Demande en indication de mesures conservatoires présentée par l'Argentine

Document Number
135-20060504-WRI-01-00-FR
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document

DEMANDE DES
MESURES
CONSERVATOIRES Demande en indication de mesuresconservatoiresprésentée

par le Gouvernement de la Républiqueargentine

1. Me référanà t la requête introductive d'instance soumiscejour à la Cour au nom de
la République argentine (ci-après ((Argentine ») contre la République orientale de
l'Uruguay (ci-après Uruguay »),j'ai l'honneurde présenter, conformément à l'article41
du Statut de la Cour et à l'article 73 de son Règlement, une demande priant la Cour
d'indiquerdesmesures conservatoires.

2. Commeindiquéauparagraphe 3 de la requête introductived'instancela compétence
de la Cour découlede l'article 60 du Statut du fleuve Uruguay (ci-après le ((Statut de
1975 »).

3. Lesfaits sur lesquels se fondelaprésentedemandesont exposés aux paragraphes 5à
23 de larequête.

A. Droits quel'Argentinecherche à sauvegarderparla présentedemande

4. Les droits que l'Argentinecherche à sauvegarderpar laprésente demande découlent

du Statut de 1975 et des principes et règles de droit international nécessaires pour
l'inteiprétationet l'application de celui-ci, enparticulier:

(a) le droit à ce que l'Uruguayrespecte les obligations prévues par le Statut de
1975pour la réalisationde tout ouvrage suffisamment important pour affecter le

régime dufleuve Uruguay ou la qualitéde ses eaux;

(b) le droit à ce que l'Uruguay n'autorise ni n'entreprenne la construction
d'ouvrages susceptibles de causer des préjudices sensibles au fleuve Uruguay -
bienjuridique dont l'intégrité doit êtseuvegardé - ou àl'Argentine; et

(c) le droit de l'Argentine ce que les populations riveraines du fleuve Uruguay
relevant de sajuridictionetvivant àproximitédes ouvrages projetésou dans leur
zone d'infiuence, vivent dans un environnement sain etne subissent pas de
dommages à lasanté,dedommageséconomiquesou de toute autrenature, du fait

de la construction des usines de pâte à papier etde leur mise en service sans
respecter les obligations procéduraleset de fond requises par le Statut de 1975 et
les principes et règlesde droit internationalnécessaires pourson interprétationet
application.

B. Motifs surlesquelsse fondela présente demande 5. L'Argentinea le droit de s'attendre à ce qu'aucunouvrage sufasamment important
pour affecter le régimedu fleuve Uruguay,la qualitédes ses eaux, l'équilibreécologique
du fleuve ainsi que celui de ses zones d'influencene soit autoriséoutruit sans avoir

été correctement informées ,ans avoir pu évaluerl'information et sans avoir le droit
d'objecter à une telle autorisation ou construction, conformément aux dispositions du
Statut de1975.L'Uruguayne contestepas que les usines CMB et Orion constituent de tels
ouvrages, puisque sa propre Direction nationale de l'environneme(DINAMA, selon le

sigle en espagnol) a qualifiéCMB et Orion comme des projets dont la mise en Œuvre
risque deproduire un impactnégatif importantsur l'environnement.

6. Malgréle non-respect par l'Uruguay des procéduresprévuespar le Statut de 1975.
l'information dontdispose l'Argentine établit manifestementque la mise en service des
usines de pâte àpapier CMB et Orion causera indéfectiblementun préjudice sensibleàla
qualité des eaux dufleuve Uruguay et un préjudice sensibletransfiontalier à l'Argentine.
Ce préjudice résultedu choix du site retenu, la technologie sélectionnéeet destechniques

prévuespour le traitement des effluents liquides, des résidus solidesdes émissions
gazeuses, parmi d'autres éléments. Enttendantl'arrêtela Cour sur le fond, l'Argentine
a droitàce que soit préservéel'obligatide ne pas construire ou autorilaconstruction
de ce genre d'ouvragestant que le différendne serapas réglé.

7. La poursuitede la construction des usines CMB et Oriodansles conditions décrites
dans la requêteengendre aussi des préjudices sociauxetéconomiquesgraves dans les

zonesd'iduence du fleuve Uruguay. Ces préjudices affectentles riverains, leurs biens et
leurs ressources. La construction des usines CMB et Orion a déjà desconséquences
négatives considérables sur lplan social et économique.La baisse du tourisme et des
valeurs immobilières,urbaines et rurales, doit en particulier être.La poursuite de
la construction elamise en service des deux usines entraînerait davantage et de plus

graves conséquences.
8. La poursuite de la construction permettrait aux usines CMB et Orion d'êtreen

service avant même la findela présenteinstance.Iiest à rappeler que le débutde leurs
opérationsest prévupourle premier semestre007.

9. La construction et la mise en service éventuelle des usines de pâte à papier
certainement causent et sont susceptibles de causer des dommagesl'environnement de
nature irréversibledu fait de l'impact potentielsurtout l'écosdu fleuve Uruguay et
surla qualitéde ses eaux. De tels dommages de nature irréversibleannihileraientle droit
de l'Argentine et de ses ressortissants à une exploitation etune utilisation rationnelles.

équitableset raisonnables des ressources dufleuve.

