Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

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371

OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE CANÇADO TRINDADE

[Traduction]
table des matières

Paragraphes

I. Introduction 1-2

II. Conclusions soumises pagr les Parties au cours dge la présente

instance 3 -19
1. Conclusions présentées au stade de la procédure écrite 3-5

2. Premier tour de procédure orale 6-11
3. Second tour de procédure orale 12-15
4. Appréciation générale 16-19

III. Structuration d’un réggime juridique autonogme des mesures
conservatoires 20-28

1. La mission des tribunaux internationaux 20-24
2. Un édifice jurisprudentiel dont il y a tout lieu de se féliciterg

(2000-2013) 25-28
IV. Les efforts actuels d’églaboration d’un régimge juridique

autonome des mesures cgonservatoires 29-31

V. Considérations finales 32-40

*

I. Introduction

1. Lorsque, le 16 juillet 2013, la Cour s’est, dans le présent différend
entre le Costa Rica et le Nicaragua, refusée à indiquer de nouvelles

mesures conservatoires, j’ai joint à son ordonnance une opinion digssi -
dente détaillant les fondements de ma position personnelle à cet éggard.
Aujourd’hui, 22 novembre 2013, la Cour ayant décidé d’indiquer de nou -

velles mesures conservatoires dans cette affaire relative à Certaines activi ‑
tés menées par le Nicaragua dans la région frontalière, j’ai voté en faveur
de l’adoption de son ordonnance. Toutefois, un ou deux points mérigtant
à mon sens un examen plus attentif, j’estime devoir faire état gde mes

réflexions par la présente opinion individuelle, dans laquelle jge m’emploie,
impitoyablement pressé par le temps, à présenter les fondements de ma
position personnelle sur ces points.
2. Je commencerai par extraire du dossier de l’affaire les conclusionsg

des Parties qui me semblent particulièrement pertinentes pour l’exgamen

21

5 Ord 1051.indb 39 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 372

de la nouvelle situation factuelle portée à l’attention de la Cgour. Je passe-
rai ensuite au niveau juridique et épistémologique en concentrant gmon

analyse sur la structuration d’un régime juridique autonome (tel que je le
perçois et le comprends) des mesures conservatoires, et en particuliger sur
la mission des tribunaux internationaux et sur l’édifice jurisprgudentiel,
dont il y a tout lieu de se féliciter, qui s’est construit dans ceg cadre
entre 2000 et 2013. Après cela, je m’intéresserai aux efforts actuels d’géla -

boration d’un régime juridique autonome des mesures conservatoiresg.
Une fois ces fondements jetés, je présenterai mes considérationgs finales
sur la question.

II. Conclusions soumises pagr les Parties
au cours de la présentge instance

1. Conclusions présentées au stade de la procédure écrite

3. Je commencerai mon analyse par un examen factuel. Dans sa

demande en indication de nouvelles mesures conservatoires présentége à la
Cour le 24 septembre 2013, le Costa Rica a précisé qu’il s’agissait d’une
«demande distincte, fondée sur des faits nouveaux » (par. 4). Ayant invo -
qué ses droits à la souveraineté, à l’intégrité tergritoriale et à la non-ingérence
dans ses terres et dans ses zones dont l’environnement est protégég
(par. 21-22), le Costa Rica a sollicité quatre mesures conservatoires,

reproduites au paragraphe 15 de la présente ordonnance. Les faits nou ‑
veaux signalés à la Cour dans la demande en indication de nouvelles
mesures conservatoires présentée en l’affaire relative à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière sont tous effectivement
postérieurs aux précédentes ordonnances rendues par la Cour dangs le cas

d’espèce (celle du 8 mars 2011 et celle du 16 juillet 2013) et ont trait à la
construction de deux « caños » ainsi qu’à la présence d’un campement
militaire nicaraguayen, prétendument dans le « territoire litigieux».
4. Le Costa Rica a fait valoir que les nouvelles activités de dragage
et de déversement de matériaux menées selon lui par le Nicaragua agffec -

taient le territoire litigieux et son écologie (par. 2 et 10-11). Dans une
note diplomatique du 18 septembre 2013, le Nicaragua a réfuté ces alléga -
tions en rappelant que la Cour, dans son ordonnance précédente du g
16 juillet 2013, avait estimé que les mesures conservatoires déjà indi -
quées (le 8 mars 2011) ne pouvaient être modifiées, le Costa Rica
n’ayant démontré aucune urgence ni aucun risque de dommage irrépa -

rable (p. 1-2).
5. La présente procédure relative à Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière a démontré à quel point la tenue par
la Cour d’audiences publiques dans le cadre de mesures conservatoiresg
était importante pour éclairer une situation factuelle donnée. gRappelons

que, aux fins de l’adoption de ses ordonnances comme suite de tellegs
demandes, la Cour recueille des preuves prima facie — et non sur le fond

22

5 Ord 1051.indb 41 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 373

de l’affaire — (summaria cognitio) avant de rendre une décision contrai‑

gnante puisque les mesures conservatoires ainsi indiquées reposent sur
une base conventionnelle (article 41 de son Statut).

2. Premier tour de procédure orale

6. C’est en effet dans le cadre de la procédure orale, plutôt qug’au stade de
la procédure écrite, que les Parties ont trouvé l’occasion dge présenter leurs
conclusions à la Cour de manière plus élaborée. Les audiencegs publiques

tenues du 14 au 17 octobre 2013 ont revêtu, de mon point de vue, une
importance capitale pour préciser la position des Parties sur la demagnde en
indication de nouvelles mesures conservatoires présentée à la Cgour. Je rap -

pellerai ci-après le détail de ces conclusions, avant d’en donner une apprég -cia
tion générale.
7. Lors du premier tour de procédure orale, le Costa Rica a fait valoir
que, malgré les mesures conservatoires que la Cour avait indiquéesg dans
1
son ordonnance du 8 mars 2011 et les préoccupations exprimées dans
son ordonnance du 16 juillet 2013, « le Nicaragua continu[ait] d’envoyer
des groupes de ressortissants nicaraguayens sur le territoire litigieux », et

qu’il était, par ailleurs, « en train de construire deux nouveaux caños dans
le secteur nord de Isla Portillos », avec « un réel risque » d’imposer
«comme fait accompli un dommage irréparable » avant que la Cour ne se
2
soit définitivement prononcée en l’affaire . L’on est donc en présence,
selon lui, d’une « violation grossière et manifeste de l’ordonnance en indi -
cation de mesures conservatoires » . Il a ensuite affirmé que,

«[d]epuis lors, les travaux afférents au premier cañoPastora [s’étaient]
poursuivis, grâce, entre autres, à plus de 10 000 membres de la jeu -

nesse sandiniste amenés dans la région précisément pour mettgre en
œuvre les politiques du Nicaragua [et que] les agents nicaraguayens
se trouvaient encore dans le territoire litigieux au 18 septembre 2013
pour y effectuer des travaux de dragage et autres » 4.

8. Après l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011, le Nicaragua

«a modifié la situation existante en occupant le territoire » et en conti -
nuant «d’envoyer des agents gouvernementaux, au premier rang desquels
le responsable des travaux, le commandant Pastora, ainsi que de nom -

breux contingents de Nicaraguayens qui, de l’aveu même du défengdeur5
s’adonnent à des activités soi-disant «environnementales»» . Du point de
vue du Costa Rica, « [l]e Nicaragua a recouru à une « argutie»», à savoir

1 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région front▯ alière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (Ip).,6.
2 Compte rendu (CR) 2013/24, p. 14, par. 8.
3 Le Costa Rica a ajouté que le Nicaragua avait, de surcroît, annoncé « à la toute
dernière minute » s’être « retiré du territoire litigieux, sans toutefois admettre … s’y [être]
jamais trouvé » (ibid.,p. 34, par. 1).
4
5 Ibid., p. 36, par. 7 ; voir également p. 44, par. 32.
Ibid., p. 54, par. 24.

23

5 Ord 1051.indb 43 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 374

que les mesures conservatoires indiquées par la Cour « empêcherai[en]t les

agents, mais pas les citoyens nicaraguayens, d’entrer en territoire lgitigieux
et de planter des arbres » . Selon lui :

«le Nicaragua a engagé une action d’envergure dans ce territoire,
avec des dragueurs et des tronçonneuses, et qui a requis des semainesg
pour être réalisée. Il ne suffirait donc pas de rappeler aux Pgarties

l’obligation existante de ne pas envoyer des agents, il faudrait ordogn -
ner une mesure visant à ce que cesse tout travail de canalisation,
dragage ou autre sur le territoire litigieux, et à ce qu’il n’yg en ait pas

de nouveaux à l’avenir. Cela exige aussi que soient indiqués leg déman -
tèlement de toute installation sur le territoire et l’abstention dg’en
introduire de nouvelles pendente lite. Il en va de même pour le maté -
riel grâce auquel les travaux de canalisation ont été menés.g … [L]es

mesures conservatoires de 2011 ne peuvent pas empêcher que des tra-
vaux de canalisation ou autres ne se poursuivent ou ne soient repris» .7

9. En réponse, le Nicaragua a fait valoir que le Costa Rica avait lui aussi
manqué aux prescriptions de l’ordonnance de la Cour en effectuangt des

«survols de la zone litigieuse et [d]es visites sur place», et en procédant à la
construction de la route « qui longe la frontière entre le Nicaragua et le
Costa Rica sur 160 km, et suit, en grande partie, le cours du fleuve
San Juan … sans qu’aucune évaluation de l’impact sur l’environnemegnt

n’ait été réalisée et sans que le Nicaragua n’en ait égté préalablement
informé » . Le Nicaragua a ensuite contesté l’affirmation du Costa Rica
selon laquelle 10 000 membres du groupe de défense de l’environnement
Guardabarranco s’étaient rendus sur le territoire litigieux, indiqguant qu’il

ne s’agissait que de « petits groupes [de jeunes] » présents « sur place pen-
dant une courte période», que ceux-ci «n’[avaient] rien à voir avec le caño »
et qu’ils n’avaient causé aucun dommage dans le territoire litiggieux 9.

10. Le Nicaragua a par ailleurs indiqué que M. E. Pastora « avait tort»
lorsqu’il a prétendu (lors d’un entretien retransmis dans le cgadre d’un
programme d’actualités télévisées) que les travaux de «g dégagement ou
[de] construction de caños» auxquels il avait fait procéder à l’embouchure

du fleuve San Juan avaient été menés « dans des zones non visées par
l’ordonnance de la Cour » . Le Nicaragua a ainsi observé qu’il « n’avait
autorisé aucune sorte de travaux de dragage ou de dégagement de caño

dans la zone litigieuse », s’étant toujours « pleinement» conformé à
l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011. Il a ajouté :

«M. Pastora lui-même savait que telle était la ligne adoptée par le
Nicaragua. Comme le montre la transcription de l’interview télégvi -

6 CR 2013/24, p. 59-60, par. 37.
7 Ibid., p. 55-56, par. 28-29.
8 CR 2013/25, p. 9-10, par. 6-7.
9 Ibid., p. 12-13, par. 20-22.
10 Selon les précisions apportées par le Nicaragua, il étaiévident, pour [lui], que,
compte tenu des endroits indiqués par M. Pastora, les travaux avaient été effectués à l’inté-
rieur du territoire litigieux tel que défini dans l’ordonnance » (ibid., p. 22, par. 17).

24

5 Ord 1051.indb 45 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 375

sée …, il a affirmé plusieurs fois au cours de celle-ci avoir agi conformé -

ment à l’ordonnance de la Cour, telle qu’il la comprenait. Il egst bien
entendu qu’il avait tort; et cela ne dispense pas le Nicaragua d’assumer
la responsabilité d’un tel comportement. Le Nicaragua n’a jamaigs dit le

contraire. Cela illustre bien ce qui s’est passé. …[Le Nicaragua] n’avait
nullement l’intention de changer le cours naturel du San Juan. Ce qui
s’est passé, c’est que M. Pastora a outrepassé son mandat et a engagé

des travaux dans le secteur litigieux, ayant interprété l’ordonnance de la
Cour — notamment quant à la définition de la zone litigieuse — d’une
manière différente de celle de son gouvernement, situation dont gce der -
nier n’a été informé que le 18 septembre [2013]. Depuis cette date à

laquelle il a eu connaissance des activités engagées, le Nicaraguag n’en a
nié ni l’existence ni la non-conformité à l’ordonnance de la Cour. Au
contraire, ce que le Nicaragua dit, ce qu’il a toujours dit, c’estg qu’il n’a

pas donné pour instruction à M. Pastora de mener des activités dans la
zone litigieuse, ni attendu de celui-ci qu’il en entreprenne. Celles-ci sont
la conséquence d’un malentendu et non d’un complot.» 11

11. Le Nicaragua a également précisé qu’il n’avait pas eu l’gintention

d’envoyer M. Pastora « dans la zone en litige », et lui avait uniquement
donné pour instruction de « nettoyer le fleuve et les canaux dans des eaux
incontestablement nicaraguayennes », ajoutant qu’il « assum[ait] la res -
ponsabilité des activités non autorisées réalisées à tgort par celui-ci dans la

zone en litige, et a[vait] pris des mesures concrètes pour que cela nge se
reproduise plus » 1. Toutefois, selon lui, la question aujourd’hui posée à
la Cour n’est pas celle de savoir si le Nicaragua est responsable desg actes
13
ultra vires de M. Pastora ; il s’agit de tout autre chose .

3. Second tour de procédure orale

12. Lors du second tour de procédure orale, le Costa Rica a commencé
par déclarer que « M. Pastora et l’autorité portuaire nationale rel[evaient]
de l’Etat nicaraguayen» et qu’ils étaient investis «du pouvoir … réel — au

moins jusqu’au 22 septembre 2013 — pour effectuer les travaux dans le
territoire litigieux »14, avant d’ajouter :

«[l]e seul élément versé au dossier est l’autorisation spégcifique don -
née à M. Pastora et à l’autorité portuaire nationale pour mettre en

œuvre le projet tendant à l’« amélioration de la navigation sur le
fleuve San Juan de Nicaragua ». Il n’a jamais été question d’excès de
pouvoir à l’occasion de la précédente demande. » 15

11CR 2013/25, p. 22-23, par. 20-21.
12Ibid., p. 28-29, par. 42-43.
13Ibid., p. 50-51, par. 21-22.
14Le Costa Rica a ajouté que « [p]armi les éléments de preuve versés au dossier ne
figure aucune instruction du Nicaragua qui soit postérieure à l’gordonnance de la Cour
du 8 mars 2011 et qui leur interdise d’effectuer ces travaux » (CR 2013/26, p. 12, par. 12).
15Ibid., p. 12, par. 13.

25

5 Ord 1051.indb 47 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 376

Le Costa Rica a ensuite fait valoir ce qui suit :

«Le Nicaragua reconnaît enfin maintenant que ses agents ont percég
et dragué les caños … en violation de l’ordonnance de la Cour, que ses

agents ont pénétré dans le territoire litigieux pour y mener des activi -
tés. Il reconnaît enfin que ses forces armées, commodémentg installées à
proximité de la lagune située à l’extrémité du caño oriental, étaient
probablement au courant. Il reconnaît enfin qu’il est responsable des

actes de M. Pastora, le représentant de son gouvernement, et de ceux
de son organe administratif, l’autorité portuaire nationale. Faitegs à
contrecœur, ces concessions sont pour le moins tardives: elles ont fini

par arriver hier, soit trente-six jours après notre protestation écrite,
trente-six jours après que nous avons fourni les coordonnées des nou -
veaux caños. Pourtant, le Nicaragua n’a toujours pas reconnu que
M. Pastora, ses dragueurs et les agents de l’autorité portuaire natiog -

nale ont initialement été autorisés à se rendre dans le terrgitoire liti -
gieux. … [I]ls avaient manifestement le pouvoir d’effectuer les travaux
et aucun élément versé au dossier ne donne à entendre le congtrair» e.16

13. Par ailleurs, a également souligné le Costa Rica, le « percement des
nouveaux caños» ne saurait être qualifié de «simple bévue». Il a insisté sur

son argument relatif à la présence de membres de la « jeunesse sandiniste»
dans la « zone litigieuse», affirmant qu’il existait des preuves à cet égard.
Ainsi, dans sa note adressée au Nicaragua le 16 septembre 2013, il « a non
seulement protesté contre le percement de nouveaux caños, mais a fait

observer qu’un journal nicaraguayen avait signalé, le 9 septembre, que
10 000 jeunes s’étaient déjà rendus dans la zone » 17. Selon le Costa Rica,
«[l]e Nicaragua a admis avoir violé l’ordonnance de 2011 » et n’a cepen -

dant fourni «aucun élément … en ce qui concerne l’état 18tuel du caño, sa
profondeur, son débit possible ou sa longueur » . Il a également affirmé :

«[L]es explications tardives … du Nicaragua ne suffisent pas à proté -
ger [l]es droits [du Costa Rica]. … Hier encore, le Nicaragua a …
reconnu [devant la Cour] qu’il n’avait pas respecté l’ordonngance

de 2011. … [L]es mesures demandées par le Costa Rica s’imposent de
manière urgente afin d’empêcher qu’un préjudice irrégparable soit porté
à ses droits. … Le Costa Rica demande simplement à la Cour d’exercer
le pouvoir qui est le sien afin de sauvegarder et de protéger ses dgroits,
19
lesquels sont exposés à un risque imminent de préjudice irrégparab» le.

14. Le Nicaragua a, pour sa part, commencé le second tour de plaidoi -
ries en affirmant : « M. Pastora a fait ce qu’il a fait, et le Nicaragua n’en
rejette pas la responsabilité. … Il ressort donc des éléments de preuve que
le Nicaragua n’a pas «envoyé» M. Pastora dans la zone en litige, pas plus

16
17 CR 2013/26, p. 20-21, par. 43 ; voir également par. 40 et 46.
18 Ibid., p. 22, par. 47.
19 Ibid., p. 22, par. 48.
Ibid., p. 34, par. 3.

