Déclaration d'intervention de la Pologne

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182-20220915-WRI-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE C. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
DÉCLARATION D’INTERVENTION DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE EN VERTU
DE L’ARTICLE 63 DU STATUT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
15 septembre 2022
[Traduction du Greffe]
A Monsieur le greffier de la Cour internationale de Justice, le soussigné, dûment autorisé par
le Gouvernement de la République de Pologne, déclare ce qui suit :
1. Au nom du Gouvernement de la République de Pologne, j’ai l’honneur de soumettre à la
Cour, en vertu du droit établi au paragraphe 2 de l’article 63 de son Statut, une déclaration
d’intervention en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un Etat qui désire se prévaloir
du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit déposer une déclaration qui précise
l’affaire et la convention qu’elle concerne, et qui contient :
a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme
partie à la convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est
en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.
3. Ces éléments sont précisés ci-dessous, après quelques observations liminaires.
I. OBSERVATIONS LIMINAIRES
4. Le 26 février 2022, l’Ukraine a introduit une instance contre la Fédération de Russie au sujet
d’un différend relatif à des allégations de génocide1.
5. Dans sa requête introductive d’instance, l’Ukraine prie la Cour :
«a) de dire et juger que, contrairement à ce que prétend la Fédération de Russie, aucun
acte de génocide, tel que défini à l’article III de la convention sur le génocide, n’a
été commis dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk ;
b) de dire et juger que la Fédération de Russie ne saurait licitement prendre, au titre de
la convention sur le génocide, quelque action que ce soit en Ukraine ou contre
celle-ci visant à prévenir ou à punir un prétendu génocide, sous le prétexte fallacieux
qu’un génocide aurait été perpétré dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de
Donetsk ;
c) de dire et juger que la reconnaissance, par la Fédération de Russie, de l’indépendance
des prétendues «République populaire de Donetsk» et «République populaire de
1 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022.
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Louhansk», le 22 février 2022, est fondée sur une allégation mensongère de
génocide et ne trouve donc aucune justification dans la convention sur le génocide ;
d) de dire et juger que l’«opération militaire spéciale» annoncée et mise en oeuvre par
la Fédération de Russie à compter du 24 février 2022 est fondée sur une allégation
mensongère de génocide et ne trouve donc aucune justification dans la convention
sur le génocide ;
e) d’exiger de la Fédération de Russie qu’elle fournisse des assurances et garanties de
non-répétition en ce qui concerne la prise par elle de toute mesure illicite en Ukraine
et contre celle-ci, notamment l’emploi de la force, en se fondant sur son allégation
mensongère de génocide ;
f) d’ordonner la réparation intégrale de tout dommage causé par la Fédération de
Russie par suite de toute action fondée sur son allégation mensongère de génocide.»2
6. Dans un document communiqué à la Cour le 7 mars 2022, la Fédération de Russie soutenait
que celle-ci n’avait pas compétence pour connaître de l’affaire et la «pri[ait] … de s’abstenir
d’indiquer des mesures conservatoires et de radier l’affaire de son rôle».
7. Le 16 mars 2022, comme suite à une demande en indication de mesures conservatoires
soumise par l’Ukraine, la Cour a ordonné ce qui suit :
1) La Fédération de Russie doit suspendre immédiatement les opérations militaires
qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine ;
2) La Fédération de Russie doit veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou unités
armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son appui,
ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou sa
direction, ne commette d’actes tendant à la poursuite des opérations militaires visées
au point 1) ci-dessus ;
3) Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou
d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus
difficile.
8. A la date de la présente déclaration, la Fédération de Russie ne s’est pas conformée aux
prescriptions de l’ordonnance, a intensifié et étendu ses opérations militaires sur le territoire de
l’Ukraine et a ainsi aggravé le différend dont la Cour est saisie.
9. Le 30 mars 2022, ainsi qu’il est prévu au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour,
le greffier a dûment averti le Gouvernement de la République de Pologne, en sa qualité de partie à la
convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-après la «convention
sur le génocide» ou la «convention»), que l’interprétation de cet instrument pourrait être en cause en
l’espèce3.
2 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), requête introductive d’instance déposée au Greffe de la Cour le 26 février 2022, par. 30.
