COUR INTERNADE JUSTICE
RECUEILDES ARRÊTS,
AVISCONSULTATIFS
ETORDONNANCES
INTERNATIONALCOURTOFJUSTICE
REPORTSOFJUDGMENTS,
ADVISORYOPINIONS
AND ORDERS COUR INTERNATIONALEDEJUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS.
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
AFFAIRE DU DIFFÉREND FRONTALIER
(BURKINA FASO/MALI)
DEMANDES EN INDICATION DE MESURES
CONSERVATOIRES
ORDONNANCE DU 10JANVIER 1986
INTERNATIONAL COURT OJUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
CASE CONCERNING THE FRONTIER DISPUTE
(BURKINA FASO/MALI)
REQUESTS FOR THE INDICATION OF PROVISIONAL
MEASURES
ORDER OF 10JANUARY1986 Mode officiel de cita:ion
Diffërendfrontalier, mesures conses,donnancedu 10janvier 1986,
C.I.J. Recueil1986,p. 3.
Officia1citat:on
FrontierDispute, ProvisionalMeasures,Orderof IOJanuary1986,
1.C.J. Reports 1986,p. 3.
Node vent:
Sales number518 1 10JANVIER 1986
ORDONNANCE
DIFFÉREND FRONTALIER
(BURKINA FASO/MALI)
DEMANDES EN INDICATION DE MESURES
CONSERVATOIRES
FRONTIERDISPUTE
(BURKINA FASO/MALI)
REQUESTS FORTHE INDICATION OF PROVISIONAL
MEASURES
10JANUARY 1986
ORDER COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
IOjanvier ANNÉE 1986
Rôle général
no 69 10janvier 1986
AFFAIRE DU DIFFÉREND FRONTALIER
(BURKINA FASO/MALI)
DEMANDES EN INDICATION DE MESURES
CONSERVATOIRES
ORDONNANCE
Présents :M. BEDJAOUI président dela Chambre ;MM. LACHS,RUDA,
juges ; MM. LUCHAIREA . BI-SAABj,ges ad hoc ; M. TORRES
BERNARDEZ, Greffier.
La Chambre constituée par la Cour internationale de Justice pour
connaître de l'affaire susmentionnée,
Ainsi composée,
Après délibéré,
Vu les articles 41 et 48 du Statut de la Cour,
Vu les articles 73, 74, 75 et 90 de son Réglement,
Vu lecompromis datédu 16septembre 1983etnotifiéconjointement au
Greffe de la Cour le20 octobre 1983,par lequel les Gouvernements de la
République de Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso) et de la Répu-
blique du Mali sont convenus de soumettre à une chambre de la Cour
un différend concernant la délimitation de leur frontière commune.
Vu l'ordonnance du 3avril 1985par laquelle la Cour adécid'accéderà
la demande des deux gouvernements et a constitué laprésenteChambre
pour connaître de l'affaire,
Rend l'ordonnance suivante
1. Considérant que, dans les derniersjours de l'année1985,de graves
incidents ont opposélesforcesarméesdu Burkina Faso et du Mali dans larégionfrontière entre lesdeux pays, mais que,grâce aux efforts de média-
tion de divers Etats et organisations régionales,un accord de cessez-le-feu
a pu rapidement êtreconclu ;
2. Considérantque, le 30décembre1985,lecoagent du Burkina Faso a
fait savoir, téléphoniquement puispar télégramme envoyé au Greffier le
mêmejour,qu'ilsaisissait la Cour d'unedemande en indication de mesures
conservatoires ;que lecoagent du Mali, immédiatement informépar télé-
phone, a indiqué pour sa part qu'il avait envoyéune lettre suggérant
l'adoption de mesures conservatoires par la Chambre ;
3. Considérant que des copies de la demande du Burkina Faso et de la
lettre du Mali sont parvenues au Greffe le 2janvier 1986 ; que les origi-
naux, datésrespectivement du 30et du 27 décembre1985.ont été reçus au
Greffe les2et 6janvier 1986 ; que toutes lescommunications susviséesont
été transmisessans délai à l'autre Partie;
4. Considérant que la demande formuléepar le Burkina Faso est ainsi
rédigée :
(<1) Les Gouvernements du Burkina Faso et de la Républiquedu
Mali ont soumis àunechambre de la Courinternationale de Justice le
différend frontalier entre les deux Etats par compromis du 16 sep-
tembre 1983, notifié à la Cour le 20 octobre 1983.
2) Lesdeux Parties ont présentéleurs mémoires à la Courdans les
six mois suivant l'ordonnance constituant la Chambre. La procédure
devant la Chambre est e!i cours.
3) Le 25 décembre 1985 à 7 heures, les forces arméesde la Répu-
blique du Mali ont attaqué le Burkina Faso, arguant des problèmes
soulevéspar le recensement de la population, alors que l'opérationde
recensement avait éténotifiéepar les autoritésdu Burkina Faso aux
autoritésmaliennes à titre de courtoisie et que cesdernièresn'avaient
émisaucune objection.
4) Le conflit arméqui oppose les deux Parties constitue une me-
nace pour le règlementjudiciaire du différend, règlement pacifique
convenu par le compromis du 16septembre 1983.Aussi, le Gouver-
nement du Burkina Faso demande-t-il, en application des articles 41
du Statut et 73du Règlement,l'indication des mesures conservatoires
qui s'imposent.
