Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15063
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION
DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU BELIZE
30 janvier 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Pages
CHAPITRE I. INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
CHAPITRE II. L’EXISTENCE DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION EN DROIT
INTERNATIONAL COUTUMIER EN 1965 ..................................................................... 3
CHAPITRE III. LA TENEUR DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION ................................................... 9
Section I. Le droit à l’autodétermination des peuples des territoires non autonomes au
sein d’une unité territoriale unique ........................................................................ 9
Section II. L’obligation corrélative de la puissance administrante de faire
en sorte que les peuples exercent leur droit à l’autodétermination
sur l’intégralité du territoire ................................................................................. 12
CHAPITRE IV. LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE ET LE DROIT À
L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE DE MAURICE ................................................. 17
Section I. Évaluation de la question de savoir si le processus de décolonisation
de Maurice a été validement mené à bien ............................................................ 17
Section II. Analyse des conséquences découlant de l’administration continue
de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni ..................................................... 18
___________
CHAPITRE I.
INTRODUCTION
1.1. Le 22 juin 2017, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 71/292
intitulée «Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les effets juridiques
de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965», dans laquelle elle décidait,
conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale
de Justice de donner un avis consultatif sur les questions suivantes :
a) «Le processus de décolonisation a-t-il été validement mené à bien lorsque Maurice
a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des
Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment des
obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du
14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du
20 décembre 1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 ?» ;
b) «Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard des
obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle
se trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux,
en particulier ceux d’origine chagossienne ?»1
1.2. Le 23 juin 2017, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a
communiqué la requête à la Cour2. Le 14 juillet 2017, conformément au paragraphe 2 de
l’article 66 de son Statut, la Cour a fixé les délais dans lesquels les Etats membres des
Nations Unies pourraient fournir des renseignements sur les questions soumises à la Cour3. Le
18 juillet 2017, le greffier de la Cour a informé les Etats admis à ester devant la Cour qu’ils
pouvaient déposer un exposé écrit relatif à l’instance. Le Belize dépose le présent exposé
conformément à ladite invitation4.
1.3. Le Belize entend prêter son concours à la Cour sur les trois points ci-après, dont il
reconnaît qu’ils ne sont pas exhaustifs :
a) Les peuples colonisés disposaient-ils d’un droit à l’autodétermination en droit international
coutumier en 1965 ?
b) Le cas échéant, quelle était la teneur de pareil droit ?
c) Si la population de Maurice possédait pareil droit et que ce droit a été bafoué par la séparation
de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, quelles seraient les conséquences en droit
international du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni ?
1 Résolution 71/292 de l’Assemblée générale, Demande d’avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur
les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, document A/RES/71/292,
22 juin 2017 (la «requête»)
2 Lettre en date du 23 juin 2017 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies.
3 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 (requête pour avis consultatif),
Rôle général no 169, Cour internationale de Justice, ordonnance de la Cour, 14 juillet 2017.
4 Lettre en date du 18 juillet 2017 adressée à l’Ambassadeur du Belize auprès du Royaume des Pays-Bas par le
greffier de la Cour.
- 2 -
1.4. Les réponses aux questions précitées sont résumées ci-après. Le droit des peuples
colonisés à l’autodétermination existait déjà en droit international coutumier en 1965, lorsque le
Royaume-Uni a séparé l’archipel des Chagos de Maurice. Ce droit était inhérent au peuple d’une
unité territoriale unique dont la population ne s’administrait pas encore complètement elle-même.
La préservation de l’intégrité territoriale de l’unité concernée avant l’exercice du droit à
l’autodétermination en faisait partie intégrante et a donné naissance à une obligation corrélative
pour l’Etat administrant de ne prendre aucune mesure qui empêcherait le peuple concerné de
pouvoir exprimer et mettre en oeuvre librement et sincèrement sa volonté concernant son avenir
politique pour ce qui est de l’unité territoriale dans son intégralité.
1.5. Pour que le processus de décolonisation de Maurice ait été validement mené à bien, il
aurait fallu qu’il se déroule de façon à respecter le droit du peuple mauricien à l’autodétermination
sur l’intégralité du territoire concerné par ce droit. Si, en séparant l’archipel des Chagos de Maurice
en 1965, le Royaume-Uni a enfreint son obligation de ne prendre aucune mesure qui empêcherait le
peuple mauricien d’exercer librement son droit à l’autodétermination sur l’intégralité du territoire
concerné par ce droit, alors le peuple de Maurice possède toujours pareil droit, y compris à l’égard
de l’archipel des Chagos, et le Royaume-Uni demeure dans l’obligation de permettre au peuple de
Maurice de l’exercer véritablement et pleinement. En maintenant l’archipel des Chagos séparé de
Maurice, le Royaume-Uni serait responsable d’un manquement continu à l’obligation en question
et serait dans l’obligation de mettre fin sans délai à l’administration de l’archipel des Chagos et de
le restituer à Maurice.
- 3 -
CHAPITRE II.
L’EXISTENCE DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION
EN DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER EN 1965
2.1. Le droit à l’autodétermination en droit international coutumier ressort de la Charte des
Nations Unies, de résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, d’autres pratiques des
Etats et de la jurisprudence de la Cour. Il s’agit d’un droit erga omnes5 et d’une norme impérative
du droit international à laquelle il est impossible de déroger6.
2.2. L’autodétermination a commencé à être présentée comme un droit légal dans les
années 1950, avant d’être reprise dans de nombreuses résolutions ultérieures et concordantes
adoptées à une écrasante majorité, ce qui indique qu’elle relevait du droit international coutumier
en 1965, lorsque le Royaume-Uni a séparé l’archipel des Chagos de Maurice.
2.3. La Charte des Nations Unies (1945) fait référence à l’autodétermination à deux reprises.
a) A l’alinéa 2 de son article premier, il est indiqué que l’un des buts des Nations Unies est de :
«Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe
de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre
toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde.»
b) L’article 55 énonce les objectifs des Nations Unies dans les champs du développement social et
économique et du respect des droits de l’homme et fait référence à l’objectif consistant à créer
les :
«conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des
relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des
droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes».
La version française de ces dispositions indique que l’autodétermination est un droit.
2.4. Le droit à l’autodétermination se retrouve également, même s’il n’est pas exprimé tel
quel, dans les litt. b) des articles 73 et 76 de la Charte, qui traitent des territoires non autonomes et
des territoires sous tutelle.
2.5. Par la suite, l’Assemblée générale a réaffirmé dans de multiples résolutions le droit à
l’autodétermination. En 1950, l’Assemblée générale a invité la Commission des droits de l’homme
à «étudier les voies et moyens de garantir aux peuples et aux nations le droit de disposer
d’eux-mêmes»7. Deux ans plus tard, dans sa résolution 545 (VI), l’Assemblée générale a fait
5 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J Recueil 1995, p. 102, par. 29 ; Barcelona Traction, Light and
Power Company, Limited, arrêt, C.I.J Recueil 1970, p. 32, par. 33 et 34.
6 Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, avec commentaires, Annuaire de la
Commission du droit international (2001), Volume II, deuxième partie, Rapport de la Commission à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa cinquante-troisième session, document A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), p. 90-91,
par. 5 du commentaire de l’article 26 (Respect de normes impératives) : «Les normes impératives qui sont clairement
acceptées et reconnues sont ... le droit à l’autodétermination» ; M. Shaw, Title to Territory in Africa (1986), p. 91.
7 Résolution 421 (V) de l’Assemblée générale, Projet de pacte international relatif aux droits de l’homme et
mesures de mise en oeuvre : travaux futurs de la Commission des droits de l’homme, document A/RES/421 (V),
4 décembre 1950, par. 6.
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référence au «droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes» dont elle note qu’il a été
reconnu comme «droit fondamental de l’homme»8. L’Assemblée générale a également chargé la
Commission des droits de l’homme, qui examinait à l’époque les pactes relatifs aux droits de
l’homme, d’inclure un article qui «sera rédigé dans les termes suivants : «Tous les peuples ont le
droit de disposer d’eux-mêmes»9.
2.6. A sa session suivante, l’Assemblée générale a adopté une résolution sur «le droit des
peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes», priant ardemment les Etats Membres de
«reconnaître et favoriser la réalisation, en ce qui concerne les populations des territoires non
autonomes et des Territoires sous tutelle placés sous leur administration, du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes», droit dont il est indiqué qu’il est une «condition préalable de la jouissance
de tous les droits fondamentaux de l’homme»10.
