Déclaration d'intervention de la Suède

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182-20220909-WRI-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ALLÉGATIONS DE GÉNOCIDE AU TITRE DE LA CONVENTION POUR
LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(UKRAINE c. FÉDÉRATION DE RUSSIE)
DÉCLARATION D’INTERVENTION DÉPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT DU
ROYAUME DE SUÈDE EN VERTU DE L’ARTICLE 63 DU STATUT
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
8 septembre 2022
[Traduction du Greffe]
I. LE DROIT D’INTERVENIR
1. Au nom du Gouvernement de la Suède, et comme suite à votre lettre no 156413 du 30 mars
20221 adressée aux Etats parties à la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (dénommée ci-après la «convention») en application du paragraphe 1 de l’article 63 du
Statut de la Cour, nous avons l’honneur de soumettre à cette dernière, en vertu du droit établi au
paragraphe 2 de l’article 63 de son Statut, une déclaration d’intervention en l’affaire relative à des
Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Ukraine c. Fédération de Russie).
2. Ainsi que la Cour l’a reconnu, l’article 63 de son Statut confère un «droit» d’intervention2
lorsque l’Etat concerné limite son intervention à «la question qu’il s’agit d’interpréter en l’espèce et
n’autorise pas une intervention générale en l’affaire»3. La Suède tire son droit d’intervenir en la
présente affaire de son statut d’Etat partie à la convention, et c’est dans ce contexte limité qu’elle
intervient devant la Cour, tenant dûment compte de ce que le greffier a, dans la lettre susmentionnée,
indiqué que «l’interprétation de cette convention pourrait être en cause en l’affaire», en particulier
les articles I à III et IX.
3. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour, un Etat qui désire se prévaloir
du droit d’intervention que lui confère l’article 63 du Statut doit préciser l’affaire et la convention
concernées par sa déclaration, laquelle doit contenir :
a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’Etat déclarant se considère comme partie à la
convention ;
b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation est en cause ;
c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.
4. Ces éléments sont précisés ci-dessous, après quelques observations liminaires sur l’affaire
en cause et un bref résumé de la procédure judiciaire.
II. LA PROCÉDURE JUDICIAIRE
5. Le 26 février 2022, l’Ukraine a déposé devant la Cour une requête introductive d’instance
contre la Fédération de Russie (ci-après la «requête») au sujet d’«un différend … concernant
l’interprétation, l’application et l’exécution» de la convention (rôle général, n° 182, ci-après
l’«instance»)4.
1 Voir annexe A.
2 Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76, et Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 13, par. 21.
3 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981,
p. 15, par. 26.
4 Requête, par. 2.
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6. Dans sa requête, l’Ukraine entend fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 1 de
l’article 36 du Statut de celle-ci et sur l’article IX de la convention, à laquelle les deux Etats sont
parties5.
7. En même temps que la requête, l’Ukraine, se référant à l’article 41 du Statut de la Cour et
aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement, a présenté une demande en indication de mesures
conservatoires (ci-après la «demande»), dans laquelle elle a prié la Cour d’indiquer des mesures
conservatoires «afin d’éviter qu’un préjudice irréparable ne soit causé à ses droits et à ceux de sa
population et que le différend qui oppose les Parties en ce qui concerne la convention sur le génocide
ne s’aggrave ou ne s’étende»6.
8. Le 7 mars 2022, la Cour a tenu une audience publique consacrée à la demande, à laquelle la
Fédération de Russie n’a pas pris part. Le même jour, cette dernière a communiqué un document
(avec annexes) exposant sa position en ce qui concerne l’«incompétence» de la Cour en l’affaire
(ci-après le «document»), soutenant que tant la requête que la demande dépassaient manifestement
le champ d’application de la convention7.
9. Le 16 mars 2022, la Cour a rendu une ordonnance contraignante (ci-après l’«ordonnance»),
dans laquelle elle a conclu que, prima facie, elle avait compétence pour connaître de l’affaire, et
indiqué les mesures conservatoires suivantes :
«1) La Fédération de Russie doit suspendre immédiatement les opérations
militaires qu’elle a commencées le 24 février 2022 sur le territoire de l’Ukraine ;
2) La Fédération de Russie doit veiller à ce qu’aucune des unités militaires ou
unités armées irrégulières qui pourraient agir sous sa direction ou bénéficier de son
appui, ni aucune organisation ou personne qui pourrait se trouver sous son contrôle ou
sa direction, ne commette d’actes tendant à la poursuite des opérations militaires visées
au point 1) ci-dessus ;
3) Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou
d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile.»
10. A la date de la présente déclaration, la Fédération de Russie ne s’est pas conformée aux
prescriptions de l’ordonnance, a intensifié et étendu ses opérations militaires sur le territoire de
l’Ukraine et a donc ainsi aggravé le différend dont la Cour est saisie8.
III. OBSERVATIONS LIMINAIRES
11. Le Gouvernement de la Suède considère que la convention est cruciale pour prévenir et
punir le génocide. Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe
national, ethnique, racial ou religieux constitue un crime au regard du droit international. De fait,
l’interdiction du génocide a rang de norme de jus cogens en droit international, et les droits et
5 Ibid., sect. II, par. 4-12.
6 Demande, par. 20.
7 Document, par. 23.
8 Dans une nouvelle ordonnance rendue le 23 mars 2022, la Cour a fixé au 23 septembre 2022 la date d’expiration
du délai pour le dépôt du mémoire de l’Ukraine et au 23 mars 2023 celle pour le dépôt du contre-mémoire de la Fédération
de Russie, et a réservé la suite de la procédure. L’Ukraine a déposé son mémoire le 1er juillet 2022.
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obligations consacrés par la convention sont dus à la communauté internationale dans son ensemble9.
Ainsi que la Cour l’a confirmé à maintes reprises, tous les Etats parties à la convention, ayant souscrit
aux obligations contenues dans cet instrument, ont donc un intérêt commun à veiller à ce que le
génocide soit prévenu, réprimé et puni10. Selon la Cour, cet intérêt commun implique également que
les obligations sont dues erga omnes partes, en ce sens que, quelle que soit l’affaire, chaque Etat
partie a un intérêt à ce qu’elles soient respectées11.