5) Conformément à l'article 73, alinéa2, du Règlement, le Gou-
vernement du Burkina Faso indique les conséquenceséventuellesdu
rejet de sa demande. L'issue du conflit armépourrait créer sur le
terrain unesituation de fait rendant difficile voire impossible I'appli-
cation de l'arrêtde la Cour. La destruction d'élémentsde preuve lors
des hostilités risquerait de fausser le déroulement de la procédure.
6) En conséquenceet sans préjugerle fond du différend,le Gou- vernement du Burkina Faso demande l'indication des mesuresconser-
vatoires suivantes :
Primo : Les Parties retireront leurs forcesarmées depart et d'autre
de la ligne proposéepar la sous-commission juridique de la commis-
sion de médiationde l'organisation de l'unité africainele 14juin 1975.
Secundo :Les Parties s'abstiendront de tout acte ou action sur le
terrain qui pourrait empêcherou entraver l'exécutionde l'arrêtrendu
par la Chambre de la Cour sur la base des conclusions des Parties.
Terrio: Les Parties s'abstiendront de tout acte ou action qui
pourrait entraverla réunion des éléments de preuve dans la présente
instance :
5. Considérant que la lettre du Mali, à laquelle étaitjoint le texte d'un
communiquéofficiel publiélesamedi 21décembre 1985, est conque en ces
termes :
<Sur ordre de mon gouvernement. j'ai l'honneur de vous trans-
mettre, sous ce pli, le texte de la déclaration du Gouvernement du
Mali du 21 décembre 1985. Cette déclaration fait état de graves
mesures unilatérales prises par le Gouvernement burkinabe dans
la zone contestée faisant l'objet de l'instance pendante devant la
Chambre de la Cour que vous présidez.
Les troupes burkinabe ont. en effet, occupéles villages de Diou-
louna, Kounia, Selba et Douna et y ont hisséle drapeau du Burkina
Faso.
Dans ces conditions,je suppose que la Chambre que vousprésidez
estimera opportun de recourir à l'article 41du Statut de la Cour :
((La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circons-
tances l'exigent,quelles mesures conservatoires du droit de chacun
doivent êtreprises à titre provisoire.>)
La procédure prévuea l'article 75 du Règlement paraîtrait parti-
culièrement appropriée en l'espèce :
<(1. La Cour peut à tout moment décider d'examiner d'office
si les circonstances de l'affaire exigent l'indication de mesures
conservatoires que lesparties ou l'une d'ellesdevraient prendre ou
exécuter.
La Chambre de la Cour estimera sans doute opportun. dans ces
circonstances, d'inviter le Burkina Faso non seulement à veiller à
empêchertout acte susceptible de préjugerles droits du Mali 5 I'exé-
cution de l'arrêtque la Chambrede la Cour peut êtreappelée àrendre
au fond, mais aussi àveillerà arrêtertout acte de quelque nature qu'il
soit qui pourrait aggraver ouétendreledifférendsoumis à laChambre
de la Cour. En conséquence,le Burkina Faso devrait êtreinvitéa rapporter les
mesures unilatérales prises dans les villages de Dioulouna, Kounia,
Selba et Douna et àen retirer les élémentsarméset autres qu'il y a
introduits.
Tant pour des raisons d'urgence, de souplesse et de plus grande
légèreté de la procédure, qu'envue de dédramatiser la situation. le
Gouvernement malien estime. pour sa part, que la procédure par
laquelle la Chambre seprononceraitproprio n~otuseraitplus adéquate
que celle par laquelle elle serait formellement saisie d'une demande
émanant du Gouvernement malien ));
6. Considérantcependant que, dans une nouvelle lettre datéedu 7 jan-
vier 1986et déposéeau Greffe le même jour, le Mali a présenté à son tour
une demande formelle en indication de mesures conservatoires dont la
teneur est la suivante :
<(1) Par une lettre de son coagent du 27 décembre 1985,le Gou-
vernement malien attirait l'attention de la Cour sur le fait que dèsle
14 décembre 1985 des élémentsarmés burkinabe avaient investi et
occupéles villages frontaliers sous administration malienne.
Dans ces conditions, l'indication de mesures conservatoires. aux
termes de l'article 41 du Statut de la Cour. apparaissait comme
opportune.
2) Pour sa part, le Gouvernement malien estimait que l'examen
d'office par la Cour d'indication de mesures conservatoires, sur base
de I'article 75 du Règlement, était appropriévu les circonstances.
3) La présentation,le 30décembre1985,par leBurkina Fasod'une
requête unilatéralede mesures conservatoires. sur base de l'article 73
du Règlement. rendinopérantelasuggestion du Mali d'uneprocédure
par laquelle la Chambre se serait prononcée proprio moru.
4) Dans ces conditions, le Gouvernement du Mali est amenélui
aussi à demander à nouveau à la Cour, sur base de l'article 73 du
Règlement cette fois, de prendre les mesures conservatoires sui-
vantes :
- inviter chacune des Parties à s'abstenir de tout acte ou action
susceptible de préjuger auxdroits de l'autre Partie à l'exécutionde
l'arrêtque la Chambre de la Cour peut êtreappelée à rendre au
fond ;
- inviter chacune des Parties à s'abstenir de tout acte de quelque
nature qu'il soit qui pourrait aggraver le différend soumis à la
Cour.