3 Voir annexe A.
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10. Par la présente déclaration, la République de Pologne exerce son droit d’intervention en
vertu du paragraphe 2 de l’article 63 du Statut. Ainsi que la Cour l’a reconnu, l’article 63 confère en
effet un «droit» d’intervenir, pourvu que l’Etat concerné limite son intervention à «la question qu’il
s’agit d’interpréter en l’espèce et n’autorise pas une intervention générale en l’affaire»4.
11. Respectant la portée limitée des interventions fondées sur l’article 63 du Statut, la
République de Pologne exposera l’interprétation qu’elle donne des articles pertinents de la
convention sur le génocide, conformément aux règles coutumières d’interprétation telles que
reflétées à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Elle note que l’article 63 ne
fait aucune distinction entre les dispositions d’une convention qui ont trait à des questions de
compétence et celles qui ont trait au fond ; selon le juge Schwebel, «l’intervention pendant la phase
juridictionnelle de l’instance fa[it] partie du droit que l’article 63 confère aux Etats»5. Dans les deux
cas, les Etats peuvent en effet offrir leur assistance à la Cour pour l’interprétation d’une convention
donnée. En conséquence, les interventions concernant l’un ou l’autre de ces deux aspects sont
permises, le libellé de l’article 82 du Règlement selon lequel une déclaration doit être déposée «le
plus tôt possible» confirmant d’ailleurs qu’une déclaration déposée au titre de l’article 63 est
recevable au présent stade de la procédure.
12. La République de Pologne informe en outre la Cour qu’elle est disposée à l’aider en
joignant son intervention à d’autres interventions similaires émanant d’autres Etats parties, en
particulier d’Etats membres de l’Union européenne, en vue des stades ultérieurs de la procédure, si
la Cour estime que cela serait dans l’intérêt d’une administration appropriée de la justice.
13. Le droit de la République de Pologne d’intervenir dans la présente affaire tient à sa qualité
de partie à la convention sur le génocide. Tel est le contexte limité dans lequel elle entend intervenir
en l’espèce.
14. La République de Pologne tient à rappeler les termes bien connus employés dans le
préambule de la convention : «à toutes les périodes de l’histoire le génocide a infligé de grandes
pertes à l’humanité». Ses vues sur la présente affaire portée devant la Cour sont donc également
éclairées par les efforts qu’elle déploie de longue date pour contribuer à la prévention et la répression
du génocide. Elles sont aussi la conséquence du génocide perpétré contre les Polonais pendant la
seconde guerre mondiale par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique (prédécesseur de la Fédération
de Russie), et notamment du fait que les responsables soviétiques du massacre de Katyń en 1940,
que ce soit les auteurs directs des crimes ou les responsables politiques comme Joseph Staline et
Lavrentiy Beria, n’ont jamais eu à répondre de ce crime.
15. Conformément aux déclarations précitées de la Cour concernant la portée du droit
d’intervention, la République de Pologne exposera ses vues sur certaines questions d’interprétation
de la convention qui sont pertinentes aux fins du règlement de la présente espèce. A cet égard, elle
précise qu’elle n’entend pas devenir partie à l’instance. En revanche, conformément à l’article 63 du
Statut, elle confirme que, en se prévalant de son droit d’intervenir, elle accepte comme également
obligatoire à son égard l’interprétation que contiendra l’arrêt rendu en l’espèce.
4 Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76 ; Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 1[5], par. 2[6].
5 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
déclaration d’intervention, ordonnance du 4 octobre 1984, C.I.J. Recueil 1984, opinion dissidente de M. Schwebel,
p. 235-236.
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II. BASE SUR LAQUELLE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE EST PARTIE À LA CONVENTION
16. La République de Pologne a adhéré à la convention le 14 novembre 1950, en formulant
des réserves aux articles IX et XII de la convention6. Elle demeure partie à cet instrument.
17. Le 16 octobre 1997, le Gouvernement de la République de Pologne a notifié au
Secrétaire général sa décision de retirer sa réserve à l’article IX, formulée lors de son adhésion7.
III. PERTINENCE DE LA CONVENTION ET APPROCHE ADOPTÉE
AUX FINS DE SON INTERPRÉTATION
18. La principale question juridique en litige est l’interprétation de la convention sur le
génocide, qui «est invoquée à la fois comme base de compétence de la Cour et à l’appui des demandes
de l’Ukraine au fond»8. Par conséquent, l’interprétation de cet instrument, et en particulier de
l’article premier lu conjointement avec l’article II, est directement pertinente aux fins du règlement
du différend porté devant la Cour par l’Ukraine au moyen de sa requête.
