Opinion dissidente de Mme. le juge Xue

Document Number
151-20110718-ORD-01-05-EN
Parent Document Number
151-20110718-ORD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

608

OPINION DISSIDENTE DE M meLA JUGE XUE

[Traduction]

Si je souscris à la décision de la Cour d’indiquer des mesures ffconserva -
toires en l’espèce, je nourris toutefois de sérieuses réservffes quant à la zone
démilitarisée provisoire établie au point B 1) du paragraphe 69 de son
ordonnance, réserves qui tiennent aux raisons suivantes.

Au paragraphe 61, la Cour déclare « estime[r] nécessaire, aux fins de
protéger les droits qui sont en cause dans la présente procédurffe, de définir
une zone qui devra provisoirement être exempte de toute présence mffili -
taire». A cet effet, au paragraphe 62, elle définit une zone délimitée par

des lignes droites reliant quatre points dont elle précise les coordoffnnées.
Sur le croquis (p. 553), il apparaît que, en l’état, cette zone n’a rien à ffvoir
avec les lignes frontières revendiquées respectivement par les Parffties,
allant bien au-delà des territoires que celles-ci se disputent en l’instance.
En d’autres termes, la zone démilitarisée provisoire englobe deffs territoires

incontestés des Parties.
A en juger par la jurisprudence de la Cour, cette mesure est sans préffcé -
dent en ce sens que la Cour n’avait jusque-là jamais indiqué de mesures
conservatoires imposant aux Parties de retirer leurs troupes ou leur per -
sonnel de leurs territoires incontestés respectifs. Cette décisionff me semble

excessive au vu de la situation actuelle entre les Parties et je doute que la
Cour ait exercé à bon escient, tant du point de vue du droit qu’au regard
de sa propre jurisprudence, son pouvoir discrétionnaire d’indiquer des
mesures conservatoires.
Aux termes du paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut, « [l]a Cour a

le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigffent, quelles
mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre pro -
visoire ».
En outre, selon le paragraphe 2 de l’article 75 de son Règlement, « la
Cour peut indiquer des mesures totalement ou partiellement différenteffs de

celles qui sont sollicitées, ou des mesures à prendre ou à exéffcuter par la
partie même dont émane la demande ».
En vertu de ces dispositions, la Cour a le pouvoir d’indiquer les mesures
conservatoires qu’elle estime appropriées et nécessaires au casff par cas,
indépendamment des demandes formulées par les parties, pour autantff

que les circonstances l’exigent (Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (▯Géorgie
c. fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du
15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 397, par. 145 ; Activités armées sur
le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
er
mesures conservatoires, ordonnance du 1 juillet 2000, C.I.J. Recueil 2000,

75

6 CIJ1023.indb 147 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 609

p. 128, par. 43; Application de la convention pour la prévention et la répres‑
sion du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993,
C.I.J. Recueil 1993, p. 22, par. 46 ; Différend frontalier (Burkina faso/
République du Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 10 jan ‑
vier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 18).
Ce pouvoir discrétionnaire, elle doit l’exercer pour empêcher qffue le dif -

férend entre les Parties ne s’aggrave ou s’étende et pour prfféserver les droits
dont celles-ci demandent la protection dans le cadre de la procédure prin -
cipale. Jusqu’ici, dans toutes les affaires qui soit mettaient directffement en
jeu un différend territorial soit avaient des implications de cet ordre, la
Cour, lorsqu’elle a indiqué des mesures conservatoires, a toujoursff limité
leur champ d’application aux territoires en litige, sans jamais aller au-delà

(Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région front ▯ alière
(Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du
8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27, par. 86 ; frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I),

p. 24-25, par. 49 ; Différend frontalier (Burkina faso/République du Mali),
mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986,
p. 11-12, par. 32). Dans le cadre d’une procédure de règlement pacifique
par tierce partie, il est discutable que, sauf demande contraire des parffties
elles-mêmes ou nécessité dictée par les circonstances, la Cour useff aussi

librement de son pouvoir discrétionnaire en étendant le champ d’ffapplica -
tion des mesures conservatoires à des territoires qui ne sont pas en fflitige.
En théorie, d’après le paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut, la
Cour a le pouvoir d’indiquer « quelles» mesures lui semblent nécessaires,
mais cela ne signifie pas que ce pouvoir soit illimité. Son exercice ffdoit être
réservé au cas où les éléments de preuve factuels démoffntrent qu’une telle

