Note : Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel.
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
DÉCLARATION CONJOINTE D’INTERVENTION DÉPOSÉE PAR
LES GOUVERNEMENTS DU CANADA ET DU ROYAUME DES
PAYS-BAS EN VERTU DE L’ARTICLE 63 DU STATUT
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
7 décembre 2022
[Traduction du Greffe]
DÉCLARATION CONJOINTE D’INTERVENTION DÉPOSÉE PAR LES GOUVERNEMENTS DU CANADA
ET DU ROYAUME DES PAYS-BAS EN VERTU DE L’ARTICLE 63 DU STATUT DE LA COUR
A Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice, les soussignés, dûment autorisés
par les Gouvernements canadien et néerlandais, déclarent ce qui suit :
1. Au nom des Gouvernements canadien et néerlandais, nous avons l’honneur de soumettre à
la Cour, en vertu du droit établi au paragraphe 2 de l’article 63 de son Statut, une déclaration
conjointe d’intervention en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un Etat qui désire se prévaloir
du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit déposer une déclaration qui précise
l’affaire et la convention qu’elle concerne, et qui contient :
«a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme
partie à la convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est
en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.»
3. Ces éléments sont précisés ci-dessous, après quelques observations liminaires.
OBSERVATIONS LIMINAIRES
4. Le 26 février 2022, l’Ukraine a introduit une instance contre la Fédération de Russie
(ci-après la «Russie») à raison d’un différend concernant l’interprétation, l’application et l’exécution
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide1 (ci-après la «convention
sur le génocide»)2. La requête introductive d’instance s’accompagnait d’une demande en indication
de mesures conservatoires. La Cour a rendu une ordonnance en indication de mesures conservatoires
le 16 mars 2022.
5. Dans sa requête introductive d’instance, l’Ukraine affirme ce qui suit :
«[L]a Fédération de Russie a soutenu de façon mensongère que des actes de
génocide avaient été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk, a
usé de ce prétexte pour reconnaître les prétendues «République populaire de Donetsk»
et «République populaire de Louhansk», puis a annoncé et lancé une «opération
militaire spéciale» contre l’Ukraine, avec pour objectif affiché de prévenir et de punir
de prétendus actes de génocide dénués de tout fondement factuel. Sur la base de cette
allégation mensongère, la Russie mène à présent une invasion militaire de l’Ukraine
1 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, Paris, 9 décembre 1948, Nations Unies,
Recueil des traités (RTNU), vol. 78, p. 277. Entrée en vigueur le 12 janvier 1951.
2 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022.
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engendrant des violations graves et généralisées des droits de l’homme de la population
ukrainienne.»3
6. L’Ukraine a donc introduit sa requête devant la Cour «afin d’établir que la Russie ne dispose
d’aucune base juridique valable pour entreprendre la moindre action contre l’Etat ukrainien et sur
son territoire à des fins de prévention et de répression de prétendus actes de génocide»4. Elle fait
valoir que «[l]es actes de la Russie sapent l’obligation centrale de l’article premier de la convention,
remettent en cause son objet et son but et entachent le caractère solennel de l’engagement pris par
les parties contractantes de prévenir et de punir le génocide»5.
7. Le 30 mars 2022, ainsi que le prévoit le paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour, le
greffier a averti le Canada et le Royaume des Pays-Bas, en leur qualité de parties contractantes à la
convention sur le génocide, que, dans la requête introduite par l’Ukraine, cet instrument «est
invoqué[] à la fois comme base de compétence de la Cour et à l’appui des demandes de l’Ukraine au
fond»6. Il a fait observer, plus précisément, que l’Ukraine
«entend fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire figurant à
l’article IX de la convention, prie la Cour de déclarer qu’elle ne commet pas de
génocide, tel que défini aux articles II et III de la convention, et soulève des questions
sur la portée de l’obligation de prévenir et de punir le génocide consacrée à l’article
premier de la convention»7.