19. L’interprétation de la convention par la République de Pologne se fonde sur les dispositions
des articles 31 et 32 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. L’article 31 énonce
comme suit la règle fondamentale en matière d’interprétation :«Un traité doit être interprété de bonne
foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but.» L’interprétation doit également tenir compte de la pratique ultérieurement suivie
par les parties à l’instrument en cause et peut aussi être confirmée par des moyens complémentaires
d’interprétation. Ces dispositions, ainsi que la Cour l’a indiqué à de nombreuses reprises, reflètent le
droit coutumier et peuvent également être appliquées aux traités conclus avant la date d’adoption de
la convention de Vienne sur le droit des traités. Telle a également été la pratique de la Cour9.
20. La République de Pologne a en outre conscience qu’il convient également, aux fins de
l’interprétation, de tenir compte de toutes les règles pertinentes de droit international applicables dans
les relations entre les parties et de l’évolution éventuelle de ces règles depuis l’adoption du traité. De
plus, le principe de la bonne foi impose à tout Etat partie d’appliquer les dispositions d’un traité «de
façon raisonnable et de telle sorte que [le] but [de celui-ci] puisse être atteint»10.
21. Il y a lieu de rappeler que
«l’intention des Nations Unies [était] de condamner et de réprimer le génocide comme
«un crime de droit des gens» impliquant le refus du droit à l’existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige de grandes pertes
6 Voir annexe B.
7 Voir annexe C.
8 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), lettre du greffier no 156413 aux Etats parties à la convention sur le génocide, 30 mars
2022.
9 Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 18.
10 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
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à l’humanité, et qui est contraire à la fois à la loi morale et à l’esprit et aux fins des
Nations Unies»11.
En outre,
«[l]a Convention a été manifestement adoptée dans un but purement humain et
civilisateur. On ne peut même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut
degré ce double caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même
de certains groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de
morale les plus élémentaires.»12
22. Enfin, on relèvera que la Cour a considéré que l’interdiction du génocide revêtait le
caractère de norme impérative (jus cogens)13. Elle a également reconnu que les droits et obligations
consacrés par la convention étaient des droits et obligations erga omnes14.
23. Ces considérations mettent en évidence l’importance de l’objet de la convention, ainsi que
le lien étroit entre celui-ci et l’obligation juridique et morale des Etats parties de protéger les
personnes relevant de leur juridiction. La convention a assurément été conçue dans un but purement
humain et ne saurait être interprétée comme autorisant un Etat, quel qu’il soit, à l’invoquer pour
justifier une conquête militaire ou des visées impérialistes. Etant donné que ses dispositions
contiennent des normes impératives visant à sauvegarder l’existence de groupes humains, la
convention ne saurait être interprétée comme un instrument juridique justifiant l’agression contre
d’autres Etats.
IV. ARTICLE IX DE LA CONVENTION
24. L’article IX de la convention sur le génocide se lit comme suit :
«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une partie au différend.»
25. La République de Pologne fait valoir que la notion de «différend» est déjà bien établie
dans la jurisprudence de la Cour et va dans le sens de la présente interprétation. En conséquence, elle
souscrit au sens attribué au mot «différend» comme désignant «un désaccord sur un point de droit ou
de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre des parties15. Pour
établir l’existence d’un différend, «[i]l faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se
11 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
12 Ibid.
13 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31, par. 64.
14 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 615, par. 31.
15 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
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heurte à l’opposition manifeste de l’autre»16. Les deux parties doivent avoir des «points de vue quant
à l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations internationales [qui] sont nettement
opposés»17. En outre, «dans le cas où le défendeur s’est abstenu de répondre aux réclamations du
demandeur, il est possible d’inférer de ce silence, dans certaines circonstances, qu’il rejette celles-ci
et que, par suite, un différend existe»18.
26. S’agissant de l’article IX de la convention, il convient de relever qu’il s’agit d’une clause
compromissoire, qui vise les différends «relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
présente Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou
de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III». Il s’agit là d’une formulation large, qui
ne contient aucune restriction spécifique. Elle va donc plus loin que les clauses habituelles de ce type,
généralement limitées à «l’interprétation et l’application». De surcroît, elle porte expressément sur
la «responsabilité d’un Etat en matière de génocide».
27. Pour préciser le sens ordinaire du membre de phrase «relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la … Convention», on peut le séparer en deux éléments. Le premier
(«relatifs à») établit un lien entre le différend et la convention, tandis que le second («l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la … Convention») englobe des situations multiples.