5) Aucune question de compétencede la Chambre de la Cour ne se
poseen l'occurrencepuisque laCour estsaisiedu litigepar compromis
du 16 septembre 1983. 6) Les demandes présentéesau paragraphe 4 ci-dessus sont justi-
fiéespar les incidents du mois de décembre par lesquels, suite à
l'invasion de son territoire le 14décembreet après avoir essayé en
vain, par lavoiediplomatique,d'obtenir du Burkina Faso un retrait de
ses troupes, le Mali a étéobligé, en état de légitime défense,de
repousser par la force les troupes burkinabe.
De tellestentativesd'obtenir par la forcecequifait l'objet même du
différend est totalement destructeur de la procédure de règlement
pacifiquedesdifférends que constitue la saisine de la Cour. La reprise
et le déroulement du procèsdans la sérénité est de l'intérêt aussi bien
d'une bonne justice que des Parties et de leurs peuples.
7) Le Gouvernement du Mali estime qu'il n'ya pas lieu de prendre
d'autres mesures conservatoires.
8) En particulier, la demande du Burkina Faso, relative a un retrait
des forces sur la ligneproposéepar lasous-commissionjuridique de la
commission de médiationde l'OUA, consiste en fait à demander à la
Courde lui octroyer immédiatement cequi fait l'objetde sa demande
contentieuse. Par son objet, une telle demande n'a rien de conserva-
toire.
Au surplus, cette demande est incompatible avec la déclaration si-
gnéepar lesdeuxchefsd'Etat du Burkina Faso et du Mali le 31décem-
bre 1985 par laquelle ils ont arrêtéles modalités du cessez-le-feu.
La réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangèresde
I'ANAD, à laquelle étaient présentsles ministres des affaires étran-
gèresdu Burkina Faso etdu Mali, s'est mised'accord pour renvoyer la
question du retrait des troupes a une prochaine réunion des chefs
d'Etat. Il serait inapproprié que la Cour seprononce sur un aspect du
conflit qui fait l'objet d'une entente directe entre les chefsEtat des
deux Parties dans le cadre de I'ANAD.
9) Quoique le Gouvernement du Mali n'ait aucune opposition de
principe à l'idéeque les Parties devraient s'abstenir de tout acte ou
action qui pourrait entraver la réunion desélémentd se preuve dans la
présente instance, il n'aperçoit pas ce que cela peut signifier concrè-
tement et s'abstient donc de le reprendre à son compte ;
7. Ayant entendu les observations orales qui ont étéprésentées à I'au-
dience du 9janvier 1986 par les représentants suivants : au nom du Bur-
kina Faso, S. Exc.M.Salembere,coagent,MM. Cot et Pellet ;au nom dela
République du Mali, S. Exc. M. Diarra, coagent, et M. Salmon ;
8. Ayant noté qu'àl'audience le Burkina Faso a conclu comme suit :
(<Le Gouvernement du Burkina Faso et le Conseil national de la
révolutionprient respectueusement la Chambre de la Cour de bien
vouloir indiquer les mesures conservatoires suivantes : 1) Les deux Parties s'abstiendront de tout acte ou action sur le
terrain qui pourrait empêcher ouentraver l'exécutionde l'arrêt qui
sera rendu par la Chambre de la Cour sur la base des conclusions des
Parties.
2) Lesdeux Parties s'abstiendront de tout acte ou action quipour-
rait entraver la réunion des élémentsde preuve dans la présente
instance.
3) Chacune des Parties retirera, sice n'estdéjà fait,ses forces de la
zone revendiquée par le Mali telle qu'elle est délimitéepar les pré-
tentions énoncéesdans leurs mémoires respectifsdéposés auGreffe
de la Cour le 3 octobre dernier.
4) Chacune des Parties s'abstiendra de tout acte d'administration
territoriale au-delà de la ligneretenue en 1975par la sous-commission
juridique de la commission de médiation de l'OUA ));
9. Ayant noté qu'à l'audience la République du Mali a réitéré les
demandes figurant au paragraphe 4 de sa lettre du 7janvier 1986citée au
paragraphe 6 de la présenteordonnance ;
10. Considérant que, dans la présenteespèce, laChambre, constituée
pour connaître du fond de l'affaire à la suite de la notification d'un
compromis conclu par lesdeux Parties, et saisieen outrede leursdemandes
parallèles en indication de mesures conservatoires, tient pour manifeste-
ment acquise sa compétencepour indiquer de telles mesures ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 41 du Statut la Cour ne peut
indiquer de mesures conservatoires que sielleestime que lescirconstances
l'exigent pour sauvegarder les droits de chacune des Parties ;
12. Considérant les faits qui ont étéalléguéspar les deux gouverne-
ments, tant dans leurs demandes en indication de mesures conservatoires
que dans leurs plaidoiries, qui. selon eux, exigent l'indication de mesures
conservatoires en l'espèce ;
13. Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires
conféré à la Cour par l'article 41 du Statut présuppose qu'un préjudice
irréparable risque d'être causé auxdroits en litige dans une procédure
judiciaire et a donc pour objet de sauvegarder le droit de chacune des
Parties en attendant que la Cour rende sa décisionau fond ;
14. Considérant que la question posée à la Chambre par l'article pre-
mier du compromis signépar les Parties le 16 septembre 1983 est la
suivante :
Quel est le tracéde la frontière entre la République de Haute-