26

5 Ord 1051.indb 49 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 377

qu’il ne l’y a « maintenu», conformément à l’interdiction énoncée au pre -
mier paragraphe du dispositif de l’ordonnance rendue par la Cour en
20
mars 2011. » Il a poursuivi en ces termes :

«Il est à noter que, dans sa demande en indication de nouvelles
mesures conservatoires, le Costa Rica ne se plaint nullement de la
présence de ce campement militaire, qui est pourtant exposé à tgous
les regards. … Cette image est censée prouver qu’une équipe d’ou -

vriers était en train de nettoyer les caños dans la zone humide, et non
que le Nicaragua maintient illicitement … un petit campement mili -
taire sur la plage, lequel n’est d’ailleurs mentionné nulle pargt dans la
21
demande du Costa Rica. »
15. Pour ce qui concerne les travaux exécutés sous la direction de

M. E. Pastora, dont le Costa Rica affirme qu’ils ont été menés dans le
«territoire contesté», le Nicaragua a avancé que, en sollicitant

«le retrait du petit détachement nicaraguayen stationné sur la rive
gauche, le Costa Rica [avait] modifié la définition même du « terri-
toire contesté », [et que ceci] constituait une prétention nouvelle qui

ne saurait être formulée à ce stade : c’est la requête qui fixe les
contours de l’affaire. … Le Costa Rica ne peut aujourd’hui s’en
dédire pour élargir la portée de sa requête en redéfinissant subrepti -
22
cement son champ d’application territoriale. »
Il a toutefois concédé :

«le Nicaragua est «peut-être» responsable des actions de M. Pastora.

… [M]ême s’il n’est pas ministre mais seulement assimilé gà un direc -
teur d’administration centrale, M. Pastora exerce des fonctions offi -
cielles; les travaux effectués sur les canaux … sont, sans aucun doute,
incompatibles avec les indications de votre ordonnance de 2011 ; et
23
ces mesures … sont juridiquement obligatoires pour les Parties. »

4. Appréciation générale

16. Le point sur lequel les Parties se sont le plus attardées dans leurs g
conclusions (supra), lors des audiences tenues du 14 au 17 octobre 2013,
concerne les activités de dragage et de déversement de matériaugx préten-

dument entreprises par le Nicaragua après juin 2013, dans le cadre de la
construction de deux « caños » dans la zone en litige. La Cour, dans son
ordonnance, a considéré que la nouvelle situation ainsi créége dans le « ter-
ritoire litigieux » présentait les conditions requises d’urgence et de risque

réel et imminent de « préjudice irréparable » (par. 49-50), justifiant l’indi -
cation de nouvelles mesures conservatoires.

20
21 CR 2013/27, p. 13, par. 22.
22 Ibid., p. 17, par. 36.
23 Ibid., p. 31, par. 13.
Ibid., p. 33, par. 18.

27

5 Ord 1051.indb 51 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 378

17. La Cour a ensuite fait observer que les opérations de dragage menéges

en vue de la construction des deux « caños » «[étaient] l’œuvre d’un groupe
de ressortissants nicaraguayens conduits par M. Pastora », officiellement
chargé de «mettre en œuvre ce projet» (par. 45). Du fait de ces travaux de

construction et de creusement de la tranchée, «la situation dans le territoire
litigieux a changé » depuis l’ordonnance du 16 juillet 2013 de la Cour
(par. 44). Celle-ci a donc décidé d’indiquer les nouvelles mesures conserva-
toires qui sont énoncées dans l’ordonnance adoptée ce jour, 22 novembre 2013.

18. Pour ce qui est de l’autre point sur lequel ont porté les conclusigons
des Parties, à savoir la présence d’un campement militaire nicagraguayen
dans la zone, il ressort des arguments présentés lors des audiencegs d’oc -
tobre 2013 24et des éléments produits à l’appui de ces arguments (photog-

graphies et images satellite) que ledit campement existe bien, et qu’gil est
postérieur à l’ordonnance du 8 mars 2011. Pour ce qui est de son empla -
cement, les Parties ont plaidé sur la question de savoir s’il se tgrouvait dans
le « territoire litigieux » tel que défini par la Cour dans son ordonnance
26
du 8 mars 2011 .
19. Au vu des éléments versés au dossier, la Cour a cependant conclgu
que le campement militaire était effectivement situé dans le «g territoire liti-

gieux», ainsi qu’il est énoncé dans la présente ordonnance (par. 46); elle
a ensuite précisé que la « présence continue de ce campement » était
confirmée par des images satellite et une photographie récentes (par. 46).
Rappelant, à cet égard, la conclusion figurant dans son ordonnangce du

8 mars 2011 selon laquelle les Parties devaient « s’abst[enir] d’envoyer ou
de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils
soient civils, de police ou de sécurité » (par. 86, point 1), la Cour a estimé
que la présence d’un campement militaire nicaraguayen dans le terrgitoire

litigieux après l’ordonnance du 8 mars 2011 constituait incontestablement
une violation patente de cette ordonnance.

III. Structuration d’un réggime juridique autonogme
des mesures conservatogires

1. La mission des tribunaux internationaux

20. Les faits nouveaux intervenus en la présente affaire (supra) posent de
manière particulièrement cruciale la question de la nécessaire gmise en œuvre

24 CR 2013/26, p. 19-20, par. 35-39 (Costa Rica) ;CR 2013/25, p. 29, par. 43-44 (Nica-

rag25) ;et CR 2013/27, p. 16-17, par. 35-37 (Nicaragua).
La Cour a défini lterritoire litigieux »comme «la partie septentrionale de Isla Portillos,
soit la zone humide d’environ trois kilomètres carrés comprise gentre la rive droite du caño
litigieux, la rive droite du fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des
Caraïbes et la lagune de Harbor Head »(ordonnance, par. 55).
26 Selon le Costa Rica, ce campement est situé dans le «territoire litigieux » tel que
défini par la Cour, ce à quoi le Nicaragua a opposé que, jusqgu’au début des audiences, le
Costa Rica ne s’était nullement plaint de sa présence et que, egn tout état de cause, il ne se
trouvait pas dans le « territoire litigieux » défini par la Cour. Voir notamment CR 2013/25,
p. 29, par. 43-44, ainsi que CR 2013/27, p. 16-17, par. 35-37.

28

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des mesures conservatoires. Il est, de mon point de vue, judicieux d’exami-
ner ces mesures dans le cadre de ce que je considère comme leur régime
juridiqueautonome. Je délaisserai donc, aux fins de cet exercice, l’examen du

contexte factuel pour passer à des considérations d’ordre à gla fois juridique
et épistémologique. Avant toute chose, il me semble utile de rappegler que
c’est avec les tribunaux internationaux contemporains que la procégdure

judiciaire internationale a vu naître et prospérer les mesures congservatoires.
21. C’est, en effet, avec l’apparition des tribunaux internationaux que
les conditions se sont trouvées réunies pour que, dans le cadre deg la quête
d’une réalisation de la justice dans l’intérêt des justicgiables, les mesures

conservatoires se développent dans différents domaines du droit interna -
tional. L’histoire des tribunaux internationaux est jalonnée d’géléments
révélant, dès les débuts, une volonté de conférer un cgaractère obligatoire

aux mesures conservatoires indiquées ou ordonnées. C’est ce que souligne
notamment une étude novatrice réalisée dans ce domaine par Paul Gug -
genheim, et rendue publique en 1931 27. Les progrès en ce sens ont toute -

fois été extrêmement lents, et il a ainsi fallu à la Cour plgus d’un demi-siècle
pour qu’elle trouve l’occasion, en 2001, d’énoncer la conclusion évidente
selon laquelle les mesures conservatoires qu’elle indique sont, en vegrtu de
28
son Statut, revêtues d’un caractère obligatoire .
22. Or, depuis le début de l’évolution des mesures conservatoires dgans
la procédure judiciaire internationale, la question, bien que présgente, de

leur mise en œuvre a été insuffisamment étudiée et approgfondie, et, plu -
sieurs décennies après, beaucoup reste encore à faire à cet gégard. A
l’époque de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI),g déjà,

certains indices donnaient à penser que les mesures conservatoires,
notamment celles ordonnées par la CPJI et d’autres tribunaux intergnatio -
naux (tels que l’ancienne Cour de Justice centraméricaine), avaigent voca-
29
tion à être obligatoires ; à l’ère de la Société 30s Nations, ces mesures
étaient déjà censées avoir des effets juridiques .
23. Dans son étude pionnière, Paul Guggenheim avait insisté sur l’im -
portance, à terme, des mesures conservatoires pour le développemengt
31
même du droit international . Ecrivant en 1931, l’éminent auteur souli -
gnait que l’une des priorités pour l’avenir serait d’assurer la mise en œuvre
et l’exécution conforme de ces mesures conservatoires 32. A propos des

conséquences de leur inexécution, il ajoutait avec perspicacitég que,

27Voir P. Guggenheim, Les mesures provisoires de procédure internationale et leur
influence sur le développement du droit des gens, Paris, Libr. Rec. Sirey, 1931, p. 177.
28
29C’est-à-dire dotées d’une base conventionnelle (art. 41).
Voir, à cet égard, P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 24-25, 71-72, 177 et 187;
voir également p. 33.
30Ibid., p. 58.
31Voir ibid., p. 195-196.
32La raison étant que « le droit international, de nos jours, ne dispose pas encore, le
plus souvent, de moyens propres pour assurer l’exécution de ses orgdres ou pour contrôler
du moins l’exécution des ordonnances de ses organes collectifs » (ibid.,p. 175 ;et voir p. 59).

29

5 Ord 1051.indb 55 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 380

«[t]ôt ou tard, la jurisprudence de la Cour permanente de Justice
internationale ou des tribunaux compétents réussira certainement à
faire admettre que l’inexécution des mesures provisoires ordonnéges
par ces juridictions, en raison du dommage causé (avec ou sans la

faute de l’auteur), a pour effet juridique d’ouvrir un droit àg la répa -
ration du dommage.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . g . . . . . . . . . . . . . .

[I]l ne semble guère possible de substituer à la responsabilité qui
incombe en dernier lieu à ces membres [de la communauté internatiog -
nale elle-même] des mesures provisoires des organes collectifs institués

par eux. Néanmoins, les grandes décisions «définitives» de la vie inter-
nationale — d’ordre politique ou d’ordre juridique — ont, elles aussi,
en fin de compte, un caractère provisoire, conformément à l’gadage, d’une
33
si profonde vérité: «Il n’y a que le provisoire qui dure.»»
24. Comme je le soulignais il y a près de dix ans, la constitution pro -

gressive d’un concept de responsabilité internationale autonomeen matière
de mesures conservatoires doit beaucoup à l’expansion qu’ont régcemment
connue ces mesures au niveau international — grâce à l’action des tribu -

naux internationaux contemporains —, expansion qui a débouché sur la 34
nécessité de configurer un régime juridique qui leur soit progpre . Si, de
nos jours, une attention croissante est portée, dans la littérature spécia-
lisée, à l’importance des mesures conservatoires 35, les avancées de la

jurisprudence demeurent assez lentes, et il reste encore aux tribunaux
internationaux à élaborer le régime juridique autonome de ces mesures, et
à extraire les conséquences juridiques de leur défaut de mise egn œuvre. A

tout le moins les contours de la question ont-ils été tracés en vue, peut-on
espérer, de développements prochains.

2. Un édifice jurisprudentiel dont il y a tout lieu de se féliciter
(2000‑2013)

25. De toute évidence, des efforts ont néanmoins déja été entrepris en

ce sens, notamment au sein de la Cour. Ainsi, dans mon opinion dissi -

33
P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 197-198.
34Voir A. A. Cançado Trindade, « Les mesures provisoires de protection dans la juris-
prudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme »,Mesures conservatoires et
droits fondamentaux (G. Cohen Jonathan et J.-F. Flauss, dir. publ.), Bruxelles, Bruylant/
Nemesis, 2005, p. 145-163.
35Voir notamment [différents auteurs], Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le
contentieux devant les juridictions internationalesr:egards croisés (H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel,

dir. publ.), Paris, Pedone, 2003, p. 7-t05-210; A. A.Cançado Trindade, «La Expansión
y la Consolidación de las Medidas Provisionales de Protección en lga Jurisdicción Internacional
Contemporánea », Retos de la Jurisdicción Internacional (S. Sanz Caballero et R. Abril Stof-
fels, dir. publ.), Cizur Menor (Navarre), Civitas/Thomson Reuters, 20g12, p.1.7Treves,
«Mesures conservatoires et obligations environnementales — Tribunal international du droit
de la mer et Cour internationale de Justice » , ibid., p. 119-137 ; pour une analyse générale,
voir Eva Rieter, Preventing Irreparable Harm —Provisional Measures in International Human
Rights Adjudication, Maastricht, Intersentia, 2010, p. 3-1109.

30

5 Ord 1051.indb 57 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 381

dente jointe à l’ordonnance du 28 mai 2009 en l’affaire relative à des
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique

c. Sénégal), dans laquelle la Cour avait refusé d’indiquer les mesures
conservatoires sollicitées, j’ai souligné qu’il convenait d’examiner notam -
ment la transposition de telles mesures, issues du droit procédural ignterne

comparé, dans l’ordre juridique international (par. 5-7), ainsi que leur
nature et leurs effets juridiques (par. 8-13). J’ai ensuite appelé l’attention
sur l’importance du respect des mesures conservatoires, qui « a une inci -
dence directe sur les droits invoqués par les parties en litige » (par. 14).

26. En réalité, selon la nature des droits en jeu, les mesures conservga -
toires peuvent avoir un caractère non pas uniquement préventif, mais
proprement tutélaire, en ce qu’elles sont directement liées à la réalisation
de la justice. Dans cette même opinion dissidente, j’insistais surg le fait

que, dans ces conditions, les mesures conservatoires, « avec leur dimen -
sion préventive, peuvent bel et bien contribuer au développement dgu droit
international» (par. 94). Avant que cela ne se réalise, il reste toutefois fort

à faire au niveau de l’affinement de leur régime juridique autonome,
comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises.
27. Il conviendra cependant, dans un premier temps, de garder à l’es -
prit les avancées déjà accomplies à cet égard dans la jurgisprudence inter-

nationale. Il y a une dizaine d’années, en 2000, j’ai eu l’occasion, au sein
d’une autre juridiction internationale, de me pencher sur la nature juri ‑
dique des mesures conservatoires 3. Cinq ans plus tard, au vu de l’expé -
rience accumulée en la matière, il m’a semblé opportun d’gexaminer le
37
régime juridique autonome de ces mesures . Ainsi, en l’affaire de la « Com‑
munauté de paix » de San José de Apartadó (décision du 2 février 2006),
j’ai indiqué que,

«[l]es mesures conservatoires entraînent, pour les Etats en cause, desg
obligations distinctes de celles émanant des décisions rendues surg le

fond de l’affaire en question. Il existe, de fait, des obligations ggéné -
rées par les mesures conservatoires elles-mêmes, qui sont entièrement
distinctes de celles qui découleront, en fin de compte, de la dégcision

sur le fond (ainsi que des réparations) dans le cas d’espèce. Ainsi les
mesures conservatoires constituent-elles une institution juridique
dotée d’une autonomie propre, ce qui révèle également l’importance
particulière de leur dimension préventive. … Les mesures conserva -

toires, ainsi dotées de cette autonomie, ont un régime juridique qui

36 Voir Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH), affaigre des Haïtiens et
Dominicains d’origine haïtienne en République dominicaine c. République dominicaine (déci
sion du 18 août 2000), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 13-25.
37 Voir CIADH, affaire relative à Eloísa Barrios et autres c. Venezuela (décision du
29 juin 2005), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 4-11CIADH,

affaire relative à Eloísa Barrios et autres c. Venezuela (décs2ptembre 2005), opinion
concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 2-9 ; CIADH, affaire du «Complexe du
Tatuapé » de la CASA (ex‑FEBEM) c. Brésil (décision du 17 novembre 2005), opinion
concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 1-10.

31

5 Ord 1051.indb 59 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 382

leur est propre : leur absence de mise en œuvre de la part d’un Etat
engage la responsabilité de celui-ci et a des conséquences juridiques ;
elles mettent par ailleurs en évidence la place centrale de la victimge

(de l’absence de mise en œuvre), sans préjuger de l’exameng de l’af -
faire au fond et de la décision rendue à l’issue de cet examen.g» 38

28. L’on pense ici, bien entendu, aux mesures conservatoires dotées
d’une base conventionnelle, et ordonnées ou indiquées par des tribunaux

internationaux. La figure de la «partie lésée» peut ainsi également se faire
jour, selon moi, dans le domaine des mesures conservatoires, lorsque
celles-ci ne sont pas correctement mises en œuvre. Le défaut de mise en

œuvre de telles mesures, voire leur violation, engage automatiquementg la
responsabilité internationale de l’Etat en question, au stade mêgme des
mesures conservatoires 3, indépendamment des décisions rendues par la

suite sur le fond. La mise en œuvre des mesures conservatoires revêgt donc
une importance capitale 40pour la réalisation de la justice en soi.

IV. Les efforts actuels d’gélaboration d’un régigme juridique
autonome des mesures cgonservatoires

29. Dans le cadre de l’ordonnance du 16 juillet 2013 par laquelle la
Cour s’est refusée à indiquer les mesures conservatoires sollicgitées, j’ai
présenté une opinion dissidente dans laquelle je m’efforçagis notamment de

démontrer la nécessité de poursuivre l’élaboration concepgtuelle d’un
régime juridique autonome des mesures conservatoires (par. 69-76). J’ai, à
cet égard, souligné que,

«[l]a mise en œuvre des mesures conservatoires intervient parallèleg -

ment au déroulement de la procédure qui doit conduire à la dégcision
que prendra la Cour sur le fond de l’affaire qui lui est soumise. Sgi,
dans une affaire donnée, la Cour conclut par exemple, dans sa dégci -

sion sur le fond, à l’existence d’une violation du droit interngational et

38 CIADH, affaire relative à la «Communauté de paix » de San José de Apartadó
c. Colombie (décision du 2 février 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin-

dade, par. 6-7 ; voir également par. 4 et 8-10 ; et, sur le même sujet, voir CIADH, affaire
des Communautés du Jiguamiandó et du Curbaradó c. Colombie (décision du 7 février 2006),
opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 6-7 ; voir également par. 4
et 8-11.
39 Voir également, à cet égard, CIADH, affaire des Centres pénitentiaires de Mendoza
c. Argentine (décision du 30 mars 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin-
dade, par. 11-12 ;CIADH, affaire des Centres pénitentiaires d’Araraquara c. Brésil (décision
du 30 septembre 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 24-25.
40
Voir, sur ce point, CIADH, affaire desCommunautés du Jiguamiandó et du Curbaradó
c.Colombie (décision du 15mars2005), opinion concordante de Ml.ejuge CançadoTrindade,
par. 4 et 10 ; CIADH, affaire relative à la «Communauté de paix »de San José de Apartadó
c. Colombie (décision du 15 mars 2005), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin -
dade, par. 4 et 10; CIADH, affaire du Peuple autochtone de Sarayaku c. Equateur (décision
du 6 juillet 2004), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 2 et 30.