2.7. Au cours des deux sessions suivantes (1953 et 1954), l’Assemblée générale a adopté des
résolutions aux libellés analogues et invité la Commission des droits de l’homme à donner la
priorité à la préparation des recommandations concernant le respect de ce droit sur le plan
international11.
2.8. Dans un document de travail de 1955 concernant la négociation des pactes relatifs aux
droits de l’homme, le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies a noté que :
«L’Assemblée générale, principal organe de la collectivité internationale, a déjà
reconnu le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes ; il y a donc lieu
maintenant de rédiger un article pertinent par lequel les Etats s’imposeraient
l’obligation solennelle de favoriser et de respecter l’exercice de ce droit.»12.
2.9. Cet article, adopté par la Commission des droits de l’homme en 195213, a été approuvé
par la Troisième Commission de l’Assemblée générale en novembre 195514. Le texte de l’article
premier des deux projets de pactes ainsi approuvés en 1955 était identique et reconnaissait que
«tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes». La disposition en question imposait en
outre aux Etats parties, «y compris ceux qui sont chargés de l’administration de territoires non
8 Résolution 545 (V) de l’Assemblée générale, Insertion dans le Pacte ou les Pactes internationaux relatifs aux
droits de l’homme d’un article sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, document A/RES/545(V), 5 février 1952,
par. 1.
9 Résolution 545 (V) de l’Assemblée générale, Insertion dans le Pacte ou les Pactes internationaux relatifs aux
droits de l’homme d’un article sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, document A/RES/545(V), 5 février 1952,
par. 1.
10 Résolution 637 (VII) de l’Assemblée générale, Droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes,
document A/RES/637(VII), 16 décembre 1952, premier alinéa du préambule et par. 2.
11 Résolution 738 (VII) de l’Assemblée générale, Le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes,
document A/RES/738 (VII), 28 novembre 1953, premier alinéa du préambule et par. 1 ; résolution 837 (IX) de
l’Assemblée générale, Recommandations concernant le respect, sur le plan international, du droit des peuples et des
nations à disposer d’eux-mêmes, document A/RES/837(IX), 14 décembre 1954, par. 1
12 Commentaires sur le texte des projets de Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme,
document A/2929, 1er juillet 1955, chapitre IV, p. 14 (les italiques sont de nous).
13 Commission des droits de l’homme, Texte de la résolution adoptée aux 260e et 261e séances de la Commission,
tenues le 21 avril 1952, document E/CN.4/663, puis ultérieurement intégrées aux projets de Pactes en 1954 : Commission
des droits de l’homme, Rapport sur la dixième session, 23 février-16 avril 1954, Conseil économique et social des
Nations Unies, 18e session, supplément no 7, document E/CN.4/705, annexe I, pp. 62 et 65-66.
14 Assemblée générale, Rapport de la Troisième Commission, Projets de pactes internationaux relatifs aux droits
de l’homme, document A/3077, 8 décembre 1955, p. 28, par. 74.
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autonomes et de Territoires sous tutelle», de «contribuer à assurer l’exercice de ce droit ... et d’en
respecter l’exercice».
2.10. L’Assemblée générale a continué d’adopter des résolutions interprétatives et
déclaratoires faisant référence au droit à l’autodétermination15. Faisant rapport des douzième et
treizième sessions de l’Assemblée générale, tenues respectivement en 1957 et 1958, le Secrétariat
de l’Organisation des Nations Unies a noté qu’une majorité des Etats Membres
«souhait[aient] seulement réaffirmer le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils
ont souligné que dans des résolutions adoptées lors de précédentes sessions,
l’Assemblée générale avait déjà reconnu comme un droit fondamental le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes et que, en approuvant l’article premier des projets de
pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, elle l’avait défini comme le droit
des peuples et des nations de déterminer leur statut politique et d’assurer leur
développement économique, social et culturel sans ingérence étrangère ... En
introduisant dans les projets de pactes relatifs aux droits de l’homme un article sur
l’autodétermination, l’Assemblée générale a montré qu’elle considérait cette
disposition de la Charte comme une obligation pour les Etats Membres»16.
2.11. En 1960, l’Assemblée générale a adopté la première Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (résolution 1514 (XV)), dans laquelle elle
reconnaissait à tous les peuples coloniaux le droit à l’autodétermination :
«Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur
développement économique, social et culturel.»17
2.12. Dans ces résolutions, l’Assemblée générale partait du principe que le droit à
l’autodétermination existait déjà. Les résolutions correspondantes ont été adoptées à une très large
majorité. La résolution 545 (VI) de 1952 a été adoptée par 42 voix pour, sept voix contre et cinq
abstentions. La résolution 1514 (XV) de 1960, dont le texte avait été rédigé et proposé par 43 Etats,
a été adoptée par 89 voix pour et zéro voix contre, et neuf abstentions. Les neuf Etats qui se sont
abstenus ont émis des réserves quant au champ d’application du droit à l’autodétermination. Pour
autant, aucun n’a contesté l’existence de pareil droit ni son application aux territoires non
autonomes.
2.13. La pratique des Etats, avant et après l’adoption de la résolution 1514 (XV), était
conforme à celle-ci. Au cours des quinze années séparant l’adoption de la Charte des Nations Unies
en 1945 et celle de la résolution 1514 (XV) en 1960, neuf Etats ont obtenu leur indépendance18.
15 Voir par exemple, résolution 1188 (XII) de l’Assemblée générale, Recommandations concernant le respect, sur
le plan international, du droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes, document A/RES/1188 (VII),
11 décembre 1957, par. 1, litt. a), réaffirmant l’intérêt que «les Etats Membres ... aient dûment égard au droit des peuples
à disposer d’eux-mêmes».
16 Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, Répertoire de la pratique suivie par les organes des
Nations Unies sur le paragraphe 2 de l’article 1 de la Charte des Nations Unies (1955-1959), Supplément no 2
(Volume I), paragraphe 2 de l’article 1, p. 46-47, par. 51-52.
17 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 2.
18 Cambodge, Indonésie, Fédération de la Malaya (Malaisie), colonie de la Côte-de-l’Or et Territoire sous mandat
du Togoland (Ghana), Guinée, Laos, Maroc, Tunisie et Viet Nam.
- 6 -
Dans les cinq années qui ont suivi (entre 1960 et 1965), 35 autres Etats ont accédé à l’indépendance
par la voie du processus de décolonisation, en application du droit à l’autodétermination consacré
par la résolution 1514 (XV)19.
2.14. Dès l’adoption de la résolution 1514 (XV), des Etats ont systématiquement cherché à
promouvoir, dans l’enceinte onusienne, l’application du droit à l’autodétermination. Ainsi, de
nombreuses résolutions ont appelé à respecter pleinement et fidèlement et à faire appliquer la
résolution 1514 (XV)20 et ont «condamn[é]» ou «déplor[é] le refus de certaines puissances
administrantes de coopérer à [son] application»21. Les organes principaux de l’Organisation des
Nations Unies et ses Etats Membres, par leurs votes, ont traité le droit à l’autodétermination
comme faisant partie du droit international coutumier et donnant naissance à des obligations
juridiquement contraignantes pour les puissances administrantes.
2.15. En 1963, s’interrogeant sur «la pratique des Etats telle qu’elle ressortait de
comportements unanimes et systématiques», Rosalyn Higgins a estimé que la résolution 1514
«représentait les souhaits et convictions de l’ensemble des membres des Nations Unies» et noté
qu’elle confirmait que le droit à l’autodétermination était «un droit légal sur le plan international»
qui était «applicable sur-le-champ»22. D’autres sources datant de la même période ont décrit le droit
à l’autodétermination comme une norme impérative du droit international. En 1963, certains
membres de la Commission du droit international ont fait référence au droit à l’autodétermination
comme d’une règle établie du jus cogens23. La première édition des Principles of Public
International Law de Ian Brownlie, publiée en 1966, indiquait que «certaines parties du jus cogens
19 Algérie, Burundi, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Congo (Brazzaville) (République du Congo),
Congo (Léopoldville) (République démocratique du Congo), Chypre, Dahomey (Bénin), Gabon, Côte-d’Ivoire,
Jamaïque, Kenya, Koweït, République malgache (Madagascar), Malawi, Maldives, Mali, Malte, Mauritanie, Niger,
Nigéria, Rwanda, Samoa, Sénégal, Sierra Leone, Singapour, Somalie, Gambie, Togo, Trinité-et-Tobago, Ouganda,
République unie du Tanganyika et de Zanzibar (Tanzanie), Haute-Volta (Burkina Faso) et Zambie.
