondamentale de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de
Chine, adoptée lors de la troisième session de la septième Assemblée populaire nationa le le 4 avril
1990, disponible à l’adresse suivante : https://www.basiclaw.gov.hk/en/basiclaw/basiclaw.html
(consulté le 25 février 2022).
269 Version consolidée du Traité sur l’Union européenne, Journal officiel de l’Union européenne ;
Version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Journal officiel de
l’Union européenne ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Journal officiel de
l’Union européenne (2016/C 202/02), disponible à l’adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/
legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=OJ:C:2016:202:FULL&from=ES (consulté le 25 février 2022) ;
et Directive (UE) 2015/637 du Conseil du 20 avril 2015 établissant les mesures de coordination et
de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l’Union non
représentés dans des pays tiers et abrogeant la décision 95/553/CE, Journal officiel de l’Union
européenne 24.4.2015, disponible à l’adresse suivante : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/
FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32015L0637&from=ES (consulté le 25 février 2022).
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aux activités commerciales et aux affaires, et qui ont dû quitter le pays sur décision
du dictateur Idi Amin en août 1972. Dans ces circonstances et dans la mesure où ces
personnes détenaient des passeports britanniques, le Royaume -Uni leur a fourni une
assistance. Environ 30 000 d’entre elles se sont installées au Royaume-Uni, tandis
que les personnes restantes ont été accueillies dans d’autres pays du Commonwealth
comme l’Australie et le Canada ainsi qu’aux États -Unis270.
224. Autre cas de figure : l’octroi de la nationalité à certaines catégories de personnes
qui entretiennent un lien historique avec un État, comme ce fut le cas pour les Juifs
sépharades en Espagne par le décret royal de 1924 et la loi 12/2015 du 24 juin 2015
sur l’octroi de la nationalité espagnole aux sépharades d’origine espagnol e. On peut
en outre rappeler le cas de passeports de protection délivrés aux Juifs de Budapest par
l’Espagne et la Suède au cours des dernières années de la Seconde Guerre mondiale 271.
Cas de figure relatifs au droit des peuples à l’autodétermination
225. Il convient de mentionner le droit à l’autodétermination des peuples
autochtones, entendu au sens de la capacité à s’organiser et à gérer les affaires internes
et locales, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones de 2007 272 et à la Déclaration américaine sur les droits des peuples
autochtones de 2016273, ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour interaméricaine des
droits de l’homme274. À cet égard, il est intéressant de mentionner les expériences
telles que celles des Maoris en Nouvelle-Zélande et dans les Îles Cook, pour lesquelles
le Traité de Waitangi de 1840275 constitue un précédent intéressant ; des Sâmes dans
__________________
270 Chibuike Uche, « The British Government, Idi Amin and the expulsion of British Asians from
Uganda », Interventions – International Journal of Postcolonial Studies, vol. 19-6, publié en ligne
le 15 mai 2017, à l’adresse suivante : https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/
1369801X.2017.1294099?journalCode=riij20 (consulté le 25 février 2022) ; et Becky Taylor,
« Good Citizens ? Ugandan Asians, Volunteers and ‘Race’ Relations in 1970s Britain », History
Workshop Journal, vol. 85, 19 juin 2018, p. 120 à 141, disponible à l’adresse suivante
https://academic.oup.com/hwj/article/doi/10.1093/hwj/dbx055/4818096 (consulté le 25 février
2022).
271 Alejandro González-Varas Ibáñez, « La adquisición de la ciudadanía española por parte de los
judíos sefardíes tras la aprobación de la Ley 12/2015 », Revista Latinoamericana de Derecho y
Religión, vol. 2, n° 2 (2016) ; Ministère espagnol des affaires étrangères et de la coopération,
« Más allá del deber: La respuesta humanitaria del Servicio Exter ior frente al Holocausto »
(2014) ; et Ministère espagnol des affaires étrangères et de la coopération et Casa Sefarad -Israel,
« Visados para la libertad (Visas for freedom): Diplomáticos españoles ante el Holocausto »
(2008), disponible à l’adresse suivante : https://cdn.bush41.org/exhibits/catalogo_
visadosDic08.pdf (consulté le 25 février 2022).
272 Résolution 61/295 de l’Assemblée générale du 13 septembre 2007, annexe.
273 Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, adoptée par l’Ass emblée générale
de l’Organisation des États américains le 14 juin 2016, disponible à l’adresse suivante :
https://www.oas.org/es/sadye/documentos/res-2888-16-es.pdf (consulté le 25 février 2022).
274 Voir, par exemple, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire Peuple Saramaka c.
Suriname, arrêt du 28 novembre 2007 (Exceptions préliminaires, fond, réparations et frais et
dépens), par. 93.
275 Traité de Waitangi (Waitangi, 6 février 1840), disponible à l’adresse suivante :
https://nzhistory.govt.nz/politics/treaty/read-the-treaty/english-text (consulté le 25 février 2022).
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les pays nordiques (Finlande, Norvège et Suède)276 ; du peuple kanak en Nouvelle-
Calédonie, dans le contexte des relations de ce territoire avec la France 277.
226. À cet égard, lorsqu’on examine la situation des petits États insulaires en
développement dont le territoire terrestre pourrait être entièrement recouvert par la
mer ou devenir inhabitable, il est essentiel de préserver le droit à l’autodétermination
de leurs populations, qui peut se manifester par la continuité du statut d’État ou
l’adoption d’autres formules selon lesquelles les populations concernées participent
à la prise des décisions qui peuvent affecter leur avenir, et par lesquelles leurs droits,
y compris leur identité, sont préservés.
Troisième partie : protection des personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer
I. Considérations préliminaires
A. Une menace de taille
227. L’élévation du niveau de la mer représente une menace grave pour les petites
îles et les zones côtières de faible élévation du monde entier. Du point de vue de ses
incidences physiques, l’élévation du niveau de la mer expose notamment les
populations côtières à la perte de terres en raison du risque exacerbé d’érosion
destructrice, d’inondation et de submersion des zones humides auquel sont confrontés
les zones côtières présentant un relief très bas. L’augmentation des inondations
entraînera des conséquences particulièrement néfastes pour les infrastructures, les
établissements humains et les terres agricoles situés sur le littoral ou à proximité.
L’élévation du niveau de la mer favorise également l’intrusion d’eau salée dans les
estuaires et les aquifères des rivières, ce qui exerce une pression sur
l’approvisionnement en ressources d’eau douce et réduit la résistance du sol 278. Des
études menées sur les niveaux extrêmes de la mer dans le monde entier ont également
montré que l’élévation du niveau de la mer s’accompagne d’une augmentation de la
fréquence des phénomènes extrêmes provoqués par des conditions météorologiques
violentes tels que les cyclones tropicaux et les tempêtes des latitudes moyennes, qui
aggravent encore ces changements physiques279.
__________________
276 A/HRC/EMRIP/2021/2.
277 Loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à
l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, publiée au Journal officiel de la
République française, disponible à l’adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/
loda/id/JORFTEXT000000687687/ (consulté le 25 février 2022) ; Loi n° 99-209 organique du
19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, publiée au Journal officiel de la République
française, disponible à l’adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/
JORFTEXT000000393606/#:~:text=La%20Nouvelle%2DCal%C3%A9donie%20d%C3%A9termi
ne%20librement,d%C3%A9cider%20de%20modifier%20son%20son%20nom (consulté le
25 février 2022).
278 Nobuo Mimura, « Sea-level rise caused by climate change and its implications for society »,
Proceedings of the Japan Academy, Series B: Physical and Biological Sciences, vol. 89, n° 7
(25 juillet 2013), p. 281 à 301, et p. 291 à 295.
279 Antarctic Climate and Ecosystems Cooperative Research Centre, « Position analysis: climate
change, sea-level rise and extreme events – impacts and adaptation issues » (Hobart, 2008), p. 12.
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B. Un phénomène aux dimensions et à l’intensité multiples,
susceptible d’affecter l’exercice des droits de l’homme
228. L’élévation du niveau de la mer n’étant pas uniforme dans le temps et
l’espace280, la nature et l’intensité de son incidence physique varieront d’une région à
l’autre et d’une localité à l’autre281, en fonction, notamment, du terrain, des conditions
climatiques, du niveau de richesse, des conditions économiques, des infrastructures
et des institutions politiques282. Pourtant, l’élévation du niveau de la mer combinée à
la fréquence et à l’intensité des phénomènes extrêmes a des conséquences socio -
économiques, environnementales et culturelles potentiellement importantes sur les
vies humaines et les conditions de vie dans les zones côtières et les zones présentant
un relief très bas. Tous les aspects de la vie humaine sont menacés, notamment la
mortalité, les moyens de subsistance et l’industrie, la sécurité alimentaire et hydrique,
la santé et le bien-être, le logement, les terres et autres biens, les infrastructures et les
services essentiels, ainsi que le patrimoine culturel 283 . Par conséquent, bien que
l’élévation du niveau de la mer ne constitue pas en soi une violation des droits de
l’homme, elle peut compromettre l’exercice de ces droits284, en particulier ceux des
personnes et des groupes déjà vulnérables, notamment les femmes, les enfants, les
personnes âgées, les groupes autochtones et les autres communautés traditionnelles.
229. Dans les communautés résilientes, il est possible de surmonter grâce à des
stratégies d’atténuation et d’adaptation les incidences physiques de l’élévation du
niveau de la mer et des phénomènes extrêmes associés qui ne vont pas jusqu’à la
submersion totale285. Toutefois, dans les cas les plus graves, lorsque l’habitabilité des
zones côtières et des zones présentant un relief très bas est menacée et que les mesures
d’adaptation et d’atténuation s’avèrent inadéquates, ces perturbations peuvent avoir
de graves répercussions sur la vie des locaux, qui n’au ront peut-être d’autre choix que
de se déplacer ou d’émigrer.
C. Un phénomène dont l’impact peut entraîner d’importants
déplacements de population internes ou transfrontaliers
230. Il est difficile d’estimer l’ampleur de ces déplacements ou migrations, car les
impacts de l’élévation du niveau de la mer s’entrecroisent avec les effets d’autres
facteurs économiques, sociaux et politiques qui contraignent les populations à quitter
leur foyer 286 . Au cours de la dernière décennie, 83 % de toutes les catastrophes
déclenchées par des risques naturels ont été causées par des phénomènes
__________________
280 Benjamin Horton et al., « Mapping sea-level change in time, space and probability », Annual
Review of Environment and Resources, vol. 43 (2018), p. 481 à 521.
281 McAdam et al., International Law and Sea-Level Rise (voir supra note 134), p. 2.
282 Sujatha Byravan et Sudhir Chella Rajan, « The ethical implications of sea-level rise due to climate
change », Ethics and International Affairs, vol. 24, n° 3 (automne 2010), p. 239 à 260, à la p. 240.
283 McAdam et al., International Law and Sea-Level Rise (voir supra note 134), p. 4.
284 Siobhán McInerney-Lankford, « Human rights and climate change: reflections on international
legal issues and potential policy relevance », dans Gerrard et Wannier (dir.), Threatened Island
Nations (voir supra note 158), p. 195 à 242.
285 Anthony Oliver-Smith, Sea Level Rise and the Vulnerability of Coastal Peoples: Responding to the
Local Challenges of Global Climate Change in the 21st Century (Bonn, Institut pour
l’environnement et la sécurité humaine de l’Université des Nations Unies (UNU-EHS), 2009),
p. 28.
286 Gregory E. Wannier et Michael B. Gerrard, « Overview » in Gerrard et Wannier (dir.), Threatened
Island Nations (voir supra note 158), p. 5.
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météorologiques et climatiques extrêmes287. Selon l’Observatoire des situations de
déplacement interne, les catastrophes météorologiques ont provoqué le déplacement
interne de 23,9 millions de personnes rien que pour 2019 288 . Il ressort d’autres
estimations que 146 millions de personnes risquent de devoir évacuer leur logement
au cours du siècle prochain en raison des effets néfastes des changements climatiques,
notamment l’élévation du niveau de la mer289.
231. La plupart des réinstallations ou déplacements non librement consentis dans le
contexte de l’élévation du niveau de la mer seront internes et non transfrontaliers.
Toutefois, en l’absence d’interventions opportunes et proa ctives, les déplacements
vers d’autres États deviendront peut-être inéluctables290. Dans l’un ou l’autre de ces
cas de figure, compte tenu de son caractère, en principe, irréversible, l’élévation du
niveau de la mer présente plus de risques de provoquer des déplacements de
population à long terme ou permanents que toute autre forme de migration humaine
induite par l’environnement291.
232. Dans la mesure où l’élévation du niveau de la mer provoque l’inondation
partielle ou totale du territoire d’un État, y compris des petits États insulaires et des
États côtiers de faible altitude, les populations de ces zones, souvent densément
peuplées, sont donc affectées. L’élévation du niveau de la mer compromet
l’habitabilité de ces zones, poussant un nombre potentiellement él evé de personnes à
se déplacer, mais affectant également celles qui pourraient rester.
233. L’une des questions essentielles est donc celle de la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer, qu’elles soient déplacées ou qu’elles
migrent, ou qu’elles soient en mesure de rester grâce aux mesures d’atténuation et
d’adaptation, mais qu’elles restent tout de même vulnérables à l’impact de l’élévation
du niveau de la mer.
D. Absence d’un cadre juridique spécifique et d’un statut juridique
distinct pour les personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer
234. À ce jour, il n’existe aucun instrument juridique international contraignant qui
prévoit expressément des dispositions relatives aux mouvements transfrontaliers liés
aux changements climatiques et à la protection des personnes qui sont affectées ou
qui se déplacent en raison des effets néfastes des changements climatiques, tels que
l’élévation du niveau de la mer. À l’heure actuelle, le droit international n’accorde
pas de statut juridique distinct aux personnes touchées par les effets néfastes des
changements climatiques, notamment l’élévation du niveau de la mer.
235. Toutefois, en raison de la situation particulière à laquelle les personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer peuvent faire face, du fait de la nature même de
ce phénomène, elles peuvent avoir des besoins spécifiques auxquels il faudrait
__________________
287 Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Rapport sur les
catastrophes dans le monde 2020 : contre marées et chaleurs : s’attaquer ensemble aux
conséquences humanitaires de la crise climatique (Genève, 2020),
288 Observatoire des situations de déplacement interne, Rapport mondial sur le déplacement interne
de 2020 (Genève, 2020).
289 Etienne Piguet, « Climate change and forced migration », New Issues in Refugee Research,
Research Paper No. 153 (Genève, UNHCR, 2008) ; David Anthoff et al., « Global and regional
exposure to large rises in sea-level: a sensitivity analysis » Working Paper No. 96 (Norwich,
Tyndall Centre for Climate Change Research, 2006).
290 McAdam et al., International Law and Sea-Level Rise (voir supra note 134), p. 23.
291 Byravan et Chella Rajan, « The ethical implications of sea-level rise due to climate change » (voir
supra note 282), p. 240.
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répondre. L’impact de l’élévation du niveau de la mer sur les personnes touchées
soulève donc la question de savoir comment ces personnes devraient être protégées et
quels cadres juridiques existants sont potentiellement applicables à cette situation
(lex lata), et si les cadres juridiques existants sont suffisamment complets, cohérents
ou spécifiques, quelles sont leurs limites et si des ajustements seraient justifiés
(lex ferenda).
E. Protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer : la double approche fondée sur les droits et les besoins
issue du projet d’articles de 2016 sur la protection des personnes
en cas de catastrophe
236. Aux fins du présent sous-thème, la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer s’entend comme l’ensemble des activités visant à
assurer le plein respect des droits des personnes touchées, conformément aux cadres
pertinents et applicables du droit international. Comme l’a indiqué le Rapporteur
spécial, Eduardo Valencia-Ospina, dans le rapport préliminaire de la Commission sur
le sujet « La protection des personnes en cas de catastrophe » : « [L]’intitulé [du sujet]
... signifie aussi que la matière est envisagée du point de vue particulier de la victime
de la catastrophe et qu’il convient de l’aborder selon une approche fondée sur les
droits de celle-ci. Par essence, une telle approche consiste à déterminer une norme de
traitement spécifique à laquelle l’individu, la victime d’une catastrophe, in casu, a
droit. Pour paraphraser le Secrétaire général, l’approche fondée sur les droits prend
en considération non seulement les besoins humains mais aussi l ’obligation de la
société de respecter les droits inaliénables de la personne humaine. Elle permet aux
individus de demander justice en tant que droit et non pas comme acte de charité, et
confère aux collectivités une base morale à partir de laquelle elles peuvent demander
une assistance internationale, si nécessaire292.
237. Dans les travaux ultérieurs du Rapporteur spécial sur la protection des personnes
en cas de catastrophe et les résultats des travaux de la Commission sur le sujet, une
approche fondée sur les besoins a également été adoptée, sur la base des obligations
existantes en matière de droits de l’homme. Comme l’a déclaré le Rapporteur spécial
dans le deuxième rapport : « Plus qu’un énoncé normatif prétendant à l’exclusivité,
l’approche fondée sur les droits est un point de départ utile qui implique, cela est très
important, une terminologie également fondée sur les droits et elle doit être complétée
par d’autres conceptions du sujet que l’on veut comprendre. [La Fédération
internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge] a déclaré qu’une
approche fondée sur les droits pouvait être complétée par une prise en considération
de la pertinence des besoins dans le cadre de la protection des personnes en cas de
catastrophe. Le Rapporteur spécial pense qu’un tel exercice peut être utilement
entrepris dans ce contexte. Il n’y a pas d’opposition marquée en la matière entre
approche fondée sur les besoins et approche fondée sur les droits. Bien au contraire,
toute approche holistique raisonnable du sujet exige qu’on tienne compte à la fois des
droits et des besoins, le cas échéant sous l’angle de la complémentarité entre les uns
et les autres. »293
238. Ce compromis entre l’approche fondée sur les droits et l’approche fondée sur
les besoins a abouti au projet d’article 2, qui se lit comme suit : « L’objet du présent
projet d’articles est de faciliter une réponse aux catastrophes et une réduction des
__________________
292 A/CN.4/598, par. 12.
293 A/CN.4/615 et Corr.1, par. 17.
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risques de catastrophes qui soient adéquates et efficaces, de manière à répondre aux
besoins essentiels des personnes concernées, dans le plein respect de leurs droits . »294
239. Il semble justifié de suivre une approche analogue en ce qui concerne la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, puisque les
deux approches (l’une fondée sur les droits et l’autre fondée sur les besoins) ne
s’excluent pas nécessairement mutuellement, mais sont plutôt considérées comme
complémentaires : la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de
la mer doit répondre à leurs besoins et cette réponse doit se faire dans le plein respect
de leurs droits.
II. Recensement des cadres juridiques existants éventuellement
applicables à la protection des personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer
240. La présente section est consacrée au recensement des cadres juridiques existants
éventuellement applicables à la protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer. Les cadres juridiques pertinents sont abordés selon les catégories
suivantes : droit international des droits de l’homme, droit international humanitaire,
droit international relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur de leur
propre pays, droit international relatif aux migrants, droit international relatif aux
catastrophes et droit international relatif aux changements climatiques.
241. Le droit international des droits de l’homme, tant au niveau international que
régional, est l’un des éléments présentant un intérêt pour la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer, car les effets néfastes de cette dernière
peuvent affecter l’exercice de plusieurs droits de l’homme. L’analyse porte
essentiellement sur le droit international des droits de l’homme, mais fait également
référence aux systèmes de protection régionaux, le c as échéant.
242. Il y a lieu d’analyser brièvement le droit international humanitaire dans la
mesure où il pourrait y avoir un lien entre les effets néfastes des changements
climatiques, tels que l’élévation du niveau de la mer, et les conflits, tant en ce qui
concerne les causes profondes des conflits armés que l’impact des changements
climatiques sur la vulnérabilité des victimes civiles des conflits armés.
243. Étant donné que l’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner des
déplacements de personnes, dans leur propre pays ou à l’étranger, il est opportun
d’envisager leur protection du point de vue des régimes juridiques internationaux et
régionaux relatifs aux réfugiés, aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays et aux migrants.
244. Étant donné que l’élévation du niveau de la mer a également été qualifiée de
catastrophe et qu’elle constitue un effet néfaste des changements climatiques, on
pourrait trouver des dispositions pertinentes dans les régimes juridiques
internationaux et régionaux concernant la protection des personnes en cas de
catastrophe et le droit international relatif aux changements climatiques.
245. L’exercice de recensement se veut descriptif plutôt que normatif, et se fonde sur
la lex lata potentiellement applicable, en tenant compte du fait que, dans de nombreux
cas, les instruments existants ont un caractère non contraignant. Les instruments
internationaux et régionaux sont pris en compte, le cas échéant.
__________________
294 Projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, et commentaires y relatifs,
Annuaire de la Commission du droit international, 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48 et 49.
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A. Droit international des droits de l’homme
246. Il est désormais généralement admis que les changements climatiques peuvent
compromettre l’exercice des droits de l’homme, même si le régime juridique
international ou régional de ces droits ne prévoit pas de protection particulière contre
les effets néfastes de ces changements, y compris l’élévation du niveau de la mer.
247. Dans plusieurs de ses résolutions295, le Conseil des droits de l’homme a reconnu
que les effets néfastes des changements climatiques avaient une série d’incidences,
directes et indirectes, sur l’exercice effectif des droits de l’homme. Ces effets ont
également été signalés par le Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives
aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr,
propre, sain et durable 296 et d’autres titulaires de mandat relevant des procédures
spéciales297. La création récente par le Conseil d’un poste de rapporteur spécial sur la
promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des changements
climatiques298 et la reconnaissance par le Conseil du droit à un environnement propre,
sain et durable299 mettent davantage encore en évidence le lien qui existe entre les effets
néfastes des changements climatiques et l’exercice des droits considérés.
248. L’Accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015 300 , est le premier accord
international portant sur la question des changements climatiques dans lequel les
droits de l’homme sont mentionnés. Ainsi, il est dit dans le préambule que « les
changements climatiques sont un sujet de préoccupation pour l’humanité tout
entière » et que les États, lorsqu’ils « prennent des mesures face à ces changements,
[...] devraient respecter, promouvoir et prendre en considération leurs obligations
respectives concernant les droits de l’Homme, le droit à la santé, les droits des peuples
autochtones, des communautés locales, des migrants, des enfants, des personnes
handicapées et des personnes en situation vulnérable et le droit au développement,
ainsi que l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et l’équité entre les
générations ».
249. Bien que l’élévation du niveau de la mer ne constitue pas en soi une violation
des droits de l’homme, elle peut compromettre l’exercice de droits de l’homme
protégés par des conventions internationales ou régionales 301, en particulier ceux des
personnes et des groupes déjà vulnérables. Elle peut également accroître la
vulnérabilité future, des populations aujourd’hui en relative sécurité pouvant devenir
de plus en plus vulnérables avec le temps.
__________________
295 Résolutions 10/4, du 25 mars 2009, 18/22, du 30 septembre 2011, 26/27, du 27 juin 2014, 29/15,
du 2 juillet 2015, 32/33, du 1er juillet 2016, 35/20, du 22 juin 2017, 38/4, du 5 juillet 2018, 41/21,
du 12 juillet 2019, 44/7, du 16 juillet 2020 et 47/24, du 14 juillet 2021 du Conseil des droits de
l’homme.
296 Voir https://www.ohchr.org/fr/special-procedures/sr-environment.
297 Voir infra, par. 369 à 370 et 391 à 394.
298 Voir résolution 48/14 du Conseil des droits de l’homme, en date du 8 octobre 2021.
299 Voir résolution 48/13 du Conseil des droits de l’homme, en date du 8 octobre 2021.
300 Nations Unies, Recueil des Traités, no I-54113, onzième alinéa du préambule. Disponible à
l’adresse suivante : https://treaties.un.org.
301 Voir, en particulier, Déclaration universelle des droits de l’homme ; Pacte international relatif aux
droits civils et politiques ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(New York, 19 décembre 1966), ibid., vol. 999, no 14531, p. 3 ; Convention américaine relative
aux droits de l’homme : « Pacte de San José de Costa Rica » (San José, 22 novembre 1969), ibid.,
vol. 1144, no 17955, p. 123 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Nairobi,
27 juin 1981), ibid., vol. 1520, no 26363, p. 217 ; Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) (Rome, 4 novembre
1950), ibid., vol. 213, no 2889, p. 221.
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250. Les conséquences de l’élévation du niveau de la mer font peser des risques sur
de nombreux aspects de la vie humaine, notamment la mortalité, la sécurité
alimentaire et hydrique, la santé, le logement, les terres et autres biens, les moyens de
subsistance et le patrimoine culturel. De tels effets doivent être pris en considération
non seulement dans l’action visant les changements climatiques, telles que les
mesures d’atténuation et d’adaptation, mais aussi en ce qui concerne les personnes
touchées, qui peuvent devoir être réinstallées ou déplacées à l’intérieur ou à
l’extérieur de leur pays.
251. Parmi les droits de l’homme sur lesquels l’élévation du niveau de la mer risque
de peser le plus figurent les droits à la vie, à la propriété, à la nourriture et à l ’eau, à
la santé, à un logement suffisant et à une identité culturelle 302 , que les États ont
l’obligation de respecter à l’égard des personnes relevant de leur juridiction. Les
phénomènes à évolution lente tels que l’élévation du niveau de la mer peuvent avoir
des répercussions non seulement sur ces droits humains fondamentaux, mais aussi sur
les droits à la participation et à l’information des personnes qui pourraient être
touchées.
252. À titre d’exemple et sans préjudice d’une analyse au cas par cas des situations
en question, on trouvera ci-après une description non exhaustive des effets potentiels
de l’élévation du niveau de la mer sur la dignité et les droits de l’homme des personnes
touchées :
a) Le droit à la vie 303 . Les effets néfastes des changements climatiques,
notamment l’élévation du niveau de la mer, peuvent menacer tant directement
qu’indirectement la vie humaine. La mortalité est une des conséquences des
phénomènes extrêmes liés au climat. Dans les zones côtières de faible élévation et les
petits États insulaires en développement et autres petites îles, le risque de mort est
élevé en raison des ondes de tempête, des inondations côtières et de l ’élévation du
niveau de la mer. Dans le pire des cas, si un pays entier est menacé de disparaître sous
les eaux, les conditions de vie dans ce pays peuvent devenir incompatibles avec le
droit de vivre dans la dignité avant même que la catastrophe se produise ;
b) L’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants 304 .
Même si le droit à la vie n’est pas directement menacé, les effets néfastes des
changements climatiques tels que l’élévation du niveau de la mer peuvent faire courir
le risque de subir des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les territoires
où de tels traitements sont infligés car les populations sont privées de l’exercice
effectif de plusieurs droits de l’homme (les droits économiques, sociaux et culturels
mentionnés ci-après) qui sont essentiels à un niveau de vie suffisant et à une vie dans
la dignité. La présence de ces effets dans les États d’accueil, qui peut entraîner la
violation de l’interdiction des traitements en question, peut obliger les États d ’origine
à appliquer le principe de non-refoulement ;
__________________
302 Voir A/HRC/10/61.
303 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 3 ; Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, art. 6 ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 2 ; Convention américaine
relative aux droits de l’homme, art. 4 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art.
4. Voir aussi Comité des droits de l’homme, observation générale n o 36 (2018) (CCPR/C/GC/36).
304 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 5 ; Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, art. 7 ; Convention contre la torture et autres peines ou traitements cr uels, inhumains
ou dégradants (New York, 10 décembre 1984), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1465,
no 24841, p. 85, art. 16 ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 3 ; Convention
américaine des droits de l’homme, art. 5 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
art. 5. Voir aussi Comité des droits de l’homme, observation générale n o 20 (1992), rapport du
Comité des droits de l’homme, Documents officiels de l’Assemblée générale, quarante-septième
session, Supplément no 40 (A/47/40), annexe VI.
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c) Le droit à un logement suffisant305. Le droit à un logement suffisant est
un élément du droit à un niveau de vie suffisant. Disposer d ’un lieu d’hébergement
est essentiel à de nombreux aspects de la vie humaine et étroitement associé à un
certain nombre d’autres droits de l’homme. Les effets observés des changements
climatiques et ceux qui devraient se produire, dont l’élévation du niveau de la mer,
ont plusieurs conséquences directes et indirectes sur l ’exercice du droit à un logement
suffisant, notamment en ce qu’ils touchent les infrastructures et les établissements
humains. Les logements mal situés et de mauvaise qualité sont souvent les plus
vulnérables face aux phénomènes extrêmes, notamment les inondations et l ’élévation
du niveau de la mer. Les zones de peuplement et les infrastructures situées dans les
zones côtières sont particulièrement menacées ;
d) Le droit à la nourriture306. Dans les zones côtières de faible élévation et
dans les petits États insulaires en développement et autres petites îles, les moyens de
subsistance peuvent être compromis en cas d’onde de tempête, d’inondation côtière
et d’élévation du niveau de la mer, qui peuvent avoir des répercussions sur la
disponibilité et l’accessibilité de la nourriture et entraîner une perturbation de la
production alimentaire, une baisse du rendement des cultures, une augmentation des
prix des denrées et une insécurité alimentaire ;
e) Le droit à l’eau307. Le droit à l’eau est considéré comme inhérent au droit
à un niveau de vie suffisant et à celui de jouir du meilleur état de santé possible. Il est
indispensable à une vie vécue dans la dignité et conditionne la réalisation d ’autres
droits de l’homme. La salinisation des lentilles d’eau douce provoquée par l’élévation
du niveau de la mer dans les petits États insulaires en développement et dans les zones
côtières de faible élévation peut avoir des incidences sur le droit à l ’eau des
populations locales ;
f) Le droit de prendre part à la vie culturelle et le droit au respect de
l’identité culturelle308. Lorsque les populations se déplacent du fait de phénomènes
à évolution lente, tels que l’élévation du niveau de la mer ou l’érosion du littoral, elles
courent le risque de perdre la culture qui est attachée à leur territoire traditionnel.
L’impossibilité de vivre sur des terres ancestrales ou à proximité de l ’océan peut, pour
certains, aller à l’encontre de leur droit de faire valoir leurs droits culturels protégés.
Ceci est pertinent pour ce qui touche à l’exercice de leurs droits culturels par les
groupes autochtones et les populations minoritaires, y compris leur cap acité à
s’identifier à une communauté et, par conséquent, à s’adonner à leurs pratiques
culturelles ;
__________________
305 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25, et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. 11. Voir aussi Comité des droits économiques, sociaux et
culturels, observation générale no 4 (1991), Documents officiels du Conseil économique et social,
1991, Supplément no 3 (E/1992/23-E/C.12/1991/4), annexe III.
306 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25, et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. 11. Voir aussi Comité des droits économiques, sociaux et
culturels, observation générale no 12 (1999), Documents officiels du Conseil économique et social,
2000, Supplément no 2 (E/2000/22-E/C.12/1999/11 et Corr.1), annexe V.
307 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25, et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. 11 et 12. Voir aussi Comité des droits économiques, sociaux
et culturels, observation générale no 15 (2002), Documents officiels du Conseil économique et
social, 2003, Supplément no 2 (E/2003/22-E/C.12/2002/13), annexe IV, et résolution 64/292 de
l’Assemblée générale en date du 28 juillet 2010, sur le droit fondamental à l’eau et à
l’assainissement.
308 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 27, et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, art. 15. Voir aussi Comité des droits économiques, sociaux et
culturels, observation générale no 21 (2009), Documents officiels du Conseil économique et social,
2003, Supplément no 2 (E/2010/22-E/C.12/2009/3), annexe VII.
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g) Le droit à une nationalité et la prévention de l’apatridie 309 . Toute
personne a droit à une nationalité et doit être protégée contre la privation arbit raire de
cette nationalité. En soi, l’élévation du niveau de la mer ne risque pas de faire perdre
leur nationalité aux personnes touchées et de les rendre apatrides. Une telle situation
ne se présenterait que dans le cas extrême où un État disparaîtrait sa ns qu’il existe de
solution pour assurer la continuité de sa personnalité juridique ou de forme de
succession d’États possible. En revanche, en cas de déplacement ou de migration à
l’étranger sous l’effet de l’élévation du niveau de la mer, il importe de garantir que
les personnes touchées ne seront pas involontairement et arbitrairement privées de
leur nationalité du fait de l’application du droit interne en matière de nationalité ;
h) Les droits des enfants 310 . Les droits de l’homme examinés dans la
présente section sont aussi généralement protégés par la Convention relative aux
droits de l’enfant. Il est reconnu que les enfants sont particulièrement touchés par les
changements climatiques, tant en ce qui concerne la manière dont ils se ressent ent des
effets de ces changements qu’en ce qui concerne les conséquences que ces
changements peuvent avoir sur eux tout au long de leur vie, surtout si des mesures ne
sont pas prises immédiatement. Compte tenu de cet impact particulier et étant donné
que la Convention relative aux droits de l’enfant accorde à ceux-ci des garanties
spéciales, en particulier celle d’une protection juridique appropriée, les États peuvent
avoir une obligation accrue de protéger les enfants contre les dommages prévisibles
causés par les changements climatiques, notamment l’élévation du niveau de la mer ;
i) La participation du public, l’accès à l’information et l’accès à la
justice311. Il est de plus en plus reconnu, en droit international des droits de l ’homme,
ainsi qu’en droit international de l’environnement, que le droit de toute personne de
prendre part à la direction des affaires publiques de son pays inclut le droit de
participer à l’élaboration de plans ou de mesures susceptibles d ’avoir des incidences
notables sur l’environnement, ce qui pourrait couvrir les mesures de lutte contre
l’élévation du niveau de la mer ou de protection des personnes contre les effets de
celle-ci. Sont étroitement liés à ces droits le droit d ’accès aux informations sur ces
__________________
309 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 15, et Convention américaine relative aux
droits de l’homme, art. 20. Voir aussi Convention relative au statut des apatrides (New York,
28 septembre 1954), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 360, no 5158, p. 117 ; Convention sur
la réduction des cas d’apatridie.
310 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25, et Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, art. 24. Voir également Convention relative aux droits de l’enfant (New York,
20 novembre 1989), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1577, no 27531, p. 3 ; Comité des
droits de l’homme, observation générale no 17 (1989), rapport du Comité des droits de l’homme,
Documents officiels de l’Assemblée générale, quarante-quatrième session, Supplément no 40
(A/44/40), annexe VI.
311 Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 8 et 19 à 21 ; Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, art. 2, 19 et 25 ; Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, art. 13 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes (New York, 18 décembre 1979), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1249,
no 20378, p. 13, art. 7 ; Convention relative aux droits de l’enfant, art. 13 ; Convention américaine
relative aux droits de l’homme, art. 23 et 25. Voir aussi Comité des droits de l’homme, observation
générale no 25 (1996), rapport du Comité des droits de l’homme, Documents officiels de
l’Assemblée générale, cinquante et unième session, Supplément no 40 (A/51/40), vol. I, annexe V.
Voir aussi Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement [A/CONF.151/26/Rev.l
(Vol. l)], annexe I, principe 10 ; Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (New York, 9 mai 1992), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1771, no 30822, p. 107,
art. 6 ; Accord de Paris, art. 12 ; Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au
processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Aarhus (Danemark), 25 juin
1998), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2161, no 37770, p. 447 ; Accord régional sur l’accès à
l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des qu estions
environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes (Escazú (Costa Rica), 4 mars 2018), ibid.,
no I-56654, disponible à l’adresse suivante : https://treaties.un.org.
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questions détenues par les autorités publiques et le droit d’accès à la justice, y compris
à des fins de recours et de réparation, concernant les décisions prises en rapport avec
l’élévation du niveau de la mer qui pourraient être contraires aux droits de l ’homme ;
j) Le droit à l’autodétermination et les droits des peuples autochtones312.
Le droit collectif à l’autodétermination est un principe fondamental du droit
international, consacré par la Charte des Nations Unies. Il s ’agit également d’un droit
de l’homme, selon l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, qui dispose en outre qu’en vertu de ce droit, tous les peuples « déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique,
social et culturel ». Le droit à l’autodétermination est essentiel à l’exercice effectif
d’autres droits de l’homme. L’inondation des terres résultant de l’élévation du niveau
de la mer peut présenter des risques pour l’intégrité territoriale des États ayant un
littoral étendu et pour les petits États insulaires. Dans des cas extrêmes, l ’élévation
du niveau de la mer peut menacer l’existence même de certains États de faible
altitude. Dans ces cas, le droit à l’autodétermination pourrait être menacé, car il est
peu probable que la population puisse être relocalisée dans son intégralité et les
membres de cette communauté rester ensemble ailleurs, avec des institutions et une
capacité de gouvernance qui fonctionnent. Dans pareils cas comme dans d ’autres, les
effets de l’élévation du niveau de la mer peuvent priver les peuples autochtones de
leurs territoires traditionnels et de leurs sources de revenus. Le risque de perte de
territoires traditionnels en raison de l’élévation du niveau de la mer et de l’érosion du
littoral, par exemple, menace la survie culturelle, les moyens de subsistance et
l’intégrité territoriale des peuples autochtones.
253. Il convient toutefois de noter que seule une étude au cas par cas, compte tenu de
toutes les circonstances pertinentes, permettrait d ’évaluer l’applicabilité de chacun
des droits susmentionnés. En particulier, l’élévation du niveau de la mer pourrait être
considérée comme une circonstance extrême justifiant la dérogation aux obligations
en matière de droits de l’homme autorisée par plusieurs traités, si bien qu ’il pourrait
ne pas être tout à fait certain, dans ce cas, que les obligations visant à garantir
l’exercice des différents droits s’appliqueraient de la même manière pour tous. Il
pourrait être nécessaire de procéder à une telle étude avant de décider qu ’un droit
s’applique définitivement, et dans quelle mesure.
254. L’applicabilité et l’étendue exactes des obligations des États en matière de droits
de l’homme dépendent de la nature du droit en question, en d ’autres termes de la
question de savoir s’il s’agit d’un droit civil ou politique ou d’un droit économique,
social ou culturel. Une analyse plus approfondie et plus nuancée serait également
nécessaire à cet égard.
__________________
312 Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, article premier (commun aux deux textes). Voir aussi Comité
des droits de l’homme, observation générale no 12 (1984), rapport du Comité des droits de
l’homme, Documents officiels de l’Assemblée générale, trente-neuvième session, Supplément no 40
(A/39/40, A/39/40/Corr.1 et A/39/40/Corr.2), annexe VI ; Déclaration des Nations Unies sur les
droits des peuples autochtones (résolution 61/295 de l’Assemblée générale, annexe).
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B. Droit international humanitaire
255. La relation entre le droit international humanitaire et les changements
climatiques est une question qui suscite une attention croissante313, mais l’applicabilité
de cette branche du droit à la protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer n’est pas facile à établir.
256. Le droit international humanitaire peut être pertinent s ’il s’agit de protéger les
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer dans une situation d e conflit
armé international ou non international sur un territoire touché par l ’élévation du
niveau de la mer, situation qui justifierait l’application de cette branche spécialisée
du droit international, en tant que lex specialis, plutôt que du droit des droits de
l’homme314. En d’autres termes, si l’élévation du niveau de la mer devait se produire
sur le territoire même où se déroulait un conflit armé, ou vice versa, la situation serait
régie en premier lieu par les règles du droit international humanitai re.
257. Dans le projet d’article 18 du projet d’articles sur la protection des personnes en
cas de catastrophe, la Commission a considéré que le projet d ’articles ne s’appliquait
pas dans la mesure où la réponse à une catastrophe était régie par les règles du droit
international humanitaire. Comme il est expliqué dans le commentaire, « les règles
du droit international humanitaire doivent s’appliquer à titre de lex specialis, tandis
que celles énoncées dans le projet d’articles continueraient de s’appliquer “dans la
mesure” où des questions juridiques soulevées par une catastrophe ne seraient pas
couvertes par les règles du droit international humanitaire. Le projet d ’articles
contribuerait ainsi à combler les vides juridiques dans la protection des personnes
touchées par des catastrophes au cours d’un conflit armé, tandis que dans les
situations régies à la fois par le projet d’articles et par le droit international
humanitaire, ce dernier aurait la primauté. Plus particulièrement, on ne saurait
interpréter le projet d’articles de telle manière qu’il représente un obstacle à la
capacité des organisations humanitaires de mener leurs activités en période de conflit
armé (que le conflit en question soit international ou non et même s ’il survient
parallèlement à une catastrophe) conformément à leur mandat en vertu du droit
international humanitaire. »315
__________________
313 Voir, par exemple, Tuiloma Neroni Slade, « International humanitarian law and climate change »,
dans Suzannah Linton, Tim McCormack et Sandesh Sivakumaran (dir.), Asia-Pacific Perspectives
on International Humanitarian Law (Cambridge, Cambridge University Press, 2019), p. 643 à
655. Voir aussi Karen Hulme, « Climate change and international humanitarian law », dans
Rosemary Rayfuse et Shirley V. Scott (dir.), International Law in the Era of Climate Change
(Cheltenham (Royaume-Uni) et Northampton (Massachusetts), Edward Elgar P ublishing, 2012),
p. 190 à 218, à la page 207 ; Christine Bakker, « The relationship between climate change and
armed conflict in international law: does the Paris Agreement add anything new? », Journal for
Peace Processes, vol. 2, no 1 (premier trimestre, 2016), p. 2 et 3.
314 Comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif sur les Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé (CIJ Recueil 2004,
p. 136, à la page 178, par. 106), « [d]ans les rapports entre droit international humanitaire et droits
de l’homme, trois situations peuvent dès lors se présenter : certains droits peuvent relever
exclusivement du droit international humanitaire ; d’autres peuvent relever exclusivement des
droits de l’homme ; d’autres enfin peuvent relever à la fois de ces deux branches du droit
international. Pour répondre à la question qui lui est posée, la Cour aura en l’espèce à prendre en
considération les deux branches du droit international précitées, à savoir les droits de l’homme et,
en tant que lex specialis, le droit international humanitaire. »
315 Commentaire du projet d’article 18 du projet d’articles sur la protection des personnes en cas de
catastrophe, Annuaire de la Commission du droit international 2016, vol. II (deuxième partie),
par. 49.
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258. Dans plusieurs dispositions des Conventions de Genève de 1949 et de leurs
protocoles additionnels de 1977316, il est question des formes d’aide humanitaire à
fournir en période de conflit ou d’occupation même si ce conflit ou cette occupation,
bien qu’ils aient pu les exacerber, n’ont pas nécessairement causé les situations que
l’aide vise à soulager317.
259. En conséquence, s’il devenait nécessaire de porter secours à des personnes
touchées par les effets de l’élévation du niveau de la mer dans une situation de conflit
armé (de caractère international ou non international), ces secours seraient apportés
conformément aux règles applicables du droit international humanitaire. Étant donné
la complexité de cette situation, dans laquelle de multiples vulnérabilités
coïncideraient, le droit international humanitaire et le droit des catastrophes seraient
applicables concurremment318, le droit international des droits de l’homme et d’autres
branches du droit international offrant des protections subsidiaires.
260. Il est reconnu dans la doctrine que les populations sont doublement vulnérables
dans de nombreux conflits 319 , en raison de la coexistence de facteurs de risque
résultant, d’une part, de la situation liée au climat (y compris l’élévation du niveau de
la mer) et, d’autre part, du conflit en soi320. Dans ces cas, victimes à la fois du conflit
et de difficultés causées par les problèmes environnementaux et climatiques, ces
populations doivent bénéficier de formes particulières d ’aide humanitaire.
261. Dans un rapport récent, le Comité international de la Croix -Rouge (CICR)
souligne que si les changements climatiques n’engendrent pas directement de conflits
armés, ils peuvent en faciliter indirectement l’émergence en exacerbant une série de
facteurs qui, par un jeu d’interactions complexes, peuvent déboucher sur des
conflits321. Dans les lieux déjà en proie à un conflit armé, les changements climatiques
peuvent entraver la capacité des autorités compétentes de gérer les vulnérabilités et
de répondre aux besoins de la population civile322.
__________________
316 Conventions de Genève relatives à la protection des victimes de la guerre (Genève, 12 août 1949),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 75, nos 970 à 973, p. 31 ; Protocoles additionnels aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 (Genève, 8 juin 1977), ibid. vol. 1125, nos 17512-17513, p. 3.
317 En particulier, Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de
guerre (quatrième Convention), ibid. vol. 75, no 973, p. 287, art. 23, 55, 59 à 61 et 63 ; Protocole
additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des
conflits armés internationaux (Protocole I), ibid., vol. 1125, no 17512, p. 3, art. 17, 61 à 71 et 81 ;
Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), ibid., vol. 1125, no 17513, p. 609,
art. 18. Voir Hulme, « Climate change and international humanitarian law », dans Rayfuse et Scott
(dir.), International Law in the Era of Climate Change (voir supra note 313), p. 207.
318 En ce qui concerne le droit international relatif aux catastrophes, voir aussi la section E infra,
par. 284 à 305.
319 Voir Comité international de la Croix-Rouge (CICR), « The relationship between climate change
and conflict », 6 janvier 2016.
320 Katie Peters et al., « Double vulnerability: the humanitarian implications of intersecting climate
and conflict risk », Overseas Development Institute, mars 2019.
321 CICR, Quand la pluie devient poussière : Comprendre et atténuer les effets conjugués des conflits
armés et de la crise climatique et environnementale sur la vie quotidienne des personnes touchées
(Genève, 2020), p. 22.
322 Ibid., p. 20 à 24.
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C. Droit international relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées
à l’intérieur de leur propre pays
1. Droit international relatif aux réfugiés
262. À ce jour, aucun État d’accueil n’a accordé le statut de réfugié, au sens de la
Convention relative au statut des réfugiés (1951)323, en se fondant exclusivement sur
des facteurs liés à des changements induits par un changement de climat, tels que
l’élévation du niveau de la mer324.
263. Actuellement, ni les changements climatiques ni aucun de leur effets néfastes,
tels que l’élévation du niveau de la mer, ne sont reconnus dans le cadre réglementaire
international relatif aux réfugiés comme une situation justifiant l’octroi du statut de
personne protégée, à moins que les éléments de la définition juridique des réfugiés
rappelée plus loin ne soient réunis par ailleurs.
264. Bien qu’ils soient souvent utilisés pour appeler l’attention et mobiliser la société
civile au sujet des dangers du réchauffement de la planète, des termes tels que
« réfugié climatique » ou « réfugié environnemental » ne sont donc pas des termes
juridiques325.
265. En plus de ne pas constituer une catégorie juridiq ue, ces termes ont plusieurs
limites :
a) ils peuvent contribuer à des malentendus sur les modalités, la durée et la
nature probables des mouvements de population liés aux changements climatiques 326 ;
b) ils peuvent être jugés offensants par les personnes auxquelles ils sont
appliqués 327 , et être rejetés parce que considérés comme évoquant un sentiment
d’impuissance et un manque de dignité ou comme une marque de stigmatisation des
victimes328;
__________________
323 Convention relative au statut des réfugiés (Genève, 28 juillet 1951), Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 189, no 2545, p. 137.
324 Voir, par exemple, les affaires portées devant les tribunaux néo -zélandais, telles que Cour suprême
de la Nouvelle-Zélande, Teitiota v. Chief Executive of the Ministry of Business, Innovation and
Employment, affaire no [2015] NZSC 107, arrêt, 20 juillet 2015.
325 La notion de « réfugié environnemental » s’est popularisée en 1985 lorsque Essam el-Hinnawi, du
PNUE, a employé le terme dans un rapport pour désigner les personnes forcées de quitter leur lieu
de vie habituel, de façon temporaire ou permanente, en raison d’une rupture environnementale
(d’origine naturelle ou humaine) ayant mis en péril leur existence ou sérieusement affecté leurs
conditions de vie (Essam el-Hinnawi, Environmental Refugees (Nairobi, PNUE, 1985), p. 4). Voir
aussi François Gemenne, « How they became the human face of climate change: research and
policy interactions in the birth of the ‘environmental migration’ concept », dans Etienne Piguet
et al. (dir.), Migration and Climate Change (Cambridge, Cambridge University Press ; Paris,
Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), 2011), p. 225
à 259, à la page 228.
326 Jane McAdam, « The relevance of international refugee law », dans Climate Change, Forced
Migration, and International Law (Oxford University Press, 2012), p. 39 à 51, à la page 40.
327 Jane McAdam, « The normative framework of climate change-related displacement », Brookings
Institution, 3 avril 2012, p. 1 et 2 ; Peter Penz, « International ethical responsibilities to “climate
change refugees” », dans Jane McAdam (dir.), Climate Change and Displacement:
Multidisciplinary Perspectives (Oxford et Portland (Oregon), Hart Publishing, 2010), p.151 à 174,
à la page 152.
328 McAdam, « The relevance of international refugee law », dans Climate Change (voir supra
note 326), p. 41.
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c) les juristes les considèrent comme impropres329.
266. La définition juridique du statut de réfugié, ainsi que les droits qu ’il confère,
sont énoncés dans la Convention de 1951, à lire en parallèle avec le Protocole relatif
au statut des réfugiés (1967) 330 . Cette définition s’appliquant principalement aux
réfugiés politiques (c’est-à-dire aux personnes fuyant des persécutions), elle ne
permet pas de protéger les personnes touchées par les changements climatiques, dont
l’élévation du niveau de la mer.
267. Dans la Convention de 1951, un réfugié est défini comme toute personne qui,
« craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions
politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, d u fait
de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a
pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence
habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite craint e, ne veut
y retourner »331.
268. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR)332 a confirmé
dans son guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des
réfugiés que les victimes de catastrophes naturelles étaient exclues du champ
d’application de la Convention333 à moins que les critères mentionnés ci-dessus ne
soient remplis. Le même raisonnement devrait s’appliquer aux effets néfastes des
changements climatiques, tels que l’élévation du niveau de la mer.
269. Au niveau régional, la Convention de l’Organisation de l’unité africaine
régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ( 1969)334 et la
Déclaration de Carthagène sur les réfugiés (1984), en ce qui concerne l’Amérique
latine, contiennent des définitions des réfugiés plus larges que celle de la Convention
de 1951 335 . Toutefois, ces définitions élargies ne permettent pas d ’échapper à la
difficulté d’établir un lien de causalité juridique entre les changements induits par un
changement de climat et une activité humaine ; par exemple, on ne sait pas bien qui
pourrait être considéré comme un agent de persécution dans les situations de
déplacement dus aux changements climatiques336.
270. Parmi les initiatives ou instruments non contraignants qui sont pertinents, la
Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants337, adoptée par l’Assemblée
générale à sa soixante et onzième session, en 2016, reconnaît explicitement le lien
__________________
329 Jane McAdam, « From economic refugees to climate refugees? Review of International Refugee
Law and Socio-Economic Rights: Refuge from Deprivation by Michelle Foster », Melbourne
Journal of International Law, vol. 10, n° 2 (octobre 2009), p. 579 à 595.
330 Protocole relatif au statut des réfugiés (New York, 31 janvier 1967), Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 606, no 8791, p. 267.
331 Art. 1, par. A, al. 2).
332 En ce qui concerne le HCR, voir aussi infra, par. 395 à 398.
333 HCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le
statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut
des réfugiés (Genève, 2011), par. 39.
334 Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des
réfugiés en Afrique (Addis-Abeba, 10 septembre 1969), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 1001, no 14691, p. 45.
335 Déclaration de Carthagène sur les réfugiés, adoptée lors du Colloque sur la protection
internationale des réfugiés en Amérique centrale, au Mexique et au Panama tenu à Carthagène
(Colombie) du 19 au 22 novembre 1984. Disponible à l’adresse suivante : www.oas.org/dil/
1984_Cartagena_Declaration_on_Refugees.pdf.
336 Environmental Justice Foundation, « Falling through the cracks: a briefing on climate change,
displacement and international governance frameworks » (2014), p. 7.
337 Résolution 71/1 de l’Assemblée générale en date du 19 septembre 2016.
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entre les migrations, l’environnement et les changements climatiques338. Néanmoins,
elle ne reconnaît pas l’existence de la catégorie spéciale de réfugiés que seraient les
réfugiés climatiques ou les réfugiés environnementaux, ce que ne fait pas non plus le
pacte mondial sur les réfugiés, présenté par le HCR et approuvé par l ’Assemblée le
17 décembre 2018339.
2. Droit international relatif aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays
271. Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont catégorisées ou
désignées comme telles, et non comme des réfugiés. Elles sont donc exclues du champ
d’application de la Convention de 1951. Elles relèvent de la responsabilité de leur
pays d’origine et ne font l’objet d’aucune convention internationale.
272. Au niveau international, tous les principes internationaux relatifs aux personnes
déplacées ont été rassemblés en un seul document, les Principes directeurs relatifs au
déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays340, qui ont été présentés à
la Commission des droits de l’homme341 et dans lesquels sont énoncées les premières
normes internationales élaborées en faveur de ces personnes. Les Principes directeurs
ne créent pas de statut juridique à part pour les perso nnes déplacées à l’intérieur de
leur pays (qui jouissent des mêmes droits et libertés que leurs compatriotes non
déplacés) : ils ont pour but de répondre à leurs besoins spécifiques 342.
273. Dans les Principes directeurs, les personnes déplacées sont définies comme
« des personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou
à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d ’un
conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de
l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l ’homme ou pour en éviter
les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d ’un
État »343. Cette définition est non pas une définition juridique mais une description de
la catégorie de personnes aux besoins desquelles les Principes directeurs visent à
répondre344.
274. Le déplacement interne se définit par le fait que le mouvement est contraint ou
forcé et qu’il a lieu à l’intérieur des frontières nationales. Selon les Principes
directeurs, les États doivent prendre des mesures pour prévenir les déplacements
internes, faire respecter les droits des personnes déplacées et soutenir la mise en place
de solutions durables.
275. Bien que les Principes directeurs soient, en principe, applicables aux personnes
qui ont été déplacées à l’intérieur de leur pays en raison d’effets néfastes des
changements climatiques, tels que l’élévation du niveau de la mer, ils peuvent
présenter les limites ci-après :
a) Comme les effets des changements climatiques, dont l’élévation du niveau
de la mer, peuvent se faire sentir pendant des mois, des années, voire des décennies,
__________________
338 Ibid., par. 1 et 43.
339 Résolution 73/151 de l’Assemblée générale en date du 17 décembre 2018.
340 E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe.
341 Voir la résolution 2004/55 de la Commission des droits de l’homme.
342 Roberta Cohen, « The Guiding Principles on Internal Displacement: a new instrument for
international organizations and NGOs », Forced Migration Review, no 2 (août 2998), p. 2.
343 E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe, par. 2.
344 Walter Kälin, Guiding Principles on Internal Displacement – Annotations (American Society for
International Law, 2008), p. 3 à 5.
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il est difficile de déterminer si le déplacement est volontaire ou forcé et donc si les
Principes directeurs sont applicables345 ;
b) Il est difficile de déterminer le moment où une zone devient inhabitable.
Dans le cas des petits États insulaires touchés par l’élévation du niveau de la mer, par
exemple, il est probable que, bien avant que les îles ne soient submergées, les
populations les quitteront au fur et à mesure que la situation se détériorera, pour éviter
les effets à plus long terme, chassés par la salinisation des réserves d ’eau et des terres
arables et la destruction des infrastructures346 ;
c) Les catastrophes à évolution lente et les effets néfastes des changements
climatiques ne provoquent pas nécessairement des déplacements, mais ils peuvent
inciter les gens à envisager de s’installer ailleurs, ce mouvement étant alors une
manière de s’adapter à l’évolution de l’environnement, et expliquer les mouvements
vers des régions où les conditions de vie et les possibilités de revenus sont meilleures.
Toutefois, si des zones deviennent inhabitables au fil du temps, la situation continuant
de se détériorer jusqu’à une désertification complète, l’inondation permanente des
zones côtières ou des situations analogues, les mouvements de population
s’apparenteront à des déplacements forcés et deviendront permanents 347 ;
d) La complexité de la corrélation entre les causes enviro nnementales et les
causes économiques des mouvements de population rend délicate l ’application des
Principes directeurs, qui sont fondés sur la distinction entre les mouvements
volontaires et ceux que les personnes déplacées opèrent indépendamment de leur
volonté. Il est difficile de faire le départ entre les déplacements dus à la perte des
moyens de subsistance provoquée par les changements climatiques et les
déplacements effectués en vue de trouver un emploi 348 ;
e) Les personnes qui se déplacent pour des motifs économiques sont
délibérément exclues des Principes directeurs, alors que la mobilité humaine liée aux
changements climatiques comporte dans la plupart des cas une forte dimension
économique centrée sur la perte des moyens de subsistance et la bais se des revenus
des ménages349 ;
f) Il est probable que les déplacements sont lents et se produisent dans des
lieux où la migration saisonnière a été utilisée comme stratégie de subsistance par le
passé. Dans certains pays, la migration de main-d’oeuvre saisonnière et les
déplacements temporaires causés par des catastrophes sont courants. Dans pareils cas,
il devient difficile de faire la distinction entre la migration comme stratégie de
subsistance et le déplacement350.
276. Au niveau régional, la Convention de l’Union africaine sur la protection et
l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala), de 2099,
vise à combler les lacunes du droit international en matière de protection juridique
concernant les déplacements internes351. Le lien entre les changements climatiques et
__________________
345 Voir Elizabeth Ferris, Erin Mooney et Chareen Stark, From Responsibility to Response: Assessing
National Approaches to Internal Displacement (Brookings Institution-London School of
Economics Project on Internal Displacement, Washington, D.C., 2011), p. 119.
346 Ibid., p. 124.
347 Ibid., p. 123.
348 Ibid., p. 124.
349 Environmental Justice Foundation, « Falling through the cracks » (voir supra note 336), p. 9.
350 Voir Ferris, Mooney et Stark, From Responsibility to Response (voir supra note 345), p. 125.
351 Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en
Afrique (Kampala, 23 octobre 2009), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 3014, no 52375, p. 3.
Voir aussi Mehari Taddele Maru, « The Kampala Convention and its contribution in filling the
protection gap in international law », Journal of Internal Displacement, vol. 1, no 1 (juillet 2011),
p. 91 à 130, à la page 96.
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les déplacements y est reconnu à l’article 5, paragraphe 4, aux termes duquel les États
parties « prennent les mesures nécessaires pour assurer protection et assistance aux
personnes victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturelles ou
humaines y compris du changement climatique ». Le Groupe de haut niveau du
Secrétaire général chargé de la question des déplacements internes a également
reconnu ce lien dans un rapport de septembre 2021 intitulé « Éclairage sur les
déplacements internes : perspectives pour l’avenir »352, soulignant qu’il importait de
trouver des solutions durables, de renforcer la prévention et d ’améliorer la protection
et l’assistance.
D. Droit international relatif aux migrants
277. Les personnes déplacées par l’élévation du niveau de la mer ont été qualifiées
de personnes déplacées ou de migrants « climatiques » ou « environnementaux ».
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) 353 , « [o]n appelle
migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, pour des
raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif
influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de
quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou
définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en
sortent »354.
278. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’Assemblée générale le
18 décembre 1990355, traite principalement des migrants économiques, définissant les
« travailleurs migrants » comme « les personnes qui vont exercer, exercent ou ont
exercé une activité rémunérée dans un État dont elles ne sont pas ressortissantes »356.
279. Cependant, certains nouveaux éléments du droit non contraignant concernant les
migrations sont pertinents pour ce qui est des déplacements causés par les effets
néfastes des changements climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer. Ainsi, le
19 septembre 2016, l’Assemblée générale a organisé une réunion plénière de haut
niveau sur la gestion des déplacements massifs de réfugiés et de migrants, afin
d’améliorer la réponse de la communauté internationale à cet égard. À cette réunion,
les 193 États Membres de l’Organisation ont adopté à l’unanimité la Déclaration de
New York pour les réfugiés et les migrants357.
280. En application de l’annexe II de la Déclaration de New York, un processus de
consultations et de négociations intergouvernementales a été lancé en vue de
l’élaboration d’un accord non contraignant pour des migrations sûres, ordonnées et
régulières. Ce processus s’est conclu le 10 décembre 2018, lors d’une conférence
intergouvernementale tenue à Marrakech (Maroc), par l ’adoption, par une majorité
d’États Membres, du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et
régulières, que l’Assemblée générale a fait sien le 19 décembre 2018358.
281. Dans ce pacte mondial sur les migrations, 67les États s’engagent à ce qui suit :
__________________
352 Nations Unies, 2021.
353 En ce qui concerne l’OIM, voir aussi par. 399 à 401 infra.
354 Oli Brown, « Migrations et changements climatiques », Série Migration Research de l’OIM, no 31
(Genève, 2008), p. 15.
355 Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2220, no 39481, p. 3.
356 Art. 2, par. 1.
357 Résolution 71/1 de l’Assemblée générale.
358 Résolution 73/195 de l’Assemblée générale en date du 19 décembre 2018. Voir aussi
A/CONF.231/7.
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a) élaborer des stratégies d’adaptation et de résilience aux catastrophes
naturelles soudaines et larvées, aux effets néfastes des changements climatiques et à
la dégradation de l’environnement, comme la désertification, la dégradation des
terres, la sécheresse et l’élévation du niveau des mers, en tenant compte des
incidences qu’ils peuvent avoir sur les migrations, sans perdre de vue que l ’adaptation
dans le pays d’origine est une priorité359 ;
b) coopérer pour trouver des solutions ou améliorer celles qui existent déjà
en faveur des migrants contraints de quitter leur pays d ’origine en raison d’une
catastrophe naturelle larvée, des effets néfastes des changements climatiques ou de la
dégradation de l’environnement, comme la désertification, la dégradation des terres,
la sécheresse et l’élévation du niveau des mers, notamment en prévoyant des options
de réinstallation planifiée et des modalités de visas, dans les cas où il ne leur serait
pas possible de s’adapter à la situation ou de rentrer dans leur pays d ’origine360.
282. Le Pacte mondial est donc important en ce que les catastrophes et les
changements climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer (qui est expressément
mentionnée), y sont reconnus comme facteurs de la mobilité humaine transfrontalière.
283. Les États s’y engagent également à ce qui suit361 :
a) renforcer l’analyse conjointe et l’échange d’informations afin de mieux
visualiser, comprendre, prévoir et gérer les mouvements migratoires, comme ceux qui
peuvent être causés par des catastrophes naturelles soudaines ou larvées, les effets
néfastes des changements climatiques, la dégradation de l’environnement ainsi que
d’autres situations précaires, tout en veillant au respect, à la protection et à la
réalisation des droits de l’homme de tous les migrants ;
b) intégrer les considérations relatives aux déplacements d ans les stratégies
de préparation aux catastrophes et promouvoir la coopération avec les pays voisins et
les autres pays intéressés en ce qui concerne la préparation aux alertes rapides, la
planification des interventions d’urgence, la constitution de stocks, les mécanismes
de coordination, la planification des évacuations, les dispositifs d ’accueil et
d’assistance et la diffusion d’informations ;
c) élaborer des stratégies et des dispositifs aux niveaux sous -régional et
régional et les harmoniser afin de remédier aux vulnérabilités des personnes touchées
par des catastrophes naturelles soudaines ou larvées, en veillant à ce qu ’elles aient
accès à une aide humanitaire qui satisfassent leurs besoins essentiels dans le plein
respect de leurs droits, où qu’elles soient, et en agissant en faveur de résultats durables
qui permettent aux pays de gagner en résilience et en autonomie, compte tenu des
capacités qui sont les leurs ;
d) élaborer des stratégies cohérentes pour relever les défis posés par les
mouvements migratoires dans le contexte de catastrophes naturelles soudaines ou
larvées, notamment en prenant en considération les recommandations pertinentes
issues des processus consultatifs menés par les États, tels que l ’Agenda pour la
protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de
catastrophes et de changements climatiques, et la Plateforme sur les déplacements liés
aux catastrophes.
__________________
359 Résolution 73/195 de l’Assemblée générale, annexe, paragraphe 18 i).
360 Ibid., par. 21, al. h).
361 Ibid., par. 18, al. h) et j) à l).
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E. Droit international relatif aux catastrophes
284. Il n’y a pas de définition juridique généralement acceptée du terme
« catastrophe » en droit international 362 . Toutefois, la définition donnée dans les
traités qui définissent ce terme est essentiellement la même. Une « catastrophe » est
généralement définie comme une grave perturbation du fonctionnement de la société
entraînant des pertes en vies humaines ou un préjudice matériel, économique ou
environnemental importants et généralisés que la cause en soit un accident, un
phénomène naturel ou une activité humaine et qu’il s’agisse d’un événement soudain
ou du résultat de processus complexes se déroulant sur une l ongue période363.
285. La protection des personnes en cas de catastrophe a été envisagée d’un point de
vue pragmatique, comme en témoignent les développements juridiques et
organisationnels internationaux en matière de gestion des catastrophes, comme
l’augmentation constante du nombre d’accords bilatéraux et de cadres réglementaires
sous les auspices de l’ONU et d’entités telles que le CICR364.
286. En outre, plusieurs instruments et initiatives concernant la protection des
personnes et l’assistance en cas de catastrophe peuvent présenter un intérêt s’agissant
de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
287. À titre préliminaire, il convient de noter que si le droit des catastrophes régit les
interventions immédiates ou à court terme, les conséquences de l’élévation du niveau
de la mer pourraient appeler une action à plus long terme. Cela dit, plusieurs
instruments et initiatives peuvent être pertinents pour la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer365, tels que le Projet d’articles de la CDI
sur la protection des personnes en cas de catastrophe (2016) 366, le Cadre de Sendai
pour la réduction des risques de catastrophe (2015 -2030)367 et l’Initiative Nansen et
son Agenda pour la protection des personnes dép lacées au-delà des frontières dans le
cadre de catastrophes et de changements climatiques 368.
1. Projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe (2016)
288. Le projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, adopté
par la Commission en 2016369, indique clairement que l’élévation du niveau de la mer
est un type de catastrophe. Selon le commentaire, « le projet d’articles s’applique tant
__________________
362 A/CN.4/598, par. 46.
363 Par exemple, le paragraphe 6 de l’article 1 de la Convention de Tampere sur la mise à disposition
de ressources de télécommunication pour l’atténuation des effets des catastrophes et pour les
opérations de secours en cas de catastrophe (Tampere, 18 juin 1998 ; Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 2296, no 40906, p. 5) est libellé comme suit : « On entend par “catastrophe” une grave
perturbation du fonctionnement de la société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à
la santé humaine, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène
naturel ou une activité humaine et qu’il s’agisse d’un événement soudain ou du résultat de
processus complexes se déroulant sur une longue période » ; et le paragraphe 3 de l’article premier
de l’Accord de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur la gestion des
catastrophes et les interventions d’urgence (Ventiane, 26 juillet 2005, Asean Documents Series
2005, p. 157) est libellé comme suit (traduction non officielle) : On entend par « catastrophe » une
grave perturbation du fonctionnement d’une collectivité ou d’une société causant des pertes en
vies humaines ou un préjudice matériel, économique ou environnemental généralisés.
364 A/CN.4/598, par. 17.
365 Pour une liste des instruments applicables à la protection des personnes en cas de catastrophe,
compilée par le Secrétariat en 2008, voir A/CN.4/590/Add.2.
366 Annuaire de la Commission du droit international 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48.
367 Résolution 69/283 du 3 juin 2015, Annexe II.
368 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans
le cadre de catastrophes et de changements climatiques, Vol. 1 (décembre 2015).
369 Annuaire de la Commission du droit international 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48.
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aux événements soudains (comme un tremblement de terre ou un ts unami) qu’aux
événements progressifs (comme une sécheresse ou une élévation du niveau de la mer)
et aux événements de moindre ampleur mais fréquents (comme les inondations ou les
glissements de terrain)370 » (Non souligné dans l’original).
289. Cela signifie que le projet d’articles de 2016 est applicable à la protection des
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer. Néanmoins, bien qu’il
s’agisse d’une catastrophe comparable à d’autres événements calamiteux, l’élévation
du niveau de la mer présente des spécificités qui peuvent et doivent être prises en
compte dans l’application du projet d’articles à des cas concrets. Il s’agit d’un
événement à évolution lente susceptible d’entraîner des conséquences à long terme
difficiles, voire impossibles, à renverser, comme la perte de territoires et la
salinisation d’eaux auparavant douces. Bien que le projet d’articles se veuille souple
et adaptable à la nature et aux caractéristiques des différents types de catastrophes,
l’irréversibilité de certains effets de l’élévation du niveau de la mer et l’impossibilité
de revenir au statu quo ante pourraient rendre nécessaires des modalités particulières
d’application de certaines de ses dispositions, ainsi que certaines mesures de
protection additionnelles.
290. Le projet d’articles ayant pour objet de répondre « aux besoins essentiels des
personnes concernées, dans le plein respect de leurs droits371 », tous les articles, même
ceux qui ont formellement vocation à s’appliquer entre États ou entre États et autres
acteurs (notamment les articles relatifs à l’obligation de coopérer, à l’obligation de
l’État touché de rechercher de l’assistance extérieure lorsque sa capacité de réponse
est manifestement dépassée, à la cessation de l’assistance extérieure et aux conditions
posées par l’État touché à la fourniture de l’assistance extérieure 372) ont pour objectif
ultime la protection des personnes.
291. Selon le projet d’articles, lorsqu’ils interviennent face à l’élévation du niveau
de la mer ou s’efforcent de réduire les risques qu’elle p ose, les États et autres acteurs
concernés doivent respecter et protéger la dignité humaine et les droits humains 373.
Ils doivent également agir « conformément aux principes d’humanité, de neutralité et
d’impartialité, et sur la base de la non-discrimination, en tenant compte des besoins
des personnes particulièrement vulnérables374. »
292. De même, « une coopération internationale efficace [étant] indispensable pour
protéger les personnes en cas de catastrophe375 », tous les États, et non seulement ceux
qui sont touchés, ont l’obligation de coopérer entre eux – et avec d’autres acteurs,
selon qu’il y a lieu – pour réduire les risques d’élévation du niveau de la mer et
intervenir face à ce phénomène376. Des dispositions particulières sur les modalités de
ce devoir dans telle ou telle circonstance figurent dans le reste du projet d’articles, en
particulier aux projets d’articles 8 et 9377.
293. Le phénomène de l’élévation du niveau de la mer entrant dans le champ
d’application du projet d’articles de 2016, celui -ci aide à préciser la nature, le contenu
et l’application des droits et obligations en matière de protection des personnes
__________________
370 Paragraphe 4 du commentaire du projet d’article 3, ibid., par. 49.
371 Projet d’article 2, ibid., par. 48.
372 Paragraphe premier du commentaire du projet d’article 7, paragraphe 3 du commentaire du projet
d’article 8, paragraphe premier du commentaire du projet d’article 11, paragraphe premier du
commentaire du projet d’article 14 et paragraphe 4 du commentaire du projet d’article 17, ibid.,
par. 49.
373 Projets d’articles 4 et 5, ibid., par. 48.
374 Projet d’article 6, ibid., par. 48.
375 Paragraphe premier du commentaire du projet d’article 7, ibid., par. 49.
376 Voir Projet d’article 7, ibid., par. 48.
377 Paragraphe 6 du commentaire du projet d’article 7, ibid., par. 49.
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touchées par l’élévation du niveau de la mer. Ces droits et obligations s’appliquent
différemment à l’égard des États directement touchés, des États non directement
touchés et des autres acteurs prêtant effectivement assistance ou susceptibles de prêter
assistance. Ils s’appliquent selon deux axes: « les droits et obligations des États les
uns vis-à-vis des autres » (et des autres acteurs concernés) et « les droits et obligations
des États vis-à-vis des personnes ayant besoin d’une protection 378 ».
2. Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe (2015 -2030)
294. Adopté par 187 pays le 18 mars 2015 et approuvé par l’Assemblée génér ale le
3 juin 2015 379 , le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe
(2015-2030) fait fond sur le « Cadre d’action de Hyogo pour 2005-2015 : pour des
nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes 380 ». Son objectif est
d’écarter les nouveaux risques de catastrophe et de réduire les risques existants d’ici
2030.
295. Plusieurs des principes directeurs du Cadre de Sendai présentent un intérêt pour
la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer 381 :
a) Chaque État est responsable au premier chef de la prévention et de la
réduction des risques de catastrophe, notamment par le recours à la coopération
internationale, régionale, sous-régionale, transfrontière ou bilatérale ;
b) Pour réduire les risques de catastrophe, il faut que les responsabilités
soient partagées entre le gouvernement central et les autorités, secteurs et intervenants
compétents au niveau national, compte tenu de la situation du pays et de son système
de gouvernance ;
c) Pour que la gestion des risques de catastrophe soit efficace, il faut établir
un véritable partenariat mondial efficace et renforcer la coopération internationale,
notamment faire en sorte que les pays développés s’acquittent des engagements qu’ils
ont pris en matière d’aide publique au développement ;
d) Les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés, les
petits États insulaires en développement, les pays en développement sans littoral et
les pays d’Afrique, ainsi que les pays à revenu intermédiair e et les autres pays qui se
heurtent à des difficultés particulières face aux risques de catastrophe ont besoin d’un
soutien adapté, fourni en temps utile et s’inscrivant dans la durée ; ils ont notamment
besoin que les pays développés et les partenaires l eur fournissent une assistance
financière, leur transfèrent des technologies et leur donnent des moyens de renforcer
leurs capacités ; le soutien apporté doit être adapté aux besoins et aux priorités qu’ils
ont eux-mêmes définis.
296. Plusieurs des priorités arrêtées par le Cadre de Sendai sont également
pertinentes en matière de protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer :
a) Le Cadre de Sendai souligne qu’il est nécessaire « de trouver des solutions
durables pour la phase de relèvement après une catastrophe, d’aider les populations
touchées de manière disproportionnée par des catastrophes et de leur donner des
moyens382 » et qu’une mesure de prévention ou d’adaptation clef est la formulation
__________________
378 Paragraphe 2 du commentaire du projet d’article premier, ibid., par. 49.
379 Résolution 69/283 de l’Assemblée générale. Le Bureau des Nations Unies pour la prévention des
catastrophes, principal organisme des Nations Unies chargé de la réduction des risques de
catastrophe, appuie la mise en oeuvre du Cadre de Sendai.
380 A/CONF.206/6, chap. I, résolution 2.
381 Résolution 69/283 de l’Assemblée générale, annexe II, par. 19, al. a), b), l) et m).
382 Ibid., par. 30, al. j).
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de politiques publiques concernant la réinstallation, quand cela est possible,
« d’établissements humains [actuellement situés] dans des zones exposées à des
risques de catastrophe383 » ;
b) Le Cadre de Sendai insiste sur la nécessité d’encourager « l’adoption de
politiques et programmes concernant les déplacements de population dus à des
catastrophes, afin de renforcer la résilience des personnes touchées et celle des
collectivités d’accueil, dans le respect du droit et de la situation de chaque pays 384 ».
3. Initiative Nansen et Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà
des frontières dans le cadre de catastrophes et de changements climatiques
297. L’Initiative Nansen consistait en un processus consultatif ascendant mené par
les États et destiné à cerner des pratiques efficaces et à dégager un consensus sur les
principes et éléments clefs permettant de répondre aux besoins de protection et
d’assistance des personnes déplacées au-delà des frontières de leurs pays à la suite de
catastrophes, y compris les effets néfastes des changements climatiques. Née de
l’engagement pris par les Gouvernements suisse et norvégien, soutenus par plusieurs
États, de coopérer avec les États intéressés et les autres parties prenantes concernées,
elle été lancée en octobre 2012385.
298. Le processus de consultation mené à l’échelle mondiale dans le cadre de
l’Initiative Nansen a permis de dégager plusieurs enseignements sur la manière de
protéger les personnes déplacées dans le cadre de catastrophes et de changements
climatiques. Parmi ceux-ci, les suivants présentent un intérêt particulier pour la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer 386 :
a) En l’absence de dispositions de droit international claires, certains États
ont pris des mesures pour admettre, à tout le moins temporairement, sur leur territoire
des ressortissants étrangers originaires d’États touchés par une catastrophe. Ces
mesures favorisent l’admission de personnes déplacées hors de leur pays du fait de
catastrophes notamment au titre : des lois sur la migration régulière, par exemple en
donnant priorité aux demandes d’immigration déposées par des personnes originaires
de pays touchés par une catastrophe ou en élargissant le recours aux quotas de visas
de travail temporaire ; d’ententes de libre-circulation des personnes conclues avec
d’autres pays d’une région donnée ; de mesures migratoires adoptées à titre
exceptionnel, telles que l’octroi d’un visa humanitaire ou d’une protection
temporaire ; du droit des réfugiés dans les cas où les effets d’une catastrophe
engendrent violence et persécution387.
b) Les États d’origine ont la responsabilité d’aider les populations à se
réinstaller dans des zones plus sûres, avant ou après une catastrophe. La réinstallation
planifiée est généralement considérée comme une solution de dernier recours et a lieu
à l’intérieur du pays concerné. On augmente les chances de succès d’une telle
réinstallation dans la durée, si on l’organise en concertation directe avec les
populations touchées et les communautés d’accueil, en tenant compte des valeurs
culturelles et de l’attachement psychologique au lieu de résidence initial et en veillant
__________________
383 Ibid., par. 27, al. k).
384 Ibid., par. 30, al. l).
385 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières (voir
supra note 368).
386 Initiative Nansen, Fleeing Floods, Earthquakes, Droughts and Rising Sea Levels: 12 Lessons
Learned About Protecting People Displaced by Disasters and the Effects of Climate Change [Fuir
les inondations, les tremblements de terre, les sécheresses et l’élévation du niveau de la mer :
12 enseignements à retenir concernant la protection des personnes déplacées par des catastrophes
ou les effets des changements climatiques] (novembre 2015).
387 Ibid., p. 20.
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à ce que le nouvel emplacement offre des moyens de subsistance, des services
essentiels et des logements adéquats388.
c) Les États d’origine ont la responsabilité de répondre aux besoins des
personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays dans le cadre de catastrophes.