12. Afin de souligner encore le caractère universel des intérêts consacrés dans les articles de
la convention, rappelons ce que la Cour elle-même a expliqué concernant le lien juridique établi entre
les Etats parties à cet instrument :
«Dans une telle convention, les Etats contractants n’ont pas d’intérêts propres ;
ils ont seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins
supérieures qui sont la raison d’être de la convention. Il en résulte que l’on ne saurait,
pour une convention de ce type, parler d’avantages ou de désavantages individuels des
Etats, non plus que d’un exact équilibre contractuel à maintenir entre les droits et les
charges. La considération des fins supérieures de la Convention est, en vertu de la
volonté commune des parties, le fondement et la mesure de toutes les dispositions
qu’elle renferme.»12
13. C’est dans ce contexte et en tant que fervent défenseur d’un ordre mondial fondé sur des
règles, dans lequel les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit revêtent la plus haute
importance, que le Royaume de Suède a estimé devoir intervenir en l’affaire, afin d’exposer à la Cour
son interprétation des dispositions pertinentes de la convention, en appliquant les règles coutumières
en la matière telles que codifiées dans la convention de Vienne sur le droit des traités13.
14. Conformément aux déclarations précitées de la Cour concernant la portée du droit
d’intervention, la Suède exposera ses vues sur certaines questions d’interprétation de la convention
qui sont pertinentes pour le règlement de la présente espèce, et non sur l’application des articles de
cet instrument dans cette affaire. A cet égard, elle tient à préciser qu’elle n’entend pas devenir une
9 Voir, par exemple, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [110-]111, par. 161-162.
10 Pour citer le regretté juge Cançado Trindade, tous les Etats parties sont invités à apporter leur contribution à la
bonne interprétation des traités portant sur des questions d’intérêt collectif pour, en quelque sorte, assurer une «garantie
collective du respect des obligations contractées par [eux]» (les italiques sont dans l’original), voir l’exposé de l’opinion
individuelle de M. le juge Cançado Trindade, joint à Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon),
déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande, ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 33, par. 53.
11 Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (II), p. [449], par. 68 ; voir aussi Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle
requête : 1962) (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33 ; et, plus récemment,
l’arrêt rendu le 22 juillet 2022 dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), par. 107.
12 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
13 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie
c. Myanmar), arrêt du 22 juillet 2022, par. 87 : «la Cour aura recours aux règles coutumières de droit international relatives
à l’interprétation des traités, telles que reflétées aux articles 31 à 33 de la convention de Vienne sur le droit des traités du
23 mai 1969» ; voir aussi Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Qatar c. Emirats arabes unis), exceptions préliminaires, arrêt du 4 février 2021, par. 75 et
références citées.
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(tierce) partie à l’instance ni compromettre l’égalité entre les Parties au différend14. En revanche,
conformément à l’article 63 du Statut, elle confirme que, en se prévalant de son droit d’intervenir,
elle accepte comme également obligatoire à son égard l’interprétation que contiendra l’arrêt en
l’espèce.
15. Par ailleurs, tout Etat souhaitant se prévaloir du droit d’intervention que lui confère
l’article 63 du Statut doit, aux termes du paragraphe 1 de l’article 82 du Règlement, déposer sa
déclaration «le plus tôt possible avant la date fixée pour l’ouverture de la procédure orale». Aussi la
Suède a-t-elle déposé la présente déclaration dès qu’elle a raisonnablement pu le faire, bien avant
l’ouverture de la procédure orale en l’instance.
16. Si sa requête à fin d’intervention est jugée recevable, la Suède demande, en application du
paragraphe 1 de l’article 85 du Règlement, à recevoir copie de l’ensemble des pièces de procédure
et documents y annexés déposés par les Parties. En qualité d’agents du Gouvernement suédois, nous
tenons à informer la Cour que nous sommes disposés à l’aider en joignant la présente intervention à
d’autres interventions similaires émanant d’autres Etats, en vue des stades ultérieurs de l’instance, si
celle-ci estime qu’une telle démarche serait utile dans l’intérêt d’une administration appropriée et
efficace de la justice.
IV. AFFAIRE EN LAQUELLE EST DÉPOSÉE LA DÉCLARATION ET
CONVENTION CONCERNÉE
17. La présente déclaration concerne l’instance susvisée, qui a trait à l’interprétation de la
convention.
18. En tant que partie à la convention, la Suède considère que l’interprétation que la Cour
pourrait donner de cet instrument dans l’arrêt qu’elle rendra dans cette affaire présente pour elle un
intérêt direct et incontestable. C’est pour cette raison qu’elle exerce le droit d’intervention que lui
confère l’article 63 du Statut. Son intervention a donc trait aux questions d’interprétation de la
convention qui se posent en l’affaire, en particulier au sujet des articles I à III et IX, mais aussi de
l’article VIII. Ce nonobstant, la Suède se réserve le droit de modifier ou de compléter sa déclaration
et toutes observations connexes en fonction des arguments que les Parties présenteront et de
l’évolution générale de l’instance.
V. BASE SUR LAQUELLE LA SUÈDE EST PARTIE À LA CONVENTION
19. Après avoir signé la convention le 30 décembre 1949, la Suède a déposé, le 27 mai 1952,
son instrument de ratification15 auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
conformément à l’article XI de la convention, à laquelle elle est toujours partie.
14 Comparer à Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la
Nouvelle-Zélande, ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 9, par. 18.
15 Voir annexe B.
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VI. DISPOSITIONS DE LA CONVENTION QUI SONT EN CAUSE EN L’ESPÈCE
20. Dans sa requête, l’Ukraine, en particulier :
a) entend fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire figurant à l’article IX de la
convention ;
b) prie la Cour de dire qu’elle n’a commis aucun acte de génocide, tel que défini à l’article III de la
convention ;
c) soulève des questions sur la portée de l’obligation de prévenir et de punir le génocide énoncée à
l’article premier de la convention16.
21. La Suède exposera succinctement ci-après son interprétation de ces articles. Elle
commencera par aborder les questions purement juridictionnelles liées à l’interprétation de
l’article IX — soit principalement le point a) ci-dessus — en tenant dûment compte des observations
formulées à cet égard par la Fédération de Russie dans son document, puis fera quelques observations
sur les questions touchant davantage au fond que soulève l’interprétation juridico-technique des
articles I à III — soit principalement les points b) et c) ci-dessus17. Enfin, la Suède examinera
l’article VIII, qu’elle juge pertinent en la présente espèce.