32

5 Ord 1051.indb 61 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 383

estime, parallèlement, que les mesures conservatoires qu’elle a ingdi -
quées n’ont pas été dûment mises en œuvre, cette absence de mise en

œuvre constitue une violation supplémentaire d’une obligation inter -
nationale. Dans le cadre de ses travaux en la matière, la Cour doit
encore approfondir la question des conséquences juridiques d’une

absence de mise en œuvre des mesures conservatoires, lesquelles, de
mon point de vue, jouissent d’une autonomie qui leur est propre.
Les mesures conservatoires indiquées ou ordonnées par la Cour (oug
par tout autre tribunal international) génèrent en elles-mêmes, pour

les Etats concernés, des obligations distinctes de celles découlangt de la
décision (ultérieurement) rendue sur le fond de l’affaire cgonsidérée…
En ce sens, les mesures conservatoires participent, me semble-t-il,
d’un régime juridique autonome qui leur est propre, caractériség par

l’importance particulière de leur dimension préventive. Indépendam -
ment de la décision (ultérieurement) rendue par la Cour sur le fgond,
la responsabilité internationale d’un Etat peut être engagéeg en raison

de l’absence de mise en œuvre ou de la violation d’une mesure conser -
vatoire ordonnée par la Cour (ou par un autre tribunal internationalg).
En somme, je suis d’avis que les mesures conservatoires, dotées
d’une base conventionnelle — comme celles indiquées par la Cour

(en application de l’article 41 de son Statut) —, jouissent également
d’une autonomie propre en ce qu’elles relèvent d’un régimge juridique
spécifique, et que toute absence de mise en œuvre engage la respgon -
sabilité de l’Etat concerné et entraîne des conséquences gjuridiques,

sans préjudice de l’examen au fond de l’affaire en question egt de la
décision rendue à cet égard. Cela met en lumière l’importante dimen -
sion préventive de telles mesures, ainsi que leur portée. Il incomgbe à

la Cour, aujourd’hui et dans les années à venir, d’examiner gcette
question comme il se doit. » (Par. 70-72.)

30. Ainsi que je l’indiquais ensuite, cette question revêt, en fin dge
compte, une importance capitale pour le développement du droit internga -
tional (par. 74). Un autre aspect, étroitement lié au précédent, doit,

comme je le faisais ensuite observer, demeurer présent à l’esprgit:
«Une jurisprudence sans cesse plus abondante en la matière

— pareilles mesures étant de plus en plus fréquemment indiquées ogu
ordonnées par les tribunaux 41internationaux 42et nationaux 43 — a
depuis quelque temps permis de préciser la nature juridique des

mesures conservatoires, et en particulier la dimension préventive. Leg

41Voir L. Collins, « Provisional and Protective Measures in International Litigation »,
Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Hvol. 234 (1992), p. 23,
214 et 234.
42
Voir R. Bernhard (dir. publ.), Interim Measures Indicated by International Courts,
Ber43n/Heidelberg, Springer-Verlag, 1994, p. 1-152. e
Voir E. García de Enterria, La Batalla por las Medidas Cautelares, 2 éd. [augmentée],
Madrid, Civitas, 1995, p. 25-385.

33

5 Ord 1051.indb 63 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 384

recours aux mesures conservatoires, y compris au niveau internatio -
nal, a rapidement eu pour effet d’étendre le domaine de la compég -

tence internationale e44de réduire, par conséquent, le « domaine
réservé» des Etats . Cela est d’autant plus important pour ce qui
touche aux régimes de protection, notamment des personnes et de
l’environnement. Préciser la nature juridique des mesures conservag -

toires ne représente toutefois, selon moi, qu’une première égtape de
l’évolution en la matière, première étape qui doit êtrge à présent suivie
par une réflexion sur les conséquences juridiques d’un défaut de mise
en œuvre des mesures conservatoires, et sur le développement concegp -

tuel de ce que je crois devoir appeler leur régime juridique autono45…
De fait, la notion de victime (ou de victime potentielle ), ou de
partie lésée, peut ainsi également se faire jour dans le contexgte propre
aux mesures conservatoires, parallèlement au déroulement de la prog -

cédure au fond (et, le cas échéant, de celle relative aux régparations).
Les mesures conservatoires génèrent, pour les Etats concernés, gdes
obligations (de prévention) distinctes de celles qui découlent dges déci -
sions rendues par la Cour sur le fond (et les réparations) des affgaires

en question. C’est là une conséquence de ce que je considèreg comme
étant le régime juridique autonome de telles mesures. Il est aujourd’hui
impératif, me semble-t-il, d’affiner et de développer conceptuellement
ce régime juridique autonome, en s’attachant en particulier à lg’essor

contemporain des mesures conservatoires, aux moyens d’en garantir
la mise en œuvre diligente et aux conséquences juridiques d’un gdéfaut
de mise en œuvre — et ce, dans l’intérêt de ceux qu’elles tendent à

protéger.» (Par. 73 et 75.)
31. L’élaboration du régime envisagé, ajoutais-je, permettra aux tribu -

naux internationaux contemporains de

«contribuer efficacement à éviter ou prévenir les dommages irrégpa -
rables dans des situations d’urgence, ce qui profitera, en fin de compte,
à tous les sujets du droit international — qu’il s’agisse des Etats, de

groupes d’individus ou de simples particuliers. Après tout, la pergsonne
humaine (vivant en harmonie dans son habitat naturel) occupe une
place centrale dans le jus gentium renouvelé de notre temps» . (Par. 76.)

Si les tribunaux internationaux contemporains ont contribué et contrig -
buent, de manière continue, à conceptualiser ce régime juridiquge, il reste,

44
P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 15, 174, 186, 188 et 1et voir p. 6-7
et 45-62.
Sur la notion de victimes potentielles dans le contexte de l’évolution de la notion de
victime ou de la condition du demandeur dans le domaine de la protectiong internationale
des droits de l’homme, voir A. A. Cançado Trindade, « Co-Existence and Co-ordination
of Mechanisms of International Protection of Human Rights (At Global angd Regional
Levels) »,Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 202 (1987),
chap. XI, p. 243-299, en particulier p. 271-292.

34

5 Ord 1051.indb 65 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 385

en la matière, beaucoup à faire et un long chemin à parcourir dgans cette
quête permanente de la réalisation de la justice.

V. Considérations finalegs

32. Dans le domaine des mesures conservatoires, la Cour a récemment
accompli certaines avancées en ordonnant, dans l’affaire de la Demande en
interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar

(Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures convervatoires
(ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 537), des mesures
tendant au retrait d’agents militaires d’une zone démilitarisége provisoire
définie dans le texte même de l’ordonnance (par. 62). Dans l’opinion indi -

viduelle que j’ai jointe à cette ordonnance, je me suis intéresgsé à la question
du temps et du droit (par. 3-42) et aux effets juridiques des mesures susmen -
tionnées au regard de l’importance de la prévention des dommagegs irrép- ara
bles pour protéger les populations vivant dans le territoire en questgion,
ainsi que le patrimoine culturel et spirituel dudit territoire (par. 64-70, 82-94

et 96-117). Il y a donc des raisons d’espérer que la Cour, s’appuyangt sur ce
précédent, continuera à progresser dans ce domaine des mesures gconserva -
toires dans l’intérêt des justiciables.
33. Dans l’ordonnance adoptée ce jour, 22 novembre 2013, la Cour

estime que « la situation dans le territoire litigieux a changé » (par. 44)
depuis sa précédente ordonnance (du 16 juillet 2013). La Cour a donc
enfin considéré que les mesures conservatoires précédemmengt indiquées
(dans l’ordonnance du 8 mars 2011) « d[evaient] être renforcée[s] et com -

plétée[s]» (par. 55), et ce, notamment en ce qui concerne la présence de
personnes privées dans le « territoire litigieux» (par. 56). Dans son ordon -
nance précédente du 16 juillet 2013 sur les demandes tendant à la modifi -
cation de son ordonnance en indication de mesures conservatoires du
8 mars 2011 présentées par les deux Parties, la Cour n’avait, en revangche,

pas trouvé, dans les faits tels qu’ils lui avaient été rappogrtés, « l’élément
d’urgence qui [aurait] justifi[é] l’indication d’autres megsures conserva -
toires» et avait donc estimé — ce à quoi je m’étais opposé — qu’il n’était
pas prouvé à suffisance qu’un risque de préjudice irrépagrable pèserait sur
46
les droits allégués par le Costa Rica .
34. Or, la présence de personnes privées dans le territoire litigieux g
constituait déjà un changement de situation au moment où l’ogrdonnance
du 16 juillet 2013 a été adoptée ; c’est à ce moment‑là, dans sa décision du

16 juillet 2013, que la Cour aurait dû, il y a quatre mois, modifier son
ordonnance précédente du 8 mars 2011, afin d’interdire expressément la

46Lorsque le Costa Rica avait prié la Cour (le 23 mai 2013) de reconnaître l’existence
d’un tel risque, invoquant la présence de personnes privées nicgaraguayennes sur le territoire
litigieux (voir par. 35).

35

5 Ord 1051.indb 67 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 386

présence non seulement d’agents, mais également de personnes prgivées,
dans le territoire litigieux. Il me semble en effet que, en juillet degrnier, la
situation avait déjà changé dans ce territoire, qu’elle prégsentait un carac-
tère d’urgence et un risque de dommage irréparable, et que cela justifiait
que de nouvelles mesures conservatoires fussent ordonnées.

35. La nouvelle situation s’était, ainsi, déjà formée au moment où la
Cour a été appelée à rendre son ordonnance, le 16 juillet 2013; son ordon -
nance précédente du 8 mars 2011, ne faisant référence qu’aux « agents»,
était devenue trop restrictive. Dans l’ordonnance du 16 juillet 2013, la
Cour a pris acte, en tant qu’élément d’aggravation, de la prgésence de per -

sonnes privées nicaraguayennes dans la zone en litige, mais n’a pas pris de
mesure concrète à cet égard. Ce n’est qu’aujourd’hui, gavec la présente
ordonnance du 22 novembre 2013, qu’elle a pris pareilles mesures afin
d’empêcher que la situation ne se dégrade. La Cour a enfin prgécisé que la

zone litigieuse devait être évacuée par toutes les personnes présentes, à
savoir les agents et les personnes privées (exception faite du persognnel
chargé des travaux de remise en état qui doivent être rapidemengt réalisés
dans le caño oriental).
36. Ce n’est donc qu’avec l’aggravation de la situation (du fait dgu

dragage et de la construction des deux nouveaux caños) dans le territoire
litigieux que la Cour est revenue sur la position « mesurée» qu’elle avait
initialement choisi d’adopter. Cette aggravation de la situation démontre
une fois encore que le pire choix qu’un tribunal international puisseg faire

est celui de l’inaction judiciaire. La Cour a maintenant fort heureusgement
revu sa position. Les mesures conservatoires qui ont été indiquéges ou
ordonnées ce jour (22 novembre 2013), quatre mois plus tard, concernent
à la fois les agents et les personnes privées, lesquels doivent tous se voir
interdire l’accès au territoire litigieux (points 2 C) et 2 D) du dispositif).

L’ordonnance prévoit en outre la cessation des travaux de dragage et des
autres activités menées dans ledit territoire (point 2 A) du dispositif), ainsi
que l’adoption, à l’égard du caño oriental, de ce que je considère comme
des mesures correctives (point 2 B)).
37. Les Parties ne sont pas réellement divisées sur l’existence d’gune res -

ponsabilité pour défaut d’exécution (voir supra) de la précédente ordon -
nance du 8 mars 2011 de la Cour 47. Elles divergent en revanche sur
l’attribution de cette responsabilité (voir supra). Or, ce point est clair, me
semble-t-il: la responsabilité du défaut d’exécution entraîne nécgessaire -

ment l’attribution de cette responsabilité à l’Etat visé gpar les mesures. Il
s’agit alors d’un manquement indépendant à une obligation cognvention -
nelle (née de l’indication de mesures conservatoires), sans prégjudice de ce
que la Cour décidera ultérieurement sur le fond.
38. Il est fort probable que si la Cour avait, dans son ordonnance du

16 juillet 2013, indiqué ou ordonné les mesures conservatoires sollicitéesg,

47Cette responsabilité est admise par le défendeur lui-même, ainsgi que la Cour l’a
souligné dans la présente ordonnance (voir CR 2013/27, p. 33, par. 18, et CR 2013/25,

p. 22-23, par. 20-21, conclusions transcrites ci-dessus).

36

5 Ord 1051.indb 69 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 387

la situation qui prévaut actuellement dans le territoire litigieux, agboutiss-e

ment de quatre mois d’évolution, aurait pu être évitée. Quoi qu’il en soit,
cette nouvelle situation existe bel et bien, et c’est à juste titrge que la Cour
a indiqué les mesures conservatoires qui figurent dans son ordonnangce
rendue ce jour, 22 novembre 2013. Mieux vaut tard — tant qu’il est
encore temps — que jamais.

39. En tout état de cause, dans le cadre de l’examen du présent diffgé -
rend, qui oppose deux Etats partageant la longue et respectable traditiogn
qui est celle de l’Amérique latine en matière de doctrine juridgique interna -
tionale, la Cour aura eu l’occasion de se pencher plus longuement surg la
nature et les effets juridiques des mesures conservatoires, lesquellesg

revêtent une dimension préventive certaine. Elle aurait pu aller plus loin
qu’elle n’a été dans son analyse de ce point de droit, analygse qu’il n’y a
pas lieu de différer jusqu’à l’examen au fond. La présegnte affaire met en
évidence l’existence d’une responsabilité supplémentaire (indépendam -
ment de toute décision sur le fond), fondée sur l’absence de mgise en œuvre

des mesures conservatoires.
40. Sans que cela ne préjuge en rien de la décision ultérieure de lga Cour
sur le fond d’une affaire, il serait plus judicieux d’examiner lges effets juri
diques de telles mesures conservatoires dans le cadre de leur régime auto‑
nome. Leur défaut de mise en œuvre constitue un chef de responsabilitég

supplémentaire dont il incombe à la Cour d’extraire les conséquences. Une
fois atteint cet objectif, un pas supplémentaire vers la réalisation de la
justice au niveau international aura été franchi.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.

37

5 Ord 1051.indb 71 24/06/14 15:58

Bilingual Content

371

SEPARATE OPINION
OF JUDGE CANÇADO TRINDADE

table of contents

Paragraphs

I. Introduction 1-2

II. Submissions of the Partiges in the Course of the Pgresent
Proceedings 3-19

1. Submissions in the written phase 3-5
2. First round of oral arguments 6-11
3. Second round of oral arguments 12-15

4. General assessment 16-19

III. The Configuration of thge Autonomous Legal Régimge of
Provisional Measures ofg Protection 20-28

1. The task of international tribunals 20-24
2. A reassuring jurisprudential construction (2000-2013) 25-28

IV. The Ongoing Constructiong of an Autonomous Legal
Régime of Provisional Megasures of Protection 29-31

V. Final Considerations 32-40

*

I. Introduction

1. In its previous Order, of 16 July 2013, in the present case opposing
Costa Rica to Nicaragua, in which the International Court of Justice [ICJ]
refrained from indicating new provisional measures of protection, I pre -
sented a dissenting opinion expressing the foundations of my personal pog - si

tion on the matter; today, 22 November 2013, as the Court has now decided
to order new provisional measures of protection in the case concerning Cer ‑
tain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area, I have concurred
with my vote to the adoption of the present Order. As there are still a gcouple

of points which appear to me deserving of closer attention, I feel thus gobliged
to leave on the records the reflections which form the present separatge opin
ion, wherein I care — under the merciless pressure of time — to address
those points and to lay the foundation of my personal position thereon.

2. To start with, I deem it appropriate to extract, from the corresponding
dossier of the present case, the submissions of the Parties which seem to me

21

5 Ord 1051.indb 38 24/06/14 15:58 371

OPINION INDIVIDUELLE
DE M. LE JUGE CANÇADO TRINDADE

[Traduction]
table des matières

Paragraphes

I. Introduction 1-2

II. Conclusions soumises pagr les Parties au cours dge la présente

instance 3 -19
1. Conclusions présentées au stade de la procédure écrite 3-5

2. Premier tour de procédure orale 6-11
3. Second tour de procédure orale 12-15
4. Appréciation générale 16-19

III. Structuration d’un réggime juridique autonogme des mesures
conservatoires 20-28

1. La mission des tribunaux internationaux 20-24
2. Un édifice jurisprudentiel dont il y a tout lieu de se féliciterg

(2000-2013) 25-28
IV. Les efforts actuels d’églaboration d’un régimge juridique

autonome des mesures cgonservatoires 29-31

V. Considérations finales 32-40

*

I. Introduction

1. Lorsque, le 16 juillet 2013, la Cour s’est, dans le présent différend
entre le Costa Rica et le Nicaragua, refusée à indiquer de nouvelles

mesures conservatoires, j’ai joint à son ordonnance une opinion digssi -
dente détaillant les fondements de ma position personnelle à cet éggard.
Aujourd’hui, 22 novembre 2013, la Cour ayant décidé d’indiquer de nou -

velles mesures conservatoires dans cette affaire relative à Certaines activi ‑
tés menées par le Nicaragua dans la région frontalière, j’ai voté en faveur
de l’adoption de son ordonnance. Toutefois, un ou deux points mérigtant
à mon sens un examen plus attentif, j’estime devoir faire état gde mes

réflexions par la présente opinion individuelle, dans laquelle jge m’emploie,
impitoyablement pressé par le temps, à présenter les fondements de ma
position personnelle sur ces points.
2. Je commencerai par extraire du dossier de l’affaire les conclusionsg

des Parties qui me semblent particulièrement pertinentes pour l’exgamen

21

5 Ord 1051.indb 39 24/06/14 15:58 372 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

particularly pertinent for the consideration of the new factual situation

brought to the attention of the Court. I shall then move onto the juridigco-
epistemological level, so as to focus on the questions of the configuration
of the autonomous legal régime (as I perceive and conceive it) of provgisional
measures of protection. In doing so, I shall address the task of internag -
tional tribunals, and a reassuring jurisprudential construction (2000-2013).