L’une des raisons qui poussent les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre
pays à ultérieurement chercher secours et protection à l’étranger est l’absence de
solutions durables leur permettant de reconstruire leur vie de manière pérenne, soit
chez elles après leur retour, soit dans une autre région de leur pays 389.
299. L’Initiative Nansen a également permis l’adoption en 2015 de l’Agenda pour la
protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de
catastrophes et de changements climatiques390 (« Agenda pour la protection »), un
texte non contraignant qui énonce des grands principes, compile et analyse des
exemples de pratique efficace des États, issus du monde entier, et propose des
possibilités d’action.
300. Aux termes de l’Agenda pour la protection, constituent des « déplacements liés
aux catastrophes » les "situations dans lesquelles les individus sont forcés ou obligés
de quitter leur maison ou leur lieu de résidence habituel à la suite d’une catastrophe
ou pour éviter l’impact d’un aléa naturel immédiat et prévisible391 ». Ceux-ci peuvent
« se manifester par une fuite spontanée, une évacuation ordonnée ou imposée par les
autorités ou un processus de réinstallation planifiée involontaire [et] se produire dans
un pays [...] ou au-delà des frontières internationales [...]392. »
301. Selon l’Agenda, la protection offerte par les États d’accueil aux personnes
déplacées au-delà des frontières en raison d’une catastrophe peut prendre deux
formes393 :
a) Ils peuvent admettre ces personnes sur leur territoire et leur permettre d’y
rester, du moins temporairement ;
b) Ils peuvent s’abstenir de renvoyer les étrangers vers un pays touché par
une catastrophe lorsque ceux-ci se trouvaient déjà dans le pays d’accueil au moment
de la catastrophe.
302. L’emphase est également mise sur la nécessité de favoriser la « migration dans
la dignité », qualifiée de stratégie d’adaptation 394 , face aux aléas naturels et aux
changements climatiques. À cet égard, il est suggéré aux États d’envisager, entre
autres, les pratiques suivantes, jugées efficaces :
a) Revoir les accords bilatéraux, régionaux et sous-régionaux sur la migration
pour déterminer comment ils peuvent favoriser la migration comme moyen
d’adaptation, y compris les problèmes comme les documents des douanes et les
voyages simplifiés. En l’absence de tels accords, négocier et mettre en oeuvre de
nouveaux accords pour favoriser la migration dans la dignité ;
b) Élaborer ou adapter des politiques nationales qui prévoient des quotas de
permis de séjour ou des programmes de travail saisonnier, conformément aux normes
__________________
388 Ibid., p. 30.
389 Ibid., p. 31.
390 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières (voir
supra note 368).
391 Ibid., par. 16.
392 Ibid., par. 18.
393 Voir ibid. par. 30 à 34.
394 Ibid., par. 87 à 93.
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de travail internationales, pour privilégier les personnes venant de pays ou de régions
confrontés aux impacts des aléas naturels ou des changements climatiques.
303. Mention est faite, dans l’Agenda, du fait que la possibilité d’une migration
permanente est particulièrement marquée dans les petits États insulaires de faible
élévation et les autres pays confrontés à des pertes de territoire substantielles ou à des
changements climatiques qui laissent de plus en plus de grands terrains
inhabitables395.
304. L’Agenda souligne en outre l’importance de la protection des personnes
déplacées à l’intérieur de leur propre pays et insiste sur la responsabilité qu’ont les
États de leur trouver des solutions durables. Parmi celles-ci, il cite le retour volontaire
avec réintégration durable là où les personnes déplacées vivaient avant la catastrophe,
l’intégration locale là où les personnes ont été déplacées et l’établissement ailleurs
dans leur propre pays396.
305. La Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes 397 est une initiative
menée par les États pour donner suite aux travaux de l’Initiative Nansen en mettant
en oeuvre les recommandations de l’Agenda en vue de collaborer pour offrir une
meilleure protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le contexte
de catastrophes et de changements climatiques Elle a notamment pour objectif de
promouvoir l’élaboration de politiques et de normes visant à combler les lacunes en
matière de protection des personnes déplacées au-delà des frontières ou à risque de
l’être.
F. Droit international relatif aux changements climatiques
306. Le droit international relatif aux changements climatiques est régi par un certain
nombre d’accords internationaux contraignants ratifiés par un grand nombre d’États,
dont les plus notables sont la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (1992) et l’Accord de Paris sur les changements climatiques
(2015).
307. Le droit international relatif aux changements climatiques se concentre
principalement sur les mesures d’atténuation et d’adaptation ; toutefois, la question
de la protection des personnes touchées par les effets néfastes des changements
climatiques, y compris l’élévation du niveau de la mer, a également fait l’objet de
débats dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques et de l’Accord de Paris. Elle a été abordée sous l’angle du concept de
« mobilité humaine » dans le contexte des changements climatiques, laquelle peut être
envisagée non seulement comme une conséquence des changements climatiques, mais
également comme une forme d’adaptation. Ce concept englobe trois types de
mouvements liés aux changements climatiques : la migration, le déplacement et la
réinstallation planifiée.
308. Le terme « mobilité humaine » s’est progressivement imposé dans le contexte
du cadre juridique international relatif aux changements climatiques et figure
désormais explicitement dans les documents des sessions de la Conférence des Parties
à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ainsi que
dans les documents relatifs au Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes
et préjudices liés aux incidences des changements climatique s.
__________________
395 Ibid., par. 90.
396 Ibid., par. 102.
397 Concernant la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes, voir également infra par. 407
et 408.
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309. La mobilité humaine a été mentionnée pour la première fois dans ce contexte
dans les documents soumis à la Conférence des Parties pour adoption lors de sa
quinzième session, visant à jeter les bases d’un nouvel accord en matière de
changements climatiques398 . Dans les Accords de Cancún, qu’elle a adoptés à sa
seizième session, en 2010, la Conférence des Parties invitait toutes les Parties à
renforcer l’action engagée dans le domaine de l’adaptation conformément au Cadre
de l’adaptation de Cancún, notamment en adoptant des « mesures propres à favoriser
la compréhension, la coordination et la coopération concernant les déplacements, les
migrations et la réinstallation planifiée par suite des changements climatiques, selon
les besoins, aux niveaux national, régional et international399 ».
310. C’est dans sa décision 3/CP.18, adoptée en 2012, à sa dix-huitième session, que
la Conférence des Parties a explicitement adopté le terme « mobilité des êtres
humains » dans le contexte des changements climatiques, en se disant consciente de
la nécessité de mener d’autres activités visant à mieux compr endre et connaître les
pertes et préjudices, et notamment à améliorer la compréhension « des effets des
changements climatiques sur l’évolution des migrations, des déplacements et de la
mobilité des êtres humains400 ».
311. L’adoption de l’Accord de Paris en 2015 a accru la visibilité des migrations
climatiques, celui-ci prévoyant la création d’une Équipe spéciale chargée de la
question des déplacements de population401, chargée d’élaborer des recommandations
relatives à des démarches intégrées propres à prévenir et réduire les déplacements de
population liés aux effets néfastes des changements climatiques et à y faire face 402. Sa
mise sur pied a été confiée au Comité exécutif du Mécanisme international de
Varsovie relatif aux pertes et préjudices liés aux incidence s des changements
climatiques403. L’un des secteurs d’activité stratégiques du plan de travail quinquennal
glissant dudit Comité exécutif est une « coopération et [une] facilitation renforcées
concernant la mobilité des êtres humains, notamment les migratio ns, les déplacements
et la réinstallation planifiée404 ».
312. À sa vingt-sixième, en octobre et novembre 2021, la Conférence des Parties a
adopté le Pacte de Glasgow pour le climat, un ensemble de décisions au préambule
duquel figure ce qui suit : « considérant que les changements climatiques sont un sujet
de préoccupation pour l’humanité tout entière, les Parties devraient, lorsqu’elles
prennent des mesures pour faire face à ces changements, respecter, promouvoir et
prendre en considération leurs obligations respectives concernant les droits de
l’homme, le droit à la santé, les droits des peuples autochtones, des communautés
__________________
398 Olivia Serdeczny, What Does It Mean to “Address Displacement” Under the UNFCCC ?: An
Analysis of the Negotiation Process and the Role of Research [Qu’entend-t-on par « Traiter la
question des déplacements » conformément à la CCNUCC ? Une analyse du processus de
négociation et du rôle de la recherche](Bonn, Institut allemand de développement, 2017), p.7.
399 Rapport de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques sur sa seizième session, tenue à Cancún du 29 novembre au 10 décembre
2010, additif : décision adoptée par la Conférence des Parties, décision 1/CP.16
(FCCC/CP/2010/7/Add.1), par. 14, al. f).
400 Rapport de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques sur sa dix-huitième session, tenue à Doha du 26 novembre au
8 décembre 2012, additif : décisions adoptées par la Conférence des Parties, décision 3/CP.18 (voir
FCCC/CP/2012/8/Add.1), par. 7, al. vi).
401 Concernant l’Équipe spéciale chargée de la question des déplacements de population, voir aussi
infra par. 405-406.
402 Rapport de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur sa vingt et
unième session, tenue à Paris du 30 novembre au 13 décembre 2015, additif : décisions adoptées
par la Conférence des Parties, décision 1/CP.21 (FCCC/CP/2015/10/Add.1), par. 49.
403 Ibid., par. 50.
404 FCCC/SB/2017/1/Add.1, annexe.
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locales, des migrants, des enfants, des personnes handicapées et des personnes en
situation vulnérable, et le droit au développement, ainsi que l’égalité des sexes,
l’autonomisation des femmes et l’équité entre les générations 405 ».
313. Dans le Pacte de Glasgow, les États ont également réaffirmé que les pays
développés devaient honorer leur engagement de mobiliser 100 milliards de dollars
des États-Unis par an. Le plan intitulé « Climate Finance Delivery Plan: Meeting the
US$100 Billion Goal » (Plan visant à mobiliser 100 milliards de dollars en faveur de
l’action climatique) a été adopté dans l’objectif de fournir des ressources financières
accrues devant permettre de parvenir à un équilibre entre les efforts d’adaptation et
ceux d’atténuation. Ces engagements revêtent une importance particulière pour les
travaux du Comité exécutif du Mécanisme et ceux de l’Équipe spéciale chargée de la
question des déplacements de population, car il demeure difficile d’obtenir un
financement de l’action climatique durable et prévisible aux fins de prévenir et de
réduire les déplacements de population liés aux effets néfastes des changements
climatiques et d’y faire face406.
314. Il est également question de mobilité humaine dans le contexte du droit
international relatif aux catastrophes. On trouve ce terme dans le Cadre d’action de
Hyogo pour 2005-2015 407 , le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de
catastrophe (2015-2030)408 et l’Agenda pour la protection des personnes déplacées
au-delà des frontières dans le cadre de catastrophes et de changements climatiques 409,
adopté en 2015 dans le cadre de l’Initiative Nansen. La Plateforme sur les
déplacements liés aux catastrophes, dont l’objectif principal est de donner suite aux
travaux de l’Initiative Nansen en mettant en oeuvre les recommandations de son
Agenda pour la protection, vise notamment à promouvoir la prise en compte des
questions de mobilité humaine dans tous les domaines d’action et de politiques
concernés, de manière transversale410.
315. Ainsi, le terme « mobilité humaine » est un terme générique qui a été utilisé
dans le contexte des cadres relatifs aux changements climatiques et aux catastrophes
et qui englobe tous les aspects des mouvements de personnes et de populations dans
l’espace et dans le temps : déplacements forcés de populations à l’intérieur ou à
l’extérieur de leurs propres pays, migrations volontaires internes ou transfrontières et
__________________
405 Une version préliminaire non éditée du Pacte de Glasgow pour le climat est disponible en anglais à
l’adresse suivante : https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cop26_auv_2f_cover_
decision.pdf (consultée le 20 février 2022).
406 Voir, par exemple, https://disasterdisplacement.org/staff-member/pdd-key-messages-cop26
(adresse consultée le 20 février 2022) (en anglais).
407 A/CONF.206/6, chap. I, résolution 2.
408 Résolution 69/283, annexe II, par. 30.
409 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières (voir
supra note 368), par. 22.
410 Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes, Update on 2017 Progress [État des progrès
en 2017], juillet 2018, disponible en anglais à l’adresse suivante : https://agendaforhumanity.org/
sites/default/files/resources/2018/Jul/2018%20Initiatives%20Updates_PDD_final_20%20June_1p
df (consultée le 20 février 2022).
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réinstallation planifiée avec le consentement des principaux intéressés 411. Il couvre un
éventail de mouvements de personnes plus large que le terme « migration », puisqu’il
vise toute la gamme des mouvements susceptibles d’avoir lieu dans le contexte des
changements climatiques412 . Il est utilisé en contexte universitaire 413 et à des fins
d’analyse414 et de sensibilisation415.
316. Au plan juridique, le terme « mobilité humaine » ne figure que dans des
instruments non contraignants. Il ne s’agit pas d’un terme juridique ou d’un terme
ayant un sens précis en droit416. Ce n’est donc pas un concept ou un cadre d’analyse
juridique. Toutefois, il est utile de le mentionner, car il est d e plus en plus utilisé dans
le contexte de la protection des personnes touchées par les changements climatiques
et leurs effets néfastes, y compris l’élévation du niveau de la mer.
III. Recensement de la pratique des États et de celle
des organisations et organismes internationaux concernés
en matière de protection des personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer
317. Les États les plus touchés par les effets de l’élévation du niveau de la mer ont
commencé à tenter d’attirer l’attention de la communauté internationale sur cette
question il y a une trentaine d’années, au moyen de la Déclaration de Malé sur la
dimension humaine des changements climatiques mondiaux de 1989 417.
318. L’élévation du niveau de la mer étant un phénomène relati vement récent – bien
que déjà en cours, comme le démontrent les données scientifiques recueillies – dont
l’accélération aura différents effets dans le temps et dans l’espace, de nombreux États
__________________
411 Groupe consultatif sur les changements climatiques et la mobilité humaine (2015), Human
Mobility in the Context of Climate Change – Elements for the UNFCCC Paris Agreement 2015
[Mobilité humaine dans le contexte des changements climatiques : Éléments pour l’Accord de
Paris de 2015], disponible en anglais à l’adresse suivante : https://www.unhcr.org/5550ab359.pdf
(consultée le 20 février 2022) ; et OIM (2018), Glossary on Migration [Glossaire de la migration],
Droit international de la migration no 34 (Genève, 2018). Voir également le secteur d’activité d) du
plan de travail quinquennal glissant du Comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie
relatif aux pertes et préjudices liés aux incidences des changements climatiques : « Coopération et
facilitation renforcées concernant la mobilité des êtres humains, notamment les migrations, les
déplacements et la réinstallation planifiée, in CCNUCC, Plan de travail quinquennal glissant du
Comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et préjudices liés au x
incidences des changements climatiques » (FCCC/SB/2017/1/Add.1, annexe).
412 OIM, Glossary on migration (voir supra note 411).
413 Pour une revue de la littérature, voir Serdeczny, What Does It Mean to « Address Displacement »
Under the UNFCCC, (voir supra note 398), p. 13 à 18.
414 Voir, par exemple, Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport mondial sur le
développement humain 2009 : Lever les barrières – mobilité et développement humains du
Programme des Nations Unies pour le développement (Basingstoke et New York, Palgrave
Macmillan, 2009).
415 Par exemple, l’UNU et l’Initiative Nansen, en collaboration avec l’OIM et le HCR, ainsi qu’un
certain nombre d’autres organisations, ont plaidé en faveur de la prise en compte des questions de
mobilité humaine dans les plans nationaux d’adaptation. Voir Koko Warner et al., Integrating
Human Mobility Issues Within National Adaptation Plans [Prendre en compte les questions de
mobilité humaine dans les plans nationaux d’adaptation], UNU Institute for Environment and
Human Security Publication Series, Policy Brief No. 9 (Bonn, Institut pour l’environnement et la
sécurité humaine, 2014).
416 Toutefois, certaines lois et politiques nationales adoptent ce terme. Voir, par exemple, les Principes
directeurs des Fidji concernant la réinstallation planifiée, disponibles en anglais à l’adresse suivante :
https://cop23.com.fj/wp-content/uploads/2018/12/CC-PRG-BOOKLET-22-1.pdf (consultée le
20 février 2022).
417 A/C.2/44/7, annexe.
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viennent seulement de commencer à étudier les mesures à prendre pour protéger les
personnes touchées. Par ailleurs, certaines des nouvelles pratiques qu’il a été possible
de recenser ne sont pas propres à l’élévation du niveau de la mer, mais concernent
plus généralement le phénomène des catastrophes et des changement s climatiques.
319. Il ressort d’une évaluation préliminaire de la pratique des États que, si celle -ci
demeure rare à l’échelle mondiale, elle est de plus en plus développée dans les États
et les régions les plus exposés à l’élévation du niveau de la mer, c’est -à-dire ceux qui
en ressentent déjà les effets sur leur territoire, comme les petits États insulaires du
Pacifique ou les États ayant des zones côtières de faible élévation.
320. Certains États tiers, susceptibles d’être indirectement touchés en raison du
déplacement transfrontière de personnes touchées par les effets néfastes des
changements climatiques, y compris l’élévation du niveau de la mer, commencent
également à prendre des mesures juridiques ou de politique générale pour se préparer
à cette éventualité.
321. Les organisations internationales et d’autres entités ayant un mandat dans le
domaine des droits humains, des déplacements, des migrations, du travail, des
réfugiés ou des apatrides, des changements climatiques et du financement de l’action
climatique ont adopté une démarche plus proactive afin de promouvoir des outils
visant à aider les États à mieux se préparer aux problématiques liées aux droits
humains et à la mobilité humaine dans le contexte des déplacements liés aux
changements climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer.
322. Bien que l’inclusion de la question subsidiaire de la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer dans les travaux actuels de la
Commission ait bénéficié d’un large appui, les demandes d’information f aites par
celle-ci aux États, aux organisations internationales et autres organes pertinents aux
chapitres III de ses rapports annuels de 2019418 et 2021419 ont reçu peu de réponses à
ce jour420. Il semblerait que les États Membres, les organisations internat ionales et les
autres organismes concernés aient besoin de plus de temps pour fournir à la
Commission les documents utiles à ses travaux. Des informations complémentaires
seraient donc les bienvenues et pourraient faire l’objet d’une étude plus détaillée à
l’avenir.
323. Un recensement très préliminaire et non exhaustif de la pratique des États, des
organisations internationales et des autres organismes concernés, établi sur la base
des réponses reçues et de recherches menées à partir des données accessibles au public
sera présenté, à titre purement illustratif, aux fins de souligner des exemples de
pratique pertinente. Il ne se limitera pas à la pratique propre à la problématique de
l’élévation du niveau de la mer, mais comprendra également des exemples de prati que
dans le contexte de la protection des personnes touchées par une catastrophe ou les
effets des changements climatiques.
324. Une analyse plus détaillée sur la pratique émergente au regard de la protection
des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer pourrait, on l’espère, être
__________________
418 A/74/10, par. 31 à 33.
419 A/76/10, par. 26.
420 Communications reçues des pays et entités suivants : Belgique (23 décembre 2021) ; Fédération de
Russie (17 décembre 2020) ; Fidji (au nom des membres du Forum des îles du Pacifique, à savoir :
Australie, Fidji, Îles Marshall, Îles Salomon, Kiribati, Micronésie (États fédérés de), Nauru,
Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Tonga, Tuvalu, et Vanuatu)
(31 décembre 2021) ; Liechtenstein (12 octobre 2021) ; Maroc (22 décembre 2021) ; et Tuvalu (au
nom des membres du Forum des îles du Pacifique) (30 décembre 2019) ; et CEPALC (3 janvier
2022) ; FAO (30 décembre 2021) ; OMI (11 octobre 2021) ; PNUE (6 décembre 2021) et
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ( 30 décembre 2021). Ces
communications sont disponibles à l’adresse : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms.
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réalisée ultérieurement, sur la base des nouvelles communications reçues des États,
des organisations internationales et des autres organismes concernés, ainsi que,
potentiellement, d’un mémorandum du Secrétariat ou de co ntributions de membres
du groupe d’étude.
325. Les sections suivantes présentent donc quelques exemples de la pratique des
États directement et indirectement touchés, des organisations internationales et
d’autres organismes compétents afin de mettre en évidence les pratiques émergentes
pertinentes aux fins de la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer.
A. Pratique des États en matière de protection des personnes touchées
par l’élévation du niveau de la mer
326. La présente section donne des exemples provenant de petits États insulaires
directement touchés par l’élévation du niveau de la mer, d’États ayant des zones
côtières de faible élévation et d’États tiers susceptibles d’être indirectement touchés
en raison des mouvements de personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
1. Pratique des petits États insulaires
327. Les observations communiquées par Fidji, au nom du Forum des îles du
Pacifique 421 , une organisation internationale regroupant 18 États et terri toires 422 ,
contient des informations fournies par ses membres ainsi que par des organisations
régionales. Bien que non exhaustives, elles fournit des exemples des pratiques
nationales et régionales dans l’ensemble de la région. Les informations y figurant s ont
représentatives des pratiques et positions nationales des différents membres du
Forum ; sauf mention contraire, elles ne reflètent pas une position collective du
Forum.
328. Selon la communication, les membres du Forum, par leur action climatique et
leur action en faveur de la résilience face aux catastrophes, sont à l’avant -garde de la
lutte contre des problèmes tels que la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer. Des États tels que Kiribati, les Îles Marshall et Tuvalu
ont pris des mesures urgentes pour protéger leurs populations qui vivent au quotidien
la réalité des changement climatiques.
329. Plus récemment, les dirigeants des États et territoires membres du Forum ont
élaboré et approuvé diverses déclarations concernant les chan gements climatiques et
les effets de l’élévation du niveau de la mer, telles que la Déclaration de Boe sur la
sécurité régionale (2018) et la Déclaration Kainaki II pour une action climatique
__________________
421 Des documents de référence étaient joints à la communication des Fidji (au nom des membres du
Forum des îles du Pacifique) et sont également disponibles à l’adresse : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
422 Australie, Fidji, Îles Cook, Îles Marshall, Îles Salomon, Kiribati, Micronésie (États fédérés de),
Nauru, Nioué, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée,
Polynésie française, Samoa, Tonga, Tuvalu, et Vanuatu.
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urgente et immédiate 423 (2019). Dans la Déclaration sur la préservation des zones
maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques,
adoptée en 2021, ils affirment que la menace posée par les changements climatiques
et l’élévation du niveau de la mer est la question déterminante qui met en péril les
moyens de subsistance et le bien-être des peuples du Pacifique et compromet la
réalisation d’un avenir pacifique, sûr et durable pour la région.
330. La question subsidiaire de la protection des personnes to uchées par l’élévation
du niveau de la mer est complexe et d’une importance vitale pour les membres du
Forum et l’ensemble de la communauté internationale ; plus de temps est nécessaire
pour l’examiner à fond. Pour les membres du Forum, cet examen devait s ’appuyer sur
les principes et normes applicables du droit international et les cadres et normes
internationaux pertinents, au vu de la nécessité d’une action efficace face aux menaces
imminentes posées par l’élévation du niveau de la mer.
331. On peut résumer ainsi les passages de la communication faite par les Fidji (au
nom des membres du Forum) qui portent sur les lois, politiques et stratégies adoptées
aux niveaux régional et national pour protéger les personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer :
a) Les États fédérés de Micronésie ont pour priorité d’aider leur population à
demeurer dans ses îles. Leur objectif est de prévenir les migrations environnementales
par des stratégies d’adaptation, ce qui suppose une coordination entre les acteurs
nationaux, étatiques et locaux dans plusieurs secteurs. La Constitution consacre le
droit des citoyens de migrer à l’intérieur des frontières de l’État, un droit qui revêt
une importance cruciale dans le contexte des déplacements liés aux changements
climatiques, notamment à l’élévation du niveau de la mer et à l’inondation des atolls
et des atolls de faible altitude ;
b) Les Fidji ont adopté plusieurs politiques et cadres pour faire face aux effets
néfastes des changements climatiques, y compris ceux dus à l’él évation du niveau de
la mer, lesquelles traitent des déplacements potentiels de personnes et de populations.
La politique nationale en matière de changements climatiques pour la période
2018-2030, inscrite dans la loi relative aux changements climatiques de 2021, mise
sur des stratégies visant à réduire les effets des changements climatiques sur le bien -
être des personnes et la souveraineté nationale par une politique régionale et
internationale solide. Pour les Fidji, la mobilité humaine constitue une que stion de
sécurité humaine et nationale prioritaire. Les Fidji accordent la priorité aux cadres
__________________
423 Voir également, par exemple : Forum des îles du Pacifique, « “Our Sea of Islands, Our
Livelihoods, Our Oceania”: Framework for a Pacific Oceanscape – A Catalyst for Implementation
of Ocean Policy » [Notre mer d’îles, nos modes de vie, notre Océanie : Cadre de travail pour le
paysage océanique dans la Pacifique – un catalyseur pour la mise en oeuvre de la politique sur
l’Océan], novembre 2010, disponible en anglais à l’adresse suivante : https://library.sprep.org/
sites/default/files/684.pdf ; Déclaration des Palaos sur l’océan intitulée « The Ocean: Life and
Future – Charting Course to Sustainability » [L’Océan : Vie et future – Feuille de route vers la
durabilité), adoptée par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique à leur quarante-quatrième
réunion, en juillet 2014, disponible en anglais à l’adresse suivante : https://www.forumsec.org/
wp-content/uploads/2017/11/2014-Forum-Communique_Koror_Palau_29-31-July.pdf ;
Déclaration de Taputapuātea sur les changements climatiques, adoptée par le Groupe des
dirigeants polynésiens le 16 juillet 2015, disponible en anglais à l’adresse suivante :
https://www.samoagovt.ws/wp-content/uploads/2015/07/The-Polynesian-P.A.C.T.pdf ;
Engagement de Dalap pour la préservation de la richesse commune de nos océans : refaçonner
l’avenir pour prendre les pêcheries en main, adopté par les représentants de huit îles du Pacifique
le 2 mars 2018, disponible en anglais à l’adresse suivante : https://www.pnatuna.com/sites/
default/files/Delap%20Commitment_2nd%20PNA%20Leaders%20Summit.pdf ; et Communiqué
publié à l’issue de la cinquantième réunion des dirigeants du Forum des îles du Pacifique, tenu à
Funafuti (Tuvalu), du 13 au 16 août 2019, disponible en anglais à l’adresse suivante :
https://www.forumsec.org/2019/08/19/fiftieth-pacific-islands-forum-tuvalu-13-16-august-2019/.
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juridiques, aux politiques et aux stratégies nécessaires pour gérer les déplacements
provoqués par les changements climatiques et les catastrophes dans une optiq ue de
protection des droits humains et de réduction des risques à long terme, par la voie de
la réinstallation planifiée, de politiques et stratégies de financement adaptées, de
politiques et stratégies nationales, lesquelles représentent une forme d’adapt ation.
Elles voient dans le Pacte mondial des Nations Unies sur les migrations un guide utile
en matière de migrations transfrontalières. Elles ont également élaboré des lignes
directrices sur les déplacements dans le contexte des changements climatiques e t des
catastrophes et un plan national d’adaptation en matière de changements climatiques
traitant de l’élévation du niveau de la mer et de la réinstallation des populations
touchées. Il est crucial de préserver les connaissances traditionnelles et les for mes
traditionnelles d’expression culturelle, et d’en renforcer le caractère concret. Pour les
Fidji, la réinstallation est probablement la plus radicale des possibilités, car peu de
gens souhaitent quitter le lieu de leur enfance et la terre qui les a nour ri. Cependant,
il s’agit d’une option raisonnable si les risques deviennent trop élevés ou l’existence
même des collectivités, et non seulement leurs sources de revenus, est en jeu. Au total,
4 collectivités locales ont été transférées ailleurs aux Fidji, et 80 autres devraient
l’être en raison de l’élévation du niveau de la mer et des autres effets néfastes des
changements climatiques. Lorsque des personnes sont déplacées à l’intérieur de leur
propre État et réinstallées dans de nouvelles collectivités où des tensions sociales et
conflits potentiels pour des ressources limitées peuvent survenir, leurs droits humains
doivent être protégés et leur sécurité garantie. Lors de la vingt -quatrième session de
la Conférence des Parties, en 2018, les Fidji ont lancé les Principes directeurs
concernant la réinstallation planifiée, une feuille de route décrivant une approche
fondée sur les droits de l’homme en matière de réinstallation, notamment pour les
groupes vulnérables ;
c) Aux Palaos, le plan d’action visant à mettre en oeuvre la politique nationale
en matière de changements climatiques est axé, notamment, sur le renforcement de la
résilience des populations vulnérables grâce à un financement innovant de la
réinstallation ou de la protection contre les risques climatiques, ainsi que sur la mise
en place d’un programme de réinstallation, de déplacement ou d’aide d’urgence à
destination des couches vulnérables de la société. Une action doit être menée de toute
urgence pour protéger l’accès aux soins de santé face à l’élévation du niveau de la
mer provoquée par les changements climatiques. À cet égard, le transfert d’un hôpital
national a été planifié ;
d) En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les habitants des îles Carteret, dans la
région autonome de Bougainville, ont été réinstallés en raison de l’élévation du niveau
de la mer ;
e) Aux Îles Marshall, la stratégie d’adaptation aux changements climatique
prévue dans le plan stratégique national pour 2020 -2030 repose sur les points et
principes clefs suivants : le droit de rester, l’impératif de la résilience, l’adaptation
intégrée, la primauté des connaissances, le renforcement de la capacité d’adaptation,
le consensus et l’inclusion, et la technologie et la tradition ;
f) Au Samoa, le rapport de 2017 sur les droits humains est axé sur les effets
des changements climatiques, y compris l’élévation du niveau de la mer, sur la pleine
jouissance des droits de la personne. Il met en évidence les effets des changements
climatiques sur les droits humains et examine la manière dont le Gouvernement peut
pleinement adopter une approche fondée sur les droits humains dans ses politiques
climatiques ;
g) À Tuvalu, la politique nationale relative aux changements climatiques
(2012-2021) mentionne, parmi les stratégies recensées, l’élaboration d’un plan de
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migration et de réinstallation dans le contexte des changements climatiques pour
chaque île dans l’éventualité où les changements climatiques provoqueraient le pire.
332. Lors des débats de 2021 à la Sixième Commission, Tuvalu a déclaré que si les
instruments juridiques internationaux, la littérature et la jurisprudence en matière de
droits humains ne manquaient pas pour traiter de la situation et du statut des réfugiés
et des apatrides, le droit international ne s’appliquait pas expressément à la situation
des personnes déplacées pour cause d’élévation du niveau de la mer. Or, les droits
humains de ces personnes devaient être protégés 424.
333. À la même occasion, les Îles Salomon ont ajouté que les États devaient
également tenir compte des principes relatifs à l’atténuation des risques de
catastrophe en adoptant des mesures face à la montée des eaux, notamment celles
propres à permettre aux populations de demeurer sur place ou de les évacuer et de les
réinstaller. À cet égard, la délégation salomonaise engageait le Groupe d’étude à
interroger à l’occasion de sa réflexion nombre de cadres internationaux qui
consacraient ces principes425.
2. Pratique des pays ayant des zones côtières de faible élévation
334. Dans leur communication à la Commission, la Belgique et le Maroc ont
notamment décrit les mesures qu’ils avaient prises pour la protection de leurs zones
côtières.
335. Des mesures d’adaptation et de restriction de l’aménagement du littoral ont
également été prises face au risque d’inondations dans des États ayant des zones
côtières de faible élévation, comme les Pays-Bas426, l’Indonésie, la Thaïlande427, les
États-Unis428, le Royaume-Uni429, l’Afrique du Sud430 et la France431, ce qui ressort
d’informations accessibles au grand public. Ces mesures sont mentionnées
uniquement à titre d’exemples. Singapour a mis en place des stratégies d’assèchement
__________________
424 Tuvalu (A/C.6/76/SR.23, par. 5).
425 Îles Salomon (A/C.6/76/SR.22, par. 80).
426 Louise Miner et Jeremy Wilks, Rising sea levels – how the Netherlands found ways of working
with the environment, [Élévation du niveau de la mer : comment les Pays-Bas trouvent des
manières de coopérer avec l’environnement], Euronews, 25 février 2020 ; et Groupe C40 des
villes pionnières dans la lutte contre les changements climatiques, C40 Good Practice Guides:
Rotterdam; Climate Change Adaption Strategy [Guides de bonnes pratiques du C40 : Stratégie
d’adaptation aux changements climatiques de Rotterdam], février 2016.
427 Robert Muggah, The World’s coastal cities are going under. Here’s how some are fighting back
[Les villes côtières prennent l’eau : voici comment certaines contre-attaquent]. Forum économique
mondial, 16 janvier 2019.
428 Groupe C40 des villes pionnières dans la lutte contre les changements climatiques, Sea-level rise
and coastal flooding: a summary of The Future We Don’t Want research on the impact of climate
change on sea levels [Élévation du niveau de la mer et inondation des côtes : résumé de l’étude sur
les effets des changements climatiques sur le niveau de la mer intitulée « The Future we don’t
want » (le futur dont nous ne voulons pas)]. Disponible en anglais à l’adresse suivante :
https://www.c40.org/other/the-future-we-don-t-want-staying-afloat-the-urban-response-to-sealevel-
rise (consultée le 20 février 2022).
429 Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Hausse du niveau des
mers : Les approches des pays de l’OCDE face aux risques côtiers (Paris, Éditions OCDE, 2019).
430 Sally Brown, African countries aren’t doing enough to prepare for rising sea levels [Les États
d’Afrique ne font pas assez pour se préparer à l’élévation du niveau de la mer], La Conversation,
16 septembre 2018.
431 OCDE, Hausse du niveau des mers (voir supra note 429).
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des terres, installé des murs en dur et des digues en pierre et élaboré un plan national
de lutte contre l’élévation du niveau de la mer432.
336. Le cas du Bangladesh offre un exemple d’une approche des déplacements liés
aux catastrophes et aux changements climatiques fondée sur les droits humains. Au
Bangladesh, on s’attend à ce que l’élévation du niveau de la mer causée par les
changements climatiques submerge jusqu’à 13 % des terres côtières d’ici 2080. Une
stratégie nationale relative aux déplacements internes dans le contexte des
catastrophes et des changements climatiques a été adoptée en décembre 2020 433. Le
constat y est fait que les inondations liées à l’élévation du niveau des marées est le
facteur principal de déplacement dans les régions côtières. La stratégie nationale
propose une approche fondée sur les droits humains, reposant sur trois volets : a) la
prévention et la préparation (atténuation des risques) ; b) la protection pendant le
déplacement ; et c) des solutions durables.
3. Pratique des États tiers
337. Dans sa communication soumise à la Commission, la Fédération de Russie a
déclaré ce qui suit :
(Traduction non officielle) Les intérêts de la Fédération de Russie en matière de
changements climatiques ne se limitent pas à son territoire, mais sont
internationaux par nature. Cela tient tant au caractère mondial des changements
climatiques qu’à la nécessité de prendre en compte, dans les relations
internationales, la diversité des effets des changements climatiques et ses
répercussions sur différentes régions du monde. Lors de l’élaboration des
politiques climatiques, il faut tenir compte non seulement des effets directs, mais
aussi des effets indirects et à long terme des changements climatiques sur
l’environnement naturel, l’économie, la population et ses différents groupes
sociaux. Parmi les effets indirects, citons les effets sur les tendances migratoires
du fait de la redistribution à l’échelle internationale des ressources naturelles,
notamment la nourriture et l’eau, ainsi que la réduction du relatif confort des
habitations humaines dans certaines régions de la Fédération de Rus sie et
ailleurs434.
338. En outre, selon la Fédération de Russie, la définition du terme « réfugié »
donnée par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés n’avait pas jusqu’à
lors permis de qualifier les personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer de
réfugiés et un asile temporaire pour motif humanitaire ne pouvait être offert sur son
territoire, à titre d’aide, que s’il était établi qu’il existait une menace réelle pour la vie
des personnes concernées en raison d’une catastrophe naturelle. Les auteurs de la
communication n’avaient pas réussi à réunir suffisamment d’information sur la
pratique de la Fédération de Russie pour déterminer si l’élévation du niveau de la mer
et ses conséquences seraient considérées comme une telle catastrophe 435.
__________________
432 Audrey Tan, Singapore to Boost Climate Change Defenses [Singapour renforce ses mesures
défensives face aux changements climatiques], The Straits Times, 8 janvier 2018, disponible en
anglais à l’adresse suivante : https://www.straitstimes.com/singapore/environment/spore-to-boostclimate-
change-defences (consultée le 20 février 2022) ; et Singapour, Secrétariat national sur les
changements climatiques, Impact of climate change and adaptation measures [Effets des
changements climatiques et mesures d’adaptation], disponible en anglais à l’adresse suivante :
https://www.nccs.gov.sg/faqs/impact-of-climate-change-and-adaptation-measures/ (consultée le
20 février 2022).
433 Voir http://www.rmmru.org/newsite/wp-content/uploads/2020/02/NSMDCIID.pdf (adresse
consultée le 20 février 2022).
434 Communication de la Fédération de Russie.
435 Ibid.
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339. Dans sa communication à la Commission, le Liechtenstein a affirmé qu’il
considérait que le droit à l’autodétermination jouait un rôle fondamental dans la
protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer et le traitement
des questions soulevées par l’élévation du niveau de la mer quant au statut d’État.
L’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
disposait : « [t]ous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes [en vertu de quoi]
ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel436 ».
340. La communication des Fidji (au nom du Forum) comportait des inf ormations sur
les mesures prises par des États tiers à l’égard des petits États insulaires en
développement susceptibles d’être pertinentes pour la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer.
341. Selon ce document, les Îles Marshall, les États fédérés de Micronésie, ainsi que
les Palaos, avaient conclu des accords de libre association avec les États -Unis437. Ces
accords facilitaient l’entrée et l’établissement aux États -Unis à titre de résidents non
immigrants des citoyens des trois États concernés, notamment en supprimant les
exigences en matière de visa et d’homologation de la main -d’oeuvre. Ils ne leur
conféraient pas de droit d’établir la résidence nécessaire à la naturalisation ou de
présenter des demandes pour leurs parents non-citoyens, mais ils ne les empêchaient
pas de faire valoir ces droits en vertu de la législation américaine en matière
d’immigration et de nationalité.
342. Grâce à ces accords, l’émigration depuis les États parties vers les États -Unis se
poursuivait. Les États fédérés de Micronésie ont rapporté que ces mouvements étaient
motivés par le désir d’étudier ou de trouver un emploi ou par des raisons de santé et
qu’il ne s’agissait pas de déplacements liés aux changements climatiques, mais que
cet état de fait était voué à changer dans un avenir proche. On s’attendait à ce que les
changements climatiques deviennent le principal facteur expliquant ces déplacements,
en particulier pour les personnes originaires des atolls et des îles de faible élévation
dans les trois États concernés. En effet, il existait déjà des preuves que ce phénomène
prenait place à un rythme accéléré s’agissant des citoyens des Îles Marshall.
343. Les accords permettaient aux citoyens des Îles Marshall, des États fédérés de
Micronésie et des Palaos d’acquérir et de conserver le statut de résident non
immigrant et non citoyen aux États-Unis pour une durée indéterminée, sans avoir
besoin d’un visa ou de tout autre document d’immigration du même type ; seul un
passeport des États fédérés de Micronésie, des Îles Marshall ou des Palaos était requis.
Ce statut autorisait les citoyens des trois États concernés conserver leur nationalité
d’origine tout en vivant aux États-Unis pour une durée indéterminée, ainsi qu’à
exercer un emploi rémunéré, à suivre une formation et à obtenir des soins de santé
pendant leur séjour aux États-Unis.
344. Il ressort d’informations accessibles au public que des États tiers susceptibles
d’être indirectement touchés en raison du déplacement et de la migration de personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer ont commencé à adopter des dispositions
juridiques ou des mesures de politique générale pour se préparer à une telle
éventualité. À titre illustratif, citons l’adoption de procédures encadrant l’octroi d’une
protection temporaire et de visas humanitaires ou l’inclusion dans la législation
interne en matière d’immigration ou d’asile de catégories de migrants climatiques ou
d’autres catégories semblables.
__________________
436 Communication du Liechtenstein.
437 Voir https://www.doi.gov/oia/compacts-of-free-association.
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345. Aux États-Unis, la Maison Blanche a publié, en octobre 2021, un rapport sur les
incidences des migrations liées aux changements climatiques 438. Bien qu’il note que
les déplacements internes provoqués par les changements climatiques constituaient
un risque de sécurité actuel et futur pour les États -Unis, ce rapport se concentrait sur
les migrations internationales liées aux changements climatiques. Il affirmait que les
politiques nationales pouvaient contribuer à renforcer la sécurité humaine en
s’appuyant sur l’aide étrangère actuelle pour examiner et concevoir des m écanismes
juridiques au soutien des migrants. Après avoir analysé les instruments juridiques en
vigueur aux niveaux international, régional et national, il concluait qu’il était vital
d’élargir l’accès à la protection, par exemple au moyen de mesures natio nales comme
le statut de protection provisoire aux États-Unis.
346. Des pays comme la Nouvelle-Zélande ont débattu de la création d’une catégorie
de visa humanitaire pour aider à réinstaller les personnes originaires des pays du
Pacifique déplacées en raison des effets des changements climatiques, y compris
l’élévation du niveau de la mer439.
347. En Suède, la loi sur les étrangers de 2005440 s’applique aux réfugiés et aux autres
personnes ayant besoin de protection. Entre dans la seconde catégorie tout étranger
qui, en raison de circonstances ne relevant pas du droit d’asile ou du droit à la
protection complémentaire, se trouve à l’extérieur de son pays d’origine pour l’un des
motifs suivants : a) il a besoin d’une protection du fait d’un conflit armé interne ou
international dans son pays d’origine ou, du fait d’un autre conflit grave dans son pays
d’origine, a des motifs raisonnables de craindre de subir de graves abus, ou b) il est
dans l’impossibilité de retourner dans son pays d’origine du fait d’une catastrophe
écologique. Ces personnes et les membres de leur famille ont droit à un permis de
séjour441.
B. Pratique des organisations et organismes internationaux concernés
en matière de protection des personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer
348. Certaines organisations internationales et d’autres organismes internationaux
ont établi, en particulier depuis une dizaine d’années, un ensemble de pratiques
relatives à la protection des personnes touchées par les catastrophes et les
changements climatiques, notamment par l’élévation du niveau de la mer. On trouvera
dans la présente section des exemples venant en complément de ceux déjà donnés
ci-dessus, en particulier à la section II de la présente partie.
349. Les communications faisant état d’une telle pratique qui ont été soumises
jusqu’ici à la Commission l’ont été par le Programme des Nations Unies pour
__________________
438 Disponible en anglais à l’adresse suivante : https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/
Report-on-the-Impact-of-Climate-Change-on-Migration.pdf.
439 Lin Taylor, « New Zealand considers visa for climate “refugees” from Pacific islands » [La
Nouvelle-Zélande envisage de créer un visa pour les “réfugiés” climatiques des îles du Pacifique],
Reuters, 17 novembre 2017. Des visas de résident temporaire pour motif humanitaire ont déjà été
accordés à des personnes déplacées en raison des effets des changements climatiques dans leur
pays d’origine : voir Tribunal chargé des questions d’immigration et de protection, AD (Tuvalu),
affaire no [2014] NZIPT 501370-371, Décision, 4 juin 2014, disponible en anglais à l’adresse
suivante : https://www.refworld.org/cases,NZ_IPT,585152d14.html (consultée le 20 février 2022).
440 Voir https://www.government.se/contentassets/784b3d7be3a54a0185f284bbb2683055/aliens-act-
2005_716.pdf (adresse consultée le 20 février 2022) (en anglais).
441 Voir Jane J. McAdam (2011), Climate Change Displacement and International Law:
Complementary Protection Standards [Déplacements provoqués par les changements climatiques
et droit international : normes en matière de protection complémentaire] (Genève, HCR, 2011).
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l’environnement (PNUE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO).
350. Des travaux de recherche préliminaires, basés sur des documents publics, sont
ensuite présentés pour donner un aperçu des pratiques potentiellement pertinentes
d’organes et entités de l’Organisation des Nations Unies, du Haut -Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), du HCR, de l’OIM, de l’Organisation
internationale du Travail (OIT), de l’Équipe spéciale chargée de la question des
déplacements de population, de la Plateforme sur les déplacements liés aux
catastrophes, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix -Rouge et du
Croissant-Rouge, de la Banque mondiale et de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE). Selon ces recherches, ces organisations et
entités ont intégré dans leurs politiques respectives la question des changements
climatiques, notamment de l’élévation du niveau de la mer, et de leurs cons équences
sur la protection des personnes.
1. Programme des Nations Unies pour l’environnement
351. Dans sa communication, le PNUE fournit des exemples de législations,
politiques et stratégies régionales et nationales en matière de protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer, dont des exemples d’instruments
régionaux du Pacifique et de législations, politiques et stratégies nationales de
plusieurs États des Caraïbes, de l’océan Pacifique et de l’océan Indien. Selon cet
organisme, l’objectif d’un grand nombre des instruments en question est de renforcer
la résilience individuelle et collective face à l’élévation du niveau de la mer, de
prévenir les déplacements lorsque c’est possible et, pour certains de ces instruments,
de définir un cadre visant à faire respecter, protéger et garantir les droits des personnes
déplacées à différentes étapes du déplacement et lors de la recherche de solutions
durables.
2. Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
352. Dans sa communication, la FAO mentionne la stratégie relative aux
changements climatiques qu’elle a définie en 2017, dans laquelle elle fait le constat
que les changements biophysiques, notamment l’élévation du niveau de la mer, ont
des répercussions sur la situation socioéconomique du secteur de la pêche et de
l’aquaculture dans de nombreuses régions du monde. Ces changements ont également
des répercussions sur les niveaux de pauvreté et d’insécurité alimentaire dans les
zones dépendant du poisson et des produits de la pêche, ainsi que sur la gouvernance
et la gestion de ce secteur et sur les sociétés. Ils nuisent fortement aux populations
tributaires de la pêche et de l’aquaculture et aux écosystèmes dont elles dépendent,
en particulier dans les régions tropicales, notamment aux personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer.
353. La FAO rappelle qu’il relève de son mandat d’aider les États Membres, par des
projets et programmes d’assistance technique, à faire face aux effets biophysiques des
changements climatiques, entre autres l’élévation du niveau de la mer, notamment par
des législations, politiques et stratégies régionales et nationales visant à assurer la
sécurité alimentaire et la nutrition des personnes touchées, en particulier des groupes
marginalisés et vulnérables.
3. Organisation des Nations Unies
354. Sont brièvement présentés dans la présente section la pratique découlant des
traités déposés auprès du Secrétaire général ou enregistrés auprès du Secrétariat ainsi
que des résolutions et décisions de l’Assemblée générale et de certains de ses organes
(tels que le Processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le droit de
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la mer), du Conseil de sécurité, du Conseil des droits de l’homme et de ses procédures
spéciales, et des organes créés en vertu d’un instrument international relatif aux droits
de l’homme.
Traités déposés ou enregistrés auprès de l’Organisation des Nations Unies
355. On ne trouve pas de traité portant spécifiquement sur la protection des personnes
en cas d’élévation du niveau de la mer parmi les traités déposés ou enregistrés auprès
de l’Organisation des Nations Unies. Il existe néanmoins des accords qui prévoient la
réinstallation des personnes dans des situations d’urgence 442. Ces accords envisagent
la réinstallation de personnes, y compris en tant que réfugiés, mais, là encore, pas
dans le contexte des conséquences de l’élévation du niveau de la mer.
356. Il existe également plusieurs accords traitant d’arrangements de rapatriement,
qui ne concernent pas non plus spécifiquement les personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer, mais qui pourraient néanmoins être jugés intéressants comme
pratiques analogues443.
__________________
442 Voir, par exemple, l’Accord de coopération pour les cas de catastrophes naturelles entre le
Mexique et les États-Unis d’Amérique (Mexico, 15 janvier 1980 ; Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1241, no 20171, p. 207, à la page 218), qui prévoit la création d’un comité consultatif
Mexique-États-Unis des catastrophes naturelles, dont le mandat (art. II) comprendrait l’échange
d’informations concernant les techniques d’évacuation et de relogement en cas d’urgence (sans
que ces cas soient spécifiquement ou expressément reliés à l’élévation du niveau de la mer). On
peut citer un autre exemple, tiré cette fois d’une formalité conventionnelle. Il s’agit d’une
notification faite par le Brésil en application de l’article premier, section B 2), de la Convention
relative au statut des réfugiés et libellée ainsi (Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1558,
no 2545, p. 370) : « ...en vertu du décret 98.602 du 19 décembre 1989, le Président de la
République a rapporté la clause de limitation géographique visée à l’a linéa 1 a) de la section B de
l’article premier de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 20 juin 1951.
Comme vous le savez, cette formule rendait la Convention inapplicable au Brésil aux réfugiés
d’origine non européenne, qui constituent actuellement la quasi-totalité des personnes demandant
à bénéficier du statut de réfugié. En vertu de cette clause, les réfugiés d’origine non européenne
étaient admis au Brésil en transit, bien que dans la pratique on leur permît de travailler et de
demeurer sur le territoire national jusqu’à leur transfert dans un autre pays ; ils pouvaient même
s’installer définitivement au Brésil si des demandes à cet effet avaient été déposées par le Haut-
Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. L’annu lation de cette clause de limitation
géographique permet dorénavant au Gouvernement brésilien de reconnaître officiellement aux
personnes susvisées la qualité de réfugié et rend l’application de cet instrument international au
Brésil pleinement conforme aux dispositions de l’article 48 de la sous-section X de la nouvelle
Constitution, qui fait de l’octroi de l’asile politique l’un des principes de la politique étrangère du
Brésil. »
443 Voir, par exemple : Accord tripartite relatif au rapatriement volontaire des réfugiés du Suriname,
conclu entre la France, le Suriname et le HCR (Paramaribo, 25 août 1998), Nation Unies, Recueil
des Traités, vol. 1512, no 26128, p. 69 ; Accord relatif à l’émigration et à la colonisation, conclu
entre le Japon et le Brésil (Rio de Janeiro, 14 novembre 1960), ibid., vol. 518, no 7491, p. 63 ;
Convention (avec Protocole final) entre la Suède, le Danemark, la Finlande, l’Islande et la
Norvège relative à la fourniture réciproque d’une assistance aux indigents (Stockholm, 9 janvier
1951), ibid., vol. 197, no 2647, p. 378 ; Quatrième Convention de Lomé entre la Communauté
économique européenne et les États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (avec protocoles, acte
final, échange de lettres, procès-verbal de signature, déclaration de signature en date du 19
décembre 1990 et procès-verbal de rectification en date du 22 novembre 1990) (Lomé, 15
décembre 1989), ibid., vol. 1925, no 32847, p. 3. En particulier, on peut lire aux paragraphes 1)
et 2) de l’article 255 de cette dernière convention : « 1. Des aides peuvent être accordées aux États
[d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique] accueillant des réfugiés ou des rapatriés pour subvenir
aux besoins pressants non couverts par l’aide d’urgence ainsi que pour la réalisation à plus long
terme de projets et programmes d’actions ayant pour objectif l’autosuffisance et l’intégration ou la
réintégration de ces populations. 2. Des aides similaires à celles visées au paragraphe 1 peuvent
être envisagées afin de faciliter l’intégration ou la réintégration volontaires des personnes qui ont
dû quitter leur domicile en raison d’un conflit ou d’une catastrophe naturelle. Tous les facteurs qui
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Assemblée générale
357. Dans un certain nombre de ses résolutions, l’Assemblée générale a souli gné que
l’élévation du niveau de la mer était le résultat des changements climatiques ou a
établi un lien entre ce phénomène et les diverses menaces qu’il faisait peser, par
exemple, sur les petits États insulaires en développement et sur la biodiversité.
358. Dans la résolution 44/206 du 22 décembre 1989 444 , sur les effets néfastes
éventuels d’une hausse du niveau des mers sur les îles et les zones côtières, en
particulier les zones côtières de faible élévation , l’Assemblée a prié instamment la
communauté internationale d’aider efficacement et en temps utile les pays touchés
par une hausse du niveau des mers, en particulier les pays en développement, dans les
efforts qu’ils font pour mettre au point et appliquer des stratégies en vue de se protéger
et de protéger leurs écosystèmes marins naturels vulnérables des menaces
particulières d’une hausse du niveau des mers due au changement climatique.
359. Dans la résolution 70/1 du 25 septembre 2015445, par laquelle l’Assemblée a
adopté le Programme de développement durable à l’horizon 2030, il est souligné que
l’élévation des températures à l’échelle mondiale et du niveau de la mer,
l’acidification des océans et d’autres effets des changements climatiques ont eu de
graves répercussions sur les zones côtières et les pays côtiers de basse altitude,
y compris nombre de pays parmi les moins avancés et de petits États insulaires en
développement.
360. La résolution 66/288 du 27 juillet 2012 446 est un autre exemple pertinent.
L’Assemblée y a approuvé le document final de la Conférence des Nations Unies sur
le développement durable, intitulé « L’avenir que nous voulons », dans lequel la
Conférence « pren[d] note du fait que l’élévation du niveau des mers et l’érosion du
littoral constituent des menaces considérables pour les régions côtières et les îles,
notamment dans les pays en développement » et « demand[e] à la communauté
internationale d’intensifier ses efforts pour y faire face ». En outre, elle dit savoir que
« [l]a montée du niveau des mers et les autres conséquences préjudiciables du
changement climatique continuent de menacer gravement [les petits États insulaires
en développement] et de compromettre leurs efforts pour parvenir à un
développement durable, et constituent pour beaucoup de ces pays le principal risque
__________________
sont à l’origine du déplacement en question, de même que les souhaits de la population concernée
et les responsabilités du gouvernement en ce qui concerne la satisfaction des besoins de sa
population, sont pris en considération pour l’application de la présente disposition. » L’article
257 de cette même convention dispose ce qui suit : « Les actions postérieures à la phase d’urgence
destinées à la réhabilitation matérielle et sociale nécessaire à la suite de calamités naturelles ou de
circonstances extraordinaires ayant des effets comparables peuvent être financées par la
Communauté au titre de la Convention. Les besoins postérieurs à la phase d’urgence peuvent être
couverts par d’autres moyens, notamment les fonds de contrepartie générés par les instruments de
la Communauté, la dotation spéciale pour les réfugiés, rapatriés et personnes déplacées, les
programmes indicatifs nationaux ou régionaux ou une combinaison de ces divers éléments. » On
lit à l’annexe LII à la même convention, intitulée « Déclaration commune ad article 255 » : « Les
parties contractantes conviennent qu’une attention particulière sera prêtée aux points suivants pour
l’application de l’article 255 : i) les projets facilitant le rapatriement et la réintégration volontaires
des réfugiés ; ii) l’identité culturelle des réfugiés dans les pays d’accueil, ainsi que celle des
personnes déplacées au sein de leur propre pays ; iii) les besoins des femmes, des enfants, des
personnes âgées ou des handicapés, présents parmi les réfugiés ou les personnes déplacées ; iv) la
sensibilisation au fait que les aides au titre de l’article 255 peuvent contribuer à répondre aux
besoins de développement à long terme des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées ainsi
que des populations dans les zones d’accueil ; v) le renforcement de la coordination entre les États
ACP, la Commission et d’autres organismes pour la mise en oeuvre de ces projets. »
444 Résolution 44/206 de l’Assemblée générale, par. 2.
445 Résolution 70/1 de l’Assemblée générale, par. 14.
446 Résolution 66/288 de l’Assemblée générale, annexe, par. 165, 178 et 179.
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pesant sur leur survie et leur viabilité, notamment, pour certains, en raison de la perte
de territoire qui en résulte », et « appel[le] à poursuivre et à consolider les actions
visant à aider les petits États insulaires en développement ».
361. Une résolution établit un lien direct entre l’élévation du niveau de la mer et les
migrations. Il s’agit de la résolution 73/195 du 19 décembre 2018447 , par laquelle
l’Assemblée a validé le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et
régulières. Dans ce pacte, les États s’engagent à « [é]laborer des stratégies
d’adaptation et de résilience aux catastrophes naturelles soudaines et larvées, aux
effets néfastes des changements climatiques et à la dégradation de l’environnement,
comme la désertification, la dégradation des terres, la sécheresse et l’élévation du
niveau des mers, en tenant compte des incidences qu’ils peuvent avoir sur les
migrations, sans perdre de vue que l’adaptation dans le pays d’origine est une
priorité ». Par ailleurs, ils prévoient de « [c]oopérer pour trouver des solutions ou
améliorer celles qui existent déjà en faveur des migrants contraints de quitter leur
pays d’origine en raison d’une catastrophe naturelle larvée, des effets néfastes des
changements climatiques ou de la dégradation de l’environnement, comme la
désertification, la dégradation des terres, la sécheresse et l’élévation du niveau des
mers, notamment en prévoyant des options de réinstallation planifiée et des modalités
de visas, dans les cas où il ne leur serait pas possible de s’adapter à la situation ou de
rentrer dans leur pays d’origine ».
362. Il convient également de noter que – bien qu’il n’ait pas encore été examiné ni
adopté au moment de la rédaction du présent document –, les Tuvalu ont proposé à
l’Assemblée générale un projet de résolution, en juillet 2019, au titre du point de
l’ordre du jour portant sur le développement durable en rapport avec la sauvegarde
du climat mondial pour les générations présentes et futures. Ce projet de résolution
propose entre autres d’élaborer « un instrument international juridiquement
contraignant en vue d’assurer une protection appropriée aux personnes déplacées en
raison des effets des changements climatiques ».
Processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer
363. « L’élévation du niveau de la mer et ses incidences » était le thème de la vingt
et unième réunion du Processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le
droit de la mer, qui s’est tenue du 14 au 18 juin 2021. Le Rapport sur les travaux du
Processus consultatif informel à sa vingt et unième réunion comprend le résumé,
établi par les coprésidents, des débats sur l’élévation du niveau de la mer et ses
incidences448.
364. Dans sa résolution du 9 décembre 2021449, sur les océans et le droit de la mer,
l’Assemblée générale donne un rapide aperçu de la réunion et des débats, lesquels ont
porté
[...] essentiellement sur les caractéristiques et l’étendue de l’élévation du niveau
de la mer, y compris la variabilité régionale, et ses incidences
environnementales, sociales et économiques, et au cours desquels les
délégations ont notamment insisté sur l’urgence que représentait l’élévation du
niveau de la mer et sur les incidences de la fréquence croissante des phénomènes
météorologiques extrêmes pour les petits États insulaires en développement et
les États côtiers, y compris les zones côtières de faible élévation, examiné les
diverses mesures d’atténuation et d’adaptation qui pouvaient être prises, en
demandant instamment que des efforts soient déployés d’urgence et en appelant
__________________
447 Résolution 73/195 de l’Assemblée générale, annexe, par. 18, al. i) et par. 21, al. h).
448 A/76/171.
449 Résolution 76/72 de l’Assemblée générale, par. 211.
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l’attention sur les problèmes qui pourraient se poser à cet égard, notamment le
coût de ces interventions, les lacunes en matière de données et les difficultés
liées à la modélisation et à la surveillance de l’élévation du niveau de la mer, et
souligné l’importance des liens entre sciences et politiques, de la coopération à
tous les niveaux et avec toutes les parties prenantes, des connaissances
traditionnelles et locales, du lien entre l’océan et le climat et de la dimension
juridique de la question, tout en notant que les déléga tions se réjouissaient à la
perspective de participer aux travaux que mèneraient les instances compétentes
sur les questions juridiques relatives à l’élévation du niveau de la mer, sans
vouloir en préjuger, et qu’il fallait assurer la coopération et la coo rdination
internationales, renforcer les capacités, mettre en place des mécanismes
nationaux de planification et financer les interventions.
Conseil de sécurité
365. Le Conseil de sécurité a examiné à plusieurs reprises et selon différentes
modalités la question de savoir si les changements climatiques et leurs conséquences
pouvaient être considérés comme une menace pour la paix et la sécurité
internationales450. Depuis 2007, il tient des débats publics et des réunions organisées
selon la formule Arria sur la question des changements climatiques et de la paix et de
la sécurité internationales451. Lors du dernier débat public, tenu le 13 décembre 2021,
il n’est pas parvenu à adopter un projet de résolution dans lequel il se serait déclaré
« vivement préoccupé par le fait que [l]es effets [des changements climatiques], dont
la perte de territoire causée par l’élévation du niveau de la mer, p[ouvaient] avoir des
répercussions sur la paix et la sécurité internationales »452.
366. À la réunion organisée selon la formule Arria en octobre 2021, sur le thème de
l’élévation du niveau de la mer et de ses conséquences sur la paix et la sécurité
internationales453 , la note de cadrage diffusée par le Viet Nam contenait les cinq
questions ci-après, destinées à orienter les débats454 :
a) Comment peut-on mieux comprendre l’articulation entre instabilité,
conflits et risques climatiques, notamment l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques ?
b) Quelles sont les meilleures politiques et mesures concrètes à p rendre pour
traiter efficacement les risques multiformes posés par les changements climatiques,
et en particulier par l’élévation du niveau de la mer, notamment pour prévenir les
conflits et consolider la paix ?
c) Comment le système des Nations Unies et d’autres organisations
internationales et régionales peuvent-ils être mieux armés pour relever les défis des
changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer, notamment dans le
__________________
450 Voir, par exemple, S/PV.8451 (25 janvier 2019).
451 Pour les débats publics, voir S/PV.5663 (17 avril 2007), S/PV.6587 et S/PV.6587 (Resumption 1)
(20 juillet 2011), S/PV.7499 (30 juillet 2015), S/PV.8307 (11 juillet 2018), S/PV/8451 (25 janvier
2019), S/PV/8864 (23 septembre 2021) et S/PV/8926 (13 décembre 2021). Les réunions
organisées selon la formule Arria se sont tenues le 15 février 2013, le 20 juin 2015, le 10 avril
2017, le 15 décembre 2017, le 22 avril 2020 et le 18 octobre 2021. Voir
https://www.securitycouncilreport.org/un-security-council-working-methods/arria-formulameetings.
php?msclkid=276251c2afb911ecbb0098022f272058.
452 S/2021/990.
453 Voir https://media.un.org/en/asset/k1q/k1qwtx7yl9.
454 Disponible à l’adresse suivante : https://s3-eu-west-
1.amazonaws.com/upload.teamup.com/908040/IHrZ4x3Q2a7eWfWfWUq5_Concept-20Note-20--
20Arria-20on-20Sea-20level-20rise-final.pdf.
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cadre de mesures d’adaptation et d’atténuation, et pour v enir en aide aux petits États
insulaires en développement ?
d) Comment le Conseil de sécurité peut-il mieux utiliser les outils et
mécanismes dont il dispose pour faire face aux risques pour la sécurité résultant des
changements climatiques, en particulier ceux liés à l’élévation du niveau de la mer ?
e) Comment les États en développement touchés par les changements
climatiques et les petits États insulaires en développement peuvent -ils avoir un
meilleur accès à l’aide dont ils ont besoin pour atténuer ce s menaces ?
367. Auparavant, le Conseil de sécurité avait traité en avril 2017 le thème « Les
implications des changements climatiques en matière de sécurité : l’élévation du
niveau de la mer » lors d’une réunion organisée selon la formule Arria par l’Ukraine,
qui était alors membre du Conseil, en coopération avec l’Allemagne, qui ne l’était
pas. Lors du débat public qui avait eu lieu en juillet 2015 sur le thème « Les petits
États insulaires en développement face aux menaces contre la paix et la sécurité », le
Secrétaire général avait fait observer que « [l]’élévation du niveau des mers, le
dépérissement des récifs coralliens et la fréquence et la sévérité croissantes des
catastrophes naturelles exacerb[ai]ent les conditions propices au déplacement et à la
migration des communautés »455 . Dans une déclaration faite par son président en
juillet 2011, le Conseil de sécurité avait exprimé « sa préoccupation devant les
répercussions que la perte de territoire de certains États par suite de l’élévation du
niveau de la mer pourrait avoir sur la sécurité, en particulier dans les petits États
insulaires de faible altitude »456.
Organes chargés des droits de l’homme
368. Les thèmes relatifs aux changements climatiques, notamment à l’élévation du
niveau de la mer, sont nettement plus souvent abordés, depuis 2010, au sein des
organes chargés des droits de l’homme457. Que ce soit dans les communications des
États ou dans les rapports ou autres documents publiés par les organes en question,
y compris dans les rapports des rapporteuses spéciales ou rapporteurs spéciaux ou des
experts indépendants, on s’est attaché à souligner les conséquences que peut avoir
__________________
455 S/PV.7499.
456 S/PRST/2011/15.
457 Bien qu’il ne s’agisse pas d’un document provenant d’un organe chargé des droits de l’homme, il
peut être utile de noter que dans une publication intitulée International Migration and Human
Rights : Challenges and Opportunities on the Threshold of the 60th Anniversary of the Universal
Declaration of Human Rights (Groupe mondial des migrations, 2008), qui comprend un avant -
propos du Secrétaire général, une définition du terme « migrant environnemental » est donnée et
fait la distinction entre les « migrants environnementaux volontaires » et les « migrants
environnementaux forcés » (p. 9 ; citant l’OIM, « Séminaire d’experts : sur la migration et
l’environnement », Dialogue international sur la migration, no 10 (Genève, 2008), p. 23 et 24). Les
migrants environnementaux sont ainsi définis comme les personnes qui, pour des raisons
impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement
sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent
de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à
l’intérieur de leur pays ou en sortent. Deux catégories de migrants environnementaux sont
établies : a) les migrants environnementaux volontaires, soit ceux qui « s’attendent au pire » et
préfèrent partir avant que la dégradation de l’environnement ne détruise leurs moyens d’existence
et leur communauté ; ils peuvent être amenés à quitter un environnement dégradé susceptible
d’être remis en état au moyen de stratégies et de mesures appropriées et partent de manière
temporaire ou définitive ; b) les migrants environnementaux forcés, soit ceux qui « évitent le
pire » et sont contraints de quitter leur communauté d’origine parce qu’ils ont perdu leurs moyens
d’existence. Ce départ est le plus souvent permanent. Les personnes qui migrent en raison de
l’élévation du niveau de la mer ou de la disparition de la couche de terre arable entrent dans cette
catégorie.
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l’élévation du niveau de la mer, telles que le risque d’inondation des terres de basse
altitude458, la menace que cela fait peser sur les populations locales459, les difficultés
d’accès à l’eau et à l’assainissement et la nécessité de faire du droit fondamental à
l’eau une réalité tangible 460 , l’incidence accrue des maladies 461 , la crainte des
populations touchées de subir des réinstallations forcées, et la nécessité de faire en
sorte que le cadre juridique en vigueur garantisse que ces populations seront dûment
consultées462.
369. Plusieurs documents du Conseil des droits de l’homme décrivent l’élévation du
niveau de la mer comme une cause factuelle de migration ou de déplacement interne.
Ce lien a été mentionné dans le cadre de l’Examen périodique universel et d’autres
mécanismes d’examen, dans des documents établis tant par les États faisant l’objet de
l’examen que par le Conseil463. La Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits
culturels, Karima Bennoune, a souligné ce lien dans son rapport relatif à une visite
aux Tuvalu, dans lequel elle mentionne un accord conclu en 2001 par les Tuvalu et la
Nouvelle-Zélande, qui se sont entendus sur l’établissement d’un quota annuel
d’émigration des Tuvaluans souhaitant quitter leur pays en raison de la montée du
niveau de la mer464.
370. Plus précisément, il est clairement dit dans certains documents du Conseil des
droits de l’homme que l’élévation du niveau de la mer liée au réchauffement de la
planète menace l’existence même de certains petits États insulaires, et aura des
« conséquences pour le droit à l’autodétermination, ainsi que pour l’ensemble des
droits individuels fondamentaux dont l’État est le garant »465 . En outre, lors de la
visite qu’il a faite aux Maldives en 2011 afin d’examiner la situation des personnes
déplacées à l’intérieur du pays à la suite du tsunami de 2004 et d’étudier les questions
liées au risque de déplacements internes à l’avenir, notamment en raison des effets
des changements climatiques, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des
personnes déplacées dans leur propre pays, M. Chaloka Beyani, a constaté que « les
changements climatiques, auxquels s’ajoutent d’autres facteurs caractéristiques des
îles basses, [avaient] déjà des répercussions sur les conditions de vie et les droits des
résidents de nombreuses îles des Maldives, notamment les droits au logement, à l’eau
potable et à la santé ». Le Rapporteur spécial a en outre constaté que « d’autres
facteurs comme des orages et des inondations plus fréquents, l’érosion des côtes, la
salinisation, le surpeuplement et l’élévation du niveau de la mer, qui menacent
l’existence même des Maldives, augment[ai]ent les risqu es de déplacements internes
à l’avenir »466.
371. Commentant, dans le cadre de l’Examen périodique universel des Îles Salomon,
le statut des personnes déplacées en raison de facteurs climatiques, le HCR a fait
observer que tandis que ces personnes « n’étaient pas des “réfugiés” au sens de la
Convention de 1951, il existait toutefois un lien manifeste entre la dégradation de
l’environnement ou les changements climatiques et les tensions et autres conflits
sociaux. L’expérience d’autres pays insulaires du Pacifique a montré que les
déplacements de population pouvaient aboutir à une concurrence avec la communauté
__________________
458 Par exemple, CRC/C/ATG/2-4, par. 138.
459 Par exemple, A/HRC/WG.6/22/MHL/3, par. 22.
460 Par exemple, A/HRC/24/44/Add.2, résumé.
461 Par exemple, A/HRC/24/44/Add.1, par. 48, et A/HRC/22/43, par. 20.
462 Par exemple, CCPR/C/SR.2902, par. 21.
463 Pour des exemples provenant des États, voir A/HRC/WG.6/24/PLW/1, CEDAW/C/MHL/1-3 et
A/HRC/WG.6/35/KIR/1. Pour des exemples provenant du HCDH, voir A/HRC/WG.6/24/SLB/3,
A/HRC/WG.6/35/KIR/2 et A/HRC/WG.6/38/SLB/3.
464 A/HRC/46/34/Add.1, par. 8.
465 Par exemple, A/HRC/22/43, par. 20.
466 A/HRC/19/54, par. 12.
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d’accueil, voire à des conflits, la plupart du temps pour l’accès à la terre ou à des
ressources limitées (comme l’eau potable). Le pire des s cénarios, qui repose sur
l’immersion totale du pays sous les eaux du fait de l’élévation du niveau de la mer,
pourrait se solder par un “déplacement externe” de grande ampleur et la fin, de fait
ou de droit, de l’État souverain lui-même. » Le HCR s’est dit conscient que « les
changements climatiques soulevaient un ensemble unique de défis pour de nombreux
pays insulaires du Pacifique, y compris les Îles Salomon, en ce sens qu’ils
contribuaient à l’élévation du niveau de la mer, à la salinisation, à la surve nue
d’orages de plus en plus fréquents et violents et à la variabilité croissante du climat »,
ajoutant que « [l]es populations d’un certain nombre d’îlots faisant partie des Îles
Salomon allaient devoir se déplacer de manière imminente »467.
Déclarations conjointes, recommandations générales, décisions et observations
générales des organes créés en vertu d’un instrument international relatif aux droits
de l’homme
372. Les organes créés en vertu d’un instrument international relatif aux droits de
l’homme ont également relevé le lien entre les changements climatiques et les droits
de l’homme, plus précisément entre l’élévation du niveau de la mer et les migrations.
À titre d’exemple, on peut citer la déclaration conjointe sur les droits de l’homme et
les changements climatiques du Comité pour l’élimination de la discrimination à
l’égard des femmes, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du
Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres
de leur famille, du Comité des droits de l’enfant et du Comité des droits des personnes
handicapées, en date du 14 mai 2020. Dans cette déclaration, les organes
conventionnels soulignent que l’élévation du niveau de la mer est une cause de
migration forcée et affirment que « [l]es États doivent donc s’attaquer aux effets des
changements climatiques, de la dégradation de l’environnement et des catastrophes
naturelles en tant que cause de migration et faire en sorte qu’ils n’empêchent pas
l’exercice, par les migrants et les membres de leur famille, de leurs droits humains.
En outre, les États devraient mettre en place, à l’intention des travailleurs migrants
déplacés d’un pays à l’autre dans le contexte des changements climatiques ou de
catastrophes et qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays, des mécanismes de
protection complémentaires et des dispositifs de protection ou de séjour
temporaire.468 »
373. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a
également traité la question de l’élévation du niveau de la mer dans sa
recommandation générale no 37 (2018) relative aux aspects liés au genre de la
réduction des risques de catastrophe dans le contexte des changements climatiques. Il
a souligné que « [d]ans les rapports qu’ils soumettent au Comité en application de
l’article 18 [de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes], les États parties sont tenus d’aborder les obligations générales
visant à assurer une réelle égalité entre les femmes et les hommes dans tous les
domaines de la vie, et de traiter des garanties spécifiques relatives aux droits de la
Convention susceptibles d’être plus particulièrement touchés par les changements
climatiques et les catastrophes, qui recouvrent notamment des phénomènes
météorologiques extrêmes comme les inondations et les cyclones, ainsi que des
phénomènes à évolution lente, comme la fonte des calottes polaires et des glaciers,
les sécheresses et l’élévation du niveau des mers »469.
__________________
467 A/HRC/WG.6/11/SLB/2, par. 56 et 59.
468 HRI/2019/1, par. 15 et 16.
469 CEDAW/C/GC/37, par. 10.
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374. Deux importantes communications ont été présentées au Comité des droits de
l’homme pour lui demander d’évaluer les principes applicables à la protection des
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer.
375. Dans la première, l’auteur, Ioane Teitiota, a fait valoir qu’en le renvoyant à
Kiribati, la Nouvelle-Zélande avait violé son droit à la vie, qui lui était garanti par
l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 470. Cette affaire
était la première dans laquelle le Comité devait statuer sur une communication
présentée par une personne ayant fait une demande d’asile pour fuir les effets des
changements climatiques, en particulier les effets de l’élévation du niveau de la mer.
376. Dans cette communication, M. Teitiota affirmait entre autres que les effets des
changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer l’avaient obligé à
quitter l’atoll de Tarawa, à Kiribati, pour émigrer en Nouvelle -Zélande. Il expliquait
que la situation était devenue de plus en plus instable et précaire à Tarawa du fait de
l’élévation du niveau de la mer due au réchauffement de la planète 471. Il faisait valoir
que les graves conséquences des changements climatiques à Kiribati obligeaient la
Nouvelle-Zélande à appliquer le principe de non-refoulement et lui interdisaient donc
de le renvoyer à Kiribati.
377. Dans ses constatations, adoptées le 24 octobre 2019, le Comité devait déterminer
si les autorités néo-zélandaises avaient réalisé une évaluation arbitraire,
manifestement erronée ou constitutive d’un déni de justice de l’allégation selon
laquelle, en renvoyant M. Teitiota à Kiribati, elles l’exposeraient à un risque réel de
violation du droit à la vie garanti par l’article 6 du Pacte. Il a indiqué que les faits
dont il était saisi ne lui permettaient pas de conclure que l’expulsion de M. Teitiota
avait violé le droit à la vie que l’article 6 du Pacte garantissait à celui-ci, ni que la
Nouvelle-Zélande aurait dû appliquer le principe de non -refoulement en l’espèce.
378. Le Comité a toutefois rappelé que « la dégradation de l’environnement pouvait
compromettre l’exercice effectif du droit à la vie ». Il a également constaté que
« [l]’obligation de ne pas extrader, expulser ou transférer par d’autres moyens
énoncée à l’article 6 du Pacte a une portée plus vaste que le principe de nonrefoulement
consacré par le droit international des réfugiés, car elle peut aussi
nécessiter la protection d’étrangers qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié ».
Il a cependant considéré que M. Teitiota n’avait pas suffisamment étayé l’allégation
selon laquelle il courrait en cas d’expulsion « un risque réel d’atteinte irréparable à
son droit à la vie », qui lui était propre, plutôt qu’un risque général auquel tous les
habitants de Kiribati étaient exposés.
379. Le Comité a accueilli l’argument de M. Teitiota selon lequel l’élévation du
niveau de la mer allait « probablement rendre Kiribati inhabitable ». Il a toutefois fait
observer que « le délai de dix à quinze ans mentionné par l’auteur pourrait permettre
au Gouvernement [de Kiribati] d’intervenir, avec le soutien de la communauté
internationale, en vue de prendre des mesures concrètes pour protéger et, si
nécessaire, déplacer la population ». Tout en reconnaissant que les conditions de vie
à Kiribati étaient difficiles pour la population en général, il a conclu que les
informations qui lui avaient été fournies n’indiquaient pas qu’à son retour à Kiribati,
M. Teitiota risquait sérieusement de vivre dans la pauvreté, d’être privé d’une
nourriture suffisante ou d’être soumis à une situation d’extrême précarité qui irait à
l’encontre de son droit à une vie décente.
380. Fait significatif, le Comité s’est dit d’avis que, « si des mesures énergiques
n[‘étaient] pas prises aux niveaux national et international, les effets des changements
__________________
470 Teitiota c. Nouvelle-Zélande (CCPR/C/127/D/2728/2016), par. 3.
471 Ibid., par. 2.1
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climatiques dans les États de destination risqu[ai]ent d’exposer les prétendants à
l’asile à une violation des droits garantis par les articles 6 ou 7 du Pacte, ce qui
obligerait les États qui entendent renvoyer les intéressés à appliquer le pr incipe de
non-refoulement. En outre, le risque qu’un pays entier disparaisse sous les eaux est
un risque à ce point grave que les conditions de vie dans le pays en question pourraient
devenir incompatibles avec le droit de vivre dans la dignité avant même que la
catastrophe se produise.472 »
381. Dans son opinion dissidente, Duncan Laki Muhumuza, membre du Comité, a
estimé qu’il serait « absurde, alors que l’objectif est de protéger la vie, d’attendre que
les morts soient nombreuses et fréquentes pour considérer que ces conditions sont
réunies ». Selon lui, « [c]e qu’a fait la Nouvelle-Zélande s’apparente à forcer une
personne en train de se noyer à remonter sur un navire en plein naufrage sous prétexte
qu’il y a d’autres passagers à bord »473.