VII. INTERPRÉTATION QUE LA SUÈDE DONNE DE CES DISPOSITIONS
Section A. Compétence
i. Compétence au titre de l’article IX de la convention
22. Il convient tout d’abord de souligner que l’article 63 du Statut autorise expressément les
interventions «[l]orsqu’il s’agit de l’interprétation d’une convention à laquelle ont participé d’autres
Etats que les parties en litige». Il semble donc que rien dans le Statut n’empêche un Etat d’intervenir
sur de simples questions juridictionnelles18. En outre, ainsi que cela a déjà été indiqué, la seule
contrainte temporelle qu’impose l’article 82 du Règlement est qu’une déclaration d’intervention soit
déposée «le plus tôt possible avant la date fixée pour l’ouverture de la procédure orale» (sauf
circonstances exceptionnelles). Cette absence d’obstacle à des interventions précoces portant
uniquement sur la question de la compétence se retrouve également dans les instructions de procédure
de la Cour, qui ne traitent ni du délai dans lequel des interventions peuvent être présentées ni de la
portée de celles-ci.
23. Les documents de base de la Cour ne donnent donc nullement à penser qu’il est interdit
aux Etats d’intervenir «trop tôt» (c’est-à-dire pendant la phase des exceptions préliminaires, au cours
de laquelle la question de la compétence de la Cour est généralement examinée). La Suède en conclut,
16 Requête, par. 12 et 30.
17 L’interprétation des dispositions relatives à la compétence est exposée dans la section A ci-après et celle des
dispositions liées davantage au fond, dans la section B.
18 Selon le juge Schwebel, «l’intervention pendant la phase juridictionnelle de l’instance fa[it] partie du droit que
l’article 63 confère aux Etats», voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), déclaration d’intervention, ordonnance du 4 octobre 1984, C.I.J. Recueil 1984, opinion
dissidente de M. le juge Schwebel, p. 235-236.
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ainsi que des commentaires de doctrine19 et opinions juridiques (limitées)20 sur la question, que toutes
observations sur des questions purement juridictionnelles peuvent également être formulées dans la
présente déclaration, pour autant qu’elles se rapportent à (l’interprétation de) la convention
elle-même, et non à son application en l’espèce.
24. L’article IX de la convention se lit comme suit :
«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des autres actes
énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête
d’une Partie au différend.»
25. L’Ukraine affirme que le différend qui l’oppose à la Fédération de Russie concerne les
déclarations publiques faites par cette dernière selon lesquelles un génocide était en cours dans les
régions de Donetsk et de Louhansk. Elle prie spécifiquement la Cour de «dire et juger que,
contrairement à ce que prétend la Fédération de Russie, aucun acte de génocide … n’a été commis
dans les oblasts ukrainiens de Louhansk et de Donetsk»21. Cela pose la question principale de savoir
si la convention confère compétence à la Cour pour formuler une telle déclaration négative.
Autrement dit, il s’agit ici de déterminer si l’article IX confère compétence ratione materiae à la
Cour pour constater l’absence de génocide22. A cet égard, la Suède souhaite formuler les observations
suivantes.
26. L’article IX confère à la Cour compétence à l’égard des «différends entre les Parties
contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la présente Convention». Rien
dans le libellé de cette disposition ne limite la compétence de la Cour aux affaires dans lesquelles
c’est l’Etat demandeur qui accuse l’Etat défendeur de manquer à ses obligations au regard de la
convention. Les juridictions internationales attribuent au contraire de longue date un sens large au
terme «différend». Il est en effet bien établi en droit international qu’un différend existe lorsqu’il y a
«un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques
ou d’intérêts» entre les parties, en l’espèce les Etats23.
27. Pour qu’un différend existe, «[i]l faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se
heurte à l’opposition manifeste de l’autre»24. Les deux parties doivent ainsi avoir des «points de
vue quant à l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations internationales [qui] sont
19 Rosenne’s Law and Practice of the International Court: 1920-201[5], Volume III Procedure (sous la dir. de
Malcolm N. Shaw, QC, 5e éd. 2016), p. 1533 ; H. Thirlway, The Law and Procedure of the International Court of Justice:
Fifty Years of Jurisprudence (Vol. I, OUP 2013), p. 1031 ; A. Miron/C. Chinkin, «Article 63» in
Zimmermann/Tams/Oellers-Frahm/Tomuschat (sous la dir. de), The Statute of the International Court of Justice: A
Commentary (3e éd, OUP 2019), p. 1763, note 46.
20 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
déclaration d’intervention, ordonnance du 4 octobre 1984, C.I.J. Recueil 1984, opinion dissidente de M. le juge Schwebel,
p. 234-236 et 240.
21 Requête, point a) du paragraphe 30.
22 Même si la Fédération de Russie ne participe pas à la suite de la procédure ou, si elle y participe, ne soulève pas
d’exceptions préliminaires à cet égard, la Cour peut décider ex officio de traiter cette question en établissant sa compétence.
23 Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A no 2, p. 11.
24 Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 328.
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nettement opposés»25 ; il faut également démontrer que «le défendeur avait connaissance, ou ne
pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’«opposition manifeste»
du demandeur»26. En outre, «dans le cas où le défendeur s’est abstenu de répondre aux réclamations
du demandeur, il est possible d’inférer de ce silence, dans certaines circonstances, qu’il rejette
celles-ci et que, par suite, un différend existe»27. C’est en tenant compte de ces éléments qu’il
convient de déterminer s’il existe un différend au sens de l’article IX de la convention.
28. Dans son document, la Fédération de Russie a fait valoir que son emploi de la force en
Ukraine trouvait sa justification juridique dans «l’article 51 de la Charte des Nations Unies et [dans]
le droit international coutumier»28. Etant donné qu’elle n’a pas cherché, du moins au stade initial de
l’instance, à se prévaloir des dispositions de la convention pour défendre son comportement, on
pourrait soutenir qu’il n’existe pas de «différend» entre les Parties quant à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la convention, cette dernière n’ayant pas été invoquée pour justifier
le comportement de la Fédération de Russie en Ukraine29.