I shall, in sequence, overview the ongoing construction of an autonomous
legal régime of provisional measures of protection. The way will then be
paved for the presentation of my final considerations on the matter.

II. Submissions of the Partiges in the Course of
the Present Proceedinggs

1. Submissions in the Written Phase

3. May I start at the factual level. In its new request for provisional
measures lodged with the Court on 24 September 2013, Costa Rica stated
that this new request was “an independent request based on new facts”g
(para. 4). After invoking its rights to territorial sovereignty and integrity,

and to non-interference with its land and environmentally-protected areas
(paras. 21-22), Costa Rica asked the Court for four provisional measures,
transcribed in paragraph 15 of the present Order. The next facts brought
to the Court’s attention in the present request for new provisional mgea -
sures in the cas d’espèce concerning Certain Activities Carried Out

by Nicaragua in the Border Area, are in fact, all of them, subsequent to
the Court’s previous Orders in the present case (of 8 March 2011
and 16 July 2013), and pertain to the construction of two “caños”, and
the existence of a Nicaraguan military encampment, allegedly in the “gdis -
puted territory”.

4. Costa Rica argued that the new dredging and dumping activities
allegedly conducted by Nicaragua were affecting the disputed territory
and its ecology (paras. 2 and 10-11). For its part, in a diplomatic Note
of 18 September 2013, Nicaragua opposed those contentions, arguing

that, in its previous Order of 16 July 2013, the ICJ determined that the
provisional measures previously indicated (on 8 March 2011) could not
be modified, as Costa Rica had not demonstrated urgency nor risk of
irreparable harm (pp. 1-2).

5. The present proceedings concerning Certain Activities Carried Out
by Nicaragua in the Border Area have demonstrated the importance of
holding public sittings of the ICJ, in the matter of provisional measuregs,
for the clarification of a given factual situation. After all, to the geffect of
the adoption of its Orders on such matters, the ICJ gathers prima facie —

rather than substantial — evidence (summaria cognitio), and then renders

22

5 Ord 1051.indb 40 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 372

de la nouvelle situation factuelle portée à l’attention de la Cgour. Je passe-
rai ensuite au niveau juridique et épistémologique en concentrant gmon

analyse sur la structuration d’un régime juridique autonome (tel que je le
perçois et le comprends) des mesures conservatoires, et en particuliger sur
la mission des tribunaux internationaux et sur l’édifice jurisprgudentiel,
dont il y a tout lieu de se féliciter, qui s’est construit dans ceg cadre
entre 2000 et 2013. Après cela, je m’intéresserai aux efforts actuels d’géla -

boration d’un régime juridique autonome des mesures conservatoiresg.
Une fois ces fondements jetés, je présenterai mes considérationgs finales
sur la question.

II. Conclusions soumises pagr les Parties
au cours de la présentge instance

1. Conclusions présentées au stade de la procédure écrite

3. Je commencerai mon analyse par un examen factuel. Dans sa

demande en indication de nouvelles mesures conservatoires présentége à la
Cour le 24 septembre 2013, le Costa Rica a précisé qu’il s’agissait d’une
«demande distincte, fondée sur des faits nouveaux » (par. 4). Ayant invo -
qué ses droits à la souveraineté, à l’intégrité tergritoriale et à la non-ingérence
dans ses terres et dans ses zones dont l’environnement est protégég
(par. 21-22), le Costa Rica a sollicité quatre mesures conservatoires,

reproduites au paragraphe 15 de la présente ordonnance. Les faits nou ‑
veaux signalés à la Cour dans la demande en indication de nouvelles
mesures conservatoires présentée en l’affaire relative à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière sont tous effectivement
postérieurs aux précédentes ordonnances rendues par la Cour dangs le cas

d’espèce (celle du 8 mars 2011 et celle du 16 juillet 2013) et ont trait à la
construction de deux « caños » ainsi qu’à la présence d’un campement
militaire nicaraguayen, prétendument dans le « territoire litigieux».
4. Le Costa Rica a fait valoir que les nouvelles activités de dragage
et de déversement de matériaux menées selon lui par le Nicaragua agffec -

taient le territoire litigieux et son écologie (par. 2 et 10-11). Dans une
note diplomatique du 18 septembre 2013, le Nicaragua a réfuté ces alléga -
tions en rappelant que la Cour, dans son ordonnance précédente du g
16 juillet 2013, avait estimé que les mesures conservatoires déjà indi -
quées (le 8 mars 2011) ne pouvaient être modifiées, le Costa Rica
n’ayant démontré aucune urgence ni aucun risque de dommage irrépa -

rable (p. 1-2).
5. La présente procédure relative à Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière a démontré à quel point la tenue par
la Cour d’audiences publiques dans le cadre de mesures conservatoiresg
était importante pour éclairer une situation factuelle donnée. gRappelons

que, aux fins de l’adoption de ses ordonnances comme suite de tellegs
demandes, la Cour recueille des preuves prima facie — et non sur le fond

22

5 Ord 1051.indb 41 24/06/14 15:58 373 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

a binding decision, as its provisional measures are endowed with a

conventional basis (Article 41 of its Statute).

2. First Round of Oral Arguments

6. It was, in effect, in the oral proceedings (rather than in the writtegn
phase) that the two contending Parties found the occasion to present tog

the ICJ their submissions in a more elaborate way. The public hearings
of 14-17 October 2013 were in my view essential for the clarification of
the position of the Parties as to the newly requested provisional measurges

of protection lodged with the Court. I shall next review such submissiongs,
and then proceed to a general assessment of them.

7. In the first round of oral arguments, Costa Rica argued that, despite
the provisional measures of protection indicated by the Court in its Ordger
of 8 March 2011 1, and its concerns expressed in its Order of 16 July 2013,
“Nicaragua continues to send groups of Nicaraguan nationals to the dis -

puted area”, and, furthermore, “it is engaged in the construction gof two
new caños in the northern part of Isla Portillos”, with a “real risk” of
creating “a fait accompli involving irreparable damage”, before the case
2
is finally settled by the ICJ . There has thus been, Costa Rica pro -
ceeded, an “egregious breach” of the provisional measures . Costa Rica
then stated that

“[s]ince that time, work on the Pastora first caño has been continued,
including by more than 10,000 Sandinista youth who have been offi -
cially brought to the area to further Nicaragua’s policies. (. . .) Nica -
raguan personnel have been in the disputed territory carrying out
4
dredging and other works, as late as 18 September 2013” .

8. After the Court’s Order of 8 March 2011, Costa Rica pro -
ceeded, Nicaragua “changed the existing situation by occupying the terri -

tory”, and continuing “to send government personnel and, in particgular,
the head of the works, Commander Pastora, as well as numerous contin -
gents of Nicaraguans who, by the Respondent’s own admission, are
5
engaging in so-called ‘environmental’ activities” . In Costa Rica’s percep-
tion, “Nicaragua has resorted to a piece of ‘sophistry’”, nagmely, that the

1
Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v.
Nicaragua), Provisional Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 6.
2Compte rendu (CR) 2013/24, p. 14, para. 8.
3Costa Rica added that, moreover, Nicaragua announced, “at the very last momgent”,
that “it had withdrawn from the disputed territory, though without adgmitting it had ever
been there (. . .) in the first place” (ibid., p. 34, para. 1).
4Ibid., p. 36, para. 7, and cf. p. 44, para. 32.
5Ibid., p. 54, para. 24.

23

5 Ord 1051.indb 42 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 373

de l’affaire — (summaria cognitio) avant de rendre une décision contrai‑

gnante puisque les mesures conservatoires ainsi indiquées reposent sur
une base conventionnelle (article 41 de son Statut).

2. Premier tour de procédure orale

6. C’est en effet dans le cadre de la procédure orale, plutôt qug’au stade de
la procédure écrite, que les Parties ont trouvé l’occasion dge présenter leurs
conclusions à la Cour de manière plus élaborée. Les audiencegs publiques

tenues du 14 au 17 octobre 2013 ont revêtu, de mon point de vue, une
importance capitale pour préciser la position des Parties sur la demagnde en
indication de nouvelles mesures conservatoires présentée à la Cgour. Je rap -

pellerai ci-après le détail de ces conclusions, avant d’en donner une apprég -cia
tion générale.
7. Lors du premier tour de procédure orale, le Costa Rica a fait valoir
que, malgré les mesures conservatoires que la Cour avait indiquéesg dans
1
son ordonnance du 8 mars 2011 et les préoccupations exprimées dans
son ordonnance du 16 juillet 2013, « le Nicaragua continu[ait] d’envoyer
des groupes de ressortissants nicaraguayens sur le territoire litigieux », et

qu’il était, par ailleurs, « en train de construire deux nouveaux caños dans
le secteur nord de Isla Portillos », avec « un réel risque » d’imposer
«comme fait accompli un dommage irréparable » avant que la Cour ne se
2
soit définitivement prononcée en l’affaire . L’on est donc en présence,
selon lui, d’une « violation grossière et manifeste de l’ordonnance en indi -
cation de mesures conservatoires » . Il a ensuite affirmé que,

«[d]epuis lors, les travaux afférents au premier cañoPastora [s’étaient]
poursuivis, grâce, entre autres, à plus de 10 000 membres de la jeu -

nesse sandiniste amenés dans la région précisément pour mettgre en
œuvre les politiques du Nicaragua [et que] les agents nicaraguayens
se trouvaient encore dans le territoire litigieux au 18 septembre 2013
pour y effectuer des travaux de dragage et autres » 4.

8. Après l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011, le Nicaragua

«a modifié la situation existante en occupant le territoire » et en conti -
nuant «d’envoyer des agents gouvernementaux, au premier rang desquels
le responsable des travaux, le commandant Pastora, ainsi que de nom -

breux contingents de Nicaraguayens qui, de l’aveu même du défengdeur5
s’adonnent à des activités soi-disant «environnementales»» . Du point de
vue du Costa Rica, « [l]e Nicaragua a recouru à une « argutie»», à savoir

1 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région front▯ alière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (Ip).,6.
2 Compte rendu (CR) 2013/24, p. 14, par. 8.
3 Le Costa Rica a ajouté que le Nicaragua avait, de surcroît, annoncé « à la toute
dernière minute » s’être « retiré du territoire litigieux, sans toutefois admettre … s’y [être]
jamais trouvé » (ibid.,p. 34, par. 1).
4
5 Ibid., p. 36, par. 7 ; voir également p. 44, par. 32.
Ibid., p. 54, par. 24.

23

5 Ord 1051.indb 43 24/06/14 15:58 374 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

provisional measures ordered by the ICJ “prevented Nicaraguan person -

nel, but not citizens, from entering the disputed territory and plantingg
trees” . And Costa Rica added that :

“Nicaragua has undertaken action on that territory on a major scale, g
with dredgers and chainsaws, which it has taken several weeks to
carry out. It is thus not sufficient to remind the Parties of the existing

obligation not to send personnel, but it is necessary to order a meas -
ure requiring the cessation of all canalization, dredging or other
works in the disputed territory, and that no further works should be

carried out in the future. It also requires that Nicaragua be ordered
to dismantle all infrastructure on the territory and to refrain from
introducing any more pendente lite. The same applies to the equip -
ment used to carry out the works of canalization. (. . .) [T]he provi -

sional measures of 2011 are incapable of preventing canalization or
other works being continued or resumed.” 7

9. Nicaragua retorted that Costa Rica also violated the Court’s Order
“by overflights and visits to the disputed area” without fulfiglling its

requirements, and by the construction of the road “running along 160 km
of the border of Nicaragua and Costa Rica and along the margin of the
greater part of the San Juan River (. . .) without any environmental
impact assessment and without any notice to Nicaragua” 8. Nicaragua

then denied that 10,000 members of the Guardabarranco group had been
in the territory in dispute, as alleged by Costa Rica ; there were only
“small groups of youngsters” visiting “the place for a short pegriod of
time”; they “have not performed any work on the caño”, and they caused
9
no damages to the disputed territory .

10. Nicaragua then added that Mr. E. Pastora “was wrong” in claim -
ing (in a television interview in a news programme) that his works of g
“clearing or constructing caños” at the mouth of the San Juan River were
conducted “in areas not covered by the Court’s Order” 10. Nicaragua

observed that it “had not authorized any dredging or caño clearing activ-
ities in the disputed area”, to comply “fully” with the Court’gs Order of
8 March 2011. And Nicaragua added :

“Mr. Pastora himself knew that this was Nicaragua’s policy. In the
television interview (. . .) he insisted repeatedly that his actions were

6 CR 2013/24, pp. 59-60, para. 37.
7 Ibid., pp. 55-56, paras. 28-29.
8 CR 2013/25, pp. 9-10, paras. 6-7.
9 Ibid., pp. 12-13, paras. 20-22.
10 In its clarification, it was “plain to Nicaragua from Mr. Pastora’s indication of
the location of his activities that they were inside the disputed territgory, as defined in the
Order” (ibid., p. 22, para. 17).

24

5 Ord 1051.indb 44 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 374

que les mesures conservatoires indiquées par la Cour « empêcherai[en]t les

agents, mais pas les citoyens nicaraguayens, d’entrer en territoire lgitigieux
et de planter des arbres » . Selon lui :

«le Nicaragua a engagé une action d’envergure dans ce territoire,
avec des dragueurs et des tronçonneuses, et qui a requis des semainesg
pour être réalisée. Il ne suffirait donc pas de rappeler aux Pgarties

l’obligation existante de ne pas envoyer des agents, il faudrait ordogn -
ner une mesure visant à ce que cesse tout travail de canalisation,
dragage ou autre sur le territoire litigieux, et à ce qu’il n’yg en ait pas

de nouveaux à l’avenir. Cela exige aussi que soient indiqués leg déman -
tèlement de toute installation sur le territoire et l’abstention dg’en
introduire de nouvelles pendente lite. Il en va de même pour le maté -
riel grâce auquel les travaux de canalisation ont été menés.g … [L]es

mesures conservatoires de 2011 ne peuvent pas empêcher que des tra-
vaux de canalisation ou autres ne se poursuivent ou ne soient repris» .7

9. En réponse, le Nicaragua a fait valoir que le Costa Rica avait lui aussi
manqué aux prescriptions de l’ordonnance de la Cour en effectuangt des

«survols de la zone litigieuse et [d]es visites sur place», et en procédant à la
construction de la route « qui longe la frontière entre le Nicaragua et le
Costa Rica sur 160 km, et suit, en grande partie, le cours du fleuve
San Juan … sans qu’aucune évaluation de l’impact sur l’environnemegnt

n’ait été réalisée et sans que le Nicaragua n’en ait égté préalablement
informé » . Le Nicaragua a ensuite contesté l’affirmation du Costa Rica
selon laquelle 10 000 membres du groupe de défense de l’environnement
Guardabarranco s’étaient rendus sur le territoire litigieux, indiqguant qu’il

ne s’agissait que de « petits groupes [de jeunes] » présents « sur place pen-
dant une courte période», que ceux-ci «n’[avaient] rien à voir avec le caño »
et qu’ils n’avaient causé aucun dommage dans le territoire litiggieux 9.

10. Le Nicaragua a par ailleurs indiqué que M. E. Pastora « avait tort»
lorsqu’il a prétendu (lors d’un entretien retransmis dans le cgadre d’un
programme d’actualités télévisées) que les travaux de «g dégagement ou
[de] construction de caños» auxquels il avait fait procéder à l’embouchure

du fleuve San Juan avaient été menés « dans des zones non visées par
l’ordonnance de la Cour » . Le Nicaragua a ainsi observé qu’il « n’avait
autorisé aucune sorte de travaux de dragage ou de dégagement de caño

dans la zone litigieuse », s’étant toujours « pleinement» conformé à
l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011. Il a ajouté :

«M. Pastora lui-même savait que telle était la ligne adoptée par le
Nicaragua. Comme le montre la transcription de l’interview télégvi -

6 CR 2013/24, p. 59-60, par. 37.
7 Ibid., p. 55-56, par. 28-29.
8 CR 2013/25, p. 9-10, par. 6-7.
9 Ibid., p. 12-13, par. 20-22.
10 Selon les précisions apportées par le Nicaragua, il étaiévident, pour [lui], que,
compte tenu des endroits indiqués par M. Pastora, les travaux avaient été effectués à l’inté-
rieur du territoire litigieux tel que défini dans l’ordonnance » (ibid., p. 22, par. 17).

24

5 Ord 1051.indb 45 24/06/14 15:58 375 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

consistent with the Court’s Order, as he understood it. Of course, heg

was wrong ; and this does not exonerate Nicaragua of responsibility
for his behaviour. Nicaragua has never said otherwise. But it does
explain what happened. (. . .) There was no intention by Nicaragua

to change the natural course of the San Juan River. What happened
was that Mr. Pastora exceeded his mandate, and engaged in activities
in the disputed area because he had an erroneous understanding of

the Court’s Order, specifically in regard to what constituted the dgis -
puted area, which was different from Nicaragua’s understanding, andg
which Nicaragua did not appreciate, until 18 September [2013]. Since
that date, when it learned of his activities, Nicaragua has not denied

that they occurred or that they were inconsistent with the Court’s
Order. To the contrary, what Nicaragua contends, what it has con -
sistently contended, is that it did not instruct or intend for Mr. Pas-

tora to conduct any activities in the disputed area. They were the
result of a misunderstanding, not a conspiracy.” 11

11. Nicaragua further added that it had not intended to send

Mr. E. Pastora “into the disputed area”, but only “to clean up the rivger
and the channels in Nicaragua’s undisputed waters. It accepts responsgibil -
ity for his mistaken and unauthorized actions in the disputed area, and g
has taken concrete steps to prevent their recurrence” 12. Yet, it went on,

the problem now raised before the ICJ is not whether Nicaragua is
responsible for the acts ultra vires of Mr. E. Pastora; it is a distinct one 1.