382. Dans son opinion dissidente, Vasilka Sancin, membre du Comité, a fait valoir
que l’eau potable n’était pas nécessairement saine. Elle a déclaré qu’il incombait à la
Nouvelle-Zélande, et non à M. Teitiota, « de démontrer que [lui] et sa famille auraient
effectivement accès à l’eau potable (ou même à de l’eau de boisson) à Kiribati,
conformément à l’obligation positive qui lui incombe de protéger la vie contre les
risques découlant de dangers naturels connus »474.
383. La deuxième communication a été présentée le 13 mai 2019 par huit habitants
d’îles du détroit de Torres, selon lesquels l’Australie violait les droits qui leur étaient
garantis par les articles 2 (respect des droits reconnus dans le Pacte), 6 (droit à la vie),
17 (droit de ne pas subir d’immixtion arbitraire dans sa vie privée, sa famille et son
domicile), 24 (droits de l’enfant) et 27 (droit des minorités d’avoir leur propre vie
culturelle) du Pacte en raison de l’insuffisance des objectifs fixés et des plans qu’elle
avait établis pour lutter contre les gaz à effet de serre et de son incapacité à financer
des moyens suffisants de défense du littoral et de résilience sur les îles, tels que des
digues475. Les auteurs ont en particulier demandé que l’Australie s’engage à affecter
au moins 20 millions de dollars aux mesures d’urgence telles que la construction de
digues, comme le demandent les autorités locales, à investir régulièrement dans des
mesures d’adaptation inscrites dans la durée afin que les îles puissent rester
habitables, à réduire ses émissions d’au moins 65 % par rapport aux niveaux de 2005
d’ici à 2030 et à parvenir à zéro émission nette d’ici à 2050, ainsi qu’à abandonner
progressivement le charbon thermique, tant pour la production nationale d’électricité
que pour les marchés d’exportation.
384. Cette communication est la première qui ait été adressée au Comité par des
habitants d’îles de basse altitude, dont les populations sont très vulnérables aux effets
des changements climatiques, notamment à l’élévation du niveau de la mer, pour se
plaindre de l’inaction d’un gouvernement national en matière de changements
climatiques. Le Comité n’a pas encore rendu sa décision.
385. Dans son observation générale no 36 (2018) sur le droit à la vie, consacré par
l’article 6 du Pacte, le Comité a expressément déclaré ce qui suit :
La dégradation de l’environnement, les changements climatiques et le
développement non durable font partie des menaces les plus urgentes et les plus
graves pour la capacité des générations présentes et futures de jouir du droit à
la vie. Les obligations des États parties au regard du droit international de
l’environnement devraient donc éclairer la teneur de l’article 6 du Pacte, et
__________________
472 Ibid., par. 9.11.
473 Ibid., annexe I, par. 5 et 6.
474 Ibid., annexe II, par. 3 et 5.
475 Communication no 3624/2019, actuellement pendante devant le Comité des droits de l’homme.
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l’obligation qu’ont les États parties de respecter et garantir le droit à la vie
devrait également éclairer leurs obligations pertinentes au regard du droit
international de l’environnement. La mise en oeuvre de l’obligation de respecter
et garantir le droit à la vie, et en particulier à la vie dans la dignité, dépend, entre
autres, des mesures prises par les États parties pour préserver l’environnement
et le protéger contre les dommages, la pollution et les changements climatiques
résultant de l’activité des acteurs publics et privés. Les États parties devraient
par conséquent veiller à ce qu’il soit fait un usage durable des ressources
naturelles, élaborer des normes environnementales de fond et les faire appliquer,
réaliser des études d’impact sur l’environnement et consulte r les États concernés
au sujet des activités susceptibles d’avoir des incidences écologiques notables,
notifier aux autres États concernés les catastrophes naturelles et situations
d’urgence et coopérer avec eux, assurer un accès approprié à l’information sur
les risques environnementaux et prendre dûment en considération le principe de
précaution476.
386. Le 22 septembre 2021, le Comité des droits de l’enfant a adopté des décisions
concernant les effets des changements climatiques sur ces droits. Seize enfants o nt
présenté cinq communications identiques contre l’Allemagne, l’Argentine, le Brésil,
la France et la Turquie, faisant valoir que, en ne s’employant pas à prévenir et à
atténuer les conséquences des changements climatiques, les États en question avaient
violé les droits qui leur sont garantis par les articles 6 (droit à la vie), 24 (droit de
jouir du meilleur état de santé possible) et 30 (droits des enfants appartenant à des
minorités et des enfants autochtones), lus en parallèle avec l’article 3 (princip e de
l’intérêt supérieur de l’enfant) de la Convention relative aux droits de l’enfant 477.
387. Les auteurs ont en particulier fait valoir que l’élévation du niveau de la mer
modifiait le rapport des enfants à la terre, et le Comité a relevé que, selon eux, « en
raison de l’élévation du niveau de la mer, les îles Marshall et les Palaos risqu[ai]ent
de devenir inhabitables dans quelques dizaines d’années ».
388. Le Comité a déclaré les communications irrecevables, toutes les voies de recours
internes n’ayant pas été épuisées. Il a fait observer que les auteurs disposaient de telles
voies de recours et rappelé qu’ils devaient exercer tous les recours judiciaires et
administratifs qui pouvaient leur offrir une perspective raisonnable de réparation.
389. Néanmoins, dans ses décisions concernant ces communications, le Comité a
précisé comment s’exerçait la compétence extraterritoriale pour ce qui était de la
protection de l’environnement. Il a estimé que la norme qu’il convenait d’appliquer
pour l’établissement de la juridiction en l’espèce était celle retenue par la Cour
interaméricaine des droits de l’homme dans son avis consultatif sur l’environnement
et les droits de l’homme 478 , selon laquelle, lorsqu’un dommage transfrontière se
produit, les enfants sont sous la juridiction de l’État sur le territoire duquel se trouve
la source des émissions s’il y a un lien de causalité entre les actes ou omissions de
l’État en question et les effets négatifs produits sur les droits d’enfants se trouvant en
dehors de son territoire, lorsque l’État d’origine exerce un contrôle effectif sur la
source des émissions en question. Le Comité a considéré que les États parties
exerçaient un contrôle effectif sur les sources d’émission de carbone qui contribuaient
__________________
476 Comité des droits de l’homme, observation générale no 36 (2018), par. 62.
477 Sacchi et consorts c. Allemagne (CRC/C/88/D/107/2019), Sacchi et consorts c. Argentine
(CRC/C/88/D/104/2019), Sacchi et consorts c. Brésil (CRC/C/88/D/105/2019), Sacchi et consorts
c. France (CRC/C/88/D/106/2019) et Sacchi et consorts c. Turquie (CRC/C/88/D/108/2019).
478 Cour interaméricaine des droits de l’homme, avis consultatif OC -23/17 sur l’environnement et les
droits de l’homme (rendu sur demande de la Colombie), 15 novembre 2017.
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à causer des dommages raisonnablement prévisibles aux enfants en dehors de leur
territoire.
390. Il est également important de noter qu’en juin 2021, le Comité des droits de
l’enfant a décidé de rédiger une observation générale sur les droits de l’enfant et
l’environnement, abordant particulièrement la question des changements climatiques.
Le projet d’observation générale est établi sur la base de consultations et d’ateliers
avec la communauté mondiale, y compris de consultations avec des enfants et des
jeunes. En principe, il doit être adopté en mars 2023.
4. Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
391. En réponse aux demandes du Conseil des droits de l’homme et de leur propre
initiative, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le Haut-
Commissariat ont contribué à analyser les incidences sur les droits de l’homme des
changements climatiques, notamment de l’élévation du niveau de la mer.
392. Le Haut-Commissariat a élaboré les messages clefs suivants au sujet des droits
de l’homme, des changements climatiques et des migrations 479, à l’égard desquels il
a affirmé qu’il fallait : a) garantir la dignité, la sécurité et les droits de l’homme des
migrants dans le contexte des changements climatiques ; b) réduire le risque de
migration forcée en atténuant les changements climatiques ; c) réduire les risques liés
aux changements climatiques grâce à l’adaptation ; d) protéger les droits de l’homme
des personnes qui se trouvent dans des situations de vul nérabilité particulière ;
e) veiller à la liberté de circulation de toutes et tous ; f) instaurer un statut juridique
durable pour toutes les personnes contraintes de se déplacer et des garanties dans le
cadre des retours ; g) assurer une participation effective et éclairée ; h) garantir les
droits de l’homme en cas de réinstallation ; i) garantir l’accès à la justice des victimes
des changements climatiques ; j) coopérer au niveau international afin de protéger les
droits des migrants.
393. En 2018, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme d’alors a produit un
rapport intitulé « Moyens de combler les lacunes en matière de protection des droits
de l’homme dans le contexte des migrations et des déplacements de personnes d’un
pays à un autre en raison des effets néfastes soudains ou lents des changements
climatiques et sur les moyens de mise en oeuvre de plans d’adaptation et d’atténuation
dont les pays en développement ont besoin pour combler ces lacunes »480.
394. Toujours en 2018, le Haut-Commissariat a présenté au Conseil des droits de
l’homme un document de séance décrivant une étude réalisée pour son compte en
collaboration avec la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes, sur les
effets à évolution lente des changements climatiques et les migrants
transfrontaliers481.
__________________
479 HCDH, « OHCHR’s key messages on human rights, climate change and migration », disponible à
l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/Documents/Issues/ClimateChange/Key_Messages_HR_
CC_Migration.pdf (consulté le 20 février 2022).
480 A/HRC/38/21.
481 A/HRC/37/CRP.4, disponible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/fr/migration/reports.
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5. Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés482
395. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) entend
apporter une contribution de fond à la compréhension des questions juridiques et
normatives relatives aux déplacements dans le contexte des catastrophes et des
changements climatiques. À cet égard, et dans l’exercice de son rôle de supervision
des instruments internationaux relatifs aux réfugiés, le HCR a rappelé que le droit des
réfugiés, ainsi que les principes plus larges des droits de l’homme, seront pertinents
dans certaines circonstances, sans que cela n’implique de créer une nouvelle catégorie
juridique, ni d’élargir l’acception du concept de réfugié, étant donné qu’il est peu
probable que la majorité des personnes qui se déplacent dans le contexte des
changements climatiques ou des catastrophes soient reconnues comme telles.
396. Le HCR oeuvre à l’élaboration d’orientations juridiques concernant les
demandes d’asile dans le contexte des effets néfastes des changements climatiques. À
cet égard, les personnes fuyant les effets néfastes des changements climatiques et des
catastrophes peuvent, dans certaines circonstances, présenter des demandes valables
d’admission au statut de réfugié entendu au sens de la Convention de 1951 ou de la
définition plus large figurant dans la Convention de l’OUA de 1969 régissant les
aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ou dans la Déclaration de
Carthagène sur les réfugiés de 1984, mais uniquement dans l a mesure où elles
satisfont aux critères de reconnaissance de ce statut prévus par ces définitions. Les
mécanismes de protection complémentaires au regard du droit international des droits
de l’homme dans certains contextes ainsi que la possibilité de reco urir à des
dispositifs de protection ou de séjour temporaire pourraient également présenter un
intérêt.
397. S’appuyant sur une étude qu’il avait publiée en 2018483, le HCR a publié en 2020
un document intitulé « Considérations juridiques relatives aux demandes de
protection internationale faites dans le contexte des effets néfastes du changement
climatique et des catastrophes », afin de guider l’interprétation de ces demandes et le
débat international y relatif484. Le terme « réfugié climatique » n’est pas utilisé par le
HCR dans ce document, dans lequel le terme « personnes déplacées dans le contexte
du changement climatique ou des catastrophes » a été préféré.
398. Le HCR a également commencé à examiner la question des conséquences
potentielles de l’élévation du niveau de la mer sur les risques d’apatridie, au titre des
responsabilités qu’il tient du mandat énoncé dans les Conventions de 1954 et 1961
sur l’apatridie485. À cet égard, il a récemment publié une fiche d’information sur les
liens entre les impacts des changements climatiques et l’apatridie486. Selon cette fiche
__________________
482 Voir les pages du site Web du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés consacrées
aux changements climatiques et aux déplacements liés aux catastrophes (https://www.unhcr.org/
climate-change-and-disasters.html) ; et HCR, « Concepts clefs relatifs aux déplacements liés aux
catastrophes et au changement climatique », juin 2017. Voir également « Les déplacés en première
ligne de l’urgence climatique », une nouvelle visualisation de données lancée par le HCR en 2021,
qui montre comment le réchauffement de la planète aggrave les risques pour les personnes qui
vivent déjà dans des situations de conflit et d’instabilité, entraînant de nouveaux déplacements et
réduisant souvent les possibilités de retour.
483 Sanjula Weerasinghe, In Harm’s Way: International Protection in the Context of Nexus Dynamics
between Conflict or Violence and Disaster or Climate Change (Genève, HCR, 2018).
484 Disponible à l’adresse suivante : https://www.refworld.org/cgi-bin/texis/vtx/rwmain/
opendocpdf.pdf?reldoc=y&docid=617aafa24 Également publié en anglais dans International
Journal of Refugee Law, vol. 33, no 1 (2021), pp. 151-65.
485 Convention de 1954 relative au statut des apatrides et Convention de 1961 sur la réduction des cas
d’apatridie.
486 HCR, « Statelessness and Climate Change », octobre 2021. Disponible en anglais à l’adresse
suivante : https://www.unhcr.org/618524da4.pdf (consulté le 20 février 2022).
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d’information, des millions d’apatrides rencontrent des vulnérabilités considérables
dans le contexte des changements climatiques, notamment en étant exclus des secours
d’urgence, des soins de santé et des solutions d’adaptation. Les risques d’apatridie
peuvent s’accentuer lorsque les personnes se déplacent, notamment dans le contexte
des changements climatiques et des catastrophes. Pour le HCR, les plus grands risques
d’apatridie liés aux changements climatiques ne découlent pas de la disparition des
États en tant que tels, mais plutôt du nombre important de personnes déplacées dans
le contexte des changements climatiques et des catastrophes partout dans le monde.
Il importe donc de déployer des efforts spécifiques pour réduire les risques d’apatridie
qui pèsent sur les personnes déplacées et pour inclure les apatrides dans l’action
climatique afin de renforcer leur protection et leur résilience.
6. Organisation internationale pour les migrations487
399. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a joué un rôle
important dans la définition de la notion de migrants environnementaux et de
migration environnementale. L’OIM cherche à aider les États et les migrants à parer
aux difficultés posées par la dégradation de l’environnement et les changements
climatiques en termes de mobilité humaine et à offrir des avantages accrus aux
migrants et aux communautés vulnérables.
400. L’OIM a publié, par exemple, l’Atlas des migrations environnementales 488 ,
l’État annuel de la migration dans le monde489 et la stratégie institutionnelle sur la
migration, l’environnement et les changements climatiques 2021 -2030490.
401. L’OIM a toujours considéré l’élévation du niveau de la mer comme l’une des
plus grandes menaces des changements climatiques susceptibles d’affecter les
populations et de provoquer des migrations à l’avenir et a appelé à une approche de
la migration fondée sur les droits dans le contexte de la dégradation de
l’environnement, des changements climatiques et de la migration.
7. Organisation internationale du Travail
402. L’Organisation internationale du Travail (OIT) est une autre organisation
internationale qui a intégré dans son analyse et son action la question des changements
climatiques, y compris l’élévation du niveau de la mer, en tant que facteur
supplémentaire de migration, tant interne que transfrontalière 491 . Dans le cas de
phénomènes à évolution lente, les variables climatiques s’entrecroisent avec d’autres
facteurs clefs, notamment le manque de travail décent et d’emploi, la mauvaise
gouvernance et la violence intercommunautaire. Les secteurs qui emploient la
majorité de la main d’oeuvre sont aussi parmi les plus vulnérables aux changements
climatiques. Lorsque les moyens de subsistance sont compromis et que la survie est
en jeu, les populations migrent à la recherche de meilleures perspectives. Cette
tendance est en hausse, notamment chez les jeunes.
__________________
487 Voir le portail de l’OIM sur la migration environnementale
(https://environmentalmigration.iom.int/), qui est une mine d’informations provenant de l’OIM et
d’autres sources.
488 Dina Ionesco, Daria Mokhnacheva et François Gemenne, Atlas des migrations environnementales
(Abingdon et New York, Routledge, 2016).
489 Disponible à l’adresse suivante : https://worldmigrationreport.iom.int/fr.
490 OIM, Institutional Strategy on Migration, Environment and Climate Change 2021-2030: For a
Comprehensive, Evidence- and Rights-Based Approach to Migration in the Context of
Environmental Degradation, Climate Change and Disasters, for the Benefit of Migrants and
Societies (Genève, 2021).
491 Voir John Campbell et Olivia Warrick, Climate Change and Migration Issues in the Pacific (Suva,
Nations Unies, 2014).
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403. L’expérience de l’OIT a montré que la migration de main -d’oeuvre, lorsqu’elle
est régie conformément aux normes internationales du travail, peut jouer un rôle
important dans le développement tant des pays d’origine que des pays de destination.
La migration de main-d’oeuvre peut servir à renforcer la résilience des communautés
grâce aux envois de fonds générés, au transfert de connaissances et de compétences
et au développement de réseaux pouvant déboucher sur l’entrepreneuriat et de
nouveaux marchés. Pourvu qu’il existe des voies de migration sûres et régulières et
des possibilités d’emploi formel, les migrants qui franchissent les frontières en raison
de facteurs liés au climat devraient se trouver en mesure de contribuer au
développement de leur pays d’origine.
404. L’OIT participe à l’Équipe spéciale chargée de la question des déplacements de
population créée au titre du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et
préjudices liés aux incidences des changements climatiques. En outre, l’OIT contribue
à la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes par la mise en oeuvre de
projets et de plans d’action régionaux et intégrés.
8. Équipe spéciale chargée de la question des déplacements de population492
405. Lors de sa vingt et unième session, à Paris, la Conférence des Parties à la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a créé l’Équipe
spéciale chargée de la question des déplacements de population, qu’elle a chargée
d’élaborer des recommandations relatives à des démarches intégrées propres à
prévenir et à réduire les déplacements de population liés aux effets néfastes des
changements climatiques et à y faire face. La Conférence des Parties a chargé le
Comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et
préjudices liés aux incidences des changements climatiques de rendre opérationnelle
l’Équipe spéciale. Cette dernière comprend également des représentants, entre autres,
du HCR, de l’OIM, du Programme des Nations Unies pour le développement, de la
Fédération internationale des sociétés de la Croix -Rouge et du Croissant-Rouge, de
l’OIT et de la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes.
406. L’Équipe spéciale a présenté une série de recommandations sur les démarches
intégrées en 2018 493 . Ces recommandations prévoient une série de mesures et de
moyens d’action visant à renforcer les politiques, les cadres institutionnels, les outils
et les directives, ainsi que l’état de préparation et les capacités des gouvernements
nationaux et locaux pour les aider à faire face aux facteurs climatiques et aux
incidences des déplacements. En outre, il y est dit et souligné qu’il importe
d’améliorer les connaissances, la collecte de données, le suivi des risques, la
coordination et la cohérence des politiques.
9. Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes
407. La Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes est une initiative
dirigée par des États qui a été lancée lors du Sommet mondial sur l’action humanitaire
de 2016, dans le prolongement de l’Initiative Nansen, l’objectif étant d’oeuvrer à une
meilleure protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le contexte
des catastrophes et des changements climatiques.
408. La Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes s’inscrit dans le sillage
des travaux de l’Initiative Nansen en réunissant un groupe d’États qui s’engagent à
soutenir la mise en oeuvre de l’Agenda pour la protection des personnes déplacées.
__________________
492 Pour plus d’informations, voir le site Web suivant : https://unfccc.int/process/bodies/constitutedbodies/
WIMExCom/TFD#eq-5.
493 Disponible en anglais à l’adresse suivante : https://unfccc.int/sites/default/files/resource/2018_
TFD_report_17_Sep.pdf.
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L’Agenda offre aux États divers outils pour mieux prévenir et anticiper les
déplacements avant qu’une catastrophe ne survienne. Lorsque le déplacement est
inévitable, les États peuvent y puiser des idées destinées à mieux gérer les situations
dans lesquelles les personnes sont contraintes de trouver refuge, soit dans leur propre
pays, soit en traversant une frontière internationale. Plutôt que d’encourager
l’élaboration d’une nouvelle convention internationale contraignante sur le
déplacement transfrontalier en cas de catastrophe, l’Agenda pour la protection
soutient l’intégration de pratiques efficaces par les États et les acteurs sous -régionaux
dans leurs propres cadres normatifs, en fonction de leurs circonstances spécifiques.
10. Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
409. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix -Rouge et du Croissant-
Rouge s’intéresse de plus en plus aux catastrophes et aux changements climatiques,
ainsi qu’à leur impact sur les populations touchées. La résolution intitulée
« Élaboration de lois et de politiques relatives aux catastrophes qui ne laissent
personne pour compte » a été adoptée en décembre 2019 lors de la trente -troisième
Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge494.
410. Le Rapport sur les catastrophes dans le monde 2020 : contre marées et
chaleurs 495 examine comment la gestion des risques de catastrophe doit devenir
climato-intelligente, y compris dans la cadre de l’élévation du niveau de la mer :
« Dans un monde où abondent déjà les personnes hautement exposées aux aléas
naturels, nous devons, à tout le moins, garantir la résilience de nos stru ctures
d’importance critique face aux extrêmes météorologiques et à l’élévation du niveau
des mers raisonnablement prévisibles. À la lumière de ces risques croissants, nous
devons aussi acquérir une connaissance beaucoup plus approfondie et nuancée des
vulnérabilités et des capacités existantes – non seulement à l’échelon global national
mais aussi au niveau communautaire. »
411. Un rapport de 2021 intitulé Displacement in a Changing Climate496présente un
recueil d’études de cas sur la façon dont, dans le monde entier, les sociétés nationales
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge protègent et aident les communautés dans
le contexte des déplacements liés au climat, y compris à l’élévation du niveau de la
mer. Il convient de mener une action climatique plus ambiti euse et d’investir
davantage dans les communautés locales et les organisations locales pour relever ce
défi humanitaire urgent. Selon le rapport, des millions de personnes dans le monde
sont déplacées et se déplacent dans le contexte de catastrophes et en raison des effets
néfastes des changements climatiques, ce qui ne fera que s’aggraver car les
changements climatiques accentuent l’intensité et la fréquence des dangers, qu’ils
soient soudains ou lents. Il est fait référence au devoir collectif de faire fa ce aux
incidences humanitaires des déplacements liés au climat, sans attendre que les
communautés ne soient déplacées : « nous pouvons et devons agir maintenant pour
les protéger ».
412. Un rapport de 2021 intitulé Turning the Tide: Adapting to Climate Change in
Coastal Communities met en évidence l’impact dévastateur des changements
__________________
494 Résolution 7, dans CICR et Fédération internationale des Sociétés de la Croix -Rouge et du
Croissant-Rouge, 33e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
y compris le compte rendu analytique du Conseil des délégués de 2019 (Genèv e, 2019), p. 125.
495 Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Rapport sur les
catastrophes dans le monde 2020 : contre marées et chaleurs (voir supra note 287).
496 Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Displacement in
a Changing Climate: Localized Humanitarian Action at the Forefront of the Climate Crisis
(Genève, 2021).
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climatiques sur les populations côtières du monde entier 497. Les populations vivant
dans les régions côtières du monde courent des risques multiples et cumulés du fait
des changements climatiques. Le niveau des mers est plus élevé, les inondations
côtières s’aggravent, les tempêtes et les cyclones s’intensifient et les ondes de tempête
atteignent des niveaux plus élevés, à l’intérieur des terres. Outre les phénomènes
météorologiques extrêmes, de vastes zones deviennent inhabitables et des millions de
personnes ont été ou pourraient être contraintes de quitter leur habitation. Le rapport
fait figurer des témoignages directs de personnes résilientes vivant dans des zones
côtières au Bangladesh, au Mexique et en Somalie. Que ce soit en raison de la chaleur
extrême, de l’élévation du niveau de la mer, des sécheresses ou des tempêtes, la crise
climatique pousse déjà ces communautés vers les limites de leur survie future.
11. Groupe de la Banque mondiale
413. En juin 2021, la Banque mondiale a publié un rapport intitulé Legal Dimensions
of Sea Level Rise: Pacific Perspectives498. Le rapport porte principalement sur les
questions stratégiques relatives au droit de la mer, mais il couvre égalemen t les
questions liées à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la
mer et la manière dont la communauté internationale pourrait aider les populations
touchées.
414. Dans le domaine du développement et des migrations climatiques interne s, la
Banque mondiale a publié son premier rapport Groundswell en 2018 499 , axé sur
l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine, et le deuxième rapport
Groundswell en 2021, axé sur l’Asie de l’Est et le Pacifique, l’Afrique du Nord et
l’Europe de l’Est et l’Asie centrale500. Dans ces rapports, des scénarios futurs sont
envisagés et des tendances sont dégagées pour faire ressortir de possibles zones
sensibles du point de vue de l’immigration et de l’émigration, ce qui est essentiel pour
mieux appréhender le lien entre le climat, les migrations et le développement.
415. La Banque mondiale a également publié deux rapports Groundswell Afrique,
axés sur les migrations climatiques internes en Afrique et élaborés selon la même
méthodologie501. Elle y traite des incidences de l’élévation du niveau de la mer et des
projections y relatives, même si le cadre des rapports va au -delà du phénomène en
question. En outre, dans les rapports Groundswell Afrique, un chapitre est consacré
aux questions juridiques et politiques.
12. Organisation de coopération et de développement économiques
416. En 2019, l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) a publié un rapport sur les risques liés à l’élévation du niveau de la mer et
sur la manière dont ses membres s’adaptent. Ce rapport, intitulé Hausse du niveau des
__________________
497 Croissant-Rouge du Bangladesh, Cruz Roja Mexicana, Fédération internationale des Sociétés de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Croix-Rouge norvégienne, Centre climat Croix-Rouge et
Croissant-Rouge et Société nationale du Croissant-Rouge de Somalie, Turning the Tide: Adapting
to Climate Change in Coastal Communities (Oslo, Croix-Rouge norvégienne, 2021).
498 David Freestone et Duygu Çiçek, Legal Dimensions of Sea Level Rise: Pacific Perspectives
(Washington, Groupe de la Banque mondiale, 2021).
499 Kanta Kumari Rigaud et al., Groundswell : se préparer aux migrations climatiques internes
(Washington, Banque mondiale, 2018).
500 Viviane Clement et al., Groundswell, deuxième partie : agir face aux migrations climatiques
internes (Washington, Banque mondiale, 2021).
501 Kanta Kumari Rigaud et al., Groundswell Africa : migrations climatiques internes dans le bassin
du lac Victoria (Washington, Banque mondiale, 2021). Kanta Kumari Rigaud et al., Groundswell
Afrique : migrations climatiques internes dans les pays d’Afrique de l’Ouest (Washington, Banque
mondiale, 2021).
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mers : Les approches des pays de l’OCDE face aux risques côtiers 502, comprend une
analyse des stratégies potentielles et des avantages et limites que celles -ci présentent.
Ces stratégies se caractérisent notamment par la construction et l’entretien de
défenses en dur, l’engraissement des plages et la restauration des dunes, les rivages
« vivants », la modification des codes de construction, la prévention de nouve aux
aménagements par des mesures de zonage ainsi que le déplacement.
Quatrième partie : observations préliminaires, questions
destinées à guider le Groupe d’étude et programme
de travail futur
I. Observations préliminaires et questions destinées à guider
le Groupe d’étude
A. Survivance de l’État
417. Esquisse préliminaire de ce que recouvre la notion de survivance de l’État, la
présente note a pour vocation d’exposer les principaux aspects de la q uestion et
d’enrichir les débats et les échanges de vues. L’élévation du niveau de la mer est certes
un phénomène à caractère mondial dont les effets se ressentent à l’échelle planétaire,
mais il importe d’insister sur la menace très sérieuse qu’elle repré sente pour
l’existence de certains petits États insulaires en développement dont le territoire
terrestre pourrait être entièrement recouvert par la mer ou devenir inhabitable.
418. On trouvera ainsi une présentation des critères devant être réunis pour qu’un
État se constitue comme sujet de droit international d’après la Convention sur les
droits et devoirs des États de 1933, assortie d’une brève description des cas de figure
envisagés par cet instrument, ainsi qu’un examen des résolutions de l’Institut de droit
international de 1936 sur la reconnaissance des nouveaux États et des nouveaux
gouvernements ; du projet de Déclaration des droits et devoirs des États de 1949
élaboré par la Commission du droit international ; du projet d’articles sur le droit des
traités présenté en 1956 à la Commission du droit international par le Rapporteur
spécial Sir Gerald Fitzmaurice ; des avis de 1991 de la Commission d’arbitrage de la
Conférence internationale pour la paix en Yougoslavie ( « Commission Badinter »).
Figurent en outre quelques exemples représentatifs de la pratique des États et d’autres
sujets du droit international, notamment du Saint-Siège, de l’Ordre souverain de
Malte et des gouvernements en exil, ainsi que des dispositions de certains instruments
internationaux dans lesquels se trouve consacré, entre autres, le droit de l’État à
pourvoir à sa propre conservation, conformément au droit international et sans
préjudice des droits des autres membres de la communauté internationale.
419. Plusieurs aspects qu’il faudrait prendre en compte concernant le phénomène de
l’élévation du niveau de la mer sont mis en évidence du point de vue de la survivance
de l’État, notamment a) le fait que l’ensemble du territoire terrestre de l’État pourrait
être recouvert par la mer ou devenir inhabitable, sans compter que
l’approvisionnement en eau potable de la population pourrait être insuffisant ; b) le
déplacement de population vers le territoire d’autres États, ce qui soulève une série
de préoccupations quant aux droits et au statut juridique des ressortissants des États
particulièrement touchés, notamment des questions relatives à la préservation de la
nationalité ou de la citoyenneté d’origine, à l’acquisition d’une autre nationalité ou à
la possibilité de recourir à la double nationalité ou à la citoyenneté commune à
__________________
502 (Voir supra note 429).
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plusieurs entités, dans le but d’éviter les situations d’apatridie de fait ; aux formes
que pourraient prendre la protection et l’assistance diplomatique ainsi que la
protection et l’assistance consulaires ; à la possibilité de reconnaître le statut de
réfugié à ces personnes. c) le statut juridique du Gouvernement d’un État qui aurait à
s’établir sur le territoire d’un autre État ; d) la conservation par les États touchés de
leurs droits sur les espaces maritimes relevant de leur juridiction et sur les ressources
qui s’y trouvent, compte tenu également du maintien des frontières maritimes établies
en vertu d’accords ou de décisions judiciaires ou arbitrales ; e) le droit à
l’autodétermination des populations des États touchés, qui comprend le droit de
préserver des identités diverses.
420. Par ailleurs, parmi les mesures adoptées par les États figurent l’installation ou
le renforcement de barrières ou de défenses côtières et de digues (« polders »), ainsi
que la construction d’îles artificielles pour loger les personnes touchées par le
phénomène de l’élévation du niveau de la mer. À cet égard, l’accent est mis sur le
coût élevé de ces initiatives et sur la nécessité d’évaluer leurs incidences potentielles
sur l’environnement.
421. Enfin, même si le cas d’un territoire terrestre entièrement recouvert par la mer
ou rendu inhabitable ne s’est pas encore présenté, il est légitime que les États
concernés au premier chef se penchent sur la question de la survivance de l’État et
examinent les formules qui pourraient être les plus indiquées. En ce sens, on ne
trouvera aucune prétention à l’exhaustivité, l’idée étant plutôt d’envisager les divers
cas de figure possibles pour alimenter la réflexion des Membres de l’ONU, que celle -
ci soit menée au sein de l’organisation, d’autres entités ou groupes, ou à l’échelle de
la société civile. On peut citer, entre autres options, une forte présomption de la
continuité de l’État ; le maintien de la personnalité juridique internationale sans
territoire, comme dans le cas du Saint-Siège entre 1870 et 1929 et celui de l’Ordre de
Malte aujourd’hui ; le recours à différents cas de figure, tels que la cession d’une
partie du territoire d’un autre État avec ou sans transfert de souveraineté ;
l’association avec un autre État ; la création de confédération ou de fédération ou
l’adhésion à des formules de ce type ; l’unification avec un autre État, y compris la
possibilité d’une fusion ; la possibilité de concevoir des systèmes hybrides, reposant
sur quelques expériences et idées qui pourraient, à un moment donné, être utiles.
422. La question est très sensible et se doit d’être traitée avec prudence, mais on ne
saurait l’éviter plus longtemps ou continuer de repousser la réflexion, d’autant plus
au vu des préoccupations exprimées par les États directement concernés. L’objectif
est de réunir différentes options qui pourraient être envisagées isolément ou, selon les
circonstances, conjointement.
423. Aux fins de la tenue de débats fructueux au sein du Groupe d’étude de la
Commission, certaines pistes de réflexion sont suggérées ci -après :
a) Tout en prenant en compte les critères posés dans la Convention sur les
droits et les devoirs des États pour déterminer l’existence de l’État comme sujet de
droit international, peut-on supposer que, dans des circonstances exceptionnelles,
l’État ne cesse pas d’exister même lorsque l’un de ces critères n’est plus satisfait ?
b) Dans quelle mesure les cas du Saint-Siège, de l’Ordre souverain de Malte
et des Gouvernements en exil présentent-ils un intérêt dans l’examen de la question ?
c) Comment se concrétise le droit d’un État à pourvoir à sa propre
conservation ?
d) Comment éviter les situations d’apatridie de fait ?
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e) Comment fournir une protection diplomatique ou une assistance consulaire
adéquates aux ressortissants d’un PEID touché par l’élévation du niveau de la mer qui
se trouvent dans des États tiers ?
f) Dans le cas où le territoire d’un État est entièrement recouvert par la mer
ou devient inhabitable, comment le Gouvernement dudit État, qui doit être accueilli
sur le territoire d’un État tiers, pourrait-il remplir ses fonctions comme il se doit ?
g) Une forte présomption de la continuité de l’État a-t-elle un sens dans le
cas d’un État dont le territoire terrestre est entièrement recouvert par la mer ou devient
inhabitable ?
h) Comment un État dont le territoire terrestre est entièrement recouvert par
la mer ou inhabitable pourrait-il exercer ses droits sur les espaces maritimes relevant
de sa juridiction et sur les ressources qui s’y trouvent ?
i) Quels seraient les moyens les plus appropriés pour préserver et assurer
l’exercice du droit à l’autodétermination de la population d’un État dont le territoire
terrestre pourrait être entièrement recouvert par la mer ou devenir inhabitable ?
j) Quelles autres options sont envisageables s’agissant de la survivance de
l’État dans le cas d’un État dont le territoire terrestre pourrait être entièrement
recouvert par la mer ou devenir inhabitable ?
424. Enfin, conformément à la déclaration faite par la République de Corée503 à la
Sixième Commission de l’Assemblée générale en octobre 2018, la question doit être
envisagée de manière exhaustive, c’est-à-dire en alliant les aspects de la lex lata à
ceux de la lex ferenda. Ainsi que ce même État504 et le Saint-Siège l’ont souligné à
l’époque505, l’élévation du niveau de la mer étant une question intergénérationnelle,
les approches qui visent à résoudre ce problème doivent respecter les droits et besoins
des générations futures.
B. Protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer
425. L’élévation du niveau de la mer compte parmi l’un des nombreux effets néfastes
des changements climatiques. Selon les données scientifiques, ce phénomène, déjà
d’actualité, devrait s’accélérer à l’avenir, ce qui intensifiera la submersion des zones
côtières de faible élévation et des îles, compromettant ainsi l’habitabilité de ces
espaces. Les zones côtières de faible élévation de différentes régions seront exposées
à diverses menaces liées à l’élévation du niveau de la mer, notamment la salinisation
des sols, la dégradation des écosystèmes marins, des inondations plus fréquentes et
des phénomènes météorologiques extrêmes tels que les cyclones.
426. Les zones particulièrement vulnérables comprennent les petits États ins ulaires
en développement dans les océans Pacifique et Indien, en Afrique de l’Ouest et dans
les Caraïbes, ainsi que les agglomérations très peuplées des mégadeltas et des zones
côtières de faible élévation. L’élévation du niveau de la mer y a, et continuer a d’y
avoir, des incidences sur la vie et les moyens de subsistance des habitants, et pourrait
conduire à leur déplacement.
427. Les déplacements et les migrations peuvent être provoqués par les conséquences
progressives de l’élévation du niveau de la mer, comme l’érosion côtière, par des
catastrophes soudaines ou par une combinaison des deux. L’élévation du niveau de la
__________________
503 République de Corée (A/C.6/73/SR.23, par. 71).
504 Ibid.
505 Saint-Siège (en qualité d’observateur) (A/C.6/73/SR.24, par. 49).
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mer peut exacerber les ondes de tempête et par voie de conséquence entraîner
l’intrusion d’eau salée dans les eaux de surface et la corruption des lentilles d’eau
douce, diminuant ainsi les conditions d’habitabilité d’un territoire avant même son
éventuelle submersion ou disparition. Les déplacements à l’intérieur d’un même pays
et les déplacements transfrontaliers vers des pays tiers dans le con texte des
changements climatiques et des catastrophes, y compris l’élévation du niveau de la
mer, sont un phénomène aux causes multiples, associé à d’autres facteurs
économiques, sociaux et politiques. Cependant, à la différence d’autres catastrophes
ou effets néfastes des changements climatiques, l’élévation du niveau de la mer est
susceptible de créer des mouvements de personnes à long terme ou permanents à
l’intérieur d’un pays ou vers un autre pays.
428. Par ailleurs, pour celles et ceux qui souhaitent reste r et qui pourraient être en
mesure de le faire grâce aux mesures d’atténuation et d’adaptation, des questions
peuvent se poser quant à la manière de garantir le respect de leurs droits de l’homme,
notamment en termes de dignité humaine, de non-discrimination, d’accès à
l’information et de participation à la vie publique, et concernant les éventuels
processus de réinstallation planifiée.
429. Les cadres juridiques internationaux actuels – la lex lata – qui sont
potentiellement applicables à la protection des personnes touchées par l’élévation du
niveau de la mer sont fragmentés, la plupart n’étant pas propres à la problématique en
question mais généralement applicables dans le contexte des catastrophes et des
changements climatiques, et revêtant souvent un caractère non contraignant. Ces
cadres juridiques internationaux pourraient être développés de manière plus
spécifique, cohérente et exhaustive afin de protéger efficacement les personnes qui
restent sur place ou doivent se déplacer en raison des effets de l’élévation du niveau
de la mer.
430. Il ressort d’une évaluation préliminaire de la pratique des États que celle -ci est
encore peu abondante à l’échelle mondiale, mais qu’elle est plus développée dans les
États où se ressentent déjà les effets de l’élévation du niveau de la mer. Certaines des
pratiques qu’il a été possible de recenser ne sont pas nécessairement propres à
l’élévation du niveau de la mer, puisqu’elles couvrent plus largement les catastrophes
et les changements climatiques, mais elles révèlent des principes pertinents qui
peuvent servir de guide aux fins de la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer. Les organisations internationales et d’autres organes
dotés d’un mandat dans le domaine des droits de l’homme, des déplacements, des
migrations, des réfugiés, de l’apatridie, du travail, des changements climatiques et du
financement de l’action climatique ont adopté une démarche plus proactive afin de
promouvoir des outils visant à aider les États à mieux se préparer aux problématiques
liées aux droits de l’homme et à la mobilité humaine dans le contexte des
déplacements liés aux changements climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer.
431. Par conséquent, compte tenu de la complexité des questions à examiner et à
partir de de l’exercice de recensement des cadres juridiques applicables et des
pratiques émergentes, exposé dans la présente note, on peut conclure que le Groupe
d’étude et la Commission pourraient continuer d’identifier et de développer les
principes applicables à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau
de la mer.
432. Cet exercice d’identification et de développement pourrait s’appuyer sur le
projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe506, qui fournit
un cadre général pour les secours en cas de catastrophe et la protection des personnes,
notamment en ce qui concerne la dignité humaine (projet d’article 4), les droits de
__________________
506 Annuaire de la Commission du droit international 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48.
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l’homme (projet d’article 5), l’obligation de coopérer (projet d’article 7) et le rôle de
l’État touché (projet d’article 10). Ce cadre pourrait être développé davantage pour
intégrer les spécificités des conséquences à long terme ou permanentes de l’élévation
du niveau de la mer et pour tenir compte du fait que les personnes touchées peuvent
demeurer sur place, être déplacées dans leur propre pays ou émigrer vers un autre État
afin d’affronter les effets du phénomène ou de les éviter.
433. Comme indiqué dans la section II de la troisième partie de la pré sente note, outre
les instruments du droit international et régional des droits de l’homme 507, il serait
utile d’envisager d’autres instruments existants à cet égard, notamment les Principes
directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de l eur propre pays
(1998)508, la Convention de Kampala (23 octobre 2009), la Déclaration de New York
pour les réfugiés et les migrants (2016)509, le Pacte mondial pour des migrations sûres,
ordonnées et régulières (2018)510, le Cadre de Sendai de 2015 pour la réduction des
risques de catastrophe (2015-2030) 511 et l’Agenda de l’Initiative Nansen pour la
protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de
catastrophes et de changements climatiques (2015)512. On trouvera des orientations
dans la Déclaration de principes de Sydney sur la protection des personnes déplacées
en raison de l’élévation du niveau de la mer de l’Association de droit international513.
434. Cet exercice devrait également intégrer la pratique émergente pertinente des
États et des organisations et organes internationaux concernés, répertoriée de façon
préliminaire et à titre illustratif dans la section III de la troisième partie de la présente
note thématique. Il convient d’accorder une attention particulière aux décisions
récentes, telles que celle du Comité des droits de l’homme en l’affaire
Teitiota v. Nouvelle-Zélande 514 , selon lesquelles les effets des changements
climatiques dans les États de destination risquent d’exposer les personnes à une
violation des droits garantis par les articles 6 (droit à la vie) ou 7 (interdiction de la
torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants) du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, ce qui obligerait les États qui
entendent renvoyer les intéressés à appliquer le principe de non-refoulement, et selon
lesquelles, le risque qu’un pays entier disparaisse sous les eaux est un risque à ce
point grave que les conditions de vie dans le pays en question pourraient devenir
incompatibles avec le droit de vivre dans la dignité avant même que la catastrophe se
produise.
435. En tenant compte du plan d’étude de 2018 515 et en partant du principe qu’il
incombe au premier chef aux États territoriaux d’assurer la protection et d’apporter
une assistance aux personnes relevant de leur juridiction516, les questions suivantes
__________________
507 Déclaration universelle des droits de l’homme ; Pacte international relatif aux droits civils et
politiques ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; Convention
américaine relative aux droits de l’homme : « Pacte de San José de Costa Rica » ; Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples ; Convention européenne des droits de l’homme.
508 E/CN.4/1998/53/Add.2, annexe.
509 Résolution 71/1 de l’Assemblée générale.
510 Résolution 73/195 de l’Assemblée générale, annexe.
511 Résolution 69/283 de l’Assemblée générale, annexe II.
512 Initiative Nansen, Agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières (voir
supra note 368).
513 Résolution 6/2018, annexe, dans Association de droit international, Rapport de la soixante-dixhuitième
Conférence (voir supra note 107), p. 34.
514 CCPR/C/127/D/2728/2016.
515 A/73/10, annexe B, par. 17.
516 Voir, par exemple, les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de
leur propre pays (principe 3) ; le vingt-deuxième alinéa du préambule de la résolution 71/127 de
l’Assemblée générale du 8 décembre 2016 sur le renforcement de la coordination de l’aide
humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies ; le projet d’article 10 du
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peuvent être étudiées de manière plus approfondie et plus détaillée afin d’identifier et
de développer des principes concernant la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer :
a) quels sont les principes applicables ou qui devraient être applicables à la
protection des droits de l’homme des personnes touchées par l’élévation du niveau de
la mer ? En particulier, quelles sont ou quelles devraient être :
i) les obligations substantielles des États vis-à-vis du respect des droits
suivants : le droit à la vie, l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou
dégradants, le droit à un logement convenable, le droit à l’alimentation, le droit
d’avoir accès à une eau potable, le droit de participer à la vie culturelle et le
respect de l’identité culturelle, le droit à une nationalité et la prévention de
l’apatridie, les droits des enfants, le droit à l’autodétermination et les droits des
peuples autochtones ;
ii) les obligations procédurales concernant la participation du public, l’accès
à l’information et l’accès à la justice ;
iii) les obligations de non-refoulement pour les États tiers ;
iv) les obligations relatives à la protection des personnes et des gr oupes
vulnérables (notamment les femmes, les enfants et les populations
autochtones) ;
v) les obligations en matière de prévention des risques affectant les
personnes ;
b) quels sont les principes qui s’appliquent ou qui devraient s’appliquer aux
situations d’évacuation, de réinstallation, de déplacement ou de migration de
personnes, y compris de personnes et groupes vulnérables, auxquelles donnent lieu
les conséquences de l’élévation du niveau de la mer, ou qui sont ou devraient êt re
applicables en guise de mesure d’adaptation à ce phénomène ? En particulier,
s’agissant des déplacements et de la mobilité humaine, quelles sont ou devraient être
les obligations des États relatives à la protection et à l’assistance à apporter aux
personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer, selon une approche fondée
sur les droits et sur les besoins, dans les domaines suivants :
i) la prévention des déplacements ;
ii) l’assistance destinée à aider la population à rester sur place ;
iii) l’élaboration de principes aux fins de la réinstallation planifiée ;
iv) la protection des personnes en cas de déplacement interne et la promotion
de solutions durables ;
v) les options de protection en cas de déplacement transfrontalier (telles que
les visas humanitaires ou les régimes de protection temporaire) ;
vi) les dispositions relatives aux migration régulières (tant temporaire que de
longue durée) ;
__________________
projet d’articles sur la protection des personnes en cas de catastrophe, Annuaire de la Commission
du droit international 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48 ; le troisième alinéa du préambule de
la résolution 45/100 de l’Assemblée du 14 décembre 1990 sur l’assistance humanitaire aux
victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre ; et le paragraphe 4 de
l’annexe de la résolution 46/182 du 19 décembre 1991 de l’Assemblée générale relative au
renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence de l’Organisation des Nations
Unies.
A/CN.4/752
22-02934 119/120
vii) l’octroi du statut de réfugié ou d’une protection complémentaire si les
critères existants sont satisfaits ;
c) quelle est ou quelle devrait être l’applicabilité et la portée du principe de
coopération internationale d’autres États (de la région et de l’extérieur de celle -ci) et
d’organisations internationales dans le cadre de l’aid e à apporter aux États pour
protéger les personnes touchées par l’élévation du niveau de la mer 517 ?
436. S’agissant de l’alinéa c) ci-dessus, l’importance de la coopération internationale
pour la protection des personnes a été soulignée non seulement dans les p rojets
d’articles de la Commission sur la protection des personnes en cas de catastrophe 518,
mais aussi, d’une manière générale, dans de nombreuses déclarations d’États
Membres lorsque ceux-ci ont abordé le sujet de l’élévation du niveau de la mer dans
les débats de la Sixième Commission en 2021 à savoir : l’Allemagne 519 , la
Colombie520, Cuba521, les Îles Salomon522, l’Italie523, les Maldives524, le Mexique525,
la Nouvelle-Zélande526, la Turquie527 et le Viet Nam528. Par exemple, selon les Îles
__________________
517 Au paragraphe 3 de l’Article premier de la Charte des Nations Unies figure l’un des quatre buts
poursuivis par l’Organisation : « Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes
internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en
encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans
distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ». Aux termes de l’Article 56 de la Charte,
« [l]es Membres s’engagent, en vue d’atteindre les buts énoncés à l’Article 55, à agir, tant
conjointement que séparément, en coopération avec l’Organisation ». Voir aussi, par exemple, le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 2 (1), 11, 15 et 22 -23 ;
la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, résolution 2625 (XXV)
de l’Assemblée générale, annexe, par. 1 ; la Déclaration de Rio sur l’environnement et le
développement, principes 5, 7, 13, 24 et 27 ; la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, articles 4 (1) c)-e), g), h), i), 5c), 6b) ; les articles sur la prévention des
dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses (2001), l a résolution 62/68 de
l’Assemblée générale en date du 6 décembre 2007, art. 4, 14 et 16 ; la Déclaration de la
Conférence des Nations Unies sur l’environnement (Stockholm, 16 juin 1972), le Rapport de la
Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972 (publication des
Nations Unies, numéro de vente : E.73.II.A.14 (A/CONF.48/14/Rev.1 et Corr.1, partie I, chap. 1),
principes 22 et 24. Voir également Comité des droits économiques, sociaux et culturels,
observation générale no 2 (1990), Documents officiels du Conseil économique et social, 1990,
Supplément no 3 (E/1990/23-E/C.12/1990/3 et Corr.1 et Corr.2), annexe III ; observation générale
no 3 (1990), ibid., 1991, Supplément no 3 (E/1991/23-E/C.12/1990/8 et Corr.1), annexe III ;
observation générale no 7 (1997), ibid., 1998, Supplément no 2 (E/1998/22-E/C.12/1997/10 et
Corr.1), annexe IV ; observation générale no 14 (2000), ibid., 2001, Supplément no 2 (E/2001/22-
E/C.12/2000/21), annexe IV ; observation générale no 15 (2002). Conformément à la Convention
relative aux droits des personnes handicapées (New York, 13 décembre 2006 ; Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 2515, no 44910, p. 3), le principe de coopération s’applique « dans les
situations de risque, y compris les conflits armés, les crises humanitaires et les catastrophes
naturelles » (art. 11). Dans le contexte spécifique des catastrophes naturelles, voir : la résolution
46/182 de l’Assemblée générale, annexe, par. 5 ; le projet d’article 5 du projet d’articles sur la
protection des personnes en cas de catastrophe, Annuaire de la Commission du droit international
2016, vol. II (deuxième partie), par. 48 ; les Principes directeurs relatifs au déplacement de
personnes à l’intérieur de leur propre pays (principe 3).
518 Annuaire de la Commission du droit international 2016, vol. II (deuxième partie), par. 48.
519 Allemagne (A/C.6/76/SR.21, par. 79).
520 Colombie (A/C.6/76/SR.23, par. 24).
521 Cuba (A/C.6/76/SR.21, par. 32).
522 Îles Salomon (A/C.6/76/SR.22, par. 79-80).
523 Italie (A/C.6/76/SR.20, par. 87).
524 Maldives (A/C.6/76/SR.21, par. 139).
525 Mexique (ibid., par. 48).
526 Nouvelle-Zélande (ibid., par. 104).
527 Turquie (A/C.6/76/SR.20, par. 81).
528 Viet Nam (A/C.6/76/SR.21, par. 83).
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120/120 22-02934
Salomon : « En ce qui concerne la protection des personnes touchées par l’élévation
du niveau de la mer, les principes cardinaux de la coopération internationale doivent
trouver application, le but étant d’aider les États à faire face aux effets néfastes de
l’élévation du niveau de la mer sur leurs populations. L’obligation de coopérer face
aux effets de l’élévation du niveau de la mer doit être consacrée par référence aux
régimes juridiques spécialisés ayant trait à ce phénomène. [...] On a interprété le
principe de coopération dans le contexte des droits de l’homme, du droit de
l’environnement et d’autres domaines du droit international comme s’analysant en
l’obligation faite aux États d’apporter leur concours financier et technique à tout État
qui en aurait besoin529. » À cet égard, il convient également de rappeler la Déclaration
de Malé sur le réchauffement de la planète et l’élévation du niveau de la mer, adoptée
lors de la Conférence des petits États sur la hausse du niveau de la mer en 1989, dans
laquelle les participants se sont dits résolus à agir pour protéger les petits États côtiers
et insulaires de faible élévation des dangers posés par les changements climatiques,
le réchauffement de la planète et l’élévation du niveau de la mer 530 ainsi qu’à
collaborer et à mobiliser une coopération internationale à cette fin.
437. Les Coprésidents apprécieraient que les membres du Groupe d’études formulent
des recommandations et des commentaires concernant les questions suggérées aux
paragraphes 423 et 435 ci-dessus. Les contributions écrites des membres sur l’un
quelconque des points soulevés dans ces questions, ainsi que sur les aspects de la
pratique des États et des organisations et organes internationaux concernés, seront les
bienvenues.
II. Programme de travail futur
438. Au cours du prochain quinquennat, le Groupe d’étude reviendra sur chacun des
sous-thèmes – le droit de la mer, la survivance de l’État et la protection des personnes
touchées par l’élévation du niveau de la mer – et s’efforcera ensuite de rédiger un
rapport de fond sur le sujet dans son ensemble en faisant la synthèse des résultats des
travaux menés.
__________________
529 Îles Salomon (A/C.6/76/SR.22, par. 79 et 80).
530 A/C.2/44/7, annexe.
Nations Unies A/CN.4/761
Assemblée générale Distr. générale
13 février 2023
Français
Original : anglais
23-02584 (F) 130423 200423
*2302584*
Commission du droit international
Soixante-quatorzième session
Genève, 24 avril-2 juin et 3 juillet-4 août 2023
Élévation du niveau de la mer au regard du droit
international
Note complémentaire à la première note thématique établie
en 2020 par Bogdan Aurescu et Nilüfer Oral*, Coprésidents
du Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard
du droit international
Table des matières
Page
I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
A. Inscription du sujet au programme de travail de la Commission ; examen par la
Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
B. Objectif et structure de la note complémentaire à la première note thématique (2020) . . 5
C. Débats de la Sixième Commission de l’Assemblée générale ; intérêt suscité par le sujet
chez les États Membres ; communication de la Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
II. Question de la « stabilité juridique » en rapport avec l’élévation du niveau de la mer, en
particulier les lignes de base et les zones maritimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
A. Points de vue des États Membres concernant la stabilité juridique et la préservation des
lignes de base ou des zones maritimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1. Communications des États Membres à la Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2. Déclarations des États Membres à la Sixième Commission de l’Assemblée générale 17
3. Déclarations collectives des organismes régionaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
B. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
III. Immutabilité et intangibilité des frontières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
* Les Coprésidents souhaitent remercier Zhifeng Jiang d ’avoir prêté son concours aux travaux de
recherche ainsi que Beril Söğüt.
Merci de recycler@
A/CN.4/761
2/118 23-02584
A. Frontières et principe d’immutabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
B. Uti possidetis juris et intangibilité des frontières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
C. Application du principe de l’uti possidetis aux frontières maritimes . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
D. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
IV. Changement fondamental de circonstances ( rebus sic stantibus) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
A. Communications des États Membres à la Commission et déclarations des États
Membres à la Sixième Commission de l’Assemblée générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
B. Développement de la règle du changement fondamental de circonstances . . . . . . . . . . . . 54
C. Jurisprudence et application de la règle du changement fondamental de circonstances
aux frontières maritimes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
D. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
V. Effets de la situation potentielle dans laquelle les zones de chevauchement délimitées par des
accords bilatéraux dans les zones économiques exclusives de deux États dont les côtes se
font face ne se chevauchent plus et question des régimes objectifs ; effets de la situation dans
laquelle le point extrême d’une frontière terrestre convenue se retrouve situé en haute mer du
fait de l’élévation du niveau de la mer ; arrêt de la Cour internationale de Justice
dans l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique
(Costa Rica c. Nicaragua) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
VI. Principe selon lequel « la terre domine la mer » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
A. Développement du principe selon lequel « la terre domine la mer » . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
B. Principe du prolongement naturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
C. Exception de « permanence » et plateau continental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
D. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
VII. Eaux, titres et droits historiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
A. Développement du principe des eaux, des titres et des droits historiques . . . . . . . . . . . . . 70
B. Jurisprudence et application du principe des eaux, des titres
et des droits historiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
C. Pratique des États . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
D. Application à l’élévation du niveau de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
E. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
VIII. Équité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
A. Déclarations des États Membres à la Sixième Commission de l’Assemblée générale . . . 76
B. Équité d’un point de vue général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
C. Équité et droit de la mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
D. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
IX. Souveraineté permanente sur les ressources naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
A. Développement du principe de souveraineté permanente
sur les ressources naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
B. Définition de la souveraineté permanente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
A/CN.4/761
23-02584 3/118
C. Souveraineté permanente sur les ressources naturelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
D. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
X. Perte ou gain éventuel par des États tiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
A. Une partie des eaux intérieures passe dans la mer territoriale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
B. Une partie de la mer territoriale passe dans la zone contiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
C. Une partie de la mer territoriale passe dans la zone économique exclusive . . . . . . . . . . . . 90
D. Une partie de la zone économique exclusive passe dans la haute mer . . . . . . . . . . . . . . . . 92
E. Perte de la ligne de base archipélagique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
F. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
XI. Les cartes marines et leur relation avec les lignes de base, les frontières maritimes et la
sécurité de la navigation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
A. Communications des États Membres à la Commission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
B. Fonctions des cartes marines en droit international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
C. Informations communiquées par l’Organisation hydrographique internationale et
l’Organisation maritime internationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
D. Recensement, par la Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau des
affaires juridiques, des cartes et des listes de coordonnées géographiques déposées
auprès du Secrétaire général. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
E. Constatations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
XII. Pertinence d’autres sources de droit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
XIII. Travaux futurs du Groupe d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
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4/118 23-02584
I. Introduction
A. Inscription du sujet au programme de travail de la Commission ;
examen par la Commission
1. À sa soixante-dixième session (2018), la Commission a décidé de recommander
l’inscription à son programme de travail à long terme du sujet « L’élévation du niveau
de la mer au regard du droit international »1. Dans sa résolution 73/265, du
22 décembre 2018, l’Assemblée générale a pris note de l’inclusion du sujet au
programme de travail à long terme de la Commission.
2. À sa soixante et onzième session (2019), la Commission a décidé d ’inscrire le
sujet à son programme de travail. Elle a également décidé de créer, sur ce suj et, un
groupe d’étude à composition non limitée, dont la coprésidence serait assurée, à tour
de rôle, par M. Bogdan Aurescu, M. Yacouba Cissé, Mme Patrícia Galvão Teles,
Mme Nilüfer Oral et M. Juan José Ruda Santolaria. À sa 3480 e séance, le 15 juillet
2019, la Commission a pris note du rapport oral conjoint des Coprésidents du Groupe
d’étude2.
3. À sa soixante-douzième session (2021), la Commission a reconstitué le Groupe
d’étude, présidé par M. Aurescu et Mme Oral, les deux Coprésidents chargés des
questions relatives au droit de la mer. La Commission a examiné la première note
thématique sur le sujet, concernant les questions liées au droit de la mer 3, établie par
M. Aurescu et Mme Oral. La note a été publiée accompagnée d’une bibliographie
préliminaire4. Le Groupe d’étude a tenu huit réunions, du 1er au 4 juin et les 6, 7, 8 et
19 juillet 2021. À sa 3550e séance, le 27 juillet 2021, la Commission a pris note du
rapport oral conjoint des Coprésidents du Groupe d ’étude. On trouve au chapitre IX
du rapport annuel de 2021 de la Commission un résumé des travaux effectués au cours
de la session par le Groupe d’étude sur le sujet des questions relatives au droit de la
mer5.
4. À sa soixante-treizième session (2022), la Commission a reconstitué le Groupe
d’étude, présidé par les deux Coprésidents pour les questions relatives à la survivance
de l’État (« statehood » en anglais) et à la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer, à savoir Mme Galvão Teles et M. Ruda Santolaria.
Elle a examiné la seconde note thématique sur le sujet, relative à la survivance de
l’État et à la protection des personnes touchées par l ’élévation du niveau de la mer6,
établie par Mme Galvão Teles et M. Ruda Santolaria. La note a été publiée
accompagnée d’une bibliographie sélective7. Le Groupe d’étude a tenu neuf réunions,
du 20 au 31 mai et les 6, 7 et 21 juillet 2022. À sa 3612 e séance, le 5 août 2022, la
Commission a examiné et adopté le rapport du Groupe d ’étude sur les travaux menés
lors de cette session. On trouve au chapitre IX du rapport annuel de 2022 de la
Commission un résumé des travaux effectués au cours de la session par le Groupe
d’étude sur les sujets subsidiaires en rapport avec les questions liées à la survivance
__________________
1 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-treizième session, Supplément no 10
(A/73/10), par. 369.
2 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-quatorzième session, supplément no 10
(A/74/10), par. 265 à 273.
3 A/CN.4/740 et Corr.1.
4 A/CN.4/740/Add.1.
5 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-seizième session, Supplément no 10
(A/76/10), par. 247 à 296.
6 A/CN.4/752.
7 A/CN.4/752/Add.1.
A/CN.4/761
23-02584 5/118
de l’État et à la protection des personnes touchées par l’élévation du niveau de la
mer8.
B. Objectif et structure de la note complémentaire à la première note
thématique (2020)
5. La présente note a pour objet de compléter et de développer les considérations
exposées dans la première note thématique de 2020, en tenant compte d ’un certain
nombre de suggestions faites par les membres du Groupe d ’étude lors du débat que
ce dernier a tenu sur ladite note au cours de la soixante -douzième session (2021). Ces
suggestions ont été présentées dans le rapport annuel de la Commission de 2021 et
portaient sur un large éventail de questions 9.
6. Toutes les suggestions sont susceptibles de nourrir les débats au sein du Groupe
d’étude, mais en raison des contraintes inhérentes au présent document, les
Coprésidents aborderont les principaux aspects soulignés par les États Membres dans
leurs communications adressées à la Commission et dans leurs déclarations faites à
la Sixième Commission de l’Assemblée générale après la publication de la pr emière
note thématique et à la suite du débat que la Commission a tenu sur ladite note en
2021.
7. Dans cette optique, le présent document se concentre sur les sujets suivants et a
été structuré en conséquence : le sens de la « stabilité juridique » en rapport avec le
présent sujet, y compris la question du caractère fixe ou mouvant à attribuer aux lignes
de base ; le cas possible où, en raison de l’élévation du niveau de la mer et du recul
du rivage vers l’intérieur des terres, les zones de chevauchement délimitées par des
accords bilatéraux dans les zones économiques exclusives de deux États dont les côtes
se faisaient face ne se chevaucheraient plus ; la question des conséquences d’une
situation dans laquelle le point extrême d’une frontière terrestre convenue se retrouve
situé en haute mer du fait de l’élévation du niveau de la mer ; la pertinence d’autres
traités ou instruments juridiques internationaux que la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer10 ; la pertinence de différents principes pour le sujet ; la question
des cartes de navigation en rapport avec le sujet ; la perte ou le gain éventuels
d’avantages pour les États tiers dans le cas de lignes de base fixes.
8. La présente note est appelée à nourrir les débats que tiendra le Groupe d ’étude
et pourra se compléter de contributions écrites des membres du Groupe.
C. Débats de la Sixième Commission de l’Assemblée générale ; intérêt
suscité par le sujet chez les États Membres ; communication
de la Commission
9. En raison de l’apparition de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19)
en 2020 et du report de la soixante-douzième session de la Commission qui s’en est
suivi, les États Membres ont pu formuler des observations sur la première note
thématique lors des sessions de la Sixième Commiss ion en 2020 et en 202111. Certains
__________________
8 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-dix-septième session, Supplément n o 10
(A/77/10), par. 153 à 237.
9 Voir ibid., chap. IX.
10 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 10 décembre 1982), Nations
Unies, Recueil des Traités, vol. 1834, no 31363.
11 Le débat en plénière consacré par la Sixième Commission à ces sujets subsidiaires est consigné
dans les comptes rendus analytiques publiés dans les documents visés dans les notes de bas de
page ; pour le texte intégral des déclarations faites par les délég ations durant le débat en plénière,
A/CN.4/761
6/118 23-02584
États Membres ont également fait référence, dans leurs déclarations de 2022, aux
aspects du droit de la mer liés à l’élévation du niveau de la mer qui figurent dans la
première note thématique et dans le chapitre IX du ra pport annuel de 2021 de la
Commission.
10. Le sujet suscite un intérêt et un appui croissants, tel qu ’il est ressorti de la
première note thématique portant sur les années 2017, 2018 et 2019 12, ce qui s’est
confirmé lors des débats de la Sixième Commission en 2020, 2021 et 2022.
11. En 2020, en raison de la pandémie et des circonstances particulières dans
lesquelles s’est déroulé le débat à la Sixième Commission, seuls 25 États Membres
ont présenté des déclarations sur les travaux de la Commission 13, dont 15 ont fait
référence au sujet : 11 se sont félicités de la première note thématique 14 tandis que les
4 autres mentionnaient le sujet ou la note dans leur déclaration 15.
12. En 2021, 67 délégations ont fait référence au sujet dans 69 déclarations
nationales à la Sixième Commission16. Ces dernières ne renvoient pas seulement à la
__________________
se reporter à la page Web de la Sixième Commission, à l ’adresse suivante : https://www.un.org/en/
ga/sixth/ (en anglais).
12 A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 8 et 9 et par. 19.
13 A/76/10, par. 255.
14 Belize (au nom de l’Alliance des petits États insulaires) (A/C.6/75/SR.13, par. 24 à 28), Fidji (au
nom des petits États insulaires en développement du Pacifique) (ibid., par. 50 et 51) , Maldives
(ibid., par. 55 à 58), Micronésie (États fédérés de) (ibid., par. 52 à 55), Nouvelle-Zélande (ibid.,
par. 43 à 46), Papouasie-Nouvelle-Guinée (ibid., par. 37 à 39), Portugal (ibid., par. 65), Îles
Salomon (ibid., par. 72 à 74), Tonga (ibid., par. 59), Türkiye (ibid., par. 60 et 61), Tuvalu (au nom
du Forum des îles du Pacifique) (ibid., par. 21 à 23).
15 Inde (ibid., par. 59 et 60), République de Corée (ibid., par. 66 à 68), Sierra Leone (ibid., par. 34 à
36), États-Unis d’Amérique (ibid., par. 30 à 32).
16 Croatie (A/C.6/76/SR.17, par. 64), Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du
Pacifique) (A/C.6/76/SR.19, par. 69 à 71), Union européenne (en qualité d’observatrice, également
au nom des pays candidats, à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ,
de la Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d ’association ainsi que de la
Géorgie, de la République de Mo ldova et de l’Ukraine) (ibid., par. 72 et 73), Fidji (au nom du
Forum des îles du Pacifique) (ibid., par. 74 à 76) , Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des
petits États insulaires) (ibid. par. 77 à 82), Islande (au nom des pays nordiques, à savoir le
Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède) (ibid., par. 87 à 91) , Singapour
(A/C.6/76/SR.20, par. 22 à 24), Sierra Leone (ibid., par. 27 à 29), République islamique d’Iran
(ibid., par. 38 et 39), France (ibid., par. 45 à 47), Maldives (ibid., par. 58 et 59), Bélarus (ibid.,
par. 63-65), El Salvador (ibid., par. 70), Royaume des Pays-Bas (ibid., par. 76), Afrique du Sud
(ibid., par. 77-78), Türkiye (ibid., par. 81 à 83), Italie (ibid., par. 87et 88), Chine (ibid., par. 92 à
95), États-Unis (ibid., par. 96), Israël (ibid., par. 98 et 99), Liechtenstein (A/C.6/76/SR.21, par. 2
à 4). Portugal (ibid., par. 8 à 10), Roumanie (ibid., par. 20 à 23), Brésil (ibid., par. 26), Cuba
(ibid., par. 31 à 33), Slovaquie (ibid., par. 38), Japon (ibid., par. 41et 42), Mexique (ibid., par. 48 à
50), Chili (ibid., par. 51 à 58), Hongrie (ibid., par. 67 et 68), Allemagne (ibid., par. 78 à 82),
Viet Nam (ibid., par. 83 à 85), République tchèque (ibid., par. 92) , Slovénie (ibid., par. 96 et 97),
Nouvelle-Zélande (ibid., par. 102 à 107), Sri Lanka (ibid., par. 111 et 112), Estonie (ibid., par. 118
à 122), Irlande (ibid., par. 131 à 135), Maldives (ibid., par. 137 à 141), Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d’Irlande du Nord (ibid., par. 146), États fédérés de Micronésie (ibid., par. 147 à 150) ,
Malaisie (ibid., par. 153 à 154), Thaïlande (A/C.6/76/SR.22, par. 3 à 5), Côte d’Ivoire (ibid., par. 6
et 7), Brésil (ibid., par. 26), Argentine (ibid., par. 31 à 34), Papouasie-Nouvelle-Guinée (ibid.,
par. 35 à 38), Autriche (ibid., par. 53 à 55), République de Corée (ibid., par. 60), Australie (ibid.,
par. 62 et 63), Pologne (ibid., par. 70 et 71), Lettonie (ibid., par. 74 et 75), Îles Salomon (ibid.,
par. 76 à 81), Indonésie (ibid., par. 83 et 84), Fédération de Russie (ibid., par. 91 à 95), Algérie
(ibid., par. 99 et 100), Chypre (ibid., par. 101 à 106), Espagne (ibid., par. 115), Tonga (ibid.,
par. 117 à 120), Grèce (ibid., par. 129 à 131), Liban (ibid., par. 133 et 134), Tuvalu
(A/C.6/76/SR.23, par. 2 à 5), Inde (ibid., par. 9 et 10), Costa Rica (ibid., par. 11 à 15), Philippines
(ibid., par. 17 à 21), Colombie (ibid., par. 23 à 25), Saint-Siège (Observateur) (ibid., par. 28 et 29) ,
Jordanie (A/C.6/76/SR.24, par. 126 et 127). Le sujet a été évoqué dans deux déclarations
respectives du Japon (A/C.6/76/SR.17, par. 74 et A/C.6/76/SR.21, par. 41 et 42) et de Sri Lanka
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première note thématique, mais se réfèrent également aux débats de fond qui ont eu
lieu au sein du Groupe d’étude et de la Commission lors de sa soixante-douzième
session, en 2021.
13. Les principales questions abordées dans ces déclarations étaient les suivantes :
a) le sens de la stabilité, de la sécurité, de la certitude et de la prévisibilité
juridiques17 ;
b) le soutien à l’observation préliminaire formulée dans la note selon laquelle
rien dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne vient interdire une
conduite visant à préserver les lignes de base et les limites extérieures des zones
maritimes en cas d’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques,
une fois que les informations relatives à ces zones maritimes ont été établies et
déposées auprès du Secrétaire général de l ’Organisation des Nations Unies18, ou le
soutien à la solution de lignes de base fixes ou de limites extérieures fixes des zones
maritimes19 ;
c) l’appui à la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à
l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques d ’août 2021 et les
références à la pratique régionale des petits États insulaires en dével oppement du
Pacifique ou de l’Alliance des petits États insulaires20 ;
__________________
(A/C.6/76/SR.18, par. 8 et A/C.6/76/SR.21, par. 111 et 112). Sur l’ensemble des délégations qui
ont présenté des déclarations nationales, seule une (l ’Autriche) a exprimé « des doutes quant à
l’utilité de débattre de sujets ressemblant étroitement à ceux qui ont déjà été traités » au sein de
l’Association de droit international ou de l’Institut de droit international.
17 Ces États font explicitement référence à la « stabilité juridique », bien que l’on trouve des
références implicites dans de nombreuses autres déclarations, faites par : les Fidji (au nom du
Forum des îles du Pacifique), Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États
insulaires), la Sierra Leone, la France, les Pays-Bas (qui « sont guidés par les notions de sécurité
et de stabilité juridiques, tout en restant fermement attachés à la primaut é de la [Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer] »), l’Italie, la Roumanie, le Brésil, le Chili (« la “stabilité
juridique” s’entend de la nécessité de préserver les lignes de base et les limites extérieures des
zones maritimes »), le Viet Nam, la Slovénie, la Nouvelle-Zélande, l’Estonie, les Maldives, la
Malaisie, les États fédérés de Micronésie (« la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité
juridiques [...] [s’entendent de] la nécessité de préserver les zones maritimes de toute réduction,
ainsi que les droits y attachés, indépendamment de l ’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques »), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (« la “stabilité juridique” [...]
s’entend de la nécessité de préserver les lignes de base et limites extérieures des espaces
maritimes ».), l’Indonésie, les Îles Salomon (« Les Îles Salomon considèrent que les frontières
maritimes et les lignes de base archipélagiques sont fixes. Une fois que les limites des zones
maritimes nationales sont déterminées conformément à la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer et déposées auprès du Secrétaire général, notre interprétation du droit international
est qu’aucune modification ne devrait y être apportée malgré l ’élévation du niveau de la mer, ainsi
que le prescrivent les principes cardinaux de certitude, de prévisibilité et de stabilité. » [traduction
non officielle]), Chypre, l’Espagne, la Grèce, les Tuvalu, le Costa Rica, les Philippines.
18 A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 104.
19 Le Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique) , les Fidji (au nom
du Forum des îles du Pacifique), Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États
insulaires), l’Égypte, Cuba, le Chili, l’Estonie, les Maldives, la Malaisie, les États fédérés de
Micronésie, l’Argentine, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Australie (« [i]l est important que nous
protégions nos zones maritimes, établies conformément aux dispositions de [la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer], de l’élévation du niveau de la mer »), les Îles Salomon,
l’Algérie, Chypre, les Tonga, la Grèce, les Tuvalu, les Philippines (qui « mettent en garde contre
les déductions en faveur du caractère mouvant des lignes de base en l ’absence de pratiques
étatiques positives et d’une opinio juris sur la question »).
20 Le Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique ), les Fidji, au nom du
Forum des îles du Pacifique, Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États insulaires) ,
le Japon, la Nouvelle-Zélande, les États fédérés de Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée,
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d) le soutien à la déclaration des chefs d ’État et de Gouvernement de
l’Alliance des petits États insulaires de septembre 2021 21 ;
e) la nécessité d’interpréter la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer compte tenu de l’évolution de la situation ou des intérêts des États touchés par
l’élévation du niveau de la mer22 ;
f) le besoin de préserver l’intégrité de la Convention ou l’équilibre des droits
et obligations prévu par la Convention23 ;
g) le besoin de tenir compte du principe de l ’équité24, du principe de
l’uti possidetis25, du principe de bonne foi26, du principe selon lequel « la terre domine
la mer », du principe de la liberté des mers, de l’obligation de régler les différends de
__________________
l’Australie (« [t]out en préservant les zones maritimes dans toute la mesure du possible, la
Déclaration maintient l’intégrité de la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] et
s’appuie sur les principes juridiques qui la sous-tendent, notamment la stabilité, la sécurité, la
certitude et la prévisibilité juridiques »), la Lettonie, l’Espagne (« L’Espagne comprend et
apprécie la déclaration faite par le “Forum des îles du Pacifique” »), les Tonga, les Tuvalu.
21 Les Fidji (au nom du Forum des îles du Pacifique) , Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des
petits États insulaires), la Nouvelle-Zélande.
22 L’Islande, (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l ’Islande, la Norvège et
la Suède), le Chili, l’Allemagne (« L’Allemagne est déterminée à apporter son appui et à
collaborer avec d’autres États pour préserver leurs zones maritimes et les droits y attachés, et ce
dans le respect de la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] – notamment grâce à
une lecture et une interprétation contemporaines de son intention et de son but, plutôt qu ’à
l’élaboration de nouvelles règles coutumières ».), Sri Lanka (« [i]l est peut-être temps que la
Commission examine si la [Convention des Nations Unie s sur le droit de la mer] pourrait être
modifiée d’un commun accord ou en se fondant sur la pratique ultérieure des États parties . »),
l’Estonie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Fédération de Russie (« [i]l faudrait trouver une
solution pratique qui cadre avec la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, d ’une
part, et réponde aux préoccupations exprimées par les États touchés par la montée des eaux de
mer, d’autre part. »), les Îles Salomon, l’Espagne (« [i]l est impératif pour la Commission de
poursuivre sa réflexion sur le sujet d’une manière qui garantisse le respect et l’intégrité de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et vienne permettre de dégager des solutions
qui rendent compte de la situation extraordinai re à laquelle font face divers États, en particulier les
petits États insulaires en développement à cause de l ’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques. »), les Tonga (la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
« doit être interprétée dans le respect des droits et de la souveraineté des petits États insulaires en
développement vulnérables ») et la Grèce (« [e]n ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer,
la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] fournit les réponses aux questions
soulevées, dans leur contexte particulier ».).
23 L’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats, à savoir
l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie-Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et
de l’Ukraine), les Fidji (au nom du Forum des îles du Pacifique) , l’Islande (au nom des pays
nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l ’Islande, la Norvège et la Suède) (qui a également
fait référence à la prévisibilité et à la stabilité en rapport avec l ’intégrité de la Convention),
Singapour, l’Italie, la Chine, les États-Unis (qui ont réaffirmé l’universalité de la Convention [des
Nations Unies] sur le droit de la mer et son caractère unitaire) , la Roumanie, Cuba, le Japon, le
Chili, l’Allemagne, le Viet Nam, la République tchèque (qui évoque également la question de la
stabilité, de la sécurité et de la prévisibilité juridiques en rapport avec l ’intégrité de la
Convention), la Malaisie, l’Australie (pour qui la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer « témoigne de [son] attachement à un ordre international adossé à la légalité, gage de stabilité
et de prospérité internationales »), la Fédération de Russie, Chypre, l’Espagne, la Grèce, le Costa
Rica, les Philippines, la Jordanie.
24 Singapour, la République islamique d’Iran, les États fédérés de Micronésie, les Philippines
(« [l’]équité écologique est un principe essentiel : aucun État ne devrait souffrir de manière
disproportionnée des effets des changements climatiques qui touchent tout le monde »).