20 Voir par exemple, résolution 1654 (XVI) de l’Assemblée générale, La situation en ce qui concerne
l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux,
document A/RES/1654 (XVI), 27 novembre 1961, par. 2 ; résolution 2066 (XX) de l’Assemblée générale, Question de
l’île Maurice, document A/RES/2066 (XX), 16 décembre 1965, quatrième alinéa du préambule et par. 3 ;
résolution 2112 (XX) de l’Assemblée générale, Question du Territoire sous tutelle de la Nouvelle-Guinée et du territoire
du Papua, document A/RES/2112 (XX), 21 décembre 1965, par. 3 ; résolution 2151 (XXI) de l’Assemblée générale,
Question de la Rhodésie du Sud, document A/RES/2151 (XXI), 17 novembre 1966, par. 8.
21 Voir par exemple, résolution 1810 (XVII) de l’Assemblée générale, La situation en ce qui concerne
l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux,
document A/RES/1810 (XVI), 17 décembre 1962, par. 4 ; résolution 180 du Conseil de sécurité, Question relative aux
territoires administrés par le Portugal, document S/5380, 31 juillet 1963, par. 3 ; résolution 1956 (XVIII) de l’Assemblée
générale, La situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1956 (XVIII), 11 décembre 1963, cinquième alinéa du préambule et par. 5 et 7 ;
résolution 1979 (XVIII) de l’Assemblée générale, Question du Sud-Ouest africain, document A/RES/1979 (XVI),
17 décembre 1963, par. 1 ; résolution 2023 (XX) de l’Assemblée générale, Question d’Aden,
document A/RES/2023 (XX), 5 novembre 1965, par. 3 ; résolution 2105 (XX) de l’Assemblée générale, Application de la
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, document A/RES/2105 (XX),
20 décembre 1965, cinquième alinéa du préambule et par. 4.
22 R. Higgins, Development of International Law through the Political Organs of the United Nations (1963),
p. 177-178. Voir aussi J. Crawford, The Creation of States in International Law (1re édition, 1979), p. 357 et J. Crawford,
The Creation of States in International Law (2e édition, 2006), p. 604, faisant tous deux référence à la
résolution 1514 (XV) comme ayant atteint «un statut quasi constitutionnel» ; A. Cassese, Self-Determination of Peoples:
A Legal Reappraisal (1995), p. 70 ; J. Crawford, Brownlie’s Principles of Public International Law (8e édition, 2012),
p. 646 ; P. Daillier et A. Pellet, Droit international public (7e édition, 2002), p. 519-520 ; Souveraineté sur Pulau Ligitan
et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), Requête des Philippines à fin d’intervention, C.I.J. Recueil 2001, Opinion
individuelle de M. Franck, juge ad hoc, p. 655, par. 9-11.
23 Annuaire de la Commission du droit international (1963), Volume I, Comptes rendus analytiques de la
quinzième session (6 mai-12 juillet 1963), document A/CN.4/SER.A/1963, p. 169, par. 56.
- 7 -
font l’objet d’un consensus général, notamment ... l’autodétermination»24. Certains membres de la
Commission du droit international et des juristes éminents n’auraient pas placé le droit à
l’autodétermination dans la catégorie supérieure des règles impératives dans la première moitié des
années 1960 s’il ne constituait pas déjà alors une règle impérative du droit international coutumier.
2.16. En 1965, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté sans opposition la
résolution 2131 (XX), dans laquelle elle déclarait que «[t]out Etat doit respecter le droit des
peuples et des nations à l’autodétermination et à l’indépendance et ce droit sera exercé librement en
dehors de toute pression extérieure et dans le respect absolu des droits humains et des libertés
fondamentales»25.
2.17. En 1966, lorsqu’elle a révoqué le mandat de l’Afrique du Sud sur le Sud-Ouest
africain, l’Assemblée générale a réaffirmé que
«les dispositions de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale sont pleinement
applicables au peuple du Territoire sous mandat du Sud-Ouest africain et que, par
conséquent, le peuple du Sud-Ouest africain a le droit inaliénable à
l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance, conformément à la Charte des
Nations Unies»26.
2.18. La même année, les deux pactes relatifs aux droits de l’homme portant, d’une part, sur
les droits économiques, sociaux et culturels et, d’autre part, sur les droits civils et politiques, ont été
adoptés. Ils reconnaissaient tous deux dans leur article premier commun ce qui suit : «Tous les
peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes». En vertu de ce droit, «ils déterminent librement leur
statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel», reprenant
mot pour mot le libellé de la résolution 1514 (XV).
2.19. En 1970, l’Assemblée générale a adopté à l’unanimité la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
conformément à la Charte des Nations Unies. Le droit à l’autodétermination que, selon la
Déclaration, tout Etat a «le devoir de respecter» y occupait une place de choix, confirmant s’il en
était besoin qu’il s’agissait alors d’une règle établie en droit international27.
2.20. Dans son avis consultatif rendu en 1971 sur les Conséquences juridiques pour les Etats
de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, la Cour, après avoir examiné le système des mandats,
a indiqué que :
«l’évolution ultérieure du droit international à l’égard des territoires non autonomes,
tel qu’il est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de l’autodétermination un
24 I. Brownlie, Principles of Public International Law (1re édition, 1966), p. 418.
25 Résolution 2131 (XX) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les
affaires intérieures des Etats et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté,
document A/RES/20/2131 (XX), 21 décembre 1965, par. 6 (les italiques sont de nous).
26 Résolution 2145 (XXI) de l’Assemblée générale, Question du Sud-Ouest africain,
document A/RES/2145 (XXI), 27 octobre 1966, par. 1.
27 Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, Déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies,
document A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970.
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principe applicable à tous ces territoires. La notion de mission sacrée a été confirmée
et étendue à tous les «territoires dont les populations ne s’administrent pas encore
complètement elles-mêmes» ... Il est clair que ces termes visaient les territoires sous
régime colonial ... Une autre étape importante de cette évolution a été la déclaration
sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux
(résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale en date du 14 décembre 1960)
applicable à tous les peuples et à tous les territoires «qui n’ont pas encore accédé à
l’indépendance»»28.
2.21. Dans son avis consultatif sur le Sahara occidental en 1975, la Cour a considéré que la
résolution 1514 de 1960 avait «énoncé» un «droit» préexistant :
«Le principe d’autodétermination en tant que droit des peuples et son
application en vue de mettre fin rapidement à toutes les situations coloniales sont
énoncés dans la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale intitulée «Déclaration
sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ...»29
2.22. Il ressort de ce qui précède qu’en 1960, et sans nul doute en 1965, le droit des peuples
colonisés à l’autodétermination était établi comme faisant partie du droit international coutumier.
Avant 1965, les Etats avaient adopté à des majorités écrasantes plusieurs résolutions de
l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité réaffirmant à plusieurs reprises le droit inaliénable
des peuples coloniaux à l’autodétermination. Conformément à l’existence de pareil droit, par le
truchement de ces résolutions, des Etats avaient apporté leur soutien à la décolonisation de nombre
d’Etats nouvellement indépendants. Cette longue pratique était assortie de l’opinio juris d’Etats qui
continuaient de soutenir l’adoption de résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de
sécurité réaffirmant l’applicabilité de la résolution 1514 (XV) à tous les cas de territoires non
autonomes et qui considérait le respect de cette résolution par les Etats administrants, tenus de
respecter le droit des peuples à l’autodétermination, comme étant susceptible d’être contrôlé par la
voie des organes des Nations Unies.
28 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
29 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 32, par. 55.
- 9 -
CHAPITRE III.
LA TENEUR DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION
Section I. Le droit à l’autodétermination des peuples des territoires non autonomes
au sein d’une unité territoriale unique
3.1. La teneur du droit à l’autodétermination en droit international coutumier en 1965
découle des résolutions de l’Assemblée générale antérieures à cette date rendant compte du droit
international coutumier, et d’autres pratiques et opinio juris des Etats datant de la même époque.
3.2. Le droit à l’autodétermination en droit international coutumier inclut le droit de tous les
peuples de «détermine[r] librement leur statut politique et poursuiv[re] librement leur
développement économique, social et culturel»30. Il requiert de choisir librement de devenir un Etat
indépendant, de s’associer à un Etat indépendant préexistant ou de s’intégrer à un Etat indépendant
préexistant31.