3. Second Round of Oral Arguments

12. In the second round of oral arguments, Costa Rica began by stat -
ing that “Mr. Pastora and the National Port Authority were organs of
the Nicaraguan State”, with “actual authority” (at least untilg 22 Septem -
14
ber 2013) “to carry out the works in the disputed territory” . Costa Rica
stressed that

“[t]he only evidence on the record is the specific authorization fogr
Mr. Pastora and the National Port Authority to carry out the project

for the ‘Improvement of Navigation on the San Juan de Nicaragua
River’. We heard nothing about ultra vires action on the previous
request.” 15

11CR 2013/25, pp. 22-23, paras. 20-21.
12Ibid., pp. 28-29, paras. 42-43.
13Ibid., pp. 50-51, paras. 21-22.
14Costa Rica added that, following the Court’s Order of 8 March 2011, “they were
never prohibited from doing so by any Nicaraguan instruction in evidenceg” (CR 2013/26,
p. 12, para. 12).
15Ibid., p. 12, para. 13.

25

5 Ord 1051.indb 46 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 375

sée …, il a affirmé plusieurs fois au cours de celle-ci avoir agi conformé -

ment à l’ordonnance de la Cour, telle qu’il la comprenait. Il egst bien
entendu qu’il avait tort; et cela ne dispense pas le Nicaragua d’assumer
la responsabilité d’un tel comportement. Le Nicaragua n’a jamaigs dit le

contraire. Cela illustre bien ce qui s’est passé. …[Le Nicaragua] n’avait
nullement l’intention de changer le cours naturel du San Juan. Ce qui
s’est passé, c’est que M. Pastora a outrepassé son mandat et a engagé

des travaux dans le secteur litigieux, ayant interprété l’ordonnance de la
Cour — notamment quant à la définition de la zone litigieuse — d’une
manière différente de celle de son gouvernement, situation dont gce der -
nier n’a été informé que le 18 septembre [2013]. Depuis cette date à

laquelle il a eu connaissance des activités engagées, le Nicaraguag n’en a
nié ni l’existence ni la non-conformité à l’ordonnance de la Cour. Au
contraire, ce que le Nicaragua dit, ce qu’il a toujours dit, c’estg qu’il n’a

pas donné pour instruction à M. Pastora de mener des activités dans la
zone litigieuse, ni attendu de celui-ci qu’il en entreprenne. Celles-ci sont
la conséquence d’un malentendu et non d’un complot.» 11

11. Le Nicaragua a également précisé qu’il n’avait pas eu l’gintention

d’envoyer M. Pastora « dans la zone en litige », et lui avait uniquement
donné pour instruction de « nettoyer le fleuve et les canaux dans des eaux
incontestablement nicaraguayennes », ajoutant qu’il « assum[ait] la res -
ponsabilité des activités non autorisées réalisées à tgort par celui-ci dans la

zone en litige, et a[vait] pris des mesures concrètes pour que cela nge se
reproduise plus » 1. Toutefois, selon lui, la question aujourd’hui posée à
la Cour n’est pas celle de savoir si le Nicaragua est responsable desg actes
13
ultra vires de M. Pastora ; il s’agit de tout autre chose .

3. Second tour de procédure orale

12. Lors du second tour de procédure orale, le Costa Rica a commencé
par déclarer que « M. Pastora et l’autorité portuaire nationale rel[evaient]
de l’Etat nicaraguayen» et qu’ils étaient investis «du pouvoir … réel — au

moins jusqu’au 22 septembre 2013 — pour effectuer les travaux dans le
territoire litigieux »14, avant d’ajouter :

«[l]e seul élément versé au dossier est l’autorisation spégcifique don -
née à M. Pastora et à l’autorité portuaire nationale pour mettre en

œuvre le projet tendant à l’« amélioration de la navigation sur le
fleuve San Juan de Nicaragua ». Il n’a jamais été question d’excès de
pouvoir à l’occasion de la précédente demande. » 15

11CR 2013/25, p. 22-23, par. 20-21.
12Ibid., p. 28-29, par. 42-43.
13Ibid., p. 50-51, par. 21-22.
14Le Costa Rica a ajouté que « [p]armi les éléments de preuve versés au dossier ne
figure aucune instruction du Nicaragua qui soit postérieure à l’gordonnance de la Cour
du 8 mars 2011 et qui leur interdise d’effectuer ces travaux » (CR 2013/26, p. 12, par. 12).
15Ibid., p. 12, par. 13.

25

5 Ord 1051.indb 47 24/06/14 15:58 376 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

Costa Rica then added that :

“Nicaragua now finally accepts that its personnel were constructing
and dredging the caños (. . .), its personnel have entered the disputed

territory in breach of [the Court’s] Order and carried out activitiesg
there. It finally accepts that its army, camped in close and convenient
proximity to the lagoon at the end of the eastern caño, must have
known of it. It accepts that it is responsible for the acts of Mr. Pas -

tora, its government delegate, and it is responsible for the acts of itsg
government department, the National Port Authority. These reluc -
tant concessions can hardly be considered timely : they finally came

yesterday, 36days after we wrote to protest, 36days after we provided
the co-ordinates of the new caños. But Nicaragua has still not admit -
ted that its Mr. Pastora, his dredgers and the National Port Author -
ity personnel were authorized to go there in the first place. (. . .) [T]hey

had ostensible authority to do so, and there is nothing in the eviden -
tiary record to suggest otherwise.” 16

13. Moreover, Costa Rica retorted that “the construction of the new
caños” could not be portrayed as a “simple blunder”. It insisted on gits

argument pertaining to the presence of “the Sandinista youths” in gthe
“disputed area”, stating that there was evidence to this effect.g Thus, its
Note to Nicaragua of 16 September 2013 “not only protested the con -
struction of new caños, but it pointed out that the Nicaraguan media

reported on 9 September that some 10,000 youths had already visited the
area” 17. Costa Rica further stated that “Nicaragua admitted that it has
breached the 2011 Order”; yet, it has provided “no evidence (. . .) about
18
the present state of the caño, its depth, its carrying capacity, its length” .
To Costa Rica,

“Nicaragua’s belated explanations (. . .) do not provide sufficient
protection of Costa Rica’s rights. (. . .) Yesterday Nicaragua told [the
ICJ] that it had breached [its] 2011 Order. (. . .) the measures

Costa Rica requests are urgently needed to prevent irreparable pre-
judice to its rights. (. . .) Costa Rica merely asks the Court to exercise
its power to preserve and protect Costa Rica’s rights ; rights which
are at imminent risk of being irreparably harmed.” 19

14. For its part, Nicaragua, at the second round of oral arguments,
began by stating that “Mr. Pastora did what he did, and Nicaragua does
not deny responsibility for his actions. (. . .) The evidence shows that
Nicaragua did not ‘send’ Mr. Pastora to the disputed area, or ‘maintain’

16
17 CR 2013/26, pp. 20-21, para. 43, and cf. paras. 40 and 46.
18 Ibid., p. 22, para. 47.
19 Ibid., p. 22, para. 48.
Ibid., p. 34, para. 3.

26

5 Ord 1051.indb 48 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 376

Le Costa Rica a ensuite fait valoir ce qui suit :

«Le Nicaragua reconnaît enfin maintenant que ses agents ont percég
et dragué les caños … en violation de l’ordonnance de la Cour, que ses

agents ont pénétré dans le territoire litigieux pour y mener des activi -
tés. Il reconnaît enfin que ses forces armées, commodémentg installées à
proximité de la lagune située à l’extrémité du caño oriental, étaient
probablement au courant. Il reconnaît enfin qu’il est responsable des

actes de M. Pastora, le représentant de son gouvernement, et de ceux
de son organe administratif, l’autorité portuaire nationale. Faitegs à
contrecœur, ces concessions sont pour le moins tardives: elles ont fini

par arriver hier, soit trente-six jours après notre protestation écrite,
trente-six jours après que nous avons fourni les coordonnées des nou -
veaux caños. Pourtant, le Nicaragua n’a toujours pas reconnu que
M. Pastora, ses dragueurs et les agents de l’autorité portuaire natiog -

nale ont initialement été autorisés à se rendre dans le terrgitoire liti -
gieux. … [I]ls avaient manifestement le pouvoir d’effectuer les travaux
et aucun élément versé au dossier ne donne à entendre le congtrair» e.16

13. Par ailleurs, a également souligné le Costa Rica, le « percement des
nouveaux caños» ne saurait être qualifié de «simple bévue». Il a insisté sur

son argument relatif à la présence de membres de la « jeunesse sandiniste»
dans la « zone litigieuse», affirmant qu’il existait des preuves à cet égard.
Ainsi, dans sa note adressée au Nicaragua le 16 septembre 2013, il « a non
seulement protesté contre le percement de nouveaux caños, mais a fait

observer qu’un journal nicaraguayen avait signalé, le 9 septembre, que
10 000 jeunes s’étaient déjà rendus dans la zone » 17. Selon le Costa Rica,
«[l]e Nicaragua a admis avoir violé l’ordonnance de 2011 » et n’a cepen -

dant fourni «aucun élément … en ce qui concerne l’état 18tuel du caño, sa
profondeur, son débit possible ou sa longueur » . Il a également affirmé :

«[L]es explications tardives … du Nicaragua ne suffisent pas à proté -
ger [l]es droits [du Costa Rica]. … Hier encore, le Nicaragua a …
reconnu [devant la Cour] qu’il n’avait pas respecté l’ordonngance

de 2011. … [L]es mesures demandées par le Costa Rica s’imposent de
manière urgente afin d’empêcher qu’un préjudice irrégparable soit porté
à ses droits. … Le Costa Rica demande simplement à la Cour d’exercer
le pouvoir qui est le sien afin de sauvegarder et de protéger ses dgroits,
19
lesquels sont exposés à un risque imminent de préjudice irrégparab» le.

14. Le Nicaragua a, pour sa part, commencé le second tour de plaidoi -
ries en affirmant : « M. Pastora a fait ce qu’il a fait, et le Nicaragua n’en
rejette pas la responsabilité. … Il ressort donc des éléments de preuve que
le Nicaragua n’a pas «envoyé» M. Pastora dans la zone en litige, pas plus

16
17 CR 2013/26, p. 20-21, par. 43 ; voir également par. 40 et 46.
18 Ibid., p. 22, par. 47.
19 Ibid., p. 22, par. 48.
Ibid., p. 34, par. 3.

26

5 Ord 1051.indb 49 24/06/14 15:58 377 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

him there, as prohibited by the first operative paragraph of the Courtg’s
20
March 2011 Order” . And Nicaragua added that

“It is notable that Costa Rica’s request for new provisional meas -
ures does not complain about the presence of this military camp,
which is in plain sight. (. . .) This is offered as evidence that a crew of

workmen was clearing caños in the wetland, not that Nicaragua is
unlawfully (. . .) maintaining a small military camp on the beach.
There is no mention of the military camp anywhere in Costa Rica’s
21
request.”

15. As to the works carried out under the direction of Mr. E.Pastora —
which Costa Rica alleges were undertaken in the “contested territory” —
Nicaragua argues that, in requesting

“the withdrawal of the small Nicaraguan detachment stationed on the

left bank, Costa Rica is modifying the very definition of the ‘dispguted
territory’ (. . .). [T]his constitutes a new claim, which cannot be made
at this stage : it is the Application which defines the limits of the case
(. . .). Costa Rica cannot today go back on what it wrote in order to

enlarge the scope of its Application by surreptitiously redefining itsg
territorial scope.” 22

Yet, it conceded that :

“Nicaragua was ‘perhaps’ responsible for the actions of Mr. Pastora.
(. . .) [E]ven if he is not minister, but only treated as a senior govern -
ment official, Mr. Pastora does exercise official duties ; (. . .) the work

on the canals (. . .) is, without any doubt, incompatible with the terms
of your Order of 2011 ; and these terms (. . .) are legally binding on
the Parties.” 23

4. General Assessment

16. The point which was object of most submissions of the Parties

(supra) during the oral hearings of 14-17 October 2013 was the dredg -
ing and dumping works undertaken, allegedly by Nicaragua, after
June 2013, in the construction of the two “caños” in the disputed area. In
its own assessment, the Court found, in the present Order, that, in the g

new situation thus created in the “disputed territory”, the requisgites of
urgency and real and imminent risk of “irreparable prejudice” are gpresent
therein (paras. 49-50), requiring from it new provisional measures of

protection.

20 CR 2013/27, p. 13, para. 22.
21 Ibid., p. 17, para. 36.
22
23 Ibid., p. 31, para. 13.
Ibid., p. 33, para. 18.

27

5 Ord 1051.indb 50 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 377

qu’il ne l’y a « maintenu», conformément à l’interdiction énoncée au pre -
mier paragraphe du dispositif de l’ordonnance rendue par la Cour en
20
mars 2011. » Il a poursuivi en ces termes :

«Il est à noter que, dans sa demande en indication de nouvelles
mesures conservatoires, le Costa Rica ne se plaint nullement de la
présence de ce campement militaire, qui est pourtant exposé à tgous
les regards. … Cette image est censée prouver qu’une équipe d’ou -

vriers était en train de nettoyer les caños dans la zone humide, et non
que le Nicaragua maintient illicitement … un petit campement mili -
taire sur la plage, lequel n’est d’ailleurs mentionné nulle pargt dans la
21
demande du Costa Rica. »
15. Pour ce qui concerne les travaux exécutés sous la direction de

M. E. Pastora, dont le Costa Rica affirme qu’ils ont été menés dans le
«territoire contesté», le Nicaragua a avancé que, en sollicitant

«le retrait du petit détachement nicaraguayen stationné sur la rive
gauche, le Costa Rica [avait] modifié la définition même du « terri-
toire contesté », [et que ceci] constituait une prétention nouvelle qui

ne saurait être formulée à ce stade : c’est la requête qui fixe les
contours de l’affaire. … Le Costa Rica ne peut aujourd’hui s’en
dédire pour élargir la portée de sa requête en redéfinissant subrepti -
22
cement son champ d’application territoriale. »
Il a toutefois concédé :

«le Nicaragua est «peut-être» responsable des actions de M. Pastora.

… [M]ême s’il n’est pas ministre mais seulement assimilé gà un direc -
teur d’administration centrale, M. Pastora exerce des fonctions offi -
cielles; les travaux effectués sur les canaux … sont, sans aucun doute,
incompatibles avec les indications de votre ordonnance de 2011 ; et
23
ces mesures … sont juridiquement obligatoires pour les Parties. »

4. Appréciation générale

16. Le point sur lequel les Parties se sont le plus attardées dans leurs g
conclusions (supra), lors des audiences tenues du 14 au 17 octobre 2013,
concerne les activités de dragage et de déversement de matériaugx préten-

dument entreprises par le Nicaragua après juin 2013, dans le cadre de la
construction de deux « caños » dans la zone en litige. La Cour, dans son
ordonnance, a considéré que la nouvelle situation ainsi créége dans le « ter-
ritoire litigieux » présentait les conditions requises d’urgence et de risque

réel et imminent de « préjudice irréparable » (par. 49-50), justifiant l’indi -
cation de nouvelles mesures conservatoires.

20
21 CR 2013/27, p. 13, par. 22.
22 Ibid., p. 17, par. 36.
23 Ibid., p. 31, par. 13.
Ibid., p. 33, par. 18.

27

5 Ord 1051.indb 51 24/06/14 15:58 378 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

17. The dredging operations for the construction of the two “caños”,

the Court added, “were carried out by a group of [Nicaraguan] nationagls
led by Mr. Pastora”, who was officially appointed “to carry out this proj -
ect” (para. 45). In carrying out such construction and the digging of the
trench, they have caused “a change in the situation in the disputed tgerri -

tory”, after its recent Order of 16 July 2013 (para. 44). The Court then
decided to indicate the new provisional measures contained in the Order g
it has just adopted today, 22 November 2013.
18. As to the other point which was the object of submissions of the

Parties, concerning the Nicaraguan military encampment in the area, it
appears from the arguments of the Parties during the oral hearings held g
in October 2013 , and from the complementing evidence which the Par -
ties submitted to the Court (photographs and satellite images), that ag

Nicaraguan military encampment indeed exists in the region, and after
the Court’s previous Order of 8 March 2011. As to its location, the con -
tending Parties submitted arguments as to its presence within “disputged
territory” , as defined by the Court’s Order of 8 March 2011 26.

19. The evidence submitted to the Court, however, led to its finding
that the military encampment is indeed located within the “disputed ter -
ritory”, as the Court has concluded in the present Order (para. 46) ; the
Court added that the “ongoing presence of this encampment” is con -

firmed by recent satellite images and [a] photograph (para. 46). Recalling,
in this respect, that the previous Order of 8 March 2011 determined that
the Parties ought to “refrain from sending to, or maintaining in the gdis -
puted territory, including the caño, any personnel, whether civilian, police

or security” (para. 86 (1)), it has become undisputable that the presence
of the Nicaraguan military encampment in the disputed territory, after
the Order of 8 March 2011, is in clear breach of that Order.