mesure s’impose compte tenu de la situation sur le terrain, sans quoiff un
préjudice irréparable serait causé aux droits ultérieurementff reconnus à
l’une ou à l’autre des parties dans le cadre de la procédureff principale.
Au vu des éléments de preuve présentés par les deux Parties,ff la Cour
était en mesure de constater que la situation sur le terrain étaitff suffisam -

ment grave pour justifier l’indication de mesures conservatoires, puiffsqu’il
était avéré que de graves incidents armés ayant opposé leffs Parties dans la
zone du temple de Préah Vihéar avaient causé des dommages à cet édifice,
des pertes en vie humaines, des atteintes à l’intégrité physffique de per -
sonnes et l’évacuation de la population locale. Ces affrontements ffarmés

pouvant se reproduire dans la zone du temple, il existait effectivement ffun
risque de voir le différend s’aggraver et un préjudice irrépffarable être porté
aux droits de l’une ou de l’autre des Parties.
Face à la panoplie de mesures conservatoires possibles, la Cour devaifft
déterminer, au regard des circonstances factuelles, lesquelles il fallait
prendre.

Je regrette que la Cour n’ait pas suffisamment motivé sa décisffion de
définir, entre autres mesures conservatoires, la zone démilitariséffe provi -

76

6 CIJ1023.indb 149 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 610

soire et, en particulier, qu’elle n’ait pas indiqué ce qui justffifiait d’adopter

cette mesure extraordinaire. Lorsque la Cour se fie uniquement aux cir -
constances factuelles pour arrêter les modalités et la portée de mesures
conservatoires, sans tenir compte des demandes des Parties, elle doit
expliquer suffisamment pourquoi elle a éprouvé la nécessitéff de délimiter
une zone démilitarisée provisoire, et, surtout, pourquoi le contexffte factuel

commandait l’adoption d’une mesure excessive au point d’englobeffr des
territoires incontestés des Parties.
Le Cambodge, au terme de sa requête, prie la Cour de dire et juger
que :

«[l’]obligation pour la Thaïlande de « retirer tous les éléments de
forces armées ou de police ou autres gardes ou gardiens qu’elle a ff
installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoireff cam -

bodgien» (point 2 du dispositif) est une conséquence particulière de
l’obligation générale et continue de respecter l’intégrité du territoire
du Cambodge, territoire délimité dans la région du Temple et seffs
environs par la ligne de la carte de l’annexe I sur laquelle l’arrêt de la
Cour est basé ». (Requête introductive d’instance, p. 36, par. 45.)

De toute évidence, la demande en interprétation de l’arrêt dffe 1962 pré-

sentée par le Cambodge comporte des implications territoriales. Puisqffu’il
s’agit d’une procédure incidente, la Cour ne doit pas se prononffcer à ce
stade sur le fond de l’affaire (Différend frontalier (Burkina faso/République
du Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986,
C.I.J. Recueil 1986, p. 11, par. 30; Plateau continental de la mer Egée (Grèce

c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du 11 septembre 1976,
C.I.J. Recueil 1976, p. 13, par. 44; Statut juridique du territoire du sud‑est du
Groënland, ordonnances des 2 et 3 août 1932, C.P.J.I. série A/B n o 48,
p. 285). Comme elle l’a relevé dans l’affairede la frontière terrestre et mari ‑
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria):

«la Cour, dans le cadre de la présente procédure concernant l’inffdica -
tion de mesures conservatoires, n’est pas habilitée à conclure défini -

tivement sur les faits ou leur imputabilité et … sa décision doit laisser
intact le droit de chacune des Parties de contester les faits alléguéffs
contre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est imputée quant à ces
faits, et de faire valoir, le cas échéant, ses moyens sur le fond »
(mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil

1996 (I), p. 23, par. 43).
Dans les paragraphes précédents de la présente ordonnance revieffnt

l’expression « la zone du temple », qui a été utilisée de manière systéma -
tique et récurrente par les Parties dans leurs exposés ainsi que pffar la Cour
dans ses motifs. La relation entre « la zone du temple» et «la zone démili-
tarisée provisoire» n’étant pas éclaircie, le fait de préciser les coordonnées
de cette zone sur le terrain ne facilite pas nécessairement la mise en œuvre

de l’ordonnance. La Cour n’ayant pas une connaissance suffisante ffde la

77

6 CIJ1023.indb 151 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 611

situation sur le terrain dans les territoires respectifs des Parties, laff délimi-
tation sur le papier d’une zone démilitarisée, même à titffre provisoire, ris-

que de donner lieu à des difficultés inattendues, au détrimentff, en réalité,
des intérêts légitimes des Parties.
Dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina faso/République du
Mali), la Cour a pris garde de ne tracer intuitivement, au stade des
mesures conservatoires, aucune ligne territoriale entre les parties au dffiffé -

rend; dans cette affaire, la Chambre a prescrit aux parties d’établir fftout
d’abord une ligne de séparation par elles-mêmes. Je cite :