3.3. Ce droit est inhérent à un territoire dont la population ne s’administre pas encore
complètement elle-même32, notamment les territoires coloniaux33. Le fait qu’il soit inhérent à la
population d’un territoire en tant qu’unité territoriale unique est crucial, comme le souligne
M. Shaw dans son ouvrage de 1986, qui rend compte de la pratique depuis 1945 :
«L’élément réflexif du droit à l’autodétermination doit donc s’entendre en
termes strictement spatiaux, en ce que le droit appartient à un peuple colonial dans le
cadre de l’unité territoriale existante telle qu’établie par la puissance coloniale»34.
Cet élément se retrouve dans l’un des aspects fondamentaux du droit à l’autodétermination, à
savoir l’intégrité territoriale. Le droit à l’intégrité territoriale sert à préserver l’unité d’un territoire
avant le moment où le peuple du territoire concerné exerce son droit à l’autodétermination. Ainsi
que l’explique M. Shaw, «par principe, la nécessité du maintien de l’unité coloniale pendant la
période qui précède l’indépendance est de toute évidence un élément crucial de la viabilité du
30 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 2.
31 Résolution 1541 (XV) de l’Assemblée générale, Principes qui doivent guider les Etats Membres pour
déterminer si l’obligation de communiquer des renseignements, prévue à l’alinéa e de l’article 73 de la Charte des
Nations Unies, leur est applicable ou non, document A/RES/1541 (XV), 15 décembre 1960, annexe, Principe VI ;
résolution 742 (VIII) de l’Assemblée générale, Facteurs dont il convient de tenir compte pour décider si un territoire est,
ou n’est pas, un territoire dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes,
document A/RES/742 (VIII), 27 novembre 1953, par. 6.
32 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 5 ; Conséquences juridiques pour les Etats de
la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du
Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
33 Voir par exemple l’intitulé et les alinéas du préambule de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale,
Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV),
14 décembre 1960 (les italiques sont de nous) ; résolution 1541 (XV) de l’Assemblée générale, Principes qui doivent
guider les Etats Membres pour déterminer si l’obligation de communiquer des renseignements, prévue à l’alinéa e de
l’article 73 de la Charte des Nations Unies, leur est applicable ou non, document A/RES/1541 (XV), 15 décembre 1960,
annexe, Principe I.
34 M. Shaw, Title to Territory in Africa (1986), p. 140. Voir aussi A. Cassese, Self-Determination of Peoples: A
Legal Reappraisal (1995), p. 72.
- 10 -
concept d’autodétermination»35. Le droit pour le peuple d’un territoire non autonome à disposer de
lui-même inclut le droit pour ce peuple de choisir que le territoire en question devienne
indépendant.
3.4. Il est rendu compte du droit à l’intégrité territoriale au paragraphe 6 de la Déclaration
sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux de 1960, qui a été compris par les
Etats lors de la rédaction du texte comme une interdiction majeure du démembrement des
territoires non autonomes par la puissance administrante en amont de l’indépendance36 :
«Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale
et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la
Charte des Nations Unies.»37
3.5. Le préambule de la résolution 1514 (XV) réaffirmait également la conviction de
l’Assemblée générale selon laquelle «tous les peuples ont un droit inaliénable ... à l’intégrité de
leur territoire national» et les paragraphes 4 et 7 confirmaient que tous les Etats devaient respecter
l’intégrité du territoire national d’un peuple38. Pareille reconnaissance de ce que l’intégrité
territoriale s’inscrit dans le plein exercice du droit à l’autodétermination des peuples des territoires
coloniaux a été réitérée dans des résolutions ultérieures de l’Assemblée générale faisant référence à
un «droit inaliénable à ... l’intégrité territoriale»39.
3.6. En appelant au respect des règles du droit international coutumier énoncées dans la
résolution 1514 (XV), l’Assemblée générale a donc eu pour pratique de promouvoir
l’autodétermination des peuples des territoires coloniaux au sein de chacun de ces territoires dans
leur intégralité. A titre d’exemple, suite à l’adoption en décembre 1960 de la résolution 1514 (XV),
l’Assemblée générale a reconnu, s’agissant de l’Algérie, la nécessité d’«assurer que le droit de libre
détermination sera mis en oeuvre avec succès et avec justice sur la base du respect de l’unité et de
35 M. Shaw, Title to Territory in Africa (1986), p. 134.
36 Voir par exemple les déclarations reproduites dans Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, Quinzième session (925e - 947e séance), documents A/PV.945 à A/PV.947 (1960) des pays suivants : Chypre
(A/PV.945, par. 92-93), Indonésie (A/PV.936, par. 55 et A/PV.947, par. 9-10), Iraq (A/PV.937, par. 134), Maroc
(A/PV.945, par. 71 et A/PV.947, par. 158), Népal (A/PV.935, par. 74), Panama (A/PV.938, par. 71-72) et République
arabe unie (désormais Égypte et Syrie) (A/PV.929, par. 178).
37 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 6. L’emploi du terme «pays» au paragraphe 6
est plus large que celui des termes «Etats» ou «Etats Membres» et copie l’emploi du terme «pays coloniaux» dans
l’intitulé de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
38 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, 11e alinéa du préambule (les italiques sont de nous)
et par. 4 et 7.
39 Voir par exemple la série de résolutions adoptées entre 1975 et 1980 concernant le peuple du Belize, dans
lesquelles l’Assemblée générale réaffirmait également de façon répétée que l’inviolabilité et l’intégrité territoriale du
Belize avant son indépendance devaient être préservées et qu’en tant que puissance administrante, il revenait au
Royaume-Uni une responsabilité spéciale de préservation de l’intégrité territoriale du Belize : résolution 3432 (XXX) de
l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/3432 (XXX), 8 décembre 1975, par. 2-3 ; résolution 31/50
de l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/31/50, 1er décembre 1976, par. 2-3 ; résolution 32/32 de
l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/32/32, 28 novembre 1977, 12e alinéa du préambule et par. 2
et 5 ; résolution 33/36 de l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/33/36, 13 décembre 1978,
10e alinéa du préambule et par. 2, 3 et 7 ; résolution 34/38 de l’Assemblée générale, Question du Belize,
document A/RES/34/38, 21 novembre 1979, 6e, 8e et 9e alinéas du préambule et par. 1, 2, 4 et 5 ; résolution 35/20 de
l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/35/20, 11 novembre 1980, 6e, 10e et 11e alinéas du
préambule et par. 1, 4, 6 et 7.
- 11 -
l’intégrité territoriale de l’Algérie»40. L’année suivante, en 1961, l’Assemblée générale a constaté
avec inquiétude, dans la résolution 1654 (XV), que contrairement aux dispositions du paragraphe 6
de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, «des actes
visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale» étaient
perpétrés pendant le processus de décolonisation41. En 1962 et en 1963, l’Assemblée générale a mis
en garde l’Afrique du Sud contre toute tentative de porter atteinte d’une façon quelconque à
l’intégrité territoriale du Bassoutoland, du Betchouanaland et du Souaziland42. En 1965,
l’Assemblée générale a considéré que «toute mesure prise par la Puissance administrante pour
détacher certaines îles du territoire de l’île Maurice ... constituerait une violation de ladite
déclaration et en particulier du paragraphe 6 de celle-ci» et invitait le Royaume-Uni «à ne prendre
aucune mesure qui démembrerait le territoire de l’île Maurice et violerait son intégrité
territoriale»43. De même, en 1965, l’Assemblée générale a estimé, s’agissant du Sud-Ouest africain,
que «toute tentative visant à partager le Territoire ou à préparer, directement ou indirectement, une
initiative unilatérale à cet effet constituerait une violation ... de la résolution 1514 (XV)»44. De
nouveau, en 1966, après s’être dite profondément préoccupée par la persistance de politiques visant
la destruction de l’intégrité territoriale de territoires non autonomes, l’Assemblée générale
«[r]éitère sa déclaration selon laquelle toute tentative visant à détruire partiellement
ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale des territoires coloniaux ... est
incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies et de la
résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale»45.