8. Le 31 octobre 2022, le greffier a fait savoir aux parties contractantes à la convention sur le
génocide que,
«compte tenu du nombre de déclarations qui [avaient] été déposées en l’affaire en vertu
de l’article 63 du Statut, la Cour estim[ait] qu’il serait dans l’intérêt de la bonne
administration de la justice et de l’économie procédurale que tout Etat souhaitant se
prévaloir du droit d’intervention que lui confère l’article 63 déposât sa déclaration au
plus tard le jeudi 15 décembre 2022»8.
9. Par la présente déclaration conjointe, le Canada et les Pays-Bas se prévalent du droit que
leur confère le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut de la Cour d’intervenir dans le différend qui
oppose l’Ukraine et la Russie, en tant que parties contractantes à la convention, pour traiter tout à la
fois de quelques points liminaires et du fond de l’affaire.
3 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022, par. 2.
4 Ibid., par. 3.
5 Ibid., par. 28.
6 Lettres en date du 30 mars 2022 adressées, respectivement, à l’ambassadrice du Canada et au ministre des affaires
étrangères du Royaume des Pays-Bas par le greffier de la Cour.
7 Ibid.
8 Lettre en date du 31 octobre 2022 adressée aux parties contractantes à la convention sur le génocide par le greffier
de la Cour.
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10. Ainsi que la Cour l’a dit, l’article 63 confère un droit d’intervention9, conformément auquel
l’Etat souhaitant l’exercer limite son intervention à «la question qu’il s’agit d’interpréter en
l’espèce[,] et [qui] n’autorise pas une intervention générale en l’affaire»10. La Cour a aussi conclu
que, «dans les cas relevant de l’article 63 du Statut, l’objet limité de l’intervention est de permettre à
un Etat tiers au procès, mais partie à une convention dont l’interprétation est en cause dans celui-ci,
de présenter à la Cour ses observations sur l’interprétation de ladite convention»11.
11. De surcroît, si l’on garde à l’esprit le caractère de jus cogens de l’interdiction du génocide
et la nature erga omnes partes des obligations nées de la convention sur le génocide, toutes les parties
contractantes ont un intérêt commun à assurer la préservation des fins supérieures de la convention
sur le génocide. Dans l’ordonnance en indication de mesures conservatoires qu’elle a rendue en
l’affaire Gambie c. Myanmar, la Cour a dit ce qui suit à propos des intérêts de toutes les parties à la
convention sur le génocide :
«La Cour rappelle que, dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur les Réserves à
la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, elle a observé
que «[d]ans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres ; ils
ont seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures
qui sont la raison d’être de la convention.» … En raison des valeurs qu’ils partagent,
tous les Etats parties à la convention sur le génocide ont un intérêt commun à assurer la
prévention des actes de génocide et, si de tels actes sont commis, à veiller à ce que leurs
auteurs ne bénéficient pas de l’impunité. Cet intérêt commun implique que les
obligations en question s’imposent à tout Etat partie à la convention à l’égard de tous
les autres Etats parties.»12
12. Tel est le contexte limité dans lequel le Canada et les Pays-Bas présentent, en leur qualité
de parties contractantes à la convention sur le génocide, une déclaration conjointe d’intervention. Au
vu de l’intérêt commun qu’ils ont à sauvegarder les fins supérieures poursuivies par cet instrument,
et de celui qu’ils ont, par voie de conséquence, à son interprétation, le Canada et les Pays-Bas ont
décidé d’intervenir en l’espèce afin de soumettre à la Cour leur interprétation des dispositions
pertinentes de la convention.
13. Le Canada et les Pays-Bas n’entendent pas devenir partie à l’instance et, en se prévalant
du droit d’intervention que leur confère l’article 63 du Statut, acceptent comme également obligatoire
à leur égard, tout autant qu’elle le sera pour les Parties, l’interprétation de la convention sur le
génocide que contiendra l’arrêt que la Cour rendra en l’espèce.
14. Le Canada et les Pays-Bas souhaitent intervenir et présenter leur interprétation des
articles IX et premier de la convention sur le génocide. En ce qui concerne la compétence de la Cour,
ils sont d’avis que l’article IX donne compétence à celle-ci pour faire une déclaration relative au
9 Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76 ; Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 13, par. 21 ; Chasse à la baleine dans
l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande, ordonnance du 6 février 2013,
C.I.J. Recueil 2013, p. 3, par. 7.