29. La Suède estime que la question de l’existence d’un différend en tant que condition
préalable à la compétence de la Cour conformément à l’article IX doit être interprétée suivant le
libellé retenu par les auteurs de cette disposition, lequel doit lui-même, en application de l’article 31
de la convention de Vienne sur le droit des traités, être interprété «de bonne foi suivant le sens
ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son
but». Il s’ensuit que le terme «différend» s’entend dans l’acception large mentionnée ci-dessus et
sans préjudice de la question de savoir si ce sont les actions du demandeur ou du défendeur qui sont
portées devant la Cour. Il s’ensuit en outre que la négation unilatérale de l’existence d’un différend
par l’une des parties ne saurait être un élément déterminant pour dire s’il existe réellement ou non un
différend aux fins de l’application de l’article IX de la convention30. De fait, la contestation de
l’existence d’un différend peut parfois indiquer le contraire, puisque cela peut signifier que les Parties
ont des vues divergentes sur la façon d’interpréter, d’appliquer ou d’exécuter (les obligations que
leur impose) la convention31.
25 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Qatar c. Emirats arabes unis), mesures conservatoires, ordonnance du 23 juillet 2018, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 414,
par. 18 ; Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50, citant Interprétation des traités de paix
conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.
26 Voir, par exemple, Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes
nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), p. [850], par. 41.
27 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
arrêt du 22 juillet 2022, par. 71.
28 Document, par. 15.
29 Il convient de signaler ici que le président Poutine, dans son allocution du 24 février 2022 qui est jointe au
document, a indiqué qu’«[ils] dev[aient] faire cesser ces atrocités» et «traduire en justice les auteurs des nombreux crimes
sanglants perpétrés contre des civils», se référant au «génocide orchestré par [le régime de Kiev]» mené contre «les millions
de personnes qui vivent [dans le Donbass]». Cela renvoie inévitablement à l’«engag[ement à] prévenir et [à] punir» le
génocide énoncé à l’article premier de la convention, même si la Fédération de Russie ne se réfère pas à cette obligation
pour justifier l’emploi de la force en Ukraine.
30 Voir, par exemple, Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes
nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016 (II), p. [849-851], par. 37-43.
31 En l’espèce, on pourrait effectivement soutenir que la requête de l’Ukraine et le document de la Fédération de
Russie démontrent conjointement que les vues des Parties divergent fondamentalement quant à la question de savoir s’il
existe un différend de la nature de ceux visés à l’article IX de la convention qui justifierait la compétence de la Cour.
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30. Dans ce contexte, il convient également de souligner que l’article IX est une clause
juridictionnelle large, qui permet à la Cour de statuer sur des différends relatifs à la prétendue
exécution par une partie contractante des obligations qui lui incombent au regard de la convention.
L’ajout du terme «exécution» à la formule «interprétation et application», habituellement employée
dans les clauses compromissoires, peut ici servir à étendre la compétence de la Cour32. L’article IX
s’appliquant expressément aux différends «relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de
génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III», on voit difficilement
comment ce libellé limiterait la compétence de la Cour au fait de déterminer la responsabilité du
défendeur. Le tout dernier membre de phrase de la disposition à l’examen pourrait constituer une
preuve supplémentaire de la valeur juridique de l’interprétation de l’article IX donnée par la Suède,
en ce qu’il y est indiqué clairement que la Cour peut établir sa compétence «à la requête d’une partie
au différend».
31. Pour expliciter ce point, le sens ordinaire du membre de phrase «relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention» peut se diviser en deux éléments. Le premier
(«relatifs à») établit un lien entre le différend et la convention, tandis que le second («l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention») englobe des situations multiples33. Il peut,
par exemple, y avoir un différend au sujet de l’interprétation, de l’application ou de l’exécution de la
convention lorsqu’un Etat allègue qu’un autre Etat a commis un génocide34. Dans ce cas de figure,
la Cour examinera les faits sous-tendant cette allégation : si elle n’est pas convaincue que le
défendeur ait réellement commis des actes de génocide, elle pourra se déclarer incompétente, même
prima facie35.
32. Si ce cas de figure de la responsabilité (alléguée) à raison d’actes de génocide constitue un
type de différend important concernant «l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la
convention, il n’est cependant pas le seul. Ainsi, dans l’affaire (pendante) Gambie c. Myanmar, le
demandeur a fait valoir que le défendeur non seulement était responsable d’actes prohibés au regard
de l’article III, mais avait aussi manqué aux obligations que lui impose la convention en ne prévenant
pas le génocide, en violation de l’article premier, et en ne punissant pas ce crime, en violation des
articles premier, IV et V36. Dans ce cas de figure, un Etat allègue qu’un autre n’a pas honoré son
engagement de «prévenir» et de «punir» le génocide, parce qu’il accorde l’impunité relativement à
des actes de génocide commis sur son territoire. Il peut donc aussi exister des différents concernant
une «inaction» en tant que violation des obligations de fond énoncées aux articles précités.
32 Ainsi que le juge Oda l’a relevé, l’ajout du terme «exécution» est «unique si on … compare [cette disposition]
aux clauses compromissoires d’autres traités multilatéraux qui prévoient la soumission à la Cour internationale de Justice
des différends entre les parties contractantes ayant trait à leur interprétation ou application», voir Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), déclaration de M. le juge Oda, p. 627, par. 5 (les italiques sont dans l’original).
33 Comme M. Kolb l’a fait observer, l’article IX de la convention est «un modèle de clarté et de simplicité, qui
ouvre aussi largement que possible la voie à la saisine de la Cour», voir R. Kolb, «The Compromissory Clause of the
Convention», dans Paola Gaeta (sous la dir. de), The UN Genocide Convention: A Commentary (OUP 2009), p. 420.
34 Voir, par exemple, Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [114], par. 169.
35 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 372-373, par. 24-31. Par la suite, la Cour s’est déclarée incompétente au motif que la
Serbie-et-Monténégro, au moment de l’introduction de l’instance, n’avait pas le droit d’ester devant elle au titre de
l’article 35 du Statut (voir, par exemple, Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. France), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (II), p. 595).