Volta[Burkina Faso]etla Républiquedu Mali dans la zonecontestée
telle qu'elle est définie ci-aprés? ))et que ladite zone est définiepar le même articledu compromis comme
<tconstituéepar une bande de territoire qui s'étenddu secteur Koro
(Mali) Djibo (Haute-Volta [Burkina Faso]) jusques et y compris la
régiondu Beli ;
15. Considérant que, dans les mémoiresdéposéspar les deux Parties le
3 octobre 1985,chacune d'ellesdemande à la Chambre de déciderque la
frontièreen question suivele tracédéfinipar elledans sesconclusions ;de
sorte que les droits en litige dans la présente instance sont les droits
souverains des Parties sur leur territoire de part et d'autre de la fron-
tière telle qu'elle sera définie par l'arrêtque la Chambre est appelée A
rendre ;
16. Considérant que les actions armées qui sont à l'origine des de-
mandes en indication de mesures conservatoires dont la Chambre est
saisie ont eu lieu à l'intérieurou à proximité de la zone contestée telle
qu'elle est définiepar le compromis ;
17. Considérant que. conformément au principe énoncépar la Cour
permanente de Justice internationale dans son ordonnance du 3 août 1932
en l'affaire relative aStatut juridique du rerriroiredusud-est du Groenland,
des incidents susceptibles d'aggraver ou d'étendrele différend
ne peuvent en aucun caset en aucune mesure préjugerl'existenceou
la valeur des droits souverains revendiqués par [l'une ou l'autre des
Parties]sur le territoire dontils'agit.à supposer que ces droits soient
dûment reconnus par la [Chambre] dans son arrêtfutur sur lefond du
litige))(C.P.J./. sérieA/ B no48. p. 285) ;
18. Considérantque,indépendammentdesdemandes présentéespar les
Parties en indication de mesures conservatoires, la Cour ou, par consé-
quent. la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du Statut du pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empêcherl'aggravation
ou l'extension du différend quand elle estime que les circonstances
l'exigent ;
19. Considérant en particulier que, lorsque deux Etats décident. d'un
commun accord. de saisir une chambre de la Cour, organe judiciaire
principal desNations Unies. en vuedu règlementpacifiqued'un différend.
conformémentaux articles 2.paragraphe 3,et 33 de la Charte des Nations
Unies et que par la suitesurviennent des incidentsqui. non seulement sont
susceptibles d'étendre ou d'aggraver le différend. mais comportent un
recours à la force inconciliable avec leprincipe du règlement pacifiquedes
différends internationaux. le pouvoir et le devoir de la Chambre d'indi-
quer. le cas échéant,des mesures conservatoires contribuant àassurer la
bonne administration de lajustice ne sauraient faire de doute :
20. Considéranten outre que, d'aprèsles indications fournies par I'une
des Parties, des actions armées surle territoire en litige pourraient entraî-
ner la destruction d'éléments de preuve pertinents aux fins de la décision à
rendre par la Chambre ; 21. Considérantque lesfaits qui sont àl'originedes demandes desdeux
Parties en indication de mesures conservatoires exposent les personnes et
les biens se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêdes deux
Etats dans cette zone,à un risque sérieuxde préjudiceirréparable ;et qu'en
conséquencelescirconstances exigent que la Chambreindique lesmesures
conservatoires appropriées, conformément à l'article 41 du Statut;
22. Considérant que le Burkina Faso a demandé àla Chambre d'indi-
quer à titre de mesure conservatoire, entre autres. que
<(chacune des Parties retirera, si ce n'estdéjàfait, sesforces de la zone
revendiquéepar le Mali telle qu'elle est délimitéepar les prétentions
énoncéesdans leursmémoiresrespectifs déposésau Greffe de la Cour
le 3 octobre dernier O ;
23. Considérantque le Mali fait valoir que la demande du Burkina Faso
relative à un retrait des forces serait incompatible avec la déclaration
signéepar lesdeux chefs d'Etat du Burkina Fasoetdu Mali le31décembre
1985par laquelle ils ont arrêté les modalitésdu cessez-le-feu ;qu'en effet
les ministres des affaires étrangèresde l'accord de non-agression et d'as-
sistance en matière de défense (ANAD) ont décidé,au cours de leur
réunionextraordinaire tenue le 30décembre1985, à Abidjan, et à laquelle
étaientprésentslesministresdesaffairesétrangèresdu Burkina Faso et du
Mali, de renvoyer la question du retrait des troupes à une prochaine
réuniondes chefs d'Etat ; qued'aprèsleMali ilserait doncinappropriéque
la Chambre se prononce sur un aspect du conflit qui fait l'objet d'une
entente directe entre les chefs d'Etat des deux Parties dans le cadre de
I'ANAD ;
24. Considérant que les Etats sont toujours libres de négocier oude
réglercertains aspects d'un différend soumis à la Cour ;que cette liberté
n'estpas incompatible avec l'exercicede la fonction propre de la Cour ;et
que le fait que les deux Parties ont chargéun autre organe de définirles
modalitésdu retrait des troupes ne prive nullement la Chambre des droits
et devoirs qui sont les siens dans l'affaire portéedevant elle ;
25. Considérant que la Chambre, tout en se félicitant du fait que les
Parties ont pu parvenir à un accord prévoyant un cessez-le-feu et ainsi