10 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981,
p. 15, par. 26.
11 Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande,
ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 3, par. 7.
12 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 3, par. 41.
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respect par une partie contractante des obligations découlant de la convention, qu’il s’agisse de l’Etat
demandeur ou de l’Etat défendeur en l’affaire, à condition que cette question fasse l’objet d’un
différend entre les parties. Pour ce qui est de l’interprétation de l’article premier, ils font valoir que
l’obligation de prévenir le génocide emporte celle d’agir avec la diligence requise pour déterminer
l’existence d’un génocide ou d’un risque grave de génocide avant de prendre toute mesure en
exécution de cet article. L’obligation de prévenir doit s’interpréter à la lumière de la définition du
génocide donnée à l’article II, mais aussi de l’article VIII, qui invite les parties contractantes à agir
collectivement pour prévenir les actes visés. Quant à l’obligation de punir énoncée à l’article premier,
il faut la lire conjointement avec les articles IV à VII et l’interpréter par conséquent comme étant
celle de poursuivre des individus en justice. L’article premier de la convention n’autorise pas une
partie contractante à en punir une autre au motif que celle-ci a ou aurait commis un génocide.
I. AFFAIRE EN LAQUELLE EST DÉPOSÉE LA DÉCLARATION
ET CONVENTION CONCERNÉE
15. La présente déclaration conjointe concerne l’affaire relative à des Allégations de génocide
au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, que l’Ukraine a
introduite contre la Russie le 26 février 2022. Cette affaire porte sur l’interprétation, l’application et
l’exécution de la convention sur le génocide.
16. En leur qualité de parties contractantes à la convention sur le génocide, le Canada et les
Pays-Bas ont un intérêt à l’interprétation de cet instrument qui résulterait de l’affaire portée devant
la Cour par l’Ukraine. C’est à ce titre qu’ils exercent, en l’espèce, le droit d’intervention que leur
confère l’article 63 du Statut. Leur intervention a trait aux questions d’interprétation de la convention
sur le génocide qui se posent en la présente affaire.
II. BASE SUR LAQUELLE LE CANADA ET LES PAYS-BAS SONT PARTIES
CONTRACTANTES À LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE
17. Le Canada et les Pays-Bas sont parties contractantes à cette convention. Le Canada l’a
signée le 28 novembre 1949 et a déposé son instrument de ratification le 3 septembre 1952,
conformément à l’article XI de la convention. Le 20 juin 1966, les Pays-Bas ont déposé leur
instrument d’adhésion à la convention, conformément au même article. L’entrée en vigueur de la
convention sur le génocide a eu lieu pour le Canada et pour les Pays-Bas le quatre-vingt-dixième
jour suivant le dépôt de leurs instruments de ratification ou d’adhésion. C’est sur cette base que le
Canada et les Pays-Bas étaient parties contractantes à la convention au moment de l’introduction de
la présente instance.
III. DISPOSITIONS DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE
QUI SONT EN CAUSE DANS LE PRÉSENT DIFFÉREND
18. L’Ukraine entend fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de l’article 36 de
son Statut et sur l’article IX de la convention sur le génocide. Elle soutient, plus précisément, qu’il
existe entre elle-même et la Russie un différend relatif à l’interprétation, l’application ou l’exécution
de la convention sur le génocide.
19. La juste interprétation de l’article IX de la convention sur le génocide est donc en cause
dans l’affaire, et elle est directement pertinente aux fins du règlement du différend porté devant la
Cour par l’Ukraine au moyen de sa requête. Cet article dispose ce qui suit :
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«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une partie au différend.»
20. Il n’existe aucune restriction, ni à l’article 63 du Statut de la Cour ni au paragraphe 2 de
l’article 82 de son Règlement, qui empêcherait le Canada et les Pays-Bas d’exercer leur droit
d’intervenir au sujet de l’interprétation de dispositions de la convention sur le génocide ayant trait à
des questions de compétence en sus de celles ayant trait à des questions de fond.