«Les deux gouvernements retirent leurs forces armées sur des posi -
tions ou à l’intérieur des lignes qui seront, dans les vingt jours sui -
vant le prononcé de la présente ordonnance, déterminées par ffaccord
entre lesdits gouvernements, étant entendu que les modalités du
retrait des troupes seront fixées par ledit accord et que, à défffaut d’un
tel accord, la Chambre indiquera elle-même ces modalités par voie ff

d’ordonnance. » (Mesures conservatoires, ordonnance du 10 jan ‑
vier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 12, par. 32, point 1 D).)

Dans la présente affaire, je pense avant tout que la Cour aurait pu sffe
borner à prescrire aux Parties de s’abstenir de toute activité ffmilitaire dans
la zone du temple. Etant donné qu’il s’agit en l’espèce dff’interpréter son
arrêt antérieur, la Cour n’avait pas vraiment besoin à ce stffade de définir
une zone à démilitariser. En ce qui concerne la protection du tempffle, il

aurait suffi de s’assurer que les deux Parties ne mènent pas d’ffactivités
militaires dans la zone du temple pour préserver les droits de chacunffe
dans le cadre de la procédure principale.
La Cour pouvait encore, me semble-t-il, indiquer une mesure conser-
vatoire semblable à celle qu’elle a prescrite dans l’affaire Burkina faso/
République du Mali, en demandant aux Parties à la présente affaire de

commencer par déterminer elles-mêmes, avec le concours de l’Association
des Nations de l’Asie du Sud-est, les positions vers lesquelles leurs forces
armées devaient se replier. En cas d’échec des Parties à s’ffentendre, la Cour
aurait alors pu, si nécessaire, arrêter ces positions par voie d’ffordonnance.
La Cour s’en était jusqu’à présent tenue au principe éffnoncé dans sa

jurisprudence selon lequel, lorsqu’elle indique des mesures conservatffoires,
il doit exister un lien entre les droits qui font l’objet de la procéffdure prin-
cipale sur le fond et les mesures demandées, et elle doit veiller àff préserver
par ces mesures les droits qu’elle pourrait ensuite être amenéeff à recon -
naître à l’une ou à l’autre des parties (voir, par exempffle, Certaines acti‑

vités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (C▯osta Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 18, par. 54 ; Questions concernant l’obligation de pour ‑
suivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordon ‑
nance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56 ; Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discri ‑

mination raciale (Géorgie c. fédération de Russie), mesures conservatoires,
ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 118 ;

78

6 CIJ1023.indb 153 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 612

Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena
et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats‑Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance
du 16 juillet 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 327, par. 58 ; Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de géno▯cide (Bosnie‑

Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conserva ‑
toires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 19, par. 34). De
même, les mesures conservatoires indiquées doivent logiquement se ratta -
cher aux droits en jeu. La mesure établissant une zone démilitarisffée pro-
visoire, indiquée au point B 1) du paragraphe 69 de l’ordonnance, ne

maintient pas raisonnablement ce lien nécessaire.

(Signé) Xue Hanqin.

79

6 CIJ1023.indb 155 18/06/13 10:38

Bilingual Content

608

DISSENTING OPINION OF JUDGE XUE

I am in agreement with the Court’s decision to indicate provisional
measures in the present case, but with serious reservation to its definiffng
of a provisional demilitarized zone (the PDZ) as stated in the operatiffve
paragraph 69 (B) (1) of its Order. I will explain my position on the reser -
vation.
In paragraph 61, the Court states that “the Court considers it neces -

sary, in order to protect the rights which are at issue in these proceedffings,
to define a zone which shall be kept provisionally free of all military ffper -
sonnel”. For that purpose, in paragraph 62, it defines a zone to be delim -
ited by straight lines connecting four points with specific co-ordinates. On
the sketch-map (p. 553), it shows that the zone, as thus drawn up, dis-

regards the boundary lines as claimed respectively by the Parties, but
exceeds well beyond the territories where the claims of the Parties overfflap
in the present proceedings. In other words, the PDZ covers undisputed
territories of the Parties.
Based on the existing jurisprudence of the Court, this measure is

unprecedented in the sense that the Court has never before indicated proff -
visional measures ordering the Parties to withdraw troops or personnel
from their undisputed territories. This measure, in my view, is excessivffe in
light of the current situation between the Parties and puts into questioffn
the proper exercise of the judicial discretion of the Court in indicatinffg
provisional measures, both under the law and by the jurisprudence of theff

Court.
Article 41 (1) of the Statute of the Court provides that “[t]he Court
shall have the power to indicate, if it considers that circumstances so ff
require, any provisional measures which ought to be taken to preserve thffe
respective rights of either party”.