25 L’Égypte, El Salvador et les Philippines.
26 El Salvador et les États fédérés de Micronésie.
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manière pacifique, de la protection des droits des États côtiers et des États sans littoral
ainsi que du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles 27 ;
h) la préservation des frontières maritime s résultant d’un traité ou de
décisions de juridictions internationales28 ;
i) le besoin d’examiner les cartes de navigation29 ;
j) la question du caractère fixe ou ambulatoire à attribuer aux lignes de
bases30 ;
k) l’importance de différencier la lex lata, la lex ferenda et les choix de
politique publique dans les travaux futurs sur ce sujet 31.
14. En 2022, 67 délégations ont fait référence au sujet dans 68 déclarations
nationales à la Sixième Commission 32. Il était fait référence dans la majorité de ces
déclarations à la seconde note thématique consacrée aux sous -thèmes concernant la
survivance de l’État et la protection des personnes touchées par l ’élévation du niveau
de la mer, ainsi qu’aux débats qui ont eu lieu au sein du Groupe d’étude et de la
Commission lors de sa soixante-treizième session, en 2022. Toutefois, dans
17 déclarations, il était également fait référence à des aspects du droit de la mer en
rapport avec l’élévation du niveau de la mer33, principalement aux points suivants : le
__________________
27 Le Bélarus et les États fédérés de Micronésie.
28 Singapour, l’Italie (« le principe du changement fondamental de circonstances ne [s ’applique] ni
aux accords de délimitation existants ni aux décisions rendues dans le cadre de procédures
arbitrales ou judiciaires »), le Chili, l’Estonie, la Malaisie, l’Argentine, la Pologne, l’Indonésie,
l’Algérie, Chypre, la Grèce et les Philippines.
29 L’Afrique du Sud.
30 Les États-Unis, Israël, la Roumanie, Sri Lanka et l’Irlande.
31 L’Afrique du Sud, l’Allemagne, l’Irlande, l’Autriche et la Pologne.
32 La Croatie, la France, l’Union européenne (en qualité d’observatrice, également au nom des pays
candidats, à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie , de la Bosnie-
Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d ’association ainsi que de la Géorgie, de la
République de Moldova et de l’Ukraine), les Bahamas (au nom de la Communauté des Caraïbes) ,
l’Islande, (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l ’Islande, la Norvège et
la Suède), Singapour, la Pologne, la Slovénie, la Chine, l’Inde, l’Italie, El Salvador, le Bélarus, la
Hongrie, les États-Unis, la Roumanie, la Malaisie, l’Autriche, le Mexique, la Sierra Leone,
l’Allemagne, la République islamique d’Iran, le Brésil, la Colombie, la Slovaquie, l’Estonie,
l’Arménie, l’Australie, Cuba, le Portugal, les Philippines, l’Irlande, le Royaume des Pays-Bas,
Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États insulaires), Israël, le Samoa (au nom
des petits États insulaires en développement du Pacifique) , le Cameroun, le Bangladesh, les
Maldives, le Viet Nam, l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, le Chili, la
Thaïlande, l’Égypte, l’Espagne, les États fédérés de Micronésie, la République tchèque, Chypre, le
Japon, l’Algérie, l’Indonésie, la République-Unie de Tanzanie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la
Jamaïque, le Liechtenstein, la Côte d’Ivoire, le Pérou, le Nicaragua, la Türkiye, la République de
Corée, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, la Bulgarie, le Saint-Siège (Observateur), l’État de
Palestine (Observateur). El Salvador a évoqué le sujet dans deux déclarations à la Sixième
Commission (voir https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml , 21e et 26e séances
plénières).
33 La Croatie, l’Union européenne (en qualité d’observatrice, également au nom des pays candidats,
à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine,
pays du processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de
Moldova et de l’Ukraine), l’Inde, les États-Unis, la Roumanie, l’Allemagne, Cuba, Antigua-et-
Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États insulaires), le Samoa (au nom des petits États
insulaires en développement du Pacifique ), la Thaïlande, les États fédérés de Micronésie, Chypre,
l’Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Türkiye, la Nouvelle-Zélande, la Bulgarie.
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soutien à la solution de lignes de base fixes 34 ; le soutien à la stabilité juridique35 ; le
principe selon lequel « la terre domine la mer »36 ; la nécessité de maintenir l’intégrité
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer37 ; la nécessité de respecter
les droits des États tiers38 ; la préservation des frontières maritimes résultant d ’un
traité ou de décisions de juridictions internationales 39 ; la question du droit
international coutumier en rapport avec le sujet40 ; la nécessité d’interpréter la
__________________
34 La Croatie (« La Croatie estime que les lignes de base sont fixes et qu ’une fois déterminées, les
zones maritimes nationales ne sont pas susceptibles d ’être modifiées, malgré l’élévation du niveau
de la mer »), l’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays
candidats, à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie-
Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d ’association ainsi que de la Géorgie, de la
République de Moldova et de l’Ukraine) (qui a noté que « la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer n’impose aucune obligation expresse aux États d ’examiner et d’actualiser
périodiquement toutes les cartes et coordonnées qu ’ils ont établies (ou convenues) et dûment
publiées conformément aux dispositions pertinentes de la Convention »), les États-Unis (qui ont
« annoncé une nouvelle politique sur l’élévation du niveau de la mer et les zones maritimes. Dans
le cadre de cette politique, qui reconnaît que de nouvelles tendances se dessin ent dans les
pratiques et les points de vue des États sur la nécessité de zones maritimes stables face à
l’élévation du niveau de la mer, les États-Unis travailleront avec d’autres pays dans le but d’établir
légitimement et de préserver les lignes de base et les limites des zones maritimes et ne
contesteront pas lesdites lignes de base et limites qui ne sont pas mises à jour par la suite malgré
l’élévation du niveau de la mer causée par les changements climatiques. »), la Roumanie (qui note
que « la préservation des lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes est cruciale
pour la stabilité juridique »), Cuba, Antigua-et-Barbuda (au nom de l’Alliance des petits États
insulaires), le Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique), Chypre,
la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Zélande, la Bulgarie.
35 L’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats, à savoir
l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie-Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et
de l’Ukraine) (« du point de vue du droit comme des principes, il y a de grandes raisons pour
admettre la stabilité qui découle de délimitations maritimes établies soit par traité, soit par
décision judiciaire »), les États-Unis (voir supra la note 34), la Roumanie (voir supra la note 34),
l’Allemagne (qui a noté : « [d]e notre point de vue, une lecture contemporaine des [règles de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer sur la stabilité des lignes de base] donne à
l’État côtier le droit de mettre à jour ses lignes de base lorsque le niveau de la mer monte ou
descend ou que le trait de côte recule, mais l ’État côtier n’y est pas obligé »), Antigua-et-Barbuda
(au nom de l’Alliance des petits États insulaires), le Samoa (au nom des petits États insulaires en
développement du Pacifique), la Thaïlande, l’Indonésie, la Bulgarie.
36 La Croatie, l’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom de des pays
candidats, à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie -
Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Gé orgie, de la
République de Moldova et de l’Ukraine).
37 La Croatie, l’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats,
à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie -Herzégovine,
pays du processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de
Moldova et de l’Ukraine) et la Roumanie.
38 L’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats, à savoir
l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie -Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et
de l’Ukraine).
39 L’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats, à savoir
l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie -Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et
de l’Ukraine), la Thaïlande, Chypre.
40 L’Union européenne (en qualité d’observatrice ; également au nom des pays candidats, à savoir
l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la Bosnie -Herzégovine, pays du
processus de stabilisation et d’association ainsi que de la Géorgie, de la République de Moldova et
de l’Ukraine), les États fédérés de Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
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Convention des Nations Unies sur le droit de la mer compte tenu de l ’évolution des
circonstances ou des intérêts des États touchés par l ’élévation du niveau de la mer41.
15. Les Coprésidents du Groupe d’étude ont poursuivi activement leur démarche de
communication pour expliquer la progression des travaux de la Commission sur le
sujet.
II. Question de la « stabilité juridique » en rapport
avec l’élévation du niveau de la mer, en particulier les lignes
de base et les zones maritimes
16. Au cours de la soixante-douzième session (2021), le débat au sein du Groupe
d’étude et de la Commission sur la première note thématique a essentiellement porté
sur l’importante question de la stabilité juridique. Certains membres du Groupe
d’étude sont convenus de la nécessité de préserver la stabilité, la sécurité, la certitude
et la prévisibilité, ainsi que l’équilibre des droits et obligations entre les États côtiers
et les autres États, mais n’étaient pas d’accord sur la question de savoir si les
observations préliminaires de la première note thématique traduisaient bien cette
nécessité. Qui plus est, certains membres ont dit que les déclarations des États en
faveur de la stabilité, de la certitude et de la prévisibilité pouvaient donner lieu à
différentes interprétations et ont remis en question le fait que la note s ’appuyait à
plusieurs reprises sur les « préoccupations des États Membres ». D’aucuns ont fait
observer que dans la jurisprudence, les termes « stabilité », « certitude » et
« prévisibilité » étaient employés dans le contexte de la délimitation des frontières
terrestres et non dans celui des délimitations maritimes, pour lequel les c onsidérations
étaient différentes. Parallèlement, il a été fait remarquer que les déclarations faites à
la Sixième Commission par les délégations des États touchés par l ’élévation du niveau
de la mer semblaient indiquer que, par « stabilité juridique », elles entendaient la
nécessité de préserver les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes.
Le Groupe d’étude a accueilli favorablement la proposition visant à expliciter le sens
de « stabilité juridique » dans le contexte du sujet à l’examen, notamment en posant
des questions précises aux États Membres42.
17. Une autre partie importante du débat a porté sur la pertinence de l ’observation
préliminaire de la première note thématique concernant l ’utilisation possible de lignes
de base fixes ou de limites extérieures fixes des zones maritimes mesurées à partir
des lignes de base pour répondre aux préoccupations des États touchés par l ’élévation
du niveau de la mer. Le Groupe d’étude a mené une discussion de fond sur
l’interprétation des disposition s pertinentes de la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer relatives au caractère des lignes de base (mouvantes ou fixes) 43.
18. Au-delà de la perspective doctrinale sur la question de la stabilité juridique, il
est tout à fait pertinent de prendr e en compte les points de vue exprimés par les États
Membres dans leurs communications à la Commission et dans leurs déclarations à la
Sixième Commission, après la publication de la première note thématique en 2020 et
surtout après le débat de 2021 au sein du Groupe d’étude et de la Commission. En
effet, cette approche méthodologique est étayée par les références, dans le rapport
annuel de 2021 de la Commission, à la nécessité de poser des questions spécifiques
aux États Membres pour expliciter le sens donn é à la « stabilité juridique » et par le
__________________
41 Le Samoa (au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique ), les États fédérés de
Micronésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Zélande.
42 A/76/10, par. 266.
43 Ibid., par. 270 à 275.
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consensus entre les membres du Groupe d’étude au sujet de l’importance et de la
nécessité d’évaluer la pratique étatique concernant le gel des lignes de base 44.
19. Comme nous le verrons plus loin, le sens donné par les États Membres à la
« stabilité juridique » dans leurs observations et déclarations est concret et lié à
l’importance de fixer les lignes de base à partir desquelles les zones maritimes sont
mesurées ou de fixer les limites extérieures de ces zones, préservant ainsi leurs droits
sur ces zones. La question de la stabilité juridique en rapport avec les accords de
délimitation n’est pas examinée dans le présent chapitre mais sera abordée plus loi n
aux chapitres III et IV dans le contexte de l’analyse du principe de l’uti possidetis et
de la règle rebus sic stantibus. Les États Membres ont souscrit clairement et sans
équivoque aux observations formulées au paragraphe 141 de la première note
thématique à cet égard, en particulier l’alinéa c)45.
A. Points de vue des États Membres concernant la stabilité juridique
et la préservation des lignes de base ou des zones maritimes
1. Communications des États Membres à la Commission
20. Dans sa communication de 2021 à la Commission46, Antigua-et-Barbuda fait
une référence directe et concrète au sens qu ’elle attache à la stabilité juridique, qui
renvoie à la solution de lignes de base fixes : « Les lignes de base peuvent rester fixes
malgré l’élévation du niveau de la mer afin de respecter les principes de certitude et
de stabilité [...] Antigua-et-Barbuda partage les préoccupations exprimées dans la
[première note thématique] selon lesquelles les lignes de base mouvantes
compromettent la stabilité, la sécurit é, la certitude et la prévisibilité juridiques »47
[traduction non officielle]. Elle déclare ce qui suit :
L’avis juridique d’Antigua-et-Barbuda, qui est étayé par sa pratique [...], est que
les lignes de base maritimes établies conformément à la [Convent ion des
Nations Unies sur le droit de la mer] peuvent rester fixes malgré l ’élévation du
niveau de la mer et, en outre, les États ne sont pas tenus de mettre à jour les
lignes de base maritimes en raison de l’élévation du niveau de la mer. « [...]
[L]es lignes de base peuvent rester fixes malgré l ’élévation du niveau de la mer
afin de respecter les principes de certitude et de stabilité. En outre, les bases
mouvantes sont inéquitables et injustes »48. [Traduction non officielle]
Antigua-et-Barbuda établit à nouveau un lien direct entre la stabilité juridique et les
lignes de base fixes : « Les lignes de base fixes respectent le droit international alors
que les lignes de base mouvantes peuvent conduire à la violation des principes du
droit international [...] Il serait plus cohérent d ’attribuer un caractère fixe aux lignes
de base au regard des principes de certitude et de stabilité du droit international »49.
Antigua-et-Barbuda pousse le raisonnement en arguant que la Convention d es Nations
Unies sur le droit de la mer devrait être interprétée compte tenu des problèmes que
__________________
44 Ibid., par. 266 et 270.
45 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 141, en particulier l’alinéa c) : « L’élévation du niveau de la mer ne
peut être invoquée comme constituant un changement fondamental de circonstances au sens du
paragraphe 2 de l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 pour
mettre fin à un traité établissant une frontière maritime ou s ’en retirer, puisque le régime de
stabilité est également applicable aux frontières maritimes au même titre que toute autre
frontière ».
46 Communication d’Antigua-et-Barbuda. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
47 Ibid., par. 17 ; A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 77.
48 Communication d’Antigua-et-Barbuda (voir supra la note 46), par. 10 et 13.
49 Ibid., par. 12 et 20.
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pose actuellement l’élévation du niveau de la mer. À cet égard, le pays invoque le
paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention relatif aux deltas :
[E]n vertu de cette disposition, les États peuvent conserver leur ligne de base
lorsque la laisse de basse mer recule, mais ils peuvent toujours l ’avancer au cas
où la laisse de basse mer serait plus avancée [...] [L] ’élévation du niveau de la
mer tombe sous le coup du [paragraphe 2] de l’article 7 de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer et permet de tracer des lignes de base droites
« le long de la laisse de basse mer la plus avancée » qui « restent en vigueur tant
qu’elles n’ont pas été modifiées par l’État côtier même en cas de recul ultérieur
de la laisse de basse mer ». En effet, les « autres caractéristiques naturelles » et
le « recul de la laisse de basse mer » mentionnés dans l’article peuvent
raisonnablement être interprétés comme incluant l ’élévation du niveau de la
mer. Ainsi, même en cas d’élévation du niveau de la mer, qui rend le trait de
côte très instable, et malgré le recul ultérieur de la laisse de basse mer, les lignes
de base peuvent rester fixes50. [Traduction non officielle]
Antigua-et-Barbuda conclut en mentionnant sa pratique, en ce sens que, après avoir
déposé « ses cartes maritimes auprès de l’Organisation des Nations Unies » [...],
« conformément à la pratique des droits maritimes fixes, Antigua -et-Barbuda n’a
jamais actualisé les cartes déposées au fur et à mesure de l ’élévation du niveau de la
mer ». Cette pratique est conforme au paragraphe 104 f) de la première note
thématique, selon lequel « les États n’ont pas besoin de mettre à jour leur ligne de
base et peuvent préserver leurs droits »51. En outre, la loi de 1982 sur les zones
maritimes « ne prévoit aucune mise à jour obligatoire de ces cartes ou listes »52.
21. Dans sa communication de 2022, la Colombie ne fait pas référence directement
à la stabilité juridique, mais elle revient souvent sur la question des lignes de base.
Elle rappelle la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation
du niveau de la mer liée aux changements climatiques, adoptée par les dirigeants du
Forum des îles du Pacifique en août 2021, « dans laquelle les pays membres du Forum
déclarent qu’ils n’ont pas l’intention de mettre à jour les lignes de base ou les limites
de leurs zones maritimes telles qu’elles ont été notifiées [à l’époque] au Secrétaire
général ». Bien que la Colombie n’ait pas encore formellement adopté de position
spécifique sur cette question, elle fait remarquer ce qui suit :
[Elle] continuera d’examiner la question, en particulier car, du fait de sa
situation géographique et de la configuration de son littoral et de ses territoires
insulaires, elle fait partie des États qui seront les plus touchés par les
changements climatiques et l’élévation du niveau de la mer. [...] [L]es lignes de
base, bien qu’elles soient variables par nature dans la mesure où elles changent
en fonction de l’évolution de la côte et des variations de la laisse de basse mer,
doivent figurer sur des cartes, et, en outre, il n ’y a pas d’obligation explicite de
les modifier ou de les mettre à jour. [...] [I]l n ’y a pas d’obstacle juridique à
l’actualisation ou à la révision des cartes ou coordonnées enregistrées et
publiées, mais il n’y a pas non plus d’obligation positive de le faire53.
[Traduction non officielle]
22. Dans sa communication de 2022, la Nouvelle -Zélande fait référence à sa
pratique : « La Nouvelle-Zélande n’a pas actualisé les données relatives à [ses] zones
maritimes depuis qu’elle les a soumises [le 8 mars 2006]. Elle n ’a pas l’intention de
__________________
50 Ibid., par. 19 et 22 à 23.
51 Ibid., par. 45.
52 Ibid., par. 44.
53 Communication de la Colombie, p. 2 et 3. Disponible à l ’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
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modifier sa notification du 8 mars 2006 si sa côte devait connaître un r ecul par suite
de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques 54. Cette pratique
est présentée comme pleinement conforme à la Déclaration sur la préservation des
zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changement s
climatiques adoptée par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique le 6 août 2021.
La Déclaration [...] indique clairement notre intention de préserver nos zones,
sans les réduire. Dans la déclaration, les membres du [Forum des îles du
Pacifique] exposent leur position selon laquelle le maintien des zones maritimes
établies conformément à la [Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer] et des droits y attachés, nonobstant l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques, se fonde à la fois sur la Convention et sur les principes
juridiques qui la sous-tendent55. [Traduction non officielle]
23. La Nouvelle-Zélande fournit aussi des renseignements sur la pratique des Îles
Cook :
Les Îles Cook sont un territoire autonome en libre asso ciation avec la Nouvelle-
Zélande et partie à la Convention à part entière. La Nouvelle -Zélande note que
lorsque les Îles Cook ont déposé leur liste de coordonnées géographiques auprès
du Secrétaire général le 12 août 2021, conformément à la [Convention], e lles
ont également fait part de l’observation suivante, qui intéresse la présente
réflexion : « Les Îles Cook croient savoir qu ’elles ne sont pas tenues de
surveiller l’évolution des zones maritimes telles qu ’elles ressortent du présent
dépôt officiel de listes de coordonnées géographiques de points et de cartes,
délimitées conformément à la [Convention], et les Îles Cook ont l ’intention,
fortes de ces considérations, de préserver ces zones nonobstant l ’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques56 ». [Traduction non
officielle]
24. Dans sa communication de 2021, le Forum des îles du Pacifique mentionne,
entre autres, la pratique des Fidji : « La loi de 2021 sur les changements climatiques
des Fidji est une pratique étatique récente qui reconnaît juridiquement la permanence
des frontières maritimes et des zones maritimes des Fidji nonobstant les effets des
changements climatiques et de l’élévation du niveau de la mer, conformément à la
position du [Forum] dans sa déclaration de 2021 »57.
25. Dans leur communication de 2022, les Philippines présentent leur point de vue
concernant la stabilité des lignes de base en cas d ’élévation du niveau de la mer :
« Nous sommes [...] d’avis que toute révision des lignes de base devrait
entraîner une expansion plutôt qu’une diminution de nos zones maritimes.
L’érosion des côtes et l’inondation de reliefs en raison de l’élévation du niveau
de la mer, par exemple, ne devraient pas affecter les lignes de base établies par
l’État. [...] En outre, conformément au paragraphe 2 de l’article 7 de la
[Convention des Nations Unies sur le droit de la mer], il n ’est pas nécessaire de
modifier les lignes de base si cela entraîne une réduction des zones maritimes
en raison du recul de la côte »58. [Traduction non officielle]
__________________
54 Communication de la Nouvelle-Zélande, p. 1. Disponible à l’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms .
55 Ibid.
56 Ibid., p. 2.
57 Communication de 2021 du Forum des îles du Pacifique, par. 44. Disponible à l ’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms .
58 Communication des Philippines. Disponible à l ’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/
8_9.shtml#govcoms.
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26. Dans sa communication de 2022, le Japon a not é que la déclaration adoptée lors
de la neuvième Réunion des dirigeants des Îles du Pacifique, le 2 juillet 2021, faisait
référence à « l’importance de protéger les zones maritimes établies conformément à
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer »59.
27. Dans sa communication de 2022, la France estime qu ’il faut interpréter la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer afin de trouver des solutions aux
effets de l’élévation du niveau de la mer, même si l’instrument ne mentionne pas
explicitement la « stabilité juridique » :
La France considère en effet que le cadre comme les ambitions de la Convention
permettent d’appréhender cette question relativement nouvelle sur le plan
juridique, sans qu’il soit nécessaire de faire émerger un nouveau cadre
multilatéral. À cet égard, il convient de relever que les dispositions de la
Convention confèrent à l’État côtier une certaine marge de manoeuvre s’agissant
de l’initiative d’une modification, ou d’un maintien, des données déclarées
relatives à ses lignes de base et aux limites de ses espaces maritimes. La
Convention laisse en effet à l’État côtier la décision d’apporter des
modifications à ces données, ce qui implique que tant que l ’État côtier ne décide
pas de procéder à de telles modifications, les données initialement déclarées
restent en vigueur60.
La France ajoute que « certaines dispositions de la Convention peuvent trouver une
application pertinente dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer », avec une
référence directe au paragraphe 2 de l’article 7 concernant les deltas, qui, selon la
France, peut être interprété comme applicable aux « situations résultant de l’élévation
du niveau de la mer, indépendamment de la présence d ’un delta ». Elle pousse le
raisonnement en faisant remarquer que le paragraphe 4 de l’article 7 de la Convention
pourrait s’appliquer dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer, car il
« permet à l’État côtier d’établir des lignes de base droites à partir de hauts -fonds
découvrants »61.
28. Dans sa communication présentée à la Commission en 2022, l ’Allemagne
abonde dans ce sens et énonce clairement que :
« [S]’agissant de la préservation des lignes de base et des zones maritimes, le
pays est déterminé [...] à collaborer avec d ’autres États pour préserver leurs
zones maritimes et les droits y attachés, et ce dans le respect de la [Convention]
– notamment grâce à une lecture et une interprétation contemporaines de son
intention et de son but, plutôt qu’à l’élaboration de nouvelles règles
coutumières »62. [Traduction non officielle]
L’Allemagne se dit explicitement favorable à ce que l ’interprétation de la Convention
serve à trouver des solutions aux effets de l’élévation du niveau de la mer :
__________________
59 Communication du Japon. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/
8_9.shtml#govcoms. Voir également le paragraphe 12 de la déclaration des dirigeants, disponible à
l’adresse suivante : https://www.mofa.go.jp/files/100207980.pdf.
60 Communication de la France, p. 1 et 2. Disponible à l ’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms. La France relève également que la Convention « ne prévoit pas
l’obligation, pour les États côtiers, de réévaluer et de mettre à jo ur leurs lignes de base », que « les
États peuvent actualiser leurs lignes de base et les notifications de leurs zones maritimes
nationales, mais n’y sont pas tenus » et que la Convention « ne prévoit pas d’obligation
d’actualiser les cartes et listes de coordonnées géographiques, une fois celles-ci publiées
conformément à ses dispositions » (ibid. p. 3 et 4).
61 Ibid., p. 2.
62 Communication de l’Allemagne, p. 1. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
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« Par cette lecture et cette interprétation contemporain es, l’Allemagne estime
que la [Convention] autorise le gel des [lignes de base et des limites extérieures
des zones maritimes] dûment établies, publiées et déposées [...] conformément
à la Convention.
Rien dans [la Convention] n’oblige explicitement à actualiser les lignes de base
normales qui ont été tracées [...] [ou] les lignes de base droites qui ont été
tracées, publiées et déposées [...], ni encore à actualiser les cartes et listes de
coordonnées géographiques d’un État relatives à la [zone économiqu e
exclusive] [...] ou au plateau continental [...].
Cependant, l’Allemagne conclut [que] le concept de lignes de base artificielles
[est] déjà contenu dans la [Convention], en particulier là où la côte est
extrêmement instable en raison de la présence “d’un delta et d’autres
caractéristiques naturelles”, [conformément au paragraphe 2 de l’article 7 de la
Convention].
Cette disposition ayant été traduite par “d’un delta ou et d’autres
caractéristiques naturelles” par plusieurs [États membres de l’Union
européenne] [...], l’Allemagne suggère d’examiner si une interprétation
contemporaine de cette disposition pourrait élargir la portée de l ’exception
prévue au [paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention] et apport er une plus
grande sécurité juridique aux États qui gèlent leurs lignes de base et les limites
extérieures de leurs zones maritimes »63. [Traduction non officielle]
L’Allemagne poursuit cette interprétation dans les termes suivants :
« L’Allemagne [...] considère qu’une fois que les lignes de base et les lignes de
délimitation mentionnées à [l’article 16 de la Convention] ont été tracées
conformément aux dispositions de la Convention et que leurs cartes et listes de
coordonnées géographiques ont été dûment publiées et déposées auprès du
[Secrétaire général], ces lignes de base et lignes de délimitation, ainsi que les
cartes et les coordonnées géographiques, restent stables jusqu ’à ce que l’État
côtier décide de les mettre à jour à nouveau.
L’Allemagne considère également qu’une fois que l’État côtier a dûment publié
les limites extérieures et les lignes de délimitation de sa [zone économique
exclusive] et de son plateau continental conformément à la Convention et qu ’il
a dûment publié et déposé les cartes e t listes de coordonnées géographiques
pertinentes auprès du [Secrétaire général], [...] la Convention n ’impose pas à
l’État côtier l’obligation de les réexaminer ou de les mettre à jour régulièrement
(mais l’État côtier reste en droit de le faire) »64. [Traduction non officielle]
29. Dans sa communication de 2022, l’Irlande informe la Commission de ce qui
suit :
L’Irlande note que sa pratique dans ce domaine à ce jour n ’a pas été formulée
explicitement compte tenu de l’élévation du niveau de la mer. En Irland e, les
lignes de base normales sont mouvantes et sont déterminées par la laisse de
basse mer le long de la côte, telle qu’elle est indiquée sur les cartes à grande
échelle officiellement reconnues. Ces tableaux sont actualisés de temps à autre
et, par conséquent, les lignes de base normales peuvent changer au fil du temps
en fonction des processus naturels [traduction non officielle].
__________________
63 Ibid., p. 2.
64 Ibid., p. 3.
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Parallèlement, l’Irlande « note que, contrairement aux lignes de base droites, les États
côtiers ne sont pas tenus par [la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer]
de déposer le détail des lignes de base normales auprès du Secrétaire général »65.
30. Dans leur communication présentée à la Commission en 2022, les Pays -Bas
fournissent des informations intéressantes sur le s efforts qu’ils déploient pour assurer
la stabilité de la côte :
En ce qui concerne la partie européenne [du Royaume des] Pays -Bas, une
« ligne côtière de base » a été tracée [à des fins de politique générale]. [...] Un
outil important pour maintenir et préserver la côte est la « ligne côtière de
base », qui est définie comme une ligne imaginaire et indicative le long de notre
côte, entre la laisse de basse mer d’une part et le pied de falaise [...] d’autre part.
[...] L’[« approche »] de la ligne côtière de base est évaluée tous les six ans en
termes de localisation et d’efficacité. La prise en compte des incidences de
l’élévation du niveau de la mer fait également l ’objet d’un examen périodique.
[...] En ce qui concerne la partie européenne [du Royaume des] Pays -Bas, les
mesures d’adaptation actuelles prises par les autorités néerlandaises afin de
préserver la côte passent par des remblais de sables [...]. La ligne côtière de base
reste fondamentalement la même66. [Traduction non officielle]
31. Dans sa communication de 2022, la Pologne mentionne qu ’elle « n’envisage pas
pour l’instant de modifier les traités relatifs aux frontières maritimes en raison de
l’élévation du niveau de la mer »67.
32. Dans sa communication présentée à la Commission en 2022, le Royaume -Uni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord fait référence à la fréquence de mise à jour
des lois nationales concernant les lignes de base et des notifications relatives aux
espaces maritimes nationaux déposées auprès du Secrétaire général : « Aucun
changement n’a été apporté à cette législation, y compris aux coordonnées
communiquées, depuis qu’elle a été élaborée en [2014] »68. [Traduction non
officielle]
2. Déclarations des États Membres à la Sixième Commission de l’Assemblée
générale
33. Dans les déclarations qu’ils ont présentées de 2020 à 2022 en leur nom propre
ou au nom du Forum des îles du Pacifique, les États membres de ce dernier exposent
clairement le sens qu’ils donnent à la stabilité juridique.
34. Par exemple, dans la déclaration qu ’ils ont faite en 2020 au nom du Forum des
îles du Pacifique, les Tuvalu évoquent expressément la stabilité juridique :
Comme indiqué dans la première note thématique et comme l ’ont relevé de
nombreux États Membres, la préservation de la stabilité, de la sécurité, de la
certitude et de la prévisibilité juridiques constitue un souci primordial qui est au
coeur-même du sujet. Cette question s’inscrit en outre dans le droit fil de
l’objectif général de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, tel
qu’énoncé dans son préambule. [...] La pratique suivie dans la région, à l ’instar
de celle des autres régions, témoigne de l’intérêt que manifestent de nombreux
__________________
65 Communication de l’Irlande. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/
8_9.shtml#govcoms.
66 Communication du Royaume des Pays-Bas, p. 2 et 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms .
67 Communication de la Pologne, p. 2. Disponible à l ’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
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68 Communication du Royaume-Uni, par. 6. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
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États Membres à l’égard de la préservation de la stabilité et de la sécurité
juridiques de leurs lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes
mesurées à partir de celles-ci. [...] Dans ce contexte, nous prenons note avec
satisfaction des conclusions préliminaires énoncées au paragraphe 104 de la
première note thématique et appelons particulièrement l ’attention sur les
alinéas e) et f), où il est dit que rien dans la Convention n ’interdit de suivre une
approche visant à préserver les lignes de base et les limites extérieures de s zones
maritimes après le dépôt des notifications69. [Traduction non officielle]
35. Dans la déclaration qu’ils ont présentée en 2021 au nom du Forum des îles du
Pacifique, les Fidji précisent explicitement le sens à donner à la stabilité juridique :
Dans un souci de clarté absolue, en particulier à la lumière des discussions
tenues sur ce point à la Commission au cours de l ’année, nous tenons à souligner
que le besoin de stabilité, de sécurité, de certitude et de prévisibilité juridiques
auquel nous faisons référence en ce qui concerne le sujet subsidiaire du droit de
la mer ne peut être satisfait que par la préservation des zones maritimes et des
droits qui en découlent nonobstant l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques70. [Traduction non officielle]
Ils précisent ensuite :
L’approche du Forum des îles du Pacifique sur cette question [...] fait en sorte
que l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques ne remette
pas en cause les zones maritimes. [...] Par ailleurs , les États du Forum ont
conscience que d’autres pays, notamment les petits États insulaires en
développement et les États de faible altitude d ’autres régions que celle du
Pacifique, ont tout autant besoin de stabilité, de sécurité, de certitude et de
prévisibilité en ce qui concerne leurs zones maritimes 71. [Traduction non
officielle]
36. Dans la même déclaration, les Fidji font référence à la Déclaration sur la
préservation des zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques, adoptée par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique
le 6 août 2021, qui « constitue l’exposé officiel de la position des membres du Forum
quant à la manière dont les dispositions de la Convention relatives aux zones
maritimes s’appliquent eu égard à l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques » et « une interprétation de bonne foi de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer et une description des pratiques actuelles et
futures des membres à la lumière de cette interprétation »72. [Traduction non
officielle]
37. On trouve des références analogues à l ’importance que revêt la Déclaration en
ce qui concerne la stabilité juridique dans bon nombre de déclarations faites par les
États membres du Forum en 2021 et 2022. Par exemple, dans sa déclaration de 2021,
la Papouasie-Nouvelle-Guinée a fait observer ce qui suit :
Par cette Déclaration, les membres du Forum des îles du Pacifique entendent
favoriser la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité des zones
maritimes en clarifiant l’interprétation de bonne foi qui est faite de la
__________________
69 Déclaration présentée par les Tuvalu en 2020 au nom du Forum des îles du Pacifique. Disponible à
l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
70 Déclaration présentée par les Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, en 2021 (par. 12).
Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#19mtg .
71 Déclaration présentée par les Fidji en 2021 au nom du Forum des îles du Pacifique (voir supra la
note 70), par. 8 et 11.
72 Ibid., par. 10 et 13.
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Convention sur le droit de la mer eu égard au lien entre l ’élévation du niveau de
la mer liée aux changements climatiques et les zones maritimes.
Dans la Déclaration, les membres du Forum des îles du Pacifique proclament
que leurs zones maritimes, telles que délimitées et notifiées au Secrétaire
général de l’ONU conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer, et les droits qui en découlent ne sauraient être remis en cause, quels
que soient les effets physiques de l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques.
[...] [C]ette proclamation, ainsi que la pratique actuelle et future des États dans
notre région, est étayée par la Convention et les principes juridiques qui la sous -
tendent, notamment ceux de stabilité, de sécurité, de certitude et de prévisibilité.
En outre, la préservation des zones maritimes telle qu ’elle est énoncée dans la
Déclaration concourt à apporter un e réponse internationale juste au phénomène
de l’élévation du niveau de la mer73. [Traduction non officielle]
La Papouasie-Nouvelle-Guinée note également dans sa déclaration de 2022 que
l’approche défendue dans la Déclaration « est en accord avec les observations faites
aux paragraphes 104 e) et 104 f) de la première note thématique. Nous nous
réjouissons que de nombreux membres de la communauté internationale dans
différentes régions aient réagi positivement à la Déclaration du Forum »74 [traduction
non officielle]. De même, dans sa déclaration de 2021, la Nouvelle -Zélande note que
la Déclaration « promeut les principes de stabilité et de sécurité juridiques dans les
zones maritimes »75 et se réfère à nouveau, dans sa déclaration de 2022, à « l’approche
définie » dans la Déclaration76. On trouve des références analogues dans la
déclaration présentée par le Samoa au nom des petits États insulaires en
développement du Pacifique en 202177, dans la déclaration présentée par les États
fédérés de Micronésie en 202178 et dans la déclaration présentée par l’Australie en
2021 (« Tout en préservant les zones maritimes dans toute la mesure du possible, la
Déclaration [...] est soutenue par les princ ipes juridiques qui la sous-tendent,
notamment la stabilité juridique, la sécurité, la certitude et la prévisibilité »79
[traduction non officielle]).
38. Dans la déclaration qu’ils ont présentée au nom des petits États insulaires en
développement du Pacifique en 2020, les Fidji font référence aux efforts visant à
garantir que « les zones maritimes ne puissent être contestées ou réduites en raison
de l’élévation du niveau de la mer et des changements climatiques » et appellent les
autres États membres « à reconnaître que, une fois qu’elles ont été délimitées
conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, les zones
__________________
73 Déclaration présentée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2021, p. 3. Disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
74 Déclaration présentée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2022, p. 2. Disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (29e séance plénière).
75 Déclaration présentée par la Nouvelle-Zélande en 2021, p. 4. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
76 Déclaration présentée par la Nouvelle-Zélande en 2022, p. 2. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (29e séance plénière).
77 Déclaration présentée en 2021 par le Samoa au nom des petits États insulaires en développement
du Pacifique. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/
summaries.shtml#19mtg.
78 Déclaration présentée par les États fédérés de Micronésie en 2021. Disponible à l ’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
79 Déclaration présentée par l’Australie en 2021, p. 2. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
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maritimes et les droits qui en découlent doivent être conservés »80. Dans la déclaration
qu’il a présentée au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique en
2021, le Samoa s’exprime plus en détail quant à la nécessité de préserver la stabilité
des zones maritimes et des droits des États côtiers touchés par l ’élévation du niveau
de la mer :
Actuellement, les laisses de basse mer le long des côtes du monde entier, telles
qu’elles sont reportées sur les cartes à grande échelle officiellement reconnues
par les États côtiers concernés, sont utilisées comme lignes de base normales à
partir desquelles mesurer les zones maritimes conformément à la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer. Il est probable qu ’à l’avenir ces points
physiques changeront en raison de l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques, mais la Convention ne précise pas expressément ce
que cela implique pour les zones maritimes et les droits qui en découlent. Il est
important que la Convention soit appliquée d ’une manière qui soit compatible
avec les droits et obligations qu’elle prévoit, y compris les droits que les États
insulaires tiennent de leurs zones maritimes. Nous prenons note avec
satisfaction des observations préliminaires énoncées au paragraphe 104 de la
première note thématique et appelons en particulier l ’attention sur ce qui est dit
aux alinéas e) et f), à savoir que la Convention n’exclut pas les approches visant
à préserver les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes en
cas d’élévation du niveau de la mer une fois que les informations relatives à ces
zones maritimes ont été établies et déposées auprès du Secrétaire général de
l’ONU.
[...] De nombreux petits États insulaires en développement s ’appuient sur la
pratique des États régionaux et légifèrent en vue de préserver leurs limites
maritimes à perpétuité, y compris en se servant des coordonnées géographiques
pour décrire le tracé des lignes de démarcation et en fixant les limites extérieures
de leurs plateaux continentaux au-delà de 200 milles marins, ainsi qu ’en se
référant aux processus neutres de prise de décisions prév us dans la Convention.
[...] Cette pratique vient étayer les observations des Coprésidents selon
lesquelles, afin de préserver les zones maritimes et les droits qui en découlent,
les États parties à la Convention ne sont pas tenus de mettre à jour les
coordonnées ou les cartes de leurs zones maritimes une fois qu ’elles ont été
déposées auprès [...] du Secrétaire général de l ’Organisation81. [Traduction non
officielle]
Dans la déclaration qu’il a présentée au nom des petits États insulaires en
développement du Pacifique en 2022, le Samoa fait observer que « les dirigeants du
Forum [des îles du Pacifique] estiment que les zones maritimes, tels que délimitées
et notifiées au Secrétaire général [...] conformément à la Convention, et les droits qui
en découlent, ne doivent pas être remis en cause, quels que soient les effets physiques
de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques »82. [Traduction
non officielle]
39. Membre du Forum des îles du Pacifique, la Papouasie -Nouvelle-Guinée évoque
la stabilité juridique dans sa déclaration de 2020 :
__________________
80 Déclaration présentée en 2020 par les Fidji au nom des petits États insulaires en développement du
Pacifique, p. 2. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/75/
summaries.shtml#13mtg.
81 Déclaration présentée par le Samoa en 2021 au nom des petits États insulaires en développement
du Pacifique (voir supra la note 77).
82 Déclaration présentée en 2022 par le Samoa au nom des petits États insulaires en développement
du Pacifique, p. 2. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/77/
summaries.shtml (28e séance plénière).
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En tant qu’État archipel, la Papouasie-Nouvelle-Guinée estime que la nécessité
de préserver la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques de
nos zones maritimes est de la plus haute importance, y compris eu égard à ses
eaux archipélagiques. La délégation de la Papouasie -Nouvelle-Guinée se félicite
donc de l’accent mis dans la note thématique établie par le Groupe d ’étude sur
la nécessité de préserver la stabilité, la sécurité, la certi tude et la prévisibilité
juridiques83. [Traduction non officielle]
Dans sa déclaration de 2021, elle précise de manière plus directe encore ce qu ’elle
entend par « stabilité juridique » :
La stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques sont nécessaires
pour maintenir la paix et la sécurité et des relations harmonieuses entre les États,
et pour éviter les conflits [...]. Par « stabilité juridique », nous entendons la
nécessité de préserver les lignes de base et limites extérieures des zones
maritimes. [...] [I]l n’y a aucune disposition dans la Convention qui fasse
obligation aux États de garder à l’étude et de mettre à jour les lignes de base et
les limites extérieures de leurs zones maritimes une fois que les informations
correspondantes ont été déposées auprès du Secrétaire général de l ’ONU
conformément à la Convention84. [Traduction non officielle]
Elle fait des références similaires dans sa déclaration de 2022 85.
40. Dans la déclaration qu’ils ont présentée en 2020, les États fédérés de
Micronésie, membres eux aussi du Forum des îles du Pacifique, font expressément
référence à la stabilité juridique :
Nous souscrivons aux observations [formulées dans la première note
thématique] selon lesquelles la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer de 1982 [...] n’envisage pas le phénomène de l’élévation du niveau de la
mer, n’interdit pas aux États parties de préserver leurs zones maritimes et les
droits qui en découlent à perpétuité une fois lesdites zones délimitées
conformément à ses dispositions, et devrait être interprétée et appliquée d ’une
manière qui favorise la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité
juridiques86. [Traduction non officielle]
Ils poursuivent en donnant des informations sur leur pratique en la matière :
Au début de cette année, les États fédérés de Micronésie ont officiellement
déposé auprès du Secrétaire général les listes de coordonnées géographiques de
points de leurs zones maritimes et les cartes illustratives correspondantes [...]
Dans le cadre de cette démarche, ils ont également déposé officiellement une
série d’observations écrites, dans lesquelles ils déclarent être un État
particulièrement touché par l’élévation du niveau de la mer et les changements
climatiques, exposent leur position selon laquelle ils ne sont pas tenus de revoir
les zones maritimes telles qu’elles ressortent des listes de coordonnées
géographiques et cartes déposées, établies conformément à la Con vention, et
annoncent leur intention de maintenir ces zones maritimes en conséquence,
malgré l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques. Ces
observations figurent dans la notification officielle soumise cette année au
__________________
83 Déclaration présentée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2020, p. 3. Disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
84 Déclaration présentée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2021 (voir supra la note 73), p. 2 et 3.
85 Déclaration présentée par la Papouasie-Nouvelle-Guinée en 2022 (voir supra la note 74).
86 Déclaration présentée par les États fédérés de Micronésie en 2020, p. 1. Disponible à l ’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
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Secrétaire général en sa qualité de dépositaire de la Convention 87. [Traduction
non officielle]
Dans leur déclaration de 2021, ils se montrent encore plus clairs :
[Les États fédérés de Micronésie] soulignent que, lorsqu ’ils évoquent
l’importance de la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques
en ce qui concerne les éléments du droit de la mer en lien avec le sujet de
l’élévation du niveau de la mer, ils entendent qu ’il importe de préserver les
zones maritimes et les droits qui en découlent sans les remettre en cause,
nonobstant l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.
[...] [L]es droits qui découlent des zones maritimes initialement établies par un
État côtier ne doivent jamais être réduits sur la seule base de l ’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques. [...] [L]a préservation des
zones maritimes et des droits qui en découlent est l ’approche la plus adaptée et
la plus juste eu égard à l’objectif visé88. [Traduction non officielle]
41. Dans la déclaration qu’elles ont présentée en 2020, les Tonga, également
membres du Forum des îles du Pacifique, tiennent le même raisonnement :
Les Tonga continuent d’affirmer que les lignes de base qui déterminent ses
frontières territoriales, une fois qu ’elles ont été établies au titre de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer, doivent demeurer inchangées
nonobstant les effets de l’élévation du niveau de la mer et toute modification
qui pourrait découler des changements climatiques. Notre souveraineté ne d oit
pas être compromise à cet égard89. [Traduction non officielle]
Dans leur déclaration de 2021, elles se montrent plus claires encore :
On ne saurait trop souligner les effets catastrophiques qu ’entraîne l’élévation du
niveau de la mer.
Cette réalité inédite n’a pas été envisagée lors de la négociation de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer venue instituer le régime
juridique de gouvernance des océans il y a 40 ans. La réflexion que la CDI mène
sur ce sujet est capitale, le but étant de combler cette lacune et de renforcer le
cadre de la Convention pour qu ’il permette de faire face à la réalité moderne de
l’élévation du niveau de la mer.
C’est pour les raisons susmentionnées que les dirigeants du Forum des îles du
Pacifique sont résolus à veiller à ce que les zones maritimes des États Membres
du Pacifique soient délimitées conformément aux prescriptions de la
Convention et à ce que la délimitation n’en soit pas contestée ou remise en cause
par suite de l’élévation du niveau de la mer consécutive aux changements
climatiques. Nous soutenons qu’il importe de préserver les lignes de base et
limites extérieures des zones maritimes mesurées à partir de celles -ci, ainsi que
les droits qui en découlent, nonobstant la montée du niveau de la mer liée aux
changements climatiques. [La Convention] doit être interprétée dans le respect
des droits et de la souveraineté des petits États insulaires en développement
vulnérables. [...]
[...] Nous nous félicitons de la conclusion prélimin aire formulée par la
Commission au paragraphe 104 de la première note thématique selon laquelle
__________________
87 Ibid., p. 2.
88 Déclaration présentée par les États fédérés de Micronésie en 2021 (voir supra la note 78).
89 Déclaration présentée par les Tonga en 2020. Disponible à l ’adresse suivante : https://www.un.org/
en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg.
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le maintien des zones maritimes une fois les notifications déposées peut être
compatible avec la Convention90. [Traduction non officielle]
42. Dans la déclaration qu’elles ont présentée en 2020, les Îles Salomon, membres
elles aussi du Forum des îles du Pacifique, font également référence aux lignes de
base fixes dans le contexte de la stabilité :
[La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] n ’envisage pas de
manière adéquate l’élévation rapide du niveau de la mer. Cette ambiguïté a été
mise en avant dans la note thématique du Groupe d ’étude. [...]
La délégation salomonaise considère que les frontières maritimes et les lignes
de base archipélagiques sont fixes. Une fois que les limites des zones maritimes
nationales sont déterminées conformément à la [Convention] et déposées auprès
du Secrétaire général, notre interprétation du droit international est qu ’aucune
modification ne devrait y être apportée malg ré l’élévation du niveau de la mer.
Des lignes de base fixes contribuent à la certitude, à la prévisibilité et à la
stabilité des frontières maritimes en droit international. Elles garantissent des
résultats justes et équitables en préservant les droits ma ritimes que les petits
États insulaires en développement et de nombreux autres États tiennent pour
acquis.
Cette stabilité est de la plus haute importance pour les Îles Salomon [...].
Conformément au droit international et à la pratique régionale, les Île s Salomon
ont déposé les coordonnées géographiques de presque toutes leurs zones
maritimes auprès de [la Division des affaires maritimes et du droit de la mer].
Ces zones sont fixées et ne devraient pas être modifiées malgré l ’élévation du
niveau de la mer91. [Traduction non officielle]
Les Îles Salomon réitèrent leur position dans leur déclaration de 2021 :
Une fois que les limites des zones maritimes nationales sont déterminées
conformément à la [Convention] et déposées auprès du Secrétaire général, notr e
interprétation du droit international est qu ’aucune modification ne devrait y être
apportée malgré l’élévation du niveau de la mer, ainsi que le prescrivent les
principes cardinaux de certitude, de prévisibilité et de stabilité 92. [Traduction
non officielle]
43. Dans la déclaration qu’ils ont faite en 2021, les Tuvalu, également membres du
Forum des îles du Pacifique, font expressément référence à la stabilité juridique :
« Comme indiqué dans la première note thématique et comme l ’ont relevé de
nombreux États Membres, la préservation de la stabilité, de la sécurité, de la certitude
et de la prévisibilité juridiques constitue un souci primordial qui est au coeur -même
du sujet. Cette question s’inscrit en outre dans le droit fil de l’objectif général de [la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer], tel qu ’énoncé dans son
préambule »93. [Traduction non officielle]
44. Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2021, l’Australie, également membre
du Forum des îles du Pacifique, fait référence à la question de la stabilité en ces
termes :
__________________
90 Déclaration présentée par les Tonga en 2021, p. 1 et 2. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
91 Déclaration présentée par les Îles Salomon en 2020, p. 2 et 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
92 Déclaration présentée par les Îles Salomon en 2021, p. 1. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
93 Déclaration présentée par les Tuvalu en 2021, p. 2. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#23mtg .
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[I]l est important que nous protégions nos zones maritimes, établies
conformément aux dispositions de [la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer], de l’élévation du niveau de la mer.
[...] La Déclaration [sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation
du niveau de la mer liée aux changements climatiques] adoptée par les dirigeants
du Forum des Îles du Pacifique le 6 août 2021 [...] est étayée par les principes
juridiques qui la sous-tendent, y compris la stabilité, la sécurité, la certitude et
la prévisibilité juridiques.
L’Australie est résolue à oeuvrer avec tous les États pour préserver les zones
maritimes et les droits qui en découlent [...] dans le respect du droit
international, en particulier la Convention94. [Traduction non officielle]
45. Dans sa déclaration de 2020, la Nouvelle-Zélande, membre elle aussi du Forum
des îles du Pacifique, fait directement référence à la stabilité juridique : « La
Nouvelle-Zélande convient que le principe d e stabilité et de certitude sous-tend [la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer], au même titre que les principes
de justice et d’équité, de bonne foi et de réciprocité et que l ’obligation des États de
coopérer. [...] [C]es principes sont tou s pertinents s’agissant de l’élévation du niveau
de la mer et du droit international »95 [traduction non officielle]. Dans sa déclaration
de 2021, elle se montre plus claire encore :
Nous rappelons que [la Convention] a été adoptée comme un tout et représente
un équilibre délicat de droits et d’obligations qui ont un rôle crucial à jouer dans
le développement de nombreux États. Il est dans l ’intérêt de la communauté
internationale de préserver cet équilibre et de garantir la certitude, la sécurité,
la stabilité et la prévisibilité en ce qui concerne les zones maritimes. La
Nouvelle-Zélande est déterminée à travailler de manière constructive avec les
autres États à cette fin96. [Traduction non officielle]
Elle mentionne également « l’urgence » qu’il y a à « sécuriser les zones maritimes
pour les générations futures » et se réfère à la Déclaration sur la préservation des
zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements
climatiques adoptée par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique le 6 août 2021
et à la Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance des petits États
insulaires adoptée en septembre 2021 97.
46. Dans la déclaration qu’il a présentée en 2020 au nom de l’Alliance des petits
États insulaires, le Belize abonde dans le même sens :
Nous souscrivons à l’observation formulée dans la première note thématique
selon laquelle rien n’empêche les États Membres de déposer des coordonnées
géographiques ou des cartes à grande échelle concernant les lignes d e base et
les limites extérieures des zones maritimes mesurées à partir des lignes de base,
conformément à la [Convention], et, ensuite, de ne pas mettre à jour ces
coordonnées ou ces cartes afin de préserver leurs droits. [...] Comme indiqué
dans la première note thématique, une approche répondant adéquatement à la
nécessité de préserver la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité
juridiques est fondée sur la préservation des lignes de base et des limites
__________________
94 Déclaration présentée par l’Australie en 2021 (voir supra la note 79), p. 2.
95 Déclaration présentée par la Nouvelle-Zélande en 2020, p. 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
96 Déclaration présentée par la Nouvelle-Zélande en 2021 (voir supra la note 75), p. 4 et 5.
Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
97 Ibid., p. 4.
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extérieures des zones maritimes mesurées à partie de celles-ci, ainsi que sur la
protection des droits qui en découlent.
[...] [I]l existe un ensemble de pratiques étatiques en cours de développement
concernant la préservation des zones maritimes et des droits qui en découlent.
De nombreux petits États insulaires de faible altitude ont pris des mesures
politiques et législatives pour préserver leurs lignes de base et l ’étendue
actuelle de leurs zones maritimes en adoptant des lois internes, en concluant des
accords relatifs à leurs frontières maritimes et en déposant des cartes et des
coordonnées accompagnées de déclarations.
[...] Cette pratique étatique est le socle de l ’observation formulée par les
Coprésidents selon laquelle, pour préserver les zones maritimes et les droits qui
en résultent, les États parties ne sont pas tenus d ’actualiser leurs coordonnées
ou cartes une fois qu’ils les ont déposées.
[...] Dans la conclusion, il est dit que « néanmoins, l’absence d’une règle
coutumière générale est sans effet sur l ’interprétation de la Convention, fondée
sur la pratique ultérieure de ses États partie »98. [Traduction non officielle]
Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2021 au nom de l’Alliance des petits États
insulaires, Antigua-et-Barbuda vient renforcer le sens donné à la stabi lité juridique
dans sa déclaration de 2020 : « Pour les petits États insulaires en développement, la
stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques en ce qui concerne nos
zones maritimes sont d’une importance capitale. Comme nous l’avons indiqué l’année
dernière, cela passe par la préservation des lignes de base et des limites extérieures
des zones maritimes mesurées à partir de celles -ci, ainsi que des droits de ces États »99
[traduction non officielle]. Se référant à la Déclaration des chefs d’État et de
gouvernement de l’Alliance des petits États insulaires, elle a relevé ce qui suit :
Cette déclaration reflète l’interprétation de l’Alliance des petits États insulaires
de la Convention selon laquelle il n ’y a pas d’obligation de garder à l’étude ou
de mettre à jour les lignes de base et les limites extérieures une fois qu ’elles ont
été déposées auprès du Secrétaire général, ainsi qu ’en ce qui concerne la
pratique de nombreux petits États insulaires en développement sur cette
question. Cela fait écho à la Déclaration des chefs d ’État et de gouvernement du
Forum des îles du Pacifique adoptée en août et aux observations préliminaires
formulées dans la première note thématique 100. [Traduction non officielle]
Antigua-et-Barbuda poursuit en réitérant les observations formulées par le Belize au
nom de l’Alliance, en 2020, concernant le développement de la pratique des États en
matière de préservation des lignes de base et de l ’étendue actuelle de leurs zones
maritimes101. Dans sa déclaration au nom de l’Alliance des petits États insulaires en
2022, elle se réfère à nouveau à la Déclaration des chefs d ’État et de gouvernement
de l’Alliance des petits États insulaires de septembre 2021 :
Dans cette déclaration négociée, les dirigeants [de l ’Alliance] ont affirmé qu’il
n’y avait [dans la Convention] aucune obligation de garder les lignes de base et
les limites extérieures des zones maritimes à l ’étude, ni d’actualiser les cartes
ou les listes de coordonnées géographiques une fois qu ’elles avaient été
déposées auprès du Secrétaire général [...], et que les zones maritimes en
__________________
98 Déclaration présentée en 2020 par le Belize au nom de l ’Alliance des petits États insulaires, p. 2
et 3. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg .
99 Déclaration présentée en 2021 par Antigua -et-Barbuda au nom de l’Alliance des petits États
insulaires, p. 2. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/
summaries.shtml#19mtg.
100 Ibid., p. 2.
101 Ibid., p. 2 et 3.
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question et les droits y attachés devaient être maintenus sans aucune réduction,
nonobstant les éventuelles modifications physiques découlant de l ’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques. Nous nous félicitons que
d’autres États, y compris certains des plus grands États côtiers, comprennent le
droit international de la même façon, reconnaissant qu ’il importe de garantir la
stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques102. [Traduction non
officielle]
47. Dans leurs déclarations, les États d’Asie ont fait des références analogues à la
stabilité juridique.
48. Par exemple, dans leur déclaration de 2020, les Maldives évoquent
l’interprétation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer dans le
contexte de la stabilité juridique :
[N]otre interprétation [de la Convention] est que, une fois qu ’un État a déposé
les cartes et/ou coordonnées géographiques appropriées au près du Secrétaire
général, ses droits sont établis et ne seront pas altérés par les modifications
ultérieures de sa géographie physique résultant de l ’élévation du niveau de la
mer. Les lignes de base et les droits maritimes restent inchangés. Il y va de la
stabilité, de la certitude, de l’équité et de la justice.
[...] La Convention n’interdit pas aux États de maintenir les lignes de base
précédemment établies et les autres limites des zones maritimes mesurées à
partir de ces lignes de base et de préserv er ainsi leurs droits maritimes.
[...] Les Maldives souscrivent également à l’observation formulée [dans la
première note thématique] selon laquelle il existe une pratique étatique visant
le gel des lignes de base et des limites extérieures des zones mari times et une
opinio juris de plus en plus affirmée en ce qui concerne ces droits maritimes 103.
[Traduction non officielle]
Les Maldives défendent le même raisonnement dans leur déclaration de 2021 :
Selon notre interprétation, [la Convention] ne commande p as de mettre
régulièrement à jour ces informations. Une fois qu ’un État a déposé les cartes
et zones maritimes appropriées, les lignes de base et les droits maritimes sont
fixes et ne peuvent être altérés par les modifications ultérieures de sa géographie
physique résultant de l’élévation du niveau de la mer. Cette interprétation
s’impose pour appuyer les objectifs de stabilité, de sécurité, de certitude et de
prévisibilité tels qu’énoncés dans la première note thématique et examinés dans
le rapport [de la Commission à sa soixante-douzième session]104. [Traduction
non officielle]
49. Dans sa déclaration de 2021, le Viet Nam fait explicitement référence à la
question de la stabilité juridique et, implicitement, à la manière dont il convient
d’interpréter la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour garantir cette
stabilité : « L’approche visant à traiter les implications de l ’élévation du niveau de la
mer devrait garantir la stabilité et la sécurité dans les relations internationales, y
compris la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques, sans qu ’il
__________________
102 Déclaration présentée par Antigua-et-Barbuda en 2022 au nom de l’Alliance des petits États
insulaires, par. 4. Disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/77/
summaries.shtml (28e séance plénière).
103 Déclaration présentée par les Maldives en 2020, p. 4 à 6. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/75/summaries.shtml#13mtg.
104 Déclaration présentée par les Maldives en 2021, p. 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
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soit question d’amender ou de compléter [la Convention] »105. [Traduction non
officielle]
50. Dans sa déclaration de 2021, Sri Lanka évoque la manière dont la Convention
peut être interprétée face aux effets de l’élévation du niveau de la mer :
Une approche fondée sur des lignes de base fixes pour l ’établissement des
limites extérieures des zones maritimes signifie que les frontières maritimes des
États sont permanentes et que leur s lignes de base resteront inchangées même
si les zones côtières sont inondées du fait de l ’élévation du niveau de la mer. La
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n ’interdit aucunement de
recourir soit à des lignes de base mouvantes soit à d es lignes de base fixes. Le
temps est peut-être venu pour la Commission d’examiner si la Convention
pourrait être modifiée d’un commun accord ou sur la base de la pratique
ultérieure de tous les États parties106. [Traduction non officielle]
51. Dans sa déclaration de 2021, la Malaisie l’exprime clairement elle aussi : « La
Malaisie partage l’avis de la majorité des États selon lequel les lignes de base, les
limites et les frontières maritimes devraient être fixées à perpétuité, quelles que soient
les incidences éventuelles de l’élévation du niveau de la mer »107 [traduction non
officielle]. De même, la Thaïlande fait observer ce qui suit dans sa déclaration de
2021 : « La Thaïlande estime que le maintien de la paix, de la stabilité et des relations
amicales entre les États passe par la protection des droits attachés à leurs zones et
frontières maritimes, tels que garantis par la [Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer] »108 [traduction non officielle]. La Thaïlande réitère cette affirmation
dans sa déclaration de 2022109.
52. Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2021, l’Indonésie fait également
référence à la stabilité juridique :
[N]ous convenons que les principes de certitude, de sécurité et de prévisibilité
et la préservation de l’équilibre des droits et des obligations doivent être
maintenus.
[...] les cartes ou listes de coordonnées géographiques des lignes de base qui ont
été déposées auprès du Secrétaire général conformément à l’article 16,
paragraphe 2, et à l’article 47, paragraphe 9, de la Convention conservent leur
pertinence.
Nous sommes d’avis que [...] le maintien des lignes de base et des limites
maritimes existantes conformément aux principes de certitude, de sécurité et de
prévisibilité [...] reflète également les intérêts de nombreu x États en ce qui
concerne les effets de l’élévation du niveau de la mer110. [Traduction non
officielle]
__________________
105 Déclaration présentée par le Viet Nam en 2021. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
106 Déclaration présentée par Sri Lanka en 2021. Voir A/C.6/76/SR.21, par. 111.
107 Déclaration présentée par la Malaisie en 2021, p. 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
108 Déclaration présentée par la Thaïlande en 2021, par. 5. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
109 Déclaration présentée par la Thaïlande en 2022, par. 7. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (28e séance plénière).
110 Déclaration présentée par l’Indonésie en 2021, p. 2. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
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Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2022, l’Indonésie évoque notamment le
« besoin de stabilité et de sécurité en le droit de la mer »111.
53. Dans la déclaration qu’elles ont présentée en 2021, les Philippines expliquent
ce qui suit :
Les Philippines mettent en garde contre les déductions en faveur du caractère
mouvant des lignes de base en l’absence de pratiques étatiques positives et d’une
opinio juris sur la question. [...] [S]e fonder sur la stabilité, la sécurité, la
certitude et la prévisibilité juridiques du droit international est une approche
dont on ne peut que se féliciter. [...] [L]e principe de l ’immutabilité des
frontières [...], conformément au principe de l’uti possidetis juris, revêt une
certaine valeur à cet égard. On pourrait donc envisager un principe analogue en
faveur des lignes de base permanentes112. [Traduction non officielle]
54. La Jordanie indique dans sa déclaration de 202 1 que « le texte auquel aboutirait
les travaux [...] devrait tenir compte de la sécurité juridique, de l ’équité et de la
stabilité et équilibrer les intérêts légitimes de tous les États concernés et de la
communauté internationale dans son ensemble »113.
55. Dans leurs déclarations, les États d’Afrique ont également évoqué la stabilité
juridique.
56. La Sierre Leone fait référence à la stabilité juridique dans sa déclaration de
2021 : « Nous [...] notons avec intérêt que le Groupe d ’étude a accueilli
favorablement le raisonnement tenu par certains États Membres selon lequel il faut
entendre par “stabilité juridique” la “nécessité de préserver les lignes de base et les
limites extérieures des zones maritimes ” »114 [traduction non officielle]. Dans sa
déclaration de 2021, l’Égypte a estimé que « les limites maritimes doivent être fixes
et non mouvantes »115. Dans sa déclaration de 2021, l’Algérie « s’est félicitée du fait
que le Groupe d’étude sur le sujet ait examiné la pratique des États africains en
matière de délimitation maritime et ait confirmé que les principes du droit
international étayaient la thèse des lignes de base fixes »116.
57. Dans leurs déclarations, les États d’Amérique latine ont également évoqué la
stabilité juridique.
58. Par exemple, dans sa déclaration de 2021, Cuba indique ce qui suit :
Cuba a conscience que la Convention est muette sur les questions soulevées par
ce sujet, du fait de l’époque à laquelle elle a été adoptée. Néanmoins, il est
essentiel de garantir le respect inconditionnel des dispositions figurant dans cet
instrument en matière de limites et frontières maritimes, même quand la
__________________
111 Déclaration présentée par l’Indonésie en 2022, par. 17. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (29e séance plénière).
112 Déclaration présentée par les Philippines en 2021, p. 2 et 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#23mtg .
113 Déclaration présentée par la Jordanie en 2021, p. 6. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#24mtg .
114 Déclaration présentée par la Sierra Leone en 2021, par. 13. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg .
115 Déclaration présentée par l’Égypte en 2021. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg (En arabe uniquement). Voir aussi
A/C.6/76/SR.20, par. 58.
116 Déclaration présentée par l’Algérie en 2021. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg (En arabe uniquement). Voir aussi
A/C.6/76/SR.22, par. 99.
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géographie physique de ces dernières se trouve altérée du fait de l ’élévation du
niveau de la mer117. [Traduction non officielle]
Dans sa déclaration de 2022, Cuba réitère sa position et ajoute que, si les lignes de
base ou les frontières maritimes étaient modifiées du fait de l ’élévation du niveau de
la mer, « [c]ela entraînerait une dépense supplémentaire très difficile à assumer pour
les petits États insulaires, en sus de l’insécurité juridique qui en découlerait, en raison
de la perte de ressources naturelles nécessaires à leur économie »118. [Traduction non
officielle]
59. Dans sa déclaration de 2021, le Chili explique expressément ce qu’il entend par
« stabilité juridique » :
Le Chili convient que les principes de stabilité, de sécurité, de certitude et de
prévisibilité doivent être appliqués dans l’analyse des questions relevant du
mandat [du Groupe d’étude], étant entendu que, comme souligné par les
délégations des États touchés par l’élévation du niveau de la mer, la « stabilité
juridique » exige de préserver les lignes de base et les limites extérieures des
zones maritimes.
La thèse des lignes mouvantes, si elle devait être retenue, serait particulièrement
préoccupante et aurait pour effet immédiat une perte de souveraineté et de droits
juridictionnels pour les États côtiers et insulaires et une réduction
correspondante de leurs zones maritimes.
[...] [S]i les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes d ’un
État côtier ou d’un État archipel ont été correctement tracées conformément à la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, il ne devrait pas y avoir
d’obligation de les recalculer dans le cas où la variation du niveau de la mer
viendrait modifier la réalité géographique du littoral 119. [Traduction non
officielle]
60. Dans sa déclaration de 2021, l’Argentine est tout aussi directe :
[...] [S]’agissant des conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur les
limites des espaces maritimes, il convient de noter qu ’en termes de sécurité
juridique, il semble approprié de considérer qu ’une fois que les lignes de base
et les limites extérieures des espaces maritimes d ’un État côtier ou archipel ont
été correctement tracées comme prescrit par la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, qui consacre également le droit international coutumier,
il ne devrait pas y avoir d’obligation de réajuster ces lignes de base et ces limites
au cas où des changements du niveau de la mer affecteraient la réalité
géographique de la côte120. [Traduction non officielle]
61. Par exemple, dans sa déclaration de 2021, le Costa Rica indique ce qui suit :
__________________
117 Déclaration présentée par Cuba en 2021, p. 4. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg (en espagnol uniquement). Voir aussi
A/C.6/76/SR.21, par. 31.
118 Déclaration présentée par Cuba en 2022, p. 4. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (27e séance plénière ; en espagnol
uniquement).
119 Déclaration présentée par le Chili en 2021, p. 5 et 6. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg (en espagnol uniquement). Voir aussi
A/C.6/76/SR.21, par. 55 à 56.
120 Déclaration présentée par l’Argentine en 2021, p. 3. Disponible sur https://www.un.org/en/ga/
sixth/76/summaries.shtml#22mtg (en espagnol uniquement). Voir aussi A/C.6/76/SR.22, par. 32.
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Le Costa Rica tient à souligner [...] qu’il faut appliquer les principes de stabilité,
de sécurité, de certitude et de prévisibilité pour maintenir l ’équilibre des droits
et des obligations entre les États côtiers et les autres États.
[...] [L]e Costa Rica se félicite que [le Groupe d ’étude] ait étudié un arrêt de la
[Cour internationale de Justice] qui a servi à établir les frontières maritimes
entre le Costa Rica et le Nicaragua, en utilisant une ligne de délimitation mobile
dans un segment qui reliait la côte au point fixe du début de la frontiè re
maritime. Comme le montre cette affaire, dans certaines situations où la
géomorphologie côtière est variable, une solution telle que celle qui a été arrêtée
par la Cour dans ce cas précis est idéale pour assurer sécurité et stabilité aux
parties malgré les variations fréquentes du point terminal de la frontière
terrestre121. [Traduction non officielle]
62. Dans leurs déclarations, les États Membres d ’Europe ont également évoqué la
stabilité juridique.
63. Par exemple, dans la déclaration qu’elle a faite en 2021 au nom des pays
nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), l ’Islande fait référence
à la stabilité, mais en des termes plus généraux :
[La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] apporte prévisibilité et
stabilité, et son caractère universel et unifié doit donc être préservé et renforcé.
Comme tout autre instrument juridique, [la Convention] doit être interprétée
compte tenu des changements de circonstances, mais il est trop tôt pour que les
pays nordiques fassent des commentaires sur les conséquences juridiques
précises de l’élévation du niveau de la mer en ce qui la concerne »122.
[Traduction non officielle]
64. Le Royaume des Pays-Bas, dans sa déclaration de 2021, fait également référence
à la stabilité juridique :
Le Royaume des Pays-Bas est guidé par les notions de sécurité et de stabilité
juridiques, tout en restant fermement attaché à la primauté de la [Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer]. [...] [C]ertaines solutions potentielles
méritent d’être examinées plus avant. Nous tenons en particulier à faire observer
que l’option consistant simplement à conserver les limites extérieures des zones
maritimes établies pour éviter que les États ne perdent des zones maritimes ne
fait pas l’objet d’une grande attention dans [la première note thématique] 123.
[Traduction non officielle]
65. Dans la déclaration qu’elle a présentée en 2021, l’Italie fait également référence
à la stabilité juridique :
L’Italie souhaite souligner l’importance de la stabilité, de la sécurité et de la
certitude juridiques en ce qui concerne les lignes de base et la délimitation
maritime. [...] Il faut souligner en outre que tout principe de permanence des
lignes de base, établies et présentées conformément au droit international, doit
se référer uniquement à l’élévation du niveau de la mer causée par le
__________________
121 Déclaration présentée par le Costa Rica en 2021, p. 2 et 3. Disponible sur https://www.un.org/en/
ga/sixth/76/summaries.shtml#23mtg (en espagnol uniquement). Voir aussi A/C.6/76/SR.23, par. 13
et 14.
122 Déclaration présentée en 2021 par l’Islande au nom des pays nordiques (à savoir le Danemark, la
Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède), p. 5. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#19mtg .
123 Déclaration présentée par le Royaume des Pays -Bas en 2021, p. 5 et 6. Disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg .
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changement climatique et non à d’autres circonstances, notamment l’accrétion
des terres124.
66. Dans sa déclaration de 2021, la Roumanie affirme qu ’il « ne fait aucun doute
que l’élévation du niveau de la mer fait naître de plus en plus de défis, y compris en
ce qui concerne la sécurité et la stabilité juridiques dans le monde ». Elle évoque
également le débat qui a animé le Groupe d ’étude concernant le caractère mouvant
ou fixe des lignes de base : « on peut interpréter notre législation comme étant en
faveur de la mutabilité, bien qu’il soit difficile d’établir un lien avec un cas précis
d’élévation du niveau de la mer, eu égard à la particularité de la mer Noire qui, se
trouvant être semi-fermée, est moins exposée à ce phénomène »125. Dans sa
déclaration de 2022, la Roumanie est plus explicite et souligne « que la préservation
des lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes est cruciale pour la
stabilité juridique »126.
67. Dans sa déclaration de 2022, l’Allemagne fait référence à sa communication de
2022127, dans laquelle elle « donne [son] interprétation des dispositions de la
[Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] pour ce qui est de la stabilité
des lignes de base. De [son] point de vue, une lecture contemporaine des dispositions
de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer donne à l’État côtier le droit
d’actualiser ses lignes de base lorsque le niveau de la mer monte ou descend ou que
le trait de côte recule, mais l’État côtier n’y est pas tenu »128 [traduction non
officielle].
68. Dans sa déclaration de 2021, la République tchèque évoque la stabilité juridique
en des termes plus généraux : « Afin de contribuer à la stabilité, à la certitude et à la
prévisibilité juridiques dans les efforts entrepris pour surmonter ces problèmes, il est
primordial que la Commission et le Groupe d’étude mènent leurs travaux sur ce sujet
dans le strict respect du régime juridique en vigueur concernant le droit de la mer, et
en particulier de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 »129
[traduction non officielle]. La Slo vénie aborde également la question dans la
déclaration qu’elle a présentée en 2021 : « Le défi colossal que constitue l’élévation
du niveau de la mer, pour ce qui est des effets que ce phénomène est susceptible
d’avoir sur les lignes de base, les espaces maritimes, [...] ainsi que sur l’exercice des
droits souverain et de la juridiction, montre combien il importe de suivre une approche
multiforme et approfondie et de trouver de nouvelles solutions fondées notamment
sur la certitude et la prévisibilité juridiques »130 [traduction non officielle].
69. Dans sa déclaration de 2021, l’Estonie fait également clairement référence à la
stabilité juridique en ce qui concerne la thèse des lignes de base et des limites
extérieures fixes, qui peut trouver son fondement dans l’interprétation de la
Convention :
__________________
124 Déclaration présentée par l’Italie en 2021, p. 4. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg .
125 Déclaration présentée par la Roumanie en 2021, p. 4 et 5. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
126 Déclaration présentée par la Roumanie en 2022, p. 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (27e séance plénière).
127 Voir supra la note 62.
128 Déclaration présentée par l’Allemagne en 2022, p. 4. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (27e séance plénière).
129 Déclaration présentée par la République tchèque en 2021, p. 3 et 4. Disponible à l ’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
130 Déclaration présentée par la Slovénie en 2021, p. 4. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
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[N]ous nous félicitons de la conclusion formulée dans la première note
thématique selon laquelle l’objectif du Groupe d’étude est de trouver des
solutions aux défis posés par l’élévation du niveau de la mer dans la Convention.
Il faut également garder à l’esprit la nécessité de préserver la stabilité, la
sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques dans les relations
internationales. Nous nous réjouissons que le Groupe d ’étude ait trouvé des
moyens d’interpréter [la Convention] qui satisfont au besoin de stabilité dans
les relations interétatiques.
Nous souscrivons à l’idée consistant à cesser de mettre à jour les notifications
déposées conformément à [la Convention], pour ce qui est des lignes de base et
des limites extérieures des zones maritimes mesurées à partir des lignes de base,
après que les effets négatifs de l’élévation du niveau de la mer se sont produits
afin de préserver [...] les droits des États 131. [Traduction non officielle]
70. Dans sa déclaration de 2021, la Fédération de Russie explique que « l’une des
principales questions à cet égard est celle des lignes de base [...] [I]l importe de
trouver une solution pratique qui soit compatible avec la [Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer], d’une part, et avec les préoccupations des États touchés
par l’élévation du niveau de la mer, d’autre part »132. [Traduction non officielle]
71. Dans sa déclaration de 2021, Chypre indique ce qui suit :
[L]es États côtiers touchés devraient avoir le droit de tracer des lignes de base
qui resteraient permanentes en vertu de l’article 16 de [la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer], même en cas de recul ultérieur de la laisse
de basse mer. Conforme à la Convention, cette solution viendrait sauveg arder
les droits juridiques des États côtiers eu égard aux changements climatiques et
à leur cortège de phénomènes préoccupants.
En outre, les lignes de base doivent revêtir un caractère permanent et non
mouvant de sorte à garantir une plus grande prévisi bilité.
[...] Il est clair que l’obligation faite aux États côtiers, par l’article 16 de [la
Convention], d’indiquer sur des cartes marines ou par une liste de coordonnées
géographiques de points les lignes de base à partir desquelles est mesurée la
largeur de la mer territoriale, ou les limites « qui en découlent », vise à garantir
la sécurité juridique. Rien n’indique que ces cartes doivent être révisées
périodiquement133. [Traduction non officielle]
Chypre emploie une formulation similaire dans sa déclaration de 2022 134.
72. Dans sa déclaration de 2021, la Grèce dit ce qui suit :
Les principes de prévisibilité, de stabilité et de certitude, qui sont inhérents à la
[Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] et en guident l ’application,
commandent de maintenir en l’état les lignes de base et les limites extérieures
des zones maritimes, ainsi que les droits maritimes qui en découlent,
conformément à la Convention. [...] Comme il a été observé à juste titre, cette
dernière ne prescrit nullement de revoir ou de recalculer les lignes de base et
__________________
131 Déclaration présentée par l’Estonie en 2021, p. 4. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg .
132 Déclaration de la Fédération de Russie de 2021. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg (En russe uniquement). Voir aussi
A/C.6/76/SR.22, par. 93.
133 Déclaration présentée par Chypre en 2021, p. 2 et 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
134 Déclaration présentée par Chypre en 2022, p. 1 à 3. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (28e séance plénière).
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limites extérieures des zones maritimes délimitées conformément à ses
dispositions135. [Traduction non officielle]
73. Dans sa déclaration de 2022, la Croatie dit clairement que, de son point de vue,
« les lignes de base sont fixes et une fois déterminées, les zones maritimes nationales
sont immutables, malgré l’élévation du niveau de la mer »136. [Traduction non
officielle]
74. Dans sa déclaration de 2022, la Bulgarie fait également référence à la stabilité
juridique en ce qui concerne les lignes de base :
[La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] n e fait aucunement
obligation aux États parties de réviser et de mettre à jour régulièrement leurs
lignes de base et les frontières de leurs espaces maritimes définis conformément
à ses dispositions applicables. Les conclusions selon lesquelles les États
devraient les revoir périodiquement pourraient avoir un effet négatif [...] sur les
relations entre les États côtiers et porter préjudice [...] à la stabilité dans
plusieurs régions du monde137. [Traduction non officielle]
75. Dans sa déclaration de 2022, l’Union européenne fait observer, notamment, que
« la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n ’impose aucune obligation
expresse aux États de revoir et de mettre à jour périodiquement toutes les cartes et
coordonnées qu’ils ont établies (ou convenues) et dûment publiées conformément aux
dispositions pertinentes de la Convention »138.