21. Dans sa requête, l’Ukraine affirme que
«[l]’obligation de prévenir et de punir le génocide consacrée à l’article premier de la
convention implique nécessairement d’être exécutée de bonne foi et de ne pas être
dévoyée, une partie contractante ne pouvant faire subir à une autre une action illicite,
notamment une attaque armée, surtout sous le prétexte parfaitement fallacieux de
prévenir et de punir un génocide»13.
Elle considère ainsi que «[l]es actes de la Russie sapent l’obligation centrale de l’article premier de
la convention, remettent en cause son objet et son but et entachent le caractère solennel de
l’engagement pris par les parties contractantes de prévenir et de punir le génocide»14.
22. Compte tenu de ce qui précède, la juste interprétation de l’article premier de la convention
sur le génocide est aussi en cause dans l’affaire, et elle est directement pertinente aux fins du
règlement du différend porté devant la Cour par l’Ukraine au moyen de sa requête. Cet article se lit
comme suit : «Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de
paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir.»
23. Ainsi qu’il est exposé plus loin, l’obligation de prévenir et de punir le génocide, tel
qu’énoncée à l’article premier, doit être interprétée à la lumière des articles II et IV à VIII de la
convention sur le génocide.
IV. INTERPRÉTATION DONNÉE PAR LE CANADA ET PAR LES PAYS-BAS
DES DISPOSITIONS EN CAUSE
24. Le Canada et les Pays-Bas s’appuient, pour leur interprétation de la convention sur le
génocide, sur les règles générales d’interprétation telles que reflétées aux articles 31 et 32 de la
convention de Vienne sur le droit des traités (ci-après la «convention de Vienne»)15. Le paragraphe 1
de l’article 31 énonce comme suit la règle fondamentale en matière d’interprétation : «Un traité doit
être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer [à ses] termes … dans leur contexte
et à la lumière de son objet et de son but.» Selon le paragraphe 3 du même article, une telle
interprétation doit également tenir compte de la pratique ultérieurement suivie par les parties au traité
13 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022, par. 27.
14 Ibid., par. 28.
15 Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969, RTNU, vol. 1155, p. 331.
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et, conformément à l’article 32, peut aussi être confirmée par des moyens complémentaires
d’interprétation.
25. En application du paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne, le Canada et les
Pays-Bas entendent fonder leur interprétation sur d’autres règles pertinentes de droit international
applicables entre les parties au différend. Ils s’appuieront ainsi sur le droit international coutumier,
la Charte des Nations Unies16, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale17 et le projet
d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite18 dans le contexte de
l’interprétation de la convention sur le génocide. Ils renverront aussi à la jurisprudence de juridictions
internationales en tant que moyen complémentaire d’interprétation de cette convention,
conformément à l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour.
L’article IX de la convention sur le génocide
26. L’article IX confère à la Cour compétence à l’égard des «différends entre les Parties
contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la … Convention». Rien dans
cette disposition ne limite la compétence de la Cour aux affaires dans lesquelles c’est l’Etat
demandeur qui accuse l’Etat défendeur de manquer à ses obligations au regard de la convention.
27. En premier lieu, le terme «différend» est suffisamment général pour englober un désaccord
quant à la licéité du comportement d’un Etat demandeur ; il n’est pas limité aux actions de l’Etat
défendeur. Ce terme, tel qu’il est employé à l’article IX, doit être interprété en conformité avec la
large acception que lui donne généralement le droit international19. Il est bien établi qu’un différend
existe lorsqu’il y a «un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition
de thèses juridiques ou d’intérêts»20 entre des parties, dès lors que celles-ci ont des vues opposées à
cet égard. Il n’est pas nécessaire que l’Etat défendeur se soit expressément opposé aux réclamations
de l’Etat demandeur21. De surcroît, un différend concernant la convention sur le génocide peut exister
malgré l’absence de référence particulière à la convention dans les déclarations faites publiquement
par les parties, dès lors que ces déclarations «s[e] réf[èrent] assez clairement à l’objet du traité pour
que l’Etat contre lequel il formule un grief puisse savoir qu’un différend existe ou peut exister à cet
égard»22.