Further, Article 75 (2) of the Rules of Court provides, that “the Court
may indicate measures that are in whole or in part other than those
requested, or that ought to be taken or complied with by the party whichff
has itself made the request”.
By virtue of these provisions, the Court possesses the power to indicateff

provisional measures that it deems appropriate and necessary under the
relevant circumstances and independently of the requests submitted by
the parties to the extent as required by the relevant circumstances (Appli ‑
cation of the International Convention on the Elimination of All forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian federation), Provisional Mea ‑
sures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 397, para. 145;

Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of ▯
the Congo v. Uganda), Provisional Measures, Order of 1 July 2000,

75

6 CIJ1023.indb 146 18/06/13 10:38 608

OPINION DISSIDENTE DE M meLA JUGE XUE

[Traduction]

Si je souscris à la décision de la Cour d’indiquer des mesures ffconserva -
toires en l’espèce, je nourris toutefois de sérieuses réservffes quant à la zone
démilitarisée provisoire établie au point B 1) du paragraphe 69 de son
ordonnance, réserves qui tiennent aux raisons suivantes.

Au paragraphe 61, la Cour déclare « estime[r] nécessaire, aux fins de
protéger les droits qui sont en cause dans la présente procédurffe, de définir
une zone qui devra provisoirement être exempte de toute présence mffili -
taire». A cet effet, au paragraphe 62, elle définit une zone délimitée par

des lignes droites reliant quatre points dont elle précise les coordoffnnées.
Sur le croquis (p. 553), il apparaît que, en l’état, cette zone n’a rien à ffvoir
avec les lignes frontières revendiquées respectivement par les Parffties,
allant bien au-delà des territoires que celles-ci se disputent en l’instance.
En d’autres termes, la zone démilitarisée provisoire englobe deffs territoires

incontestés des Parties.
A en juger par la jurisprudence de la Cour, cette mesure est sans préffcé -
dent en ce sens que la Cour n’avait jusque-là jamais indiqué de mesures
conservatoires imposant aux Parties de retirer leurs troupes ou leur per -
sonnel de leurs territoires incontestés respectifs. Cette décisionff me semble

excessive au vu de la situation actuelle entre les Parties et je doute que la
Cour ait exercé à bon escient, tant du point de vue du droit qu’au regard
de sa propre jurisprudence, son pouvoir discrétionnaire d’indiquer des
mesures conservatoires.
Aux termes du paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut, « [l]a Cour a

le pouvoir d’indiquer, si elle estime que les circonstances l’exigffent, quelles
mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à titre pro -
visoire ».
En outre, selon le paragraphe 2 de l’article 75 de son Règlement, « la
Cour peut indiquer des mesures totalement ou partiellement différenteffs de

celles qui sont sollicitées, ou des mesures à prendre ou à exéffcuter par la
partie même dont émane la demande ».
En vertu de ces dispositions, la Cour a le pouvoir d’indiquer les mesures
conservatoires qu’elle estime appropriées et nécessaires au casff par cas,
indépendamment des demandes formulées par les parties, pour autantff

que les circonstances l’exigent (Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (▯Géorgie
c. fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du
15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 397, par. 145 ; Activités armées sur
le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda),
er
mesures conservatoires, ordonnance du 1 juillet 2000, C.I.J. Recueil 2000,

75

6 CIJ1023.indb 147 18/06/13 10:38 609 request for interpretffation (diss. op. xue)

I.C.J. Reports 2000, p. 128, para. 43 ; Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze ‑

govina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures,
Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 22, para. 46 ; frontier Dis‑
pute (Burkina faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of
10 January 1986, I.C.J. Reports 1986, p. 9, para. 18).
The purpose of exercising such discretion is to prevent the aggravation ff

or extension of the dispute between the Parties and preserve the rights ff
that the Parties seek for protection in the main proceedings. So far, inff all
the cases that either directly involve territorial disputes or bear terrffitorial
implications, the Court, in indicating provisional measures, has invari -
ably confined such measures to the disputed territories and never gone
beyond such areas (Certain Activities Carried Out by Nicaragua in the

Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional Measures, Order of
8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 27, para. 86; Land and Mari ‑
time Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria),
Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I),
pp. 24-25, para. 49 ; frontier Dispute (Burkina faso/Republic of Mali),

Provisional Measures, Order of 10 January 1986, I.C.J. Reports 1986,
pp. 11-12, para. 32). In the case of peaceful settlement procedure by the
third party, unless otherwise requested by the parties or the relevant cffir -
cumstances so require, it is questionable that the Court should exerciseff
the discretionary power in such a liberal way that provisional measures ff

would extend to undisputed territories.

Theoretically, under Article 41 (1) of the Statute of the Court, the
Court has the power to indicate “any” measure that it deems necessffary,
but the term “any” does not mean such power is unlimited. It shoulffd be
restricted by the factual evidence that the circumstances on the ground ff

require that such measure ought to be taken, otherwise, irreparable prejffu -
dice would be caused to the rights of either of the parties which would ffbe
adjudicated subsequently in the main proceedings.
With the evidence presented by both Parties, the Court is in a position ff
to ascertain that the circumstances on the ground are grave enough for

the indication of provisional measures as evidence shows that serious
armed incidents in the area of the Temple of Preah Vihear between the
Parties have resulted in the damage to the Temple, loss of life and bodiffly
injury, and the evacuation of local inhabitants. As such armed clashes
may recur in the area of the Temple, there indeed exists a risk of aggraffva -

tion of the dispute and irreparable prejudice to the rights of either Paffrty.

In consideration of the possible provisional measures, the Court has to ff
decide on, in light of the factual circumstances, the measures that oughfft
to be taken.

I regret that the Court did not give sufficient reasons for the adoptioffn
of the PDZ as one of the provisional measures, particularly upon what

76

6 CIJ1023.indb 148 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 609

p. 128, par. 43; Application de la convention pour la prévention et la répres‑
sion du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et

Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993,
C.I.J. Recueil 1993, p. 22, par. 46 ; Différend frontalier (Burkina faso/
République du Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 10 jan ‑
vier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 18).
Ce pouvoir discrétionnaire, elle doit l’exercer pour empêcher qffue le dif -

férend entre les Parties ne s’aggrave ou s’étende et pour prfféserver les droits
dont celles-ci demandent la protection dans le cadre de la procédure prin -
cipale. Jusqu’ici, dans toutes les affaires qui soit mettaient directffement en
jeu un différend territorial soit avaient des implications de cet ordre, la
Cour, lorsqu’elle a indiqué des mesures conservatoires, a toujoursff limité
leur champ d’application aux territoires en litige, sans jamais aller au-delà

(Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région front ▯ alière
(Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du
8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 27, par. 86 ; frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I),

p. 24-25, par. 49 ; Différend frontalier (Burkina faso/République du Mali),
mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986,
p. 11-12, par. 32). Dans le cadre d’une procédure de règlement pacifique
par tierce partie, il est discutable que, sauf demande contraire des parffties
elles-mêmes ou nécessité dictée par les circonstances, la Cour useff aussi

librement de son pouvoir discrétionnaire en étendant le champ d’ffapplica -
tion des mesures conservatoires à des territoires qui ne sont pas en fflitige.
En théorie, d’après le paragraphe 1 de l’article 41 de son Statut, la
Cour a le pouvoir d’indiquer « quelles» mesures lui semblent nécessaires,
mais cela ne signifie pas que ce pouvoir soit illimité. Son exercice ffdoit être
réservé au cas où les éléments de preuve factuels démoffntrent qu’une telle

mesure s’impose compte tenu de la situation sur le terrain, sans quoiff un
préjudice irréparable serait causé aux droits ultérieurementff reconnus à
l’une ou à l’autre des parties dans le cadre de la procédureff principale.
Au vu des éléments de preuve présentés par les deux Parties,ff la Cour
était en mesure de constater que la situation sur le terrain étaitff suffisam -

ment grave pour justifier l’indication de mesures conservatoires, puiffsqu’il
était avéré que de graves incidents armés ayant opposé leffs Parties dans la
zone du temple de Préah Vihéar avaient causé des dommages à cet édifice,
des pertes en vie humaines, des atteintes à l’intégrité physffique de per -
sonnes et l’évacuation de la population locale. Ces affrontements ffarmés

pouvant se reproduire dans la zone du temple, il existait effectivement ffun
risque de voir le différend s’aggraver et un préjudice irrépffarable être porté
aux droits de l’une ou de l’autre des Parties.
Face à la panoplie de mesures conservatoires possibles, la Cour devaifft
déterminer, au regard des circonstances factuelles, lesquelles il fallait
prendre.