mettre fin aux actions arméesqui ont donnélieu aux demandes en indi-
cation de mesures conservatoires. ne s'en trouve pas moins confrontéeau
devoir que lui impose l'article 41 du Statut de rechercher par elle-même
quelles mesuresconservatoires dudroit dechacun doivent êtreprises à titre
provisoire ;
26. Considérant d'ailleurs que les chefs d'Etat des Parties et les mi-
nistres des affaires étrangères de I'ANAD n'ont en aucune façon rejeté
l'idéed'un retrait des troupes mais ont tout simplement ajournéla ques-
tion des modalités de ce retrait ;
27. Considérantque lesmesures dont la Chambre envisage l'indication,
en vue d'éliminerle risque de toute action future tendant à aggraver ou à
étendreledifférend,devraient nécessairementinclure leretrait des troupesdes deux Parties sur despositions tellesqu'ilne se produiseplus d'incident
fâcheux ;mais que lechoix de tellespositions requerrait uneconnaissance
du cadre géographiqueetstratégiqueduconflit que la Chambre ne possède
pas, et dont en toute probabilité ellene pourrait disposer sans procéder à
une expertise ; que dans ces circonstances la Chambre, tout en restant
saisie de la question, note que les chefs d'Etat, agissant dans le cadre de
I'ANAD, doivent prochainement définiravec précisionles modalités du
retrait des troupes que la Chambre croit devoir indiquer comme mesure
conservatoire ;
28. Considérant que le Burkina Faso a d'putre part demandé a la
Chambre d'indiquer que
chacune des Parties s'abstiendra de tout acte d'administration ter-
ritoriale au-delà de la ligne retenue en 1975par la sous-commission
juridique de la commission de médiation de l'OUA O ;
considérant cependant que le Mali a fait valoir que la ligne en question
correspondrait, pour partie ou en totalité, à la frontière telle qu'elle résul-
terait des conclusions du Burkina Faso énoncéesdans son mémoiredu
3 octobre 1985 :
29. considérant que, en ce qui concerne l'administration du territoire
contesté,la Chambre n'estime pas, au stade des mesures conservatoires,
pouvoir modifier lasituationantérieure aux actions arméesqui ont conduit
au dépôtdes demandes des Parties ;et qu'ilconvient en tout étatdecause
de ne pas préjuger à cet égard l'existenced'une ligne quelconque ;
30. Considérantque la décisionrendueen la présenteprocédurenedoit
préjuger aucune question relative au fond de l'affaire portée devant la
Chambre, et qu'elle doit laisser intacts les droits des Parties a cet
égard ;
31. Considérant que la Chambre doit indiquer maintenant les mesures
qu'elle estime nécessaires en laprésente espèce ;
32. En conséquence,
à l'unanimité,
1. Indique à titre provisoire, en attendant son arrêtdéfinitifdans I'ins-
tance introduite le 20octobre 1983par la notification du compromisentre
le Gouvernement de la Républiquede Haute-Volta (aujourd'hui Burkina
Faso) et leGouvernement de la République du Mali signéle 16septembre
1983et portant sur ledifférendfrontalier entre lesdeux Etats, les mesures
conservatoires suivantes, tendant à ce que :
A. Le Gouvernement du Burkina Faso et le Gouvernement de la Répu-
blique du Mali veillent l'un et l'autre a évitertout acte qui risquerait
d'aggraver ou d'étendrele différenddont la Chambre est saisie ou de porter atteinte au droit de l'autre Partià obtenir l'exécutionde tout
arrêtque la Chambre pourrait rendre en I'affaire;
B. Les deux gouvernements s'abstiennent de tout acte qui risquerait
d'entraver la réuniondes élémentsde preuve nécessaires àla présente
instance ;
C. Lesdeuxgouvernements continuent a respecter lecessez-le-feuinstitué
par accord entre les deux chefs d'Etat le 31 décembre 1985 ;
3.Les deux gouvernementsretirent leurs forces armées sur des positions
ou à l'intérieur des lignesqui seront, dans les vingt jours suivant le
prononcé de la présente ordonnance, déterminéespar accord entre
lesdits gouvernements, étantentendu que les modalitésdu retrait des
troupes seront fixéespar ledit accord et que, àdéfaut d'untel accord,
la Chambre indiquera elle-même cesmodalités par voie d'ordon-
nance ;
E. En ce qui concerne l'administration du territoire contesté. lasituation
antérieure aux actions armées qui sont à l'origine des demandes en
indication de mesures conservatoires ne soit pas modifiée ;
2. Invite les agents des Parties à notifier sans délai auGreffier tout
accord viséau point 1 D ci-dessus qui serait conclu entre leurs gouverne-
ments :
3. Décideque, jusqu'à ce que la Chambre rende son arrêtdéfinitifen
l'espèce,et sans préjudicede l'application de l'article 76 du Règlement,
elle demeurera saisie des questions qui font l'objet de la présenteordon-
nance.
Fait en françaiset en anglais, letexte françaisfaisant foi, au palais de la
Paix, à La Haye, le dix janvier mil neuf cent quatre-vingt-six, en quatre
exemplaires. dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et dont les
autres seront transmis respectivement au Gouvernement du Burkina Faso,
au Gouvernement de la Républiquedu Mali et au Secrétairegénéralde
l'organisation des Nations Unies pour transmission au Conseil de sécu-
rité.
Le présidentde la Chambre,
(Signé)Mohammed BEDJAOUI.
Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ.