36 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 24, points 1 c), d) et e).
- 9 -
33. Le sens ordinaire de l’article IX montre ainsi clairement qu’il n’est pas nécessaire d’établir
l’existence d’actes de génocide pour fonder la compétence de la Cour, mais que celle-ci a compétence
à l’égard de la question de savoir si des actes de génocide ont été commis ou le sont, ou non37. Aussi
a-t-elle également compétence ratione materiae pour constater l’absence de génocide et la violation
de l’obligation d’exécuter de bonne foi la convention qui donne lieu à un abus de droit. Plus
précisément, la compétence de la Cour lui permet de connaître de différends concernant l’emploi
unilatéral de la force militaire dans le but affiché de prévenir et de punir un prétendu génocide38.
34. Le contexte de l’expression «relatifs à» vient confirmer cette interprétation. La particularité
de l’expression «y compris», qui figure dans l’incise de l’article IX de la convention, indique
notamment que celui-ci a un champ d’application plus large que nombre d’autres clauses
compromissoires39. Les différends relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou à
raison de l’un quelconque des actes énumérés à l’article III doivent donc être considérés comme
n’étant qu’un des types de différends englobés par l’article IX, qui sont «compris» dans le membre
de phrase plus large des différends «relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la
convention40. Etant donné qu’«une partie» au différend peut faire appel à la Cour, il ressort de cette
formulation qu’un Etat accusé de commettre un génocide a le même droit de soumettre le différend
à la Cour que l’Etat qui formule l’accusation. Cet Etat pourra également demander à la Cour de
prononcer un jugement déclaratoire «négatif» à l’effet de dire que les allégations par lesquelles
l’autre Etat l’accuse d’être responsable de génocide sont dénuées de fondement en fait et en droit.
35. Par conséquent, le contexte de l’expression «relatifs à» figurant à l’article IX confirme
également que la compétence de la Cour ne se limite pas aux différends entre Etats concernant la
responsabilité à l’égard d’actes de génocide allégués, mais qu’elle englobe bel et bien aussi les
différends entre Etats concernant l’absence de génocide et la violation de l’obligation d’exécuter de
bonne foi la convention qui donne lieu à un abus de droit.
36. Enfin, l’objet et le but de la convention confirment encore cette interprétation large de
l’article IX préconisée par la Suède. Dans un passage célèbre de son avis consultatif de 1951, la Cour
a, après avoir constaté le caractère erga omnes des prévisions de la convention, indiqué ce qui suit :
«Les fins d’une telle convention doivent également être retenues. La Convention
a été manifestement adoptée dans un but purement humain et civilisateur. On ne peut
même pas concevoir une convention qui offrirait à un plus haut degré ce double
caractère, puisqu’elle vise d’une part à sauvegarder l’existence même de certains
groupes humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les principes de morale les
plus élémentaires.»41
37 Voir l’ordonnance rendue par la Cour en l’espèce le 16 mars 2022, par. 43, et aussi Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), mesures conservatoires, ordonnance du
23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 14, par. 30.
38 Ordonnance, par. 45.
39 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. [114], par. 169.
40 Voir aussi l’exposé écrit de la République de Gambie sur les exceptions préliminaires soulevées par la République
de l’Union du Myanmar, 20 avril 2021, p. 28-29, par. 3.22 : «Cette précision [«relatifs à la responsabilité d’un Etat en
matière de génocide»] signifie incontestablement que la responsabilité à l’égard d’actes de génocide peut être l’objet d’un
différend porté devant la Cour par toute partie contractante.»
41 Réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.
- 10 -
37. De fait, l’objet de la convention, qui est de protéger les principes de morale les plus
élémentaires, interdit également qu’un Etat partie puisse détourner ses dispositions à d’autres fins.
La crédibilité de la convention en tant qu’instrument universel visant à interdire le crime le plus
abject qu’est le génocide serait compromise si un Etat partie pouvait l’invoquer abusivement sans
que la victime d’un tel abus puisse se tourner vers la Cour. Le but de la convention plaide donc avec
force en faveur d’une lecture de l’article IX selon laquelle les différends relatifs à l’interprétation, à
l’application ou à l’exécution de la convention comprennent les différends relatifs au recours abusif
à l’autorité de cet instrument pour justifier un acte d’un Etat à l’égard d’un autre Etat partie à cet
instrument, et ce, même si le premier ne renvoie pas expressément à des dispositions de la
convention42.
38. En conclusion, le sens ordinaire de l’article IX de la convention, son contexte et l’objet et
le but de cet instrument dans son ensemble montrent qu’un différend relatif à des actes qu’un Etat,
sur le fondement d’allégations prétendument fallacieuses de génocide, commet contre un autre Etat
relève de la notion de «différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interprétation,
l’application ou l’exécution de la présente Convention». Par conséquent, la Cour peut connaître des
différends concernant l’emploi unilatéral de la force militaire dans le but affiché de prévenir et de
punir un prétendu génocide et est compétente pour constater l’absence de génocide.
39. La Suède estime par conséquent, in summa, que le libellé de l’article IX de la convention
indique clairement qu’un Etat accusé de commettre un génocide a le même droit de soumettre un
différend à la Cour que l’Etat auteur de l’accusation. Elle considère en outre que le terme «différend»
est suffisamment large pour englober un désaccord quant à la licéité du comportement d’un Etat
demandeur et — chose importante — que le seuil à atteindre pour démontrer l’existence d’un
différend «relatif[] à l’interprétation, l’application ou l’exécution» de la convention ne saurait être à
ce point bas que, en niant l’existence d’un tel différend et en invoquant d’autres normes du droit
international pour justifier ses actions, un Etat défendeur pourrait unilatéralement empêcher la Cour
d’établir sa compétence conformément à l’article IX.
40. A l’appui de son interprétation de cette clause fondée sur la jurisprudence, la Suède prie
respectueusement la Cour de prendre ces positions générales en considération lorsqu’elle appréciera
la question de sa compétence sur la base de l’article IX en la présente espèce, ainsi que dans toute
autre affaire à venir concernant des allégations de génocide au titre de la convention.