1Plantasde CelulosaM'bopy Botnia,siteInternetduMinieesaffairesétrangeel'Uruguay
http:/hnw-.mrp.iib.win~rree/Pre~, visitéle 30 avril2006
(Annexe1)Cf. aussilerapportde laDINAMArelàBotniadu 11févri2005(AnnexeIVdela
requête).ettequalificationaégalementété parlerapportdesexpertsHaîfîeldConsuls td.
du 27 mars2006, classantcesouvragesdanslacateeprojets donlteurmiseenrepeut produire
unimpactmajeur sur l'environnetnnexeXXIIIdelarequête)
2Voir,parexemple(Busti:EntreRios aégalement sdies dommageséconomiques, 15 avril2006,
4.Q.i!:~mx,~o.~e~. .o..!6c04m1..!I:b!IPalvii~Ile,l~pahp006 ,e((Gualeguaychil:
mesure conservatoirepar dommages éventuels desusines de pâtà papim, 2 mai 2006,
htti,://w~w.anali~i~di~ital.com.ar!notic1as.p histedlImda=0O6ni~nn4xeI)7 10.Incontestablement, ilexiste un lien direct entre ces conséquencespréjudiciables,les
droits qui font l'objet dudifférendetla construction des usines. C'est cette construction
elle-mêmequi porte atteinte aux droits de l'Argentinequi font l'objet du différendet qui
est la cause des conséquencesdommageables en résultant.

11.Ainsi que ceci résultede l'exposéci-dessus, lasituation appelle sans aucun doute que
des mesuresd'urgence soientprises. Des actionspréjudiciablesaux droits en cause dans la
présente instancenon seulementrisquent d'être commisea svant que l'arrêtéfinitifne soit
rendu, mais le sont déjà.Leur poursuite ne faitqu'aggraverles préjudices causés et rendra

irréalisablel'exercice des droits en cause qui ne sont pas susceptibles d'une réparation
appropriée.

C. Conséquenceséventuelles d'unrejet de la présentedemande

12.La poursuite de la construction des ouvrages en cause dans les conditions présentes
aggravera de manière significativeleur impact préjudiciable surle plan économiqueet
social. Cette poursuite plongera la population de Gualeguaychu et ses alentours dans
l'incertitude quant à ses conditions de vie, son environnement, sa santé, ses activités
professionnelles, son économie,son droit au loisir dans son cadre de vie immédiatque

constitue le fleuve, parmi d'autres conséquences dompgeables. La poursuite de la
construction des usines dans les conditions présentes réduira sensiblement l'attrait
touristique de la zone, augmentant le chômage et poussant une partie de la population à
l'émigration.Ces conséquences sont d'une nature telle qu'elles ne pourraient pas
simplement êtreréparéesmoyennant une indemnité pécuniaireou une autre prestation

matérielle.
13. Sansl'adoption des mesures conservatoiresdemandées, la mise en service des usines
CM33et Orion avant qu'unarrêt définitis foit renduprovoquerait des préjudicesgraves et

irréversibles à la préservation de l'environnement du fleuve Uruguay et de ses zones
d'influenceainsi que aux droits de l'Argentineetdeshabitants des zones avoisinantes soiis
sajuridiction.

14. La démarche unilatérale persistantede l'Uruguay de délivrerdes autorisations de
construction d'ouvrages suEsamment importants pour affecter la qualité des eaux et
l'écosystème du fleuvea,u mépris desobligationsprévuespar le Statut de 1975, témoime
du fait que cet Etat n'envisage pas de les suivdanspareilles circonstances.De nouvelles
mesures unilatéralesuruguayennesen dehors des obligationsétabliesparle Statut de 1975

peuvent raisonnablement être envisagées, lesquelles produiraient, en outre, et
incontestablement,une aggravation du différend. Ilest à relever l'annonce selon laquelle
la compagnie StoraEnso envisage la construction d'unetroisièmeusine de pâte àpapier.
L'emplacementserait sur le Rio Negro, affluent dufleuve ~rugua~.~

15. La poursuite de la construction des usines parachèveraitla démarche unilatéralede
l'Uruguay tendant à créerun «fait accompli » et à rendre irréversible l'emplacement
actuel des usines pour priver ainsi'Argentinede son droit à ce qu'uneévaluationglobale

VoirAnnexeXXVdelarequêteet objective de l'impact sur l'environnement déterminesi les usmes peuvent ou non être
consimites ou si elles doivent l'êtreailleurs ou suivant des critères autres que ceux
actuellementretenus.

D. Mesures sollicitées

16.Sur la base des considérationsqui précèdent,le Gouvernement de l'Argentineprie la
Cour d'indiquer, en attendant l'arrêt définitif dans la présente instance, les mesures
conservatoiressuivantes:

(a) En attendant l'arrêdtéfinitifdela Cour,l'Uruguay

(i) suspend immédiatementtoutes les autorisations pour la construction des
usmes CMB et Orion ;

(ii) prend les mesures nécessaires pour suspendre les travaux de
construction d'ûrion ;et
(iü) prend les mesures nécessaires pour assurerque la suspension des travaux
de CMB sera prolongéeau-delà du 28juin 2006;

(b) L'Uruguay coopère de bonne foi avec l'Argentine en vue d'assurer l'utilisation
rationnelle et optimale du fleuve Uruguay, afin de protégeret préserverle milieu
aquatique et d'en empêcher la pollution;

(c) En attendant l'arrêtdéfitif de la Cour, l'Uruguay s'abstient de prendre toute autre
mesure unilatérale relative à la construction des usines CMB et ûrion qui ne respecte
pas le Statut de 1975 et les autres règles de droit international nécessairespour son
interprétationet application ;

(d) L'Uruguay s'abstient de toute autre mesure qui pourrait aggraver, étendre ourendre
plus difficile le règlementdu différendobjet de la présente instance.

La Haye, 4 mai 2006

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