28. Un exemple se rapportant au second élément pourrait être un différend au sujet de
l’interprétation, de l’application ou de l’exécution de la convention lorsqu’un Etat allègue qu’un autre
Etat a commis un génocide19. Dans ce cas de figure, la Cour examine les faits sous-tendant cette
allégation : si elle n’est pas convaincue que le défendeur ait réellement commis des actes de génocide,
elle peut se déclarer incompétente.
29. Bien que ce cas de figure de la responsabilité (alléguée) à raison d’actes de génocide
constitue un type de différend important concernant «l’interprétation, l’application ou l’exécution»
de la convention, il n’est certainement pas le seul. Ainsi, dans l’affaire (pendante) Gambie
c. Myanmar, le demandeur a fait valoir que le défendeur non seulement était responsable d’actes
prohibés au regard de l’article III, mais manquait aussi aux obligations que lui impose la convention
en ne prévenant pas le génocide, en violation de l’article premier, et en ne punissant pas ce crime, en
violation des articles premier, IV et V20. Dans cet exemple, un Etat allègue qu’un autre n’honore pas
son engagement de «prévenir» et de «punir» le génocide, parce qu’il accorde l’impunité relativement
à des actes de génocide commis sur son territoire. Il peut donc aussi exister des différends concernant
une «inaction» en tant que violation des obligations de fond énoncées aux articles précités. D’une
manière plus générale, au regard de l’objet et du but de la convention, y compris les prononcés de la
Cour sur cette question, la République de Pologne tient à souligner que l’exclusion de tels types de
16 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
17 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Qatar c. Emirats arabes unis), mesures conservatoires, ordonnance du 23 juillet 2018, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 414,
par. 18 ; Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50, citant Interprétation des traités de paix
conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
18 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
19 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 75, par. 169.
20 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 24, points 1 c), d) et e).
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différends irait à l’encontre des dispositions particulières de cet instrument, ainsi que des buts
humains et civilisateurs pour lesquels il a été adopté.
30. Le sens ordinaire de l’article IX montre ainsi clairement qu’il n’est pas nécessaire, en la
présente affaire, d’établir l’existence d’actes de génocide pour fonder la compétence de la Cour, mais
que celle-ci a compétence à l’égard de la question de savoir si des actes de génocide ont été commis
ou le sont, ou non21. Aussi a-t-elle également compétence ratione materiae pour constater une
absence de génocide et une violation de l’exécution de bonne foi de la convention conduisant à un
abus de droit. Plus précisément, la compétence de la Cour s’étend aux différends concernant l’emploi
unilatéral de la force militaire dans le but affiché de prévenir et de punir un prétendu génocide22.
31. Le contexte du membre de phrase «relatifs à …» confirme cette lecture. En particulier,
l’emploi inhabituel du terme «y compris» dans l’incise de l’article IX de la convention indique que
celui-ci a un champ d’application plus large que celui d’une clause compromissoire classique. Les
différends relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou à raison de l’un quelconque
des autres actes énumérés à l’article III ne sont donc qu’un des types de différends visés par
l’article IX, «compris» dans la formulation plus générale concernant les différends «relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la convention. En outre, l’article IX prévoit
expressément que la Cour est compétente pour connaître d’un différend soumis «à la requête d’une
partie [à celui-ci]». Cet énoncé indique qu’un Etat accusé de commettre un génocide a le même droit
de soumettre le différend à la Cour que l’Etat qui formule l’accusation. En particulier, cet Etat peut
demander à la Cour de prononcer un jugement déclaratoire «négatif» à l’effet de dire que les
allégations par lesquelles l’autre Etat l’accuse d’être responsable de génocide sont dénuées de
fondement en fait et en droit.
32. Par conséquent, le contexte de l’expression «relatifs à» figurant à l’article IX confirme que
la compétence de la Cour va au-delà des différends entre Etats concernant la responsabilité à l’égard
d’actes de génocide allégués et s’étend également aux différends entre Etats concernant une absence
de génocide et une violation de l’obligation d’exécuter de bonne foi la convention qui donne lieu à
un abus de droit.