3.7. La résolution 1514 (XV), adoptée sans opposition par l’Assemblée générale des
Nations Unies en décembre 1960 et qui non seulement rendait compte du droit à
l’autodétermination en droit international coutumier, mais reconnaissait également le droit à
l’intégrité territoriale comme composante du droit à l’autodétermination, a été reconnue par le
Royaume-Uni comme exprimant un droit des peuples coloniaux en 1960. En 1967, le
Royaume-Uni a réaffirmé que «l’intégrité et ... l’indivisibilité d’un territoire qui formait un tout
sous une administration antérieure» était un «principe essentiel» protégé par la règle relative à
l’intégrité territoriale énoncée au paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)46. Plus récemment, le
Royaume-Uni a reconnu ce droit devant la Cour de céans. Dans la procédure d’avis consultatif
concernant la déclaration unilatérale d’indépendance par les institutions provisoires autonomes du
40 Résolution 1573 (XV) de l’Assemblée générale, Question algérienne, document A/RES/157 (XV),
19 décembre 1960, par. 2. Voir aussi la résolution 1724 (XVI) de l’Assemblée générale, Question algérienne,
document A/RES/1724 (XVI), 20 décembre 1961, septième alinéa du préambule.
41 Résolution 1654 (XVI) de l’Assemblée générale, La situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration
sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, document A/RES/1654(XVI), 27 novembre 1961,
sixième alinéa du préambule.
42 Résolution 1817 (XVII) de l’Assemblée générale, Question du Bassoutoland, du Betchouanaland et du
Souaziland, document A/RES/1817 (XVII), 18 décembre 1962, par. 6 ; résolution 1954 (XVIII) de l’Assemblée générale,
Question du Bassoutoland, du Betchouanaland et du Souaziland, document A/RES/1954 (XVII), 11 décembre 1963,
par. 4.
43 Résolution 2066 (XX) de l’Assemblée générale, Question de l’île Maurice, document A/RES/2066 (XX),
16 décembre 1965, cinquième alinéa du préambule et par. 4.
44 Résolution 2074 (XX) de l’Assemblée générale, Question du Sud-Ouest africain, document A/RES/2074 (XX),
17 décembre 1965, par. 5 et voir aussi par. 10.
45 Résolution 2232 (XXI) de l’Assemblée générale, Question d’Antigua, des Bahamas, des Bermudes, de la
Dominique, de la Grenade, de Guam, des îles Caïmanes, des îles Cocos (Keeling), des îles Gilbert-et-Ellice, de l’île
Maurice, des îles Salomon, des îles Samoa américaines, des îles Seychelles, des Tokélaou, des îles Turques-et-Caïques,
des îles Vierges américaines, des îles Vierges britanniques, de Montserrat, de Nioué, des Nouvelles-Hébrides, de Pitcairn,
de Saint-Christophe-et-Nièves et Anguilla, de Sainte-Hélène, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent,
document A/RES/2232 (XXI), 20 décembre 1966, quatrième alinéa du préambule et par. 4 (les italiques sont de nous).
46 Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, Vingt-deuxième session, Quatrième Commission,
1741e séance, document A/C.4/SR.1741, 7 décembre 1967, par. 31.
- 12 -
Kosovo, le Royaume-Uni a indiqué que : «Le principe d’autodétermination a été clairement
exprimé comme un droit de tous les pays et peuples coloniaux par la résolution 1514 (XV) de
l’Assemblée générale»47.
Section II. L’obligation corrélative de la puissance administrante de faire en sorte que
les peuples exercent leur droit à l’autodétermination
sur l’intégralité du territoire
3.8. Le droit à l’autodétermination des peuples des territoires non autonomes donne
naissance à une obligation corrélative de la part des Etats administrant les territoires concernés de
faire en sorte que les peuples des territoires exercent pleinement leur droit à l’autodétermination48.
Il faut alors veiller à ce que le peuple en question soit en position de pouvoir exprimer librement
ses souhaits. A cet égard, la Cour, dans son avis consultatif sur le Sahara occidental, a estimé que
«l’application du droit à l’autodétermination suppose l’expression libre et authentique de la volonté
des peuples intéressés» et que la «validité du principe d’autodétermination» pouvait être «défini[e]
comme répondant à la nécessité de respecter la volonté librement exprimée des peuples»49.
3.9. Pareille obligation interdit à la puissance administrante de prendre une quelconque
mesure avant l’exercice du droit à l’autodétermination, qui placerait le peuple concerné en position
de ne pas pouvoir exprimer librement et véritablement sa volonté quant à son avenir politique.
L’obligation concerne notamment les mesures touchant au territoire à l’égard duquel le droit à
l’autodétermination est amené à s’exercer, comme la séparation d’une partie du territoire de l’unité
coloniale, telle que l’envisage et l’interdit la règle dont rend compte le paragraphe 6 de la
résolution 1514 (XV)50. La partition n’a été acceptée par les Nations Unies que lorsque le maintien
47 Exposé écrit du Royaume-Uni en date du 17 avril 2009, Conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J Recueil 2010, p. 403, par. 5.21.
48 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux, document A/RES/15 14(XV), 14 décembre 1960, par. 5. Voir aussi, par exemple, les nombreuses
résolutions dans lesquelles l’Assemblée générale priait les puissances administrantes de prendre toutes les mesures
nécessaires «pour permettre» aux peuples coloniaux d’exercer pleinement leur droit à disposer d’eux-mêmes :
résolution 2878 (XXVI) de l’Assemblée générale, Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays
et aux peuples coloniaux, document A/RES/2878 (XXVI), 20 décembre1971, par. 1 ; résolution 2985 (XXVII), Question
des Seychelles, document A/RES/2985 (XXVII), 14 décembre 1972, par. 1 ; résolution 3115 (XXVIII), Question de la
Rhodésie du Sud, document A/RES/3115 (XXVIII), 12 décembre 1973, par. 4. Voir aussi Conséquences juridiques pour
les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276
(1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16 aux pp. 28-29, par. 45 à 47, et p. 31, par. 52
faisant référence au développement du droit international ayant trait aux territoires non autonomes comme «consacré par»
la Charte, et aux obligations imposées aux puissances administrantes qui l’accompagnent.
49 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31, par. 55, et p. 33, par. 59.
50 Voir par exemple les résolutions dans lesquelles l’Assemblée générale faisait référence à la «responsabilité
spéciale» qui incombe à la Puissance administrante «pour permettre» au peuple concerné d’exercer son droit à
l’autodétermination sur «tout son territoire». Les deux résolutions ci-après concernant le Belize en sont l’exemple :
résolution 34/38 de l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/34/38, 21 novembre 1979, huitième
alinéa du préambule ; résolution 35/20 de l’Assemblée générale, Question du Belize, document A/RES/35/20,
11 novembre 1980, 11e alinéa du préambule. Voir aussi par exemple résolution 2985 (XXVII), Question des Seychelles,
document A/RES/2985 (XXVII), 14 décembre 1972, cinquième alinéa du préambule, qui réaffirmait que «les Seychelles
doivent accéder à l’indépendance sans préjudice de leur intégrité territoriale».
- 13 -
de l’unité territoriale de la colonie s’avérait contraire aux souhaits librement exprimés par le peuple
de la colonie concernée51.
3.10. Dans les situations où une remise en cause de l’intégrité territoriale de l’unité non
autonome a été proposée ou effectuée sans qu’il s’agisse de l’expression de la volonté libre et
authentique du peuple détenteur du droit à l’autodétermination, la communauté internationale a fait
savoir, généralement par l’entremise de l’Organisation des Nations Unies, que pareille conduite
constituait une violation de l’obligation de respecter l’intégrité territoriale d’une unité coloniale
avant que son peuple ait exercé son droit à l’autodétermination.
a) Les îles malgaches (Juan de Nova, Glorieuses, Europa et Bassas da India) étaient une
dépendance de Madagascar qui en a été séparée juste avant son indépendance le 26 juin 196052.
Le 1er avril 1960, la veille de l’application de l’accord du 2 avril 1960 transférant le pouvoir à
Madagascar, et quelques semaines avant l’indépendance totale, la France a publié un décret
dans lequel elle plaçait les îles malgaches sous l’autorité du ministre français chargé des
départements et territoires d’outre-mer, suite auquel elle a revendiqué la souveraineté complète
sur les îles53. A la faveur d’un changement de gouvernement au début des années 1970,
Madagascar a commencé à revendiquer les îles, faisant valoir que «lorsque la souveraineté est
transférée à un Etat nouvellement indépendant, l’intégrité territoriale et l’unité nationale de ce
dernier doivent être respectées», comme l’exige le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)54.
L’Organisation de l’unité africaine55, le Mouvement des pays non alignés56 et l’Assemblée
51 A titre d’exemple, le Rwanda et le Burundi constituaient le Territoire sous tutelle sous mandat belge du
Ruanda-Urundi, qui fit l’objet d’une partition et obtint l’indépendance sous la forme de deux Etats distincts en 1962.