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(BURKINA FASO/MALI)
REQUESTS FOR THE INDICATION
OF PROVISIONAL MEASURES
ORDER
Present:Judge BEDJAOUIP , residenof the Chamber ; Judges LACHS,
RUDA ;Judges ad hoc LUCHAIRE A,BI-SAAB ;Registrar TORRES
BERNAKDEZ.
The Chamber of the International Court of Justiceformed to deal with
the above-mentioned case,
Composed as above,
After deliberation,
Having regard to Articles 41 and 48 of thetatute of the Court,
Having regard to Articles 73, 74, 75 and 90 of the Rules of Court,
Having regard to the Special Agreement of 16September 1983 jointly
notified to the Courton 20October 1983,whereby the Governments of the
Republic of Upper Volta (now Burkina Faso) and the Republic of Mali
had agreed to submit to a chamber of the Court a dispute concerning the
delimitation of their common frontier,
Having regard to therder of 3April 1985whereby the Court decided to
accede to the request of the two Governments and formed the present
Chamber to deal with the case;
Mukes the followingOrder
1. Whereas certain grave incidents took place towardsthe closeof 1985
between the armed forces of Burkina Faso and Mali in the borderegionrégionfrontière entre lesdeux pays, mais que,grâce aux efforts de média-
tion de divers Etats et organisations régionales,un accord de cessez-le-feu
a pu rapidement êtreconclu ;
2. Considérantque, le 30décembre1985,lecoagent du Burkina Faso a
fait savoir, téléphoniquement puispar télégramme envoyé au Greffier le
mêmejour,qu'ilsaisissait la Cour d'unedemande en indication de mesures
conservatoires ;que lecoagent du Mali, immédiatement informépar télé-
phone, a indiqué pour sa part qu'il avait envoyéune lettre suggérant
l'adoption de mesures conservatoires par la Chambre ;
3. Considérant que des copies de la demande du Burkina Faso et de la
lettre du Mali sont parvenues au Greffe le 2janvier 1986 ; que les origi-
naux, datésrespectivement du 30et du 27 décembre1985.ont été reçus au
Greffe les2et 6janvier 1986 ; que toutes lescommunications susviséesont
été transmisessans délai à l'autre Partie;
4. Considérant que la demande formuléepar le Burkina Faso est ainsi
rédigée :
(<1) Les Gouvernements du Burkina Faso et de la Républiquedu
Mali ont soumis àunechambre de la Courinternationale de Justice le
différend frontalier entre les deux Etats par compromis du 16 sep-
tembre 1983, notifié à la Cour le 20 octobre 1983.
2) Lesdeux Parties ont présentéleurs mémoires à la Courdans les
six mois suivant l'ordonnance constituant la Chambre. La procédure
devant la Chambre est e!i cours.
3) Le 25 décembre 1985 à 7 heures, les forces arméesde la Répu-
blique du Mali ont attaqué le Burkina Faso, arguant des problèmes
soulevéspar le recensement de la population, alors que l'opérationde
recensement avait éténotifiéepar les autoritésdu Burkina Faso aux
autoritésmaliennes à titre de courtoisie et que cesdernièresn'avaient
émisaucune objection.
4) Le conflit arméqui oppose les deux Parties constitue une me-
nace pour le règlementjudiciaire du différend, règlement pacifique
convenu par le compromis du 16septembre 1983.Aussi, le Gouver-
nement du Burkina Faso demande-t-il, en application des articles 41
du Statut et 73du Règlement,l'indication des mesures conservatoires
qui s'imposent.
5) Conformément à l'article 73, alinéa2, du Règlement, le Gou-
vernement du Burkina Faso indique les conséquenceséventuellesdu
rejet de sa demande. L'issue du conflit armépourrait créer sur le
terrain unesituation de fait rendant difficile voire impossible I'appli-
cation de l'arrêtde la Cour. La destruction d'élémentsde preuve lors
des hostilités risquerait de fausser le déroulement de la procédure.
6) En conséquenceet sans préjugerle fond du différend,le Gou-between the two countries ;and whereas it rapidly proved possible, how-
ever, thanks to the mediation efforts put forth by various States and
regional organizations, to conclude a ceasefire agreement ;
2. Whereas the Co-Agent of Burkina Faso, on 30December 1985,made
known by telephone. and subsequently by a telegram sent to the Registrar
on the same day,that hewould be submittingtothe Court arequest forthe
indication of provisional measures ; and whereas the Co-Agent of Mali,
who was forthwith informed by telephone, indicated that he for his part
had sent a letter suggesting the adoption of provisional measures by the
Chamber ;
3. Whereas copies of the request of Burkina Fasoand of the letter of
Mali reached the Registry on 2 January 1986, the originals, respectively
dated 30and 27 December 1985,being received in the Registry on 2 and 6
January 1986 ;and whereas al1theaforementioned texts were transmitted
without delay to the other Party ;
4. Whereas the request of Burkina Faso was in the following terms :
(Tmnslution]
"(1) The Governments of Burkina Faso and of the Republic of
Mali have submitted to a Chamber of the International Court of
Justice the frontier dispute between the two States, by a Special
Agreement of 16September 1983,whichwas notifie4 to the Court on
20 October 1983.
(2) Both Parties filed their Memorials with the Court within six
nlonths of the Order constituting the Chamber. The proceedings
before the Chamber are in progress.