33. Enfin, l’objet et le but de la convention viennent également à l’appui d’une interprétation
large de l’article IX. La Cour a noté que «[t]ous les Etats parties à la convention sur le génocide
ont … , en souscrivant aux obligations contenues dans cet instrument, un intérêt commun à veiller à
ce que le génocide soit prévenu, réprimé et puni»23. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu en 1951,
la Cour a dit ce qui suit :
«Les fins d’une telle convention doivent également être retenues. La Convention
a été manifestement adoptée dans un but purement humain et civilisateur. On ne peut
même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut degré ce double
caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même de certains
groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de morale les
21 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 43 ; Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires,
ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 14, par. 30.
22 Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Ukraine c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 16 mars 2022, par. 45.
23 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 107.
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plus élémentaires. Dans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’intérêts
propres ; ils ont seulement tous et chacun un intérêt commun, celui de préserver les fins
supérieures qui sont la raison d’être de la convention. Il en résulte que l’on ne saurait,
pour une convention de ce type, parler d’avantages ou de désavantages individuels des
Etats, non plus que d’un exact équilibre contractuel à maintenir entre les droits et les
charges. La considération des fins supérieures de la Convention est, en vertu de la
volonté commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les dispositions
qu’elle renferme.»24
34. L’objet de la convention, qui est de protéger les principes de morale les plus élémentaires,
interdit également qu’un Etat partie puisse détourner ses dispositions à d’autres fins. La crédibilité
de la convention en tant qu’instrument universel visant à interdire le crime le plus abject qu’est le
génocide serait en effet compromise si un Etat partie pouvait l’invoquer abusivement sans que la
victime d’un tel abus puisse se tourner vers la Cour. Le but de la convention plaide donc avec force
en faveur d’une lecture de l’article IX selon laquelle les différends relatifs à l’interprétation, à
l’application ou à l’exécution de la convention comprennent les différends relatifs au recours abusif
à l’autorité de cet instrument pour justifier un acte d’un Etat partie à l’égard d’un autre Etat partie.
35. Pour conclure, le sens ordinaire de l’article IX de la convention, son contexte et l’objet et
le but de cet instrument dans son ensemble démontrent qu’un différend relatif à des actes qu’un Etat
commet contre un autre Etat sur le fondement d’allégations fallacieuses de génocide relève de la
notion de «différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou
l’exécution de la présente Convention». Une situation dans laquelle un Etat invoque la commission
d’un génocide par un autre Etat, ce dernier s’opposant à cette allégation, entre donc dans les
prévisions de cette disposition25. Il s’ensuit que, si le représentant d’un Etat formule une allégation
générale selon laquelle un autre Etat a commis un génocide et tente d’en tirer certains droits, ce
comportement relève de l’objet de la convention sur le génocide ; il ne peut assurément être considéré
comme insignifiant au regard des dispositions juridictionnelles et substantielles de cet instrument.
En conséquence, la Cour est compétente pour constater l’absence de génocide et la violation de
l’obligation d’exécuter de bonne foi la convention qui donne lieu à un abus de droit. En particulier,
la compétence de la Cour s’étend aux différends concernant l’emploi unilatéral de la force militaire
dans le but affiché de prévenir et de punir un prétendu génocide.
36. Enfin, d’un point de vue systémique, la Pologne avance que la Cour, en sa qualité d’organe
judiciaire principal des Nations Unies, dont la fonction première est de préserver la paix et la sécurité
internationales, a l’obligation concrète de contribuer à cet objectif en proposant un cadre judiciaire
aux fins du règlement des différends d’ordre juridique, notamment lorsqu’il s’agit d’un différend qui
non seulement menace la paix et la sécurité internationales mais qui s’est également transformé en
invasion militaire de grande ampleur causant de terribles souffrances et, constamment, des pertes en
vies humaines26.
24 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
25 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 75, par. 169.
26 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du
2 juin 1999, déclaration de M. Koroma, C.I.J. Recueil 1999 (II), déclaration de M. Koroma, p. 930.
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V. ARTICLE PREMIER (LU CONJOINTEMENT AVEC L’ARTICLE II) DE LA CONVENTION
37. L’article premier se lit comme suit : «Les Parties contractantes confirment que le génocide,
qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles
s’engagent à prévenir et à punir.» L’article II est ainsi libellé :
«Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes
ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.»
L’article III se lit comme suit :
«Seront punis les actes suivants :
a) Le génocide ;
b) L’entente en vue de commettre le génocide ;
c) L’incitation directe et publique à commettre le génocide ;
d) La tentative de génocide ;
e) La complicité dans le génocide.»