28. En deuxième lieu, l’article IX de la convention sur le génocide prévoit expressément que
les différends seront portés devant la Cour «à la requête d’une partie au différend» (les italiques sont
de nous). Ainsi, lorsqu’il existe un différend concernant la question de savoir si un Etat a commis
des actes contraires à la convention, l’Etat accusé dudit comportement a le même droit de soumettre
le différend à la Cour que l’Etat qui a formulé l’accusation, et la Cour sera compétente à l’égard de
ce différend. En particulier, l’Etat accusé peut demander à la Cour de prononcer un jugement
16 Charte des Nations Unies (San Francisco, 1945), RTNU, vol. 1, p. XVI.
17 Statut de Rome de la Cour pénale internationale (Rome, 1998), RTNU, vol. 2187.
18 Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, 2001, Annuaire de la
Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie.
19 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 3, par. 63.
20 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
21 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
22 Ibid., par. 72.
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déclaratoire «négatif» à l’effet de dire que les allégations par lesquelles l’autre Etat l’accuse d’être
responsable de génocide sont dénuées de fondement en fait et en droit.
29. Enfin, l’ajout, à l’article IX, du terme «exécution» à la formule «interprétation et
application» habituellement employée dans les clauses compromissoires, vient à l’appui d’une
interprétation large de cette disposition. Plus précisément, l’article IX confère compétence à l’égard
d’un différend sur le point de savoir s’il peut être dit justement qu’une partie contractante se comporte
en «exécution» de la convention. Il vise les différends relatifs à la portée et à la teneur des dispositions
de la convention sur le génocide ainsi qu’aux mesures prises (ou non) par les parties contractantes
au regard des obligations en découlant, dont celle de prévenir et de punir le génocide énoncée à
l’article premier.
30. Compte tenu de ce qui précède, l’article IX donne compétence à la Cour pour se prononcer
sur le respect, par une partie contractante, de ses obligations au titre de la convention sur le génocide,
qu’il s’agisse de l’Etat demandeur ou de l’Etat défendeur, dès lors qu’il s’agit d’une question faisant
l’objet d’un différend entre les parties à l’affaire.
L’article premier de la convention sur le génocide
31. Avant de prendre des mesures en exécution de l’article premier, il est essentiel de
commencer par déterminer s’il existe un génocide ou un risque grave de génocide. La notion de
diligence requise énoncée par la Cour en relation avec l’obligation pour un Etat de prendre des
mesures pour prévenir un génocide s’applique également à la détermination de l’existence d’un
génocide ou d’un risque grave de génocide. Cette détermination doit se fonder sur toutes les
informations disponibles, notamment celles recueillies auprès de sources indépendantes et crédibles,
et être guidée par la définition du génocide figurant à l’article II de la convention sur le génocide. En
effet, toute partie contractante qui prétend prévenir un génocide doit établir une base objective
permettant de déterminer si un génocide a été commis ou est en passe de l’être. Savoir si des actes
sont constitutifs de «génocide» ou de risque grave de génocide afin d’appliquer l’article premier n’est
pas une simple question d’interprétation subjective par un Etat ; les actes en cause doivent
correspondre à la définition de génocide figurant à l’article II.
32. Selon l’article II de la convention, la commission du génocide suppose à la fois un acte de
génocide et une intention génocidaire23. Cet article prévoit, plus précisément, qu’un génocide ne peut
se produire que si l’acte génocidaire est commis «dans l’intention de détruire, en tout ou en partie,
un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel». Cette intention génocidaire constitue
«la composante propre du génocide, qui le distingue d’autres crimes graves»24. Quant à ce qui
constitue un acte génocidaire, l’article II en dresse la liste suivante : i) meurtre de membres du
groupe ; ii) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; iii) soumission
intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale
ou partielle ; iv) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; et v) transfert forcé
d’enfants du groupe à un autre groupe.
23 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 186-187.
24 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2015 (I), p. 62, par. 132.