Je regrette que la Cour n’ait pas suffisamment motivé sa décisffion de
définir, entre autres mesures conservatoires, la zone démilitariséffe provi -

76

6 CIJ1023.indb 149 18/06/13 10:38 610 request for interpretffation (diss. op. xue)

considerations such extraordinary measure is warranted. When factual
circumstances constitute the only ground for the Court to consider the

form and the extent of provisional measures independently of the requestffs
of the Parties, the necessity of delimiting a provisional demilitarized ffzone
should be sufficiently explained on the part of the Court, especially wffhy
factual circumstances require so excessive a measure that it even includffes
undisputed territories of the Parties.

Cambodia, at the end of its Application, requests the Court to adjudge
and declare :

“The obligation incumbent upon Thailand to ‘withdraw any mili -
tary or police forces, or other guards or keepers, stationed by her at
the Temple, or in its vicinity on Cambodian territory’ (second para -
graph of the operative clause) is a particular consequence of the gen -
eral and continuing obligation to respect the integrity of the territoryff

of Cambodia, that territory having been delimited in the area of the
Temple and its vicinity by the line on the Annex I map, on which the
Judgment of the Court is based.” (Application instituting proceed -
ings, p. 37, para. 45.)

Obviously, Cambodia’s request for the interpretation of the 1962 Judg -
ment bears territorial implications. As an incidental proceeding, the
Court at this stage should not pronounce on the merits of the case (fron ‑

tier Dispute (Burkina faso/Republic of Mali), Provisional Measures,
Order of 10 January 1986, I.C.J. Reports 1986, p. 11, para. 30 ; Aegean
Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Interim Protection, Order of
11 September 1976, I.C.J. Reports 1976, p. 13, para. 44 ; Legal Status of
the South‑Eastern Territory of Greenland, Orders of 2 and 3 August 1932,
P.C.I.J., Series A/B, No. 48, p. 285). As the Court points out in the Land

and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v.
Nigeria),

“the Court, in the context of the proceedings concerning the indica -
tion of provisional measures, cannot make definitive findings of fact
or of imputability, and the right of each Party to dispute the facts
alleged against it, to challenge the attribution to it of responsibilityff
for those facts, and to submit arguments, if appropriate, in respect of ff

the merits, must remain unaffected by the Court’s decision” (Provi ‑
sional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I),
p. 23, para. 43).

In the previous paragraphs of the present Order, the term “the area offf
the Temple” is consistently and repeatedly referred to by the Partiesff in
their pleadings as well as by the Court in its own reasoning. When the
relationship between the two terms “the area of the Temple” and “ffthe
PDZ” is not clarified, the specificity of the zone with its co-ordinates in

place does not necessarily render the latter more easily for the implemeffn -
tation of the Order. Because the Court draws the PDZ without adequate

77

6 CIJ1023.indb 150 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 610

soire et, en particulier, qu’elle n’ait pas indiqué ce qui justffifiait d’adopter

cette mesure extraordinaire. Lorsque la Cour se fie uniquement aux cir -
constances factuelles pour arrêter les modalités et la portée de mesures
conservatoires, sans tenir compte des demandes des Parties, elle doit
expliquer suffisamment pourquoi elle a éprouvé la nécessitéff de délimiter
une zone démilitarisée provisoire, et, surtout, pourquoi le contexffte factuel

commandait l’adoption d’une mesure excessive au point d’englobeffr des
territoires incontestés des Parties.
Le Cambodge, au terme de sa requête, prie la Cour de dire et juger
que :

«[l’]obligation pour la Thaïlande de « retirer tous les éléments de
forces armées ou de police ou autres gardes ou gardiens qu’elle a ff
installés dans le temple ou dans ses environs situés en territoireff cam -

bodgien» (point 2 du dispositif) est une conséquence particulière de
l’obligation générale et continue de respecter l’intégrité du territoire
du Cambodge, territoire délimité dans la région du Temple et seffs
environs par la ligne de la carte de l’annexe I sur laquelle l’arrêt de la
Cour est basé ». (Requête introductive d’instance, p. 36, par. 45.)