(3) On 25 December 1985. at 7 a.m., the armed forces of the
Republic of Mali attacked Burkina Faso, alleging problems caused by
the population census, although the census operation had been noti-
fied to the Malian authorities. as a matter of courtesy, by the autho-
rities of Burkina Faso, and no objection had been made by the
former.
(4) The armed conflict between the two Parties poses a threatto the
judicial settlement of the dispute, this being the mode of pacifie
settlement agreed upon in the Special Agreement of 16 September
1983.Accordingly. the Government of Burkina Faso isrequesting the
indication of the provisional measures called for by the situation.
under Article 41 of the Statute and in accordance with Article 73 of
the Rules of Court.
(5) As required by Article 73, paragraph 2, of the Rules of Court,
the Government of Burkina Faso hereby specifies the possible con-
sequences if its request is not granted. The actual situation which
might be created on theground as theoutcome of the armed conflict
would make it difficult, if not impossible, to implement the Court's
judgment. The destruction of evidence during the hostilities would
threaten to pervert the course of the proceedings.
(6) Consequently, and without prejudice to the merits of the dis- vernement du Burkina Faso demande l'indication des mesuresconser-
vatoires suivantes :
Primo : Les Parties retireront leurs forcesarmées depart et d'autre
de la ligne proposéepar la sous-commission juridique de la commis-
sion de médiationde l'organisation de l'unité africainele 14juin 1975.
Secundo :Les Parties s'abstiendront de tout acte ou action sur le
terrain qui pourrait empêcherou entraver l'exécutionde l'arrêtrendu
par la Chambre de la Cour sur la base des conclusions des Parties.
Terrio: Les Parties s'abstiendront de tout acte ou action qui
pourrait entraverla réunion des éléments de preuve dans la présente
instance :
5. Considérant que la lettre du Mali, à laquelle étaitjoint le texte d'un
communiquéofficiel publiélesamedi 21décembre 1985, est conque en ces
termes :
<Sur ordre de mon gouvernement. j'ai l'honneur de vous trans-
mettre, sous ce pli, le texte de la déclaration du Gouvernement du
Mali du 21 décembre 1985. Cette déclaration fait état de graves
mesures unilatérales prises par le Gouvernement burkinabe dans
la zone contestée faisant l'objet de l'instance pendante devant la
Chambre de la Cour que vous présidez.
Les troupes burkinabe ont. en effet, occupéles villages de Diou-
louna, Kounia, Selba et Douna et y ont hisséle drapeau du Burkina
Faso.
Dans ces conditions,je suppose que la Chambre que vousprésidez
estimera opportun de recourir à l'article 41du Statut de la Cour :
((La Cour a le pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circons-
tances l'exigent,quelles mesures conservatoires du droit de chacun
doivent êtreprises à titre provisoire.>)
La procédure prévuea l'article 75 du Règlement paraîtrait parti-
culièrement appropriée en l'espèce :
<(1. La Cour peut à tout moment décider d'examiner d'office
si les circonstances de l'affaire exigent l'indication de mesures
conservatoires que lesparties ou l'une d'ellesdevraient prendre ou
exécuter.
La Chambre de la Cour estimera sans doute opportun. dans ces
circonstances, d'inviter le Burkina Faso non seulement à veiller à
empêchertout acte susceptible de préjugerles droits du Mali 5 I'exé-
cution de l'arrêtque la Chambrede la Cour peut êtreappelée àrendre
au fond, mais aussi àveillerà arrêtertout acte de quelque nature qu'il
soit qui pourrait aggraver ouétendreledifférendsoumis à laChambre
de la Cour. pute, theGovernment of Burkina Faso is requesting the indication of
the following provisional measures :
Primo :The Parties shall withdraw their armed forces to either side
of the line proposed by the Legal Sub-Commission of the Mediation
Commission of the Organization of African Unity on 14 June 1975.
Secundo :The Parties shall refrain from any act or action on the
ground which rnight prevent or irnpede the implementation of the
judgrnent delivered by the Chamber of the Court on the basis of the
submissions of the Parties.
Tertio :The Parties shall refrain from anyact or action which might
impede the gathering of evidence in the present case" ;
5. Whereas the letter of Mali. whichwas accompanied by the text of an
official coinrnuniqué issued on Saturday 21 December 1985, is in the
following terms :
"At the cornmand of my Government, 1have the honourto trans-
mit to you the enclosed text of the statement issued by the Govern-
ment of Malion 21 December 1985.Thisstatement records the taking
of grave unilateral measures by the Burkinabe Government in the
disputed area which is the subject of the proceedings pending before
the Chamber of the Court under your Presidency.
Burkinabe troopshaveoccupiedthe villagesof Dioulouna, Kounia.
Selba and Douna, and have there raised the flag of Burkina Faso.
That being so, 1assume that the Chamber over which you preside
will see fit to have recourse to Article41 of the Statute of the Court :
'The Court shall have the power to indicate, if it considers that
circumstances so require, any provisional rneasures which ought to
be taken to preserve the respective rights of either party.'
The procedure laid down in Article 75 of the Rules would seem
particularly appropriate in this instance :
'1. The Court may at any time decide to examine proprio motu
whether the circumstances of the case require the indication of
provisional rneasures which ought to be taken or complied with by
any or al1of the parties.'