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L’obligation de prévenir
33. Aux termes de l’article premier, les parties contractantes ont confirmé que le génocide est
un crime du droit des gens «qu’elles s’engagent à prévenir et à punir». Même si cet article ne précise
pas quels types de mesures la partie contractante doit prendre pour s’acquitter de cette obligation, il
est bien établi que, lorsqu’elle remplit les obligations découlant d’un traité, une partie contractante
doit agir de bonne foi25. Lorsqu’elle s’acquitte de son obligation de prévenir le génocide en
application de la convention, une partie contractante doit aussi tenir compte d’autres parties de la
convention26 et déployer son action dans les limites de ce que lui permet la légalité internationale27.
34. En l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour a examiné le sens et
la portée de certaines des obligations de fond prévues par la convention sur le génocide, dont celle
de prévenir le génocide énoncée à l’article premier. Elle a affirmé que
«l’obligation [de prévenir] est une obligation de comportement et non de résultat, en ce
sens que l’on ne saurait imposer à un Etat quelconque l’obligation de parvenir à
empêcher, quelles que soient les circonstances, la commission d’un génocide :
l’obligation qui s’impose aux Etats parties est plutôt celle de mettre en oeuvre tous les
moyens qui sont raisonnablement à leur disposition en vue d’empêcher, dans la mesure
du possible, le génocide»28.
La Cour a ajouté que «la notion de «due diligence», qui appelle une appréciation in concreto, revêt
une importance cruciale»29 et souligné que «l’obligation de prévention et le devoir d’agir qui en est
le corollaire prennent naissance, pour un Etat, au moment où celui-ci a connaissance, ou devrait
normalement avoir connaissance, de l’existence d’un risque sérieux de commission d’un
génocide»30. Ainsi qu’il a été indiqué plus haut, cette notion de diligence requise s’applique
également à la détermination de l’existence ou non d’un génocide ou d’un risque grave de génocide.
35. En outre, l’article premier doit être interprété à la lumière de l’article VIII, qui prévoit
qu’un Etat «peut saisir les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci
prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures qu’ils jugent appropriées pour
la prévention et la répression des actes de génocide». Même s’il n’épuise pas l’obligation d’une partie
contractante de prévenir le génocide31, l’article VIII invite les parties contractantes à agir
collectivement pour prévenir et réprimer les actes de génocide en saisissant les mécanismes de
l’Organisation des Nations Unies. Le préambule de la convention sur le génocide met en outre
l’accent sur l’importance de l’action multilatérale en soulignant la nécessité d’une coopération
internationale «pour libérer l’humanité [du] fléau … odieux» du génocide. Les parties contractantes
25 L’article 26 de la convention de Vienne dispose que «[t]out traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté
par elles de bonne foi».
26 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 56.
27 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43, par. 430.
28 Ibid.
29 Ibid.
30 Ibid., par. 431.
31 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43, par. 427.
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peuvent aussi saisir la Cour d’un différend concernant l’interprétation, l’application ou l’exécution
de la convention, en vertu de l’article IX.
36. L’article VIII conforte ainsi une interprétation voulant qu’une partie contractante doive
agir, s’il y a lieu, en ayant recours à des mécanismes multilatéraux lorsqu’elle prend des mesures de
prévention d’un génocide, notamment lorsqu’elle s’emploie à déterminer si un génocide est en cours
ou risque fort de se produire. La partie peut ainsi s’appuyer, par exemple, sur des enquêtes
indépendantes menées sous les auspices de l’ONU.
37. L’article VIII est aussi pertinent pour analyser quel type de comportement peut ou non être
justifié par l’obligation de prévenir le génocide. Cette analyse doit être guidée par l’esprit et les buts
des Nations Unies, tels qu’exposés à l’article 1 de la Charte des Nations Unies32, qui énonce ceux-ci
comme étant notamment :
«[m]aintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures
collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer
tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques,
conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le
règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de
mener à une rupture de la paix».
L’analyse du type de comportement pouvant ou non être justifié par l’obligation de prévenir doit
aussi être guidée par la prise en considération du comportement qui est licite au regard du droit
international général et de la Charte des Nations Unies, que ce soit dans le cadre d’une action
individuelle ou d’une action collective.