III. The Configuration of thge Autonomous Legal Régimge
of Provisional Measuregs of Protection

1. The Task of International Tribunals

20. The new facts of the present case (supra) bring to the fore, in a
prominent way, the issue of the necessary compliance with provisional mea -

24
CR 2013/26, pp. 19-20, paras. 35-39 (Costa Rica) ; CR 2013/25, p. 29, paras. 43-44
(Nicaragua) ;and CR 2013/27, pp. 16-17, paras. 35-37 (Nicaragua).
25 The Court defined the “disputed territory” as “the northern pgart of Isla Portillos,
that is to say, the area of wetland of some 3 square kilometres between the right bank of
the disputed caño, the right bank of the San Juan River up to its mouth at the Caribbean
Sea and the Harbor Head Lagoon” (Order, para. 55).
26 While Costa Rica claimed that the encampment is within the “disputed territory”g as
defined by the Court, Nicaragua contended that Costa Rica did not complain about the
camps until the first day of the hearings, and that, in any event, theg encampment is not

located within the “disputed territory” as defined by the Court.g Cf., e.g., doc. CR 2013/25,
p. 29, paras. 43-44, and cf. also doc. CR 2013/27, pp. 16-17, paras. 35-37.

28

5 Ord 1051.indb 52 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 378

17. La Cour a ensuite fait observer que les opérations de dragage menéges

en vue de la construction des deux « caños » «[étaient] l’œuvre d’un groupe
de ressortissants nicaraguayens conduits par M. Pastora », officiellement
chargé de «mettre en œuvre ce projet» (par. 45). Du fait de ces travaux de

construction et de creusement de la tranchée, «la situation dans le territoire
litigieux a changé » depuis l’ordonnance du 16 juillet 2013 de la Cour
(par. 44). Celle-ci a donc décidé d’indiquer les nouvelles mesures conserva-
toires qui sont énoncées dans l’ordonnance adoptée ce jour, 22 novembre 2013.

18. Pour ce qui est de l’autre point sur lequel ont porté les conclusigons
des Parties, à savoir la présence d’un campement militaire nicagraguayen
dans la zone, il ressort des arguments présentés lors des audiencegs d’oc -
tobre 2013 24et des éléments produits à l’appui de ces arguments (photog-

graphies et images satellite) que ledit campement existe bien, et qu’gil est
postérieur à l’ordonnance du 8 mars 2011. Pour ce qui est de son empla -
cement, les Parties ont plaidé sur la question de savoir s’il se tgrouvait dans
le « territoire litigieux » tel que défini par la Cour dans son ordonnance
26
du 8 mars 2011 .
19. Au vu des éléments versés au dossier, la Cour a cependant conclgu
que le campement militaire était effectivement situé dans le «g territoire liti-

gieux», ainsi qu’il est énoncé dans la présente ordonnance (par. 46); elle
a ensuite précisé que la « présence continue de ce campement » était
confirmée par des images satellite et une photographie récentes (par. 46).
Rappelant, à cet égard, la conclusion figurant dans son ordonnangce du

8 mars 2011 selon laquelle les Parties devaient « s’abst[enir] d’envoyer ou
de maintenir sur le territoire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils
soient civils, de police ou de sécurité » (par. 86, point 1), la Cour a estimé
que la présence d’un campement militaire nicaraguayen dans le terrgitoire

litigieux après l’ordonnance du 8 mars 2011 constituait incontestablement
une violation patente de cette ordonnance.

III. Structuration d’un réggime juridique autonogme
des mesures conservatogires

1. La mission des tribunaux internationaux

20. Les faits nouveaux intervenus en la présente affaire (supra) posent de
manière particulièrement cruciale la question de la nécessaire gmise en œuvre

24 CR 2013/26, p. 19-20, par. 35-39 (Costa Rica) ;CR 2013/25, p. 29, par. 43-44 (Nica-

rag25) ;et CR 2013/27, p. 16-17, par. 35-37 (Nicaragua).
La Cour a défini lterritoire litigieux »comme «la partie septentrionale de Isla Portillos,
soit la zone humide d’environ trois kilomètres carrés comprise gentre la rive droite du caño
litigieux, la rive droite du fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des
Caraïbes et la lagune de Harbor Head »(ordonnance, par. 55).
26 Selon le Costa Rica, ce campement est situé dans le «territoire litigieux » tel que
défini par la Cour, ce à quoi le Nicaragua a opposé que, jusqgu’au début des audiences, le
Costa Rica ne s’était nullement plaint de sa présence et que, egn tout état de cause, il ne se
trouvait pas dans le « territoire litigieux » défini par la Cour. Voir notamment CR 2013/25,
p. 29, par. 43-44, ainsi que CR 2013/27, p. 16-17, par. 35-37.

28

5 Ord 1051.indb 53 24/06/14 15:58 379 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

sures of protection. This issue can be properly addressed, in my under -
standing, within the framework of what I behold as the autonomous legal
régime of those measures. To embark on this task, I move from the facgtual

context onto my considerations at the juridico-epistemological level. Pre -
liminarily, I deem it fit to point out that, it has been in the era ofg contem-
porary international tribunals that provisional measures of protection hgave

seen the light of day, and have flourished, in international legal progcedure.
21. It was indeed with the advent of international tribunals that the
conditions were met to move ahead with provisional measures, in the pur -
suit of the realization of justice, to the benefit of the justiciables in distinct

domains of international law. In the historical trajectory of internatiognal
tribunals, there are antecedents disclosing that, even at an early stageg, one
purported to ascribe obligatory character to provisional measures indi -

cated or ordered by them. This is pointed out, for example, in a pioneerg-
ing study on the matter by Paul Guggenheim, given to the public
in 1931 27. Yet, progress in this respect has been very slow : for example, it

has taken more than half a century for the ICJ to reach the obvious con -
clusion, in 2001, that provisional measures are, under its Statute , binding.

22. Yet, since the beginning of the evolution of provisional measures
of protection in international legal procedure, the issue of compliance g

with them was already present, but was not sufficiently studied and culti -
vated, and, after several decades, there still remains nowadays much to be
studied and cultivated in this matter. Already in the days of the Perma -

nent Court of International Justice (PCIJ), there were indications thagt
provisional measures were meant to be obligatory, in particular those
ordered by the PCIJ and other international tribunals (such as the old
29
Central American Court of Justice) ; already in the era of 30e League of
Nations, those measures were meant to have legal effects .
23. In his early study, Paul Guggenheim lucidly drew attention to the
importance of provisional measures of protection, ultimately, to the prog -
31
gressive development of international law itself . Writing in 1931, the
learned author warned that one of the points to be solved in the future,
was to secure compliance with, and the faithful execution of, those provi -
32
sional measures . And the learned author added, with insight, as to the
consequences of breach of provisional measures, that

27 Cf. P. Guggenheim, Les mesures provisoires de procédure internationale et leur
influence sur le développement du droit des gens, Paris, Rec. Sirey, 1931, p. 177.
28
29 I.e., endowed with a conventional basis (Art. 41).
Cf., in this sense, P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, pp. 24-25, 71-72, 177
and 187, and cf. p. 33.
30 Ibid., p. 58.
31 Cf. ibid., pp. 195-196.
32 As “today, international law, most often, does not yet have the meansg to secure
compliance with its orders or, at the very least, to supervise the execugtion of orders issued
by its collective bodies” (ibid., p. 175, and cf. p. 59).

29

5 Ord 1051.indb 54 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 379

des mesures conservatoires. Il est, de mon point de vue, judicieux d’exami-
ner ces mesures dans le cadre de ce que je considère comme leur régime
juridiqueautonome. Je délaisserai donc, aux fins de cet exercice, l’examen du

contexte factuel pour passer à des considérations d’ordre à gla fois juridique
et épistémologique. Avant toute chose, il me semble utile de rappegler que
c’est avec les tribunaux internationaux contemporains que la procégdure

judiciaire internationale a vu naître et prospérer les mesures congservatoires.
21. C’est, en effet, avec l’apparition des tribunaux internationaux que
les conditions se sont trouvées réunies pour que, dans le cadre deg la quête
d’une réalisation de la justice dans l’intérêt des justicgiables, les mesures

conservatoires se développent dans différents domaines du droit interna -
tional. L’histoire des tribunaux internationaux est jalonnée d’géléments
révélant, dès les débuts, une volonté de conférer un cgaractère obligatoire

aux mesures conservatoires indiquées ou ordonnées. C’est ce que souligne
notamment une étude novatrice réalisée dans ce domaine par Paul Gug -
genheim, et rendue publique en 1931 27. Les progrès en ce sens ont toute -

fois été extrêmement lents, et il a ainsi fallu à la Cour plgus d’un demi-siècle
pour qu’elle trouve l’occasion, en 2001, d’énoncer la conclusion évidente
selon laquelle les mesures conservatoires qu’elle indique sont, en vegrtu de
28
son Statut, revêtues d’un caractère obligatoire .
22. Or, depuis le début de l’évolution des mesures conservatoires dgans
la procédure judiciaire internationale, la question, bien que présgente, de

leur mise en œuvre a été insuffisamment étudiée et approgfondie, et, plu -
sieurs décennies après, beaucoup reste encore à faire à cet gégard. A
l’époque de la Cour permanente de Justice internationale (CPJI),g déjà,

certains indices donnaient à penser que les mesures conservatoires,
notamment celles ordonnées par la CPJI et d’autres tribunaux intergnatio -
naux (tels que l’ancienne Cour de Justice centraméricaine), avaigent voca-
29
tion à être obligatoires ; à l’ère de la Société 30s Nations, ces mesures
étaient déjà censées avoir des effets juridiques .
23. Dans son étude pionnière, Paul Guggenheim avait insisté sur l’im -
portance, à terme, des mesures conservatoires pour le développemengt
31
même du droit international . Ecrivant en 1931, l’éminent auteur souli -
gnait que l’une des priorités pour l’avenir serait d’assurer la mise en œuvre
et l’exécution conforme de ces mesures conservatoires 32. A propos des

conséquences de leur inexécution, il ajoutait avec perspicacitég que,

27Voir P. Guggenheim, Les mesures provisoires de procédure internationale et leur
influence sur le développement du droit des gens, Paris, Libr. Rec. Sirey, 1931, p. 177.
28
29C’est-à-dire dotées d’une base conventionnelle (art. 41).
Voir, à cet égard, P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 24-25, 71-72, 177 et 187;
voir également p. 33.
30Ibid., p. 58.
31Voir ibid., p. 195-196.
32La raison étant que « le droit international, de nos jours, ne dispose pas encore, le
plus souvent, de moyens propres pour assurer l’exécution de ses orgdres ou pour contrôler
du moins l’exécution des ordonnances de ses organes collectifs » (ibid.,p. 175 ;et voir p. 59).

29

5 Ord 1051.indb 55 24/06/14 15:58 380 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

“[s]ooner or later, the case law of the Permanent Court of Interna -
tional Justice or of competent tribunals will assuredly succeed in gain-
ing acceptance of the fact that non-compliance with provisional
measures ordered by such courts, must, by reason of the harm caused

(regardless of the fault, or otherwise, of the author), have the effgect
in law of giving rise to a right to reparation.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . g . . . . . . . . . . . . . .

[I]n my view, the responsibility ultimately incumbent upon those
members [of the international community itself] cannot be replaced
by provisional measures of the collective bodies established by them.

Nevertheless, the major ‘final’ decisions of international life – whether
political or legal – are themselves, in the end, also provisional, in
keeping with the adage, so profoundly true: ‘Il n’y a que le provisoire
33
qui dure’ (only the provisional endures).”
24. As I pointed out almost one decade ago, the gradual conceptual -

ization of the autonomous international responsibility in respect of provi -
sional measures of protection owes much to the expansion of those
measures at international level in our times, calling for the configurgation
34
of a legal régime of their own , thanks to the operation of contemporary
international tribunals. In our days, there is indeed a growing attentiogn to
the importance of provisional measures of protection in expert writing 35,
but advances in case law remain rather slow, as international tribunals

have not yet elaborated on their autonomous legal régime, nor have they
so far extracted the legal consequences of non-compliance with those
measures. But at least the issue has been identified for forthcoming dgevel -

opments, hopefully.

2. A Reassuring Jurisprudential Construction
(2000‑2013)

25. And there have, however, been some endeavours clearly to this

effect. Within the ICJ, for example, in my dissenting opinion in the

33
P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, pp. 197-198 [translation by the Registry].
34Cf. A. A. Cançado Trindade, “Les mesures provisoires de protection dans la juris-
prudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme”, Mesures conservatoires et
droits fondamentaux (eds. G. Cohen Jonathan and J.-F. Flauss), Brussels, Bruylant/
Nemesis, 2005, pp. 145-163.
35Cf., inter alia, e.g., [Various Authors], Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le
contentieux devant les juridictions internationales : regards croisés (eds. H. Ruiz Fabri and

J.-M. Sorel), Paris, Pedone, 2003, pp. 7-180 and 205-210 ; A. A. Cançado Trindade, “La
Expansión y la Consolidación de las Medidas Provisionales de Protección en la Jurisdicción
Internacional Contemporánea”, Retos de la Jurisdicción Internacional (eds. S. Sanz Cabal -
lero and R. Abril Stoffels), Cizur Menor (Navarra), Civitas/Thomson Reuters, 2012,
pp. 99-117; T. Treves, “Mesures conservatoires et obligations environnementales — Tribunal
international du droit de la mer et Cour internationale de Justice”, gibid.,pp. 119-137 ; and
cf., for a general study, Eva Rieter, Preventing Irreparable Harm — Provisional Measures in
International Human Rights Adjudication, Maastricht, Intersentia, 2010, pp. 3-1109.

30

5 Ord 1051.indb 56 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 380

«[t]ôt ou tard, la jurisprudence de la Cour permanente de Justice
internationale ou des tribunaux compétents réussira certainement à
faire admettre que l’inexécution des mesures provisoires ordonnéges
par ces juridictions, en raison du dommage causé (avec ou sans la

faute de l’auteur), a pour effet juridique d’ouvrir un droit àg la répa -
ration du dommage.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . g . . . . . . . . . . . . . .

[I]l ne semble guère possible de substituer à la responsabilité qui
incombe en dernier lieu à ces membres [de la communauté internatiog -
nale elle-même] des mesures provisoires des organes collectifs institués

par eux. Néanmoins, les grandes décisions «définitives» de la vie inter-
nationale — d’ordre politique ou d’ordre juridique — ont, elles aussi,
en fin de compte, un caractère provisoire, conformément à l’gadage, d’une
33
si profonde vérité: «Il n’y a que le provisoire qui dure.»»
24. Comme je le soulignais il y a près de dix ans, la constitution pro -

gressive d’un concept de responsabilité internationale autonomeen matière
de mesures conservatoires doit beaucoup à l’expansion qu’ont régcemment
connue ces mesures au niveau international — grâce à l’action des tribu -

naux internationaux contemporains —, expansion qui a débouché sur la 34
nécessité de configurer un régime juridique qui leur soit progpre . Si, de
nos jours, une attention croissante est portée, dans la littérature spécia-
lisée, à l’importance des mesures conservatoires 35, les avancées de la

jurisprudence demeurent assez lentes, et il reste encore aux tribunaux
internationaux à élaborer le régime juridique autonome de ces mesures, et
à extraire les conséquences juridiques de leur défaut de mise egn œuvre. A

tout le moins les contours de la question ont-ils été tracés en vue, peut-on
espérer, de développements prochains.

2. Un édifice jurisprudentiel dont il y a tout lieu de se féliciter
(2000‑2013)

25. De toute évidence, des efforts ont néanmoins déja été entrepris en

ce sens, notamment au sein de la Cour. Ainsi, dans mon opinion dissi -

33
P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 197-198.
34Voir A. A. Cançado Trindade, « Les mesures provisoires de protection dans la juris-
prudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme »,Mesures conservatoires et
droits fondamentaux (G. Cohen Jonathan et J.-F. Flauss, dir. publ.), Bruxelles, Bruylant/
Nemesis, 2005, p. 145-163.
35Voir notamment [différents auteurs], Le contentieux de l’urgence et l’urgence dans le
contentieux devant les juridictions internationalesr:egards croisés (H. Ruiz Fabri et J.-M. Sorel,

dir. publ.), Paris, Pedone, 2003, p. 7-t05-210; A. A.Cançado Trindade, «La Expansión
y la Consolidación de las Medidas Provisionales de Protección en lga Jurisdicción Internacional
Contemporánea », Retos de la Jurisdicción Internacional (S. Sanz Caballero et R. Abril Stof-
fels, dir. publ.), Cizur Menor (Navarre), Civitas/Thomson Reuters, 20g12, p.1.7Treves,
«Mesures conservatoires et obligations environnementales — Tribunal international du droit
de la mer et Cour internationale de Justice » , ibid., p. 119-137 ; pour une analyse générale,
voir Eva Rieter, Preventing Irreparable Harm —Provisional Measures in International Human
Rights Adjudication, Maastricht, Intersentia, 2010, p. 3-1109.

30

5 Ord 1051.indb 57 24/06/14 15:58 381 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

Court’s Order (of 28 May 2009) in the case of Questions relating to the
Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), in which the

Court refrained from indicating the requested provisional measures of
protection, I deemed it fit to examine, inter alia, the transposition of such
measures from legal proceedings in comparative domestic procedural law

onto the international legal procedure (paras. 5-7) and their juridical
nature and effects (paras. 8-13). I then drew attention to the relevance of
compliance with provisional measures of protection, which has “a direct
bearing upon the rights invoked by the contending parties” (para. 14).

26. In reality, depending on the rights which are at stake, provisional
measures may assume a character, more than precautionary, truly tute ‑
lary, directly related, as they are, to the realization of justice itself. Ign that
same dissenting opinion I pondered that, this being so, provisional mea -

sures of protection, “with their preventive dimension, can indeed congtrib -
ute to the development of international law” (para. 94). For that to
happen, there remains a long way to go, in the refinement of their autgo-

nomous legal régime, as I have further pointed out on earlier occasiogns.