Cette décision était le fruit de la libre volonté du peuple exprimée par la voie d’élections organisées au suffrage universel
des adultes sous l’égide des Nations Unies. Voir résolution 1746 (XVI) de l’Assemblée générale, Avenir du
Ruanda-Urundi, document A/RES/1746 (XVI), 27 juin 1962. De même, les îles Gilbert-et-Ellice ont été séparées l’une de
l’autre pour devenir deux Etats lors de l’accession à l’indépendance (Tuvalu et Kiribati) à l’issue d’un référendum
organisé sous le contrôle des Nations Unies à la demande du Royaume-Uni. Voir résolution 3288 (XXIX) de
l’Assemblée générale, Question des îles Gilbert-et-Ellice, document A/RES/3288 (XXIX), 13 décembre 1974, et Rapport
du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, Vingtneuvième
session, supplément no 23 (1976), document A/9623/Rev.1, par. 135 à 191.
52 Le pays est devenu indépendant sous le nom de République malgache, avant de changer son nom en
Madagascar.
53 Depuis 1960, les îles sont administrées sous l’autorité d’un préfet : voir Request for the Inclusion of an
Additional item in the Agenda of the Thirty-Fourth Session: Question of the Islands of Glorieuses, Juan de Nova, Europa
and Bassas da India, document A/34/245, 12 novembre 1979, annexe : mémorandum explicatif, par. 2 ; M. Shaw, Title
to Territory in Africa (1986), p. 133.
54 Voir Request for the Inclusion of an Additional item in the Agenda of the Thirty-Fourth Session: Question of
the Islands of Glorieuses, Juan de Nova, Europa and Bassas da India, document A/34/245, 12 novembre 1979, annexe :
mémorandum explicatif, par. 6, litt. d). Madagascar et la France sont convenues de poursuivre leurs efforts pour parvenir
à une solution négociée et c’est lorsque ces efforts se sont avérés vains que Madagascar a fait appel à l’ONU.
55 Organisation de l’unité africaine, Résolution sur les îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India,
CM/Res.732 (XXXIII) Rev.1, adoptée par le Conseil des ministres à sa trente-troisième session ordinaire, tenue du 6 au
20 juillet 1979 : «Rappelant que ces îles formaient pendant la colonisation, une entité politique et administrative unique
rattachée à l’ensemble appelé naguère «Madagascar et Dépendances» ; Considérant le fait que l’ancienne puissance
coloniale, par un décret officiel du 1er avril 1960 a détaché arbitrairement ces îles de Madagascar : 1. Déclare que les Îles
... font partie intégrante du territoire national de la République Démocratique de Madagascar» ; 2. Invite le
Gouvernement français à rétrocéder à la République Démocratique de Madagascar [l]es Îles en question ... ; 3. Demande
au Gouvernement français de prendre les dispositions nécessaires à l’effet de rapporter les mesures prises par les
Autorités françaises, mesures qui portent atteinte à la souveraineté de la République Démocratique de Madagascar». Voir
aussi Organisation de l’unité africaine, Résolution sur les îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bass[a]s da India,
CM/Res.784 (XXXV), adoptée par le Conseil des ministres à sa trente-cinquième session ordinaire, tenue du 18 au
28 juin 1980, par. 1 et 2, qui réaffirmait que les îles font partie intégrante de Madagascar et priait instamment la France
d’ouvrir des négociations dès que possible en vue de la restitution des îles à Madagascar.
- 14 -
générale des Nations Unies ont tous appelé à la restitution des îles malgaches à Madagascar.
L’Assemblée générale a réaffirmé «la nécessité de respecter scrupuleusement l’unité nationale
et l’intégrité territoriale d’un territoire colonial au moment de son accession à l’indépendance»,
a demandé à la France de «rapporter les mesures portant atteinte à la souveraineté et à
l’intégrité territoriale de Madagascar» et a invité la France et Madagascar à «entamer sans plus
tarder des négociations ... en vue de la réintégration des îles précitées, qui ont été séparées
arbitrairement de Madagascar».57
b) En amont de l’indépendance de l’archipel des Comores, l’Assemblée générale des
Nations Unies a souligné l’importance de l’intégrité territoriale dudit archipel en tant qu’unité
territoriale unique58. En décembre 1974, la France a organisé un référendum d’indépendance
pour l’archipel des Comores, à l’issue duquel trois des quatre îles principales (Anjouan, Grande
Comore et Mohéli) ont voté pour l’indépendance et la quatrième (Mayotte) a choisi de rester
sous contrôle français59. En juin 1975, le Parlement français a examiné un projet de loi
prévoyant le maintien du rattachement de Mayotte à la France après l’indépendance du reste des
Comores, ce qui a incité le Parlement des Comores à déclarer unilatéralement l’indépendance le
6 juillet 1975 sur tout le territoire de l’archipel des Comores, y compris Mayotte. La France n’a
accepté la déclaration d’indépendance que pour les îles d’Anjouan, Grande Comore et Mohéli,
réservant sa position concernant Mayotte. L’Organisation des Nations Unies, tout en
réaffirmant «la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores,
composé des îles d’Anjouan, de la Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli», a admis
l’archipel des Comores en tant qu’Etat Membre le 12 novembre 197560. En décembre 1975, le
Parlement français a adopté une loi confirmant que Mayotte aurait le statut de collectivité
territoriale sous contrôle français et, en 1976, la France a organisé des référendums spéciaux
pour la population de Mayotte, qui a choisi de rester au sein de la République française61.
L’Assemblée générale, à 102 voix contre une (France) et avec 28 abstentions, a estimé que les
référendums imposés à Mayotte constituaient «une violation de la souveraineté de l’Etat
comorien et de son intégrité territoriale» et les a déclaré nuls et non avenus. Elle a également
considéré que l’attitude de la France «constitu[ait] une violation des principes des résolutions
pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, en particulier de la résolution 1514 (XV) de
l’Assemblée générale, en date du 14 décembre 1960, relative à l’octroi de l’indépendance aux
pays et aux peuples coloniaux, qui garantit l’unité nationale et l’intégrité territoriale de ces
56 Déclaration politique de la sixième Conférence des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays non alignés,
document A/34/542, 11 octobre 1979, p. 38, par. 100 : «En ce qui concerne la situation dans les îles Glorieuses, Juan de
Nova, Europa et Bassas da India, qui appartiennent géographiquement et historiquement à Madagascar, la Conférence a
demandé que ces îles soient restituées à la République démocratique malgache, dont elles ont été arbitrairement séparées
en 1960 par décret de l’ancienne métropole.»
57 Résolution 34/91 de l’Assemblée générale, Questions des îles Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da
India, document A/RES/34/91, 12 décembre 1979, par. 1, 3 et 4. Voir aussi résolution 35/123 de l’Assemblée générale,
Questions des îles malgaches Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India, document A/RES/35/123,
11 décembre 1980, dont le par. 3 réaffirmait les dispositions de la résolution 34/91. Les négociations entre la France et
Madagascar, engagées en 1980, se poursuivent à ce jour. La question reste inscrite à l’ordre du jour provisoire de
l’Assemblée générale depuis 1980.
58 Résolution 3161 (XXVIII) de l’Assemblée générale, Question de l’archipel des Comores,
document A/RES/3161 (XXVIII), 14 décembre1973, par. 4 et 5 ; résolution 3291 (XXIX) de l’Assemblée générale,
Question de l’archipel des Comores, document A/RES/3291 (XXIX), 13 décembre 1974, par. 3 et 5.
59 Pris ensemble, les votes des quatre îles des Comores étaient favorables à 95 % à l’indépendance, mais à
Mayotte, une majorité a rejeté l’indépendance et voté pour le maintien du rattachement à la France. Voir M. Shaw, Title
to Territory in Africa (1986), p. 115-116.
60 Résolution 3385 (XXX) de l’Assemblée générale, Admission des Comores à l’Organisation des Nations Unies,
document A/RES/3385 (XXX), 12 novembre 1975.
61 Voir M. Shaw, Title to Territory in Africa (1986), p. 115-116. En 2010, le Parlement français a adopté une loi
intégrant Mayotte à la France en tant que département d’outre-mer : voir Loi organique no 2010-1486 du 7 décembre
2010 relative au Département de Mayotte.