76. En outre, dans leur déclaration de 2022, les États -Unis d’Amérique observent
ce qui suit :
[L]es États-Unis ont annoncé une nouvelle politique concernant l’élévation du
niveau de la mer et les zones maritimes. Dans le cadre de cette politique, qui
reconnaît que de nouvelles tendances se dessinent dans les pratiques et les points
de vue des États sur la nécessité de zones maritimes stables face à l’élévation
du niveau de la mer, les États-Unis travailleront avec d’autres pays dans le but
d’établir légitimement et de préserver les lignes de base et les limites des zones
maritimes et ne contesteront pas lesdites lignes de base et limites qui ne so nt
pas mises à jour par la suite malgré l’élévation du niveau de la mer causée par
les changements climatiques139. [Traduction non officielle]
__________________
135 Déclaration présentée par la Grèce en 2021, p. 4 et 5. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/ilc.shtml (statement II).
136 Déclaration présentée par la Croatie en 2022, p. 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (25e séance plénière).
137 Déclaration présentée par la Bulgarie en 2022, p. 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (29e séance plénière).
138 Déclaration présentée par l’Union européenne (en sa qualité d’observatrice ; également au nom
des pays candidats, à savoir l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et la Serbie ; de la
Bosnie-Herzégovine, pays du processus de stabilisation et d ’association ; ainsi que de la Géorgie,
de la République de Moldova et de l’Ukraine) en 2022, par. 8. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (26e séance plénière).
139 Déclaration présentée par les États-Unis en 2022, p. 2. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (27e séance plénière). Voir États-Unis, Maison
Blanche, « Roadmap for a 21st-century US-Pacific island partnership », Fact sheet, 29 septembre
2022, « Élévation du niveau de la mer : les États-Unis adoptent une nouvelle politique concernant
l’élévation du niveau de la mer et les zones maritimes. Par cette politique, les États -Unis
reconnaissent que de nouvelles tendances se dessinent dans les pratiques et les po ints de vue des
États sur la nécessité de zones maritimes stables face à l ’élévation du niveau de la mer, tiennent
compte de la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation du niveau de la
mer liée aux changements climatiques adoptée par le Forum des Îles du Pacifique, s ’engagent à
oeuvrer aux côtés des États insulaires du Pacifique et d ’autres pays dans le but d’établir
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3. Déclarations collectives des organismes régionaux
77. Suite à la publication de la première note thématique en 2020 et à son examen
par la Commission en 2021, il convient tout particulièrement de souligner, dans le
cadre des mesures collectives prises par les États, que les 18 dirigeants du Forum des
îles du Pacifique ont adopté le 6 août 2021 la Décl aration sur la préservation des zones
maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques 140.
L’on y trouve des références importantes à la stabilité juridique en rapport avec la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et l’élévation du niveau de la
mer. Par exemple, on trouve ce qui suit dans le préambule :
Rappelant [...] que la Convention constituait un ensemble intégré et représentait
un équilibre délicat de droits et d’obligations, qu’elle avait été inspirée par le
désir de régler, dans un esprit de compréhension et de coopération mutuelles,
tous les problèmes concernant le droit de la mer et qu ’elle établissait, compte
dûment tenu de la souveraineté de tous les États, un ordre juridique durable pour
les mers et les océans,
Reconnaissant les principes de stabilité, de sécurité, de certitude et de
prévisibilité juridiques qui sous-tendent la Convention et la pertinence de ces
principes pour l’interprétation et l’application de la Convention dans le contexte
de l’élévation du niveau de la mer et des changements climatiques,
[...]
Considérant que le lien entre l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques et les espaces maritimes n ’a pas été envisagée par les
rédacteurs de la Convention à l’époque de sa négociation, et que la Convention
est partie du principe que, aux fins de la détermination des espaces maritimes,
les côtes et les formations maritimes étaient généralement considérées comme
stables. [Traduction non officielle]
78. Dans le dispositif de la Déclaration, les dirigeants du Forum des îles du
Pacifique :
Affirment que la Convention n’impose aucune obligation positive de maintenir
les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes à l ’étude, ni
d’actualiser les cartes ou les listes de coordonnées géographiques une fois
qu’elles ont été déposées auprès du Secrétaire général de l ’Organisation des
Nations Unies,
Présentent la position officielle des membres du Forum des îles du Pacifique
selon laquelle le maintien des zones maritimes établies conformément à la
Convention et des droits y attachés, nonobstant l ’élévation du niveau de la mer
liée aux changements climatiques, se fonde à la fois sur la Convention et sur les
principes juridiques qui la sous-tendent,
Déclarent qu’après avoir, conformément à la Convention, délimité [leurs] zones
maritimes et après les avoir déposées auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, [ils ont] l’intention de maintenir ces zones
__________________
légitimement et de préserver les lignes de base et les limites des zones maritimes et d ’encourager
d’autres pays à suivre cette voie. ». [Traduction non officielle]
140 Voir https://www.forumsec.org/2021/08/11/declaration-on-preserving-maritime-zones-in-the-faceof-
climate-change-related-sea-level-rise/. Le Forum des îles du Pacifique est une organisation
régionale composée de 18 membres : Australie, Îles Cook, États fédérés de Micronésie, Fidji,
Polynésie française, Kiribati, Nauru, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Nioué, Palaos,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, République des Îles Marshall, Samoa, Îles Salomon, Tonga, Tuvalu
et Vanuatu.
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23-02584 35/118
sans aucune réduction, nonobstant l’élévation du niveau de la mer liée aux
changements climatiques,
Déclarent en outre qu’[ils n’entendent] pas revoir et actualiser les lignes de
bases et les limites extérieures de [leurs] zones maritimes face à l ’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques, et
Proclament que [leurs] zones maritimes, telles que délimitées et notifiées au
Secrétaire général de l’ONU conformément à la Convention, et les droits y
attachés ne sauraient être remis en cause, quels que soient les effets physiqu es
de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.
[Traduction non officielle]
79. La Déclaration a été précédée notamment par l ’adoption d’une Déclaration des
dirigeants lors de la neuvième Réunion des dirigeants des Îles du Pacifique le 2 juillet
2021. Au paragraphe 12 de la Déclaration, les dirigeants des Îles du Pacifique « ont
noté conjointement qu’il importait de préserver les zones mari times établies
conformément à la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] et ont
convenu d’examiner plus avant la question de la préservation des zones maritimes,
correctement délimitées conformément à la Convention, face à l ’élévation du niveau
de la mer liée aux changements climatiques, y compris au niveau multilatéral »141
[traduction non officielle].
80. Après l’adoption de la Déclaration des dirigeants du Forum des îles du
Pacifique, la Déclaration des chefs d ’État et de Gouvernement de l’Alliance des petits
États insulaires a été adoptée le 22 septembre 2021 142. Au paragraphe 41 de la
Déclaration, les dirigeants de l’Alliance des petits États insulaires :
Affirment que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne fait
aucune obligation de garder les lignes de base et les limites extérieures des zones
maritimes à l’étude, ni d’actualiser les cartes ou les listes de coordonnées
géographiques une fois qu’elles ont été déposées auprès du Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies, et que les zones maritimes en question et
les droits y attachés doivent être maintenus sans aucune réduction, nonobstant
les éventuelles modifications physiques découlant de l ’élévation du niveau de
la mer liée aux changements climatiques. [Traducti on non officielle]
Selon Antigua-et-Barbuda, dans sa déclaration au nom de l’Alliance des petits États
insulaires en 2021 :
[La] déclaration reflète l’interprétation de l’Alliance des petits États insulaires
de la Convention selon laquelle il n ’y a pas d’obligation de garder à l’étude ou
de mettre à jour les lignes de base et les limites extérieures une fois qu ’elles ont
été déposées auprès du Secrétaire général, ainsi qu ’en ce qui concerne la
pratique de nombreux petits États insulaires en développement s ur cette
question. Cela fait écho à la Déclaration des chefs d ’État et de gouvernement du
__________________
141 Voir supra la note 59.
142 Voir https://www.aosis.org/launch-of-the-alliance-of-small-island-states-leaders-declaration/.
L’Alliance des petits États insulaires est une organisation rég ionale composée de 39 membres
issus des Caraïbes, du Pacifique, de l’Afrique, de l’océan Indien et de l’Asie du Sud-Est : Antiguaet-
Barbuda, Bahamas, Barbade, Belize, Cabo Verde, Comores, Cuba, Dominique, Fidji, Grenade,
Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Îles Cook, Îles Marshall, Îles Salomon, Jamaïque, Kiribati,
Maldives, Maurice, Micronésie (États fédérés de), Nauru, Nioué, Palaos, Papouasie -Nouvelle-
Guinée, République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les
Grenadines, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Singapour, Suriname, Timor-Leste, Tonga,
Trinité-et-Tobago, Tuvalu et Vanuatu.
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36/118 23-02584
Forum des îles du Pacifique adoptée en août et aux observations préliminaires
formulées dans la première note thématique 143. [Traduction non officielle]
81. Deux autres organisations ont également souscrit à la Déclaration des dirigeants
du Forum des îles du Pacifique d’août 2021 : le Forum de la vulnérabilité
climatique144 et l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique 145.
La Déclaration de Dacca-Glasgow du Forum de la vulnérabilité climatique du
2 novembre 2021 prévoit ce qui suit : « Nous, chefs d’État et de gouvernement et
hauts représentants du Forum de la vulnérabilité climatique, appelons tous les États à
appuyer les principes énoncés d ans la Déclaration sur la préservation des zones
maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques
adoptée par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique en 2021 »146 [traduction non
officielle]. La déclaration de la septième Réunion des Ministres de la pêche et de
l’aquaculture de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique du
8 avril 2022 énonce ce qui suit : « Nous, Ministres de la pêche et de l’aquaculture des
États membres de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique
[...] souscrivons à la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à
l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques adoptée par les
dirigeants du Forum des îles du Pacifique en 2021 »147. [Traduction non officielle]
B. Constatations préliminaires
82. Compte tenu de la présentation exhaustive des communications des États
Membres à la Commission, des déclarations faites à la Sixième Commission et des
positions collectives exprimées dans diverses déclarations internationales ou
régionales, un certain nombre de constatations préliminaires se dégagent.
83. Tout d’abord, il ressort indiscutablement de ces nombreuses communications et
déclarations que les éléments les plus souvent évoqués sont le s références – explicites
ou implicites – à la question de la stabilité juridique, y compris à la solution des lignes
de base fixes ou des limites extérieures fixes des zones maritimes mesurées à partir
de celles-ci, telle qu’examinée dans la première note thématique. Viennent ensuite les
références à la nécessité d’interpréter la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer de sorte à faire face aux effets de l’élévation du niveau de la mer ; dans la
plupart des cas, on en déduit que le sens de cette interprétation devrait être que la
Convention n’interdit pas de geler les lignes de base 148. Ces questions ont
manifestement été considérées par les États Membres comme les plus pertinentes en
ce qui concerne les aspects du droit de la mer liés à l ’élévation du niveau de la mer.
__________________
143 Voir supra la note 99.
144 Composé de 58 membres : 27 membres d’Afrique et du Moyen-Orient, 20 membres d’Asie et du
Pacifique et 11 membres d’Amérique latine et des Caraïbes. On trouvera des informations
supplémentaires à l’adresse suivante : https://thecvf.org/members/.
145 Composée de 79 membres originaires d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. On trouvera des
informations supplémentaires à l ’adresse suivante : https://www.oacps.org/.
146 Voir https://thecvf.org/our-voice/statements/dhaka-glasgow-declaration-of-the-cvf/.
147 Voir https://www.oacps.org/wp-content/uploads/2022/05/Declaration_-7thMMFA_EN.pdf, p. 8.
148 Comme indiqué ci-dessus, sur les 69 déclarations faites par 67 d élégations en 2021 à la Sixième
Commission, 25 ont fait référence à la stabilité juridique, 20 à la solution des lignes de base fixes,
11 à la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation du niveau de la mer
liée aux changements climatiques (qui aborde les sujets précédents), 11 à la nécessité d ’interpréter
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de sorte à aller dans le sens de lignes de
base fixes. En 2022, sur les 17 déclarations relatives aux aspects du droit de la mer liés à
l’élévation du niveau de la mer, 11 font référence à la solution des lignes de base fixes et 9 à la
stabilité juridique. On trouve également de telles références dans la grande majorité des
communications.
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Cette évolution intéressante de l’attention portée par les États Membres à ces aspects
a également été remarquée par la doctrine 149.
84. Deuxièmement, l’importance accordée par les États Membres à la stabilité
juridique – et à la certitude, la sécurité et la prévisibilité juridiques – est très concrète
et envisagée de façon pragmatique. À l’exception d’un nombre très limité d’États
Membres qui font référence dans leurs déclaration s à la stabilité juridique comme à
une notion plus générale liée au régime global consacré par la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer150, les autres États qui soulèvent la question dans leurs
communications, déclarations et déclarations coll ectives présentées après la
publication de la première note thématique considèrent la stabilité juridique comme
un concept spécifiquement et intrinsèquement lié à la préservation des zones
maritimes telles qu’elles étaient avant l’apparition des effets de l’élévation du niveau
de la mer –, et à la décision de l’État Membre touché par l’élévation du niveau de la
mer de ne pas actualiser ses notifications de coordonnées ou de cartes, lui permettant
ainsi de disposer de lignes de base fixes même en cas de recu l de la côte vers
l’intérieur en raison de l’élévation du niveau de la mer. Aucun État – même ceux dont
le droit interne prévoit des lignes de base mouvantes – n’a contesté l’option des lignes
de base fixes.
85. Troisièmement, il est intéressant de noter que d e nombreux États de diverses
régions du monde prennent progressivement conscience qu ’il importe de puiser dans
le droit de la mer pour trouver des solutions à l’impact négatif de l’élévation du niveau
de la mer sur les côtes et les zones maritimes, en part iculier en ce qui concerne la
stabilité juridique liée à la préservation des lignes de base et des limites extérieures
des zones maritimes mesurées à partir de celles -ci. Les États du Pacifique ont
harmonisé leur approche et leur pratique étatique, comme e n témoignent leurs
communications, leurs déclarations à la Sixième Commission et l ’adoption en août
2021 de la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques par les dirigeants du Forum des
îles du Pacifique. L’approche de ces États a été confirmée au niveau interrégional par
les points de vue des États membres de l’Alliance des petits États insulaires, tels qu’ils
ont été exprimés dans leurs communications et déclarations, mais au ssi dans la
Déclaration des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance des petits États
insulaires, adoptée en septembre 2021. En effet, cette organisation composée de
39 membres comprend non seulement des membres de l ’océan Pacifique (14 des
18 membres du Forum des îles du Pacifique), mais aussi d ’autres régions :
Afrique (3), océan Indien (4), Caraïbes (16), Asie du Sud -Est (1). Ensemble, le Forum
des îles du Pacifique et l’Alliance des petits États insulaires comptent 43 membres,
dont 41 sont parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ce qui
représente environ 25 % de toutes les parties à cet instrument 151. Par ailleurs, il est
important de prendre note des positions des États d ’autres régions en faveur de la
préservation des lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes
mesurées à partir des lignes de base et de la solution des lignes de base fixes. Ces
__________________
149 Voir, par exemple, Davor Vidas et David Freestone, « Legal certainty and stability in the face of
sea level rise: trends in the development of State practice and international law scholarship on
maritime limits and Boundaries », dans International Journal of Marine and Coastal Law, vol. 37
(2022) p. 673 à 725 ; Frances Anggadi, « What States say and do about legal stability and
maritime zones, and why it matters », dans International and Comparative Law Quarterly , vol. 71,
no 4 (octobre 2022), p. 767 à 798.
150 Islande, en 2021, (au nom des pays nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l ’Islande, la
Norvège et la Suède) (voir supra la note 122) ; Royaume des Pays-Bas, en 2021 (voir supra la
note 123) ; République tchèque, en 2021 (voir supra la note 129) ; Jordanie, en 2021 (voir supra
la note 113).
151 Voir Vidas et Freestone, « Legal certainty and stability in the face of sea level rise » (voir supra la
note 149), p. 714 et 715.
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positions ont été exprimées avec diverses nuances, tant explicitement
qu’implicitement – en soulignant que rien n’oblige dans la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer à mettre à jour les lignes de base – par des États d’Asie
(Indonésie, Japon, Malaisie et Philippines), d ’Amérique latine (Argentine, Chili,
Colombie et Costa Rica), d’Afrique (Algérie, Égypte et Sierra Leone), d’Europe
(Allemagne, Bulgarie, Chypre, Croatie, France, Grèce, Irlande, Pays -Bas (Royaume
des) et Roumanie), et d’Amérique du Nord (États-Unis).
86. Plusieurs États de diverses régions du monde ont opéré un lien explicite entre le
sens accordé à la stabilité juridique et la solution consistant à préserver les zones
maritimes et à fixer les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes :
les Fidji, dans leur déclaration faite en 2021 à la Sixième Commission au nom du
Forum des îles du Pacifique152 ; la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Pacifique), dans sa
déclaration en 2020153 ; les États fédérés de Micronésie (Pacifique), dans leur
déclaration en 2020154 ; Antigua-et-Barbuda (Caraïbes), dans sa communication en
2021155 ; la Roumanie (Europe), dans sa déclaration en 2021 156 ; le Chili (Amérique
latine), dans sa déclaration en 2021 157 et l’Argentine (Amérique latine), dans sa
déclaration en 2021158.
87. C’est d’ailleurs l’approche adoptée dans la première note thématique. Les
observations formulées aux alinéas d) 159, e)160 et f)161 du paragraphe 104 de ce
document ont été confirmées par les positions des États Membres, comme indiqué ci -
dessus.
88. Par ailleurs, l’idée selon laquelle, au moment de la négociation de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer162, l’élévation du niveau de la mer et ses effets
n’étaient pas perçus comme un problème dont il convenait de traiter se retrouve
également dans les déclarations des États Membres 163, tout comme la référence à la
__________________
152 Voir supra la note 70.
153 Voir supra la note 83.
154 Voir supra la note 86.
155 Voir supra la note 46.
156 Voir supra la note 125.
157 Voir supra la note 119.
158 Voir supra la note 120.
159 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 104 d) : « La théorie/méthode des lignes de base mouvantes, à partir
desquelles seraient mesurées les limites des zones maritimes, ne répond pas aux préoccupations
des États Membres suscitées par les effets de l’élévation du niveau de la mer, notamment en ce qui
concerne les droits des États côtiers dans les différentes zones maritimes et la nécessité qui en
découle de préserver la stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques ».
160 Ibid., par. 104 e) : « Toute approche visant à apporter une réponse adéquate à ces préoccupations
devrait être fondée sur la préservation des lignes de base et des limites extérieures des zones
maritimes mesurées à partir de celles-ci, ainsi que sur la protection des droits de l ’État côtier ; ce
que la [Convention des Nations unies sur le droit de la mer] n’interdit pas expressément [...]. En
tout état de cause, l’obligation prévue à l’article 16 [de la Convention] de donner la publicité
voulue aux cartes ou listes des coordonnées géographiques et d ’en déposer un exemplaire ne
concerne que les lignes de base droites (qui sont moins touchées par l ’élévation du niveau de la
mer) et non les lignes de base normales. Même dans le cas des lignes de base droites, la
Convention ne prévoit pas d’obligation de tracer et de notifier de nouvelles lignes de base lorsque
les conditions côtières changent (ou, en conséquence, de nouvelles limites extérieures des zones
maritimes mesurées à partir des lignes de base ) ».
161 Ibid., par. 104 f) : « Par conséquent, rien n’empêche les États Membres de déposer des
notifications, conformément à la Convention, concernant les lignes de base et les limites
extérieures des zones maritimes mesurées à partir des lignes de base et, après que les effets
négatifs de l’élévation du niveau de la mer se sont pro duits, de cesser de mettre à jour ces
notifications afin de préserver leurs droits ».
162 Comme conclu dans la première note thématique [ A/CN.4/740 et Corr.1, par. 104 a)].
163 Par exemple, les Tonga en 2021 (voir supra la note 90) ; le Samoa en 2021 (au nom des petits
États insulaires en développement du Pacifique) (voir supra la note 77) ; Antigua-et-Barbuda (au
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nécessité d’interpréter la Convention de sorte à répondre aux e ffets de l’élévation du
niveau de la mer, en déduisant dans la plupart des cas que le sens de cette
interprétation devrait être que la Convention n ’interdit pas de geler les lignes de base.
La première note thématique porte sur la question de savoir si les dispositions de la
Convention admettent une interprétation et une application tenant compte des
conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur les lignes de base, les limites
extérieures des zones maritimes et les droits y attachés 164. Cette analyse, qui a conduit
aux observations susmentionnées figurant aux alinéas d), e) et f) du paragraphe 104
de la première note thématique, a été largement validée par les points de vue des États
Membres sur l’interprétation de la Convention, comme le montrent les p aragraphes
suivants.
__________________
nom de l’Alliance des petits États insulaires) en 2021 (voir supra la note 99) ; la Chine en 2021
(disponible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg . En
chinois uniquement. Voir également A/C.6/76/SR.20, par. 93) ; Cuba en 2021 (voir supra la note
117) ; les Îles Salomon en 2021 (voir supra la note 92) ; l’Inde en 2021 (disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#23mtg ) et en 2022 (disponible à
l’adresse suivante https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml , 26ème séance plénière) ;
l’Indonésie en 2022 (voir supra la note 111) ; les États fédérés de Micronésie en 2020 (voir supra
la note 86). On y trouve une référence dans le préambule de la Déclaration sur la préservation des
zones maritimes face à l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques adoptée
par les dirigeants du Forum des îles du Pacifique le 6 août 2021.
164 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 78 à 80 :
78. [...] Il faut toutefois faire remarquer que la Convention n’impose pas expressis verbis
que de nouvelles lignes de base doivent être tracées, reconnues (conformément à l ’article 5)
ou notifiées (conformément à l’article 16) par l’État côtier en cas de modification du
littoral ; cette remarque vaut également pour les nouvelles limites extérieures des zones
maritimes (qui suivent le mouvement des lignes de base). Il convient également de noter
que l’obligation faite à l’État côtier, en vertu de l’article 16, d’indiquer sur une carte marine
(ou sur une liste des coordonnées géographiques de points précisant le système géodésique
utilisé) les lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ou
les limites qui en découlent, de donner « la publicité voulue aux cartes ou listes des
coordonnées géographiques » et d’en déposer un exemplaire auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, ne s’applique qu’aux lignes de base droites (art. 7), à
l’embouchure des fleuves (art. 9) et aux baies (art. 10). Les lignes de b ase normales en sont
donc exemptées.
79. L’interprétation de la Convention selon laquelle les lignes de base (et, par
conséquent, les limites extérieures des zones maritimes) sont, en général, mouvantes, ne
répond pas aux préoccupations des États Membres confrontés aux conséquences de
l’élévation du niveau de la mer et tenus par conséquent de préserver la stabilité, la sécurité,
la certitude et la prévisibilité juridiques. Dans la Convention, seul fait exception à ce
caractère mouvant – hormis le caractère permanent du plateau continental une fois remis au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies les cartes et renseignements
pertinents, y compris les données géodésiques, indiquant les limites extérieures dudit
plateau – le cas prévu au paragraphe 2 de l’article 7, libellé comme suit : « Là où la côte est
extrêmement instable en raison de la présence d ’un delta et d’autres caractéristiques
naturelles, les points appropriés peuvent être choisis le long de la laisse de basse mer la plus
avancée et, même en cas de recul ultérieur de la laisse de basse mer, ces lignes de base
droites restent en vigueur tant qu ’elles n’ont pas été modifiées par l’État côtier
conformément à la Convention ». Certains juristes ont cherché à faire jouer cet te disposition
pour répondre à l’ensemble des préoccupations relatives à l’élévation du niveau de la mer,
mais l’opinion générale veut que ce libellé ne s’applique qu’au cas des deltas.
80. Pour appliquer les dispositions actuelles de la Convention d ’une manière qui réponde
aux conséquences de l’élévation du niveau de la mer sur les lignes de base, la doctrine a
également tenté de jouer sur l’interprétation des règles prévues à l’article 7 sur les lignes de
base droites. [...] En outre, l’auteur cité fait valoir à cette fin le paragraphe 4 de l’article 7
[...] et le paragraphe 5 de ce même article [...] Les mêmes auteurs reconnaissent toutefois
que les solutions prenant appui sur les dispositions de la Convention visant les lignes de
base droites ne suffisent plus lorsque l’élévation du niveau de la mer devient trop
importante.
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89. Bien qu’une grande partie de la doctrine ait donné une interprétation de la
Convention selon laquelle celle-ci conférerait aux limites extérieures de la mer
territoriale, de la zone contiguë et de la zone économique exclusive un caract ère
mouvant165, interprétation qui a également été mentionnée lors du débat de 2021 au
sein du Groupe d’étude166, de nombreux États affichent une point de vue plutôt
différent, plus pragmatique, essayant ainsi de répondre aux préoccupations suscitées
par les effets négatifs de l’élévation du niveau de la mer.
90. Dans la communication qu’elle a adressée à la Commission en 2022, la France
indique ce qui suit167 :
[Les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer]
confèrent à l’État côtier une certaine marge de manoeuvre s’agissant de
l’initiative d’une modification, ou d’un maintien, des données déclarées
relatives à ses lignes de base et aux limites de ses espaces maritimes. La
Convention laisse en effet à l’État côtier la décision d’apporter des
modifications à ces données, ce qui implique que tant que l ’État côtier ne décide
pas de procéder à de telles modifications, les données initialement déclarées
restent en vigueur.
Cela est le cas pour les lignes de base normales, au titre de l’article 5 de la
Convention, mais également pour les lignes de base droites, au titre de
l’article 16. De même, s’agissant des espaces maritimes, la lecture des
articles 75 et 84 de la Convention permet d’aboutir à un constat identique,
respectivement pour la zone économique exclusive et le plateau continental.
Par ailleurs, la France défend une interprétation selon laquelle le paragraphe 2 de
l’article 7 s’applique « aux situations résultant de l’élévation du niveau de la mer,
indépendamment de la présence d’un delta », proposant ainsi une approche encore
plus ambitieuse que celle de la première note thématique.
91. Dans sa communication de 2022, l’Allemagne abonde dans ce sens168 :
L’Allemagne est déterminée [...] et à collaborer avec d ’autres États pour
préserver leurs zones maritimes et les droits y attachés, et ce dans le respect de
la [Convention des Nations Unies sur le droit de la mer] – notamment grâce à
une lecture et une interprétation contemporaines de son intention et de son but
[...].
Par cette lecture et cette interprétation contemporaines, l ’Allemagne estime que
la [Convention] autorise le gel des [lignes de base et des limites extérieures des
zones maritimes] dûment établies, publiées et déposées [...] conformément à la
Convention.
Rien dans la [Convention] n’oblige explicitement à actualiser les lignes de base
normales qui ont été tracées (article 5 [de la Convention]) ou les lignes de base
droites qui ont été tracées, publiées et déposées (article 16 [...]), ni encore à
actualiser les cartes et les listes de coordonnées géographiques d ’un État
relatives à la [zone économique exclusive] (article 75 [...]) ou au plateau
occidental (article 84 [...]) ».
Cependant, l’Allemagne conclut [que] le concept de lignes de base artificielles
[est] déjà contenu dans la [Convention], en particulier là où la côte est
extrêmement instable en raison de la présence « d’un delta et d’autres
__________________
165 Ibid., par. 78.
166 A/76/10, par. 270 à 277.
167 Voir supra la note 60.
168 Voir supra la note 62.
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caractéristiques naturelles », [conformément au paragraphe 2 de l’article 7 de la
Convention].
Cette disposition ayant été traduite par « d’un delta ou et d’autres
caractéristiques naturelles » par plusieurs [États membres de l’Union
européenne] [...], l’Allemagne suggère d’examiner si une interprétation
contemporaine de cette disposition pourrait é largir la portée de l’exception
prévue au [paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention] et apporter une plus
grande sécurité juridique aux États qui gèlent leurs lignes de base et les limites
extérieures de leurs zones maritimes.
L’Allemagne s’engage à assurer une coordination et une coopération
multilatérales étroites à de nombreux niveaux afin de parvenir à une telle
interprétation contemporaine, éventuellement en déterminant « conjointement
l’interprétation correcte à donner aux dispositions pertinente s de la
[Convention] », qui pourrait éventuellement être exprimée et approuvée par les
États parties à la [Convention] dans une résolution ou par les États Membres de
[l’ONU] dans une résolution de l’[Assemblée générale]. Nous soutenons
également la poursuite des débats en la matière à la Sixième Commission de
l’[Assemblée générale]. [Traduction non officielle]
92. D’autres États font des déclarations en ce sens à la Sixième Commission. Voir,
par exemple, les déclarations suivantes :
a) les Tuvalu, au nom du Forum des îles du Pacifique, en 2020 169 ;
b) les Fidji, au nom du Forum des îles du Pacifique, en 2021, se référant à la
Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l ’élévation du niveau de la
mer liée aux changements climatiques, adoptée par les dirigeants du Forum des îles
du Pacifique en août 2021, qu’elles qualifient d’« interprétation de bonne foi » de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer 170. D’autres États ont fait des
déclarations du même ordre sur la Déclaration du Forum des îles du Pacifique : la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, en 2021 et 2022, qui a qualifié la Déclaration de
« position officielle des membres du Forum sur la manière dont les règl es [de la
Convention] sur les zones maritimes s’appliquent en cas d’élévation du niveau de la
mer liée aux changements climatiques »171 ; la Nouvelle-Zélande, en 2021 et 2022172 ;
le Samoa, au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, en 2022,
qui a noté ce qui suit :
Comme la Déclaration l’indique clairement, cette approche se fonde sur [la
Convention] et les principes qui la sous-tendent. [...] [La] Déclaration ne
représente pas formellement un contournement extra -juridique de la
[Convention] ou n’édicte aucune règle de droit international. Parce qu ’elle est
fondée sur une interprétation du droit de la mer existant tel qu ’il figure dans la
[Convention], les États non membres du Forum des îles du Pacifique sont invités
à approuver et à mettre en pratique l’approche décrite dans la Déclaration, y
compris ceux qui ne sont pas des États parties à la [Convention] 173 [traduction
non officielle] ;
c) le Belize, au nom de l’Alliance des petits États insulaires, en 2020, qui
rappelle que « selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, il faut tenir
compte de la pratique ultérieurement suivie [dans] l ’application du traité, qui établit
__________________
169 Voir supra la note 69.
170 Voir supra la note 70.
171 Voir supra les notes 73 et 74.
172 Voir supra les notes 75 et 76.
173 Voir supra la note 82.
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l’accord des parties quant à l’interprétation de celui-ci. Cela est particulièrement utile
lorsqu’un traité est muet sur telle ou telle question, comme l ’est la Convention quant
à l’obligation d’actualiser les coordonnées ou les cartes174 » ;
d) Antigua-et-Barbuda, au nom de l’Alliance des petits États insulaires, en
2021, qui renvoie à l’interprétation de l’Alliance concernant le fait que la Convention
n’énonce aucune obligation de réviser ou d’actualiser les lignes de base et les limites
extérieures une fois qu’elles ont été déposées auprès du Secrétaire général 175 ;
e) le Samoa, au nom des petits États insulaires en développement du
Pacifique, en 2021, qui observe qu’« il est important que [la Convention] soit
appliquée de manière à respecter les droits et obligations qui y sont énoncés, y
compris les droits des États insulaires attachés à leurs zones maritimes »176 ;
f) les Maldives, en 2021, qui notent : « d’après notre interprétation de la
[Convention], il n’est pas obligatoire de mettre à jour ces informations. [...] Cette
interprétation s’impose pour appuyer les objectifs de stabilité, de sécurité, de certitude
et de prévisibilité »177 ;
g) les États fédérés de Micronésie, en 2020, qui affirment que « la
Convention [...] devrait être interprétée et appliquée d ’une manière qui favorise la
stabilité, la sécurité, la certitude et la prévisibilité juridiques »178 ;
h) les Tonga, en 2021, qui affirment que la Convention « doit être interprétée
dans le respect des droits et de la souveraineté des petits États insulaires en
développement vulnérables »179 ;
i) l’Islande, au nom des pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande,
Norvège et Suède), en 2021, qui note que « la Convention doit être interprétée compte
tenu de l’évolution des circonstances »180 ;
j) l’Allemagne, en 2021, qui suit la même approche que dans sa
communication adressée à la Commission en 2022 181 ;
k) le Chili, en 2021, qui affirme que « la meilleure approche pour interpréter
[la Convention] est de donner la priorité aux principes de stabilité internationale et de
coexistence pacifique des États »182 ;
l) Sri Lanka, en 2021, qui note : « [i]l est peut-être temps que la Commission
examine si la Convention pourrait être modifiée d ’un commun accord ou en se fondant
sur la pratique ultérieure des États parties »183 ;
m) l’Estonie, en 2021, qui affirme : « [n]ous nous réjouissons que le Groupe
d’étude ait trouvé des moyens d’interpréter [la Convention] qui satisfont au besoin de
stabilité dans les relations interétatiques »184 ;
__________________
174 Voir supra la note 98. Convention de Vienne sur le droit des traités (Vienne, 23 mai 1969),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, no°18232, p. 443. [voir article 31, par. 3 b)]
175 Voir supra la note 99.
176 Voir supra la note 77.
177 Voir supra la note 104.
178 Voir supra la note 86.
179 Voir supra la note 90.
180 Voir supra la note 122.
181 Déclaration présentée par l’Allemagne en 2021. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#21mtg . Voir supra la note 62.
182 Voir supra la note 119.
183 Voir supra la note 106.
184 Voir supra la note 131.
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n) la Fédération de Russie, en 2021 : « il est important de trouver une solution
pratique qui soit compatible avec la [Convention], d ’une part, et avec les
préoccupations des États touchés par l’élévation du niveau de la mer, d’autre
part »185 ;
o) les Îles Salomon en 2021186 ;
p) l’Espagne, en 2021, qui affirme : « il est essentiel de poursuivre les
travaux de la Commission sur ce sujet d ’une manière qui garantisse le respect et
l’intégrité de la [Convention], [...], et qui – parallèlement – nous permette de définir
des formules spéciales compte tenu des circonstances extraordinaires que plusieurs
États, en particulier [...] les petits États insulaires en développement susmentionnés,
subissent en raison du phénomène d’élévation du niveau de la mer causé par les
changements climatiques »187
q) la Grèce, en 2021, qui note que « [c]oncernant l’élévation du niveau de la
mer, la [Convention] fournit les réponses aux questions soulevées, dans leur contexte
particulier »188.
93. Il convient de noter qu’aucun État n’a émis d’objection à l’interprétation
susmentionnée de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, que ce soit
dans leurs communications adressées à la Commission ou dans les déclarations
présentées à la Sixième Commission.
94. Cette interprétation pragmatique des États, qui vien t étayer l’approche proposée
dans la première note thématique189, va dans certains cas encore plus loin que la note
en suggérant d’interpréter le paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer comme s’appliquant aux situations résultant de l’élévation
du niveau de la mer, indépendamment de la présence d ’un delta. Une telle approche
est jugée intéressante.
95. Par ailleurs, les points de vue des États, tels qu ’ils ont été exprimés dans les
communications et déclarations postérieures à la publication de la note, ne comportent
que très peu de références à la question de la formation du droit coutumier relatif au
gel des lignes de base et des limites extérieures, qui a été analysée dans le cadre de la
première note thématique. Cette question a été analysée dans la première note
thématique, avec l’observation suivante : « il est prématuré de tirer, à ce stade, une
conclusion définitive sur l’émergence d’une règle coutumière particulière ou
régionale (voire d’une règle coutumière générale) de droit international concernant la
préservation des lignes de base et des limites extérieures des zones maritimes
mesurées à partir des lignes de base » ; bien qu’au moment de la rédaction de la
première note thématique, les Coprésidents aient été en mesure de relever des
éléments de pratique régionale, l’existence de l’opinio juris n’était pas (encore)
évidente190.
96. En effet, dans leurs communications et déclarations présentées entre 2020 et
2022, les États s’étaient plutôt concentrés sur l’interprétation de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer et sur la présentation de leur pratique étatique.
Les points de vue relatifs à la question de la formation du droit coutumier étaient
limités et restaient assez prudents. Par exemple, dans sa communication de 2022,
l’Allemagne souligne qu’elle « s’engage à [...] travailler avec d ’autres pour préserver
__________________
185 Voir supra la note 132.
186 Voir supra la note 92.
187 Déclaration présentée par l’Espagne en 2021. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg.
188 Voir supra la note 135.
189 A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 104 f).
190 Ibid., par. 104 i).
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leurs zones maritimes et les droits y attachés d ’une manière compatible avec la
Convention – notamment grâce à une lecture et une interprétation contemporaines de
son intention et de son objectif, plutôt qu ’à l’élaboration de nouvelles règles
coutumières »191. Dans sa déclaration de 2022, l’Union européenne note ce qui suit :
[L]’Union européenne et ses États membres conseillent la prudence en ce qui
concerne la prise en compte des pratiques régionales et de l ’opinio juris dans ce
contexte, car les dispositions et principes universellement applicables tels que
la [Convention] doivent être appliqués de manière u niforme dans toutes les
régions du monde [...]. [C]ertaines pratiques émergentes possibles au niveau
régional concernant l’élévation du niveau de la mer ne devraient pas conduire à
la reconnaissance d’une règle coutumière régionale du droit de la mer, et
l’Union européenne et ses États membres encouragent le Groupe d ’étude à
s’appuyer sur la pratique étatique et à prendre en compte l ’opinio juris acceptée
par toutes les régions du monde avant de déduire l ’existence (ou non) d’une
pratique ou d’une opinio juris établie192.
Les États fédérés de Micronésie, dans leur déclaration de 2022, observent ce qui suit :
[Les États fédérés de Micronésie] soulignent que la Déclaration [des dirigeants
du Forum des îles du Pacifique en 2021] traduit la compréhension et
l’application du droit international de la mer en vigueur par les membres du
Forum des îles du Pacifique. [...] La Déclaration n ’a pas vocation officielle à
édicter ou à annoncer un nouveau droit international coutumier régional. [...] De
l’avis [des États fédérés de Micronésie], même dans l’hypothèse où la
Déclaration représente la formation ou l ’annonce d’un nouveau droit
international coutumier régional, les opinions des États extérieurs à la région du
Forum des îles du Pacifique n’ont aucune incidence sur la question de savoir si
ce nouveau droit peut être développé pour la région. Comme la Commission
elle-même l’a souligné dans ses projets de conclusion sur le droit international
coutumier, ce droit international coutumier régional ne s ’applique qu’aux États
qui l’acceptent et ne serait pas opposable aux États extérieurs à la région qui
n’acceptent pas ou n’appliquent pas ce droit international coutumier régional 193.
[Traduction non officielle]
De même, dans sa déclaration en 2022, la Papouasie -Nouvelle-Guinée note que la
Déclaration « n’est pas une déclaration formelle sur le droit coutumier régional et ne
doit pas être comprise ou interprétée comme telle »194. Dans sa déclaration de 2021
au nom de l’Alliance des petits États insulaires, Antigua -et-Barbuda dit que « bien
que la pratique des États et l’opinio juris ne soient peut-être pas encore suffisantes
pour conclure à l’existence d’une règle coutumière générale concernant la
préservation des zones maritimes, l’Alliance estime qu’une tendance en ce sens est
en train de se faire jour »195. Dans sa déclaration de 2021, la Chine est plus prudente :
« De nombreux pays estiment qu’une pratique cohérente des États au sujet de
l’élévation du niveau de la mer n ’a pas été formée et que le fait d ’accorder trop
d’importance à la pratique régionale risque d ’exacerber la fragmentation des règles
juridiques »196. Israël fait preuve de la même prudence dans sa déclaration de 2021 :
« Israël estime qu’étant donné la pratique limitée des États dans ce domaine – comme
le reconnaît le Groupe d’étude lui-même – il n’est pas certain que l’on puisse à ce
__________________
191 Voir supra la note 62.
192 Voir supra la note 138.
193 Déclaration présentée par les États fédérés de Micronésie en 2022, p. 3. Disponible à l ’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/77/summaries.shtml (28e séance plénière).
194 Voir supra la note 74.
195 Voir supra la note 99.
196 Voir supra la note 163.
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stade conclure à l’existence de règles contraignantes de droit international sur le sujet
de l’élévation du niveau de la mer »197. Dans sa déclaration de 2021, la Fédération de
Russie est d’avis qu’« à ce stade, il n’existe pas de règle de droit international
coutumier applicable en la matière, à la fois en raison de l ’absence de reconnaissance
de la pratique pertinente en tant qu ’obligation juridique (opinio juris) et de
l’insuffisance de la pratique elle-même »198. Dans sa déclaration de 2021, Sri Lanka
a présenté sa position : « la Commission pourrait être en mesure de faire évoluer les
règles du droit international coutumier de manière à aboutir à la modification de la
Convention en ce qui concerne l’approche privilégiée aux fins de la délimitation des
frontières maritimes »199. Les Coprésidents souhaitent réaffirmer leur engagement à
respecter pleinement le mandat qui a été défini lors de l ’inscription du sujet au
programme de travail de la Commission, en ce sens que les travaux sur le présent
sujet n’ont pas vocation à proposer des modifications de la Convention.
97. La pratique des États en matière de préservation des zones maritimes ou de gel
des lignes de base est devenue de plus en plus évidente dans les communications
adressées à la Commission et les déclarations faites à la Sixième Commission de 2020
à 2022 par des États de diverses régions du monde. Voir, par exemple, les États
suivants : les États fédérés de Micronésie, dans leur déclaration en 2020200 ; le Belize,
dans sa déclaration au nom de l’Alliance des petits États insulaires en 2020 201 ;
Antigua-et-Barbuda, dans sa déclaration au nom de l’Alliance des petits États
insulaires en 2021202 ; les Fidji, dans la communication du Forum des îles du Pacifique
en 2021203 ; la Nouvelle-Zélande, dans sa communication en 2022 204 (dans laquelle
elle fait également référence à la pratique des Îles Cook) ; le Royaume-Uni, dans sa
communication en 2022205 ; le Royaume des Pays-Bas, dans sa communication en
2022 (dans laquelle il est fait référence à l’établissement d’un « ligne côtière de
base », préservée par des remblais de sable)206. Les Coprésidents souhaitent remercier
M. Bimal N. Patel, membre de la Commission, pour son exposé très instructif sur la
pratique étatique en Inde.
98. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
a) La stabilité juridique (et la sécurité, la certitude, la prévisibilité) renferme
un sens très concret pour les États Membres et dépend de la préservation des zones
maritimes par le gel des lignes de base (et des limites extérieures des zones maritimes
mesurées à partir de celles-ci). En d’autres termes, les États touchés par l’élévation
du niveau de la mer ne sont pas tenus de mettre à jour les coordonnées ou cartes
notifiées, ce qui fixe leurs lignes de base même en cas de recul de la côte vers
l’intérieur des terres en raison de l’élévation du niveau de la mer. Aucun État – même
ceux dont le droit interne prévoit des lignes de base mouvantes – n’a contesté l’option
des lignes de base fixes.
b) Les États Membres soulignent le fait qu ’au moment de la négociation de
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l ’élévation du niveau de la
mer et ses effets n’étaient pas perçus comme un problème dont il convenait de traiter,
et qu’il faut interpréter la Convention afin de répondre aux effets de l ’élévation du
__________________
197 Déclaration présentée par Israël en 2021, p. 2 et 3. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg .
198 Voir supra la note 132.
199 A/C.6/76/SR.21, par. 112 (voir supra la note 106).
200 Voir supra la note 86.
201 Voir supra la note 98.
202 Voir supra la note 99.
203 Voir supra la note 57.
204 Voir supra la note 54.
205 Voir supra la note 68.
206 Voir supra la note 66.
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niveau de la mer. Pour la plupart des États, la Convention devrait être interprétée
comme n’interdisant pas le gel des lignes de base. Cette approche est pragmatique et
propose une lecture ou une interprétation de la Convention qui permet de geler les
lignes de base une fois qu’elles ont été dûment établies, publiées et déposé es. Selon
cette interprétation, rien dans la Convention n ’oblige explicitement à actualiser les
lignes de base normales ou les lignes de base droites qui ont été publiées et déposées,
ni aucune autre obligation de mettre à jour les cartes et listes de coor données
géographiques d’un État en ce qui concerne la zone économique exclusive et le
plateau continental. Cette interprétation de la Convention va encore plus loin que
celle proposée dans la première note thématique, puisque le paragraphe 2 de l ’article 7
est considéré comme applicable aux situations résultant de l ’élévation du niveau de
la mer, indépendamment de la présence d ’un delta. Aucun État n’a émis d’objection
à l’interprétation susmentionnée de la Convention sur le droit de la mer, que ce soit
dans leurs communications adressées à la Commission ou dans les déclarations faites
à la Sixième Commission.
c) Dans une large mesure, les observations de la première note thématique
figurant au paragraphe 104 ont été confirmées par les États Membres, avec l es
nuances présentées ci-dessus.
III. Immutabilité et intangibilité des frontières
A. Frontières et principe d’immutabilité
99. Oppenheim a défini les frontières des États comme « des lignes imaginaires à la
surface de la Terre qui marquent la séparati on du territoire d’un État de celui d’un
autre, ou d’un territoire n’appartenant à aucun État, ou de la haute mer »207. Dans
l’affaire du Différend frontalier (Bénin/Niger), la Cour internationale de Justice a
déclaré qu’« une frontière marque la séparation des souverainetés étatiques, autant
sur la surface terrestre que dans le sous -sol et l’espace atmosphérique surjacent »208.
Selon la Cour internationale de Justice dans l’affaire du Différend territorial
(Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) , « Définir un territoire signifie définir ses
frontières »209. Nesi écrit que « [d]ans les relations internationales contemporaines, le
terme “frontière” désigne une ligne qui détermine l’extension de la souveraineté
territoriale d’un État. Selon une définition gén érale du concept, s’appliquant à la fois
aux délimitations terrestres et maritimes, les frontières s ’entendent comme les
“limites spatiales extrêmes jusqu’où les normes juridiques d’un État sont
valides” »210. Nesi observe en outre que « [l]es frontières sont fondamentales en droit
international en ce qu’elles définissent les limites de la juridiction nationale et les
conséquences juridiques importantes qui en découlent »211 et que « le principe de
l’intangibilité des frontières se réfère à l’obligation qu’ont tous les États de respecter
les délimitations existantes en toutes circonstances, sans que cela n ’implique leur
immutabilité »212. [Traduction non officielle]
__________________
207 Robert Jennings et Arthur Watts (dir. publ.) Oppenheim’s International Law, 9e éd., vol. 1,
(Harlow, Longman, 1992), par. 226, p. 661.
208 Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J Recueil 2005, p. 90, à la page 142, par. 124.
209 Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) , arrêt, C.I.J Recueil 1994, p. 6, à la
page 26, par. 52.
210 Giuseppe Nesi, « Boundaries », dans Research Handbook on Territorial Disputes in International
Law, Marcelo G Kohen et Mamadou Hébié (dir. publ.) (Cheltenham, Royaume -Uni, et
Northampton, Massachusetts, Edward Elgar, 2018), p. 193 à 233, à la page 197.
211 Ibid., p. 201. Voir aussi Malcolm N. Shaw, « The heritage of States: the principle of uti possidetis
juris today », British Year Book of International Law, vol. 67 (1996) p. 75 à 154, à la page 77.
212 Nesi, « Boundaries » (voir supra la note 210) p. 229.
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100. Le principe de la stabilité et du caractère définitif des frontières est bien établi
en droit international213. Comme l’a souligné la Cour internationale de Justice en
l’Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), « [D]’une manière
générale, lorsque deux pays définissent entre eux une frontière, un de leurs principaux
objectifs est d’arrêter une solution stable et définitive. Cela est impossible si le tracé
ainsi établi peut être remis en question à tout moment, sur la base d ’une procédure
constamment ouverte, [...] La frontière, loin d ’être stable, serait tout à fait
précaire ».214 De même, en l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe
libyenne/Tchad), la Cour a souligné le principe de la stabilité des frontières en
déclarant qu’« [u]ne fois convenue, la frontière demeure, car toute autre approche
priverait d’effet le principe fondamental de la stabilité des frontières, dont la Cour a
souligné à maintes reprises l’importance »215. La Cour a réaffirmé ce principe dans
l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) 216.
B. Uti possidetis juris et intangibilité des frontières
101. Nombreux tiennent le principe de l’intangibilité des frontières217, qui découle
du principe de l’uti possidetis juris, pour un principe bien établi218. Ses origines
remontent au droit romain, mais il a ensuite été adopté et développé dans le contexte
de l’établissement de frontières pendant la période de décolonisation en Amérique
latine au dix-neuvième siècle et en Afrique au vingtième siècle. Les anciennes
frontières ou divisions administratives coloniales ont été alors tra nsformées en
frontières internationales219. Les trois objectifs fondamentaux du principe de
__________________
213 Voir ibid., p. 227.
214 Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (fond), arrêt du 15 juin 1962 : C.I.J.
Recueil 1962, p. 6, à la page 34.
215 Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad) (voir supra la note 209), p. 37, par. 72 ; et
Nesi, « Boundaries » (voir supra la note 210) p. 229.
216 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2007, p. 832, à la page 861, par. 89.
217 Dirdeiry M. Ahmed, Boundaries and Secession in Africa and International Law: Challenging
Uti Possidetis (Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 2015), p. 47 à 74.
218 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J Recueil 1986 , p. 554, à la
page 565, par. 20 ; Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2013 , p. 44, à
la page 73, par. 63. Voir aussi A/76/10, par. 261. Ahmed estime qu’en vertu du principe de la
« table rase », il n’existe pas de règle générale de droit international imposant aux États
nouvellement indépendants de « respecter les frontières internationales préexistantes en cas de
succession d’États ». Ahmed, Boundaries and Secession (voir supra la note 217), p. 52. Il convient
de noter que la question de savoir si l’uti possidetis est une règle de droit international coutumier
et si elle a réellement permis de préserver la stabilité et d ’éviter les conflits est beaucoup débattue
par la doctrine. Suzanne Lalonde, Determining Boundaries in a Conflicted World: The Role of
Uti Possidetis (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s Press, 2002) ; Mohammad Shahabuddin,
« Postcolonial boundaries, international law, and the making of the Rohingya crisis in Myanmar »,
Asian Journal of International Law, vol. 9, no°2 (juillet 2019), p. 334 à 358 ; Ahmed, Boundaries
and Secession (voir supra la note 217).
219 Différend frontalier (Bénin/Niger) (voir supra la note 208), p. 120, par. 45 et 46. Voir également
Giuseppe Nesi, « Uti possidetis doctrine », dans Rüdiger Wulfrum (dir. publ.) Max Planck
Encyclopedia of Public International Law (Oxford, Oxford University Press, 2018).
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l’uti possidetis sont la prévention de la situation de res nullius220, la prévention des
conflits221 et la préservation de la stabilité222.
102. Outre le processus de décolonisation, la Commission des rapporteurs a appliqué
le principe de l’uti possidetis dans l’affaire des îles Åland entre la Finlande et la Suède
et le Conseil de la Société des Nations a enté riné le principe en recommandant que
les îles reviennent à la Finlande223. Dans le contexte de la succession d’États, à la
suite de la dissolution de l’ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie, le
Comité d’arbitrage Badinter a reconnu, dans son tr oisième avis, que l’uti possidetis
(le respect des frontières existant au moment de l ’indépendance) était un principe
général applicable au-delà du contexte de la décolonisation, lorsque les frontières
intérieures des États fédérés deviennent des frontière s internationales224. Alors que
l’examen de l’uti possidetis dans la littérature a surtout porté sur l’Amérique latine et
l’Afrique, la doctrine récente a critiqué l’absence de débat sur l’uti possidetis en
relation avec l’Asie du Sud postcoloniale225.
103. Le principe de l’uti possidetis a été invoqué dans des affaires d’arbitrage226 et
devant la Cour internationale de Justice227. L’affaire la plus influente est sans doute
la décision de la Chambre de la Cour internationale de Justice en l ’affaire du Différend
frontalier (Burkino Faso/Mali), dans laquelle les parties avaient convenu que le
règlement du différend devait être « fondé notamment sur le respect du principe de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation »228. La Cour poursuivait en
déclarant que le principe de l’uti possidetis ne se limitait pas au processus de
décolonisation mais était un principe général qui « s’[était] maintenu au rang des
principes juridiques les plus importants », concernant les titres territoriaux et la
délimitation des frontières au moment de la décolonisation 229.
__________________
220 Affaire des frontières colombo-vénézuéliennes (Colombie contre Vénézuela), sentence du 24 mars
1922, Recueil des sentences arbitrales, vol. I, p. 223 à 298, à la page 228 (cité dans l ’affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime [El Salvador/Honduras : Nicaragua
(intervenant)], arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 351, à la page 387, par. 42).
221 Voir également l’opinion individuelle du juge ad hoc G. Abi -Saab dans l’affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) (voir supra la note 218), dans laquelle il décrit le
double objectif du principe de l’uti possidetis et l’opinion individuelle du juge Yusuf dans l ’affaire
du Différend frontalier (Burkina Faso/Niger) (voir supra la note 218).
222 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 565, par. 20.
223 Question des îles Åland, rapport de la Commission des rapporteurs, Conseil de la Société des
Nations, Doc B.7 21/68/106, 16 avril 1921.
224 Alain Pellet, « The opinions of the Badinter Arbitration Committee: a second breath for the selfdetermination
of peoples », European Journal of International Law, vol. 3, no 1 (1992) p. 178 à
185, à la page 180 ; Shahabuddin, « Postcolonial boundaries » (voir supra la note 218) ; Peter
Radan, The Break-Up of Yugoslavia and International Law (Londres et New York, Routledge,
2002) (dans lequel l’auteur critique l’invocation par la Commission Badinter de l’application du
principe de l’uti possidetis dans le différend frontalier (Burkina Faso/Mali)).
225 Vanshaj Ravi Jain, « Broken boundaries: border and identity formation in postcolonial Punjab »,
Asian Journal of International Law, vol. 10, no 2 (juillet 2020), p. 261 à 292 ; Radan, The Break-
Up of Yugoslavia and International Law (voir supra la note 224), p. 118 à 134 ; et Shaw, « The
heritage of States » (voir supra la note 211), p. 105.
226 Affaire des frontières colombo-vénézuéliennes (Colombie c. Venezuela), sentence arbitrale du
24 mars 1922 (voir supra la note 220).
227 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218) ; Île de
Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J Recueil 1999 , p. 1045 ; Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 303 ; Différend frontalier (Bénin/Niger) (voir supra la
note 208) ; Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), (voir supra la note 218).
228 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 564, par. 19.
229 Ibid., p. 567, par. 26 (Cité dans le différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 659, à
la page 706, par. 151).
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104. La Chambre a également souligné que « [s]ous son aspect essentiel, ce principe
vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de l ’accession
à l’indépendance »230. La notion de gel des frontières est décrite de manière frappante
lorsque la Chambre explique que « [...] le principe de l’uti possidetis – est applicable
au nouvel État (en tant qu’État) non pas avec effet rétroactif mais immédiatement et
dès ce moment-là. Il lui est applicable en l’état, c’est-à-dire à “l’instantané” du statut
territorial existant à ce moment-là. Le principe de l’uti possidetis gèle le titre
territorial ; il arrête la montre sans lui faire remonter le temps »231. Soulignant les
intérêts de la « stabilité », la Chambre a résolu la contradiction apparente entre
l’uti possidetis et le droit à l’autodétermination des peuples des États africains avec
« le besoin vital de stabilité pour survivre, se développer et consolider
progressivement leur indépendance dans tous les domaines »232.
105. Le principe du respect des frontières existantes est affirmé dans une résolution
de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) adoptée en 1964 233. Dans cette
résolution, les États membres réaffirment le strict respect des principes énoncés à
l’article 3, paragraphe 3, de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine et
« s’engagent à respecter les frontières au moment où ils ont accédé à
l’indépendance »234. Ce texte a été interprété comme une reconnaissance du principe
de l’uti possidetis juris235. Dans l’affaire Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne, la Cour
internationale de Justice a noté que le fait que la frontière terrestre entre la Jamahiriya
arabe libyenne et la Tunisie datait de 1910 et avait survécu à deux guerres mondiales
illustrait bien le principe du respect des frontières énoncé dans la résolution de
l’Organisation de l’unité africaine de 1964236.
__________________
230 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 566, par. 23.
Voir également Shaw, « The heritage of States » (voir supra la note 211), p. 128.
231 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 568, par. 30.
232 Ibid., p. 567, par. 25.
233 Résolution AHG/Res. 16 (I), adoptée par la première session ordinaire de la Conférence des chefs
d’État et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine, tenue au Caire du 17 au 21 juillet
1964, intitulée « Différends frontaliers entre États africains », dont on trouve en préambule les
termes suivants : « Considérant en outre que les frontières des États africains, au jour de leur
indépendance, constituent une réalité tangible ».
234 Charte de l’Organisation de l’Unité africaine (Addis-Abeba, 25 mai 1963), Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 479, no 6947 p. 39. Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, les États membres
affirment officiellement adhérer à des principes comme le « respect de la souveraineté et de
l’intégrité territoriale de chaque État et de son droit inaliénable à une existence indépendante ».
235 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali ), (voir supra la note 218), p. 565 et 566,
par. 22-23. Cependant, voir l’opinion individuelle du juge Yusuf, dans l’affaire du différend
frontalier (Burkina Faso/Niger) (voir supra la note 218), où il détaille les différences entre le
principe de l’uti possidetis juris et le principe africain du respect des frontières tel qu ’il figure
dans la résolution de l’Organisation de l’unité africaine. Voir également Suzanne Lalonde, « The
role of the uti possidetis principle in the resolution of maritime boundary disputes », in
Sovereignty, Statehood and State Responsibility: Essays in Honour of James Crawford , Christine
Chinkin et Freya Baetens (dir. publ.) (Cambridge, Royaume -Uni, Cambridge University Press,
2002), p. 248 à 272, à la p. 256 ; Pierre-Emmanuel Dupont, « Practice and prospects of boundary
delimitation in Africa: the ICJ judgment in the Burkina Faso/Niger Frontier Dispute case », Law
and Practice of International Courts and Tribunals , vol. 13, no 1 (avril 2014), p. 103 à 116.
236 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982 , p. 18, p. 65 et
66 par. 83 à 84 ; Voir également Shaw, « The heritage of States » (voir supra la note 211), p. 114 ;
Dupont, « Practice and prospects of boundary delimitation in Africa » (voir supra la note 235).
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C. Application du principe de l’uti possidetis aux frontières maritimes
106. Des distinctions ont été faites entre les frontières terrestres et maritimes,
notamment en ce qui concerne leur fondation ou leur création 237. Nesi observe qu’une
définition générale du concept de frontière « qui s’applique à la fois aux délimitations
terrestres et maritimes », désignerait les frontières comme les « limites spatiales
extrêmes jusqu’où les normes juridiques d’un État sont valides »238. Dans l’affaire du
Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , la Chambre a déclaré que
« l’effet d’une décision judiciaire, qu’elle soit rendue dans un conflit d ’attribution
territoriale ou dans un conflit de délimitation, est nécessairement d ’établir une
frontière » ; le même raisonnement semblerait valoir pour la délimitation maritime,
dont l’objectif est d’établir une frontière ou une limite239.
107. Le principe de l’uti possidetis n’a toutefois eu qu’une application limitée en ce
qui concerne les frontières maritimes240. La question a été soulevée dans l’Affaire de
la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée -Bissau et le Sénégal241. Si les
deux parties reconnaissent le principe de l’uti possidetis en général, leurs points de
vue divergent quant à son application aux frontières maritimes. La Guinée-Bissau
s’est opposée à ce que l’uti possidetis s’applique aux frontières maritimes, estimant
qu’il s’agissait d’un domaine d’évolution récente, tandis que le Sénégal était d ’avis
contraire242. La question n’a pas été directement tranchée par le Tribunal arbitral qui
a déterminé que la convention en question ne créait pas de frontière maritime 243.
Cependant, comme le souligne Shaw, « [l]e Tribunal a également souligné que le
compromis arbitral signé entre la Guinée-Bissau et la Guinée en 1983 en vue de régler
ce différend particulier comportait une référence explicite à la résolution de
l’Organisation de l’unité africaine de 1964 s’agissant du respect des frontières
__________________
237 Lalonde, « The role of the uti possidetis principle », dans Chinkin Baetens (dir. publ.),
Sovereignty, Statehood and State Responsibility (voir supra la note 235) ; Nesi, « Boundaries »
(voir supra la note 210), p. 196 ; Marcelo Kohen, Conclusions, dans Droit des Frontières
Internationales - The Law of International Boundaries, Société française pour le droit
international (Paris, Editions A. Pedone, 2016) p. 311 à 319, aux pages 317 et 318 ; Alberto
Alvarez-Jimenez, « Boundary agreements in the International Court of Justice’s case law, 2000-
2010 », European Journal of International Law, vol. 23, no 2 (2012), p. 495 à 515.
238 Nesi, « Boundaries » (voir supra la note 210) p. 197.
239 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 563, par. 17.
Toutefois, Snjólaug Árnadóttir estime qu ’il existe une « différence inhérente entre les frontières
délimitant le territoire terrestre et celles délimitant les zones maritimes ». Snjólaug Árnadóttir,
« Termination of maritime boundaries due to a fundamental change of circumstances », Utrecht
Journal of International and European Law, vol. 32, no 83 (septembre 2016), p. 94 à 111, aux
pages 104 et 105. Voir également Lucius Caflisch, « The delimitation of marine spaces between
States with opposite or adjacent coasts », dans A Handbook on the New Law of Sea, René-Jean
Dupuy et Daniel Vignes (dir. publ.) (Dordrecht, Boston et Lancaster, Martinus Nijhoff, 1991),
p. 425 à 499, à la page 426.
240 Litige entre la République argentine et la République du Chili relatif au canal de Beagle , décision
du 18 février 1977, Recueil des sentences arbitrales, vol. XXI, p. 53 à 264 (le Tribunal a rejeté
l’invocation par l’Argentine du principe de l’uti possidetis au motif que ce principe avait été
remplacé par le Traité de délimitation de 1881) ; Affaire de la délimitation de la frontière maritime
entre la Guinée-Bissau et le Sénégal, sentence du 31 juillet 1989, Recueil des sentences a rbitrales,
vol. XX, p. 119 à 213 ; Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la
mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), (voir supra la note 229) ; Affaire de la frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), (voir supra la note 227).
241 Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée -Bissau et le Sénégal (voir supra
la note 240), p. 144 et 145, par. 64.
242 La Guinée-Bissau a également contesté la règle automatique de la succession de l ’État, arguant au
contraire du principe de la table rase.
243 Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée -Bissau et le Sénégal (voir supra
la note 240), p. 148, par. 75.
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coloniales. Étant donné que cela concernait un différend ma ritime, le Tribunal a
conclu que les deux parties avaient accepté que le principe du respect des frontières
coloniales s’appliquait également aux frontières maritimes »244. [Traduction non
officielle]
108. Dans la même affaire, l’arbitre Bedjaoui a rédigé sa célèbre opinion
dissidente245, dans laquelle il répondait au point de vue du Sénégal selon lequel les
limites maritimes ne constituaient pas des frontières. Il a clairement indiqué qu ’à ses
yeux, les délimitations maritimes étaient de véritables frontières :
Sur ce point, j’estime que les délimitations maritimes donnent lieu à l ’existence
de « frontières » véritables. L’étendue des compétences de l’État est sans doute
différente pour les limites maritimes par rapport aux frontières terrestres. Mais
cette différence est de degré non de nature, même si certaines limites maritimes
ne « produisent » pas une exclusivité et une plénitude de compétence étatique 246.
109. Dans le Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras : Nicaragua (intervenant) ), en raison de l’histoire coloniale
du golfe de Fonseca, la Chambre a examiné la situation juridique des eaux du golfe
en 1821, à l’époque de la succession à l’Espagne. Toutefois, elle a constaté qu’aucun
des éléments présentés par les parties en faveur de l ’application du principe de
l’uti possidetis ne suggérait quoi que ce soit d’analogue aux limites existantes au sujet
des terres247. La seule partie où la Chambre a trouvé une application implicite de
l’uti possidetis aux eaux du golfe était la partie située entre le Honduras et le
Nicaragua qui avait été délimitée en 1900. La Chambre a estimé que la Commission
mixte chargée de la délimitation « a[vait] simplement considéré comme un axiome
que chaque État possédait la partie du golfe et de la baie de Fonseca qui était adjacente
à ses côtes [...]. En pareilles circonstances, une succession conjointe des trois États à
la zone maritime semble découler logiquement du principe de l’uti possidetis juris
lui-même »248. Selon Shaw, « [e]n d’autres termes, le principe s’appliquait à ce qui
était en fait des frontières maritimes, mais dans les circonstances particulières de cette
baie, cela ne se faisait pas sous la forme d’une division des espaces maritimes, mais
plutôt sous la forme d’une souveraineté conjointe des trois États côtiers sur ces
eaux »249. [Traduction non officielle]
110. Dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, le Honduras avait fait valoir que le
principe de l’uti possidetis juris s’appliquait à la fois aux zones terrestres et
maritimes250. La Cour internationale de Justice a estimé que le Honduras n ’avait pas
présenté d’arguments convaincants en faveur de l ’application du principe de
l’uti possidetis251. Néanmoins, la Cour n’a pas exclu son application dans la
__________________
244 Shaw, « The heritage of States » (voir supra la note 211), p. 127.
245 Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée -Bissau et le Sénégal, (voir
supra la note 240), opinion dissidente de l’arbitre Bedjaoui, p. 154.
246 Ibid., p. 162 et 163, par. 22.
247 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime [El Salvador/Honduras : Nicaragua
(intervenant)], (voir supra la note 220), p. 589, par. 386.
248 Ibid., p. 601 et 602, par. 405.
249 Shaw, « The heritage of States » (voir supra la note 211), p. 128.
250 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Honduras), (voir supra la note 229). Dans l’affaire de la Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria, le Cameroun avait également plaidé en faveur de
l’application de l’uti possidetis. La Cour n’a pas examiné les arguments avancés par le Cameroun
pour conclure à l’applicabilité de l’accord anglo-allemand du 11 mars 1913. Affaire de la frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)), (voir supra la note 227), p. 412, par. 217.
251 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Honduras), (voir supra la note 229), p. 728, par. 232.
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délimitation maritime en considérant que « dans certaines circonstances, comme
celles qui ont trait à des baies et mers territoriales historiques, le principe de
l’uti possidetis juris pourrait jouer un rôle dans la délimitation maritime »252. La Cour
a également observé que « au moment de l’indépendance, le Nicaragua et le
Honduras, en tant que nouveaux États indépendants, avaient droit, en vertu du
principe de l’uti possidetis juris, aux territoires continentaux et insulaires ainsi qu ’aux
mers territoriales des provinces correspondantes »253. Cependant, il n’a pas été
démontré que la Couronne espagnole aurait réparti sa juridiction maritime entre les
provinces coloniales du Nicaragua et d u Honduras, même dans les limites de la mer
territoriale254. La Cour n’a pas examiné la requête du Honduras concernant le plateau
continental.
D. Constatations préliminaires
111. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
a) les frontières ont pour fonction de délimiter l ’étendue de la souveraineté
et de la juridiction de l’État, qui sont exercées non seulement sur son territoire
terrestre, mais aussi sur l’espace maritime. Le principe de stabilité et de respect des
frontières existantes – c’est-à-dire leur immutabilité – est une règle de droit
international coutumier. Le même principe de stabilité et de respect des frontières
existantes s’appliquerait aux frontières maritimes, qui ont aussi pour fonction de
délimiter l’étendue de la souveraineté et des droits souverains d ’un État. Les
considérations relatives à la stabilité des frontières s ’appliquent également aux
frontières maritimes qui, si elles sont remises en question, peuvent faire naître des
différends entre les États au sujet d’un territoire maritime qui a été délimité par un
traité ou par un autre moyen.
b) le principe de l’intangibilité des frontières, tel qu’il a été développé dans
le cadre du principe de l’uti possidetis, est considéré comme un principe général de
droit qui dépasse le processus traditionnel de décolonisation et qui constitue une règle
de droit international coutumier. Dans le cadre du présent document, le principe est
pertinent, tout d’abord, parce que son objectif primordial est de préser ver la stabilité
et d’éviter les conflits au cas où les frontières seraient remises en question.
Deuxièmement, l’uti possidetis fournit un exemple, en droit international, de « gel »
de frontières préexistantes dans l’intérêt de la stabilité et de la prévention des conflits.
La même approche pourrait être appliquée aux lignes de base ou aux limites
extérieures des zones maritimes, dans le même intérêt de préserver la stabilité et de
prévenir les conflits.
c) en ce qui concerne l’élévation du niveau de la mer et les frontières
maritimes, la principale constatation préliminaire à dégager est qu ’il ne s’agit pas tant
de l’application de l’uti possidetis aux frontières maritimes existantes en raison de
l’impact de l’élévation du niveau de la mer, mais plutôt d e l’importance accordée à la
continuité des frontières préexistantes dans l’intérêt de la stabilité et de la prévention
des conflits.
__________________
252 Ibid., p. 728, par. 232.
253 Ibid., p. 729, par. 234.
254 Ibid.
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IV. Changement fondamental de circonstances
(rebus sic stantibus)
A. Communications des États Membres à la Commission
et déclarations des États Membres à la Sixième Commission
de l’Assemblée générale
112. La question de savoir si l’élévation du niveau de la mer représente un
changement fondamental de circonstances au sens de l’article 62, paragraphe 2 a) de
la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités et pourrait être invoquée
comme motif pour mettre fin aux accords sur les frontières maritimes a été examinée
dans la première note thématique255. Certains membres du Groupe d’étude ont fait
remarquer que les traités maritimes et les frontières ayant fait l ’objet d’une
détermination judiciaire devraient être définitifs, mais d ’autres ont dit qu’il fallait
poursuivre l’examen de la question. Un résumé de l ’échange de vues général du
Groupe d’étude sur la question figure dans le rapport annuel de la Commission 256. On
trouve dans la première note thématique des références aux nombreuses déclarations
faites par les États Membres à la Sixième Commission et à leurs communications à la
Commission, dans lesquelles ils affirment que l’élévation du niveau de la mer ne
devrait pas avoir d’incidence sur les frontières maritimes fixées par traité ou qu ’il est
nécessaire de préserver la stabilité des accords existants en mat ière de frontières
maritimes257.
113. Dans sa déclaration de 2021, l’Autriche a noté qu’elle « souhaiterait également
voir approfondir la question de l’applicabilité de l’article 62 [de la Convention de
Vienne sur le droit des traités] au phénomène de l ’élévation du niveau de la mer »258.
Israël observe qu’il « continue d’étudier et de prendre en compte cette question
importante au niveau interministériel en ce qu ’elle intéresse l’ensemble du sujet de
l’élévation du niveau de la mer et qu’il attend avec impatience de participer au débat
à l’avenir »259. Un certain nombre d’États ont également estimé qu’un changement
fondamental de circonstances ne s’appliquerait pas aux traités établissant des
frontières maritimes : Antigua-et-Barbuda260, Colombie261, Chypre262, France263,
__________________
255 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 114 à 140.
256 A/76/10, par. 281.
257 Communication des Maldives, p. 9 (disponib le à l’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms ; voir A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 122) ;
communication du Forum des îles du Pacifique en 2019, p. 3 (disponible à l ’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms ; voir A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 123) ;
communication des États-Unis en 2020, p. 1 (disponible à l’adresse suivante :
https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms ; voir A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 125) ;
déclarations de la Grèce en 2018 et 2019 (A/C.6/73/SR.21, par. 68, et A/C.6/74/SR.28, par. 56 et
57 ; voir A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 128) ; déclaration de la Nouvelle-Zélande (A/C.6/73/SR.22,
par. 5) ; voir A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 130) ; déclaration d’Israël (A/C.6/74/SR.24, par. 27 ; voir
A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 131).
258 Déclaration présentée par l’Autriche en 2021. Disponible à l’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#22mtg .
259 Déclaration présentée par Israël en 2021 (voir supra la note 197).
260 Communication d’Antigua-et-Barbuda (voir supra la note 46).
261 Communication de la Colombie (voir supra la note 53).
262 Communication de Chypre (voir supra la note 133).
263 Communication de la France (voir supra la note 60).
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Grèce264, Irlande265, Maldives266, Philippines267, Pologne268, Singapour269,
Thaïlande270 et États-Unis271.
114. À ce jour, aucun État n’a été d’avis que la règle du changement fondamental de
circonstances, énoncé au paragraphe 1 de l’article 62 de la Convention de Vienne sur
le droit des traités, s’appliquerait aux frontières maritimes dans le contexte de
l’élévation du niveau de la mer. Il convient également de noter que, de manière
générale, il existe très peu d ’exemples de pratique étatique par laqu elle l’article 62 a
été invoqué pour dénoncer unilatéralement un traité 272 et quasi aucun exemple
d’invocation de cet article par des juridictions internationales 273. En effet, la situation
ne semble pas avoir beaucoup changé depuis que Lauterpacht a écrit q ue « l’on trouve
peu d’exemples dans la pratique étatique de recours effectif à la règle rebus sic
stantibus et probablement aucun exemple de sa reconnaissance par les États dont les
droits conventionnels sont remis en cause par invocation de cette règle »274.
[Traduction non officielle]
B. Développement de la règle du changement fondamental
de circonstances
115. Le changement fondamental de circonstances ( rebus sic stantibus) est une règle
générale du droit international qui a été codifiée à l ’article 62 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités. Aux termes du paragraphe 1 de l ’article 62 :
__________________
264 Déclaration présentée par la Grèce en 2021 (voir supra la note 135).
265 Communication de l’Irlande (voir supra la note 65).
266 Communication des Maldives (voir supra la note 257).
267 Déclaration présentée par les Philippines en 2021 (voir supra la note 112).
268 Communication de la Pologne (voir supra la note 67), dans laquelle elle dit qu’elle « n’envisage
pas pour l’instant de modifier les traités relatifs aux frontières maritimes en raison de l ’élévation
du niveau de la mer ».
269 Déclaration présentée par Singapour en 2021. Disponible à l ’adresse suivante :
https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg . Dans cette déclaration, Singapour
estime qu’« en général, il ne faudrait pas facilement permettre l ’ouverture de négociations sur des
frontières maritimes résultant d’un traité ou de décisions de juridictions inter nationales », tout en
tempérant en ces termes : « chaque traité doit être interprété conformément à ses termes pris dans
leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but, ainsi que des circonstances qui
l’entourent ».
270 Déclaration présentée par la Thaïlande en 2021 (voir supra la note 108).
271 Communication des États-Unis en 2022. Disponible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/
guide/8_9.shtml#govcoms.
272 Des exemples dans lesquels des États invoquent la règle rebus sic stantibus pour dénoncer des
traités antérieurs à la Convention de Vienne sur le droit des traités ou s’en retirer sont examinés
dans Snjolaug Árnadóttir, Climate Change and Maritime Boundaries: Legal Consequences of Sea
Level Rise (Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press 2021), p. 171 et 172.
273 Voir Julia Lisztwan, « Stability of maritime boundary agreements », Yale Journal of International
Law, vol. 37, no 1 (hiver 2012), p. 153 à 200, aux pages 181 et 185 ; Compétence en matière de
pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), Compétence de la Cour, Arrêt, C.I.J. Recueil 1973, p. 3 ;
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997 , p. 7. Toutefois, la
Cour de justice européenne a estimé que les changements politiques et économiques survenus dans
les ex-républiques yougoslaves avaient entraîné un changement fondamental de circonstances.
Cour de justice européenne, A. Racke GmbH & Co. c. Hauptzollamt Mainz, affaire no C-162/96,
arrêt du 16 juin 1998, par. 55.
274 Hersch Lauterpacht, The Function of Law in the International Community (Oxford, Clarendon,
1933), p. 270. Lauterpacht évoque également l ’affaire Brême (ville hanséatique libre) c. Prusse,
Staatsgerichtshof allemand, 29 juin 1925, dans laquelle la Cour a reconnu le principe de rebus sic
stantibus mais ne l’a pas jugé applicable à l’espèce. Ibid., p. 277 à 279 ; Annual Digest of Public
International Law Cases, vol. 3 (Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1929),
p. 352 à 354.
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23-02584 55/118
Un changement fondamental de circonstances qui s ’est produit par rapport à
celles qui existaient au moment de la conclusion d ’un traité et qui n’avait pas
été prévu par les parties ne peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin
au traité ou pour s’en retirer, à moins que :
a) l’existence de ces circonstances n’ait constitué une base essentielle du
consentement des parties à être liées par le traité ; et que
b) ce changement n’ait pour effet de transformer radicalement la portée des
obligations qui restent à exécuter en vertu du traité.
116. Le seuil d’application est élevé, les États pouvant invoquer un changement
fondamental de circonstances uniquement si les circonstances qui existaient lors de
la conclusion du traité constituaient une base « essentielle » du consentement des
parties et si le changement de circonstances a pour effet de transformer
« radicalement » les obligations qui sont à exécuter par les parties. Cependant, même
en cas de changement fondamental de circonstances au sens du paragraphe 1 de
l’article 62, il ne peut pas être invoqué par une partie « comme motif pour mettre fin
à un traité ou pour s’en retirer [...] s’il s’agit d’un traité établissant une frontière ».
117. Au cours de sa dix-huitième session, la Commission a adopté le projet
d’article 59 sur le changement fondamental de circonstances 275. Le projet d’article
adopté incluait le paragraphe 2 a), excluant l’invocation d’un changement
fondamental de circonstances comme motif pour mettre fin à un traité établissant une
frontière ou pour se retirer d ’un tel traité. Le projet d’articles a ensuite été adopté, en
1969, en tant que Convention de Vienne sur le droit des traité s.