De toute évidence, la demande en interprétation de l’arrêt dffe 1962 pré-

sentée par le Cambodge comporte des implications territoriales. Puisqffu’il
s’agit d’une procédure incidente, la Cour ne doit pas se prononffcer à ce
stade sur le fond de l’affaire (Différend frontalier (Burkina faso/République
du Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986,
C.I.J. Recueil 1986, p. 11, par. 30; Plateau continental de la mer Egée (Grèce

c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du 11 septembre 1976,
C.I.J. Recueil 1976, p. 13, par. 44; Statut juridique du territoire du sud‑est du
Groënland, ordonnances des 2 et 3 août 1932, C.P.J.I. série A/B n o 48,
p. 285). Comme elle l’a relevé dans l’affairede la frontière terrestre et mari ‑
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria):

«la Cour, dans le cadre de la présente procédure concernant l’inffdica -
tion de mesures conservatoires, n’est pas habilitée à conclure défini -

tivement sur les faits ou leur imputabilité et … sa décision doit laisser
intact le droit de chacune des Parties de contester les faits alléguéffs
contre elle, ainsi que la responsabilité qui lui est imputée quant à ces
faits, et de faire valoir, le cas échéant, ses moyens sur le fond »
(mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil

1996 (I), p. 23, par. 43).
Dans les paragraphes précédents de la présente ordonnance revieffnt

l’expression « la zone du temple », qui a été utilisée de manière systéma -
tique et récurrente par les Parties dans leurs exposés ainsi que pffar la Cour
dans ses motifs. La relation entre « la zone du temple» et «la zone démili-
tarisée provisoire» n’étant pas éclaircie, le fait de préciser les coordonnées
de cette zone sur le terrain ne facilite pas nécessairement la mise en œuvre

de l’ordonnance. La Cour n’ayant pas une connaissance suffisante ffde la

77

6 CIJ1023.indb 151 18/06/13 10:38 611 request for interpretffation (diss. op. xue)

knowledge of the ground situation in the territories of the Parties respffec-
tively, the defining of a PDZ, albeit provisional, on a flat map may cause

unpredictable difficulties in reality to the detriment of the legitimatffe inte -
rests of the Parties.
This precaution not to intuitively draw any territorial line between theff
parties to a dispute in the indication of provisional measures was exercffised
by the Court in the frontier Dispute (Burkina faso/Republic of Mali) case

between Burkina Faso and Mali, where the Chamber ordered the parties
to work out a separation line first between themselves. It ordered :

“Both Governments should withdraw their armed forces to such
positions, or behind such lines, as may, within twenty days of the date ff
of the present Order, be determined by an agreement between those
Governments, it being understood that the terms of the troop with -
drawal will be laid down by the agreement in question and that, fail -
ing such agreement, the Chamber will itself indicate them by means

of an Order.” (Provisional Measures, Order of 10 January 1986,
I.C.J. Reports 1986, p. 12, para. 32 (1) (D.)

In the present case, first of all, I am of the view that it would be suffiff -
cient for the Court to just order the Parties to refrain from any military
activities in the area of the Temple. Since this is a case concerning inffter -
pretation of the Court’s judgment, at this stage there is no real neeffd for
the Court to identify an area for demilitarization. So far as the protecfftion

of the Temple is concerned, securing no military actions from both sidesff
in the area of the Temple would suffice to preserve the rights of the Pffar -
ties in the main proceedings.
Otherwise, the Court could still have, in my opinion, indicated a simi -
lar provisional measure, as in the Burkina faso/Republic of Mali case, by
asking the Parties in the present case, with the co-operation of the Asso -

ciation of Southeast Asian Nations (ASEAN), to determine first by themff -
selves the positions to which their armed forces should be withdrawn.
Failing such agreement, the Court could then, if necessary, draw such
lines by means of an order.
The Court has so far followed the jurisprudence that, in indicating pro -

visional measures, there must be a link between the rights which form thffe
subject of the main proceedings on the merits and the measures requestedff,
and the Court must be concerned to preserve by such provisional mea -
sures the right which may subsequently be adjudicated by the Court to
belong to either party (see, for example, Certain Activities Carried Out by

Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional Mea ‑
sures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 18, para. 54 ;
Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium▯ v.
Senegal), Provisional Measures, Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports
2009, p. 151, para. 56 ; Application of the International Convention on the
Elimination of All forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian fed ‑

eration), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports
2008, p. 388, para. 118 ; Request for Interpretation of the Judgment of