Section B. Fond
ii. L’obligation de prévenir et de punir le génocide visée à l’article premier de la convention
41. Dans la présente section, la Suède souhaite exposer à la Cour son interprétation de plusieurs
articles de la convention revêtant un intérêt pour le fond de l’affaire.
42. Ainsi qu’il est indiqué dans l’ordonnance de la Cour, le fond du différend opposant les
Parties concerne deux questions centrales, celle de savoir
42 Voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie
c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 72, citant Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30.
- 11 -
«si certains actes qui auraient été commis par l’Ukraine dans les régions de Donetsk et
de Louhansk sont constitutifs de génocide et emportent donc violation des obligations
incombant à cet Etat au titre de la convention sur le génocide, et [celle de savoir] si
l’emploi de la force par la Fédération de Russie dans le but affiché de prévenir et de
punir un prétendu génocide est une mesure qui peut être prise en exécution de
l’obligation de prévenir et de punir énoncée à l’article premier de la convention»43.
Sur cette base, la Suède considère que les questions soulevées en l’espèce dépendent de
l’interprétation correcte de l’obligation énoncée à l’article premier, par laquelle les Etats «s’engagent
à prévenir et à punir» le crime de génocide, obligation qui doit être interprétée à la lumière des
dispositions des articles II, III et VIII de la convention.
43. L’article premier de la convention se lit comme suit : «Les Parties contractantes confirment
que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre[,] est un crime du droit
des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir.»
44. En application de l’article premier de la convention, tous les Etats parties sont tenus de
prévenir et de punir le génocide. La Suède rappelle que, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, en
s’acquittant de l’obligation de prévenir le génocide, chaque partie contractante doit agir dans les
limites de ce que lui permet la légalité internationale44. De plus, l’obligation énoncée à
l’article premier doit être exécutée de bonne foi, comme le prescrit l’article 26 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, et, partant, conformément au principe pacta sunt servanda. Ainsi que
la Cour l’a précisé, le principe de la bonne foi «oblige les Parties à … appliquer [le traité] de façon
raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint»45. L’interprétation de bonne foi sert donc
de garde-fou contre tout détournement des termes et des institutions de la convention. En ce qu’elle
constitue «[l]’un des principes de base qui président à la création et à l’exécution d’obligations
juridiques», la bonne foi est en outre directement liée à la «confiance réciproque [, qui] est une
condition inhérente de la coopération internationale»46.
45. La Suède est d’avis que la notion d’«engag[ement à] prévenir» exige que chaque Etat
partie, avant de prendre des mesures en application de l’article premier, apprécie si un génocide est
en cours ou s’il existe un risque grave qu’un génocide soit commis47. Il est important de préciser que
cette appréciation doit aussi être étayée par des éléments de preuve concrets «ayant pleine force
probante»48.
46. Rappelons que le conseil des droits de l’homme des Nations Unies a invité tous les Etats,
«afin de prévenir de nouveaux génocides, à coopérer, notamment dans le cadre du
système des Nations Unies, afin de renforcer la collaboration voulue entre les dispositifs
en place qui contribuent à détecter rapidement et à prévenir les violations massives,
43 Ordonnance, par. 45.
44 Ibid., par. 57, voir aussi Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 221, par. 430.
45 Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 79, par. 142.
46 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 268, par. 46.
47 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 221-222, par. 430-431.
48 Ibid., p. 129, par. 209.
- 12 -
graves et systématiques des droits de l’homme qui, s’il n’y est pas mis fin, pourraient
conduire à un génocide»49.
Il est donc de bonne règle de s’appuyer sur les résultats d’enquêtes indépendantes menées sous les
auspices des Nations Unies avant de qualifier une situation de génocide et de prendre quelque autre
mesure au titre de la convention50. Autrement dit, le fait que l’interdiction du génocide soit une norme
impérative, qui ne souffre aucune dérogation, ne saurait légitimer tous les efforts déployés pour punir
les auteurs de ce crime.
47. En outre, le dernier alinéa du préambule de la convention, dans lequel est soulignée la
nécessité de la «coopération internationale», a une incidence sur la portée de l’«engage[ment à]
prévenir». Il convient également de garder à l’esprit que l’article VIII dispose que les Etats peuvent
saisir les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci prennent des
mesures (voir ci-après), et que l’article IX, comme il a déjà été indiqué, prévoit la possibilité du
règlement judiciaire. Ces éléments plaident tous en faveur d’une obligation de recourir à des moyens
multilatéraux et pacifiques pour prévenir le génocide, les parties contractantes se devant toutes d’agir
dans les limites fixées par le droit international et, de préférence, par l’intermédiaire d’institutions
communes existantes, telles que l’Organisation des Nations Unies. Cette interprétation cadre
également avec les prévisions du chapitre VI de la Charte, qui impose aux Etats l’obligation générale
de régler les différends par des moyens pacifiques. A cet égard, la Suède précise que les Etats parties
se sont engagés à prévenir le génocide dans le monde entier pour le bien de l’humanité, et non pour
protéger leurs propres intérêts nationaux.
48. Il découle de l’obligation d’apprécier de bonne foi l’existence d’un génocide ou le risque
grave de génocide que, lorsqu’un Etat n’a pas procédé à une telle appréciation, il ne peut invoquer,
pour justifier son comportement, l’«engage[ment à] prévenir» le génocide qui figure à
l’article premier de la convention. Une partie contractante ne peut donc invoquer l’article premier
pour rendre licite un comportement qui serait autrement illicite en droit international si elle n’a pas
établi, sur une base objective et selon une appréciation menée de bonne foi de l’ensemble des
éléments de preuve pertinents provenant de sources indépendantes, qu’un génocide est en cours ou
qu’il existe un risque grave qu’un génocide soit commis. De surcroît, les actes entrepris par les parties
contractantes pour «prévenir et ... punir» un génocide doivent être conformes à l’esprit et aux buts
des Nations Unies, tels qu’énoncés à l’article 1 de la Charte des Nations Unies51, ce qui inclut, en
particulier, l’interdiction de l’agression.