118. Comme on peut le voir dans les commentaires, la Commission avait convenu
d’exclure les traités établissant une frontière pour prévenir les situations de conflit,
« sans quoi, au lieu d’être un instrument d’évolution pacifique, la règle [de
changement fondamental de circonstances] pourrait devenir la cause de dangereux
froissements »276 et pour sauvegarder la stabilité des frontières afin de promouvoir la
paix et la sécurité au sein de la communauté internationale 277.
119. Les mêmes préoccupations ont d’ailleurs été exprimées par les États lors des
négociations de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Par exemple, en ce
qui concerne l’exclusion des traités établissant des frontières, la Pologne a déclaré ce
qui suit :
« [L]a délégation polonaise estime que la formule actuelle de
l’article 59 concilie deux éléments opposés, la dynamique de la vie
internationale et la stabilité indispensable à tout ordre juridique. On peut
soutenir que la stabilité n’est pas une fin en elle-même, mais c’est néanmoins le
facteur le plus important lorsqu’il s’agit de traités établissant des frontières. Le
problème des frontières est étroitement lié aux droits les plus fondamentaux des
États. C’est pourquoi la délégation polonaise soutient qu ’aucun traité établissant
__________________
275 Annuaire … 1966, vol. II, document A/6309/Rev.1, deuxième partie, p. 201, par. 38., à la page
187.
276 Ibid, p. 283, paragraphe 11) du commentaire du projet d ’article 59. Voir aussi la communication
des Maldives (voir supra la note 257).
277 Árnadóttir, « Termination of maritime boundaries » (voir supra la note 239), p. 101 et 102. Pour
justifier l’exclusion des frontières, la Commission s’est référée à la Cour permanente de justice
internationale, Affaire des zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, ordonnance,
19 août 1929, C.P.J.I. série A, no 22 (Árnadóttir, ibid., p. 103 et 104). Voir aussi la communication
des Maldives (voir supra la note 257), p. 20 et 21, citant l’Annuaire ... 1966, vol. II, document
A/6309/Rev.1, deuxième partie, p. 283, paragraphe 11) du commentaire du projet d ’article 59.
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56/118 23-02584
une frontière ne peut faire l’objet d’une mesure unilatérale motivée par un
changement fondamental de circonstances »278.
120. On peut conclure que le but et l’objet de la Convention de Vienne sur le droit
des traités, en son article 62, paragraphe 2, étai t de garantir la stabilité des frontières
dans l’intérêt fondamental d’entretenir des relations pacifiques. Le même intérêt
s’applique en ce qui concerne la stabilité des frontières maritimes et les relations
pacifiques entre les États. Il existe encore de nombreux différends relatifs à des
frontières maritimes et la perspective d ’en créer de nouveaux à partir de frontières
déjà fixées semblerait aller à rebours de l ’intérêt de garantir la stabilité dans le cadre
de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
C. Jurisprudence et application de la règle du changement
fondamental de circonstances aux frontières maritimes
121. Il ressort de la jurisprudence que les juridictions se montrent réticentes à
invoquer un changement fondamental de circonstances pour mettre fin à un traité. Par
exemple, la Cour internationale de Justice a rejeté l’argument de l’Islande selon lequel
un changement fondamental de circonstances basé sur des changements dans les
techniques de pêche et la législation y rel ative constituait un motif pour mettre fin à
la clause compromissoire conclue entre l’Islande et le Royaume-Uni279. De même, la
Cour n’a pas accepté l’argument de la Hongrie concernant l’application de l’article 62
de la Convention de Vienne sur le droit de s traités comme motif pour justifier la
dénonciation du traité qu’elle avait conclu avec la Tchécoslovaquie. La Cour a
souligné les préoccupations liées à la stabilité dans le cadre de la Convention, en
observant que « [l]e fait que l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités soit libellé en termes négatifs et conditionnels indique d ’ailleurs clairement
que la stabilité des relations conventionnelles exige que le moyen tiré d ’un
changement fondamental de circonstances ne trouve à s ’appliquer que dans des cas
exceptionnels »280.
122. La question de savoir si les dispositions du paragraphe 2 de l ’article 62
s’appliquent aux frontières maritimes a été examinée dans deux affaires déjà citées
dans la première note thématique : l’arrêt de 1978 relatif à l’affaire du Plateau
continental de la mer Égée (Grèce c. Turquie) 281 et l’Arbitrage concernant la
délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde) 282.
Plus récemment, dans l’affaire de la Délimitation maritime dans l’océan Indien
(Somalie c. Kenya), la Cour a souligné « que les frontières entre États, y compris les
__________________
278 Documents officiels de la Conférence des Nations Unies sur le droit des traités, deuxième session ,
9 avril-22 mai 1969, Comptes rendus analytiques des séances plénières et des séances de la
Commission plénière (A/CONF.39/11/Add.1), 22e séance plénière, p. 125, par. 14. Des États se
sont également inquiétés du fait que l’exclusion d’un traité établissant des frontières entérinerait
un certain nombre de traités coloniaux et inégaux conclus dans le passé et serait contraire au droit
à l’autodétermination. Voir, par exemple, la déclaration de l ’Afghanistan, ibid. p. 126, par. 19.
279 L’Islande n’a pas participé à la procédure. Elle avait invoqué le principe du changement
fondamental de circonstances dans une lettre datée du 29 mai 1972 adressée au Greffier de la Cour
par le Ministre islandais des affaires étrangères. Compétence en matière de pêcheries (Royaume -
Uni c. Islande), Compétence de la Cour, (voir supra la note 273).
280 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) (voir supra la note 273), p. 65, par. 104.
281 Arrêt du Plateau continental de la mer Égée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J Recueil 1978 , p. 3,
aux pages 35 et 36, par. 85. Voir aussi A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 118.
282 Arbitrage concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale (Bangladesh
c. Inde), affaire no 2010-16, Cour permanente d’arbitrage, sentence, 7 juillet 2014, p. 63, par. 216
et 217. Disponible à l’adresse suivante : https://pca-cpa.org/fr/cases/18/ (en anglais uniquement).
Voir aussi A/CN.4/740 et Corr. 1, par. 120.
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23-02584 57/118
frontières maritimes, visent à apporter pérennité et stabilité »283. En outre, l’opinion
dominante émanant de la doctrine ne va pas dans le sens de l ’application du
changement fondamental de circonstances (rebus sic stantibus) aux traités relatifs aux
frontières maritimes284. La question se pose essentiellement en termes théoriques car
il y a peu de chances qu’elle ne survienne dans la réalité.
123. Il ne fait pas de doute que l’objet et le but du paragraphe 2 a) de l’article 62 est
de prévenir les conflits et de préserver la stabilité des frontières. Reconnaître
l’élévation du niveau de la mer comme un changement fondamental de circonstances
au sens de l’article 62 aboutirait au résultat contraire. En autorisant les États à
dénoncer unilatéralement les traités existants relatifs aux frontières maritimes ou à
s’en retirer, on créerait de nouveaux différends alors qu ’ils ont déjà été réglés
pacifiquement par voie d’accord entre les parties. Compte tenu de l’impact généralisé
de l’élévation du niveau de la mer, cela menacerait également la stabilité des relations
internationales dans de nombreuses régions du monde.
124. En outre, compte tenu du seuil d’application très élevé de l’article 62, on peut
également se demander si l’élévation du niveau de la mer remplirait les conditions
cumulatives pour permettre à une partie de mettre fin unilatéralement à un accord de
délimitation des frontières par ailleurs valide. L’article 62 exige que « les faits, les
connaissances ou le régime juridique dont le changement est invoqué comme motif
de dénonciation existaient au moment de la conclusion du traité et que les parties ne
prévoyaient pas de changement dans ces circonstances »285. Comme le fait remarquer
un auteur, « l’État devrait démontrer à la fois que la géographie côtière telle qu ’elle
se présentait au moment de la conclusion de l ’accord constituait une base pour son
consentement et que l’État n’aurait pas pu raisonnablement anticiper des changements
dans cette géographie côtière »286.
D. Constatations préliminaires
125. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
a) De nombreux États Membres ont clairement exprimé dans leurs
déclarations à la Sixième Commission que l’élévation du niveau de la mer ne devrait
pas avoir d’incidence sur les frontières maritimes fixées par traité ou qu ’il était
nécessaire de maintenir la stabilité des accords existants en matière de frontières
maritimes. Ce point de vue a été réitéré par plusieurs États dans leurs communications
__________________
283 Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 206,
à la page 263, par. 158.
284 Lisztwan, « Stability of maritime boundary agreements » (voir supra la note 273), p. 184 à 199.
L’auteure se réfère à la déclaration de la délégation des États -Unis lors des négociations au sujet
du projet d’article 59 sur le changement fondamental de circonstances, s ’autorisant de la définition
des frontières par Oppenheim pour observer que la délégation des États -Unis déduisait aussi que
les frontières englobaient les frontières terrestres et maritimes. Ibid., p. 188. Voir aussi Kate
Purcell, Geographical Change and the Law of the Sea (Oxford, Oxford University Press, 2019)
p. 253 et 254 ; Jenny Grote Stoutenburg, « Implementing a new regime of stable maritime zones to
ensure the (economic) survival of small island States threatened by sea -level rise », International
Journal of Marine and Coastal Law, vol. 26, no 2 (janvier 2011), p. 263 à 311, à la page 280.
Toutefois, Árnadóttir estime que les dispositions du paragraphe 2 de l’article 62 n’excluent pas les
frontières maritimes. Árnadóttir, Climate Change and Maritime Boundaries (voir supra la note
272), p. 209 à 219.
285 Lisztwan, Stability of maritime boundary agreements, (voir supra la note 273), citant Oliver
J. Lissitzyn, « Treaties and changed circumstances (rebus sic stantibus) », American Journal of
International Law, vol. 61, no 4 (octobre 1967), p. 895 à 922, à la page 912, par. 5 ( « Un
changement de circonstances peut être invoqué même s ’il n’était pas “imprévu” au sens absolu du
terme »).
286 Lisztwan, « Stability of maritime boundary agreements » (voir supra la note 273), p. 184.
A/CN.4/761
58/118 23-02584
à la Commission. À ce jour, aucun État n’a été d’avis que le principe du changement
fondamental de circonstances, énoncé au paragraphe 1 de l’article 62 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités, s’appliquerait aux frontières maritimes
dans le contexte de l’élévation du niveau de la mer.
b) la genèse du paragraphe 2 a) de l’article 62 de la Convention de Vienne
sur le droit des traités, selon lequel l’application du principe du changement
fondamental de circonstances ne peut être invoqué pour mettre fin à un traité
établissant une frontière ou en suspendre l ’application, montre bien que son objet et
son but étaient le maintien de la stabilité des fronti ères dans l’intérêt d’entretenir des
relations pacifiques. Le même objectif de maintenir la stabilité afin d ’entretenir des
relations pacifiques et d’éviter les conflits s’appliquerait clairement aux frontières
maritimes. La possibilité pour un État d’invoquer unilatéralement l’élévation du
niveau de la mer comme un changement fondamental de circonstances pour mettre
fin à un traité existant créerait un risque de conflit et de perturbation des relations
internationales. L’impact généralisé de l’élévation du niveau de la mer pourrait faire
surgir de nombreux nouveaux différends entre les États au sujet de frontières
maritimes établies, ce qui irait contre l’intérêt de préserver la stabilité et les relations
pacifiques.
c) dans la pratique, il existe peu d’exemples de dénonciation ou de
suspension de traités à la suite d ’un changement fondamental de circonstances, que
ce soit avant ou après l’adoption de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
De même, la Cour internationale de Justice n ’a pas appliqué le principe lorsque des
États en faisaient la requête, dans le souci de garantir la stabilité, conformément à la
Convention de Vienne. Il n’est pas clairement établi que l’article 62, en son
paragraphe 2 a), prévoyait d’exclure les frontières maritimes. Au contraire, dans les
trois affaires où la question a été soulevée, la Cour a toujours conclu que l ’article 62,
en son paragraphe 2 a), s’appliquait aux frontières maritimes dans l’intérêt de
préserver la stabilité des frontières.
d) l’objectif de préservation de la stabilité des frontières et des relations
pacifiques visé à l’article 62 s’appliquerait également aux frontières maritimes,
comme l’ont souligné la Cour et le Tribunal arbitral dans trois affaires traitant de cette
question.
V. Effets de la situation potentielle dans laquelle les zones
de chevauchement délimitées par des accords bilatéraux
dans les zones économiques exclusives de deux États
dont les côtes se font face ne se chevauchent plus et question
des régimes objectifs287 ; effets de la situation dans laquelle
le point extrême d’une frontière terrestre convenue
se retrouve situé en haute mer du fait de l’élévation
du niveau de la mer ; arrêt de la Cour internationale
de Justice dans l’affaire de la Délimitation maritime
dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica
c. Nicaragua)
126. Selon le rapport annuel de 2021 de la Commission :
__________________
287 Les Coprésidents souhaitent remercier le Professeur Ion Galea, de la Faculté de droit de
l’Université de Bucarest, pour sa contribution à cette partie du chapitre.
A/CN.4/761
23-02584 59/118
Des membres ont proposé que le Groupe d’étude envisage le cas possible où, en
raison de l’élévation du niveau de la mer et du recul d u rivage vers l’intérieur
des terres, les zones de chevauchement délimitées par des accords bilatéraux
dans les zones économiques exclusives de deux États dont les côtes se faisaient
face ne se chevaucheraient plus car un tel cas de figure créerait une fic tion
juridique absurde pour certains États. Des membres se sont dits favorables à
l’examen de cette hypothèse, notamment sous l’angle de concepts issus du droit
des traités, comme la désuétude ou la survenance d’une situation rendant
impossible l’exécution d’un traité288.
[...]
Il a été noté que la question [de savoir si les accords maritimes établissant ou
fixant des frontières étaient contraignants pour tous les États] devait être
examinée plus avant, notamment du point de vue des régimes objectifs du dr oit
international. Il a également été proposé que le Groupe d’étude examine la
question des répercussions qu’aurait sur une frontière maritime le fait que le
point extrême d’une frontière terrestre convenue se retrouvât situé en haute mer
du fait de l’élévation du niveau de la mer289.
En outre, « il a aussi été jugé important d’examiner soigneusement l’arrêt rendu par
la Cour internationale de Justice en l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer
des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) dans lequel la Cour a
utilisé une ligne mobile de délimitation maritime »290.
127. Ces questions n’ont pas été examinées par les États Membres dans leurs
communications adressées à la Commission et dans leurs déclarations à la Sixième
Commission entre 2020 et 2022.
128. Selon la doctrine, « [l]orsque l’État côtier a conclu un accord de délimitation
maritime avec un État dont les côtes sont adjacentes ou se font face, [...] [s]i la zone
totale dépasse 400 milles marins après le recul de la côte, une nouvelle zone de haute
mer est créée »291.
129. Le cas de figure examiné présuppose que la délimitation résulte d’un traité
conclu entre États dont les côtes se font face (ci -après dénommé le « traité de
délimitation »). En tout état de cause, les considérations ci -après ne peuvent
s’appliquer qu’à la notion de zone économique exclusive. Dans le cas du plateau
continental, rien n’empêche les États d’étendre leur plateau continental au -delà de
200 milles marins, conformément à l’article 76 de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer et à la procédure décrite, tant que la limite maximale de 350
milles marins n’est pas dépassée.
130. La première question à laquelle il faut répondre est de savoir si le traité de
délimitation peut être affecté par « la survenance d’une situation rendant impossible
l’exécution » conformément à l’article 61 de la Convention de Vienne sur le droit des
traités. Aux termes de l’article, « [u]ne partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter
un traité comme motif pour y mettre fin ou pour s’en retirer si cette impossibilité
__________________
288 A/76/10, par. 277.
289 Ibid., par. 281.
290 Ibid., par. 272. Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica
c. Nicaragua) et Frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c.
Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 2018, p. 139.
291 Sarra Sefrioui, « Adapting to sea-level rise: a law of the sea perspective », in The Future of the
Law of the Sea, Gemma Andreone (dir. publ.) (Cham, Springer International, 2017) , p. 3 à 22, à la
page 10, citant Lisztwan, « Stability of maritime boundary agreement » (voir supra la note 273),
p. 176.
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60/118 23-02584
résulte de la disparition ou de la destruction définitives d’un objet indispensable à
l’exécution de ce traité ». Cet article reflète le droit international coutumier 292.
131. Dans son commentaire sur le projet d’articles sur le droit des traités, la
Commission a expliqué que : « La pratique des États offre peu d’exemples de traités
auxquels il ait été mis fin pour ce motif ; mais le genre de cas envisagé par l’article
est la submersion d’une île, l’assèchement d’un fleuve, ou la destruction d’un barrage
ou d’une installation hydro-électrique indispensables à l’exécution du traité »293. Le
Rapporteur spécial Humphrey Waldock a également fourni des exemples similaires,
notamment la destruction d’une voie ferrée à la suite d’un tremblement de terre,
l’anéantissement d’une usine, d’installations, d’un canal, d’un phare, etc. 294.
132. D’après la doctrine, seule une impossibilité « matérielle » (et non une
impossibilité « juridique ») déclenche l’application de l’article 61 295. Néanmoins, la
Cour internationale de Justice a laissé la question ouverte dans l’affaire concernant le
Projet Gabčíkovo-Nagymaros. La Hongrie a soutenu que l’objet essentiel d’un traité
de 1997 établissant une centrale hydroélectrique sur le Danube était « un
investissement économique conjoint compatible avec la protection de
l’environnement et exploité conjointement par les deux parties contrac tantes » et qu’il
avait définitivement disparu. La Cour a statué ce qui suit : « [l]a Cour n’a pas à
déterminer si le mot « objet » figurant à l’article 61 peut aussi être interprété comme
visant un régime juridique car en tout état de cause, même si tel é tait le cas, elle aurait
à conclure qu’en l’espèce ce régime n’avait pas définitivement disparu [...] »296.
133. Ainsi, si, dans le cas d’un traité de délimitation de zones maritimes qui se
chevauchent, les droits exercés par les États devaient être interprétés comme un objet
physique (le « contact » entre les droits des deux États), on pourrait arguer que les
parties pourraient invoquer l’article 61 si leurs droits dans les zones concernées
venaient à disparaitre en raison de l’élévation du niveau de la mer (sit uation
comparable à la submersion d’une île). Si le traité de délimitation est interprété
comme établissant un régime juridique, on peut dire au contraire que l’article 61 ne
peut se déclencher, puisque cet article ne s’applique qu’en cas de disparition d’’un
« objet matériel » indispensable à l’exécution du traité. Toutefois, comme le note la
Cour internationale de Justice (voir le paragraphe précédent), même dans ce dernier
cas, le régime juridique prévu par ce traité continue d’exister, puisqu’une délimi tation
maritime constitue un acte juridique.
134. En tout état de cause, tant la Commission que le Rapporteur spécial soulignent
que l’application de l’article 61 n’est pas « automatique » : les parties ont le « droit
d’invoquer » l’impossibilité d’exécution comme motif pour mettre fin au traité, ce
qui signifie qu’après invocation de cette disposition, les parties doivent encore
convenir de l’extinction du traité297.
__________________
292 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) (voir supra la note 273), p. 38, par. 46. Voir
aussi Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Avis
consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16 ; Compétence en matière de pêcheries (Royaume -Uni c.
Islande), Compétence de la Cour , (voir supra la note 273), p. 18, par. 36.
293 Annuaire ... 1966, vol. II, document A/6309/Rev.1, p. 279, paragraphe 2) du commentaire du
projet d’article 58.
294 Annuaire ... 1963, vol. II, documents A/CN.4/156 et Add.1-3, p. 82, paragraphe 5) du commentaire
du projet d’article 21.
295 Mark E. Villiger, Commentary to the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties , (Leiden and
Boston, Martinus Nijhoff, 2009), p. 755, par. 4.
296 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) (voir supra la note 273), p. 63 et 64, par. 103.
297 Annuaire ... 1966, vol. II, document A/6309/Rev.1, p. 279, paragraphe 5) du commentaire du
projet d’article 58. Annuaire ... 1963, vol. II, documents A/CN.4/156 et Add.1-3, p. 81,
paragraphe 2) du commentaire du projet d’article 21.
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135. La deuxième question à laquelle il faut répondre est de savoir si un traité peut
être affecté par « la désuétude » ou « la caducité ». L’exclusion de la désuétude et de
la caducité comme motifs d’extinction des traités dans la Convention de Vienne sur
le droit des traités a été voulue par la Commission du droit international : « si la
“caducité” ou “désuétude” peut être une cause effective d’extinction d’un traité, le
fondement en droit de cette extinction, lorsqu’elle intervient, est le consentement des
parties à renoncer au traité, consentement qui doit ressortir implicitement de leur
attitude à l’égard du traité. »298
136. Le Rapporteur spécial, Sir Gerald Fitzmaurice, entend par désuétude « le fait
que, pendant une longue période, les deux parties ou toutes les parties à un traité
n’appliquent pas ou n’invoquent pas un traité, ou agissent d’une façon qui démontre
qu’elles se désintéressent du traité », ce qui « peut équivaloir à un accord tacite par
lequel les parties décideraient de ne pas tenir compte du traité ou de le considérer
comme expiré »299. La caducité désigne « l’impossibilité d’appliquer un tr aité en
raison de la disparition d’une situation juridique qui en constituait l’une des
conditions essentielles »300 [traduction non officielle]. Ainsi, la caducité renvoie à
l’impossibilité juridique d’appliquer un traité. Parmi les exemples proposés par l a
doctrine, on peut citer les références aux « États ennemis » dans la Charte des Nations
Unies301. En pratique, en 1990, l’Autriche a notifié aux États parties au traité d’État
du 15 mai 1955 (France, Union des républiques soviétiques socialistes, Royaume -Uni
et États-Unis) que les clauses militaires et aéronautiques étaient devenues caduques
et les autres parties ont fait part de leur assentiment en réponse à cette notification 302.
On peut donc également affirmer que l’extinction partielle du traité a eu li eu par
consentement des parties.
137. Par conséquent, il semble que la caducité pourrait survenir dans le cas d’un traité
de délimitation, comme suite à l’« impossibilité juridique » d’exécuter le traité, si les
conditions suivantes étaient réunies : a) un changement dans le cadre juridique
rendrait le traité inapplicable (ce qui impliquerait la disparition des droits des États
sur les zones maritimes qui se chevauchent) ; b) les parties s’accorderaient sur cette
inapplicabilité (ou au moins une partie invoquer ait la caducité et les autres ne s’y
opposeraient pas). Toutefois, il faudrait pour cela que la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer dans son ensemble devienne caduque, ce qui semble
hautement improbable. La modification des lignes de base d e certains États, voire de
plusieurs, ne rend pas l’ensemble de la Convention caduque.
138. La troisième question à laquelle il faut répondre est de savoir si le traité de
délimitation peut affecter les droits des États tiers. On pourrait faire valoir qu’un traité
de délimitation représente un « régime objectif », un « traité territorial », qui est
opposable aux États tiers et emporte des effets erga omnes.
139. La Convention de Vienne sur le droit des traités ne mentionne pas les traités
établissant des régimes objectifs. Toutefois, en 1960, le Rapporteur spécial, Sir Gerald
Fitzmaurice, a reconnu ce qui suit :
[L]es instruments régissant l’utilisation de fleuves internationaux comme le
Rhin, le Danube et l’Oder, et de voies maritimes comme le canal de Sue z et le
canal de Panama, le Sund et les Belts, et les Dardanelles et le Bosphore, pour
__________________
298 Annuaire ... 1966, vol. II, document A/6309/Rev.1, p. 258 ; Marcelo G. Kohen, “Desuetude and
Obsolescence of Treaties”, The Law of Treaties Beyond the Vienna Convention, Enzo Cannizzaro,
(Oxford, Oxford University Press, 2011), p. 350 à 359, à la page 351.
299 Annuaire ... 1957, vol. II, document A/CN.4/107, p. 31, paragraphe 3 du projet d’article 15.
300 Kohen, « Desuetude and obsolescence of treaties » (voir supra la note 298), p. 358.
301 Ibid.
302 Traité d’État portant rétablissement d’une Autriche indépendante et démocratique (Vienne, 15 mai
1955), Federal Gazette, vol. 39 (1955), No. 152, p. 725 (texte anglais à la page 762).
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ne citer que les exemples les plus importants, sont venus à être acceptés ou
considérés comme applicables erga omnes, et la question se pose encore
davantage, bien entendu, lorsqu’il s’agit de savoir si ces instruments confèrent
des droits de passage dont tous puissent se prévaloir 303.
140. Par ailleurs, le Rapporteur spécial a fait valoir que, dans le cas de régimes
objectifs, tous les États ont le devoir de reconnaître et de respecter les situations de
droit ou de fait établies par des traités internationaux licites et valides établissant des
« régimes ou des règlements internationaux »304.
141. La question des traités « territoriaux » a été soulevée devant la Commission à
l’occasion des travaux relatifs à la succession d’États en matière de traités. Dans son
projet d’articles sur la succession d’États en matière de traités, la Commission a fait
référence à ce qui suit : « Dans les ouvrages des juristes comme dans la pratique des
États, il est fréquemment fait mention de certaines catégories de traités, qualifiés
selon le cas de traités “de caractère territorial”, “de disposition”, “réels” ou “de
caractère local”, comme ayant force obligatoire pour le territoire en question même
s’il y a succession d’États »305. La Commission a inclus dans cette catégorie les traités
établissant une frontière – qui comprennent les traités de délimitation 306 – ainsi que
les « autres traités territoriaux », dans ce qui est devenu les articles 11 et 12 de la
Convention de Vienne sur la succession d’États en matière de traités de 1978 307. La
Cour internationale de Justice a confirmé le caractère coutumier de l’article 12 da ns
l’affaire concernant le Projet Gabčikovo-Nagymaros308.
142. L’interprétation selon laquelle le terme « frontière » renvoie aussi aux frontières
maritimes a été étayée dans l’affaire du Plateau continental de la mer Égée309. Dans
cette affaire, la Cour internationale de Justice a interprété le terme « statut territorial »
comme s’appliquant également aux questions de délimitation du plateau
continental310. On peut noter, dans ce contexte, que les États parties à la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer sont tenus de donner « la publicité voulue »
aux cartes ou listes de coordonnées géographiques des limites extérieures de la zone
économique exclusive (art. 75, par. 2) et des limites extérieures du plateau continental
(art. 84, par. 2), et d’en déposer un exemplaire auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies.
143. L’hypothèse selon laquelle le point extrême d’une frontière terrestre convenue
se retrouve situé en haute mer a été envisagée par la doctrine. Par exemple, Samuel
Pyeatt Menefee pointe une situation dans laquelle « les frontières terrestres entre deux
[États] [...] se retrouvent sous les eaux en raison de l’élévation du niveau de la mer.
Celles-ci restent-elles inchangées, quoique submergées, ou l’assaut des océans
rendrait-il nécessaire la conclusion d’un nouvel accord sur les frontières ? »
__________________
303 Annuaire ... 1960, document A/CN.4/130, p. 87, par. 52.
304 Ibid., p. 92, par. 68 à 70.
305 Annuaire ... 1974, vol. I (première partie), document A/9610/Rev.1, p. 174, par. 85, à la page 202,
paragraphe 1 du commentaire du projet d’article 12.
306 Ibid., p. 204 et 205, paragraphe 10) du commentaire du projet d’article 12.
307 Convention de Vienne sur la succession d’États en matière de traités (Vienne, 23 août 1978),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1946, no 33356, p. 3.
308 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) (voir supra la note 273), p. 72, par. 123.
309 Plateau continental de la mer Égée (voir supra la note 281), p. 35 et 36. par. 85 : Qu’il s’agisse
d’une frontière terrestre ou d’une limite de plateau continental, l’opération est essentiellement la
même ; elle comporte le même élément inhérent de s tabilité et de permanence et est soumise à la
règle qui veut qu’un traité de limites ne soit pas affecté par un changement fondamental de
circonstances.
310 Ibid., p. 36, par. 77.
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[traduction non officielle]311 Se référant à l’article 15 de la Convention des Nations
Unies sur le droit de la mer312, il poursuit :
Le libellé initial suggère qu’il est difficile de conse rver une ancienne frontière
terrestre si les États concernés ne sont pas affectés de la même manière par
l’élévation du niveau de la mer. D’un autre côté, on pourrait s’attendre à un
argument fondé sur « les titres historiques ou d’autres circonstances
particulières » de la part de tout État qui gagnerait à conserver les anciennes
frontières terrestres. Autre argument en ce sens : la règle du changement de
circonstances n’est généralement pas applicable aux questions de frontières et
l’ancien accord territorial (terre ferme) s’appliquerait donc, constituant un
« accord contraire entre eux »313. [Traduction non officielle]
144. En effet, le paragraphe 2 de l’article 62 de la Convention de Vienne sur le droit
des traités exclut explicitement que les traités sur les frontières puissent prendre fin
en raison d’un changement de circonstances : « [u]n changement fondamental de
circonstances ne peut pas être invoqué comme motif pour mettre fin à un traité ou
pour s’en retirer [...] s’il s’agit d’un traité établissant une frontière. » Le fait que le
point extrême d’une frontière terrestre convenue finisse par se retrouver en haute mer
ou même qu’un segment d’une frontière terrestre convenue soit submergé ne remet
pas en cause la validité du traité établissant cette frontièr e terrestre. Autrement, la
stabilité juridique de la frontière et de son régime s’en retrouverait affectés.
145. Dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, le Nicaragua, notant la nature hautement
instable de l’embouchure du fleuve Coco situé au point terminal de la frontière
terrestre entre le Nicaragua et le Honduras, a affirmé qu’il serait « excessivement
compliqué » de fixer des points de base et de les utiliser pour construire une ligne
d’équidistance provisoire314. Comme le note Sefrioui :
Dans ce cas, si le [d]elta se déplaçait vers l’intérieur des terres, cela conduirait
en fait à ce que la ligne de base suive de plus près la forme générale de la côt e.
La [Cour internationale de Justice] a estimé que « ces points de base devant être
très proches l’un de l’autre, la moindre variation ou erreur dans leur
emplacement s’amplifierait de manière disproportionnée lors de ce tracé »315.
La frontière terrestre le long du fleuve Coco se termine par un delta convexe –
le cap Gracias a Dios – créé par les sédiments charriés par le fleuve. Les parties
à l’affaire ont convenu que les sédiments charriés par le fleuve Coco
« conf[éraient] un morphodynamisme marqué à so n delta, ainsi qu’au littoral au
nord et au sud du cap »316. La Cour a souligné que « l’accrétion continue du cap
__________________
311 Samuel Pyeatt Menefee, « “Half seas over” : then impact of sea-level rise on international law and
policy », UCLA Journal of Environmental Law and Policy , vol. 9, No. 2 (1991), p. 175 à 218, à la
page 210.
312 L’article 15 relatif à la « délimitation de la mer territoriale entre États dont les côtes sont
adjacentes ou se font face » se lit comme suit : « Lorsque les côtes de deux États sont adjacentes
ou se font face, ni l’un ni l’autre de ces États n’est en droit, sauf accord contraire entre eux,
d’étendre sa mer territoriale au-delà de la ligne médiane dont tous les points sont équidistants des
points les plus proches des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale de chacun des deux États. Cette disposition ne s’appliq ue cependant pas dans le cas où,
en raison de l’existence de titres historiques ou d’autres circonstances spéciales, il est nécessaire
de délimiter autrement la mer territoriale des deux États. »
313 Menefee, « “Half seas over ”» (voir supra la note 311), p. 210.
314 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Honduras), (voir supra la note 229), p. 741, par. 273. Voir également Sefrioui,
« Adapting to sea level rise » (voir supra la note 291), p. 17.
315 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Honduras), (voir supra la note 229), p. 742, par. 277.
316 Ibid.
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risquerait de rendre arbitraire et déraisonnable dans un avenir proche toute ligne
d’équidistance qui serait tracée aujourd’hui de cette façon »317. Par conséquent,
la Cour n’a pu déterminer aucun point de base pour le tracé de la ligne
d’équidistance et a conclu que « lorsque [...] tous les points de base que la Cour
pourrait déterminer sont par définition instables, la méthode de la bissectrice
peut être considérée comme une approximation de celle de l’équidistance »318.
La Cour a ainsi trouvé une solution juridique pratique pour surmonter l’instabilité de
la ligne de base et des points de base.
146. Dans l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan
Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua)319, la Cour internationale de Justice a utilisé une
ligne mobile de délimitation maritime, en allant plus loin encore que la solution
trouvée dans l’affaire Nicaragua c. Honduras susmentionnée. Dans sa déclaration à
la Sixième Commission en 2021, le Costa Rica fait référence à cet arrêt :
Le Costa Rica insiste sur la nécessité d’appliquer les principes de stabilité, de
sécurité, de certitude et de prévisibilité [. ..] Le Costa Rica se félicite que [le
Groupe d’étude] ait examiné un arrêt de la [Cour internationale de Justice] qui
a servi à établir les frontières maritimes entre le Costa Rica et le Nicaragua, en
utilisant une ligne de délimitation mobile dans un segm ent qui reliait la côte au
point fixe du début de la frontière maritime. Comme le montre cette affaire, dans
certaines situations où la géomorphologie côtière est variable, une solution telle
que celle qui a été arrêtée par la Cour dans ce cas précis est i déale pour assurer
sécurité et stabilité aux parties malgré les variations fréquentes du point terminal
de la frontière terrestre320.
En effet, selon la Cour dans son arrêt :
La Cour fait observer que « le point de départ de la frontière terrestre étant
actuellement placé à l’extrémité de la flèche littorale qui borde le fleuve San
Juan à l’endroit où celui-ci se jette dans la mer des Caraïbes [...], la délimitation
maritime partirait normalement de ce même point ». Cependant, la grande
instabilité de la côte dans la zone de l’embouchure du San Juan, telle que relevée
par les experts désignés par la Cour, ne permet pas d’identifier, sur la flèche
littorale, un point fixe susceptible de servir de point de départ à la délimitation
maritime. Il est préférable d e retenir un point fixe en mer et de le relier au point
de départ sur la côte par une ligne mobile. Compte tenu du fait que, dans la zone
de l’embouchure du fleuve San Juan, la côte subit un phénomène prédominant
de recul causé par l’érosion marine, la Cou r juge approprié de placer un point
fixe en mer à 2 milles marins de la côte sur la ligne médiane 321.
Il s’agit d’une solution concrète trouvée par la Cour pour surmonter la « grande
instabilité de la côte », caractérisée par le « recul causé par l’érosion marine », et donc
l’instabilité de la ligne de base et des points de base.
147. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
__________________
317 Ibid.
318 Ibid., p. 746, par. 287. Voir également Sefrioui, « Adapting to sea level rise » (voir supra la
note 291), p. 10 et 11.
319 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) et
Frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua) , (voir
supra la note 290).
320 Déclaration présentée par le Cost a Rica en 2021 (voir supra la note 121).
321 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) et
Frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua) , (voir
supra la note 290), p. 173, par. 86.
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a) dans la situation potentielle dans laquelle les zones de chevauchement
délimitées par des accords bilatéraux dans les zones économiques exclusives de deux
États dont les côtes se font face ne se chevauchent plus, « la survenance d’une
situation rendant impossible l’exécution », conformément à l’article 61 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités, ne peut être invoquée que si les droits
des deux États rattachés aux zones de chevauchements s’interprètent comme un objet
physique ayant disparu. Par ailleurs, le régime juridique peut être maintenu, puisque
la délimitation est un acte juridique et, en tout état de cause, l’article 61 ne se
déclenche pas automatiquement. Comme nous l’avons vu plus haut, la désuétude ou
la caducité ne peuvent pas non plus être invoquées pour mettre fin au traité. On
pourrait faire valoir qu’un traité de délimitation re présente un « régime objectif », un
« traité territorial », qui est opposable aux États tiers.
b) Le fait que le point extrême d’une frontière terrestre convenue finisse par
se retrouver en haute mer ou même qu’un segment d’une frontière terrestre convenu e
soit submergé ne remet pas en cause la validité du traité établissant cette frontière
terrestre. Autrement, la stabilité juridique de la frontière et de son régime s’en
retrouverait affectée.
c) dans sa jurisprudence récente (Nicaragua c. Honduras et Costa Rica c.
Nicaragua), la Cour internationale de Justice a trouvé des solutions juridiques
concrètes et pratiques pour surmonter l’instabilité de la ligne de base et des points de
base : on pourrait faire jouer l’interprétation qui prévaut en cas d’utilis ation d’un
point fixe en mer pour faire démarrer la frontière maritime à la solution d’une ligne
de base fixe pour assurer la stabilité des zones maritimes mesurées à partir de celle -
ci.
VI. Principe selon lequel « la terre domine la mer »
A. Développement du principe selon lequel « la terre domine la mer »
148. Le principe bien connu du droit international selon lequel « la terre domine la
mer » est une formule célèbre de la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
dans les Affaires du plateau continental de la mer du Nord en 1969322. La Cour a
appliqué ce principe au plateau continental au motif que « la terre est la source
juridique du pouvoir qu’un État peut exercer dans les prolongements maritimes »,
notamment dans le cas des étendues de terre submergées323. Elle a indiqué qu’il fallait
prendre pour point de départ la côte pour déterminer les droits d’un État en mer 324. Le
principe selon lequel « la terre domine la mer » a depuis été appliqué dans un certain
nombre d’affaires concernant la délimitation du plateau continental325, de la zone
__________________
322 Plateau continental de la mer du Nord, arrêt, CIJ Recueil 1969 , p. 3.
323 Ibid., p. 51, par. 96.
324 Ibid. Voir aussi Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn ,
compétence et recevabilité, arrêt, CIJ Recueil 2001 , p. 40, à la page 97, par. 185.
325 Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 ,
p. 246, à la page 312, par. 157. Plateau continental de la mer Égée (voir supra la note 281), p. 36,
par. 86 ; Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (voir supra la
note 324), p. 97, par. 185 ; Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras
dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) (voir supra la note 229), p. 696 et 699, par.
113 et 126 ; Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) , arrêt, C.I.J. Recueil
2009, p. 61, à la page 89, par. 77 ; Arbitrage concernant la délimitation de la frontière maritime
du golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde) (voir supra la note 282), p. 172, par. 279 ; Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 61, par. 73 ; Différend
relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe
du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 4, à la page 56, par. 185.
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66/118 23-02584
économique exclusive et des îles326. La notion remonte à l’arbitrage de 1909 dans
l’affaire Grisbådarna, dans lequel le tribunal arbitral s’est référé aux principes
fondamentaux du droit des gens, « tant ancien que moderne », selon lesquels « le
territoire maritime est une dépendance nécessaire d’un territoire terrestre »327. La
notion a ensuite été mise en évidence dans l’ Affaire des pêcheries (Royaume-Uni c.
Norvège), dans laquelle la Cour a pris en consi dération « l’étroite dépendance de la
mer territoriale à l’égard du domaine terrestre. C’est la terre qui confère à l’État
riverain un droit sur les eaux qui baignent ses côtes »328. Il convient de remarquer que
le principe selon lequel « la terre domine la mer », bien qu’il soit largement accepté
et appliqué par la Cour et les tribunaux, n’a pas été codifié. Ce principe n’est
mentionné ni dans les quatre conventions de Genève de 1958 329 ni dans la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
149. Si la terre est la source des droits en mer, la Cour internationale de Justice a
précisé que ce n’est pas la masse terrestre elle-même qui constitue le fondement du
titre sur le plateau continental : « Le lien juridique entre la souveraineté territoriale
de l’État et ses droits sur certains espaces maritimes adjacents s’établit à travers ses
côtes. La notion d’adjacence en fonction de la distance repose entièrement sur celle
de littoral et non sur celle de la masse terrestre. 330 » La Cour a réitéré cette notion
dans l’affaire entre Qatar et Bahreïn, rappelant que « [d]ans des affaires antérieures,
la Cour a dit clairement que les droits sur la mer dérivent de la souveraineté de l’État
côtier sur la terre, principe qui peut être résumé comme suit : “la terre domine la
mer”»331. En 2009, dans l’affaire de la Délimitation maritime en mer Noire, la Cour a
déclaré ce qui suit : « Le titre d’un État sur le plateau continental et la zone
économique exclusive est fondé sur le principe selon lequel la terre domine la me r du
fait de la projection des côtes ou des façades côtières »332.
B. Principe du prolongement naturel
150. Il est à noter, concernant le plateau continental, que le principe du
« prolongement naturel » est également apparu parallèlement au principe « la terre
domine la mer », comme l’a souligné la Cour internationale de Justice dans les
Affaires du plateau continental de la mer du Nord : « les droits de l’État riverain
concernant la zone du plateau continental qui constitue un prolongement naturel de
son territoire sous la mer existent ipso facto et ab initio en vertu de la souveraineté
de l’État sur ce territoire et par une extension de cette souveraineté sous la forme de
__________________
326 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (voir supra la note 324),
p. 97, par. 185.
327 Affaire des Grisbådarna (Norvège c. Suède), sentence du 23 octobre 1909, Recueil des sentences
arbitrales, vol. XI, p. 155 à 162, à la page 159. Voir aus si Bing Bing Jia, « The principle of the
domination of the land over the sea: a historical perspective on the adaptability of the law of the
sea to new challenges », German Yearbook of International Law, vol. 57, 2014, p. 63 à 94, à la
page 69.
328 Affaire des pêcheries, arrêt du 18 décembre 1951 : C.I.J. Recueil 1951, p. 116, à la page 133.
329 Convention sur la haute mer (Genève, 29 avril 1958), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 450,
no 6465, p. 11 ; Convention sur le plateau continental (Gen ève, 29 avril 1958), ibid., vol. 499,
no 7302, p. 311 ; Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë (Genève, 29 avril 1958),
ibid., vol. 516, no 7477, p. 205 ; Convention sur la pêche et la conservation des ressources
biologiques de la haute mer (Genève, 29 avril 1958), ibid., vol. 559, n o 8164, p. 285.
330 Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 13, à la
page 41, par. 49.
331 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (voir supra la note 324),
p. 97, par. 185. Voir aussi Plateau continental de la mer Égée (voir supra la note 281), p. 36,
par. 86.
332 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) (voir supra la note 325), p. 89,
par. 77.
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l’exercice de droits souverains aux fins de l’exploration du lit de la mer et de
l’exploitation de ses ressources naturelles »333.
151. Contrairement au principe selon lequel « la terre domine la mer », le principe
du prolongement naturel a été codifié au paragraphe 1 de l’article 76 de la Convention
des Nations Unies sur le droit de la mer. Toutefois, les juridictions tendent à délaisser
l’application du principe du prolongement naturel dans la délimitation des droits
respectifs des États côtiers sur le plateau continental, malgré sa large acceptation par
les États, au profit du critère de la distance. Dans l’affaire du Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), les deux parties avaient affirmé que le principe
du prolongement naturel devait être appliqué à la délimitat ion de leurs plateaux
continentaux respectifs. Comme l’a fait remarquer la Cour internationale de Justice,
« [p]our l’une et l’autre le concept déterminant est celui du prolongement naturel de
la terre sous la mer. Là où les Parties cessent d’être du même avis, c’est [...] sur le
sens de l’expression “prolongement naturel” »334. La Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer n’avait pas encore été adoptée au moment de l’arrêt et aucun
État n’était partie à la Convention sur le plateau continental de 1958, ce qui signifie
que la Cour devait appliquer les règles et les principes du droit international. La Cour
a décidé de ne pas appliquer le principe bien accepté du prolongement naturel, étant
donné que la Jamahiriya arabe libyenne et la Tunisie tiraien t leur titre sur le plateau
continental d’un prolongement naturel commun aux deux territoires, bien que les
parties aient présenté des informations géologiques contraires. Au contraire, la Cour
a estimé que « la définition des étendues de plateau relevant de chacun des deux États
d[evai]t être régie par d’autres critères de droit international que ceux qu’on pourrait
tirer des caractéristiques physiques »335. Alors qu’elle avait reconnu en 1969 que le
prolongement naturel était une notion de droit internatio nal coutumier336, la Cour s’est
appuyée sur les principes d’équité : « les deux considérations – le respect des
principes équitables et l’identification du prolongement naturel – ne sont pas sur le
même plan »337. La Cour a en fait changé de méthode, non plu s en s’appuyant sur la
géomorphologie, mais en optant pour le critère de la distance en vertu des articles 76
et 83 de ce qui était alors le projet de Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, dont la teneur reflétait les « nouvelles tendances acceptées »338.
152. Dans l’affaire Jamahiriya arabe libyenne/Malte, la Cour internationale de
Justice, se référant à la décision susmentionnée dans l’affaire Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne, a abandonné l’application du principe du prolongement naturel en
faveur du critère de la distance, en prenant en compte comme circonstance pertinente
le lien étroit entre les droits de l’État côtier sur le plateau continental et la zone
économique exclusive339. Quelques années plus tard, le Tribunal international du droit
__________________
333 Plateau continental de la mer Égée (voir supra la note 322), p. 22, par.19. Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236). Les deux parties ont invoqué cette
notion dans les termes suivants (ibid., p. 29 et 30) : « La notion du plateau continental comme
prolongement naturel du territoire terrestre dans et sous la mer est le fondement de la notion
juridique du plateau continental et un État a droit ipso facto et ab initio au plateau continental qui
est le prolongement naturel de son territoire terrestre dans et sous la mer. »
334 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 44, par. 38.
335 Ibid., p. 58, par. 67.
336 Ibid., p. 46, par. 43.
337 Ibid., p. 47, par. 44.
338 Ibid., p. 48 et 49, par. 47 et 48.
339 Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (voir supra la note 330), p. 33, par. 33, et
p. 46 et 47, par. 61 et 62. Voir aussi Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2012, p. 624 ; Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime dans
le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar) (voir supra la note 325), p. 114, par. 437. Dans
l’affaire ultérieure contre l’Inde, devant la Cour permanente d’arbitrage, le Bangladesh a retiré son
argument en faveur de l’application du prolongement naturel comme critère pour l’extension du
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de la mer a rejeté l’argument du Bangladesh visant à appliquer le prolongement
naturel comme critère principal pour établir le droit au plateau continental au -delà
des 200 milles marins : « [l]e Tribunal [...] ne saurait accepter que le prolongement
naturel [...] constitue un critère distinct et indépendant qu’un État côtier doit remplir
pour avoir droit à un plateau continental au -delà de 200 milles marins »340. Bing Jia a
observé que « [l]e régime actuel du plateau continental semble opérer
indépendamment du principe [selon lequel “la terre domine la mer”] », la pratique
dans ce domaine s’étant « affranchi de l’élément de prolongement naturel »341.
[Traduction non officielle].
153. Il s’agit d’exemples où, pour des raisons de pragmatisme et d’équité, la Cour
internationale de Justice n’a pas appliqué des principes bien établis et reconnus,
largement acceptés par les États ou codifiés, comme le principe du prolongement
naturel. On pourrait envisager une telle approche concernant l’application du principe
selon lequel « la terre domine la mer » en relation avec l’élévation du niveau de la
mer et des solutions telles que la préservation des lignes de base ou des limites
extérieures. Le principe selon lequel « la terre domine la mer » est une création du
juge et n’a pas été codifié. Soons a rejeté les opinions de la doctrine qui considèrent
ce principe comme un obstacle possible à la préservation des zones maritimes
existantes, en déclarant qu’il ne trouve pas ces arguments convaincants :
Je pense que ces auteurs confondent la signification d’une maxime juridique
avec les règles juridiques sous-jacentes elles-mêmes. Ils semblent soutenir que
l’on ne peut pas changer la loi, parce que c’est la loi. La maxime « la terre
domine la mer » est un résumé de ce que certaines règ les de droit positives (sur
les lignes de base et peut-être sur l’étendue des espaces maritimes) prévoient
actuellement. Mais les circonstances peuvent changer, tout comme la loi ; le
droit s’adapte par nature aux exigences des changements sociétaux. Ainsi , si les
règles relatives aux lignes de base changent, la maxime sera peut -être formulée
différemment à l’avenir, mais je ne suis même pas sûr que cela soit vraiment
nécessaire342. [Traduction non officielle]
De même, tout en reconnaissant que le principe selon lequel « la terre domine la mer »
sert de fondement pour les droits maritimes, Nguyen est d’avis que ce principe « n’est
pas contraire au maintien des lignes de base et des limites maritimes »343.
C. Exception de « permanence » et plateau continental
154. Le caractère définitif et permanent des limites du plateau continental défini aux
paragraphes 8 et 9 de l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer est un exemple de cas où le principe selo n lequel « la terre domine la mer » ne
s’applique pas. Il s’agit d’une application souple de ce principe. Le plateau
continental est mesuré à partir des lignes de base à partir desquelles est mesurée la
__________________
plateau continental au-delà de 200 milles nautiques. Arbitrage concernant la délimitation de la
frontière maritime du golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde) (voir supra la note 282), p. 131,
par. 439.
340 Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale
(Bangladesh/Myanmar) (voir supra la note 325), p. 113, par. 435.
341 Bing Bing Jia, « The principle of the domination of the land over the sea » (voir supra la
note 327), p. 76.
342 Alfred Soons, « Remarks by Alfred Soons » (dans Patrícia Galvão Teles, Nilüfer Oral et al.,
propos sur « Addressing the law of the sea challenges of sea -level rise »), American Society of
International Law Proceedings, vol. 114 (2020), p. 389 à 392, à la page 392.
343 Nguyen Hong Thao, « Sea-level rise and the law of the sea in the Western Pacific region »,
13 Journal of East Asia and International Law, vol. 13, n° 1 (mai 2020), p. 121 à 142, à la
page 139.
A/CN.4/761
23-02584 69/118
largeur de la mer territoriale, à l’instar des autres zones maritimes. Si la ligne de base
recule vers l’intérieur des terres, les limites du plateau continental devraient donc être
affectées. Or, si les conditions requises sont remplies, comme le prévoit l’article 76,
un recul de la ligne de base vers l’int érieur des terres n’aurait pas d’incidence sur les
limites du plateau continental, qui restent fixes ou permanentes. Cela montre bien que
le principe selon lequel « la terre domine la mer » n’est pas absolu et que, dans
certaines circonstances, il n’est pas toujours appliqué. En effet, une présomption sousjacente
de permanence des zones maritimes en général peut être déduite de
l’observation émise par la Cour internationale de Justice en l’affaire Jan Mayen selon
laquelle « l’attribution d’espaces maritime s à un territoire étatique qui, par nature, a
vocation à être permanente, constitue une opération basée sur le droit et fondée sur le
seul caractère côtier dudit territoire »344.
D. Constatations préliminaires
155. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
a) le principe selon lequel « la terre domine la mer » est une construction
jurisprudentielle qui a été développée en relation avec le plateau continental et
l’extension des droits souverains de l’État côtier. Comme l’a déclaré la Cour
internationale de Justice, « la terre est la source juridique du pouvoir qu’un État peut
exercer dans les prolongements maritimes »345. Il s’agit d’une règle de droit
international coutumier, qui n’a été codifiée ni dans les conventions de Genève de
1958, ni dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Les droits
maritimes ne découlent pas de la masse terrestre en tant que telle, mais de la
souveraineté exercée par l’État sur le littoral. La détermination de l’étendue des
frontières maritimes n’est pas une équation mathématique basée sur la superficie du
territoire terrestre. La Cour a déclaré qu’il était primordial d’appliquer des principes
équitables et a, dès lors, rompu avec l’application du principe du prolongement
naturel. La préservation des frontières maritimes existantes et des droits face à
l’élévation du niveau de la mer pourrait être considérée comme un principe équitable
et pourrait constituer une exception au principe selon lequel « la terre domine la
mer » ;
b) Bien que le principe selon lequel « la terre domine la mer » ait été
largement accepté et appliqué par les cours et tribunaux, ainsi que par les États, il ne
s’agit pas d’une règle absolue, et ce pour deux raisons :
i) premièrement, le principe du prolong ement naturel du plateau continental,
qui s’est développé parallèlement au principe selon lequel « la terre domine la
mer », est un exemple d’exception aux principes existants du droit international,
faite pour des raisons pragmatiques et afin de parvenir à une solution équitable.
Une approche analogue pourrait être appliquée à l’élévation du niveau de la mer
et à la préservation des lignes de base existantes. Une application rigide du
principe selon lequel « la terre domine la mer » n’apporterait pas de solution à
la situation inique dans laquelle se trouvent de nombreux États déchus de leurs
droits maritimes existants en raison de l’élévation du niveau de la mer. Ce
principe doit plutôt s’apprécier au regard du principe d’équité, entre autres
principes, tels que la stabilité des frontières, qui est également une règle
reconnue du droit coutumier. Cela reviendrait à suivre une approche analogue à
celle de la Cour lorsqu’elle avait remplacé la règle codifiée et coutumière du
__________________
344 Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen, arrêt, C.I.J. Recueil
1993, p. 38, à la page 74, par. 80.
345 Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la note 322), p. 51, par. 96.
A/CN.4/761
70/118 23-02584
prolongement naturel par la tendance émergente du critère de la distance énoncé
dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ;
ii) deuxièmement, si les conditions nécessaires prévues par la Convention
sont réunies, le caractère permanent des limites extérieures du plateau
continental implique qu’elles resteraient fixes en cas de recul de la ligne de base
vers l’intérieur des terres. Il s’agit d’un exemple où le principe « la terre domine
la mer » ne s’applique pas, ce qui signifie qu’il n’est pas absolu. En d’autres
termes, le gel des lignes de base et des limites extérieures des autres zones
maritimes n’est pas incompatible avec le principe selon lequel « la terre domine
la mer ». Il existe des exemples en droit international qui viennent étayer
l’interprétation souple du principe selon lequel « la terre domine la mer » qui
permettrait de préserver les lignes de base ou les limites extérieures des zones
maritimes.
VII. Eaux, titres et droits historiques
A. Développement du principe des eaux, des titres et des droits
historiques
156. La notion d’eaux et de droits historiques trouve son origine dans le
développement de la notion de baies et de golfes historiques 346. La question des baies
historiques a été examinée dès le début de la Conférence pour la codification du droit
international en 1930. Dans le projet d’articles de la Commission relatifs au droit de
la mer, il est brièvement fait référence dans le commentaire du projet d’article 7 à la
question de l’exclusion des baies historiques 347. À la demande de l’Assemblée
générale, le Secrétariat a établi en 1962 une étude sur le régime juridique des eaux
historiques, y compris les baies historiques 348. À sa quatorzième session, également
en 1962, la Commission a décidé d’inscrire à son programme de travail le sujet du
régime juridique des eaux historiques, y compris les baies historiques, comme suite à
une demande de l’Assemblée générale349. Toutefois, la Commission a finalement
décidé de ne pas inscrire le sujet à son programme de travail actif 350.
157. La Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë de 1958 et la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 ne font que peu référence
aux eaux historiques ou aux titres historiques. Aucune des deux conventions ne donne
__________________
346 La question de l’invocation éventuelle des eaux historiques et du titre historique a été soulevée pa r
un membre du Groupe d’étude sur l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international
lors d’une réunion tenue pendant la soixante -douzième session de la Commission, en 2021. Le
membre a déclaré qu’en tenant compte des espaces maritimes spécif iques des États touchés par
l’élévation du niveau de la mer et de leur lien respectif avec ces espaces, des titres historiques
pourraient potentiellement être établis, et qu’en tout état de cause, il était justifié d’examiner plus
avant les titres historiques en vue de préserver les droits maritimes face à l’élévation du niveau de
la mer. La genèse du principe des eaux et du titre historiques est détaillée dans l’étude établie par
le Secrétariat en 1962 sur le régime juridique des eaux historiques, y compri s les baies historiques
(Annuaire ... 1962, vol. II, document A/CN.4/143, p. 1).
347 Annuaire ... 1956, vol. II, document A/3159, p. 269 ;
348 Annuaire … 1962, vol. II, document A/CN.4/143, p. 1. Voir les documents officiels de la
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Genève, 24 février-27 avril 1958, vol. II,
séances plénières, document A/CONF.13/L.56, résolution VII, p. 145. L’Inde et le Panama avaient
proposé que soit rédigée une étude sur le régime des baies et des eaux historiques. Voir aussi
Myron H. Nordquist et al, dir. publ., United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A
Commentary, vol. II (Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1993), p . 118, para. 10.5 e).
349 Voir Annuaire ... 1967, vol. II, document A/CN.4/L.119, p. 341, par. 14 ; résolution 1686 (XVI) de
l’Assemblée générale en date du 18 décembre 1961.
350 Annuaire ... 1977, vol. II, p. 129, par. 109.
A/CN.4/761
23-02584 71/118
de définition des eaux historiques ou des titres historiques. En outre, aucune référence
expresse n’est faite aux droits historiques. En résumé, la codification du régime des
eaux historiques et des titres historiques est limitée. La Cour internationale de Justice
a relevé l’absence de définition ou de régime pour les eaux historiques ou les titres
historiques dans l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne)351, puis dans l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras : Nicaragua (intervenant)), notant que la question restait
régie par les règles générales du droit international 352.
158. L’étude rédigée par le Secrétariat reste la référence la plus complète à l’usage
des cours et des tribunaux353. Selon l’étude, le terme « droits historiques » s’entend
au-delà des « baies historiques » :
Les droits historiques peuvent être invoqués non seulement pour les baies, mais
aussi pour les zones maritimes qui n’ont pas le caractère de baies, telles que les
eaux archipélagiques et les étendues d’eau comprises entre un archipel et le
continent voisin ; des droits historiques sont également revendiqués pour les
détroits, les estuaires et d’autres étendues d’eau similaires. Pour couvrir ces
espaces, on parle de plus en plus d’« eaux historiques » et non pas de « baies
historiques »354.
159. Le Secrétariat a mis en évidence trois facteurs à prendre en considération pour
déterminer si un État a acquis un titre historique sur un espace maritime :
Tout d’abord, l’État doit exercer une autorité sur cet espace afin d’acquérir un
titre historique sur celui-ci. Deuxièmement, cette autorité doit avoir été exercée
de façon continue pendant un laps de temps considérable ; en fait, elle doit avoir
acquis la valeur d’un usage. Le troisième élément, qui est la position des autres
États à l’égard de cet exercice d’autorité, prête davantage à controverse.
Certains auteurs estiment que l’assentiment des autres États est nécessaire pour
la formation d’un titre historique ; d’autres pensent que l’absence d’opposition
de la part de ces États suffit355.
B. Jurisprudence et application du principe des eaux, des titres
et des droits historiques
160. Les eaux, les titres et les droits historiques ont été abordés dans plusieurs
affaires internationales liées à la délimitation maritime. Dans l’arbitrage sur les
Pêcheries des côtes septentrionales de l’Atlantique de 1910 entre le Royaume-Uni et
les États-Unis, le tribunal de la Cour permanente d’arbitrage a reconnu l’existence de
« baies historiques, bien qu’il ait rejeté la requête des États -Unis dans cette affaire356.
__________________
351 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 73 et 74,
par. 100.
352 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras : Nicaragua
(intervenant)), (voir supra la note 220), p. 588 et 589, par. 384.
353 Documents officiels de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Genève, 24 février -
27 avril 1958, vol. I, Preparatory Documents, document A/CONF.13/1 (en anglais uniquement).
354 Annuaire ... 1962, vol. II, document A/CN.4/143, p. 5, par. 29 (citant les Documents officiels de la
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, Genève, 24 février-27 avril 1958, vol. I,
Preparatory Documents, document A/CONF.13/1 (en anglais uniquement), p. 2, par. 8).
355 Annuaire … 1962, vol. II, document A/CN.4/143, p. 15, par. 80. Pour une explication complète des
trois éléments constitutifs du titre historique, voir ibid. p. 15 à 23, par. 80 à 1 32.
356 Affaire des pêcheries des côtes septentrionales de l’Atlantique (Grande -Bretagne/États-Unis
d’Amérique), sentence du 7 septembre 1910, affaire n° 1909 -01, Cour permanente d’arbitrage,
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 167 (voir aussi https://pcacpa.
org/en/cases/74).
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72/118 23-02584
En 1917, la Cour centraméricaine de justice a déclaré que le golfe de Fonseca était
une baie historique357. Dans l’Affaire des pêcheries de 1951 (Royaume-Uni contre
Norvège), la Cour internationale de Justice a défini les « eaux historiques » comme
des « eaux que l’on traite comme des eaux intérieures, alors qu’en l’absence d’un titre
historique elles n’auraient pas ce caractère »358. Dans le Différend frontalier terrestre,
insulaire et maritime (El Salvador/Honduras : Nicaragua intervenant)), la Chambre
a rappelé cette définition en ce qui concerne le golfe de Fonseca, en notant que les
« eaux historiques » étaient généralement entendues comme des « eaux que l’on traite
comme des eaux intérieures, alors qu’en l’absence d’un titre historique elles
n’auraient pas ce caractère »359. Sur la base de l’arrêt de 1917 de la Cour
centraméricaine de justice, la Chambre a déterminé ce qui suit :
[L]es eaux du golfe, hormis les ceintures maritimes de 3 milles, sont des eaux
historiques et sont soumises à la souveraineté conjointe des trois États riverains.
[...] Les motifs de cette conclusion, indépendamment des motifs de l’arrêt rendu
en 1917 par la Cour centraméricaine de justice et de l’effet dudit arrêt, sont les
suivants : quant au caractère historique des eaux du golfe, les prétentions
correspondantes des trois États riverains et l’absence de protestation de la part
d’autres États. Quant à la nature des droits qui existent dans les eaux du golfe,
ces eaux étaient les eaux d’une baie dont un seul État était riverai n pendant la
plus grande partie de leur histoire connue 360.
161. Dans l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) , la
Cour internationale de Justice a reconnu que « les titres historiques d[evaien]t être
respectés et préservés, ainsi qu’ ils l’ont toujours été en vertu d’un long usage »361.
Cependant, la Cour n’a pas reconnu comme droits historiques les activités qui ne
conduisent pas à « la reconnaissance d’un droit quasi territorial exclusif »362. Dans
l’arbitrage Érythrée/Yémen, l’Érythrée et le Yémen ont demandé au tribunal arbitral
de trancher les questions de souveraineté territoriale sur les îles contestées de la mer
Rouge conformément aux principes, règles et pratiques du droit international
applicable, y compris les titres historique s. Le tribunal arbitral a conclu qu’« en fin
de compte, aucune des parties n’a[vait] été en mesure de convaincre le Tribunal qu’il
existait bien sur le plan juridique un titre historique, ou des titres historiques, établis
de longue date, à caractère continu et définitif, sur ces îles, îlots et rochers particuliers,
qui auraient donné au Tribunal une base suffisante pour trancher » [traduction non
officielle]363.
162. Dans un certain nombre d’affaires, les droits historiques ont également été
considérés comme une circonstance pertinente ou un critère équitable. Dans l’affaire
du Golfe du Maine, la Chambre de la Cour internationale de Justice a estimé que
__________________
357 Cour centraméricaine de justice, El Salvador c. Nicaragua, arrêt du 9 mars 1917, American
Journal of International Law, vol, 11, no 3 (juillet 1917), p. 674 à 730.
358 Affaire des pêcheries (voir supra la note 328), p. 130. Voir également l’opinion dissidente de Sir
Arnold McNair, ibid. p. 158 à 185, à la page 184 ; l’opinion dissidente du juge J. E. Read, ibid.
p. 186 à 206, p. 194 et 195 ; Clive R. Symmons, Historic Waters in the Law of the Sea: A Modern
Re-Appraisal (Leiden et Boston, Martinus Nijhoff, 2008).
359 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras : Nicaragua
(intervenant)), (voir supra la note 220), p. 588, par. 384.
360 Ibid., p. 601, par. 404 et 405.
361 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 73 et 74,
par. 100. Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras : Nicaragua
(intervenant)), (voir supra la note 220), p. 588 et 589, par. 384.
362 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (voir supra la note 324),
p. 112, par. 236. Bahreïn avait revendiqué ses activités de pêche à l’huître perlière et au poisson
comme des droits historiques.
363 Souveraineté territoriale et portée du différend (Érythrée et Yémen), sentence du 9 octobre 1998,
Recueil des sentences arbitrales, vol. XXII, p. 209 à 332, à la page 311, par. 449.
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23-02584 73/118
l’ampleur des activités de pêche historiques ne constituait pas une circonstance
pertinente ou un critère équitable à appliquer à la détermination du tracé du troisième
segment de la ligne de délimitation364. De même, en l’affaire Barbade/Trinité-et-
Tobago, le tribunal arbitral n’a pas accepté que la revendication de la Barbade
concernant des activités de pêche historiques dans les eaux au large de Trinité -et-
Tobago justifie l’ajustement de la frontière maritime, avec la mise en garde suivante :
« Cela ne signifie toutefois pas que l’argument fondé sur les activités de pêche est
sans fondement factuel ou sans conséquences juridiques » [traduction non
officielle]365.
163. Plus récemment, le tribunal arbitral a noté ce qui suit en l’affaire de la Mer de
Chine méridionale :
L’expression « droits historiques » est de nature générale et peut s’entendre de
tout droit qu’un État possède et qui, en l’absence de circonstances historiques
particulières, ne découlerait normalement pas des règles générales du droit
international. Les droits historiques peuvent inclure la souveraineté, mais aussi
des droits plus limités, tels que les droits de pêche ou les droits d’accès, qui sont
loin de constituer une revendication de souveraineté 366. [Traduction non
officielle]
Citant l’étude établie par le Secrétariat de 1962, le tribunal arbitral a observé ce qui
suit :
Le processus de formation des droits historiques en droit international [...] exige
l’exercice continu du droit invoqué par l’État qui le revendique et
l’acquiescement des autres États concernés. Bien que l’étude [du Secrétariat]
traite de la formation des droits à la souve raineté sur les eaux historiques, [...]
les eaux historiques ne sont qu’une forme de droit historique et le processus est
le même pour les revendications de droits n’ayant pas trait à la souveraineté
[Traduction non officielle]367.
164. Dans l’affaire de la Mer de Chine méridionale, le tribunal a également estimé
que les dispositions relatives aux espaces maritimes définis par la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer primaient les droits historiques qui entraient en
contradiction avec ces dernières368, et qu’après l’entrée en vigueur de la Convention
la formation de droits historiques se fonderait toujours sur les trois mêmes éléments
constitutifs. Un certain nombre de juristes ont écrit sur la question des droits
historiques dans l’affaire de la Mer de Chine méridionale et sur la décision du
tribunal369.
__________________
364 Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (voir supra la note 325),
p. 342, par. 237.
365 Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité -et-Tobago, affaire no 2004-02, Cour
permanente d’arbitrage, sentence, 11 avril 2006, p. 84, par. 272. À con sulter à l’adresse suivante :
https://pca-cpa.org/en/cases/104 (en anglais uniquement). Toutefois, le tribunal arbitral a estimé
qu’il n’était pas compétent pour rendre une sentence établissant un droit d’accès des pêcheurs
barbadiens à la pêche à la ligne dans la zone économique exclusive de Trinité -et-Tobago, en vertu
du paragraphe 3 a) de l’article 297 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(ibid., p. 87, par. 283).
366 Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale entre la République des Philippines et la
République populaire de Chine, affaire no 2013-19, Cour permanente d’arbitrage, sentence du
12 juillet 2016, p. 96, par. 225. À consulter à l’adresse suivante : https://pca-cpa.org/en/cases/7 (en
anglais uniquement).
367 Ibid., p. 113, par. 265.
368 Ibid., p. 103, par. 246.
369 Robert Beckman, « UNCLOS Part XV and the South China Sea », dans The South China Sea
Disputes and Law of the Sea, S. Jayakumar, Tommy Koh et Robert Beckman, dir. publ.
A/CN.4/761
74/118 23-02584
C. Pratique des États
165. En ce qui concerne la pratique des États en matière de revendications de droits
historiques et d’eaux historiques, Zou et la Société chinoise de droit international
citent les éléments suivants : un accord entre l’Inde et Sri Lanka sur la frontière des
eaux historiques entre les deux pays, du 26 juin 1974 370 ; la loi de 1976 sur les eaux
territoriales et les espaces maritimes du Pakistan 371 ; la loi de 1976 sur les espaces
maritimes de Sri Lanka, portant déclaration de la mer territoriale et d’autres zones
maritimes sri-lankaises et relative à toutes les autres questions qui s’y rattachent
directement ou indirectement372 ; une proclamation présidentielle du 15 janvier 1977,
de Sri Lanka, affirmant que « les eaux historiques de la baie de Palk et du détroit de
Palk font partie des eaux intérieures de Sri Lanka », et que « les eaux historiques du
golfe de Mannar font partie de la mer territoriale de Sri Lanka »373 ; la loi sur les
limites extérieures de l’ancienne Union des républiques socialistes soviétiques, entrée
en vigueur le 1er mars 1983, qui prévoit que les eaux des baies, bras de mer, criques
et estuaires, de la mer et des détroits, appartenant historiquement à l’Union, font partie
des eaux intérieures de l’Union374 et la loi de 1996 sur les océans du Canada 375.
D. Application à l’élévation du niveau de la mer
166. Un certain nombre de juristes se sont penchés sur l’application potentielle des
droits historiques et des eaux historiques dans le contexte de l’élévation du niveau de
la mer376. Par exemple, Caron a suggéré que les droits historiques pourraient être un
__________________
(Cheltenham, Edward Elgar, 2014), p. 229 à 264, aux pages 26 0 et 261 ; Stefan Talmon, « The
South China Sea arbitration: is there a case to answer? », dans The South China Sea Arbitration: A
Chinese Perspective, Stefan Talmon et Bing Bing Jia, dir. publ. (Oxford, Hart Publishing, 2014),
p. 15 à 79, à la page 51 ; Keyuan Zou, « Historic rights in the South China Sea » dans UN
Convention on the Law of the Sea and the South China Sea , Shicun Wu, Mark Valencia et Nong
Hong, dir. publ. (Londres, Routledge, 2015), p. 239 à 250 ; Clive R. Symmons, « Historic waters
and historic rights in the South China Sea : a critical appraisal" dans ibid, p. 191 à 238, aux pages
195 et 196 (voir aussi Clive R. Symmons, « First reactions to the Philippines v China arbitration
award concerning the supposed historic claims of China in the S outh China Sea », Asia-Pacific
Journal of Ocean Law and Policy, vol. 1, 2016, p. 260 à 267) ; Sreenivasa Rao Pemmaraju, « The
South China Sea arbitration ( The Philippines v. China): assessment of the award on jurisdiction
and admissibility », Chinese Journal of International Law, vol 14, no 2 (juin 2016), p. 265 à 307,
aux pages 293 et 294, par. 54 ; Sophia Kopela, « Historic titles and historic rights in the law of the
sea in the light of the South China Sea arbitration », Ocean Development and International Law,
vol. 48, no 2 (2017), p. 188 à 207 ; Yoshifumi Tanaka, « Reflections on historic rights in the South
China Sea arbitration (merits) », International Journal of Marine and Coastal Law, vol 32, 2017,
p. 458 à 483, aux pages 474 à 475 ; Andrea Gioia, « Historic titles », dans Wulfrum, dir. publ. Max
Planck Encyclopedia of Public International Law (voir supra la note 219), par. 21 ; Chinese
Society of International Law, « The South China Sea arbitration awards: a critical study », Chinese
Journal of International Law, vol. 17, no 2 (juin 2018), p. 207 à 748 ; et Clive R. Symmons,
Historic Waters and Historic Rights in the Law of the Se a: A Modern Reappraisal, 2e éd. (Leiden,
Brill Nijhoff, 2019), p. 1 à 3.
370 Zou, « Historic rights in the South China Sea » (voir supra la note 369), p. 242.
371 Chinese Society of International Law, « The South China Sea arbitration awards : a critical study »
(voir supra la note 369), p. 443, par. 488.
372 Zou, « Historic rights in the South China Sea » (voir supra la note 369), p. 242.
373 Chinese Society of International Law, « The South China Sea arbitration awards » (voir supra la
note 369), p. 443 et 444, par. 488.
374 Zou, « Historic rights in the South China Sea » (voir supra la note 369), p. 242.
375 Chinese Society of International Law, « The South China Sea arbitration awards » (voir supra la
note 369), p. 443 et 444, par. 488.
376 David D. Caron, « When law makes climate change worse: rethinking the law of baselines in light
of a rising sea level », Ecology Law Quarterly, vol. 17, no 4, 1990, p. 621 à 653, aux pages 650 et
651 ; Frances Anggadi, « Establishment, notification, and maintenance: the package of State
A/CN.4/761
23-02584 75/118
moyen pour les États de geler leurs frontières maritimes. Cependant, il reconnaît
également qu’il est plus facile de contester la revendication de droits historiques que
la localisation d’une ligne de base377. Soons examine la revendication de droits
historiques comme moyen de préserver les droits maritimes :
Un État côtier pourrait maintenir les limites extérieures de sa mer territoriale et
de sa [zone économique exclusive] à l’endroit où elles se trouvaient avant une
élévation sensible du niveau de la mer. En conséquence, la lar geur de sa mer
territoriale deviendrait progressivement supérieure à 12 [milles nautiques] (ou
une enclave de mer territoriale existerait là où une ancienne île aurait disparu),
et la limite extérieure de sa [zone économique exclusive] se situerait à plus de
200 [milles nautiques] de la ligne de base (ou, dans le cas extrême d’une île
submergée, la [zone économique exclusive] pourrait devenir une enclave en
haute mer)378. [Traduction non officielle]
Soons apporte toutefois une mise en garde :
Ces revendications doivent être distinguées des prétentions sur les eaux
historiques. [...] Les eaux historiques peuvent être définies comme des eaux sur
lesquelles l’État côtier, par dérogation aux règles générales du droit
international, exerce sa souveraineté, de man ière claire et effective, sans
interruption et sur un laps de temps considérable, avec l’assentiment de la
communauté des États. Ces espaces sont régis par le régime des eaux intérieures
maritimes379. [Traduction non officielle]
167. Soons admet qu’en théorie il est possible de recourir au régime des droits
historiques pour préserver les droits maritimes existants, mais il avance qu’une telle
solution aboutirait à des résultats variables selon les États, car elle « impliquerait
d’évaluer chaque revendication individuelle d’un État côtier compte tenu des
circonstances particulières et du comportement de cet État, ainsi que des réactions
des autres États intéressés sur un certain laps de temps », et aboutirait à des résultats
inégaux pour répondre au problème de l’é lévation du niveau de la mer, alors que
celui-ci requiert une solution générale de nature à protéger les droits de tous les
États380.
__________________
practice at the heart of the Pacific Islands Forum Declaration on Preserving Maritime Zones »,
Ocean Development and International Law, vol. 53, No. 1, 2022, p. 19 à 36, à la page 22 ; Karen
Scott, « Rising seas and Pacific maritime boundaries », Australian Institute of International
Affairs, 3 septembre 2018 ; Vladyslav Lanovoy et Sally O’Donnell, « Climate change and sealevel
rise: is the United Nations Convention on the Law of the Sea up to the task? », International
Community Law Review, vol. 23, n° 2-3 (juin 2021), p. 133 à 157, aux pages 137 et 139 ; Egdardo
Sobenes Obregon, « Historic waters regime: a potential legal solution to sea-level rise »,
International Journal of Maritime Affairs and Fisheries , vol. 7, no 1 (juin 2015), p. 17 à 32.
377 Caron, « When law makes climate change worse » (voir supra la note 376), p. 650 et 651.
378 Alfred H.A. Soons, « The effects of sea-level rise on baselines and outer limits of maritime
zones », dans New Knowledge and Changing Circumstances in the Law of the Sea , Thomas
Heidar, dir. publ. (Leiden et Boston, Brill Nijhoff, 2020), p. 358 à 381, à la page 372.
379 Ibid., p. 372 et 373. Voir aussi Eric Bird et Victor Prescott, « Rising global sea levels and national
maritime claims », Marine Policy Reports, vol. 1, no 3, 1989 ; David Freestone et John Pethick,
"Sea-level rise and maritime boundaries: international implications of impacts and responses »,
dans World Boundaries, vol. 5, Maritime Boundaries, Gerald Blake, dir. publ. (Londres et New
York, Routledge, 1994), p. 73 à 90.
380 Soons, « The effects of sea-level rise » (voir supra la note 378), p. 373. Voir aussi Alfred H.A.
Soons, « The effects of a rising sea level on maritime limits and boundaries », Netherlands
International Law Review, vol. 37, no 2 (août 1990), p. 207 à 232, aux pages 223 à 226. Les
articles suivants soulèvent des questions potentielles qui devraient être abordées en cas d’adoption
de la proposition de gel des espaces maritimes (bien que ces articles ne mentionnent pas
spécifiquement les titres ou les droits historiques) : Vincent P. Cogliati-Bantz, « Sea-level rise and
coastal States’ maritime entitlements », Journal of Territorial and Maritime Studies, vol. 7, no 1
A/CN.4/761
76/118 23-02584
E. Constatations préliminaires
168. Les eaux, titres et droits historiques sont acquis par un État à longueur d’usage
et avec l’assentiment d’autres États. Il s’agit d’eaux, de titres ou de droits auxquels
un État n’aurait pas pu légalement prétendre autrement. En d’autres termes, il s’agit
d’un principe qui préserve les droits exercés de longue date par un État sur un espac e
maritime. Il a également été considéré comme une circonstance pertinente aux fins de
la délimitation maritime. La doctrine soutient qu’un principe ou une règle analogue
pourrait être appliquée pour préserver les zones maritimes existantes et les droits q ui
pourraient disparaître à la suite de l’élévation du niveau de la mer.
169. En conclusion, on peut formuler la constatation préliminaire suivante : le
principe des eaux, titres ou droits historiques offre un exemple de préservation des
droits existants dans des zones maritimes qui, autrement, ne seraient pas conformes
au droit international.