38. A la lumière de ce qui précède, l’obligation de prévenir le génocide emporte une obligation
d’agir avec la diligence requise pour déterminer l’existence d’un génocide ou d’un risque grave de
génocide avant de prendre des mesures en exécution de l’article premier. Cette détermination devrait
être fondée sur toutes les informations disponibles, notamment celles recueillies auprès de sources
indépendantes et crédibles, et guidée par la définition de génocide figurant à l’article II de la
convention. Les parties contractantes sont invitées à agir collectivement pour prévenir le génocide,
conformément à l’esprit et aux buts des Nations Unies. Elles doivent aussi s’assurer que toute mesure
prise aux fins de la prévention d’un génocide est conforme à la Charte des Nations Unies et aux
autres obligations juridiques internationales applicables.
L’obligation de punir
39. L’obligation de punir énoncée à l’article premier doit être lue avec les articles IV à VII de
la convention sur le génocide, et donc interprétée comme étant une obligation de rechercher et de
poursuivre les personnes accusées de génocide, puis de punir celles reconnues coupables de tels
actes. Plus précisément, les articles IV à VII se lisent comme suit :
32 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 58. En outre, l’article 103
de la Charte des Nations Unies dispose qu’«[e]n cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en
vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront».
- 10 -
«Article IV
Les personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des
fonctionnaires ou des particuliers.
Article V
Les Parties contractantes s’engagent à prendre, conformément à leurs
constitutions respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application
des dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des sanctions
pénales efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l’un quelconque
des autres actes énumérés à l’article III.
Article VI
Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux compétents de l’Etat sur le
territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui
sera compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction.
Article VII
Le génocide et les autres actes énumérés à l’article III ne seront pas considérés
comme des crimes politiques pour ce qui est de l’extradition.
Les Parties contractantes s’engagent en pareil cas à accorder l’extradition
conformément à leur législation et aux traités en vigueur.»
40. En application de ces dispositions, une partie contractante s’acquitte de son obligation de
punir le génocide en traduisant devant ses propres tribunaux les personnes qui relèvent de la justice
pénale, en coopérant avec les juridictions internationales compétentes lorsqu’elle en a accepté la
compétence ou en extradant les personnes accusées de génocide pour qu’elles soient jugées dans
d’autres Etats, selon le cas.
41. A la lumière de ce qui précède, l’obligation de punir énoncée à l’article premier porte sur
des mesures punitives à caractère pénal prises contre des individus susceptibles d’être déclarés
pénalement responsables ; elle ne peut servir de justification à des actions visant à punir une autre
partie contractante au motif que celle-ci a ou aurait commis un génocide. A cet égard, l’article IX de
la convention sur le génocide prévoit un système de règlement des différends entre les parties
contractantes en disposant que les différends relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution
de cet instrument seront soumis à la Cour.
V. DOCUMENTS FOURNIS À L’APPUI DE LA DÉCLARATION CONJOINTE
42. Liste des documents fournis à l’appui de la déclaration conjointe et annexés à la présente :
Lettre en date du 30 mars 2022 adressée à l’ambassadrice du Canada auprès du Royaume des
Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice.
Lettre en date du 30 mars 2022 adressée au ministre des affaires étrangères du Royaume des
Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice.
- 11 -
Instrument de ratification par le Gouvernement du Canada de la convention sur le génocide.
Instrument de ratification par le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas de la convention sur
le génocide.
VI. CONCLUSION
43. Au vu de ce qui précède, le Canada et les Pays-Bas se prévalent du droit que leur confère
le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut d’intervenir en tant que non-parties à l’affaire portée devant
la Cour par l’Ukraine contre la Russie. Ils se réservent le droit de compléter ou de modifier la présente
déclaration conjointe et toutes observations écrites y relatives qui seraient présentées à cet égard,
s’ils le jugent nécessaire en fonction de l’évolution de la procédure.