49. S’agissant spécifiquement de l’engagement de «punir» énoncé à l’article premier, la Suède
soutient que cette obligation se limite à des mesures punitives à caractère pénal prises contre des
individus, ce que les articles IV à VI de la convention viennent confirmer. Autrement dit, un Etat
devrait faire jouer sa législation pénale nationale ou recourir à des enquêtes pénales internationales
devant la Cour pénale internationale pour réprimer un génocide commis par des individus
(«répression»), et non prendre quelque autre type de mesures, en particulier d’ordre militaire ou
coercitif, pour «punir» un Etat ou un peuple.
49 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 43/29 : Prévention du génocide (29 juin 2020),
doc. A/HRC/RES/43/29, par. 11.
50 Voir, par exemple, le fait que la Gambie se soit appuyée sur des rapports de la mission internationale indépendante
d’établissement des faits sur le Myanmar mise en place par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies avant de
saisir la Cour ; pour plus d’informations, voir Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Gambie c. Myanmar), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, par. 65-69.
51 Ordonnance, par. 58.
- 13 -
50. Les travaux préparatoires de la convention corroborent cette interprétation de
l’article premier et sont pertinents, au regard de la règle de droit coutumier reflétée à l’article 32 de
la convention de Vienne, en tant que moyen complémentaire d’interprétation confirmant le sens
ordinaire des termes employés. Au cours de la rédaction de la convention, les représentants des Etats
ont craint que celle-ci ne serve de prétexte pour justifier des ingérences et se sont efforcés de
conserver une définition aussi précise que possible du génocide. Une proposition tendant à inclure la
protection des groupes politiques a ainsi été rejetée au motif qu’elle aurait «été un prétexte très
commode à une ingérence dans les affaires internes des Etats»52. Les représentants ont également
voté le rejet des propositions de l’URSS tendant à sanctionner toutes les formes de propagande
publique visant à provoquer le génocide et à dissoudre les organisations ayant pour but d’inciter à la
haine ou d’encourager les crimes de génocide parce que, selon les mots du représentant des
Etats-Unis, cela ne ferait que «servir de prétexte à harceler les Etats parties à la convention»53.
iii. Les éléments du génocide énoncés aux articles II et III de la convention
51. L’article II de la convention définit le génocide, l’article III énumérant cinq modes de
commission de ce crime qui seront punis. La Suède soutient que les éléments constitutifs du génocide
sont déjà bien établis dans la jurisprudence de la Cour, et appuie l’interprétation actuelle.
52. En particulier, afin qu’il y ait génocide, il faut que soient établis à la fois l’acte de génocide
et l’intention génocidaire (spécifique) — ou dolus specialis — en plus des éléments moraux contenus
dans les actes énumérés à l’article II54. La présence, même à grande échelle, de victimes civiles au
cours d’un conflit armé ne saurait donc suffire à démontrer l’acte de génocide ou l’intention
génocidaire, puisque cela ne peut constituer en soi une preuve de la forme de persécution la plus
extrême et la plus inhumaine destinée à détruire un groupe, en tout ou en partie, qu’il soit national,
ethnique, racial ou religieux. Outre le fait qu’au moins l’un des actes énumérés à l’article II doit avoir
été commis par l’auteur allégué, il faut également démontrer que celui-ci était animé de «l’intention
de détruire».
iv. La possibilité prévue à l’article VIII de saisir l’Organisation des Nations Unies pour qu’elle
prenne des mesures
53. L’article VIII de la convention dispose que les Etats parties peuvent saisir les «organes
compétents» de l’Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci prennent des mesures
conformément à la Charte pour prévenir et réprimer les actes de génocide. Le Conseil de sécurité et
l’Assemblée générale sont tous deux des «organes compétents» qui peuvent entreprendre une action
collective (soit par l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale, soit par une décision du
Conseil de sécurité de mener une action coercitive au titre du chapitre VII de la Charte).
Conjointement avec le droit de saisir la Cour visé à l’article IX de la convention, la possibilité de
faire appel aux organes des Nations Unies prévue à l’article VIII reflète l’intention de la convention
de privilégier les mesures institutionnelles collectives pour prévenir et réprimer les actes de génocide.
La Cour a conclu que «l’article VIII p[ouvai]t être considéré comme ayant trait à la prévention et à
52 Hirad Abtahi et Philippa Webb, The Genocide Convention: The Travaux Preparatoires (Martinus Nijhoff, 2008),
vol. I, p. 1230 (M. Katz-Suchy, Pologne).
53 Hirad Abtahi et Philippa Webb, The Genocide Convention: The Travaux Preparatoires (Martinus Nijhoff, 2008),
vol. II, p. 1800 (M. Maktos, Etats-Unis d’Amérique), et p. 1577 (M. Fitzmaurice (Royaume-Uni), relevant que
l’amendement proposé par l’Union soviétique, s’il était adopté avec la proposition d’étendre la protection aux groupes
politiques, «pourrait devenir le prétexte de graves abus»).
54 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 121-122, par. 186-189.
- 14 -
la répression du génocide «au niveau politique et non plus sous l’angle de la responsabilité
juridique»»55.
54. La Suède rappelle une nouvelle fois que la question de la prévention et de la répression du
génocide n’est pas une affaire interne, mais concerne la communauté internationale dans son
ensemble. Elle soutient que la juste interprétation de l’article VIII de la convention veut que cette
disposition soit lue dans son contexte, en particulier à la lumière de l’article premier. L’article VIII
a pour objet et pour but de souligner qu’il est préférable de recourir à des mesures collectives plutôt
qu’à des mesures unilatérales. Toute mesure unilatérale de prévention ou de répression doit respecter
les obligations énoncées à l’article premier telles qu’exposées ci-dessus, y compris l’interdiction de
l’agression.
VIII. DOCUMENTS À L’APPUI DE LA DÉCLARATION
55. Les documents fournis à l’appui de la déclaration sont annexés à la présente :
a) lettre en date du 30 mars 2022 adressée à l’ambassadeur de Suède auprès du Royaume des
Pays-Bas par le greffier de la Cour internationale de Justice56 ;
b) instrument de ratification de la convention sur le génocide du Gouvernement de la Suède en date
du 27 mai 195257.
IX. CONCLUSION
56. Sur la base de ce qui précède, la Suède entend se prévaloir de son droit d’intervention
fondé sur le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut, en tant que non-partie à l’instance portée devant
la Cour par l’Ukraine contre la Fédération de Russie.