VIII. Équité
A. Déclarations des États Membres à la Sixième Commission
de l’Assemblée générale
170. La question de l’équité a été soulevée par un certain nombre d’États dans le
contexte de l’élévation du niveau de la mer, dans les observations qu’ils ont formulées
à la Sixième Commission et dans les documents qu’ils ont présentés en réponse à la
demande de la Commission. Dans sa communication adressée à la Commission,
Antigua-et-Barbuda souligne l’importance de l’équité dans la détermination des
droits sur les espaces maritimes et le tracé des frontières résultant d’une décision
judiciaire internationale, rappelant la déclaration du tribunal arbitral dans l’affaire
Barbade/Trinité-et-Tobago selon laquelle « la certitude, l’équité et la stabilité font
donc partie intégrante du processus de délimitation »381, et fait observer qu’il serait
inéquitable de remettre en cause les frontières maritimes existantes 382.
171. Dans leur communication à la Commission, les Maldives font référence à
l’équité à plusieurs reprises. Par exemple elles soulignent « la nécessité de protéger
les droits des petits États insulaires en développement sur les espaces maritimes, en
vertu des principes d’équité et de justice, compte tenu, notamment, de leur
vulnérabilité particulière aux changements climatiques 383 ». Les Maldives expriment
également le point de vue suivant :
[Pour des raisons de justice et d’équité, il est essentiel que le droit international
permette de maintenir les droits maritimes existants [des petits États insulaires
en développement], tels qu’ils sont établis par [la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer]. Un tel manquement entraînerait un traitement inéquitable
et injuste des [petits États insulaires en développement] tels que les Maldives,
qui seraient affectés de manière disproportionnée par toute modification de leurs
__________________
(hiver/printemps 2020), p. 86 à 110, aux pages 95 et 96 ; Clive Schofield, « A new frontier in the
law of sea? Responding to implications of sea-level rise for baselines, limits and boundaries »,
dans Frontiers in International Environmental Law: Oceans and Climate Challenges – Essays in
Honour of David Freestone, Richard Barnes et Ronán Long, dir. publ. (Leiden, Brill Nijhoff,
2021), p. 171 à 193, aux pages 188 à 191.
381 Arbitrage entre la Barbade et Trinité-et-Tobago (voir supra la note 365), p. 74, par. 244.
382 Communication d’Antigua-et-Barbuda (voir supra la note 46).
383 Communication des Maldives (voir supra la note 257).
A/CN.4/761
23-02584 77/118
droits maritimes, alors qu’ils n’ont pratiquement pas contribué à la crise
climatique384. [Traduction non officielle]
172. Dans sa déclaration à la Sixième Commission en 2021 concernant l’élévation
du niveau de la mer et les modifications éventuelles des lignes de base et des limites
extérieures des zones maritimes, la République islamique d’Iran est d’avis « que toute
modification des lignes doit être fondée sur les principes d’équité et de justice »385.
Les Philippines font observer que « [l’]équité écologique est un principe essentiel :
aucun État ne devrait souffrir de manière disproportionnée des effets des cha ngements
climatiques qui touchent tout le monde »386. Selon Singapour, « le principe d’équité
pourrait être particulièrement pertinent s’agissant d’examiner les conséquences de
l’élévation du niveau de la mer induite par les changements climatiques sur les
besoins de développement propres aux petits États insulaires en développement », et
ces considérations peuvent être traitées différemment selon « leur importance au
regard des intérêts d’États tiers et de la liberté de navigation »387. Les États fédérés
de Micronésie observent :
[L]a notion fondamentale du droit international existant selon laquelle les droits
et les privilèges qui découlent des zones maritimes initialement établies par un
État côtier ne doivent jamais être réduits sur l a seule base de l’élévation du
niveau de la mer liée aux changements climatiques. De notre avis, la
préservation des zones maritimes et des droits et privilèges qui en découlent est
l’approche la plus adaptée et la plus juste pour atteindre cet objectif 388.
B. Équité d’un point de vue général
173. Cottier note que l’équité « va de pair avec le droit depuis l’apparition des
systèmes juridiques fondés sur des règles. Elle offre une passerelle vers la justice
lorsque la loi elle-même n’est pas en mesure d’apporter une réponse adéquate.
L’équité permet essentiellement de remédier aux lacunes et aux failles juridiques »389.
Comme on le sait, la triple fonction de l’équité est l’équité infra legem, l’équité
praeter legem et l’équité contra legem390. L’équité infra legem est un moyen
d’interpréter et d’adapter le droit applicable aux circonstances spécifiques de l’affaire
en infusant des éléments de rationalité, de flexibilité, d’équité, de jugement et de
justice individualisée391. Elle offre au juge une certaine marge d’appréciation pour
__________________
384 Ibid.
385 Déclaration présentée par la République islamique d’Iran en 2021. Disponible à l’adresse
suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/76/summaries.shtml#20mtg .
386 Déclaration présentée par les Philippines en 2021 (voir supra la note 112).
387 Déclaration présentée par Singapour en 2021 (voir supra la note 269).
388 Déclaration présentée par les États fédérés de Micronésie en 2021 (voir supra la note 78).
389 Thomas Cottier, Equitable Principles of Maritime Boundary Delimitation: The Quest for
Distributive Justice in International Law (Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press,
2015), p. 8. Voir également Francesco Francioni, « Equity in international law », dans Wulfrum,
(dir. publ.) Max Planck Encyclopedia of Public International Law (voir supra la note 219), mis à
jour en novembre 2020.
390 Michael Akehurst, « Equity and general principles of law », International and Comparative Law
Quarterly, vol. 25, no 4 (octobre 1976), p. 801 à 825.
391 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , (voir supra la note 218), p. 567 et 568,
par. 28 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo
c. Ouganda), réparations, 9 février 2022, no 116 du rôle général. Dans cette dernière affaire, dans
une opinion individuelle, le juge Robinson a observé ce qui suit : « Lorsqu’elle applique le
principe des considérations équitables, la Cour se fonde l’équité intra legem, soit l’équité dans le
cadre de la loi [...] le principe des considérat ions d’équité a pour éléments le caractère
raisonnable, la souplesse, le jugement, l’approximation et l’équité. Par conséquent, la conclusion
de la Cour selon laquelle elle peut parvenir à une estimation de l’étendue des dommages n’est rien
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78/118 23-02584
appliquer la loi à des cas individuels dans des circonstances particulières 392. Comme
l’a déclaré la Cour internationale de Justice dans l’affaire de la C ompétence en
matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), citant les affaires du Plateau
continental de la mer du Nord, « [i]l ne s’agit pas simplement d’arriver à une solution
équitable, mais d’arriver à une solution équitable qui repose sur le droit
applicable »393. Selon Francioni, la décision de la Cour dans l’affaire du Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) a été le « point culminant dans le
développement d’un concept d’équité praeter legem doté d’une normativité
autonome »394. L’équité contra legem permet de s’écarter du droit positif stric t395.
174. Il est admis que l’équité a été définie en termes généraux au paragraphe 1 c) de
l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice et que la notion a été
explicitée au paragraphe 2 de l’article 38, en vertu duquel la Cour peut, si les partie s
sont d’accord, statuer ex aequo et bono396. Comme exemples d’équité, Cottier cite
« le principe de proportionnalité et de bonne foi, et la protection de l’expectative
légitime et plus particulièrement l’estoppel et l’acquiescement, la doctrine de l’abus
de droit397 ».
175. Dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord, la Cour
internationale de Justice a déclaré que, selon la règle de l’équité, ses décisions
« doivent par définition être justes et donc, en ce sens, équitables »398. Dans l’affaire
__________________
d’autre qu’une illustration du principe des considérations d’équité, qui suppose le caractère
raisonnable et le jugement [...] de même que la souplesse » (par. 31). Voir également Catharine
Titi, The Function of Equity in International Law (Oxford, Oxford University Press, 2021), p. 73
(« L’équité en tant que correctif et justice individualisée vise à ajuster le droit à la situation
factuelle particulière, non pas pour rejeter le droit général, mais pour éviter une injustice ») ;
Francioni, « Equity in international law » (voir supra la note 389), par. 7 ; Akehurst, « Equity and
general principles of law » (voir supra la note 390), p. 801.
392 Werner Scholtz, « Equity » dans The Oxford Handbook of International Environmental Law,
2e édition, Lavanya Rajamani et Jacqueline Peel, (dir. publ.) (Oxford, Oxford University Press,
2021), p. 335 à 350.
393 Compétence en matière de pêcheries (Royaume -Uni c. Islande), fond, arrêt, C.I.J Recueil 1974 ,
p. 3, à la page 33, par. 78. Voir aussi Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la
note 322), p. 46, par. 85.
394 Francioni, « Equity in international law » (voir supra la note 389), par. 15.
395 Par exemple, dans l’affaire Cameroun c. Nigeria : « La Cour note toutefois que, dès lors qu’elle a
conclu que la frontière dans le lac Tchad se trouvait délimitée bien avant que ne débutent les
travaux de la [Commission du bassin du lac Tchad], les éventuelles effectivités nigérianes doivent
bien être considérées, du point de vue de leurs conséquences juridiques, com me des actes contra
legem ». Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun
c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), (voir supra la note 227), p. 351, par. 64. Robert
Kolb, International Court of Justice (Oxford, Hart Publishing, 2013), p. 365.
396 Francioni, « Equity in international law » (voir supra la note 389).
397 Cottier, Equitable Principles of Maritime Boundary Delimitations (voir supra la note 426), p. 14.
Voir, par exemple, Cayuga Indians, Grande Bretagne c. États -Unis, sentence, (1955), Recueil des
sentences arbitrales, VI 173, (1926) 20 Asian Journal of International Law 574, 22 janvier 1926,
Tribunal arbitral (Grande-Bretagne-États-Unis 1910) ; Affaire des prises d’eaux à la Meuse ;
Affaire de l’indemnité russe (Dommages-intérêts réclamés par la Russie pour le retard apporté
dans le paiement des indemnités dues aux particuliers russes lésés par la guerre de 1877 -1878),
Russie c. Turquie, sentence, (1961) Recueil des sentences arbitrales XI 421, CIJ 399 (CPA 1912),
(1912) 1 HCR 547, 11 novembre 1912, Cour permanente d’arbitrage [CPA] ; Affaire de l’Orinoco
Steamship Company, États-Unis c. Venezuela, sentence, (1961) Recueil des sentences arbitrales
XI 227, (1961) Recueil des sentences arbitrales XI 237, CIJ 402 (CPA 1910), (1910) 1 HCR 228,
25 octobre 1910, Cour permanente d’arbitrage [CPA] ; Affaire des armateurs norvégiens, Norvège
c. États-Unis, sentence, (1948) Recueil des sentences arbitrales I 307, CIJ 393 (CPA 1922), (1932)
1 I.L.R. 189, (1919-1922) ADIL 189, (1932) 2 Hague Rep 69, 13 octobre 1922, Cour permanente
d’arbitrage [CPA] ; Eastern Extension, Australasia and China Telegraph Company Limited
(Grande Bretagne) c. États-Unis, (1955) Recueil des sentences arbitrales VI.
398 Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la note 322), p. 48, par. 88.
A/CN.4/761
23-02584 79/118
Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne, la Cour a déclaré que « [l]’équité en tant que
notion juridique procède directement de l’idée de justice. La Cour, dont la tâche est
par définition d’administrer la justice, ne saurait manquer d’en faire application »399.
La Cour a également déclaré que « l’application de principes équitables doit aboutir
à un résultat équitable »400.
176. Le principe d’équité s’est également développé dans d’autres branches du droit,
telles que le droit de la mer, le droit de l’environnement, le droit des droits de l’homme
et le droit de l’investissement. Toutefois, dans le cadre du présent rapport, l’accent
sera mis sur l’équité en rapport avec l’élévation du niveau de la mer, dans le contexte
du droit de la mer, s’agissant des frontières et des droits maritimes.
C. Équité et droit de la mer
177. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer contient de nombreuses
références à l’équité. Par exemple, « l’utilisation équitable et efficace de leurs
ressources » et « la mise en place d’un ordre économique international juste et
équitable »401 ; la résolution « sur la base de l’équité » des conflits entre les intérêts
de l’État côtier et ceux d’un autre État lorsque la Convention n’attribue de droits ou
de juridiction ni à l’un ni à l’autre402 ; l’exercice par les États enclavés403 et par les
États géographiquement désavantagés de leurs droits « selon une formule
équitable »404 ; la délimitation des frontières maritimes de la zone économique
exclusive405 et du plateau continental406 au moyen d’une « solution équitable » ; le
« partage équitable des avantages financiers et autres avantages économiques tirés
des activités menées dans la Zone »407 et le transfert de techniques marines 408.
Toutefois, c’est dans le domaine de la délimitation maritime que l’équité et les
principes équitables se sont développés409.
178. Dans l’affaire Barbade/Trinité-et-Tobago, le tribunal arbitral a fait observer que
« [d]epuis le tout début, les cours et tribunaux ont pris en considérat ion des éléments
d’équité dans la détermination d’une ligne de démarcation des espaces maritimes »
[traduction non officielle]410. Le rôle de l’équité en matière de délimitation maritime
était au coeur de la décision historique de la Cour internationale de J ustice dans les
affaires du Plateau continental de la mer du Nord de 1969, dans laquelle la Cour a
décidé que « la délimitation doit s’opérer par voie d’accord conformément à des
principes équitables et compte tenu de toutes les circonstances pertinentes »411.
Depuis, l’équité s’applique à tous les cas de délimitation maritime 412. Jennings a écrit
que « le processus de délimitation implique à la fois le droit et l’équité », et que « le
droit et l’équité travaillant ensemble devraient servir les objectifs de la justice en
__________________
399 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 326), p. 60, par. 71.
400 Ibid., p. 59, par. 70.
401 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, préambule.
402 Ibid., art. 59.
403 Ibid., art. 69.
404 Ibid., art. 70.
405 Ibid., art. 74, par. 1.
406 Ibid., art. 83, par. 1.
407 Ibid., art. 140.
408 Ibid., art. 266, par. 3.
409 Cottier, Equitable Principles of Maritime Boundary Delimitations (voir supra la note 389), p. 4.
410 Arbitrage entre la Barbade et Trinité-et-Tobago (voir supra la note 365), p. 70, par. 229.
411 Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la note 322), p. 53, par. 101.
412 Voir par exemple, Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (voir supra la note 330)
p. 51 et 52, par. 70.
A/CN.4/761
80/118 23-02584
introduisant de la flexibilité, de l’adaptabilité et même des limitations à l’application
et à la signification des règles juridiques » [traduction non officielle]413.
179. La Cour internationale de Justice et les tribunaux ont toujour s refusé de
reconnaître une méthode unique de délimitation, lui préférant l’équité, comme l’a fait
la Cour pour la première fois dans les affaires du Plateau continental de la mer du
Nord, dans lesquelles elle a déclaré que « la délimitation doit s’opérer par voie
d’accord conformément à des principes équitables et compte tenu de toutes les
circonstances pertinentes »414, malgré la codification de la méthode de l’équidistance
dans la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë, de 1958. La méthode
de l’équité a ensuite été codifiée dans la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, au paragraphe 1 de l’article 83, pour le plateau continental et au paragraphe 1
de l’article 74, pour la zone économique exclusive, qui prévoient tous deux que la
délimitation maritime a pour objectif de parvenir à une solution équitable. Dans
l’affaire Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne, la Cour a formulé une approche fondée
sur le « résultat », selon laquelle ce n’est pas l’application stricte de principes
équitables spécifiques mais le résultat équitable qui importe :
C’est néanmoins le résultat qui importe : les principes sont subordonnés à
l’objectif à atteindre. L’équité d’un principe doit être appréciée d’après l’utilité
qu’il présente pour aboutir à un r ésultat équitable. Tous les principes ne sont pas
en soi équitables ; c’est l’équité de la solution qui leur confère cette qualité. Les
principes qu’il appartient à la Cour d’indiquer doivent être choisis en fonction
de leur adéquation à un résultat équita ble415.
Le Tribunal international du droit de la mer a exprimé un point de vue analogue dans
l’affaire Bangladesh/Myanmar de 2012, en déclarant que « [l]a considération ultime
qui doit le guider à cet égard est de parvenir à une solution équitable »416.
180. Le processus permettant de parvenir à un résultat équitable a été cristallisé par
la méthode de délimitation en trois étapes reconnue par la Cour internationale de
Justice en l’affaire de la Délimitation maritime en mer Noire417. La Cour commence
par circonscrire la zone côtière à délimiter et par tracer une ligne d’équidistance
provisoire418. Des considérations d’équité sont appliquées pour déterminer si la ligne
d’équidistance provisoire doit être ajustée pour parvenir à une solution équitable. Les
circonstances pertinentes peuvent être géographiques ou non. Les facteurs
géographiques comprennent la configuration générale des côtes des parties, la
présence de caractéristiques inhabituelles ou spéciales, la proportionnalité
raisonnable du trait de côte et tout effet d’amputation419. Des considérations ont été
soulevées quant au contexte géographique d’ensemble dans lequel la délimitation doit
__________________
413 Robert Y. Jennings, « Equity and equitable principles », Annuaire suisse de droit international,
vol. XLII (1986), p. 27-38, à la page 36 ; Robert Y. Jennings, « The principles governing marine
boundaries », dans Staat und Völkerrechtsordnung, Kay Hailbronner, Georg Ress et Torsten Stein,
(dir. publ.) (Berlin, Springer, 1989), p. 397 à 408, à la page 400. Voir aussi Barbara Kwiatkowska,
« Equitable maritime boundary delimitation, as exemplified in the work of the International Court
of Justice during the presidency of Sir Robert Yewdall Jennings and beyond », Ocean
Development and International Law, vol 28, no 2 (1997), p. 91 à 145, à la page 101.
414 Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la note 322), p. 53, par. 101.
415 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 59, par. 70.
416 Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar) (voir supra
la note 325), p. 67, par. 235.
417 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) (voir supra la note 325), p. 101 à 103,
par. 115 à 122.
418 Ibid.
419 Voir Plateau continental de la mer du Nord (voir supra la note 322).
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23-02584 81/118
s’opérer420, comme le caractère fermé de la mer 421 ou la concavité d’un golfe422. Dans
la pratique, les circonstances géograp hiques ont joué un rôle prépondérant dans les
cas où la Cour ou le tribunal a apporté des ajustements à la ligne d’équidistance
provisoire.
181. Parmi les circonstances non géographiques et socioéconomiques pertinentes
prises en compte par la Cour internationale de Justice figurent le comportement passé
des parties, comme la pratique en matière d’octroi de licences d’exploitation
d’hydrocarbures423, les droits de pêche historiques424, les activités de pêche425, les
concessions pétrolières et gazières426, les éventuelles revendications d’États tiers 427,
les délimitations déjà effectuées dans la région 428, les préoccupations en matière de
sécurité et de défense429, les patrouilles navales430 et les disparités économiques431.
Toutefois, en pratique, il n’a pas été jug é pertinent de les prendre en considération.
En effet, dans l’affaire du Golfe du Maine, la Chambre a fixé un seuil élevé pour les
facteurs non géographiques tels que les activités de pêche, la navigation, la défense,
la prospection et l’exploitation pétro lières, en déclarant que l’ampleur de ces activités
« ne saurait entrer en considération en tant que circonstance pertinente ou [...] critère
équitable à appliquer à la détermination de la ligne de délimitation », à moins que le
résultat ne se révèle « susceptible d’entraîner des répercussions catastrophiques pour
la subsistance et le développement économique des populations des pays
intéressés »432. Il apparait manifeste que l’élévation du niveau de la mer suffit à
déclencher le seuil d’application élevé au regard des conséquences catastrophiques
pour les nombreux États dont les frontières maritimes seraient réduites et modifiées.
182. Dans le cadre de la troisième et dernière étape du processus de délimitation
maritime, la Cour ou le tribun al vérifie s’il existe une disproportion marquée entre le
rapport des longueurs des côtes de chaque État et celui des espaces maritimes situés
de part et d’autre de la ligne de délimitation provisoirement tracée 433. Dans la
pratique, la Cour ou le tribunal a rarement ajusté la ligne d’équidistance provisoire.
D. Constatations préliminaires
183. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
__________________
420 Voir Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (voir supra la note 330).
421 Voir Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) (voir supra la note 325).
422 Voir Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.
Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), (voir supra la note 227). Cependant, la Cour n’a pas
jugé cela pertinent : ibid. p. 445 et 446, par. 297.
423 Voir Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236).
424 Ibid., p. 76 et 77, par. 105.
425 Voir Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) (voir supra la note 325).
426 Ibid. Dans l’affaire Cameroun c. Nigéria, la Cour n’a pas considéré l’exploitation pétrolière des
parties comme une circonstance pertinente. Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), (voir supra la
note 227), p. 447 et 448, par. 304.
427 Voir Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (voir supra la note 330).
428 Voir Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine) (voir supra la note 325).
429 Ibid.
430 Ibid.
431 Voir Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236) ; Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) (voir supra la note 330) p. 41, par. 50.
432 Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (voir supra la note 325),
p. 342, par. 237.
433 Stephen Fietta et Robin Cleverly, A Practitioner’s Guide to Maritime Boundary Delimitation
(Oxford, Oxford University Press, 2016), p. 93.
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a) l’équité joue différents rôles en droit. Cependant, la notion de justice est
essentielle : comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice, l’équité « procède
directement de l’idée de justice ». L’équité prévoit divers modes d’interprétation et
offre une certaine souplesse afin de garantir la justice lorsque l’application stricte des
règles risque de produire des résultats inéquitables. C’est d’ailleurs ce qui explique
que la Cour et les tribunaux préfèrent appliquer des principes équitables en lieu et
place de méthodes de délimitation établies telles que l’équidistance. Aux fins de l a
délimitation maritime, l’objectif primordial est de parvenir à une solution équitable
par l’application de principes équitables ou la prise en compte de circonstances
pertinentes. Comme indiqué au chapitre VI, l’obtention d’un résultat équitable a
primé le principe du prolongement naturel dans l’affaire Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenne434 ;
b) la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer fait de nombreuses
références à l’équité : ce principe préside à l’interprétation et à l’application de cet
instrument. Les répercussions inégales de l’élévation du niveau de la mer sur les pays
particulièrement vulnérables, tels que les petits États insulaires en développement et
les États côtiers en développement de faible élévation, devraient également être p rises
en compte lors de l’évaluation de l’impact juridique de l’élévation du niveau de la
mer sur les zones maritimes et les droits associés de ces États et lors de l’examen des
solutions potentielles, d’autant plus que la perte des droits maritimes aura d es
conséquences catastrophiques pour un grand nombre d’entre eux ;
c) l’éventuelle perte considérable de droits maritimes due à l’élévation du
niveau de la mer en cas de recul de la ligne de base vers le rivage, ou dans l’hypothèse
où des îles ne se prêtent plus à l’habitation humaine ou à une vie économique propre,
constituerait un résultat inéquitable et ne satisferait pas aux notions de justice selon
le droit international. La préservation des droits maritimes existants, en revanche,
permettrait d’éviter des conséquences potentiellement catastrophiques et de parvenir
à un résultat équitable, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer et au droit international ;
d) l’équité, en tant que méthode prévue par le droit internationa l pour
parvenir à la justice, devrait être appliquée en faveur de la préservation des droits
maritimes existants, dont la perte aurait des conséquences catastrophiques pour les
États les plus vulnérables.
IX. Souveraineté permanente sur les ressources naturelles
A. Développement du principe de souveraineté permanente
sur les ressources naturelles
184. Dans la communication qu’elle a présentée à la Commission en 2021, Antigua -
et-Barbuda a affirmé que « la mutabilité des lignes de base contreviendrait à la
souveraineté des États et au principe de la souveraineté permanente des peuples et
des États sur leurs richesses et ressources naturelles », soulignant ainsi la relation
importante qui lie la souveraineté et la préservation des droits existants des États
côtiers sur leurs ressources naturelles marines légitimement établis 435. La
souveraineté permanente sur les ressources naturelles est devenue un principe
fondamental de la décolonisation, au même titre que le principe d’autodétermination .
Il s’agit de l’un des piliers du développement économique, en particulier pour les pays
__________________
434 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (voir supra la note 236), p. 46 et 47,
par. 44.
435 Communication d’Antigua-et-Barbuda (voir supra la note 46).
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en développement436. L’indépendance économique, l’autodétermination et le
développement sont des questions essentielles pour les pays en développement, et le
principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles en fait partie
intégrante437.
185. L’Assemblée générale a adopté un grand nombre de résolutions invoquant le
droit à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Celles qu’elle a
adoptées entre les années 1950 et 1970 visaient essentiellement à garantir les droits
économiques et le développement des pays en développement 438. Dans son étude
approfondie du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles,
Schrijver distingue deux origines à ce principe : la souveraineté permanente s’inscrit
d’une part dans le mouvement de renforcement de la souveraineté politique et
économique des nouveaux États indépendants et, d’autre part, dans le développement
du principe d’autodétermination439.
186. Dans les années 1950, l’Assemblée générale a adopté une série de résolutions
concernant la souveraineté permanente sur les ressources naturelles 440. En 1958, elle
a créé la Commission pour la souveraineté permanente sur les ressources naturelles,
puis adopté la Déclaration relative à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles441. Est prévue dans le préambule de cette dernière « la reconnaissance du
droit inaliénable qu’a tout État de disposer librement de ses richesses et de ses
ressources naturelles, conformément à ses intérêts nationaux et dans le respect de
__________________
436 Nico Schrijver, « Fifty years permanent sovereignty over natural resources: the 1962 UN
Declaration as the opinio iuris communis » dans Marc Bungenberg et Stephan Hobe (dir. publ.),
Permanent Sovereignty over Natural Resources (Springer, 2015), p. 16 ; Nico Schrijver,
« Sovereignty over Natural Resources, Balancing Rights and Duties », (Cambridge, Cambridge
University Press, 1997).
437 Pour un historique détaillé du développement du principe de souveraineté permanente sur les
ressources nationales, voir Schrijver, « Sovereignty over Natural Resources : Balancing Rights
and Duties ».
438 Schrijver, « Sovereignty over Natural Resources: Balancing Rights and Duties », p. 82 à 118.
439 Schrijver, « Fifty years permanent sovereignty over natural resources … », p. 16. Voir aussi
Stephan Hobe, « Evolution of the principle on permanent sovereignty over natural resources from
soft law to a customary law principle? », dans Bungenberg et Hobe, Permanent Sovereignty over
Natural Resources, p. 3. Voir aussi Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de
Maurice en 1965, exposé écrit de Maurice (1er mars 2018), p. 220 ; voir aussi Effets juridiques de
la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 , exposé écrit de l’Union africaine,
par. 242 ; voir aussi l’opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade ; le Portugal a
également invoqué le droit à l’autodétermination et la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles dans l’affaire Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90.
Voir aussi l’opinion dissidente de M. Weeramantry, qui déclare : « Je confirmerais l’importance du
droit du peuple du Timor oriental à l’autodétermination et à la souveraineté permanente sur ses
ressources naturelles [...] », p. 118.
440 La résolution 523 (VI) de l’Assemblée générale en date du 12 janvier 1952 et intitulée
« Développement économique intégré et accords commerciaux », suivie de la résolution 626 (VII)
du 21 décembre 1952, dans laquelle l’Assemb lée déclare, à l’alinéa 3 du préambule, que « le droit
des peuples d’utiliser et d’exploiter librement leurs richesses et leurs ressources naturelles est
inhérent à leur souveraineté et conforme aux buts et principes de la Charte des Nations Unies ».
Elle a été suivie par la résolution 837 (IX) de l’Assemblée générale du 14 décembre 1954,
intitulée « Recommandations concernant le respect, sur le plan international, du droit des peuples
et des nations à disposer d’eux-mêmes » (demande à la Commission des droits de l’homme
d’achever ses travaux sur l’autodétermination) ; la résolution 1314 (XIII) du 12 décembre 1958,
intitulée « Recommandations concernant le respect, sur le plan international, du droit des peuples
et des nations à disposer d’eux-mêmes », dans le préambule de laquelle l’Assemblée générale a
déclaré ce qui suit : « Notant que le droit des peuples et des nations à disposer d’eux -mêmes, tel
qu’il est proclamé dans les deux projets de pactes élaborés par la Commission des droits de
l’homme, comprend un “droit de souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources
naturelles” ».
441 Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1962.
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l’indépendance économique des États ». Le paragraphe 1 de l’article 1 dispose que
« [l]e droit de souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs richesses
et leurs ressources naturelles doit s’exercer dans l’intérêt du développement national
et du bien-être de la population de l’État intéressé ». Quelques décennies plus tard, la
Cour internationale de Justice a reconnu le principe de la souveraineté permanente
sur les ressources naturelles, tel qu’il est consacré dans la résolution 1803 (XVII) de
l’Assemblée générale, comme un principe de droit international coutumier 442.
187. Le lien étroit entre le développement économiq ue et le droit d’exercer sa
souveraineté permanente sur les ressources naturelles s’est développé dans le train de
résolutions que l’Assemblée générale a adoptées par la suite443. En 1964, à sa première
réunion, la Conférence des Nations Unies sur le commer ce et le développement
(CNUCED) a adopté un ensemble de principes devant régir les relations
commerciales444, notamment le principe 3, qui dispose ce qui suit : « Tout pays a le
droit souverain de disposer librement de ses ressources naturelles dans l’intér êt du
développement économique et du bien-être de sa population. »445. Dans sa résolution
2158 (XXI) notamment, adoptée le 25 novembre 1966 avec 104 voix pour, 0 contre
et 6 abstentions, l’Assemblée générale a réaffirmé le « droit inaliénable de tous les
pays d’exercer leur souveraineté permanente sur leurs ressources naturelles dans
__________________
442 Cependant, la Cour a rejeté l’affirmation selon laquelle l’Ouganda aurait violé le droit de
souveraineté permanente de la République démocratique du Congo sur ses ressources naturelles,
relevant que rien dans la résolution ne laissait entendre qu’elle était applicable au pillage et à
l’exploitation des ressources naturelles par l’armée d’un autre État. Affaire des activités armées
sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) (voir supra la
note 424), par. 244. Dans sa déclaration, M. le juge Koroma s’est écarté de cette opinion, déclarant
que, selon lui, « l’exploitation des ressources naturelles d’un État par les forces d’occupation
contrevient [...] au principe de la souveraineté permanente sur le s ressources naturelles, ainsi
qu’au règlement de La Haye de 1907 et à la quatrième convention de Genève de 1949 », relevant
en outre que les pays étaient tous deux parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples de 1981, selon laquelle « [e]n aucun cas, un peuple ne peut [...] être privé » de son droit à
disposer librement « de [ses] richesses et de [ses] ressources naturelles » (Déclaration de M. le
juge Koroma, ibid., p. 289 et 290) ; voir aussi Effets juridiques de la séparation de l’archipel des
Chagos de Maurice en 1965, exposé écrit de l’Union africaine (1 er mars 2018), par. 102 et 242.
443 Résolution 1515 (XV) de l’Assemblée générale datée du 15 décembre 1960 et intitulée « Action
concertée en vue du développement économique des pays économiquement peu développés »,
dont le paragraphe 5 est libellé comme suit : « Recommande également le respect du droit
souverain de chaque État de disposer de ses richesses et de ses ressources natu relles,
conformément aux droits et devoirs des États en droit international » ; résolution 1803 (XVII) de
l’Assemblée générale datée du 14 décembre 1962 et intitulée « Souveraineté permanente sur les
ressources naturelles », dont le paragraphe 1 est libellé comme suit : « Le droit de souveraineté
permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit
s’exercer dans l’intérêt du développement national et du bien -être de la population de l’État
intéressé » ; résolution 2158 (XXI) de l’Assemblée générale datée du 25 novembre 1966 et
intitulée « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles », dont le paragra phe 1 est libellé
comme suit : « Réaffirme le droit inaliénable de tous les pays d’exercer leur souveraineté
permanente sur leurs ressources naturelles dans l’intérêt de leur développement national ».
444 Principes généraux et principes particuliers régissant les relations commerciales internationales et
les politiques commerciales propres à favoriser le développement, Actes de la Conférence des
Nations Unies sur le commerce et le développement, Genève, 23 mars-16 juin 1964, vol. I, Acte
final et Rapport (E/CONF.46/141, Vol. I ; publication des Nations Unies, n o de vente : 64. II.B.11),
annexe A.I.1.
445 Comme l’explique Schrijver, le texte a d’abord rencont ré l’opposition de pays développés
représentés dans le groupe B [Groupe B : Europe occidentale par quatre-vingt-quatorze voix
contre quatre (Australie, Canada, Royaume -Uni et États-Unis d’Amérique), et dix-huit abstentions
(pays du Groupe B plus le Cameroun, le Nicaragua, le Pérou et l’Afrique du Sud) et d’autres pays
industrialisés avec une économie de marché], qui ont néanmoins souscrit au texte, adopté par la
suite. Schrijver, « Sovereignty over Natural Resources : Balancing Rights and Duties », p. 84.
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l’intérêt de leur développement national ». Le caractère « inaliénable » de ce droit n’a
suscité aucune objection446.
188. Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles a
également été consacré dans le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques447, la Convention de Vienne sur la succession d’États en matière de
traités448, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1986) 449 et le
Protocole au Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des
Grands Lacs sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles 450. On
le retrouve également dans les instruments portant sur la conservation des ressources
naturelles : principe 21 de la Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement451, principe 2 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le
développement452, Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des
ressources naturelles453, Charte mondiale de la nature de 1982 454, Sommet mondial de
Johannesburg pour le développement durable de 2002 455 et Conférence Rio+20 sur le
développement durable de 2012456. Son importance économique pour les moyens de
subsistance des pays en développement, en particulier des petits États insulaires en
développement, est également mise en avant dans la première note thématique457.
__________________
446 Dans sa résolution 3171 du 17 décembre 1973, l’Assemblée générale fait également référence au
« droit inaliénable de chaque État au plein exercice de la souveraineté nationale sur ses ressources
naturelles » qui « a été reconnu à maintes reprises par la communauté internationale dans de
nombreuses résolutions de divers organes de l’Organisation des Nations Unies. » (voir les
commentaires de Zhifeng sur l’opposition suscitée par le caractère « inaliénable » de ce droit) ;
résolution 41/128 de l’Assemblée générale datée du 4 décembre 1986 et intitulée « Déclaration sur
le droit au développement », dans laquelle il est dit que « le droit au développement est un droit
inaliénable » qui suppose « la pleine réalisation du droit des peuples à dis poser d’eux-mêmes qui
comprend [...] l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs
richesses et leurs ressources naturelles » (non souligné dans l’original).
447 Article 1, paragraphe 2, qui dispose également que « [E]n auc un cas, un peuple ne pourrait être
privé de ses propres moyens de subsistance ». Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (New York, 16 décembre 1966), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 999, n°14668,
p. 188.
448 L’article 13 dispose ce qui suit : « Rien dans la présente Convention n’affecte les principes du
droit international affirmant la souveraineté permanente de chaque peuple et de chaque État sur
ses richesses et ses ressources naturelles ».
449 Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Nairobi, 27 juin 1981), Recueil des Traités
des Nations Unies, vol. 1520, n° 26363, p. 270, art. 9.
450 Protocole au Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs
sur la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, 30 novembre 2006.
451 Déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Stockholm, 16 juin 1972
(A/CONF.48/14 et Corr.1).
452 4 juin 1992, dans Rapport de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le
développement [A/CONF.151/26/Rev.1 (Vol. I)], annexe I.
453 Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles (accompagnée en
annexe de la liste des espèces protégées), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1001, 1968,
p. 19.
454 Résolution 37/7 de l’Assemblée générale, dans le préambule de laquelle cette dernière invite
solennellement les États Membres, dans l’exercice de leur souveraineté permanente sur leurs
ressources naturelles, à mener leurs activités compte tenu de l’importance suprême de la
protection des systèmes naturels, du maintien de l’équilibre et de la qualité de la nature et de la
conservation des ressources naturelles, dans l’intérêt des générations présentes et à venir.
455 A/CONF.199/20, dans lequel les États déclarent ce qui suit : « Nous réaffirmons avec force notre
engagement à l’égard des principes de Rio », Rapport du Sommet mondial pour le développement
durable, p. 8.
456 A/CONF.216/L.1, Réaffirmant les principes énoncés dans la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement, par. 15.
457 Première note thématique, par. 181.
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B. Définition de la souveraineté permanente
189. Selon Brownlie, « au sens large, on entend par souveraineté permanente les
droits acquis de l’État hôte, qui ne peuvent être éteints par contrat ni même, peut-être,
par accord international »458 [traduction non officielle]. Hossain écrit que l’on trouve
« au coeur de la notion de souveraineté permanente le droit inhérent et primordial d’un
État de contrôler les richesses et les ressources naturelles de son territoire et d’en
disposer au profit de son propre peuple »459 [traduction non officielle]. Selon Cullinan,
« [l]a doctrine de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles [...]
reconnaît que tous les États ont le droit inaliénable de disposer de leurs richesses et
de leurs ressources naturelles conformément à leurs intérêts nationaux et constitue
l’une des doctrines les plus fondamentales du droit international de
l’environnement »460 [traduction non officielle]. Sanita van Wyk écrit que « des
termes tels que “permanente”, “pleine” ou “inaliénable” sont souvent employés pour
qualifier la souveraineté de l’État sur les ressources naturelles. [...] le droit à la
souveraineté permanente sur les ressources naturelles n’a pas besoin d’être garanti
par un traité ou un contrat »461 [traduction non officielle]. Et « le terme “inaliénable”
s’entend dans le même sens que les termes “permanente” ou “pleine” lorsqu’ils
accompagnent l’expression “le principe de souveraineté sur les ressources
naturelles”. Autrement dit, les “droits accordés à un État en ce qui concerne la
[souveraineté permanente sur les ressources naturelles] ne peuvent jamais lui être
retirés »462 [traduction non officielle].
C. Souveraineté permanente sur les ressources naturelles
190. La Proclamation de Truman sur le plateau continental, par laquelle les États-
Unis ont étendu leur souveraineté permanente sur les ressources naturelles de leur
plateau continental, constitue l’un des premiers actes de revendication de
souveraineté permanente sur les ressources naturelles marines463. Elle a été suivie de
la Déclaration de Santiago sur la zone maritime, signée par le Chili, l’Équateur et le
Pérou en 1952464. Depuis lors, le droit à la souveraineté permanente sur les ressources
naturelles du milieu marin a été reconnu dans un c ertain nombre de résolutions de
l’Assemblée générale. On peut notamment citer la résolution 2692 (XXV) de 1970,
dans laquelle l’Assemblée a reconnu « la nécessité pour tous les pays d’exercer
pleinement leurs droits de façon à assurer l’utilisation optimale de leurs ressources
naturelles, tant terrestres que marines » (non souligné dans l’original) ; la résolution
3016 (XXVII) du 18 décembre 1973, intitulée « Souveraineté permanente sur les
__________________
458 Ian Brownlie « Legal status of natural resources in international law », Collected Courses of the
Hague Academy of International Law, vol. 162 (1979), p. 270 et 271.
459 Kamal Hossain, « Introduction » dans Kamal Hossain et Subrata Roy Chowdhury (dir. publ.),
Permanent Sovereignty over Natural Resources in International Law: Principle and Practice
(Londres, Pinter, 1984), p. xiii.
460 Cormac Cullinan, « Earth jurisprudence » dans Lavanya Rajamani et Jacqueline Peel (dir. publ.),
The Oxford Handbook of International Environmental Law (Oxford, Oxford University Press,
2021), p. 246.
461 Sanita van Wyk, The Impact of Climate Change Law on the Principle of State Sovereignty Over
Natural Resources, (Baden Baden, Nomos Verlag, 2017), p. 73 et 74. Voir aussi Subrata Roy
Chowdhury, « Permanent sovereignty over natural resources: substratum of the Seoul
Declaration » dans Paul de Waart, Paul Peters et Erik Denters (dir. publ.), International Law and
Development (1988).
462 Van Wyk, The Impact of Climate Change Law on the Principle of St ate Sovereignty Over Natural
Resources (voir note précédente), p. 75 et 76.
463 Executive Order 9633 du 28 septembre 1945, 10 Fed. Reg. 12,305 (1945).
464 Déclaration du Chili, de l’Équateur et du Pérou sur la zone maritime, signée à Santiago le 18 août
1952, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 325, n° 1006.
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ressources naturelles des pays en développement », dans laquelle l’Assemblée a
souligné qu’il était « très important, pour le progrès économique de tous les pays, en
particulier des pays en voie de développement, qu’ils puissent exercer pleinement leur
droit de façon à assurer le rendement maximum de leurs ressources naturelles, à la
fois sur terre et dans leurs eaux côtières ». L’Assemblée y a également réaffirmé « le
droit des États à la souveraineté permanente s ur toutes leurs ressources naturelles
situées sur terre dans les limites de leurs frontières internationales, ainsi que celles du
fond des mers et de leur sous-sol à l’intérieur des limites de leur juridiction nationale
et dans les eaux sus-jacentes ». Dans sa résolution 3171 (XXVIII) du 17 décembre
1973, elle a réaffirmé énergiquement « les droits inaliénables des États à la
souveraineté permanente sur toutes leurs ressources naturelles situées sur t erre dans
les limites de leurs frontières internationales, ainsi que sur celles du fond des mers et
de leur sous-sol à l’intérieur des limites de leur juridiction nationale et dans les eaux
sus-jacentes »465. Le principe de la souveraineté permanente sur le s ressources
naturelles est également mis en avant dans la Déclaration concernant l’instauration
d’un nouvel ordre économique international adoptée par l’Assemblée générale en
1974466, qui le qualifie de « droit inaliénable » 467.
191. En ce qui concerne le droit de la mer, Schrijver relève que, en accédant à
l’indépendance, les pays en développement « ont élargi la portée de la souveraineté
permanente sur les ressources naturelles en revendiquant des droits exclusifs sur les
ressources naturelles marines situées d ans les eaux adjacentes à leur littoral. Ces
revendications ont été acceptées et reconnues dans le droit moderne de la mer dans
une large mesure »468 [traduction non officielle]. La permanence fait également partie
intégrante du régime du plateau continental défini à l’article 76 de la Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer, pour autant que toutes les conditions soient
remplies. En outre, il est bien admis que les droits de l’État côtier sur le plateau
continental existent ipso facto et ab initio. En outre, si les limites extérieures du
plateau continental sont permanentes, cela signifie logiquement que l’État côtier a des
droits souverains permanents sur ses ressources. La souveraineté permanente sur les
ressources naturelles s’appliquerait également à la zone économique exclusive et à la
mer territoriale dans les cas où l’État risque de perdre ces droits contre sa volonté. Si
une telle perte venait à se produire du fait de l’obligation qui serait mise à la charge
de l’État, sous le régime de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
de déplacer la ligne de base vers l’intérieur des terres en cas d’élévation du niveau de
la mer, elle constituerait une violation du caractère inaliénable ou permanent de ce
principe.
__________________
465 Non souligné dans l’original. Voir aussi Actes de la Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement, troisième session, principe XI de la résolution 46 (III), 18 mai
1972, qui dispose que « Les États riverains ont le droit de disposer des ressources de la mer dans
les limites de leur juridiction nationale, lesquelles doivent tenir dûment compte des besoins des
peuples de ces États en matière de développement et de bien -être. », p. 67. Non souligné dans
l’original.
466 La résolution S-6/3201 de l’Assemblée générale (Déclaration concernant l’instauration d’un
nouvel ordre économique international), adoptée le 1 er mai 1974, prévoit en son paragraphe 4,
alinéa e) « la souveraineté permanente et entière de chaque État sur ses ressources naturelles et
toutes ses activités économiques. Afin de préserver ces ressources, chaque État a le droit d’exercer
un contrôle effectif sur celles-ci et sur leur exploitation par des moyens adaptés à sa situation, y
compris le droit de nationalisation ou de transfert de propriété à ses ressortissants, ce droit étant
l’expression de la souveraineté permanente et entière de l’État. Aucun État ne peut être soumis à
une contrainte économique, politique ou autre visant à l’empêcher d’exercer librement et
pleinement ce droit inaliénable. » [traduction non officielle].
467 Dans sa résolution 3281 (XXIX) (Charte des droits et devoirs économiques des États) du
12 décembre 1974, l’Assemblée générale déclare que chaque État a le droit d’exercer librement
une souveraineté entière et permanente sur ses ressources naturelles.
468 Schrijver, Sovereignty over Natural Resources: Balancing Rights and Duties , p. 214.
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D. Constatations préliminaires
192. Le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles est un
principe de droit international coutumier reconnu par la Cour internationale de Justice
et consacré dans de nombreuses résolutions de l’Assemblée générale et dans des
instruments internationaux contraignants. Il s’est révélé essentiel au processus de
décolonisation et à la réalisation de l’autodétermination. La souveraineté permanente
sur les ressources naturelles est inhérente à la souveraineté de l’État (voir la résolution
626 (VII) de l’Assemblée générale du 21 décembre 1952) et est inaliénable, ce qui
signifie que les États ne peuvent en être privés contre leur gré. En outre, elle fait partie
intégrante des droits sociaux et économiques des États en développement. Le principe
de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles s’applique égalemen t aux
ressources marines, comme en témoignent de nombreuses résolutions de l’Assemblée
générale. Il s’applique ipso facto et ab initio au plateau continental de l’État côtier.
193. Les États qui sont ou seront touchés par l’élévation du niveau de la mer sont,
pour beaucoup, des États en développement dont les moyens de subsistance et les
économies reposent en grande partie sur les ressources naturelles marines. Le recul
des lignes de base vers l’intérieur des terres ou la perte éventuelle, par la submersion
d’îles, de leur capacité à maintenir des habitats humains ou une vie économique
propre risque d’entraîner la perte de ressources naturelles marines précieuses,
essentielles à leurs économies et à leur développement économique, comme indiqué
dans la première note thématique (par. 179 à 183). Si ces États venaient à perdre ces
droits contre leur volonté, cela pourrait constituer une violation des « droits
inaliénables » qu’ils tirent de leur souveraineté, tels que reconnus par les États. Le
principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles cadre également
avec la solution de la préservation juridique des zones maritimes et des ressources
naturelles comme moyen d’empêcher la perte des droits existants.
194. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuvent se dégager :
a) le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles est
une règle de droit international coutumier selon laquelle un État ne peut être privé de
son droit souverain inhérent et inaliénable sur ses re ssources naturelles, y compris les
ressources marines ;
b) la perte de ressources naturelles marines importantes pour le
développement économique des États consécutive à l’élévation du niveau de la mer
serait contraire au principe de la souveraineté perma nente sur les ressources
naturelles. En revanche, la solution juridique et pratique consistant à préserver les
droits maritimes existants serait conforme à ce principe.
X. Perte ou gain éventuel par des États tiers
195. La première note thématique comportait un examen assez détaillé des
conséquences que pourrait avoir sur les droits et obligations des États dans les zones
maritimes le recul vers l’intérieur des terres de la ligne de base et, partant, des zones
maritimes469. La conclusion est la suivante : « Dans l’ensemble, les États tiers
devraient bénéficier de ces changements, mais aux dépens de l’État côtier » 470.
Toutefois, bien qu’aucun État n’ait soulevé cette question, on trouvera dans le présent
chapitre, comme suite à la demande formulée par le Groupe d’étude à la soixante -
douzième session de la Commission, un examen plus approfondi sur les avantages et
__________________
469 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 172 et 190.
470 Ibid., par. 190 g).
A/CN.4/761
23-02584 89/118
les pertes que pourraient entraîner, pour les États tiers, tout recul des lignes de base
vers l’intérieur des terres dans l’hypothè se de la mutabilité.
196. Comme indiqué dans la première note thématique, « le déplacement vers la terre
des lignes de base et des limites extérieures des différents espaces maritimes emporte
un changement de statut et de régime juridique : par exemple, une partie des eaux
intérieures passe dans la mer territoriale, une partie de la mer territoriale, dans la zone
contiguë ou la zone économique exclusive et une partie de la zone économique
exclusive, dans la haute mer, ce qui entraîne des effets pour les droits d e l’État côtier,
pour ceux des États tiers et pour ceux de leurs ressortissants (passage inoffensif,
liberté de navigation, droits de pêche, etc.). L’élévation du niveau de la mer présente
également un risque pour les lignes de base des États archipels » 471. Chacun des
scénarios envisagés dans la note est examiné ci-après.
A. Une partie des eaux intérieures passe dans la mer territoriale
197. On entend par eaux intérieures les eaux situées en deçà de la ligne de base à
partir de laquelle sont mesurées la mer territoriale et les autres zones maritimes,
conformément à ce que prévoit l’article 5 de la Convention de 1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë et l’article 8 de la Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer, à l’exclusion des eaux archipélagiques472. Cependant, aucun de ces
deux instruments ne prévoit de droits ni d’obligations pour les États dans les eaux
intérieures, une zone qui est strictement placée sous la souveraineté de l’État côtier
et dans laquelle ce dernier ex erce sa pleine juridiction sur le plan normatif et
exécutoire et sur le plan civil et pénal à l’égard des navires battant pavillon étranger
et de toutes les autres activités, nonobstant le débat sur les droits d’accès aux ports 473.
198. Si, en cas de recul de la ligne de base vers l’intérieur des terres, une partie des
eaux intérieures de l’État côtier en venait à se retrouver sous le régime de la mer
territoriale, il s’ensuivrait que les navires battant pavillon étranger obtiendraient, en
vertu du droit international coutumier, le droit de passage inoffensif dans ces eaux.
Le seul cas faisant exception est celui prévu au paragraphe 2 de l’article 8 de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui dispose que, lorsque le tracé
d’une ligne de base droite inclut dans les eaux intérieures des eaux qui n’étaient pas
précédemment considérées comme telles, le droit de passage inoffensif prévu dans la
Convention s’étend à ces eaux. Dans pareil cas, les navires étrangers bénéficient du
droit de passage inoffensif.
199. Le droit de passage inoffensif, tel que défini aux articles 19 et 45 de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, s’applique aux navires
marchands et militaires et, dans certains détroits utilisés pour la navigation
internationale, ne peut être suspendu474. En bref, si une partie des eaux intérieures
__________________
471 Ibid., par. 76.
472 L’article 49 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose que les eaux
archipélagiques sont les « eaux situées en deçà des lignes de base archipélagiques tracées
conformément à l’article 47 ».
473 Voir Haijiang Yang, Jurisdiction of the Coastal State over Foreign Merchant Ships in Internal
Waters and the Territorial Sea (Berlin, Heidelberg et New York ; Springer ; 2006), p. 45 à 114.
L’auteur donne un aperçu du débat, en notant les décisions de la C our internationale de Justice
dans lesquelles la Cour a reconnu que l’État côtier, du fait de sa souveraineté, pouvait réglementer
l’accès à ses ports (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui -ci
(Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 21 et 22, par. 21 ;
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras) , (voir supra la
note 220), p. 382 et 383, par. 35. Voir aussi la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
article 211, par. 3.
474 Voir Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949, C.I.J. Recueil 1949 , p. 4.
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90/118 23-02584
devait passer dans la mer territoriale, les navires battant pavillon étranger
bénéficieraient de droits de navigation sans entrave plus étendus et, à l’inverse, l’État
côtier perdrait certaines des prérogatives normatives et exécutoires qu’il tient de la
Convention et des règles du droit international. Néanmoins, en cas de passage
inoffensif, les navires battant pavillon étranger devraient toujours respecter les règles
et règlementations de l’État côtier en matière de sécurité de la navigation et de
protection du milieu marin, telles que celles relatives à l’utilisation des couloirs de
navigation, aux dispositifs de séparation du trafic 475 et à l’obligation pour les navires
étrangers à propulsion nucléaire et les navires transportant des substances nucléaires
ou d’autres substances intrinsèquement dangereuses ou nocives d’être munis des
documents voulus476.
B. Une partie de la mer territoriale passe dans la zone contiguë
200. Tel que le prévoit l’article 33 de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, la zone contiguë, qui peut être établie par un État côtier, consiste en une
ceinture d’eaux s’étendant jusqu’à 24 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. Dans cette zone, l’État côtier
n’exerce pas de droits souverains, mais peut exercer le contrôle nécessaire en vue de
prévenir les infractions à ses lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires ou
d’immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale et réprimer les infractions
à ces mêmes lois et règlements commises sur son territoire ou dans sa mer territoriale.
On considère que l’article 33 est venu codifier le droit international coutumier 477.
Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire des Violations alléguées (Nicaragua c.
Colombie), la Cour internationale de Justice a estimé que la zone contiguë d’un État
côtier pouvait chevaucher la zone économique exclusive d’un autre État, ces deux
zones étant de natures distinctes478. Par conséquent, le déplacement vers l’intérieur
des terres de la zone contiguë d’un État qui chevauche la zone économique exclusive
d’un autre État profiterait aux deux États dès lors que les deux zones cesseraient de
se chevaucher.
C. Une partie de la mer territoriale passe dans la zone économique
exclusive
201. L’État côtier jouit de droits souverains sur la zone économique exclusive, qui
est une zone située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle -ci et qui ne peut
s’étendre au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est
mesurée la largeur de la mer territoriale 479. Plus précisément, l’État côtier a des droits
souverains dans la zone économique exclusive aux fins d’exploration et
d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques
ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de
leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et
à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie
à partir de l’eau, des courants et des vents 480.Parmi les autres droits et obligations que
l’État côtier a dans la zone économique exclusive, la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer prévoit qu’il est compétent pour construire et utiliser des îles
__________________
475 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, article 22.
476 Ibid., par. 23.
477 Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), arrêt, 21 avril 2022, rôle général no 55, par. 164.
478 Ibid., par. 160 à 161.
479 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, article 57.
480 Ibid., article 56, paragraphe 1 a).
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artificielles, des installations et des ouvrages, mener des activités de recherche
scientifique marine et protéger et préserver le milieu marin 481. En outre, l’État côtier
a le droit exclusif de procéder à la construction et d’autoriser et réglementer la
construction, l’exploitation et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et
d’ouvrages, la construction de ces îles, installations et ouvrages devant toutefois être
dûment notifiée482.
202. Les États tiers détiennent dans la zone économique exclusive un droit important
qui ne s’applique pas à la mer territoriale. L’État côtier est tenu d’autoriser d’autres
États à exploiter le reliquat du volume admissible de captures dans sa zone
économique exclusive qu’il n’est pas capable d’exploiter lui -même, dans le respect
des conditions énumérées dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer483. Il s’ensuit que le passage de la mer territoriale à la zone économique exclusive
pourrait créer un droit d’accès aux ressources naturelles biologiques pour les États
tiers là où il n’en existait pas auparavant.
203. En outre, les États côtiers ont le droit d e réglementer, d’autoriser et de mener
des recherches scientifiques marines dans leur zone économique exclusive et sur leur
plateau continental, mais l’obligation qui leur est faite de consentir à de telles
recherches ne s’applique que « dans des circonsta nces normales »484. Cette réserve
n’existe pas en ce qui concerne la mer territoriale. Aux fins du présent document, et
sans rentrer dans une analyse approfondie du sens à donner à l’expression
« circonstances normales », on peut affirmer que le passage d’u ne partie de la mer
territoriale dans la zone économique exclusive présente un léger avantage pour les
États tiers, puisque, sauf circonstances « anormales », on ne peut leur refuser de mener
des recherches scientifiques marines.
204. L’avantage le plus important pour les États tiers dans le cas du passage d’une
partie de la mer territoriale dans la zone économique exclusive concerne l’acquisition
de la liberté de navigation et de survol dans la zone, ainsi que le droit de poser des
câbles ou des pipelines sous-marins485. Il s’agirait là d’un gain considérable, puisque
les États tiers disposeraient de la liberté de survol dans une zone où même le droit de
passage inoffensif n’était pas reconnu. Comme en haute mer, les navires
bénéficieraient d’une liberté de navig ation assez vaste, quoique pas totale. Que ce soit
dans la zone économique exclusive ou en haute mer, la liberté de navigation est
exercée compte étant dûment tenu des intérêts des autres États 486.
205. Toutefois, les droits des navires battant pavillon étranger en ce qui concerne la
liberté de navigation dans la zone économique exclusive d’un autre État ne sont pas
identiques à leurs droits à la liberté de navigation en haute mer. Par exemple, dans
l’affaire de la prompte mainlevée du navire « Virginia G », le Tribunal international
du droit de la mer s’est dit d’avis que la réglementation par l’État côtier du soutage
des navires étrangers qui pêchaient dans sa zone économique exclusive faisait partie
des mesures que l’État côtier pouvait prendre dans sa zone économique exclusive aux
fins de la conservation et de la gestion de ses ressources biologiques, en application
de l’article 56 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, et que ledit
__________________
481 Ibid., article 56, paragraphe 1 b) et c).
482 Ibid., article 60, paragraphes 1 à 3.
483 Ibid., par. 62.
484 Ibid., article 246.
485 Ibid., article 58. Voir aussi ibid., par. 87.
486 Voir Rolf Einar Fife, « Obligations of ‘due regard’ in the exclusive economic zone: their context,
purpose and State practice », International Journal of Marine and Coastal Law, vol. 34, no 1
(février 2019), p. 43 à 55.
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92/118 23-02584
soutage ne s’inscrivait pas dans la liberté de navigation du navire étranger 487. Par
conséquent, l’État côtier conserve des prérogatives normatives et exécutoires sur les
activités de soutage si ces activités sont expressément visées, dans son droit interne ,
par la réglementation relative à la conservation des pêches. Il reste à voir s’il en serait
de même pour la législation des États côtiers régissant la protection du milieu marin
en général, comme dans le cas des aires marines protégées.
206. L’article 73 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer confère à
l’État côtier une compétence exécutoire relativement vaste : « Dans l’exercice de ses
droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des
ressources biologiques de la zone économique exclusive, l’État côtier peut prendre
toutes mesures, y compris l’arraisonnement, l’inspection, la saisie et l’introduction
d’une instance judiciaire, qui sont nécessaire pour assurer le respect des lois et
règlements qu’il a adoptés conformément à la Convention »488.
207. Contrairement à la compétence que l’article 73 de la Convention lui confère, qui
est large et exclusive, la compétence exécutoire de l’État côtier en ce qui concerne les
violations commises par des navires battant pavill on étranger dans sa zone
économique exclusive est limitée. Premièrement, l’État côtier ne peut demander des
renseignements au navire battant pavillon étranger que s’il a des raisons sérieuses de
penser que, pendant qu’il naviguait dans la zone économique e xclusive, le navire a
commis une infraction aux règles et normes internationales applicables visant à
prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires ou aux lois et règlements
qu’il a adoptés conformément à ces règles et normes internationales et leur donnant
effet. Deuxièmement, l’État côtier ne peut procéder à l’inspection matérielle du navire
que dans le cas où l’infraction entraîne des rejets importants dans le milieu marin qui
ont causé ou risquent d’y causer une pollution notable, et uniqu ement si le navire
battant pavillon étranger a refusé de donner des renseignements ou si les
renseignements fournis sont en contradiction flagrante avec les faits, et si les
circonstances de l’affaire justifient cette inspection. En d’autres termes, lorsqu ’une
infraction à ses lois et règlements est commise dans sa zone économique exclusive,
l’État côtier a une compétence très limitée pour exercer ses pouvoirs 489.
D. Une partie de la zone économique exclusive passe dans la haute
mer
208. En haute mer, tous les navires jouissent de de la liberté de la haute mer, droit
coutumier de longue date qui comprend la liberté de navigation, la liberté de survol,
la recherche scientifique marine, la liberté de poser des câbles et des pipelines sous -
marins, la liberté de construire des îles artificielles et d’autres installations autorisées
par le droit international, la liberté de pêche et la liberté de recherche scientifique 490.
En haute mer, l’État du pavillon exerce une juridiction exclusive sur les navires
battant son pavillon. Sans son consentement, aucun autre État ne peut arraisonner,
inspecter ou immobiliser ses navires ou entraver de toute autre manière leur liberté
de navigation. En revanche, en haute mer, un navire de guerre peut arraisonner un
navire sans le consentement de l’État du pavillon s’il a de sérieuses raisons de
__________________
487 Navire « Virginia G » (Panama/Guinée-Bissau), arrêt, TIDM Recueil 2014, p. 69, par. 217. Voir
aussi Bernard H. Oxman et Vincent P. Cogliati-Bantz, « The M/V “Virginia G” (Panama/Guinea-
Bissau) », American Journal of International Law, vol. 108, n° 4 (octobre 2014), p. 769 à 775.
488 Voir Navire « SAIGA » (Saint-Vincent-et-les-Grenadines c. Guinée), prompte mainlevée, arrêt,
TIDM Recueil 1997, p. 16, dans lequel il est question de l’application de l’article 73 à
l’arraisonnement et à l’immobilisation d’un navire d’avitaillement.
489 Ibid., article 220, par. 2.
490 Ibid., article 87.
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soupçonner que ce navire se livre à la piraterie, se livre au transport d’esclaves ou (si
le navire de guerre a juridiction en vertu de l’article 109) sert à des émissions non
autorisées, ou que le navire est sans nationalité ou qu’il a en réalité la même
nationalité que le navire de guerre, bien qu’il batte pavillon étranger ou refuse
d’arborer son pavillon491. Le droit de poursuite constitue également, lorsque les
conditions requises sont réunies, une exception à la juridiction exclusive de l’État du
pavillon en haute mer492.
209. Si une partie de la zone économique exclusive passait dans la haute mer, les
États tiers obtiendraient des droits importants de liberté en haute mer aux dépens de
l’État côtier. La zone sur laquelle l’État côtier exerçait auparavant sa compétence
exclusive en matière d’adoption de règles et de lois relatives à la protection du milieu
marin et à la conservation des ressources biologiques passerait sous la juridiction
exclusive de l’État du pavillon.
210. La haute mer est également considérée comme faisant partie de l’indivis
mondial, dans lequel tous les États ont un intérêt et où les obligations erga omnes
s’appliquent493. Il convient donc également de s’interroger sur les avantages ou les
pertes qu’entraînerait, pour la communauté internationale, la situation dans laquelle
une zone sur laquelle l’État côtier exerçait auparavant sa compétence normative et
exécutoire passerait sous la compétence d’une multitude d’États du pavillon, do nt les
règles en matière de sécurité de la navigation, de protection du milieu marin et de
conservation des ressources biologiques marines varieraient grandement. En effet,
c’est précisément en raison de cette question et des lacunes de gouvernance en haut e
mer que les États s’attachent actuellement à négocier un instrument international
juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la
biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale 494.
E. Perte de la ligne de base archipélagique
211. Comme indiqué dans la première note thématique, l’élévation du niveau de la
mer pourrait avoir un effet sur le droit des États archipels de conserver leur ligne de
base archipélagique droite en cas d’immersion des îles les plus éloignées et des récifs
découvrants qui constituent la base de la ligne, dans la mesure où les conditions
définies à l’article 47 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ne
seraient plus remplies. Il ne s’agit pas là d’une vulnérabilité théorique, mais bien d’un
risque réel auquel sont exposés bon nombre des 22 États archipels 495. En Indonésie,
par exemple, l’Agence nationale pour la recherche et l’innovation a prévu qu’au
moins 115 îles du pays seraient submergées à l’horizo n 2100496.
__________________
491 Ibid., article 110. En général, voir Efthymios Papastavridis, The Interception of Vessels on the
High Seas, Contemporary Challenges to the Legal Order of the Oceans (Oxford, Hart, 2013) ;
Douglas Guilfoyle, Shipping Interdiction and the Law of the Sea (Cambridge, Royaume-Uni,
Cambridge University Press, 2009).
492 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, article 111.
493 Responsabilités et obligations des États concernant les activités menées dans la Zone, avis
consultatif, 1er février 2011, TIDM Rapports 2011, p. 10, à la p. 59, par. 180.
494 Voir la résolution 72/249 du 24 décembre 2017 de l’Assemblée générale.
495 Voir David Freestone et Clive Schofield, « Sea -level rise and archipelagic States: a preliminary
risk assessment », Ocean Yearbook Online, vol. 35, no 1 (juillet 2021), p. 340 à 387. Les auteurs
citent des exemples tels que les Bahamas, les Comores, Fidji, la Grenade, l’Indonésie, la
Jamaïque, Kiribati, les Maldives, les Îles Marshall, Maurice (archipel des Chagos), la Papouasie -
Nouvelle-Guinée, les Philippines, Sao Tomé-et-Principe, les Seychelles, les Îles Salomon et
Tuvalu.
496 Dita Liliansa, « Sea-level rise may threaten Indonesia’s status as an archipelagic country », The
Conversation, 19 janvier 2023.
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94/118 23-02584
212. La souveraineté d’un État archipel sur ses eaux archipélagiques s’étend à son
espace aérien ainsi qu’aux fonds des mers et des océans et à leur sous -sol et ressemble
de ce point de vue à la souveraineté que l’État côtier exerce sur sa mer territ oriale.
Les navires battant pavillon étranger ont un droit de passage inoffensif, sauf si l’État
archipel désigne des voies de circulation et, dans l’espace aérien surjacent à ces voies,
des routes aériennes qui permettent le passage continu et rapide des navires ou
aéronefs étrangers497.
213. Les îles composant l’État archipel, si elles y sont autorisées en vertu de
l’article 121 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, peuvent être
en mesure d’établir de nouvelles lignes de base à partir desq uelles mesurer les mers
territoriales, les zones économiques exclusives et les plateaux continentaux de
chacune d’entre elles. Selon les archipels, cela pourrait faire passer dans la haute mer
des eaux archipélagiques sur lesquelles l’État archipel exerçai t auparavant sa
souveraineté ou ses droits souverains. En tout état de cause, l’État archipel perdrait
plus de droits que les États tiers n’en acquerraient 498.
F. Constatations préliminaires
214. En conclusion, les constatations préliminaires suivantes peuv ent se dégager :
a) dans les cas où la ligne de base ou les limites extérieures de la ligne de
base reculent vers l’intérieur des terres, les États tiers sont susceptibles d’acquérir des
droits supplémentaires par rapport à ceux qu’ils détiendraient autre ment. Il s’agirait
notamment du droit de passage inoffensif dans des eaux passées du régime des eaux
intérieures à celui de la mer territoriale de l’État côtier. Dans le cas de la zone
contiguë, tout recul qui entraînerait la disparition du chevauchement d es zones de
deux États côtiers opposés profiterait aux deux États concernés. Dans les cas où la
mer territoriale passerait dans la zone économique exclusive, des États tiers
pourraient accéder au reliquat du volume admissible de captures que l’État côtier
n’aurait pas la capacité d’exploiter. Les États tiers pourraient également bénéficier
d’un léger avantage dans la mesure où, dans la zone économique exclusive, l’État
côtier est tenu, dans des circonstances normales, de les autoriser à mener des
recherches scientifiques marines. L’avantage le plus important pour les États tiers
résiderait dans l’acquisition d’un droit beaucoup plus vaste de navigation sans
entrave, qui s’apparenterait, à quelques restrictions près, à la liberté de navigation en
haute mer. De même, des États tiers acquerraient des droits supplémentaires si un État
archipel perdait ses lignes archipélagiques du fait de l’immersion de ses îles les plus
éloignées et des récifs découvrants et, ne remplissant dès lors plus les conditions
prévues à l’article 47 de la Convention, voyait sa zone économique exclusive passer
dans la haute mer ;
b) Toutefois, comme indiqué dans la première note de synthèse, ces bénéfices
s’obtiennent nettement aux dépens de l’État côtier. Ces aspects sont exposés en dét ail
dans la première note. Il convient également de tenir compte du principe d’équité
lorsqu’une partie est susceptible de profiter beaucoup plus largement qu’une autre
d’une situation du fait de circonstances dont l’État côtier n’est pas à l’origine. De
telles modifications des droits maritimes comportent un risque réel d’incertitude et
d’instabilité et pourraient faire naître des différends. Si les droits et obligations
existants étaient préservés, c’est-à-dire que les droits maritimes définis conformémen t
au droit international et à la Convention étaient maintenus, aucune partie
n’enregistrerait de perte.
__________________
497 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, article 53.
498 Voir Freestone et Schofield, « Sea-level rise and archipelagic States » (voir supra la note 495).
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XI. Les cartes marines et leur relation avec les lignes de base,
les frontières maritimes et la sécurité de la navigation
215. Lors des débats tenus au sein du Groupe d’étude à la soixante-douzième session
de la Commission, en 2021, la question des cartes de navigation a été soulevée.
Certains ont dit juger important qu’elles soient mises à jour, pour préserver la sécurité
de la navigation, tandis que pour d’autres, les dangers potentiels pour la navigation
pouvaient être vraiment exceptionnels car, en cas d’élévation du niveau de la mer, les
côtes se déplaçaient vers les terres, et la technologie satellitaire était plus accessible
que jamais. Les Coprésidents ont proposé que la question fasse l’objet d’une étude
plus approfondie, ce qui a été accueilli favorablement. Il a ainsi été proposé que cette
étude porte sur les différentes fonctions des cartes marines prévues par les règlements
de l’Organisation hydrographique internationale et sur celles des cartes déposées
auprès du Secrétaire général des Nations Unies aux fins de l’enregistrement des zones
maritimes499.
A. Communications des États Membres à la Commission
216. Dans la communication qu’il a adressée à la Commission en 2022, le Royaume
des Pays-Bas décrit ainsi sa pratique :
Le Bureau hydrographique des Pays-Bas (qui fait partie du Ministère de la
défense) est chargé de publier des cartes marines précises et à jour. Il a mis en
place à cet effet un plan de levés fondé sur les risques. Dans ce plan, la partie
néerlandaise de la mer du Nord est divisée en secteurs dans lesquels de
nouveaux levés sont réalisés tous les 2 à 25 ans. La partie de la mer du Nord
proche du littoral relève de la responsabilité du Ministère des infrastructures et
de la gestion de l’eau et fait l’objet d’une surveillance encore plus fréquente à
des fins de défense côtière. Les résultats des levés réalisés par les deux
ministères sont combinés puis publiés dans les cartes officiel les établies par le
Bureau hydrographique des Pays-Bas. ... En moyenne, les limites maritimes [du
Royaume] des Pays-Bas changent une à deux fois par an. Ces changements ne
sont pas notifiés régulièrement par voie de dépôts auprès du Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies500. [Traduction non officielle]
217. Dans la communication qu’elle a adressée à la Commission, la Colombie déclare
que l’« on pourrait considérer que l’État côtier en question devrait tenir compte de la
nécessité d’actualiser les informations (les cartes marines) sur la situation existante
afin de garantir, en particulier, la sécurité de la navigation pour l’exercice du droit de
passage inoffensif et pour l’accès aux eaux intérieures et aux ports 501 » [traduction
non officielle]. L’Estonie appuie l’idée de « cesser de mettre à jour les notifications
déposées conformément à la Convention [des Nations Unies sur le droit de la mer]
concernant les lignes de base et les limites extérieures des zones maritimes mesurées
à partir des lignes de base après que les effets négatifs de l’élévation du niveau de la
mer se sont produits, afin de préserver les droits des États 502 ». [Traduction non
officielle]
218. Dans la communication par laquelle elle a répondu à la demande du Groupe
d’étude, la France fait observer que la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer « ne prévoit pas d’obligation d’actualiser les cartes et listes de coordonnées
__________________
499 A/76/10, par. 276.
500 Voir supra la note 66.
501 Voir supra la note 53.
502 Voir supra la note 131.
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géographiques, une fois celles-ci publiées conformément à ses dispositions. Les
cartes de navigation sont établies et diffusées, en tant que nécessaire, par le Service
hydrographique et océanographique de la Marine française, dans le cadre des
directives fixées par l’Organisation hydrographique internationale 503 ».
219. Dans sa communication, l’Allemagne exprime l’avis suivant :
Rien dans la Convention [des Nations Unies sur le droit de la mer] n’oblige
explicitement à actualiser les lignes de base normales qui ont été trac ées
(article 5…) ou les lignes de base droites qui ont été tracées, publiées et
déposées (article 16…), ni encore à actualiser les cartes et les listes de
coordonnées géographiques d’un État relatives à la [zone économique
exclusive] (article 75…) ou au plateau occidental (article 84…)504. [Traduction
non officielle]
En outre, en réponse directe à la demande de la Commission concernant la pratique,
l’Allemagne répond ce qui suit : « Les cartes des frontières maritimes correspondent
toujours aux proclamations faites en 1994. De nouvelles éditions des cartes marines
les plus récentes, en particulier les cartes à grande échelle détaillées, sont publiées
régulièrement. Cependant, la modification des frontières maritimes figurant sur ces
cartes ne concerne que les lignes de base normales (isobathe zéro) dans les zones pour
lesquelles aucune ligne de base droite n’a été définie 505 ». [Traduction non officielle]
220. Dans la communication qu’elle a adressée à la Commission, l’Irlande déclare
ceci :
[L]es États côtiers ne sont pas tenus par la [Convention des Nations Unies sur
le droit de la mer] de déposer le détail des lignes de base normales auprès du
Secrétaire général, car la laisse de basse mer le long de la côte peut être établie
à partir des cartes marines à grande échelle officielles, ces cartes, produites
selon la norme internationale applicable, étant fiables et permettant tout à fait la
navigation. L’Irlande comprend que la raison pour laquelle la Convention
impose de déposer le détail des lignes de ba se droites auprès du Secrétaire
général et de leur donner par ailleurs la publicité voulue réside dans le fait que
ces lignes pourraient ne pas figurer sur les cartes marines, auquel cas on ne
pourrait les vérifier506. [Traduction non officielle]
221. Dans la communication qu’il a adressée à la Commission en 2022, le Maroc
indique ce qui suit :
[L]es cartes de navigation utilisées pour la détermination des lignes de base et
les limites extérieures de la zone économique exclusive et du plateau continental
sont actualisées [selon] une fréquence périodique, en application des normes de
l’Organisation hydrographique internationale ... [L]e Maroc [a] procédé dans le
cadre du projet de l’extension de son plateau continental (Dossier préliminaire)
à la mise à jour en 2015-2016 des points de base et de la ligne de base sur toute
sa façade atlantique, sur la base des nouvelles cartes marines de référence
publiées par le [Service hydrographique et océanographique de la Marine
française] et [l’organisme hydrographique du Roy aume-Uni (United Kingdom
Hydrographic Office)]507.
__________________
503 Voir supra la note 60.
504 Voir supra la note 62.
505 Ibid.
506 Voir supra la note 65.
507 Communication du Maroc. Disponible à l’a dresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/
8_9.shtml#govcoms.
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23-02584 97/118
222. Dans sa communication, la Nouvelle-Zélande fait la réponse suivante :
Le 8 mars 2006, [...] la Nouvelle-Zélande a déposé auprès du Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies [10] cartes marines indiquant les lignes de
base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, ainsi que
les limites extérieures de sa mer territoriale et de sa zone économique exclusive.
....
La Nouvelle-Zélande n’a pas actualisé les données concernant cette zone
maritime depuis qu’elle les a soumises. Elle n’a pas l’intention de modifier sa
notification du 8 mars 2006 si sa côte devait connaître un recul par suite d’une
élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.
Les cartes marines que la Nouvelle-Zélande a déposées auprès du Secrétaire
général en 2006 ne sont pas utilisées à des fins de navigation. Le Bureau des
levés de Nouvelle-Zélande produit des cartes marines officielles qui assurent la
sécurité de la navigation dans la [zone économique exclusive] nationale. Ces
cartes sont régulièrement actualisées sur la base des dernières données
topographiques et hydrographiques obtenues par [le Bureau des levés], qui les
met gratuitement à la disposition de tous les navigateurs sur [son] s ite web508.
[Traduction non officielle]
223. Dans leur communication, les Philippines expliquent ce qui suit :
La mise à jour des cartes en cas de modification de la côte est effectuée dès que
possible à des fins de sécurité de la navigation et de gestion des z ones côtières.
L’actualisation et la publication des lignes de base pour les zones relevant du
régime des îles peuvent également être effectuées dans le cadre du mandat de
cartographie de l’institution cartographique nationale, qui, aux Philippines, est
l’Office national de cartographie et d’information sur les ressources ..., et
conformément aux dispositions pertinentes de la loi de la République n o 9522 et
des [a]rticles 5, 6 et 7 de [la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer]. Toutefois, à défaut d’indications claires, dans la législation, quant à la
marche à suivre en la matière, [l’Office] demanderait l’accord des autorités
compétentes avant de publier les modifications 509.
224. La Pologne, elle, informe la Commission que, « [e]n ce qui concerne les cartes,
l’Office hydrographique de la Marine polonaise, qui est responsable, entre autres, de
l’établissement et de la publication des cartes marines, n’a pas jugé nécessaire, pour
l’instant, de modifier les cartes marines du fait de l’élévation du niv eau de la mer510 ».
225. Dans sa communication de 2022, le Royaume -Uni indique ce qui suit :
L’[organisme hydrographique du Royaume-Uni (United Kingdom
Hydrographic Office)] publie des cartes marines standard et des cartes
électroniques de navigation de l’Amirauté à différentes échelles et à différents
degrés de détail concernant toutes les régions du monde. Des mises à jour sont
publiées toutes les semaines.
Pour ce qui est du [Royaume-Uni] en particulier, la fréquence des levés et de
l’actualisation de ces cartes dépend généralement, dans une certaine mesure, de
la nature de la côte. Par exemple, les cartes des zones présentant des bancs de
sable mouvants, très utilisées pour la navigation, peuvent être mises à jour une
fois par semaine. En revanche, les cartes des côtes rocheuses (roche dure)
peuvent ne pas avoir besoin d’être actualisées pendant des années. Toutes les
__________________
508 Voir supra la note 54.
509 Voir supra la note 58.
510 Voir supra la note 67.
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98/118 23-02584
modifications apportées aux cartes n’ont pas forcément d’incidence sur
l’emplacement des lignes de base. Les limites de la [m]er territo riale, du
[p]lateau continental et de la zone économique exclusive du [Royaume -Uni]
sont indiquées sur ces cartes511. [Traduction non officielle]
226. Dans leur communication de 2022, les États-Unis donnent les explications
suivantes :
L’organisme national qui est responsable des cartes représentant les limites des
zones maritimes des États-Unis est la National Oceanic and Atmospheric
Administration .... [Celle-ci] actualise sa gamme de produits nautiques en
fonction des nouvelles informations reçues, au fur et à mesure qu’elle en reçoit.