44. Le Gouvernement du Canada a désigné le soussigné en qualité d’agent aux fins de la
présente déclaration conjointe. Mme Carolyn Knobel, directrice générale et conseillère juridique
adjointe au ministère canadien des affaires mondiales, agira en qualité d’agente adjointe. Il est
demandé que toutes les communications relatives à cette procédure soient adressées à l’ambassade
du Canada aux Pays-Bas :
Sophialaan 7
La Haye
Pays-Bas
45. Le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas a désigné le soussigné en qualité d’agent aux
fins de la présente déclaration conjointe. Mme Mireille Hector, conseillère juridique adjointe au
ministère néerlandais des affaires étrangères, agira en qualité de coagente. Il est demandé que toutes
les communications relatives à cette procédure soient adressées au ministère des affaires étrangères
du Royaume des Pays-Bas :
Division du droit international
Rijnstraat 8
2515XP La Haye
Pays-Bas
Veuillez agréer, etc.
Le sous-ministre délégué et conseiller juridique
au ministère des affaires mondiales du Canada,
agent du Gouvernement du Canada,
(Signé) Alan H. KESSEL.
Le conseiller juridique au ministère
des affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas,
agent du Gouvernement du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) René J. M. LEFEBER.
___________
- 12 -
Annexe A : Lettre en date du 30 mars 2022 adressée à l’ambassadrice du Canada auprès du
Royaume des Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice
Annexe B : Lettre en date du 30 mars 2022 adressée au ministre des affaires étrangères du
Royaume des Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice
Annexe C : Instrument de ratification par le Gouvernement du Canada de la convention sur
le génocide
Annexe D : Instrument de ratification par le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas de
la convention sur le génocide
- 13 -
CERTIFICATION
Je certifie par la présente que les annexes jointes à la présente déclaration sont des copies
conformes des documents originaux.
L’agent du Gouvernement du Canada,
(Signé) Alan H. KESSEL.
L’agent du Gouvernement du Royaume des Pays-Bas,
(Signé)René J. M. LEFEBER.
___________
ANNEXE A
LETTRE EN DATE DU 30 MARS 2022 ADRESSÉE À L’AMBASSADRICE DU CANADA AUPRÈS DU
ROYAUME DES PAYS-BAS PAR LE GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvernement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour internationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe a cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[1]orsqu'il s'agit de 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette derniere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois comme base de
competence de la Cour et a l'appui des demandes de l'Ukraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A l'article IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la portee de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree A Particle premier de la convention. Ii semble, des lors, que "'interpretation de
cette convention pourrait etre en cause en l'affaire.
./.
[Lettres aux Etats parties A la convention sur le genocide
(A l'exception de l'Ukraine et de la Federation de Russie)]
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23 - Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Carnegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J'ajoute que cette notification ne prejuge aucune question concernant l' application eventuelle
du paragraphe 2 de Particle 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
- 2 -
ANNEXE B
LETTRE EN DATE DU 30 MARS 2022 ADRESSÉE AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU
ROYAUME DES PAYS-BAS PAR LE GREFFIER DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
COUR INTE RNAT IONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvemement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour intemationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe A cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cii.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«Morsqu'il s'agit de Finterpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de Particle 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque l'interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de Particle 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette demiere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvemement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois cornme base de
competence de la Cour et A l'appui des demandes de l'Ulcraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A Particle IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la port& de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree a l'article premier de la convention. II semble, des lors, que Finterpretation de
cette convention pourrait 'etre en cause en l'affaire.
.1.
Son Excellence
Monsieur le Ministre des affaires etrangeres des Pays -Bas
Ministere des affaires etrangeres des Pays -Bas
La Haye
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23- Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Camegieplein 2
2517 KJ The Hague -Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.ickcij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J' aj oute que cette notification ne prejuge aucune question concemant l'application eventuelle
du paragraphe 2 de l'article 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
_
ANNEXE C
INSTRUMENT DE RATIFICATION PAR LE GOUVERNEMENT DU CANADA
DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE
ANNEXE D
INSTRUMENT DE RATIFICATION PAR LE GOUVERNEMENT DU ROYAUME
DES PAYS-BAS DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE
Déclaration d'intervention conjointe du Canada et des Pays-Bas