57. Si son intervention est acceptée par la Cour, la Suède s’intéressera, aux stades ultérieurs
de la procédure, à des questions relatives à l’interprétation des articles suivants de la convention :
􀁿 I – sur l’obligation de prévenir et de punir le génocide ;
􀁿 II et III – sur les éléments du génocide ;
􀁿 VIII – sur la possibilité de saisir l’Organisation des Nations Unies pour qu’elle prenne des
mesures ;
􀁿 IX – sur la compétence de la Cour.
55 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
arrêt du 22 juillet 2022, par. 88 (citant Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 109, par. 159).
56 Annexe A.
57 Annexe B.
- 15 -
58. Le Gouvernement de la Suède a désigné les soussignés en qualité d’agents aux fins de la
présente déclaration. Le greffier de la Cour est invité à adresser toutes les communications à
l’ambassade de Suède aux Pays-Bas :
Ambassade de Suède
Postbus 85601
2508 CH La Haye.
L’agent du Gouvernement de la Suède,
(Signé) Carl Magnus NESSER.
Le coagent du Gouvernement de la Suède,
(Signé) Daniel GILLGREN.
___________
ANNEXE A
LETTRE EN DATE DU 30 MARS 2022 ADRESSÉE À L’AMBASSADEUR DE LA SUÈDE
AUPRÈS DU ROYAUME DES PAYS-BAS PAR LE GREFFIER DE LA COUR
COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
156413 Le 30 mars 2022
J'ai l'honneur de me referer A ma lettre (n° 156253) en date du 2 mars 2022, par laquelle j'ai
porte A la connaissance de votre Gouvernement que l'Ukraine a, le 26 fevrier 2022, depose au Greffe
de la Cour internationale de Justice une requete introduisant une instance contre la Federation de
Russie en l'affaire relative A des Allegations de genocide au titre de la convention pour la prevention
et la repression du crime de genocide (Ukraine c. Federation de Russie). Une copie de la requete etait
jointe a cette lettre. Le texte de ladite requete est egalement disponible sur le site Internet de la Cour
(www.icj-cij.org).
Le paragraphe 1 de l'article 63 du Statut de la Cour dispose que
«[1]orsqu'il s'agit de 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres
Etats que les parties en litige, le Greffier les avertit sans delai».
Le paragraphe 1 de l'article 43 du Reglement de la Cour precise en outre que
«[1]orsque 'Interpretation d'une convention A laquelle ont participe d'autres Etats que
les parties en litige peut etre en cause au sens de l'article 63, paragraphe 1, du Statut, la
Cour examine quelles instructions donner au Greffier en la matiere».
Sur les instructions de la Cour, qui m'ont ete donnees conformement a cette derniere
disposition, j'ai l'honneur de notifier a votre Gouvernement ce qui suit.
Dans la requete susmentionnee, la convention de 1948 pour la prevention et la repression du
crime de genocide (ci-apres la «convention sur le genocide») est invoquee A la fois comme base de
competence de la Cour et a l'appui des demandes de l'Ukraine au fond. Plus precisement, celle-ci
entend fonder la competence de la Cour sur la clause compromissoire figurant A l'article IX de la
convention, prie la Cour de declarer qu'elle ne commet pas de genocide, tel que defini aux articles II
et III de la convention, et souleve des questions sur la portee de l'obligation de prevenir et de punir
le genocide consacree A Particle premier de la convention. Ii semble, des lors, que "'interpretation de
cette convention pourrait etre en cause en l'affaire.
./.
[Lettres aux Etats parties A la convention sur le genocide
(A l'exception de l'Ukraine et de la Federation de Russie)]
Palais de la Paix, Camegieplein 2
2517 KJ La Haye - Pays -Bas
Telephone: +31 (0) 70 302 23 23 - Facsimile : +31 (0) 70 364 99 28
Site Internet : www.icj-cij.org
Peace Palace, Carnegieplein 2
2517 KJ The Hague - Netherlands
Telephone: +31(0) 70 302 23 23 - Telefax: +31(0) 70 364 99 28
Website: www.icj-cij.org
COUR INTERNATIONALE INTERNATIONAL COURT
DE JUSTICE OF JUSTICE
Votre pays figure sur la liste des parties A la convention sur le genocide. Aussi la presente lettre
doit-elle etre regardee comme constituant la notification prevue au paragraphe 1 de l'article 63 du
Statut. J'ajoute que cette notification ne prejuge aucune question concernant l' application eventuelle
du paragraphe 2 de Particle 63 du Statut sur laquelle la Cour pourrait par la suite etre appelee A se
prononcer en l'espece.
Veuillez agreer, Excellence, les assurances de ma tres haute consideration.
Le Greffier de la Cour,
Philippe Gautier
- 2 -
ANNEXE B
INSTRUMENT DE RATIFICATION DE LA CONVENTION SUR LE GÉNOCIDE DU GOUVERNEMENT DE
LA SUÈDE EN DATE DU 27 MAI 1952
INSTRUMENT OF RATIFICATION BY THE GOVERNMENT OF SWEDEN􀀃
OF THE GENOCIDE CONVENTION
savoir􀀃 faisons:􀀃 que, ayant jugs bon et utile d'entrer en negociations avec plusieurs Gouvernements􀀃 trangers en vue de la con- 􀀃
clusion d'une Convention pour la prevention et la􀀃repression􀀃du crime
de genocide et NOTRE Plenipotentiaire,􀀃dflment􀀃autorise􀀃 cet effet,
ayant conclu, arr8te et signs une Convention portant mot pour mot ce
qui suit:
(inseratur)
A ces causes et fins NOUS avons voulu ratifier, approuver et accept
ladite Convention avec tous ses articles, points et clauses come aussi
par lee presentes NOUS l'acceptons, approuvons at ratifions de la manier
la plus efficace que faire se peut: voulons et promettons d'observer et
de remplir sincerement et loyalement tout as contient ladite Convention
avec tous ses articles, points et clauses. En foi de quoi NOUS avons
signs la presente de NOTRE propre main at y avons fait apposer NOTRE
Sceau Royal. Fait au ChAteau de Stockholm, le 9 mai 1952.
GUSTAF ADOLF
(D.S.)
/Osten Under'
21(22)

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Déclaration d'intervention de la Suède

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