78

6 CIJ1023.indb 152 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 611

situation sur le terrain dans les territoires respectifs des Parties, laff délimi-
tation sur le papier d’une zone démilitarisée, même à titffre provisoire, ris-

que de donner lieu à des difficultés inattendues, au détrimentff, en réalité,
des intérêts légitimes des Parties.
Dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina faso/République du
Mali), la Cour a pris garde de ne tracer intuitivement, au stade des
mesures conservatoires, aucune ligne territoriale entre les parties au dffiffé -

rend; dans cette affaire, la Chambre a prescrit aux parties d’établir fftout
d’abord une ligne de séparation par elles-mêmes. Je cite :

«Les deux gouvernements retirent leurs forces armées sur des posi -
tions ou à l’intérieur des lignes qui seront, dans les vingt jours sui -
vant le prononcé de la présente ordonnance, déterminées par ffaccord
entre lesdits gouvernements, étant entendu que les modalités du
retrait des troupes seront fixées par ledit accord et que, à défffaut d’un
tel accord, la Chambre indiquera elle-même ces modalités par voie ff

d’ordonnance. » (Mesures conservatoires, ordonnance du 10 jan ‑
vier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 12, par. 32, point 1 D).)

Dans la présente affaire, je pense avant tout que la Cour aurait pu sffe
borner à prescrire aux Parties de s’abstenir de toute activité ffmilitaire dans
la zone du temple. Etant donné qu’il s’agit en l’espèce dff’interpréter son
arrêt antérieur, la Cour n’avait pas vraiment besoin à ce stffade de définir
une zone à démilitariser. En ce qui concerne la protection du tempffle, il

aurait suffi de s’assurer que les deux Parties ne mènent pas d’ffactivités
militaires dans la zone du temple pour préserver les droits de chacunffe
dans le cadre de la procédure principale.
La Cour pouvait encore, me semble-t-il, indiquer une mesure conser-
vatoire semblable à celle qu’elle a prescrite dans l’affaire Burkina faso/
République du Mali, en demandant aux Parties à la présente affaire de

commencer par déterminer elles-mêmes, avec le concours de l’Association
des Nations de l’Asie du Sud-est, les positions vers lesquelles leurs forces
armées devaient se replier. En cas d’échec des Parties à s’ffentendre, la Cour
aurait alors pu, si nécessaire, arrêter ces positions par voie d’ffordonnance.
La Cour s’en était jusqu’à présent tenue au principe éffnoncé dans sa

jurisprudence selon lequel, lorsqu’elle indique des mesures conservatffoires,
il doit exister un lien entre les droits qui font l’objet de la procéffdure prin-
cipale sur le fond et les mesures demandées, et elle doit veiller àff préserver
par ces mesures les droits qu’elle pourrait ensuite être amenéeff à recon -
naître à l’une ou à l’autre des parties (voir, par exempffle, Certaines acti‑

vités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (C▯osta Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 18, par. 54 ; Questions concernant l’obligation de pour ‑
suivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordon ‑
nance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56 ; Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discri ‑

mination raciale (Géorgie c. fédération de Russie), mesures conservatoires,
ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 118 ;

78

6 CIJ1023.indb 153 18/06/13 10:38 612 request for interpretffation (diss. op. xue)

31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nation -
als (Mexico v. United States of America) (Mexico v. United States of
America), Provisional Measures, Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008,
p. 327, para. 58 ; Application of the Convention on the Prevention and Pun ‑
ishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia

(Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 8 April 1993,
I.C.J. Reports 1993, p. 19, para. 34). Likewise, the provisional measures as
thus indicated should logically relate to the rights concerned. The PDZ ffas
indicated in the operative paragraph 69 (B) (1) fails to maintain this neces -
sary link within reasonable bounds.

(Signed) Xue Hanqin.

79

6 CIJ1023.indb 154 18/06/13 10:38 demande en interprétffation (op. diss. xue) 612

Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena
et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats‑Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance
du 16 juillet 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 327, par. 58 ; Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de géno▯cide (Bosnie‑

Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conserva ‑
toires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 19, par. 34). De
même, les mesures conservatoires indiquées doivent logiquement se ratta -
cher aux droits en jeu. La mesure établissant une zone démilitarisffée pro-
visoire, indiquée au point B 1) du paragraphe 69 de l’ordonnance, ne

maintient pas raisonnablement ce lien nécessaire.

(Signé) Xue Hanqin.

79

6 CIJ1023.indb 155 18/06/13 10:38

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de Mme. le juge Xue

Links