L’article premier contient des obligations qui revêtent une importance fondamentale aux fins de
l’application de la convention. Le mot «génocide» a été employé pour la première fois en 1944 par
Raphael Lemkin, juriste polonais, dans son livre Axis Rule in Occupied Europe. Raphael Lemkin
avait forgé ce terme en réponse, entre autres, aux exemples historiques d’actions ciblées visant à
détruire des groupes particuliers comme tels, notamment le meurtre systématique de Juifs pendant
l’Holocauste. Par la suite, il prit la tête de la campagne pour faire reconnaître et codifier le génocide
en tant que crime international. Ainsi que l’a dit la Cour :
«L’article premier fait obligation aux Etats parties de prévenir la commission
d’un génocide, qu’il qualifie de «crime du droit des gens». Il n’impose pas expressis
verbis aux Etats de s’abstenir de commettre eux-mêmes un génocide. De l’avis de la
Cour, cependant, eu égard à l’objet de la Convention tel que généralement accepté,
l’article premier a pour effet d’interdire aux Etats parties de commettre eux-mêmes un
génocide. Une telle prohibition résulte, d’abord, de la qualification de «crime du droit
des gens» donnée par cet article au génocide : en acceptant cette qualification, les Etats
parties s’engagent logiquement à ne pas commettre l’acte ainsi qualifié. Elle résulte,
ensuite, de l’obligation, expressément stipulée, de prévenir la commission d’actes de
génocide. Cette obligation impose notamment aux Etats parties de mettre en oeuvre les
moyens dont ils disposent, dans des conditions qui seront précisées plus loin dans le
présent arrêt, afin d’empêcher des personnes ou groupes de personnes qui ne relèvent
pas directement de leur autorité de commettre un acte de génocide ou l’un quelconque
- 10 -
des autres actes mentionnés à l’article III. Il serait paradoxal que les Etats soient ainsi
tenus d’empêcher, dans la mesure de leurs moyens, des personnes sur lesquelles ils
peuvent exercer une certaine influence de commettre le génocide, mais qu’il ne leur soit
pas interdit de commettre eux-mêmes de tels actes par l’intermédiaire de leurs propres
organes, ou des personnes sur lesquelles ils exercent un contrôle si étroit que le
comportement de celles-ci leur est attribuable selon le droit international. En somme,
l’obligation de prévenir le génocide implique nécessairement l’interdiction de le
commettre.»27
38. Un Etat partie est censé mettre tout en oeuvre (selon le principe de la diligence requise)
lorsqu’il a «la capacité … à influencer effectivement l’action des personnes susceptibles de
commettre, ou qui sont en train de commettre»28 les actes visés par la convention, capacité qui dépend
elle-même des liens géographiques, politiques et autres entre ledit Etat et les personnes ou groupes
en cause. Cette obligation requiert néanmoins que des éléments de preuve convaincants attestent
qu’un génocide est susceptible d’être commis ou en train d’être commis. Elle n’autorise pas un Etat
à agir sur la seule base d’allégations de génocide, sans qu’il existe de preuves sérieuses de la
commission de ces actes.
39. En outre, les Etats, en s’acquittant de leur obligation de prévenir le génocide, «ne peu[vent]
déployer [leur] action que dans les limites de ce que [leur] permet la légalité internationale», comme
cela a été précisé dans une affaire antérieure introduite au titre de la convention29. Cette interprétation
est corroborée par la lecture de l’article premier, en particulier dans le contexte de l’article VIII, qui
encourage les parties contractantes à saisir «les organes compétents des Nations Unies». La
convention a été manifestement adoptée dans un but purement humain et civilisateur. Les actions
entreprises par les Etats au motif de «prévenir et punir» le génocide ne sauraient être contraires à ces
objectifs. De plus, l’article premier doit être interprété à la lumière des principes du droit
international, parmi lesquels l’interdiction de l’agression ou des crimes contre l’humanité. Il ne peut
donc être compris comme autorisant l’agression ou la commission de crimes internationaux. En tout
état de cause, l’obligation de «prévenir» le génocide implique nécessairement celle de ne pas
formuler ou diffuser de fausses accusations selon lesquelles un crime d’une telle gravité serait
commis.
40. En ce qui concerne l’obligation de punir (qui est distincte de celle de prévenir de tels
crimes, même si elle y est étroitement liée30), la République de Pologne estime qu’elle requiert
nécessairement des éléments de preuve clairs et convaincants de la commission d’un génocide. En
outre, l’article premier de la convention doit s’entendre comme signifiant que l’obligation de punir
le génocide se limite à des mesures punitives à caractère pénal prises contre des individus.