27. It is necessary, to start with, to bear in mind the advances already
achieved in international case law in this respect. One decade ago, in 2000,

I had the occasion, in another international jurisdiction, to dwell upong
the legal nature of provisional measures of protection 3. Half a decade
later the time seemed ripe, on the basis of the experience accumulated ogn
the matter, to dwell upon the autonomous legal régime of those mea -
37
sures . Thus, in the case of the Community of Peace of San José of
Apartadó (provisional measures of 2 February 2006), I stated that

“[p]rovisional measures of protection bring about obligations for theg
States at issue, which are distinguished from the obligations which

emanate from the judgments as to the merits of the respective cases.
There are effectively obligations emanated from provisional measures
of protection per se. They are entirely distinct from the obligations

which eventually ensue from a judgment as to the merits (and also,
reparations) in the cas d’espèce. This means that provisional measures
of protection constitute a juridical institute endowed with an auto‑
nomy of its own, what, in turn, reveals the high relevance of the pre ‑

ventive dimension (. . .). Provisional measures of protection, endowed

36 Cf. Inter-American Court of Human Rights [IACtHR], case of the Haitians and
Dominicans of Haitian Origin in the Dominican Republic v. Dominican Republic (provisional
measures of 18 August 2000), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras 13-25.
37 Cf. IACtHR, case of Eloísa Barrios and Others v. Venezuel(provisional measures
of 29 June 2005), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras. 4-11 ; IACtHR,

case of Eloísa Barrios and Others v. Venezuela(provisional measures of 22 September
2005), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras. 2-9 IACtHR, case of the
Children and Adolescents Deprived of Their Freedom in the ‘Complex of▯ Tatuapé’ of FEBEM
v. Brazil (decision of 17 November 2005), concurring opinion of Judge Cançado Trindade,
paras. 1-10.

31

5 Ord 1051.indb 58 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 381

dente jointe à l’ordonnance du 28 mai 2009 en l’affaire relative à des
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique

c. Sénégal), dans laquelle la Cour avait refusé d’indiquer les mesures
conservatoires sollicitées, j’ai souligné qu’il convenait d’examiner notam -
ment la transposition de telles mesures, issues du droit procédural ignterne

comparé, dans l’ordre juridique international (par. 5-7), ainsi que leur
nature et leurs effets juridiques (par. 8-13). J’ai ensuite appelé l’attention
sur l’importance du respect des mesures conservatoires, qui « a une inci -
dence directe sur les droits invoqués par les parties en litige » (par. 14).

26. En réalité, selon la nature des droits en jeu, les mesures conservga -
toires peuvent avoir un caractère non pas uniquement préventif, mais
proprement tutélaire, en ce qu’elles sont directement liées à la réalisation
de la justice. Dans cette même opinion dissidente, j’insistais surg le fait

que, dans ces conditions, les mesures conservatoires, « avec leur dimen -
sion préventive, peuvent bel et bien contribuer au développement dgu droit
international» (par. 94). Avant que cela ne se réalise, il reste toutefois fort

à faire au niveau de l’affinement de leur régime juridique autonome,
comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises.
27. Il conviendra cependant, dans un premier temps, de garder à l’es -
prit les avancées déjà accomplies à cet égard dans la jurgisprudence inter-

nationale. Il y a une dizaine d’années, en 2000, j’ai eu l’occasion, au sein
d’une autre juridiction internationale, de me pencher sur la nature juri ‑
dique des mesures conservatoires 3. Cinq ans plus tard, au vu de l’expé -
rience accumulée en la matière, il m’a semblé opportun d’gexaminer le
37
régime juridique autonome de ces mesures . Ainsi, en l’affaire de la « Com‑
munauté de paix » de San José de Apartadó (décision du 2 février 2006),
j’ai indiqué que,

«[l]es mesures conservatoires entraînent, pour les Etats en cause, desg
obligations distinctes de celles émanant des décisions rendues surg le

fond de l’affaire en question. Il existe, de fait, des obligations ggéné -
rées par les mesures conservatoires elles-mêmes, qui sont entièrement
distinctes de celles qui découleront, en fin de compte, de la dégcision

sur le fond (ainsi que des réparations) dans le cas d’espèce. Ainsi les
mesures conservatoires constituent-elles une institution juridique
dotée d’une autonomie propre, ce qui révèle également l’importance
particulière de leur dimension préventive. … Les mesures conserva -

toires, ainsi dotées de cette autonomie, ont un régime juridique qui

36 Voir Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH), affaigre des Haïtiens et
Dominicains d’origine haïtienne en République dominicaine c. République dominicaine (déci
sion du 18 août 2000), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 13-25.
37 Voir CIADH, affaire relative à Eloísa Barrios et autres c. Venezuela (décision du
29 juin 2005), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 4-11CIADH,

affaire relative à Eloísa Barrios et autres c. Venezuela (décs2ptembre 2005), opinion
concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 2-9 ; CIADH, affaire du «Complexe du
Tatuapé » de la CASA (ex‑FEBEM) c. Brésil (décision du 17 novembre 2005), opinion
concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 1-10.

31

5 Ord 1051.indb 59 24/06/14 15:58 382 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

as they are with autonomy, have a legal régime of their own, and
non-compliance with them generates the responsibility of the State,
has legal consequences, besides singling out the central position of theg

victim (of such non-compliance), without prejudice to the examina -
tion and resolution of the concrete case as to the merits.” 38

28. One has here in mind, of course, provisional measures of protec -
tion endowed with a conventional basis, and ordered or indicated by inter-

national tribunals. The figure of the “injured party” may thus aglso appear,
in my perception, in the realm of provisional measures of protection, ing
case of non-compliance with them. Accordingly, non-compliance with, or

breach of, such measures, engages autonomously the international
responsibility of the State at issue, within the domain of provisional mgea -
sures of protection 39, irrespective of the subsequent judgments as to the

merits of the concrete cases. Hence the utmost importance of compliance g
with those measures 4, for the realization of justice itself.

IV. The Ongoing Constructiong of an Autonomous Legal Rgégime
of Provisional Measuregs of Protection

29. In the previous Court’s Order of 16 July 2013, where it refrained
from indicating the requested provisional measures of protection, I pre -
sented a dissenting opinion wherein, inter alia, I sought to demonstrate

the need to proceed in the conceptual construction of an autonomous legal
régime of provisional measures of protection (paras. 69-76). To that end,
I pondered that

“[c]ompliance with provisional measures of protection runs parallel

to the course of proceedings leading to the Court’s subsequent deci -
sion on the merits of the cases at issue. Should the Court find, e.g.,g a
breach of international law in its decision on the merits of a given

case, and, parallel to that, it further finds non-compliance with its

38IACtHR, case of the Community of Peace of San José of Apartadó v. Colombia
(provisional measures of 2 February 2006), concurring opinion of Judge Cançado Trin -

dade, paras. 6-7, and cf.also paras. 4 and 8-10 and cf., to the same effect, IACtHR,
case of the Communities of Jiguamiandó and Curbaradó v. Colombia (provisional measures
of 7 February 2006), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras. 6-7, and
cf. also paras. 4 and 8-11.
39Cf. also, in this sense, IACtHR, case of the Prisons of Mendoza v. Argentina (provi-
sional measures of 30 March 2006), concurring opinion of Judge Cançado Trindade,
paras. 11-12 ; IACtHR, case of the Prison of Araraquara v. Brazi(provisional measures
of 30 September 2006), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras. 24-25.
40
Cf. in this sense, IACtHR, case of the Communities of Jiguamiandó and Curbaradó v.
Colombia (provisional measures of 15 March 2005), concurring opinion of Judge Cançado
Trindade, paras. 4 and 10 ; case of the Community of Peace of San José of Apartadó v.
Colombia (provisional measures of 15 March 2005), concurring opinion of Judge Cançado
Trindade, paras.4 and 10 ;case of the Indigenous People of Sarayakuv. Ecuador (provisional
measures of 6 July 2004), concurring opinion of Judge Cançado Trindade, paras. 2 and 30.

32

5 Ord 1051.indb 60 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 382

leur est propre : leur absence de mise en œuvre de la part d’un Etat
engage la responsabilité de celui-ci et a des conséquences juridiques ;
elles mettent par ailleurs en évidence la place centrale de la victimge

(de l’absence de mise en œuvre), sans préjuger de l’exameng de l’af -
faire au fond et de la décision rendue à l’issue de cet examen.g» 38

28. L’on pense ici, bien entendu, aux mesures conservatoires dotées
d’une base conventionnelle, et ordonnées ou indiquées par des tribunaux

internationaux. La figure de la «partie lésée» peut ainsi également se faire
jour, selon moi, dans le domaine des mesures conservatoires, lorsque
celles-ci ne sont pas correctement mises en œuvre. Le défaut de mise en

œuvre de telles mesures, voire leur violation, engage automatiquementg la
responsabilité internationale de l’Etat en question, au stade mêgme des
mesures conservatoires 3, indépendamment des décisions rendues par la

suite sur le fond. La mise en œuvre des mesures conservatoires revêgt donc
une importance capitale 40pour la réalisation de la justice en soi.

IV. Les efforts actuels d’gélaboration d’un régigme juridique
autonome des mesures cgonservatoires

29. Dans le cadre de l’ordonnance du 16 juillet 2013 par laquelle la
Cour s’est refusée à indiquer les mesures conservatoires sollicgitées, j’ai
présenté une opinion dissidente dans laquelle je m’efforçagis notamment de

démontrer la nécessité de poursuivre l’élaboration concepgtuelle d’un
régime juridique autonome des mesures conservatoires (par. 69-76). J’ai, à
cet égard, souligné que,

«[l]a mise en œuvre des mesures conservatoires intervient parallèleg -

ment au déroulement de la procédure qui doit conduire à la dégcision
que prendra la Cour sur le fond de l’affaire qui lui est soumise. Sgi,
dans une affaire donnée, la Cour conclut par exemple, dans sa dégci -

sion sur le fond, à l’existence d’une violation du droit interngational et

38 CIADH, affaire relative à la «Communauté de paix » de San José de Apartadó
c. Colombie (décision du 2 février 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin-

dade, par. 6-7 ; voir également par. 4 et 8-10 ; et, sur le même sujet, voir CIADH, affaire
des Communautés du Jiguamiandó et du Curbaradó c. Colombie (décision du 7 février 2006),
opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 6-7 ; voir également par. 4
et 8-11.
39 Voir également, à cet égard, CIADH, affaire des Centres pénitentiaires de Mendoza
c. Argentine (décision du 30 mars 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin-
dade, par. 11-12 ;CIADH, affaire des Centres pénitentiaires d’Araraquara c. Brésil (décision
du 30 septembre 2006), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 24-25.
40
Voir, sur ce point, CIADH, affaire desCommunautés du Jiguamiandó et du Curbaradó
c.Colombie (décision du 15mars2005), opinion concordante de Ml.ejuge CançadoTrindade,
par. 4 et 10 ; CIADH, affaire relative à la «Communauté de paix »de San José de Apartadó
c. Colombie (décision du 15 mars 2005), opinion concordante de M. le juge Cançado Trin -
dade, par. 4 et 10; CIADH, affaire du Peuple autochtone de Sarayaku c. Equateur (décision
du 6 juillet 2004), opinion concordante de M. le juge Cançado Trindade, par. 2 et 30.

32

5 Ord 1051.indb 61 24/06/14 15:58 383 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

provisional measures, this latter is an additional breach of an interna-
tional obligation. In its work in the present context, the Court still

has before itself the task of elaborating on the legal consequences of
non-compliance with provisional measures, endowed, in my percep -
tion, with an autonomy of their own.

Provisional measures of protection indicated or ordered by the ICJ
(or other international tribunals) generate per se obligations for the

States concerned, which are distinct from the obligations which ema -
nate from the Court’s (subsequent) judgments on the merits (and ong
reparations) of the respective cases. In this sense, in my conception,
provisional measures have an autonomous legal régime of their own,

disclosing the high relevance of their preventive dimension. Parallel to
the Court’s (subsequent) decisions on the merits, the internationalg
responsibility of a State may be engaged for non-compliance with, or

breach of, a provisional measure of protection ordered by the Court
(or other international tribunals).
My thesis, in sum, is that provisional measures, endowed with a
conventional basis — such as those of the ICJ (under Article 41 of

the Statute) — are also endowed with autonomy, have a legal régime
of their own, and non-compliance with them generates the responsi -
bility of the State, entails legal consequences, without prejudice of the
examination and resolution of the concrete cases as to the merits. This g

discloses their important preventive dimension, in their wide scope.
The proper treatment of this subject-matter is the task before this
Court, now and in the years to come.” (Paras. 70-72.)

30. This is, after all, I then proceeded, a matter of much importance
for the progressive development of international law (para. 74). A related
aspect to be kept in mind, I continued, is

“The juridical nature of provisional measures, with their preventive

dimension, has lately been clarified by a growing case law on the mat -
ter, as those measures came to be increasingly indicated or ordered, in
recent years, by contemporary international 41, as well as national 42,
43
tribunals . Soon the recourse to provisional measures of protection,

41 Cf. R. Bernhardt (ed.), Interim Measures Indicated by International Courts, Berlin/
Heidelberg, Springer-Verlag, 1994, pp. 1-152.

42
Cf. E. García de Enterria, La Batalla por las Medidas Cautelares, 2nd [enlarged] ed.,
Mad43d, Civitas, 1995, pp. 25-385.
Cf. also L. Collins, “Provisional and Protective Measures in International Litigag -
tion”, 234 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye (1992), pp. 23,
214 and 234.

33

5 Ord 1051.indb 62 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 383

estime, parallèlement, que les mesures conservatoires qu’elle a ingdi -
quées n’ont pas été dûment mises en œuvre, cette absence de mise en

œuvre constitue une violation supplémentaire d’une obligation inter -
nationale. Dans le cadre de ses travaux en la matière, la Cour doit
encore approfondir la question des conséquences juridiques d’une

absence de mise en œuvre des mesures conservatoires, lesquelles, de
mon point de vue, jouissent d’une autonomie qui leur est propre.
Les mesures conservatoires indiquées ou ordonnées par la Cour (oug
par tout autre tribunal international) génèrent en elles-mêmes, pour

les Etats concernés, des obligations distinctes de celles découlangt de la
décision (ultérieurement) rendue sur le fond de l’affaire cgonsidérée…
En ce sens, les mesures conservatoires participent, me semble-t-il,
d’un régime juridique autonome qui leur est propre, caractériség par

l’importance particulière de leur dimension préventive. Indépendam -
ment de la décision (ultérieurement) rendue par la Cour sur le fgond,
la responsabilité internationale d’un Etat peut être engagéeg en raison

de l’absence de mise en œuvre ou de la violation d’une mesure conser -
vatoire ordonnée par la Cour (ou par un autre tribunal internationalg).
En somme, je suis d’avis que les mesures conservatoires, dotées
d’une base conventionnelle — comme celles indiquées par la Cour

(en application de l’article 41 de son Statut) —, jouissent également
d’une autonomie propre en ce qu’elles relèvent d’un régimge juridique
spécifique, et que toute absence de mise en œuvre engage la respgon -
sabilité de l’Etat concerné et entraîne des conséquences gjuridiques,

sans préjudice de l’examen au fond de l’affaire en question egt de la
décision rendue à cet égard. Cela met en lumière l’importante dimen -
sion préventive de telles mesures, ainsi que leur portée. Il incomgbe à

la Cour, aujourd’hui et dans les années à venir, d’examiner gcette
question comme il se doit. » (Par. 70-72.)

30. Ainsi que je l’indiquais ensuite, cette question revêt, en fin dge
compte, une importance capitale pour le développement du droit internga -
tional (par. 74). Un autre aspect, étroitement lié au précédent, doit,

comme je le faisais ensuite observer, demeurer présent à l’esprgit:
«Une jurisprudence sans cesse plus abondante en la matière

— pareilles mesures étant de plus en plus fréquemment indiquées ogu
ordonnées par les tribunaux 41internationaux 42et nationaux 43 — a
depuis quelque temps permis de préciser la nature juridique des

mesures conservatoires, et en particulier la dimension préventive. Leg

41Voir L. Collins, « Provisional and Protective Measures in International Litigation »,
Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Hvol. 234 (1992), p. 23,
214 et 234.
42
Voir R. Bernhard (dir. publ.), Interim Measures Indicated by International Courts,
Ber43n/Heidelberg, Springer-Verlag, 1994, p. 1-152. e
Voir E. García de Enterria, La Batalla por las Medidas Cautelares, 2 éd. [augmentée],
Madrid, Civitas, 1995, p. 25-385.

33

5 Ord 1051.indb 63 24/06/14 15:58 384 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

also at international level, had the effect of expanding the domain ofg
international jurisdiction, with the consequent reduction of the
44
so-called ‘reserved domain’ of the State . This grows in importance
in respect of régimes of protection, such as those of the human person
as well as of the environment. The clarification of the juridical natugre
of provisional measures is, however, still the initial stage of the evolgu -

tion of the matter, — to be followed, in our days, in my understanding,
by the elaboration on the legal consequences of non-compliance with
those measures, and the conceptual development of what I deem it fit
to call their autonomous legal régime. (. . .)

45
In effect, the notion of victim (or of potential victim ), or injured
party, can thus emerge also in the context proper to provisional meas -
ures of protection, parallel to the merits (and reparations) of the cas

d’espèce. Provisional measures of protection generate obligations g(of
prevention) for the States concerned, which are distinct from the obli -
gations which emanate from the judgments of the Court as to the
merits (and reparations) of the respective cases. This ensues from thegir

autonomous legal régime, as I conceive it. There is, in my perceptiong,
pressing need nowadays to refine and to develop conceptually this
autonomous legal régime — focused, in particular, on the contempo -
rary expansion of provisional measures, the means to secure due and

prompt compliance with them, and the legal consequences of non-com -
pliance — to the benefit of those protected thereunder.” (Paras. 73
and 75.)

31. By means of the construction of the propounded autonomous

legal régime of provisional measures of protection, I added, contempo -
rary international tribunals can

“contribute effectively to the avoidance or prevention of irreparable
harm in situations of urgency, to the ultimate benefit of all subjects
of international law, — States as well as groups of individuals, and

simples particuliers. After all, the human person (living in harmony in
her natural habitat) occupies a central place in the new jus gentium of
our times.” (Para. 76.)