- 15 -
pays»62. L’Assemblée générale des Nations Unies a réaffirmé à plusieurs reprises la
souveraineté des Comores sur Mayotte et prié la France de respecter le résultat du référendum
de 1974 en «rend[ant] effectif le retour de l’île de Mayotte dans l’ensemble comorien, et ce
dans les meilleurs délais»63. L’Organisation de l’unité africaine64 et le Mouvement des pays non
alignés65 ont également appuyé la réintégration de Mayotte au sein des Comores.
c) L’interdiction de porter atteinte à l’intégrité territoriale avant l’exercice du droit à
l’autodétermination inclut toute atteinte par des Etats non administrants. Lorsqu’au début des
années 1960, l’Afrique du Sud a menacé d’annexer le Bassoutoland, le Betchouanaland et le
Souaziland, à l’époque tous administrés par le Royaume-Uni, l’Assemblée générale a condamné
à plusieurs reprises «toute tentative faite pour porter atteinte au droit des peuples de ces
territoires de créer leurs propres Etats indépendants» et déclaré «que toute tentative faite pour
annexer le Bassoutoland, le Betchouanaland et le Souaziland, ou pour porter atteinte d’une
façon quelconque à leur intégrité territoriale, sera considérée par l’Organisation des
Nations Unies comme un acte d’agression qui viole la Charte des Nations Unies»66. De même,
lorsque l’Indonésie a envahi et prétendu annexer le Timor oriental en 1975 à la veille de
l’exercice par son peuple de son droit à l’autodétermination, le Conseil de sécurité et
l’Assemblée générale ont condamné l’invasion, réaffirmé le droit inaliénable du peuple du
62 Résolution 31/4 de l’Assemblée générale, Question de l’île comorienne de Mayotte, document A/RES/31/4,
21 octobre 1976, deuxième et quatrième alinéas du préambule et par. 1. Un projet de résolution du Conseil de sécurité a
appelé la France de ne pas mettre en péril l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale des Comores, mais la France y
a opposé son droit de veto : Projet de résolution S/11967 du Conseil de sécurité, document S/11967, 5 février 1976.
63 Voir par exemple résolution 36/105 de l’Assemblée générale, Question de l’île comorienne de Mayotte,
document A/RES/36/105, 10 décembre 1981, par. 1 à 3. Voir, dans le même sens, les résolutions annuelles relatives à la
«Question de l’île comorienne de Mayotte» : résolution 34/69 de l’Assemblée générale, document A/RES/34/69,
6 décembre 1979, par. 1 et voir aussi troisième et quatrième alinéas du préambule ; résolution 35/43 de l’Assemblée
générale, document A/RES/35/43, 28 novembre 1980, par. 1 et voir aussi troisième et cinquième alinéas du préambule ;
résolution 37/65 de l’Assemblée générale, document A/RES/37/65, 3 décembre 1982, par. 1, 2 et 4 et voir aussi troisième
et cinquième alinéas du préambule ; ainsi que les résolutions annuelles ultérieures formulées en termes identiques à la
résolution 37/65 de l’Assemblée générale : résolution 38/13 de l’Assemblée générale, document A/RES/38/13,
21 novembre 1983 ; résolution 39/48 de l’Assemblée générale, document A/RES/39/48, 11 décembre 1984 ;
résolution 40/62 de l’Assemblée générale, document A/RES/40/62, 9 décembre 1985 ; résolution 41/30 de l’Assemblée
générale, document A/RES/41/30, 3 novembre 1986 ; résolution 42/17 de l’Assemblée générale, document A/RES/42/17,
11 novembre 1987 ; résolution 43/14 de l’Assemblée générale, document A/RES/43/14, 26 octobre 1988 ; résolution 44/9
de l’Assemblée générale, document A/RES/44/9, 18 octobre 1989 ; résolution 45/11 de l’Assemblée générale,
document A/RES/45/11, 1er novembre 1990 ; résolution 46/9 de l’Assemblée générale, document A/RES/46/9,
16 octobre 1991 ; résolution 47/9 de l’Assemblée générale, document A/RES/47/9, 27 octobre 1992 ; résolution 48/56 de
l’Assemblée générale, document A/RES/48/56, 13 décembre 1993 ; résolution 49/18 de l’Assemblée générale,
document A/RES/49/18, 28 novembre 1994.
64 Organisation de l’unité africaine, Résolution sur l’île comorienne de Mayotte, CM/Res.678 (XXXI), adoptée
par le Conseil des ministres à sa trente-et-unième session ordinaire, tenue du 7 au 18 juillet 1978 : «Rappelant que le
peuple de la République a exprimé à une écrasante majorité sa volonté, par un référendum tenu le 21 décembre 1974,
d’accéder à l’indépendance dans l’unité et l’intégrité territoriale, ... 1. Condamne le soi-disant référendum mis en scène à
Mayotte le 8 juin 1976 et le 11 avril 1976 qu’elle considère nul et non avenu et rejette ... toute autre initiative française
visant à conférer une légitimité à la présence colonialiste française à Mayotte sous quelque forme que ce soit ... 2.
Condamne fermement l’occupation française illégale de l’île comorienne de Mayotte, qui constitue une agression visant à
mettre en péril l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la souveraineté de la République des Comores ... 4. Exige le
retrait immédiat et inconditionnel de la France de l’île comorienne de Mayotte, qui fait partie intégrante de la République
des Comores».
65 Déclaration politique de la sixième Conférence des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays non alignés,
document A/34/542, 11 octobre 1979, p. 38, par. 99.
66 Résolution 1817 (XVII) de l’Assemblée générale, Question du Bassoutoland, du Betchouanaland et du
Souaziland, document A/RES/1817 (XVII), 18 décembre 1962, septième alinéa du préambule et par. 6 ;
résolution 1954 (XVIII) de l’Assemblée générale, Question du Bassoutoland, du Betchouanaland et du Souaziland,
document A/RES/1954 (XVII), 11 décembre 1963, cinquième alinéa du préambule et par. 4. Malgré l’existence d’une
menace de recours à la force par une puissance non administrante (l’Afrique du Sud) à l’encontre de dépendances de la
puissance administrante (le Royaume-Uni), le libellé des résolutions n’allait pas jusqu’à dénoncer l’emploi de la force par
un Etat Membre à l’encontre d’un autre : les résolutions de l’Assemblée générale privilégiaient avant tout l’application de
la résolution 1514 (XV) et le respect de l’intégrité territoriale des territoires non autonomes.
- 16 -
Timor oriental à l’autodétermination conformément à la résolution 1514 (XV) et demandé à
tous les Etats «de respecter l’intégrité territoriale du Timor oriental»67.
d) Dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le
territoire palestinien occupé, la Cour a jugé que le tracé choisi pour le mur occasionnait le
départ de populations palestiniennes de certaines zones et risquait de conduire à «de nouvelles
modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé». Elle a
conclu que la construction du mur «dress[ait] ... un obstacle grave à l’exercice par le peuple
palestinien de son droit à l’autodétermination et viol[ait] de ce fait l’obligation incombant à
Israël de respecter ce droit»68.
3.11. L’interdiction faite à l’Etat administrant de séparer une partie du territoire d’une
colonie avant l’indépendance lorsque pareille séparation ne traduit pas la volonté libre et
authentique du peuple détenteur du droit à l’autodétermination est aussi défendue par d’éminents
publicistes. Monsieur Crawford a ainsi expliqué qu’«[i]l n’est pas loisible aux Etats administrants
de diviser ou de démembrer ces territoires en violation du droit à l’autodétermination. Les
territoires issus de pareil démembrement ne sont pas des unités aux fins de l’autodétermination,
mais sont assujettis au principe d’intégrité territoriale»69.
3.12. Si un territoire est démembré avant son indépendance, en violation du droit à
l’autodétermination du peuple qui l’occupe, le droit à l’autodétermination du peuple en question
continue d’exister sur tout le territoire concerné tant qu’il n’est pas exercé. En témoigne la
Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales, qui
réaffirme ce qui suit :
«Le territoire d’une colonie ou d’un autre territoire non autonome possède, en
vertu de la Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l’Etat qui
l’administre ; ce statut séparé et distinct en vertu de la Charte existe aussi longtemps
que le peuple de la colonie ou du territoire non autonome n’exerce pas son droit à
disposer de lui-même conformément à la Charte et, plus particulièrement, à ses buts et
principes.»70
3.13. Le fait que le droit à l’autodétermination continue d’exister lorsque son plein exercice
est empêché est conforté par les exemples précités d’Etats qui, dans l’enceinte onusienne, ont
défendu la réintégration de territoires séparés de territoires non autonomes avant leur
indépendance.