La fréquence d’actualisation des cartes dépend de la criticité des nouvelles
informations et des ressources disponibles pour les traiter. Les lignes de base et
les limites maritimes [des États-Unis] sont modifiées sur les cartes [de
l’Administration] lorsque les informations entrantes indiquent qu’il y a eu des
modifications et au fur et à mesure que ces modifications sont examinées par le
comité des lignes de base [Baseline Committee] [des États -Unis]512. [Traduction
non officielle]
227. Dans la déclaration qu’il a faite à la Sixième Commission, en 2021, au nom des
petits États insulaires en développement du Pacifique, le Samoa indique ce qui suit :
[Dans] la Déclaration sur la préservation des zones maritimes face à l’élévation
du niveau de la mer liée aux changements climatiques, [qu’ils ont faite le 6 août
2021, les dirigeants du Forum des îles du Pacifique] affirme[nt] qu’une fois que
les îles du Pacifique ont établi leurs zones maritimes et les ont notifiées au
Secrétaire général, ... ces zones et les droits qui en découlent ne doivent pas être
réduits, quels que soient les effets physiques de l’élévation du niveau de la mer
liée aux changements climatiques. .... Les États parties à la [Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer] ne sont pas tenus d’actualiser les
coordonnées ou les cartes de leurs zones maritimes une fois que celles -ci ont été
déposées auprès du Secrétaire général... 513.
Dans la déclaration qu’elle a faite à la Sixième Commission, en 2021, au nom de
l’Alliance des petits États insulaires, Antigua-et-Barbuda a réaffirmé cette position 514.
228. En outre, dans la déclaration qu’elle a faite à la Sixième Commission en 2021,
Chypre dit estimer que l’obligation faite aux États côtiers, par l’article 16 de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, d’indiquer sur des cartes ou par
une liste de coordonnées géographiques de points les lignes de base à partir desquelles
mesurer la largeur de la mer territoriale, ou les limites « qui en découlent », vise à
créer une sécurité juridique, et qu’il n’est dit nulle part que ces cartes doivent être
révisées périodiquement515.
B. Fonctions des cartes marines en droit international
229. S’agissant de l’établissement des limites des mers territoriales, les articles 5 et
6 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer confèrent une fonction
limitée aux cartes marines « reconnues officiellement par l’État côtier », qui est de
permettre de mesurer la largeur de la mer territoriale, et rien d’autre. Les auteu rs des
__________________
511 Voir supra la note 68.
512 Voir supra la note 271.
513 Voir supra la note 77.
514 Voir supra la note 99.
515 Voir supra la note 133.
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Virginia Commentaries expliquent que la formule « reconnues officiellement par
l’État côtier » donne à penser qu’il n’est pas nécessaire que les cartes en question
soient produites par ledit État, lequel peut adopter des cartes produites par des
services hydrographiques étrangers516. C’est d’ailleurs la pratique de nombreux États.
Cette formule donne également à penser que le fait qu’un État se serve de cartes
marines pour tracer des lignes de base ne signifie pas qu’il ait l’obligation d’actualiser
ces cartes aux fins de la sécurité de la navigation. Ces deux fonctions des cartes
marines sont donc distinctes, comme on pourra le voir plus en détail ci -dessous.
230. Dans la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en
mer517, une « carte marine » (ou « publication nautique ») est définie comme « une
carte ou un recueil spécialement établi, ou une base de données spécialement
compilée à partir de laquelle une telle carte ou un tel recueil est établi, qui est publié
de manière officielle par un gouvernement, un service hydrographique accrédité ou
une autre institution gouvernementale compétente, ou sous son autorité, et qui est
conçu pour répondre aux besoins de la navigation maritime »518. La principale
fonction des cartes marines est d’assurer la sécurité de la navigation 519. Depuis 2000,
l’OMI encourage l’utilisation de systèmes électroniques de visualisation des cartes et
d’information, avec des cartes électroniques de navigation officielles. La Convention
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, qui est le principal
instrument mondial consacré à la sécurité de la navigation, prévoit un ensemble
d’obligations concernant les cartes marines à cet égard. Selon la règle V/9 de la
Convention, les Gouvernements contractant s doivent veiller à ce que les levés
hydrographiques soient exécutés de manière à satisfaire, dans la mesure du possible,
aux exigences de la sécurité de la navigation ; élaborer et diffuser des cartes marines,
des instructions nautiques, des livres des ph ares, des annuaires des marées et d’autres
publications nautiques, s’il y a lieu, qui répondent aux besoins de la sécurité de la
navigation ; diffuser des avis aux navigateurs pour que les cartes marines et
publications nautiques soient, autant que possibl e, tenues à jour ; fournir des moyens
de gestion des données pour appuyer ces services 520. Il n’est pas fait mention de la
mise à jour des lignes de base dans le cadre d’une obligation d’actualiser les cartes
marines afin d’assurer la sécurité de la navigat ion.
231. La pratique des États-Unis illustre bien les différentes fonctions des cartes
marines. La National Oceanic and Atmospheric Administration (l’organisme de
cartographie des États-Unis officiellement reconnu) représente sur ses cartes marines
non pas la ligne de base réelle, mais les limites officielles de la juridiction nationale 521,
et la ligne de base est déterminée non pas par cette administration, mais par le
Baseline Committee des États-Unis, qui est présidé par le Département d’État 522.
__________________
516 Nordquist et al. (dir. publ.), United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A
Commentary, vol. II (voir supra la note 348), p. 90, par. 5.4 d).
517 Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Londres,
1er novembre 1974), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1185, no 18961, p. 3.
518 Ibid, annexe, chapitre V, paragraphe 2 de la règle 2, (tel qu’amendé par la résolution MSC.99(73)
de l’OMI en date du 5 décembre 2000, par. 7).
519 Meredith A. Westington et Matthew J. Slagel, « U.S. maritime zones and the determination of the
national baseline », National Oceanic and Atmospheric Administration (2007), p. 4. Les auteurs
expliquent que les cartes marines sont conçues pour favoriser la sécurité de la navigation, et que
leur objectif général est d’informer le navigateur des dangers et des aides à la navigation ainsi que
des limites de certaines zones.
520 Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, annexe, chapitre V,
règle 9 (telle qu’amendée par la résolution MSC.99(73) de l’OMI en date du 5 décembre 2000,
par. 7). Voir également la communication que l’OMI a adressée à la Commission, disponible à
l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms .
521 Westington et Slagel, « U.S. maritime zones » (voir supra la note 519), p. 1.
522 Ibid., p. 2.
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Westington et Slagel expliquent ce qui suit : « Les cartes marines étant compilées à
partir de nombreuses sources d’information et conçues pour assurer la sécurité et
l’efficacité de la navigation, il est essentiel de disposer de données complémentaires
telles que des levés hydrographiques ou topographiques pour établir avec précision
les lignes de base à partir desquelles mesurer les limites maritimes [des États -
Unis]523 » [traduction non officielle].
232. La Division des affaires maritimes et du droit de la mer du Bureau d es affaires
juridiques, l’entité du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies qui reçoit les
cartes marines et les listes de coordonnées géographiques déposées conformément à
la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, partage cet avis su r la
distinction des fonctions des cartes marines 524. Dans son manuel sur la délimitation
des frontières maritimes, la Division explique que la laisse de basse mer le long de la
côte est une réalité indépendante de la représentation qui est en faite sur les cartes, et
que les zones maritimes revendiquées par l’État côtier existent même si aucune laisse
de basse mer particulière n’a été choisie ou si aucune carte n’a été reconnue
officiellement525. Elle ne dit rien sur l’utilisation des lignes de base à des fins de
sécurité de la navigation. La dissociation de la laisse de basse mer (qui doit être
utilisée comme ligne de base) et des cartes semble aller dans ce sens.
233. Tous les pays n’ont pas les moyens de produire eux -mêmes leurs cartes
maritimes. C’est là un élément important dont il faut tenir compte dans l’évaluation
des obligations des États. Cet élément transparaît dans l’emploi de la formule
« reconnues officiellement par l’État côtier » et est expliqué dans les Virginia
Commentaries526, qui font autorité en la matière. Dans la pratique, les États qui ne
disposent pas de leurs propres capacités d’élaboration de cartes marines utilisent les
cartes marines établies par les organismes hydrographiques d’autres États.
L’actualisation des cartes dépend alors de s moyens dont disposent les premiers pour
fournir les données nécessaires aux seconds. L’Assemblée de l’OMI l’a reconnu
lorsqu’elle a adopté, en 2004, une résolution dans laquelle elle a invité les
gouvernements à coopérer avec d’autres gouvernements ayant peu de moyens
hydrographiques ou n’en ayant aucun, en vue de rassembler et de diffuser des données
hydrographiques527. Comme elle l’indique dans sa communication à la Commission,
l’OMI « ne cesse d’engager les gouvernements, en particulier des États côtier s, à
renforcer ou à améliorer leurs capacités hydrographiques et à envisager de devenir
membres de l’[Organisation hydrographique internationale], et fournit une assistance
technique à ses États [m]embres, lorsqu’ils le demandent, et en coopération avec
[cette organisation]528 ». [Traduction non officielle]
234. Si tous les gouvernements ne sont pas en mesure de fournir les services
hydrographiques nécessaires à la production de cartes marines et à leur actualisation,
il serait déraisonnable d’imposer l’obligatio n de procéder à de nouveaux levés des
lignes de base et d’actualiser les cartes marines. L’emploi de « dans la mesure du
possible », expression de réserve, dans la règle V/9 de la Convention internationale
pour la sauvegarde de la vie humaine en mer consti tue une reconnaissance de la
disparité des moyens dont disposent les gouvernements contractants.
__________________
523 Ibid., p. 13.
524 Manuel sur la délimitation des frontières maritimes (publication des Nations Unies, 2000), par. 65.
525 Ibid., par. 19.
526 Nordquist et al. (dir. publ.), United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A
Commentary (voir supra la note 348), p. 90, par. 5.4 d).
527 Communication de l’OMI (voir supra la note 520), par. 1.
528 Ibid.
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C. Informations communiquées par l’Organisation hydrographique
internationale et l’Organisation maritime internationale
235. L’Organisation hydrographique internationale et l’OMI ont donné suite à la
demande faite par la Commission en 2022. Selon la communication de la première :
L’Organisation hydrographique internationale ... est l’organisation
internationale intergouvernementale dont le but principal est de veiller à que
tous les océans, toutes les mers et toutes les eaux navigables du monde soient
dûment hydrographiés et cartographiés. À cet effet, elle réunit les organismes
nationaux chargés des levés hydrographiques, de la production de cartes marines
et de publications connexes et de la diffusion d’informations sur la sécurité
maritime ... prescrits par la Convention internationale pour la sauvegarde de la
vie humaine en mer ... et d’autres textes internationaux 529. [Traduction non
officielle]
236. Dans cette communication, l’OMI rappelle que la règle V/9 de la Convention
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer impose aux
gouvernements contractants de fournir des services et produits hydrographiques. En
particulier, lesdits gouvernements sont tenus de coopérer pour assurer, dans la mesure
du possible, une série de services de navigation et d’hydrographie de la manière la
plus appropriée pour faciliter la navigation. Ces services consistent notamment à
veiller à ce que les levés hydrographiques soient exécutés de manière à satisfaire,
dans la mesure du possible, aux exigences de la sécurité de la navigation ; diffuser
des avis aux navigateurs pour que les cartes marines et publications nautiques soient,
autant que possible, tenues à jour ; élaborer et diffuser des cartes marines, des
instructions nautiques, des livres des phares, des annuaires des marées et d’autres
publications nautiques, s’il y a lieu, qui répondent aux besoins de la sécurité de la
navigation530. En outre, à sa vingt-troisième session, en 2004, l’Assemblée de l’OMI
a invité les gouvernements à promouvoir l’utilisation des systèmes de visualisation
de cartes électroniques et d’information ; à coopérer avec d’autres gouvernements
ayant peu de moyens hydrographiques ou n’en ayant auc un, selon le cas, en vue de
rassembler et de diffuser des données hydrographiques ; à prêter leur concours aux
gouvernements qui pourraient solliciter une assistance technique ; à mettre en place
des services hydrographiques là où il n’en existe pas, en co nsultation avec
l’Organisation hydrographique internationale 531.
237. L’Organisation hydrographique internationale est une organisation consultative
et technique. Elle compte actuellement 98 États membres et 55 États non membres 532.
Ces derniers ne disposant pas d’organisme hydrographique national, ils n’ont pas la
capacité ou les moyens de procéder eux-mêmes à des levés hydrographiques533. C’est
pourquoi l’Organisation a pour objectif d’apporter une assistance technique aux
gourvernements et de les aider à renforcer les capacités nationales. L’Organisation
entend ainsi promouvoir l’utilisation de l’hydrographie pour la sécurité de la
__________________
529 Communication de l’Organisation hydrographique internationale, p. 1. Disponible à l’adresse
suivante : https://legal.un.org/ilc/guide/8_9.shtml#govcoms .
530 Communication de l’OMI (voir supra la note 520), p. 1.
531 Ibid.
532 Organisation hydrographique internationale, Annuaire : 9 mars 2023 (Monaco, 2023), p. 5 à 9.
533 Cet état de choses a été souligné par les auteurs de l’article ci -après, où il est expliqué que la
Pologne avait des « moyens techniques limités » et ne disposait pas d’un ensemble actualisé de
données géographiques sur la mer Baltique établissant la front ière maritime de l’État. Cezary
Specht et al., « A new method for determining the territorial sea baseline using an unmanned
hydrographic surface vessel », Journal of Coastal Research, vol. 35, n° 4 (juillet 2019), p. 925 à
936, à la page 926.
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102/118 23-02584
navigation et pour toutes les autres activités maritimes 534. Ceci implique des activités
supplémentaires, comme l’explique l’organisation dans sa communication :
Bien que la sécurité de la navigation reste l’un des principaux objectifs de
[l’organisation], les produits et services hydrographiques sont utiles à toutes les
activités liées aux océans, aux mers et aux eaux navigables. De même que les
États côtiers ont besoin de données précises sur les profondeurs marines
(bathymétrie) et le niveau de la mer pour produire des cartes marines et des
publications nautiques et pour étayer les revendic ations relatives à des territoires
et ressources maritimes qu’ils font [au titre de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer], ils ont besoin de l’hydrographie pour protéger leurs zones
maritimes et leurs populations face à l’élévation du niv eau de la mer. Tous les
États côtiers devraient être encouragés à faire en sorte que leurs mers et zones
côtières soient correctement hydrographiées et cartographiées. Cela leur
permettra de protéger leurs droits maritimes, [et] d’atténuer les effets des
changements climatiques et des déplacements de populations et de s’y
adapter535. [Traduction non officielle]
238. L’Organisation hydrographique internationale rappelle que l’élévation du
niveau de la mer peut avoir diverses conséquences néfastes pour les pays, do nt « la
modification de l’accès à la nourriture, l’augmentation de l’impact des tempêtes et
des ondes de tempête [et] le déplacement de populations ». Elle fait observer que les
données sur les caractéristiques de l’océan peuvent être utilisées pour atténu er
l’impact préjudiciable de l’élévation du niveau de la mer et s’y adapter 536. Elle
explique que, conscients de l’importance de ces informations hydrographiques, ses
États membres ont décidé en 2020 de lui fixer comme but, dans son plan stratégique,
d’« accroître l’utilisation des données hydrographiques à d’autres fins que les
traditionnelles cartes marines »537.
239. Deux idées essentielles se dégagent des éléments communiqués par
l’Organisation hydrographique internationale. Tout d’abord, les cartes marines et les
services hydrographiques permettent aux États côtiers d’étayer leurs revendications
concernant des territoires et des ressources maritimes et contribuent à la protection
de ces zones et de leur population. Ensuite, comme le montre l’emploi du verbe «
encourager », rien n’oblige l’ensemble des États côtiers à hydrographier et à
cartographier leurs mers et leurs zones côtières. Une telle obligation serait d’autant
plus difficile à imposer que nombre de ces États ne disposent pas des moyens
nécessaires. En outre, si l’Organisation hydrographique internationale dit avoir entre
autres buts de contribuer à l’atténuation des effets néfastes de l’élévation du niveau
de la mer et à l’adaptation à ces effets, elle ne dit pas avoir pour objectif de veiller à
ce qu’il soit procédé à de nouveaux levés et à l’actualisation des données de
bathymétrie en ce qui concerne les lignes de base utilisées pour le tracé des frontières
maritimes à des fins de sécurité de la navigation.
240. Conformément aux prescriptions de la Conven tion internationale pour la
sauvegarde de la vie humaine en mer visant à renforcer la sécurité de la navigation,
l’Organisation hydrographique internationale est également très active dans l’appui
numérique à la navigation et la mise en oeuvre de l’« e-navigation » sous la direction
de l’OMI. Comme il est nécessaire de faciliter l’accès à des informations géospatiales
numériques normalisées de haute qualité, l’Organisation hydrographique
internationale continue de travailler sur des produits, dont un appelé « S-121 », qui
__________________
534 Organisation hydrographique internationale, « Plan stratégique pour 2021-2026 », novembre 2020,
p. 1.
535 Communication de l’Organisation hydrographique internationale (voir supra la note 529), par. 2.
536 Ibid., par. 15.
537 Ibid., par. 16.
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23-02584 103/118
porte sur les limites et frontières maritimes, dont le but est d’aider la Division des
affaires maritimes et du droit de la mer dans ses activités relatives à l’obligation de
dépôt. Ce produit doit également apporter la clarté nécessaire à u ne bonne
gouvernance : a) en offrant des représentations spatiales des limites et frontières
maritimes qui sont précises, fiables et faciles à interpréter ; b) en aidant les États
Parties à s’acquitter de l’obligation que leur fait la Convention des Nation s Unies sur
le droit de la mer de déposer les limites extérieures de leurs zones maritimes, ainsi
que les lignes de délimitation (frontières maritimes), auprès du Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies, par l’intermédiaire de la Division. A insi, « S-121
contribue à la bonne gouvernance de l’océan dans le contexte de l’élévation du niveau
de la mer en facilitant les procédures juridiques par des produits lisibles légalement
et ciblés, fournit des informations historiques et permet la validati on des sources538 »
[traduction non officielle]. Il n’est pas question des lignes de base dans la
communication de cette organisation, qui ne mentionne que les « limites extérieures
des zones maritimes ».
241. Entre 2012 et 2018, l’OMI et l’Organisation hydrogra phique internationale ont
mené en collaboration 11 activités de renforcement des capacités destinées à
améliorer les services hydrographiques et la production de cartes marines. Il s’agissait
principalement d’activités régionales mises en place dans le Pac ifique, en Asie, en
Amérique latine et en Europe de l’Est, et, dans la région Afrique, d’activités
nationales axées sur le Soudan et le Kenya539. Trois d’entre elles – des activités
communes de coopération technique définies et menées, dans le cadre d’une i nitiative
conjointe de renforcement des capacités, par l’Organisation hydrographique
internationale, l’OMI, la Commission océanographique intergouvernementale,
l’Organisation météorologique mondiale, l’Association internationale de
signalisation maritime, l’Agence internationale de l’énergie atomique et la Fédération
internationale des géomètres – se sont déroulées au titre de l’initiative « Unis dans
l’action » de l’ONU540.
D. Recensement, par la Division des affaires maritimes et du droit
de la mer du Bureau des affaires juridiques, des cartes
et des listes de coordonnées géographiques déposées
auprès du Secrétaire général
242. Comme le lui a demandé la Commission 541, la Division des affaires maritimes
et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques a recensé les cartes et les listes
de coordonnées géographiques déposées auprès du Secrétaire général qui avaient été
modifiées ou actualisées depuis 1990 et lui a fourni des explications complémentaires.
La Division indique que la Convention des Nations U nies sur le droit de la mer ne
traite pas expressément de la « modification » ou de « l’actualisation » des éléments
déposés. Le premier dépôt qui ait été fait auprès du Secrétaire général en application
de la Convention l’a été en mars 1995 et, en septemb re 2022, 86 États côtiers avaient
procédé à un total de 157 dépôts. Sur les 86 États déposants, 17 ont fait des dépôts
ultérieurs (pour la même région et en application des mêmes articles de la
Convention)542. Sur ce nombre, 16 États ont fait savoir qu’ils entendaient annuler et
__________________
538 Ibid., par. 9 et 10.
539 Communication de l’OMI (voir supra la note 520), p. 2.
540 Ibid.
541 A/77/10, par. 27 a).
542 La Belgique, le Brésil, le Chili, les Émirats arabes unis, l’Espagne, les Fidji, la France, l’Iraq, le
Japon, le Liban, Madagascar, le Nicaragua, la Norvège, le Samoa, les Seychelles, les Tuvalu et les
Îles Cook.
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remplacer, en partie ou en totalité, un dépôt antérieur, indiquant si un tel dépôt devait
être considéré comme annulé.
243. La Division souligne que, dans le cadre de son mandat concernant les dépôts
effectués en application de la Convent ion des Nations Unies sur le droit de la mer, le
Secrétariat procède à un examen des cartes ou des listes de coordonnées
géographiques de points qui ont été déposées afin de vérifier si elles correspondent à
l’intention déclarée de l’État déposant et si el les satisfont aux prescriptions de la
Convention. Il n’est toutefois pas habilité à dire si les éléments déposés sont
conformes aux dispositions applicables de la Convention. Il n’entre pas non plus dans
son mandat de dire si les nouvelles cartes et listes de coordonnées géographiques de
points constituent une « modification ou une actualisation » des cartes et des listes
déposées précédemment.
244. La Division donne les précisions suivantes :
Étant donné son caractère international, l’acte de dépôt de cartes ou de listes de
coordonnées géographiques prend normalement la forme d’une note verbale ou
d’une lettre adressée au Secrétaire général par une personne considérée comme
un représentant de l’État côtier. Compte tenu de ses fonctions, cette personne
peut être un(e) chef d’État, un(e) chef de Gouvernement, un(e) ministre des
affaires étrangères, ou un(e) représentant(e) ou un(e) observateur(trice)
permanent(e) auprès de l’Organisation des Nations Unies 543.
En d’autres termes, le dépôt de cartes ou de li stes n’est pas effectué par les services
techniques de l’État côtier, tels que les services hydrographiques, car il s’agit d’un
acte juridique et non technique.
E. Constatations préliminaires
245. Un certain nombre d’États ont communiqué des informations sur leurs pratiques
et leurs points de vue quant aux cartes marines en relation avec les frontières
maritimes. Peu ont déclaré actualiser leurs cartes régulièrement ou périodiquement,
et la plupart ont dit considérer que la Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer n’exigeait pas l’actualisation des cartes marines pour ce qui était des lignes de
base, leur pratique allant dans ce sens. Aucun n’a dit estimer que la Convention ou le
droit international leur faisait obligation de procéder régulièrement à des levés des
lignes de base, d’actualiser les cartes marines et de déposer les cartes actualisées
auprès du Secrétaire général.
246. Comme l’expliquent l’OMI et l’Organisation hydrographique inter nationale, les
cartes marines sont principalement utilisées pour assurer la sécurité de la navigation,
comme le prévoit la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine
en mer. Toutefois, l’Organisation hydrographique internationale expliq ue également
que les services et produits hydrographiques peuvent remplir en outre d’autres
fonctions, comme d’aider à étayer les revendications relatives à des zones maritimes,
d’aider les États à protéger leurs zones maritimes et leur population et de fa ciliter
l’adaptation à l’impact de l’élévation du niveau de la mer. Selon sa communication,
il ne découlerait de la Convention susmentionnée aucune pratique ou obligation d’où
il ressortirait que les lignes de base interviennent dans la sécurité de la navi gation et
doivent être représentées ou actualisées sur les cartes nautiques. En d’autres termes,
les cartes marines sont utilisées à deux types de fins : celles de la sécurité de la
navigation et des fonctions supplémentaires, telles que l’indication des z ones
maritimes. Les États-Unis, par exemple, ont pour pratique de ne pas faire figurer les
__________________
543 SPLOS/30/12, par. 16.
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23-02584 105/118
lignes de base sur les cartes marines établies par la National Oceanic and Atmospheric
Administration. Cette pratique va dans le sens de ce que dit la Division des a ffaires
maritimes et du droit de la mer du Bureau des affaires juridiques dans son Manuel sur
la délimitation des frontières maritimes, lorsqu’elle explique que la laisse de basse
mer le long de la côte est une réalité indépendante de la représentation qui est en faite
sur les cartes. Rien n’indique qu’il soit de pratique générale, parmi les États,
d’actualiser les lignes de base sur les cartes marines pour assurer la sécurité de la
navigation. Dans les réponses à l’enquête réalisée par la Division, les Éta ts n’ont pas
donné les raisons pour lesquelles ils réajustaient leurs lignes de base.
247. Les cartes marines sont élaborées par les organismes hydrographiques
nationaux. Toutefois, l’OMI et l’Organisation hydrographique internationale
reconnaissent que tous les gouvernements n’ont pas les moyens de créer de tels
organismes ou de procéder à des levés hydrographiques. De nombreux États n’ont pas
d’organisme hydrographique et ne produisent pas eux -mêmes leurs cartes marines.
C’est ce qui transparaît dans les arti cles 5 et 6 de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, où les cartes mentionnées sont celles qui sont « reconnues
officiellement par l’État côtier ». Il semblerait donc déraisonnable d’imposer aux
États l’obligation de procéder à des levés hydrographiques et d’actualiser les cartes
marines, et rien dans les instruments applicables ou dans la pratique ne va dans ce
sens.
248. Ces constatations préliminaires tendent à confirmer qu’il faut faire une lecture
littérale de l’article 5 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, d’où
il ressort que la ligne de base normale ne sert qu’à mesurer la largeur de la mer
territoriale, et que, comme indiqué dans la première note thématique, « la Convention
n’impose pas expressis verbis544 » le tracé de nouvelles lignes de base. L’actualisation
des cartes aux fins de la sécurité de la navigation doit être distinguée de l’actualisation
des cartes et des listes de coordonnées concernant les lignes de base et les zones
maritimes en application de la Con vention et du droit international relatif à ces zones.
249. En dernière analyse, on peut faire, à titre préliminaire, les constatations
suivantes :
a) Les cartes marines sont utilisées principalement à des fins de sécurité de
la navigation, et la représentation des lignes de base ou des zones maritimes est une
fonction supplémentaire ;
b) Rien n’indique qu’il soit de pratique générale, parmi les États, d’actualiser
les lignes de base sur les cartes marines aux fins de la sécurité de la navigation en
application de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ou du droit
international ;
c) Rien, dans la pratique des États, ne vient étayer l’idée que la Convention
ou d’autres sources du droit international obligeraient à réviser régulièrement les
cartes afin d’actualiser les lignes de base ou les limites des zones maritimes.
XII. Pertinence d’autres sources de droit
250. Dans le rapport annuel de la Commission pour 2021 545, les membres du Groupe
d’étude ont proposé que, en plus de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer et des Conventions de Genève de 1958 546 :
__________________
544 A/CN.4/740 et Corr.1, par. 78.
545 A/77/10, par. 294 a).
546 Déjà examinées, en fait, dans la première note thématique.
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106/118 23-02584
[L]e Groupe d’étude [examine] d’autres sources du droit − les traités
applicables, bilatéraux, régionaux et multilatéraux, ou autres instruments
portant notamment sur la gestion des pêcheries ou la haute mer qui définissent
les zones maritimes, ou le Traité de 1959 sur l’Antarctique et son Protocole de
1991 relatif à la protection de l’environnement, les traités de l’Organisation
maritime internationale qui défini ssent la pollution ou les zones de recherche et
de sauvetage, ou la Convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel
subaquatique, ... et les règlements des organisations internationales compétentes
telles que l’Organisation hydrographique inter nationale. Cette démarche viserait
à déterminer la lex lata relative aux lignes de base et aux zones maritimes sans
préjudice de l’examen de la lex ferenda ou des choix de politique publique. Elle
viserait également à déterminer si ces instruments autorise nt ou obligent (ou
non) à réajuster les lignes de base dans certaines circonstances, et si une
modification des lignes de base supposerait une modification des zones
maritimes.
251. Dans leurs communications et interventions, les États Membres n’ont pas
mentionné spécifiquement de traités qu’il serait intéressant, à leur avis, d’examiner
de manière plus approfondie. On peut relever que, dans sa déclaration de 2021,
l’Alliance des petits États insulaires a exprimé certaines réserves quant à la nécessité
de se lancer dans une telle analyse : « Nous souhaitons savoir en quoi les conventions
de Genève de 1958 ..., qui ont été négociées alors que nombre des [petits États
insulaires en développement] étaient sous administration coloniale, doivent entrer en
ligne de compte dans notre interprétation du droit de la mer dans les circonstances
actuelles » [traduction non officielle]. Dans leur déclaration de 2021, les États -Unis
ont également été très directs : « Nous nous demandons si d’autres sources de droit
mentionnées par le Groupe d’étude pourraient l’emporter sur les dispositions
universellement acceptées qui forment [la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer] ou les modifier. » [Traduction non officielle]
252. Les lignes de base ou les zones maritimes (à l’exc eption de la haute mer) ne sont
pas mentionnées dans le Traité sur l’Antarctique de 1959 547. Seuls le sont, à
l’article IV dudit traité, les droits, revendications ou bases de revendications de
« souveraineté territoriale dans l’Antarctique »548. La question des lignes de base et
des zones maritimes et, par conséquent, de leur relation avec l’élévation du niveau de
la mer, ne pourrait se poser que dans le cas, peu probable, où, après avoir dénoncé le
traité, certains États devenaient souverains sur le territo ire de (certaines parties de)
l’Antarctique. L’article VI, qui définit la zone d’application de l’instrument, dispose
que « rien dans le [...] Traité ne pourra porter préjudice ou porter atteinte en aucune
façon aux droits ou à l’exercice des droits reconn us à tout État par le droit
__________________
547 Traité sur l’Antarctique (Washington, 1er décembre 1959), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 402, no 5778, p. 71.
548 Article IV : « 1. Aucune disposition du présent Traité ne peut être interprétée : a) comme
constituant, de la part d’aucune des Parties Contractantes, une renonciation à ses droits de
souveraineté territoriale, ou aux revendications territoriales, précédemment affirmés par elle dans
l’Antarctique ; b) comme un abandon total ou partiel, de la part d’aucune des Parties
Contractantes, d’une base de revendication de souveraineté territoriale dans l’Antarctique, qui
pourrait résulter de ses propres activités ou de celles de ses ressortissants dans l’Antarctique, ou
de toute autre cause ; c) comme portant atteinte à la position de chaque Partie Contractante en ce
qui concerne la reconnaissance ou la non reconnaissance par cette Partie, du droit de souveraineté
d’une revendication ou d’une base de revendication de souveraineté territoriale de tout autre État,
dans l’Antarctique. 2. Aucun acte ou activité intervenant pendant la durée du présent Traité ne
constituera une base permettant de faire valoir, de soutenir ou de contester une revendication de
souveraineté territoriale dans l’Antarctique, ni ne créera des droits de souveraineté dans cette
région. Aucune revendication nouvelle, ni aucune extension d’une revendication de souveraineté
territoriale précédemment affirmée, ne devra être présentée pendant la durée du présent Traité. »
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international en ce qui concerne les parties de haute mer se trouvant dans la région
ainsi délimitée ». Compte tenu du régime juridique actuel de l’Antarctique, il est
évident que cette disposition n’a aucun effet sur le présent sujet.
253. Ni le Protocole au traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de
l’environnement (1991)549 ni la Convention de 1972 pour la conservation des phoques
de l’Antarctique550 ne mentionnent les lignes de base ou les zones maritimes, pas plus
que la Convention de 1980 sur la conservation de la faune et la flore marines de
l’Antarctique551. Le libellé de l’article IV de cette dernière est similaire à l’article IV
du Traité sur l’Antarctique, auquel il fait référence 552. On peut donc tirer la même
conclusion que pour le Traité de l’Antarctique. En outre, on lit à l’article XI de la
Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique :
La Commission [pour la conservation de la faune et de la f lore marines de
l’Antarctique, créée par la Convention sur la conservation de la faune et de la
flore marines de l’Antarctique] s’efforce de coopérer avec les Parties
contractantes qui exerceraient une juridiction dans les zones marines adjacentes
à la zone d’application de la Convention, pour ce qui a trait à la conservation
d’un ou de plusieurs stocks d’espèces associées situés aussi bien dans ces zones
que dans la zone d’application de la Convention, en vue d’harmoniser les
mesures de conservation adoptées à l’égard de ces stocks.
Le texte ne précise pas de quelles « zones marines adjacentes à la zone d’application
de la Convention » il s’agit. Le Traité sur l’Antarctique excluant toute souveraineté
territoriale sur l’Antarctique, ce continent ne possède pas de zones maritimes. Quant
aux zones maritimes des États adjacents, la stabilité (le caractère fixe) des lignes de
base n’aurait pas d’incidences sur la zone d’application de la convention, pas plus
qu’un réajustement de ces lignes et des limites extér ieures des zones maritimes vers
les terres en raison de l’élévation du niveau de la mer si les États concernés
appliquaient le principe des lignes mouvantes.
254. L’analyse des traités de l’OMI relatifs à la pollution ou aux zones de recherche
et de sauvetage a abouti aux conclusions suivantes. Il n’est pas question de zones
maritimes dans la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la
pollution par les navires, telle que modifiée par le Protocole de 1978 y relatif et par
__________________
549 Protocole au traité sur l’Antarctique, relatif à la protection d e l’environnement (Madrid, 4 octobre
1991), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2941, annexe A, no 5778, p. 3.
550 Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique (Londres, 1 er juin 1972), ibid.
vol. 1080, n° 16529, p. 175.
551 Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (Canberra, 20 mai
1980), ibid. vol. 1329, n° 22301, p. 47.
552 Article IV : « 1. En ce qui concerne la zone du Traité sur l’Antarctique, toutes les Parties
contractantes, qu’elles soient ou non parties à ce Traité, sont liées par les Articles IV et VI du
Traité sur l’Antarctique dans leurs rapports réciproques. 2. Aucune disposition de la présente
Convention, ni aucun acte ou activité intervenant pendant la durée de la présente Convention :
a) ne peut servir de base pour faire valoir, soutenir ou contester une revendication de souveraineté
territoriale dans la zone du Traité sur l’Antarctique, ni créer de droits de souveraineté dans cette
zone ; b) ne peut être interprété comme un abandon total ou partiel de la part d’aucune des Parties
contractantes de tout droit ou revendication ou base de revendication d’exercer une juridiction
d’État côtier en vertu du droit international à l’intérieur de la zone d’application de la Convention,
ni comme portant atteinte à tel droit ou revendication ou base de revendication ; c) ne peut être
interprété comme portant atteinte à la position d’aucune Partie contractante à l’égard de la
reconnaissance ou la non-reconnaissance de tel droit ou revendication ou base de revendication ;
d) ne peut porter atteinte à la disposition du paragraphe 2 de l’Article IV du Traité sur
l’Antarctique en vertu de laquelle aucune revendication nouvelle, ni aucune extension d’une
revendication de souveraineté territoriale dans l’Antar ctique précédemment affirmée ne devra être
présentée pendant la durée du Traité sur l’Antarctique. »
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le Protocole de 1997553. On lit au paragraphe 2 de l’article 3 de cette convention
qu’« [a]ucune disposition [dudit] article ne saurait être interprétée comme portant
atteinte aux droits souverains des Parties sur le fond des mers et sur le sous -sol
adjacent aux côtes aux fins d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles
ou comme étendant ces droits, conformément au droit international », mais cette
disposition n’a pas de rapport avec l’autorisation ou l’obligation (ou non) de réajuster
les lignes de base, ni avec la situation dans laquelle une modification des lignes de
base entraînerait la modification des zones maritimes.
255. Les lignes de base sont mentionnées dans l’annexe I, intitulée « Règles relatives
à la prévention de la pollution par les hydrocarbures », de la Convention de 1973 :
Règle 1. Définitions
...
9) « À partir de la terre la plus proche » signifie à partir de la ligne de base qui
sert à déterminer la mer territoriale du territoire en question conformément au
droit international ; aux fins, toutefois, de la présente Convention, l’expression
« à partir de la terre la plus proche » de la côte nord -est de l’Australie signifie à
partir d’une ligne [définie par des coordonnées précisées dans le texte].
Cette définition s’applique aux règles énoncées dans l’annexe en question, aux termes
desquelles il est interdit à tout navire de rejeter à la mer des hydrocarbures ou des
mélanges d’hydrocarbures, sauf lorsqu’un certain nombre de conditions sont réunies,
notamment que lorsque le « pétrolier est à plus de 50 milles marins de la terre la plus
proche554 » ou que le navire « d’une jauge brute égale ou supérieure à 400 tonneaux »
est « à plus de 12 milles matins de la terre la plus proche »555. On trouve des formules
similaires dans la règle 10 de la même annexe (« [l]e rejet est effectué aussi loin que
possible de la terre et, en aucun cas, moins de 12 milles marins de la terre la plus
proche556 ») et dans la règle 15 (« ne s’éloigne pas de plus de 50 milles de la terre la
plus proche557 »). On en trouve également dans l’annexe II, intitulée « Règles
relatives à la prévention de la pollution par les substances liquides nocives
transportées en vrac » : selon ces règles, le rejet de ces substances est interdit, mais il
peut être autorisé si un certain nombre de conditions sont remplies, notamment si le
« rejet s’effectue à une distance d’au moins 12 milles marins de la terre la plus proche
et dans des eaux d’une profondeur d’au moins 25 mètres 558 ». L’annexe IV, intitulée
« Règles relatives à la prévention de la pollution par les eaux usées des navires »,
comprend la même définition que celle qui est présentée à l’annexe I et reprise dans
les autres, ainsi que, à la règle 8 (« Rejet des eaux usées »), les références à la « terre
la plus proche » (« à une distance de plus de quatre milles marins de la terre la plus
__________________
553 Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires (Londres,
2 novembre 1973), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1341, no 22484, p. 140 ; Protocole de
1978 relatif à la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les
navires (Londres, 17 février 1978), ibid. vol. 1341, n° 22484, p. 3 ; Protocole de 1997 modifiant la
Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les navires, telle que
modifiée par le Protocole de 1978 y relatif (Londres, 26 septembre 1997), Nations Unies,
Annuaire juridique, 1997 (Numéro de vente : F.02.V.1), p. 382.
554 Règle 9, « Réglementation des rejets d’hydrocarbures », par. 1 a) ii).
555 Ibid., par. 1 b) ii).
556 Règle 10, « Méthodes de prévention de la pollution par les hydrocarbures due aux navires
exploités dans les zones spéciales », par. 3 a) iii) (non souligné dans l’original).
557 Règle 15, « Conservation des hydrocarbures à bord », par. 5.
558 Règle 5, « Rejet de substances liquides nocives », par. 1 c), 2 e), 3 e), 4 c), 7 c), 8 e) et 9 e). Le
paragraphe 4 c) est le seul dans lequel ne figurent pas les mots « dans des eaux d’une profondeur
d’au moins 25 mètres ».
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proche », « à une distance de plus de 12 milles marins de [la terre la plus proche] »559).
L’annexe V (« Règles relatives à la prévention de la pollution par les ordures des
navires ») reprend la définition de la « terre la plus proche » et le terme lui-même, à
la règle 3, « Évacuation des ordures hors des zones spéciales » (« si la terre la plus
proche est à moins : i) De 25 milles marins ... ; ii) De 12 milles marins ... » ; « aussi
loin que possible de la terre la plus proche ; elle est interdite, en tout cas, si la terre
la plus proche se trouve à moins de 3 milles marins »560), ainsi qu’à la règle 5,
« Évacuation des ordures dans les zones spéciales » (« en aucun cas moins de
12 milles [marins] de la terre la plus proche 561 »).
256. La « terre la plus proche » est définie comme « la ligne de base qui sert à
déterminer ... conformément au droit international 562 ». Il ressort de l’analyse des
dispositions de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les
navires que celle-ci n’oblige pas à réajuster les lignes de base dans certaines
circonstances. En même temps, le principe des lignes de base mouvantes serait sans
incidences sur l’application de cet instrument (la ligne de base étant le repère à partir
duquel sont mesurées les distances énoncées). En revanche, si l’on considère que les
lignes de base doivent être fixes, ce qui n’a certes pas d’effets sur l’application de la
convention, la côte (qui reculerait en cas d’élévation du niveau de la mer) se trouverait
à une plus grande distance de la lign e de base (laquelle, dans ce cas, serait gelée) et,
de ce fait, de la limite de la zone au-delà de laquelle le rejet d’hydrocarbures, de
substances liquides nocives, d’eaux usées et d’ordures est autorisé sous réserve que
les conditions strictes fixées dan s l’instrument soient remplies. En conséquence, du
point de vue de la protection du milieu côtier (et du territoire terrestre de l’État côtier)
contre la pollution par les navires, l’option des lignes de base fixes est plus propice à
la réalisation (au moins partielle) de l’objet et du but de la convention, exprimé dans
le préambule de celle-ci, à savoir « la nécessité de protéger l’environnement en
général et le milieu marin en particulier ».
257. La Convention internationale de 1969 sur l’intervention en haute mer en cas
d’accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures 563, qui
est également un instrument de l’OMI, mentionne, elle, la haute mer. Il est question,
dans son préambule, de « la nécessité de protéger les intérêts [des] pop ulations contre
__________________
559 Règle 8, « Rejet d’eaux usées », par. 1 a) : « 1) Sous réserve des dispositions de la règle 9 de la
présente Annexe, le rejet des eaux usées à la mer est interdit à moins que les conditions suivantes
ne soient remplies : a) Le navire rejette des eaux usées après broyage et désinfection à l’aide d’un
dispositif approuvé par l’Autorité conformément aux dispositions de la règle 3, paragraphe 1,
alinéa a), alors que le navire se trouve une distance de plus de quatre milles marins de la terre la
plus proche et celui des eaux usées non broyées et non désinfectées à une distance de plus de
12 milles marins de celle-ci ... ».
560 Règle 3, « Évacuation des ordures hors des zones spéciales », par. 1 b) : « L’évacuation dans la
mer des ordures suivantes se fait aussi loin que possible de la terre la plus proche ; elle est
interdite en tout cas si la terre la plus proche est à moins : i) De 25 milles marins en ce qui
concerne le fardage et les matériaux de revêtement et d’emballage qu i flotteraient ; ii) De
12 milles marins, en ce qui concerne les déchets alimentaires et toutes les autres ordures, y
compris les papiers, les chiffons, les objets en verre, les objets métalliques, les bouteilles, les
ustensiles de cuisine et les rebuts de même nature » ; par. 1 c) : « L’évacuation dans la mer des
ordures indiquées à l’alinéa b) ii) de la présente règle peut être autorisée après leur passage dans
un broyeur ou un concasseur et être effectuée aussi loin que possible de la terre la plus proch e ;
elle est interdite, en tout cas, si la terre la plus proche se trouve à moins de 3 milles marins. »
561 Règle 5, « Évacuation des ordures dans les zones spéciales », par. 2 b) : « L’évacuation dans la
mer des déchets alimentaires se fait le plus loin po ssible de la côte, et en aucun cas moins de
12 milles [marins] de la terre la plus proche ».
562 Annexe I, règle 1, par. 2, et annexe V, par. 2.
563 Convention internationale sur l’intervention en haute mer en cas d’accident entraînant ou pouvant
entraîner une pollution par les hydrocarbures (Bruxelles, 29 novembre 1969), Nations Unies,
Recueil des Traités, vol. 970, n° 14049, p. 211.
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110/118 23-02584
les graves conséquences d’un accident de mer entraînant un risque de pollution de la
mer et du littoral par les hydrocarbures » et de « mesures de caractère exceptionnel
[qui] pourraient être nécessaires en haute mer afin de protéger ces in térêts et [qui]
[...] ne sauraient porter atteinte au principe de la liberté de la haute mer ». En outre,
le paragraphe 1 de l’article 1 dispose ce qui suit :
Les Parties à la présente Convention peuvent prendre en haute mer les mesures
nécessaires pour prévenir, atténuer ou éliminer les dangers graves et imminents
que présentent pour leurs côtes ou intérêts connexes une pollution ou une
menace de pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures à la suite d’un
accident de mer ou des actions afférentes à un tel accident, susceptibles selon
toute vraisemblance d’avoir des conséquences dommageables très importantes.
Selon la méthode des lignes de base mouvantes, en cas d’élévation du niveau de la
mer, les zones maritimes (mer territoriale, zone économique exclusive) des États
côtiers resteraient inchangées, mais la haute mer gagnerait en superficie. Il est
difficile de déterminer exactement dans quelle mesure l’accroissement de la
superficie de la haute mer aurait une incidence sur les obligations de l’Éta t côtier
créées par cette convention, mais, en principe, cette superficie étant plus grande, les
mesures d’intervention à la charge de l’État côtier seraient plus importantes. Dans le
cas des lignes de base fixes, si l’on a décidé d’appliquer cette méthode pour tenir
compte des effets de l’élévation du niveau de la mer, l’emplacement (les limites) des
zones maritimes et de la haute mer ne sont pas modifiées (ni la superficie de cette
dernière), si bien que le régime créé par la convention n’est pas modifié, mais les
côtes sont physiquement plus éloignées du lieu de la pollution, ce qui est plus
favorable à la réalisation de l’objet et du but de cet instrument.
258. La Convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de
l’immersion de déchets564, autre instrument de l’OMI, ne fait pas de distinction entre
les différentes zones maritimes, à quelques exceptions près : selon le paragraphe 3 de
l’article III, « mer » s’entend de « toutes les eaux marines à l’exception des eaux
intérieures des États » ; au paragraphe 1 b) de l’article VII, il est question des
« navires et aéronefs chargeant sur [le] territoire ou dans [les] mers territoriales [d’une
Partie contractante] des matières qui doivent être immergées ». Le système des lignes
de base mouvantes aurait pour effet de modifier l’emplacement des eaux intérieures
et de la mer territoriale de l’État côtier, ce qui aurait une incidence sur le lieu de
chargement des matières à immerger : les lieux qui se trouvaient auparavant dans la
mer territoriale pourraient passer dans la zone économique exclusive, réduisant ainsi
la juridiction de l’État côtier, auquel la convention impose d’appliquer des mesures
aux navires et aux aéronefs qui chargent des matières dans sa mer territoriale.
L’option des lignes de base fixes ne modifiant pas l’emplacement des zones
maritimes, elle est sans effet sur l’application de cet instrument.
259. La Convention internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la
coopération en matière de pollution par les hydrocarbures 565, également un instrument
de l’OMI, mentionne le littoral (préambule et paragraphe 2 de l’article 2) et l’État
côtier (par exemple à l’article 4), mais pas les lignes de base ou les zones maritimes.
260. Dans le Protocole de 2000 sur la préparation, la lutte et la coopération contre
les événements de pollution par les substances nocives et potentiellement
__________________
564 Convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets
(Londres, Mexico, Moscou et Washington, 29 décembre 1972), Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 1046, no 15749, p. 121.
565 Convention internationale sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par
les hydrocarbures (Londres, 30 novembre 1990), Nations Unie s, Recueil des Traités, vol. 1891,
no 32194, p. 51.
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dangereuses566, encore un autre instrument de l’OMI, il est question du milieu marin
et du littoral, mais pas des lignes de base ni des zones maritimes.
261. On trouve dans la Convention internationale de 2001 sur le contrôle des
systèmes antisalissure nuisibles sur les navires567, qui est elle aussi un instrument de
l’OMI, des mentions du milieu marin (préambule) et « des fonds marins et [du] soussol
adjacents aux côtes sur lesquelles l’État côtier exerce des droits souverains aux
fins de l’exploration et de l’exploitation de leurs ressources naturelles » (paragraphe 1
de l’article 2), mais pas des lignes de base ni des zones maritimes 568.
262. La formule « l’exploration et [...] l’exploitation des fonds marins et de leur sous -
sol adjacents aux côtes sur lesquelles l’État côtier exerce des droits souverains aux
fins de l’exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles » se trouve
également dans la Convention internationale de 2004 pour le contrôle et la gestion
des eaux de ballast et sédiments des navires (au paragraphe 1 de l’article 1) 569, autre
instrument de l’OMI, où il est aussi question des « eaux relevant de la juridiction
[d’une] Partie » (par exemple, au paragraphe 2 de l’article 3 et à l’article 6), mais pas
des lignes de base ni des zones maritimes570, hormis une mention de la haute mer au
paragraphe 4 de la règle A-3, intitulée « Exceptions » (dans l’annexe de la
convention). La règle B-4, intitulée « Renouvellement des eaux de ballast », fait
référence à la « terre la plus proche » (« à 200 milles marins au moins de la terre la
plus proche ») et « au moins 50 milles marins de la terre la plus proche » (aux
paragraphes 1.1 et 1.2, respectivement). Le raisonnement exposé plus haut (au
paragraphe 228) à propos des dispositions similaires de la Convention internationale
pour la prévention de la pollution par les navires est donc également applicable ici.
263. Il n’est pas question des lignes de base ni des zones maritimes dans la
Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement
rationnel des navires (2009)571, également un instrument de l’OMI.
264. Il n’est pas non plus question des lignes de base ni des zones maritimes d ans la
Convention internationale de 1979 sur la recherche et le sauvetage maritimes 572, elle
aussi un instrument de l’OMI. Cette convention, comme d’autres instruments de
l’OMI, comprend une clause « sans préjudice »573 à l’égard de (ce qui allait devenir)
__________________
566 Protocole sur la préparation, la lutte et la coopération contre les événements de pollution par les
substances nocives et potentiellement dangereuses (Londres, 15 mars 2000), OMI, Protocole
OPRC-HNS, Londres, 2002.
567 Convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires
(Londres, 5 octobre 2001), document de l’OMI portant la cote AFS/CONF/26, annexe.
568 On lit à l’article 15 qu’« [a]ucune disposition de la [...] Convention ne porte atteinte aux droits et
obligations qu’a tout État en vertu des règles de droit international coutumier énoncées dans la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ».
569 Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des
navires (Londres, 13 février 2004), document de l’OMI portant la cote BWM/CONF/2004,
annexe.
570 L’article 16 dispose qu’« [a]ucune disposition de la [...] Conven tion ne porte atteinte aux droits et
obligations qu’a tout État en vertu du droit international coutumier, tel que défini dans la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ».
571 Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des
navires (Hong Kong (Chine), 15 mai 2009), Organisation maritime internationale, document
SR/CONF/45, annexe.
572 Convention internationale sur la recherche et le s auvetage maritimes (Hambourg, 27 avril 1979),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1405, n° 23489, p. 97.
573 Article II : « 1) Aucune disposition de la présente Convention ne préjuge la codification et
l’élaboration du droit de la mer par la Conférence des Nations Unies sur le droit de la
mer convoquée en vertu de la résolution 2750 C (XXV) de l’Assemblée générale des
Nations Unies, ni les revendications et positions juridiques présentes ou futures de
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la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. On trouve dans l’annexe des
termes tels que « région de recherche et de sauvetage », définie comme une « région
de dimensions définies dans les limites de laquelle sont fournis des services de
recherche et de sauvetage » (par. 1.3.1), qui « est établie par accord entre les Parties
intéressées » (par. 2.1.4) ; il est précisé au paragraphe 2.1.7 que « [l]a délimitation
des régions de recherche et de sauvetage n’est pas liée à celle des frontières existant
entre les États et ne préjuge aucunement de ces frontières ». Le chapitre 3 de cette
annexe, intitulé « Coopération », mentionne à plusieurs reprises l’autorisation qu’une
partie doit donner aux unités de sauvetage des autres parties pour qu’elles puissen t
pénétrer dans sa mer territoriale. Ni la mobilité des lignes de base ni l’option des
lignes de base fixes n’ont d’incidences sur l’application de la convention en ce que
ses dispositions visent la mer territoriale et non la côte (même si, selon le systèm e des
lignes mouvantes, la mer territoriale « se déplace » vers les terres, alors qu’elle
« conserve » les mêmes coordonnées avec l’option des lignes de base fixes).
265. Dans la Convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel
subaquatique574 de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture, le paragraphe 5 de l’article premier définit la « Zone » (« les fonds marins et
leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction nationale »), et les articles 11 et 12
énoncent l’obligation pour les États parties de déclarer, de notifier et de protéger le
patrimoine culturel subaquatique découvert dans celle -ci. L’article 3 comprend une
clause « sans préjudice »575 à l’égard de la Convention des Nations Unies sur le droit
de la mer. Les articles 7 à 10 mentionnent diverses zones maritimes et énoncent les
obligations des États parties à l’égard de chacune d’elles. À l’article 7, il s’agit des
eaux intérieures, des eaux archipélagiques et de la mer territoriale, à l’article 8 de la
zone contiguë et aux articles 9 et 10 de la déclaration, de la notification et de la
protection du patrimoine culturel subaquatique dans la zone économique exclusive et
sur le plateau continental. L’article 29 (« Limite du champ d’application
géographique ») prévoit la possibilité pour les États parties de stipuler par voie de
déclaration, au moment de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation de la
convention ou de l’adhésion à celle-ci, qu’elle « n’est pas applicable à certaines
parties déterminées de [leur] territoire, de [leurs] eaux intérieures, de [leurs] eaux
archipélagiques ou de [leur] mer territoriale », États qui doivent « s’efforce[r] de
réunir les conditions dans lesquelles la [...] [c]onvention s’appliquera aux zones
spécifiées dans [leur] déclaration ». Comme le régime juridique applicable diffère
selon la zone maritime où se trouve le patrimoine culturel subaquatique découvert,
l’application du système des lignes de base mouvantes, en cas d’élévation du niveau
de la mer, pourrait faire passer ce patrimoine dans une autre zone maritime et, partant,
entraîner l’application d’un régime juridique différent. L’option des lignes de base
fixes présente l’avantage d’assurer la stabilité juridique du régime établi par la
Convention.
__________________
tout État touchant le droit de la mer et la nature et l’étendue de la juridiction de l’État
côtier et de l’État du pavillon.
2) Aucune disposition de la Convention ne saurait être interprétée au p réjudice des
obligations ou des droits des navires définis dans d’autres instruments
internationaux. »
574 Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (Paris, 2 novembre 2001),
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 2562, 1re partie, no 45694, p. 3.
575 « Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte aux droits, à la juridiction et aux
devoirs des États en vertu du droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. La présente Convention est interprétée et appliquée dans le contexte de et en
conformité avec les dispositions du droit international, y compris la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer. »
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266. En ce qui concerne les traités relatifs à la gestion des pêches, les instruments ci -
après ont été examinés.
267. L’Accord de 2022 sur les subventions à la pêche 576, de l’Organisation mondiale
du commerce, mentionne la juridiction d’un Membre côtier ou d’un pays côtier non
Membre577 et la zone économique exclusive578. Au paragraphe 2 b) de l’article 11, il
est question de « revendications territoriales ou de délimitation des frontières
maritimes579 ». Avec le système des lignes de base mouvantes, en cas d’élévation du
niveau de la mer, un stock de poissons qui se trouvait dans la zone économique
exclusive d’un État pourrait se retrouver hors de cette zone maritime ou de la
juridiction de cet État du fait du déplacement desdites lignes vers les terres. Les lignes
de base fixes, elles, ont l’avantage de maintenir les zones maritimes aux mêmes
coordonnées, préservant ainsi les stocks de poissons des uns et des autres et la stabilité
juridique du régime créé par la Convention.
268. La Convention internationale de 1966 pour la conservation des thonidés de
l’Atlantique580 définit à l’article I la « zone à laquelle s’applique l[adite]
[c]onvention » comme « toutes les eaux de l’[o]céan Atlantique et des mers
adjacentes », et mentionne la mer territoriale à l’article IX, qui dispose que les part ies
s’engagent à instituer « un système de contrôle international applicable dans la zone
de la Convention, à l’exception de la mer territoriale et, le cas échéant, des autres
eaux sur lesquelles un État est habilité à exercer sa juridiction en matière de pêche,
conformément au droit international » (par. 3). Le déplacement de la ligne de base
vers les terres du fait de l’élévation du niveau de la mer pourrait avoir pour
conséquence que le système de contrôle en question devienne applicable à des zones
qui faisaient auparavant partie de la mer territoriale et « le cas échéant, [à] d’autres
eaux sur lesquelles un État est habilité à exercer sa juridiction en matière de pêche,
conformément au droit international ». Si, du point de vue du régime juridique établ i
par la convention, cette situation peut être considérée comme un avantage, il n’en va
peut-être pas de même pour ce qui est de l’État côtier. Avec des lignes de base fixes,
les zones maritimes conservant les mêmes coordonnées, le système de contrôle
susmentionné continue de s’appliquer dans la même zone qu’avant l’élévation du
niveau de la mer.
269. Dans la Convention de 1978 sur la coopération dans les pêches de l’Atlantique
nord-ouest581 sont mentionnées les zones économiques exclusives, l’État côtier (défini
à l’alinéa c) de l’article premier comme « une Partie contractante ayant une zone
économique exclusive dans la zone de la Convention », zone elle-même définie par
__________________
576 Accord sur les subventions à la pêche (Genève, 17 juin 2022), document de l’Organisation
mondiale du commerce portant la cote WT/MIN(22)/33 -WT/L/1144, annexe.
577 Art. 5, par. 1 : « Aucun Membre n’accordera ni ne maintiendra de subventions fournies à la pê che
ou aux activités liées à la pêche en dehors de la juridiction d’un Membre côtier ou d’un pays côtier
non Membre et en dehors de la compétence [d’un organisme ou arrangement régional de gestion
de la pêche] pertinent. »
578 Art. 8, par. 1 b) i), note 14 : « L’expression “stocks partagés” s’entend des stocks de poissons se
trouvant à l’intérieur des [zones économiques exclusives] de deux ou plusieurs États côtiers
Membres ou à la fois dans la [zone économique exclusive] et dans un secteur situé au -delà de la
[zone économique exclusive] et adjacent à celle -ci. »
579 « Un groupe spécial établi conformément à l’article 10 du présent accord ne formulera pas de
constatations concernant une quelconque allégation qui l’obligerait à fonder ses constatations sur
toutes affirmations de revendications territoriales ou de délimitation des frontières maritimes. »
580 Convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Rio de Janeiro,
14 mai 1966), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 673, n° 9587, p. 63.
581 Convention sur la coopération dans les pêches de l’Atlantique Nord -Ouest (Ottawa, 24 octobre
1978), ibid. vol. 1135, n° 17799, p. 369. Pour la version consolidée, voir Organisation des pêches
de l’Atlantique Nord-Ouest, Convention on Cooperation in the Northwest Atlantic Fisheries,
Halifax (Canada), 2020.
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des coordonnées géographiques à l’article IV), et « la gestion et [...] la conservation
des ressources halieutiques et de leurs écosystèmes dans les zones relevant de la
juridiction nationale de cet État côtier » (paragraphe 10 b) de l’article VII). Cet
instrument comprend lui aussi une clause « sans préjudice » 582 à l’égard de la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Les remarques faites au sujet de
la Convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique,
analysée plus haut, valent également pour cette convention-ci, à quelques détails près
liés aux spécificités de l’une et de l’autre.
270. L’Accord de 1993 portant création de la Commission des thons de l’océan
Indien583 ne mentionne pas expressément les lignes de base ou les zones maritimes,
mais comporte dans son article XVI (« Droits des États côtiers ») une clause « sans
préjudice » : « Le présent Accord ne porte pas atteinte aux droits souverains d’un État
côtier conformément au Droit international de la mer pour ce qui concerne
l’exploration et l’exploitation, ainsi que la conservation et l’aménagement des
ressources biologiques, y compris les espèces de grands migrateurs, dans une zone
d’une étendue maximum de 200 milles marins relevant de sa juridiction nationale. »
Cette clause fait référence implicitement aux lignes de base à partir desquelles cette
distance est habituellement mesurée. Selon le principe des lignes de base mouvantes,
si cette ligne était déplacée vers les terres en raison de l’élévation du niveau de la
mer, la limite extérieure de la zone des 200 milles marins serait également déplacée
vers les terres, des espèces qui relevaient auparavant de la juridiction de l’État côtier
pouvant alors se trouver hors de cette zone. Avec la méthode des lignes de base fixes,
la zone en question conserve les mêmes paramètres et le régime créé la convention
jouit d’une stabilité juridique.
271. La Convention de 2003 relative au renforcement de la Commission
interaméricaine du thon tropical établie par la Convention de 1949 entre les États -
Unis d’Amérique et la République du Costa Rica 584 comprend dans son préambule la
formule « les droits souverains États côtiers aux fins de l’exploration et de
l’exploitation, de la conservation et de la gestion des ressources biologiques marines
dans les zones relevant de la juridiction nationale, tels qu’établis par la [C]onvention
[des Nations Unies] sur le droit de la mer, et le droit qu’ont tous les États à ce que
leurs ressortissants pêchent en haute mer conformément à la [C]onvention [des
Nations Unies] sur le droit de la mer ». Elle comprend également une clause « sans
préjudice », à l’article V :
1. Aucune disposition de la présente convention ne doit porter atteinte ou nuire
à la souveraineté ou aux droits souverains des États côtiers liés à l’exploration
et à l’exploitation, à la conservation et à la gestion des ressources biologiques
marines dans les zones relevant de leur souveraineté ou de leur juridiction
nationale tels qu’établis dans la [C]onvention [des Nations Unies] sur le droit
de la mer ou au droit qu’ont tous les États à ce que leurs ressortissants pêchent
__________________
582 Art. XXI, par. 2 : « Aucune disposition de la présente Convention ne porte atteinte aux droits, à la
juridiction et aux obligations des Parties contractantes en vertu de la Convention de 1982 ou de
l’Accord de 1995 [aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de
poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques
exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs]. La présente
Convention est interprétée et appliquée dans le contexte de et d’une manière compatible avec les
dispositions de la Convention de 1982 et de l’Accord de 1995. »
583 Accord portant création de la Commission des thons de l’océan Indien (Rome, 25 novembre
1993), Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1927, n° 32888, p. 329.
584 Convention relative au renforcement de la Commission interaméricaine du thon tropical établie
par la Convention de 1949 entre les États-Unis d’Amérique et la République du Costa Rica
(Washington, 14 novembre 2003), Treaties and Other International Acts Series, 16-325.1.
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en haute mer conformément à la [C]onvention [des Nations Unies]sur le droit
de la mer.
2. Les mesures de conservation et de gestion établies pour la haute mer et celles
adoptées pour les zones relevant de la juridiction nationale doivent être
compatibles, ....
On lit à l’article XVII qu’« [a]ucune disposition de la [...] convention ne peut être
interprétée d’une manière susceptible de porter atteinte ou de nuire à la souveraineté,
aux droits souverains, ou à la juridiction exercée par tout État conformément au droit
international, ainsi qu’à sa position ou à son point de vue sur des questions relatives
au droit de la mer ». Le paragraphe 3 de l’article XX dispose que « chaque partie
[doit] prend[re] les mesures nécessaires pour garantir que les navires battant son
pavillon ne pêchent pas dans les zones relevant de la souveraineté ou de la juridiction
nationale d’un autre État de la zone de la convention sans détenir la licence, le permis
ou l’autorisation correspondant, délivré par les autorités compétentes de cet État ».
Le paragraphe 1 de l’article XXIII prévoit un soutien aux États en développement
« pour améliorer leur capacité à développer la pêche relevant de leur juridiction
nationale respective et pour participer de manière durable à la pêche en haute mer ».
La convention est muette sur les lignes de base ou les zones maritimes. Il ressort de
ce qui précède que cet instrument n’exige pas le réajustement des lignes de base dans
certaines circonstances, mais la modification de ces lignes supposerait une
modification de l’emplacement de zones maritimes (des « zones relevant de [la]
souveraineté ou de [la] juridiction nationale ») et, partant, du régime applicable. Le
principe des lignes de base fixes, en revanche, garantirait la stabilité juridique de
l’application de la convention.
272. L’examen des 13 accords de partenariat pour l’exploitation durable des pêches
conclus par la Commission européenne au nom de l’Union européenne avec des pays
non membres de l’Union585 (9 accords thoniers586 et 4 accords mixtes587) a abouti aux
conclusions ci-après. (L’analyse qui suit est plus détaillée pour les trois premiers
accords, choisis à titre d’exemple, que pour les autres, assez similaires aux premiers).
273. Dans l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche conclu en 2006 avec
Cabo Verde588, il est dit (dans le préambule) que ce dernier « exerce ses droits de
souveraineté ou de juridiction dans la zone qui s’étend jusque 200 milles nautiques à
partir des lignes de base conformément à la [C]onvention des Nations [U]nies sur le
droit de la mer », mais la zone d’application de l’accord est définie comme « [les]
territoires où s’applique le traité instituant la Communauté européenne, dans les
conditions prévues par ledit traité, et ... [le] territoire du Cap -Vert » (art. 10), ce qui
est assez imprécis. En même temps, on lit à l’alinéa c) de l’article 2 que l’« on entend
par « eaux du Cap-Vert » les eaux relevant, en matière de pêche, de la souveraineté
ou de la juridiction du Cap-Vert », et au chapitre 2 de l’annexe du protocole de mise
en oeuvre que « [l]es navires de la Communauté pourront exercer leurs activités de
pêche ... au-delà de 12 milles [par rapport aux lignes de base] ». Cela signifie que, en
__________________
585 Voir https://oceans-and-fisheries.ec.europa.eu/fisheries/international -agreements/sustainablefisheries-
partnership-agreements-sfpas_en.
586 Conclus avec Cabo Verde, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Gambie, Maurice, Sao Tomé -et-Principe,
le Sénégal, les Seychelles et les Îles Cook. Ces accords permettent aux navires de l’Union
européenne de pêcher les stocks de thon en migration le long des côtes de l’Afrique et dans
l’océan Indien.
587 Conclus avec la Guinée-Bissau, le Maroc, la Mauritanie et le Groenland. Ces acco rds permettent
aux navires de l’Union européenne d’accéder à un large éventail de stocks de poissons dans la
zone économique exclusive du pays partenaire.
588 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la
République du Cap-Vert (Bruxelles, 19 décembre 2006), Journal officiel de l’Union européenne,
L 414, p. 3.
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cas de déplacement des lignes de base vers les terres en raison de l’élévation du niveau
de la mer, la zone de pêche se déplace également vers les terres, alors que si l’on
applique la méthode des lignes de base fixes, la zone de pêche conserve les mêmes
coordonnées, restant ainsi à une plus grande distance de la côte.
274. L’accord de partenariat dans le secteur de la pêche conclu en 2007 avec la Côte
d’Ivoire présente des dispositions similaires589. Ainsi, l’alinéa c) de l’article 2 définit
la « zone de pêche de la Côte d’Ivoire » comme « les eaux relevant, en matière de
pêche, de la souveraineté ou de la juri diction de la Côte d’Ivoire », et la zone à
laquelle l’accord s’applique est définie dans des termes similaires à ceux de l’accord
avec Cabo Verde évoqué ci-dessus. Le chapitre 2 de l’annexe du protocole de mise en
oeuvre comporte une phrase pratiquement id entique : « Les navires de la Communauté
pourront exercer leurs activités de pêche dans les eaux situées au -delà des 12 milles
marins à partir des lignes de base pour les thoniers senneurs et les palangriers de
surface. » Le raisonnement exposé au paragraphe précédent vaut dans ce cas
également.
275. Des dispositions similaires figurent dans l’accord de partenariat dans le secteur
de la pêche conclu en 2016 avec les Îles Cook590 : la reconnaissance, dans le
préambule, de ce que « les Îles Cook exercent leurs droits de souveraineté ou de
juridiction dans la zone qui s’étend jusque 200 milles nautiques à partir des lignes de
base conformément à la [C]onvention des Nations [U]nies sur le droit de la mer », la
définition des « eaux de pêche » comme étant « les eaux sur lesquelles les Îles Cook
disposent de droits souverains ou qui sont sous leur juridiction en matière de pêche »
[art. 1 f)], et la définition de la zone d’application (le territoire de l’Union européenne
et celui des Îles Cook) (art. 10). Au chapitre I, section 2, paragraphe 1, de l’annexe
du protocole de mise en oeuvre, les zones de pêche sont mentionnées dans les termes
suivants : « Les navires de l’Union ... sont autorisés à se livrer à des activités de pêche
dans les zones de pêche des Îles Cook, c’est-à-dire les eaux de pêche des Îles Cook à
l’exception des zones protégées ou interdites. Les coordonnées des eaux de pêche des
Îles Cook et des zones protégées ou interdites à la pêche sont communiquées par les
Îles Cook à l’Union... ». Le raisonnement exposé plus haut est applicable.
276. On trouve des dispositions analogues, avec quelques nuances, dans les autres
accords de partenariat dans le secteur de la pêche. Ainsi, dans l’annexe du protocole
de mise en oeuvre de 2021 de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche conclu
en 2007 avec le Gabon591, la section 2 du chapitre I dispose ce qui suit :
2.1. Les coordonnées de la zone de pêche du Gabon couverte par le présent
protocole figurent à l’appendice 1. Le Gabon communique à l’Union, avant le
début de l’application provisoire du présent protocole, les coordonnées
géographiques des lignes de base de la zone de pêche du Gabon et de toutes les
zones interdites à la navigation ou à la pêche.
2.2. Les navires de l’Union ne peuvent pas exercer d’activités de pêche dans une
bande de 12 milles marins décomptés à partir des lignes de base.
...
__________________
589 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la
République de Côte d’Ivoire concernant la pêche dans les zones de pêc he ivoiriennes, pour la
période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2013 (Bruxelles, 12 février 2008), ibid., L 48, p. 41.
590 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le
gouvernement des Îles Cook (Bruxelles, 29 avril 2016), ibid., L 131, p. 3.
591 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la Communauté
européenne (Luxembourg, 16 avril 2007), ibid. L 109, p. 3, et Protocole de mise en oeuvre de
l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République gabonaise et la
Communauté européenne (2021-2026) (Bruxelles, 29 juin 2021), ibid., L 242, p. 5.
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Le raisonnement exposé plus haut est applicable ici également. Un autre accord,
conclu en 2021 avec le Groenland (et le Danemark) 592, prévoit que les « parties
s’engagent à assurer le maintien d’une pêche durable dans la [zone économique
exclusive] groenlandaise conformément aux dispositions de la [Convention des
Nations Unies sur le droit de la mer] » (art. 3, par. 1) ; dans l’annexe du protocole de
mise en oeuvre de l’accord593, le paragraphe 3 du chapitre I porte sur la zone de pêche :
la zone économique exclusive et les lignes de base sont définies par renvoi à la
législation nationale, et il est dit que « les activités de pêche ont lieu à une distance
minimale de 12 milles marins de la ligne de base ». Là encore, le raisonnement exposé
plus haut est applicable.
277. Ces dispositions sont reprises dans les accords de partenariat dans le secteur de
la pêche conclus avec la Guinée-Bissau (2007) (protocole de mise en oeuvre à pa rtir
de 2019)594, la Mauritanie (accord et protocole de mise en oeuvre conclus en 2021) 595,
Maurice (accord de 2012 et protocole de 2017) 596, le Maroc (accord et protocole de
mise en oeuvre conclus en 2019)597, Sao Tomé-et-Principe (accord de 2007 et
protocole de 2019)598, le Sénégal (accord de 2014 et protocole de 2019) 599, les
__________________
592 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne, d’une part,
et le gouvernement du Groenland et le gouvernement du Danemark, d’autre part (Bruxelles,
22 avril 2021), ibid., L 175, p. 3.
593 Protocole de mise en oeuvre de l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre
l’Union européenne, d’une part, et le gouvernement du Groenland et le gouvernement du
Danemark, d’autre part (Bruxelles, 18 mai 2021), ibid. p. 14.
594 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la
République de Guinée-Bissau pour la période du 16 juin 2007 au 15 juin 2011 (Bruxelles,
4 décembre 2007), ibid., L 342, p. 5, et protocole relatif à la mise en oeuvre de cet accord
(Bruxelles, 15 juin 2019), ibid., L 173, p. 3. L’annexe du protocole dispose au paragraphe 2 du
chapitre I que « [l]es lignes de base sont définies par la législation nationale ».
595 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et la
République islamique de Mauritanie (Bruxelles, 15 novembre 2021), ibid., L 439, p. 3, et
protocole de mise en oeuvre de cet accord, ibid., p. 14. On voit à l’appendice 1 de l’annexe III du
protocole que la zone de pêche mauritanienne est définie par des coordonnées géographiques :
l’emplacement des lignes de base, que celles-ci soient mouvantes ou fixes, ne peut avoir au cun
effet sur ladite zone.
596 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et la République de
Maurice (Bruxelles, 21 décembre 2012), ibid., L 79, p. 3, et Protocole fixant les possibilités de
pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche
entre l’Union européenne et la République de Maurice (Bruxelles, 23 octobre 2017 ; plus en
vigueur), ibid., L 279, p. 3. L’annexe du protocole définit les « eaux de Mau rice », au paragraphe 2
du chapitre I, comme situées « [a]u delà des quinze (15) milles marins à partir des lignes de
base ».
597 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et le
Royaume du Maroc (Bruxelles, 14 janvier 2019), ibid., L 77, p. 8, et protocole relatif à la mise en
oeuvre de cet accord, ibid. p. 18. L’accord définit la zone de pêche par des coordonnées.
598 Accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la République démocratique de São Tomé e
Príncipe et la Communauté européenne (Bruxelles, 23 juillet 2007), ibid., L 205, p. 36, et
protocole relatif à la mise en oeuvre de cet accord (Bruxelles, 19 décembre 2019), ibid., L 333,
p. 3. Le paragraphe 2 du chapitre I de l’annexe du protocole définit la zo ne de pêche comme étant
la zone économique exclusive de Sao Tomé et Principe, « à l’exclusion des zones réservées à la
pêche artisanale et semi-industrielle », et dispose que « [l]es coordonnées de la [zone économique
exclusive] sont celles ayant fait l’objet d’une notification auprès des Nations [U]nies le 7 mai
1998 ».
599 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et la
République du Sénégal (Luxembourg, 8 octobre 2014), ibid., L 304, p. 3, et protocole relatif à l a
mise en oeuvre de cet accord (Bruxelles, 14 novembre 2019), ibid., L 299, p. 13. L’annexe du
protocole définit, au paragraphe 2 du chapitre I, les « zones de pêche sénégalaises » comme « les
parties des eaux sénégalaises dans lesquelles le Sénégal autoris e les navires de pêche de l’Union à
exercer des activités de pêche », et dispose que « [l]es coordonnées géographiques des zones de
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Seychelles (accord et protocole conclus en 2020) 600 et la Gambie (accord et protocole
conclus en 2019)601.
278. La conclusion de la présente analyse est que ces accords de pêche conclu s par
l’Union européenne avec 13 États n’exigent pas le réajustement des lignes de base,
mais ne l’interdisent pas non plus. Comme il a été dit plus haut, la modification des
lignes de base suppose une modification des zones maritimes et a des incidences s ur
l’application des accords : si les lignes de base sont déplacées vers les terres en raison
de l’élévation du niveau de la mer, la zone de pêche est, elle aussi, déplacée vers les
terres. Si l’on applique le principe des lignes de base fixes, la zone de pêche conserve
les mêmes coordonnées et, partant, reste à une plus grande distance de la côte. En
même temps, dans le cas particulier des accords qui définissent les zones de pêche
par des coordonnées géographiques expressément indiquées dans le texte,
l’emplacement des lignes de base, qu’elles soient mouvantes ou fixes, ne peut avoir
aucun effet sur lesdites zones.
279. En ce qui concerne la spécification B-440 de l’Organisation hydrographique
internationale, intitulée « Frontières internationales et limites na tionales »602 et qui
présente de manière descriptive les différentes zones maritimes et autres notions ou
concepts s’y rapportant, y compris les lignes de base et les limites des zones
maritimes, on n’y lit nulle part que le réajustement des lignes de base est autorisé ou
exigé dans certaines circonstances.
280. Pour terminer, on peut dire, à titre de constatations préliminaires, que les sources
de droit autres que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui ont été
examinées dans le présent chapitre sont d’une pertinence très limitée, voire nulle.
XIII. Travaux futurs du Groupe d’étude
281. En 2024, le Groupe d’étude reviendra sur les sous -thèmes relatifs à la condition
étatique (« statehood » en anglais) et à la protection des personnes touchées par
l’élévation du niveau de la mer. En 2025, le Groupe d’étude s’attachera à établir la
version définitive d’un rapport de fond sur le sujet dans son ensemble, en compilant
les résultats des travaux menés.
__________________
pêche sénégalaises et des lignes de base sont communiquées à l’Union ... conformément à la
législation sénégalaise ».
600 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et la
République des Seychelles (Bruxelles, 20 février 2020), ibid., L 60, p. 5, et protocole relatif à la
mise en oeuvre de cet accord, ibid., p. 15. L’article 2 e) de l’accord définit la « zone de pêche des
Seychelles » comme « la partie des eaux relevant de la souveraineté ou de la juridiction des
Seychelles, en vertu de la loi sur les zones maritimes (Maritime Zones Act) et des autres actes
législatifs applicables des Seychelles ... ».
601 Accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l’Union européenne et la
République de Gambie (Bruxelles, 31 juillet 2019), ibid., L 208, p. 3, et protocole relatif à la mise
en oeuvre de cet accord, ibid., p. 11. Aux paragraph es 2 et 3 du chapitre I de l’annexe du protocole,
la zone de pêche gambienne est définie par des « coordonnées géographiques », lesquelles sont
communiquées par les autorités gambiennes aux services de l’Union, en même temps que les
« coordonnées géographiques de la ligne de base gambienne » et celles des « zones interdites à la
navigation et à la pêche ».
602 Organisation hydrographique internationale, Règlement de l’OHI pour les cartes marines
internationales (INT) et spécifications de l’OHI pour les carte s marines, édition 4.8.0 (Monaco,
2018), p. 295 à 299. Disponible à l’adresse suivante : https://iho.int/iho_pubs/standard/S-4/S-4_4-
8-0_October2018_FR.pdf.
PARTIE IV (F) : Élévation du niveau de la mer au regard du droit international