The contribution of contemporary international tribunals to the con -
ceptualization of the legal régime of provisional measures of protectgion

44
Paul Guggenheim, op. cit. supra note 27, pp. 15, 174, 186, 188 and cf. pp. 6-7 and
61-45.
On the notion of potential victims in the framework of the evolution of the notion of
victim or the condition of the complainant in the domain of the internatgional protection of
human rights, cf. A. A. Cançado Trindade, “Co-Existence and Co-ordination of Mecha -
nisms of International Protection of Human Rights (At Global and Regiongal Levels)”,
202 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye (1987), Chap. XI,
pp. 243-299, esp. pp. 271-292.

34

5 Ord 1051.indb 64 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 384

recours aux mesures conservatoires, y compris au niveau internatio -
nal, a rapidement eu pour effet d’étendre le domaine de la compég -

tence internationale e44de réduire, par conséquent, le « domaine
réservé» des Etats . Cela est d’autant plus important pour ce qui
touche aux régimes de protection, notamment des personnes et de
l’environnement. Préciser la nature juridique des mesures conservag -

toires ne représente toutefois, selon moi, qu’une première égtape de
l’évolution en la matière, première étape qui doit êtrge à présent suivie
par une réflexion sur les conséquences juridiques d’un défaut de mise
en œuvre des mesures conservatoires, et sur le développement concegp -

tuel de ce que je crois devoir appeler leur régime juridique autono45…
De fait, la notion de victime (ou de victime potentielle ), ou de
partie lésée, peut ainsi également se faire jour dans le contexgte propre
aux mesures conservatoires, parallèlement au déroulement de la prog -

cédure au fond (et, le cas échéant, de celle relative aux régparations).
Les mesures conservatoires génèrent, pour les Etats concernés, gdes
obligations (de prévention) distinctes de celles qui découlent dges déci -
sions rendues par la Cour sur le fond (et les réparations) des affgaires

en question. C’est là une conséquence de ce que je considèreg comme
étant le régime juridique autonome de telles mesures. Il est aujourd’hui
impératif, me semble-t-il, d’affiner et de développer conceptuellement
ce régime juridique autonome, en s’attachant en particulier à lg’essor

contemporain des mesures conservatoires, aux moyens d’en garantir
la mise en œuvre diligente et aux conséquences juridiques d’un gdéfaut
de mise en œuvre — et ce, dans l’intérêt de ceux qu’elles tendent à

protéger.» (Par. 73 et 75.)
31. L’élaboration du régime envisagé, ajoutais-je, permettra aux tribu -

naux internationaux contemporains de

«contribuer efficacement à éviter ou prévenir les dommages irrégpa -
rables dans des situations d’urgence, ce qui profitera, en fin de compte,
à tous les sujets du droit international — qu’il s’agisse des Etats, de

groupes d’individus ou de simples particuliers. Après tout, la pergsonne
humaine (vivant en harmonie dans son habitat naturel) occupe une
place centrale dans le jus gentium renouvelé de notre temps» . (Par. 76.)

Si les tribunaux internationaux contemporains ont contribué et contrig -
buent, de manière continue, à conceptualiser ce régime juridiquge, il reste,

44
P. Guggenheim, op. cit. supra note 27, p. 15, 174, 186, 188 et 1et voir p. 6-7
et 45-62.
Sur la notion de victimes potentielles dans le contexte de l’évolution de la notion de
victime ou de la condition du demandeur dans le domaine de la protectiong internationale
des droits de l’homme, voir A. A. Cançado Trindade, « Co-Existence and Co-ordination
of Mechanisms of International Protection of Human Rights (At Global angd Regional
Levels) »,Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, vol. 202 (1987),
chap. XI, p. 243-299, en particulier p. 271-292.

34

5 Ord 1051.indb 65 24/06/14 15:58 385 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

has been taking place, is ongoing ; yet, there is still much to be done and
there remains a long way to go, in the perennial search for the realization
of justice.

V. Final Considerations

32. In the domain of provisional measures of protection, the ICJ has
recently moved forward, in ordering provisional measures, in the case ofg
the Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case
concerning the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambo ‑

dia v. Thailand), Provisional Measures (Order of 18 July 2011, I.C.J. Rep‑
orts 2011 (II), p. 537) to the effect of the withdrawal of military per -
sonnel from a provisional demilitarized zone that it defined in the Order
itself (para. 62). In my separate opinion appended to it, I dwelt upon the
relation between time and law (paras. 3-42), and the legal effects of the

aforementioned measures in connection with the importance of preven -
tion of irreparable harm for the protection of people in territory, and gof
cultural and spiritual heritage, altogether (paras. 64-70, 82-94 and 96-117).
There is thus reason for hope that, on the basis of this precedent, the g
Court will keep on advancing in the present domain of provisional mea -

sures of protection, to the benefit of the justiciables.
33. In the present Order that it has just adopted today, 22 November
2013, the Court finds that there has indeed been “a change in the situa -
tion in the disputed territory” (para. 44) since it adopted its last Order

(of 16 July 2013). Accordingly, the Court, in the present Order, decided,
at last, that three earlier provisional measures (indicated in the Ordegr
of 8 March 2011) “must be reinforced and supplemented” (para. 55),
especially concerning, in addition, the presence of private individuals gin
the “disputed territory” (para. 56). However, in its previous Order

of 16 July 2013 concerning the Parties’ requests for modification of the g
Court’s Order of 8 March 2011, the Court did not find, on the basis of the
facts presented to it, any “evidence of urgency that would justify the indi -
cation of further provisional measures” ; the Court thus decided — with

my dissent — that it had then not yet been sufficiently demonstrated that
there was a risk of irreparable prejudice to the rights claimed by
Costa Rica 4.
34. Yet, the presence of private individuals in the disputed territory
already configured a change in the situation, by the time the Order

of 16 July 2003 was adopted ; the Court should then, four months ago,
have modified the earlier Order of 8 March 2011, by means of its Order
of 16 July 2003, so as expressly to provide for the prohibition not only of

46When Costa Rica requested (on 23 May 2013) it to do so alleging that there were
private Nicaraguan nationals present in the disputed territory (cf. para. 35).

35

5 Ord 1051.indb 66 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 385

en la matière, beaucoup à faire et un long chemin à parcourir dgans cette
quête permanente de la réalisation de la justice.

V. Considérations finalegs

32. Dans le domaine des mesures conservatoires, la Cour a récemment
accompli certaines avancées en ordonnant, dans l’affaire de la Demande en
interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar

(Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures convervatoires
(ordonnance du 18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 537), des mesures
tendant au retrait d’agents militaires d’une zone démilitarisége provisoire
définie dans le texte même de l’ordonnance (par. 62). Dans l’opinion indi -

viduelle que j’ai jointe à cette ordonnance, je me suis intéresgsé à la question
du temps et du droit (par. 3-42) et aux effets juridiques des mesures susmen -
tionnées au regard de l’importance de la prévention des dommagegs irrép- ara
bles pour protéger les populations vivant dans le territoire en questgion,
ainsi que le patrimoine culturel et spirituel dudit territoire (par. 64-70, 82-94

et 96-117). Il y a donc des raisons d’espérer que la Cour, s’appuyangt sur ce
précédent, continuera à progresser dans ce domaine des mesures gconserva -
toires dans l’intérêt des justiciables.
33. Dans l’ordonnance adoptée ce jour, 22 novembre 2013, la Cour

estime que « la situation dans le territoire litigieux a changé » (par. 44)
depuis sa précédente ordonnance (du 16 juillet 2013). La Cour a donc
enfin considéré que les mesures conservatoires précédemmengt indiquées
(dans l’ordonnance du 8 mars 2011) « d[evaient] être renforcée[s] et com -

plétée[s]» (par. 55), et ce, notamment en ce qui concerne la présence de
personnes privées dans le « territoire litigieux» (par. 56). Dans son ordon -
nance précédente du 16 juillet 2013 sur les demandes tendant à la modifi -
cation de son ordonnance en indication de mesures conservatoires du
8 mars 2011 présentées par les deux Parties, la Cour n’avait, en revangche,

pas trouvé, dans les faits tels qu’ils lui avaient été rappogrtés, « l’élément
d’urgence qui [aurait] justifi[é] l’indication d’autres megsures conserva -
toires» et avait donc estimé — ce à quoi je m’étais opposé — qu’il n’était
pas prouvé à suffisance qu’un risque de préjudice irrépagrable pèserait sur
46
les droits allégués par le Costa Rica .
34. Or, la présence de personnes privées dans le territoire litigieux g
constituait déjà un changement de situation au moment où l’ogrdonnance
du 16 juillet 2013 a été adoptée ; c’est à ce moment‑là, dans sa décision du

16 juillet 2013, que la Cour aurait dû, il y a quatre mois, modifier son
ordonnance précédente du 8 mars 2011, afin d’interdire expressément la

46Lorsque le Costa Rica avait prié la Cour (le 23 mai 2013) de reconnaître l’existence
d’un tel risque, invoquant la présence de personnes privées nicgaraguayennes sur le territoire
litigieux (voir par. 35).

35

5 Ord 1051.indb 67 24/06/14 15:58 386 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

the presence of personnel, but also of incursion of private individuals as
well into the disputed territory. By then, last July, in my perception tghere
had already occurred a change in the situation in the disputed territoryg,
disclosing urgency and the risk of irreparable harm, thus calling for thge

ordering of new provisional measures.
35. Indeed, the new, changed situation had already been clearly formed
by the time the ICJ was called to issue its Order of 16 July 2013 ; the ear -
lier Order of 8 March 2011, having referred only to “personnel”, had

become too narrow. In the Order of 16 July 2013 the Court took note of
the presence of Nicaraguan private individuals in the disputed area as agn
aggravating circumstance, yet it did nothing concrete about it. Only nowg,
in the present Order of 22 November 2013, it has done so, in order to
prevent the deterioration of the situation. The Court has at last clarifiged

that the disputed area is to be free of all persons, comprising personnel
and private individuals (apart from the remediation work to be promptlyg
done in the eastern caño).

36. So, only with the worsening of the situation (with the dredging and
construction of the two new caños) in the disputed territory, the Court
reconsidered its previous “self-restrained” approach. This worsenigng of

the situation once again demonstrates that the worst possible posture thgat
an international tribunal can take is that of judicial inactivism. Fortug -
nately the Court has now taken a distinct stand. This time, four months g
later, the provisional measures just indicated or ordered today (22 Novem -
ber 2013) by the Court address both personnel and private persons, to be

kept all away from the disputed territory (resolutory points 2 (C) and
(D)); they also order the cessation of any dredging and other activities in g
the disputed territory (resolutory point 2 (A)), in addition to what I per -
ceive as remediation work in respect of the eastern caño (resolutory

point 2 (B)).

37. The two contending Parties do not actually controvert the respon -
sibility for non-compliance (cf. supra) with the Court’s earlier Order
47
of 8 March 2011 . The only point surrounded by some controversy is
that of the attribution of responsibility (cf. supra) for such non-compli -
ance. To me, this point is clear, as responsibility for non-compliance is
necessarily accompanied by the attribution of that responsibility to theg
State concerned. There is an autonomous breach of a conventional obli -

gation (concerning provisional measures), without prejudice to what wigll
later be decided by the Court as to the merits.
38. Had the Court last July, on the occasion of the adoption of its
Order of 16 July 2013, indicated or ordered the provisional measures of

47Admitted by the respondent State itself, as pointed out by the Court in gthe present
Order (cf. CR 2013/27, p. 33, para. 18, and CR 2013/25, pp. 22-23, paras. 20-21, -rans
cribed supra).

36

5 Ord 1051.indb 68 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 386

présence non seulement d’agents, mais également de personnes prgivées,
dans le territoire litigieux. Il me semble en effet que, en juillet degrnier, la
situation avait déjà changé dans ce territoire, qu’elle prégsentait un carac-
tère d’urgence et un risque de dommage irréparable, et que cela justifiait
que de nouvelles mesures conservatoires fussent ordonnées.

35. La nouvelle situation s’était, ainsi, déjà formée au moment où la
Cour a été appelée à rendre son ordonnance, le 16 juillet 2013; son ordon -
nance précédente du 8 mars 2011, ne faisant référence qu’aux « agents»,
était devenue trop restrictive. Dans l’ordonnance du 16 juillet 2013, la
Cour a pris acte, en tant qu’élément d’aggravation, de la prgésence de per -

sonnes privées nicaraguayennes dans la zone en litige, mais n’a pas pris de
mesure concrète à cet égard. Ce n’est qu’aujourd’hui, gavec la présente
ordonnance du 22 novembre 2013, qu’elle a pris pareilles mesures afin
d’empêcher que la situation ne se dégrade. La Cour a enfin prgécisé que la

zone litigieuse devait être évacuée par toutes les personnes présentes, à
savoir les agents et les personnes privées (exception faite du persognnel
chargé des travaux de remise en état qui doivent être rapidemengt réalisés
dans le caño oriental).
36. Ce n’est donc qu’avec l’aggravation de la situation (du fait dgu

dragage et de la construction des deux nouveaux caños) dans le territoire
litigieux que la Cour est revenue sur la position « mesurée» qu’elle avait
initialement choisi d’adopter. Cette aggravation de la situation démontre
une fois encore que le pire choix qu’un tribunal international puisseg faire

est celui de l’inaction judiciaire. La Cour a maintenant fort heureusgement
revu sa position. Les mesures conservatoires qui ont été indiquéges ou
ordonnées ce jour (22 novembre 2013), quatre mois plus tard, concernent
à la fois les agents et les personnes privées, lesquels doivent tous se voir
interdire l’accès au territoire litigieux (points 2 C) et 2 D) du dispositif).

L’ordonnance prévoit en outre la cessation des travaux de dragage et des
autres activités menées dans ledit territoire (point 2 A) du dispositif), ainsi
que l’adoption, à l’égard du caño oriental, de ce que je considère comme
des mesures correctives (point 2 B)).
37. Les Parties ne sont pas réellement divisées sur l’existence d’gune res -

ponsabilité pour défaut d’exécution (voir supra) de la précédente ordon -
nance du 8 mars 2011 de la Cour 47. Elles divergent en revanche sur
l’attribution de cette responsabilité (voir supra). Or, ce point est clair, me
semble-t-il: la responsabilité du défaut d’exécution entraîne nécgessaire -

ment l’attribution de cette responsabilité à l’Etat visé gpar les mesures. Il
s’agit alors d’un manquement indépendant à une obligation cognvention -
nelle (née de l’indication de mesures conservatoires), sans prégjudice de ce
que la Cour décidera ultérieurement sur le fond.
38. Il est fort probable que si la Cour avait, dans son ordonnance du

16 juillet 2013, indiqué ou ordonné les mesures conservatoires sollicitéesg,

47Cette responsabilité est admise par le défendeur lui-même, ainsgi que la Cour l’a
souligné dans la présente ordonnance (voir CR 2013/27, p. 33, par. 18, et CR 2013/25,

p. 22-23, par. 20-21, conclusions transcrites ci-dessus).

36

5 Ord 1051.indb 69 24/06/14 15:58 387 certain activities ; construction of a roagd (sep. op. cançado trindade)

protection requested, probably the present situation in the disputed tergri-

tory (created in the last four months) would not have arisen. Be that gas it
may, this new situation has been created, and the Court now, in the Ordegr
of today (22 November 2013), has just taken the right decision to order
the present provisional measures of protection. Better late — and stigll in
time — than never.

39. In any case, in the handling of the present controversy between two
States which share the long-standing and respectable Latin American tra -
dition in international legal doctrine, the ICJ has been provided with tghe
occasion to dwell at greater depth upon the legal nature and effects ogf
provisional measures, endowed with a relevant preventive dimension. The g

Court could have gone further than it did, in its analysis of this legalg
issue, — an analysis which does not need to be deferred to the merits. The
present case reveals an additional ground of responsibility (irrespective of
any decision on the merits), for non-compliance with provisional mea -
sures.

40. The legal effects of these latter, without prejudice to the subsequent
decision of the Court as to the merits of the case, can be more approprig -
ately examined within the framework of the autonomous legal régime of
provisional measures of protection. Non-compliance with such measures

entails an additional ground of responsibility ; the task ahead of us is to
extract the consequences ensuing therefrom. The day this is done, an
additional service will be rendered to the cause of the realization of jgustice
at international level.

(Signed) Antônio Augusto Cançado Trindade.

37

5 Ord 1051.indb 70 24/06/14 15:58 certaines activités; construction d’une rgoute (op. ind. cançadotrindade) 387

la situation qui prévaut actuellement dans le territoire litigieux, agboutiss-e

ment de quatre mois d’évolution, aurait pu être évitée. Quoi qu’il en soit,
cette nouvelle situation existe bel et bien, et c’est à juste titrge que la Cour
a indiqué les mesures conservatoires qui figurent dans son ordonnangce
rendue ce jour, 22 novembre 2013. Mieux vaut tard — tant qu’il est
encore temps — que jamais.

39. En tout état de cause, dans le cadre de l’examen du présent diffgé -
rend, qui oppose deux Etats partageant la longue et respectable traditiogn
qui est celle de l’Amérique latine en matière de doctrine juridgique interna -
tionale, la Cour aura eu l’occasion de se pencher plus longuement surg la
nature et les effets juridiques des mesures conservatoires, lesquellesg

revêtent une dimension préventive certaine. Elle aurait pu aller plus loin
qu’elle n’a été dans son analyse de ce point de droit, analygse qu’il n’y a
pas lieu de différer jusqu’à l’examen au fond. La présegnte affaire met en
évidence l’existence d’une responsabilité supplémentaire (indépendam -
ment de toute décision sur le fond), fondée sur l’absence de mgise en œuvre

des mesures conservatoires.
40. Sans que cela ne préjuge en rien de la décision ultérieure de lga Cour
sur le fond d’une affaire, il serait plus judicieux d’examiner lges effets juri
diques de telles mesures conservatoires dans le cadre de leur régime auto‑
nome. Leur défaut de mise en œuvre constitue un chef de responsabilitég

supplémentaire dont il incombe à la Cour d’extraire les conséquences. Une
fois atteint cet objectif, un pas supplémentaire vers la réalisation de la
justice au niveau international aura été franchi.

(Signé) Antônio Augusto Cançado Trindade.

37

5 Ord 1051.indb 71 24/06/14 15:58

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Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

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