67 Résolution 384 du Conseil de sécurité, Timor oriental, document S/RES/384, 22 décembre 1975, par. 1
(adoptée à l’unanimité) ; résolution 3485 (XX), Question de Timor, document A/RES/3485 (XXX), 12 décembre 1975,
par. 5 à 7.
68 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 184, par. 122.
69 J. Crawford, The Creation of States in International Law (2e édition, 2006), p. 645. Voir aussi J. Crawford, The
Creation of States in International Law (1re édition, 1979), pp. 381-382 ; M. Shaw, op. cit. au par. 3.3 ; S. K. N. Blay,
«Self-Determination Versus Territorial Integrity in Decolonization» (1986), in NYU Journal of International Law and
Politics, vol. 18, p. 441, aux p. 445-448 et 449.
70 Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, Déclaration relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies,
document A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970, annexe, cinquième principe (intitulé «Le principe de l’égalité des droits
des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes»), sixième paragraphe (les italiques sont de nous).
- 17 -
CHAPITRE IV.
LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE ET LE DROIT
À L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE DE MAURICE
Section I. Évaluation de la question de savoir si le processus de décolonisation
de Maurice a été validement mené à bien
4.1. Pour que le processus de décolonisation de Maurice ait été validement mené à bien71, il
aurait fallu qu’il se déroule de façon à respecter le droit du peuple mauricien à l’autodétermination.
Or, ainsi qu’il est expliqué au chapitre précédent, pour que pareil droit puisse s’exercer pleinement,
l’intégrité territoriale de l’unité non autonome doit être préservée avant l’indépendance afin que le
peuple de l’ensemble du territoire concerné puisse décider librement de son avenir politique au sein
de l’unité territoriale dans son ensemble. Pareil droit du peuple mauricien à l’intégrité territoriale
de Maurice a été expressément reconnu par l’Assemblée générale dans plusieurs résolutions. Dans
la résolution 2066 (XX), par exemple, elle a constaté avec une vive inquiétude que «toute mesure
prise par [le Royaume-Uni] pour détacher certaines îles du territoire de l’île Maurice afin d’y
établir une base militaire constituerait une violation de ladite déclaration et en particulier du
paragraphe 6 de celle-ci»72. L’obligation de préserver l’intégrité territoriale de Maurice a été
réaffirmée dans les résolutions 2232 (XXI) et 2357 (XXII)73.
4.2. Maurice a accédé à l’indépendance le 12 mars 1968 et a été admis parmi les Etats
Membres de l’Organisation des Nations Unies le 24 avril 1968. Trois ans plus tôt, en 1965, au
moment de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice, le peuple mauricien détenait le droit
de disposer de lui-même, lequel consistait notamment à pouvoir déterminer librement le statut
politique de l’intégralité du territoire de Maurice. Le droit à l’intégrité territoriale ne pouvait être
abandonné qu'avec le consentement libre et authentique du peuple qui en était détenteur. Faute de
pareil renoncement, en séparant l’archipel des Chagos de Maurice, le Royaume-Uni aurait manqué
à son obligation de ne prendre aucune mesure qui empêcherait le peuple de Maurice, avant
l’exercice de son droit à l’autodétermination, de déterminer librement l’avenir politique de Maurice
en tant qu’unité territoriale indivisible. Le cas échéant, le processus de décolonisation de Maurice
n’aurait pas été validement mené à bien.
71 Voir résolution 742 (VIII) de l’Assemblée générale – Facteurs dont il convient de tenir compte pour décider si
un territoire est, ou n’est pas, un territoire dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes,
document A/RES/742 (VIII), 27 novembre 1953, annexe : Liste de facteurs – Facteurs permettant de conclure qu’une
population a accédé à l’indépendance ou à une autre forme d’autonomie séparée.
72 Résolution 2066 (XX) de l’Assemblée générale, Question de l’île Maurice, document A/RES/2066 (XX),
16 décembre 1965, cinquième alinéa du préambule. Voir également par. 4 : «Invite la Puissance administrante à ne
prendre aucune mesure qui démembrerait le territoire de l’île Maurice et violerait son intégrité territoriale».
73 Résolution 2232 (XXI) de l’Assemblée générale, Question d’Antigua, des Bahamas, des Bermudes, de la
Dominique, de la Grenade, de Guam, des îles Caïmanes, des îles Cocos (Keeling), des îles Gilbert-et-Ellice, de l’île
Maurice, des îles Salomon, des îles Samoa américaines, des îles Seychelles, des Tokélaou, des îles Turques-et-Caïques,
des îles Vierges américaines, des îles Vierges britanniques, de Montserrat, de Nioué, des Nouvelles-Hébrides, de Pitcairn,
de Saint-Christophe-et-Nièves et Anguilla, de Sainte-Hélène, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent,
document A/RES/2232 (XXI), 20 décembre 1966, quatrième alinéa du préambule et par. 4 ; résolution 2357 (XXII),
Question d’Antigua, des Bahamas, des Bermudes, de la Dominique, de la Grenade, de Guam, des îles Caïmanes, des îles
Cocos (Keeling), des îles Gilbert-et-Ellice, de l’île Maurice, des îles Salomon, des îles Samoa américaines, des îles
Seychelles, des Tokélaou, des îles Turks et Caïques, des îles Vierges américaines, des îles Vierges britanniques, de
Montserrat, de Nioué, des Nouvelles-Hébrides, de Pitcairn, de Saint-Christophe-et-Nièves et Anguilla, de Sainte-Hélène,
de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent et du Souaziland, document A/RES/2357 (XXII), 19 décembre 1967, sixième alinéa du
préambule et par. 4 dans le même sens.
- 18 -
Section II. Analyse des conséquences découlant de l’administration continue
de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni
4.3. Si, en séparant l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, le Royaume-Uni a manqué à
son obligation de permettre au peuple mauricien d’exercer véritablement son droit à
l’autodétermination sur l’intégralité du territoire concerné par ce droit, alors le peuple de Maurice
possède encore pareil droit, y compris à l’égard de l’archipel des Chagos. L’obligation faite au
Royaume-Uni de permettre l’exercice de pareil droit n’aurait pas été pleinement remplie au
moment de l’indépendance de Maurice en 1968. Le Royaume-Uni resterait donc tenu de permettre
au peuple mauricien, en ce compris les personnes d’origine chagossienne déplacées du fait de la
séparation de 1965, de disposer de lui-même, et ce, sur l’intégralité du territoire de Maurice tel
qu’il était avant la violation par le Royaume-Uni, en 1965, de l’obligation susvisée74. Le Royaume-
Uni, en maintenant l’archipel des Chagos séparé de Maurice, serait responsable d’un manquement
continu à l’obligation en question. Partant, il serait dans l’obligation de mettre fin sans délai à
pareil comportement internationalement illicite75.
4.4. En outre, si la séparation de 1965 constitue un fait internationalement illicite emportant
violation du droit du peuple mauricien à disposer de lui-même dans le respect de son intégrité
territoriale, le Royaume-Uni est alors dans l’obligation, «autant que possible, [d’]effacer toutes les
conséquences de l’acte illicite et [de] rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte
n’avait pas été commis»76. Pareille démarche exigerait le rétablissement de l’intégrité territoriale de
Maurice. La restitution peut prendre la forme d’une restitution de territoire77, ce qui, en l’espèce,
s’imposerait à titre de réparation de la séparation illicite.
4.5. Le maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni aurait alors
pour conséquence en droit international d’obliger le Royaume-Uni à mettre fin sans délai à
l’administration de l’archipel des Chagos et à le restituer à Maurice.
Le 30 janvier 2018.
Le représentant du Belize,
S. Exc. l’Ambassadeur Alexis Roberto ROSADO.
___________
74 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 197, par. 149.
75 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 197-198, par. 150-151 ; Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la
France relatifs à l’interprétation ou à l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les
problèmes découlant de l’affaire du Rainbow Warrior, sentence arbitrale, 30 avril 1990, RIAA, vol. XX, p. 215-270,
par. 114.
76 Affaire relative à l’Usine de Chorzów (demande en indemnité), (fond), no 13, 1928, C.P.J.I., série A, no 17,
p. 47.
77 Articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs, Annuaire
de la Commission du droit international (2001), Volume II, deuxième partie, Rapport de la Commission à l’Assemblée
générale sur les travaux de sa cinquante-troisième session, document A/CN.4/SER.A/2001/Add.1 (Part 2), p. 103, par. 5
du commentaire de l’article 35 (Restitution) : «La restitution peut prendre la forme d’une restitution matérielle, ou d’une
restitution de territoire».
Exposé écrit du Belize