La notion de «répression» est bien connue en droit pénal national et international. Elle décrit la
réponse apportée à un acte prohibé, avec pour buts la dissuasion, le châtiment et la réinsertion d’un
criminel (dans des proportions différentes pour chaque système juridique). De par sa nature même,
la «répression» ne peut être employée contre un Etat, mais seulement contre des personnes (sans
préjudice de la question de savoir si, aux fins de la responsabilité pénale, une société peut être
considérée comme «une personne»).
27 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166.
28 Ibid., p. 221, par. 430.
29 Ibid., p. 221, par. 430.
30 Ibid., p. 219, par. 425.
- 11 -
Ce sens ordinaire du mot «répression» [«punishment», dans la version anglaise] est confirmé en
analysant la convention sur le génocide de façon systémique. Dans le contexte de la «répression»,
celle-ci traite des aspects classiques du droit pénal relatifs à la responsabilité pénale individuelle
(éléments constitutifs du crime : article II ; modes de comportement : article III ; immunités
personnelles : article IV ; efficacité de la peine : article V ; compétence : article VI ; extradition :
article VII). Dans le contexte de l’action pouvant être intentée contre un Etat (et non une personne),
en revanche, la convention utilise, dans sa version anglaise, le terme «suppression» (article VIII) au
lieu de «punishment».
41. La convention, interprétée de bonne foi et en tenant compte des règles pertinentes de droit
international applicables dans les relations entre les Etats parties, n’autorise donc pas les
comportements impliquant l’emploi de la force comme moyen de prévenir un génocide faussement
allégué dans l’Etat qui est la cible de cet emploi de la force.
VI. CONCLUSION
42. En conclusion, la République de Pologne souscrit à l’interprétation selon laquelle
l’invocation d’une allégation de génocide manifestement infondée pour justifier le recours à la force
contre un autre Etat contrevient clairement à l’article premier de la convention sur le génocide.
43. La République de Pologne se réserve le droit de modifier ou compléter la présente
déclaration au cours des exposés écrits et oraux et en déposant une autre déclaration auprès de la
Cour.
VII. DOCUMENTS FOURNIS À L’APPUI DE LA DÉCLARATION
44. La République de Pologne soumet les documents suivants à l’appui de sa déclaration :
a) annexe A : lettre adressée par le greffier aux Etats parties à la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide en application du paragraphe 1 de l’article 63 du Statut de la
Cour ;
b) annexe B : confirmation du dépôt de l’instrument d’adhésion de la République de Pologne à la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide ;
c) annexe C : confirmation du retrait de la réserve formulée par la Pologne à l’article IX de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
L’agent du Gouvernement de la République de Pologne,
(Signé) Konrad Jan MARCINIAK.
___________
CERTIFICATION
[Traduction]
Je certifie que les annexes jointes à la présente déclaration sont des copies conformes des
documents originaux.
L’agent du Gouvernement de la
République de Pologne,
(Signé) Konrad Jan MARCINIAK.
___________
ANNEXE A
LETTRE ADRESSÉE PAR LE GREFFIER AUX ETATS PARTIES À LA CONVENTION
SUR LE GÉNOCIDE EN APPLICATION DU PARAGRAPHE 1
DE L’ARTICLE 63 DU STATUT DE LA COUR
COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvernement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour internationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe a cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[1]orsqu'il s'agit de 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette derniere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois comme base de
competence de la Cour et a l'appui des demandes de l'Ukraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A l'article IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la portee de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree A Particle premier de la convention. Ii semble, des lors, que "'interpretation de
cette convention pourrait etre en cause en l'affaire.
./.
[Lettres aux Etats parties A la convention sur le genocide
(A l'exception de l'Ukraine et de la Federation de Russie)]
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23 - Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Carnegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J'ajoute que cette notification ne prejuge aucune question concernant l' application eventuelle
du paragraphe 2 de Particle 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
- 2 -
ANNEXE B
CONFIRMATION DU DÉPÔT DE L’INSTRUMENT D’ADHÉSION DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE
À LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

ANNEXE C
CONFIRMATION DU RETRAIT DE LA RÉSERVE FORMULÉE PAR LA POLOGNE À L’ARTICLE IX
DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

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Document Long Title

Déclaration d'intervention de la Pologne

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