The Chamber of the Court will no doubt see fit, in these circum-
stances, to cal1upon Burkina Faso not only to ensure the prevention
of any act which might prejudice Mali's rights. including its right to
the implementation of such judgment as the Chamber of the Court
may deliver on the merits. but also to ensure that a stop is put to any
act of whatsoever description which rnight aggravate or extend the
dispute submitted to the Chamber of the Court. En conséquence,le Burkina Faso devrait êtreinvitéa rapporter les
mesures unilatérales prises dans les villages de Dioulouna, Kounia,
Selba et Douna et àen retirer les élémentsarméset autres qu'il y a
introduits.
Tant pour des raisons d'urgence, de souplesse et de plus grande
légèreté de la procédure, qu'envue de dédramatiser la situation. le
Gouvernement malien estime. pour sa part, que la procédure par
laquelle la Chambre seprononceraitproprio n~otuseraitplus adéquate
que celle par laquelle elle serait formellement saisie d'une demande
émanant du Gouvernement malien ));
6. Considérantcependant que, dans une nouvelle lettre datéedu 7 jan-
vier 1986et déposéeau Greffe le même jour, le Mali a présenté à son tour
une demande formelle en indication de mesures conservatoires dont la
teneur est la suivante :
<(1) Par une lettre de son coagent du 27 décembre 1985,le Gou-
vernement malien attirait l'attention de la Cour sur le fait que dèsle
14 décembre 1985 des élémentsarmés burkinabe avaient investi et
occupéles villages frontaliers sous administration malienne.
Dans ces conditions, l'indication de mesures conservatoires. aux
termes de l'article 41 du Statut de la Cour. apparaissait comme
opportune.
2) Pour sa part, le Gouvernement malien estimait que l'examen
d'office par la Cour d'indication de mesures conservatoires, sur base
de I'article 75 du Règlement, était appropriévu les circonstances.
3) La présentation,le 30décembre1985,par leBurkina Fasod'une
requête unilatéralede mesures conservatoires. sur base de l'article 73
du Règlement. rendinopérantelasuggestion du Mali d'uneprocédure
par laquelle la Chambre se serait prononcée proprio moru.
4) Dans ces conditions, le Gouvernement du Mali est amenélui
aussi à demander à nouveau à la Cour, sur base de l'article 73 du
Règlement cette fois, de prendre les mesures conservatoires sui-
vantes :
- inviter chacune des Parties à s'abstenir de tout acte ou action
susceptible de préjuger auxdroits de l'autre Partie à l'exécutionde
l'arrêtque la Chambre de la Cour peut êtreappelée à rendre au
fond ;
- inviter chacune des Parties à s'abstenir de tout acte de quelque
nature qu'il soit qui pourrait aggraver le différend soumis à la
Cour.
5) Aucune question de compétencede la Chambre de la Cour ne se
poseen l'occurrencepuisque laCour estsaisiedu litigepar compromis
du 16 septembre 1983. Consequently, Burkina Faso should be called upon to revoke the
unilateral measures taken in the villagesof Dioulouna, Kounia, Selba
and Douna, and to withdraw the armed elements and other persons
which it has sent into them.
For the sake no less of urgency, flexibility and a lightening of the
procedure as of reducing the tension inherent in the situation, the
Government of Maliconsidersthat theprocedureenabling the Cham-
ber to pronounce pioprio motu would be more satisfactory than that
consisting in a forma1 seisin of the Chamber by a request from the
Malian Goveriiment" ;
6. Whereas however.in afurther letter dated 7January 1986and filedin
the Registry on the same date, Mali in turn submitted a formal request, in
the following terms, for the indication of provisional measures :
"(1) By a letter from its Co-Agent dated 27 December 1985. the
Government of Mali drew the Court's attention to the fact that,
as early as 14 December 1985, Burkinabe armed elements had be-
leaguered and occupied the border villages under Malian adminis-
tration.
Such a situation appeared to cal1for the indication of provisional
measures in accordance with Article 41 of the Statute of the
Court.
(2) For its part, the Government of Mali took the view that con-
sideration by the Court proprio motu of the indication of provisional
measures, on the basis of Article 75 of the Rules of the Court. was
appropriate in the light of the circumstances.
(3) The submission by Burkina Faso on 30 Decemher 1985 of a
unilateral reqilest for provisional measures on the basis of Article 73
of theRulesrenders inoperative the suggestion by Mali of aprocedure
whereby the Chamber would take a decision proprio moru.
(4) That being so, the Government of Mali feels impelled for its
part to make a further request to theCourt, but this time on the basis
of Article 73 of the Rules, to take the following provisional mea-
sures :
- to cal1upon each of the Parties to refrain from any act or action
which might prejudice the rights of the other Party to the imple-
mentation of such judgment as the Chamber of the Court may
deliver on the merits :
- to cal1upon each of the Parties to refrain from any act of what-
soever kind which might aggravate the dispute submitted to the
Court.
(5) No jurisdictional issue arises for the Chamber of the Court in
this instance, since the Court is seised of the dispute by a Special
Agreement of 16September 1983. 6) Les demandes présentéesau paragraphe 4 ci-dessus sont justi-
fiéespar les incidents du mois de décembre par lesquels, suite à
l'invasion de son territoire le 14décembreet après avoir essayé en
vain, par lavoiediplomatique,d'obtenir du Burkina Faso un retrait de
ses troupes, le Mali a étéobligé, en état de légitime défense,de
repousser par la force les troupes burkinabe.
De tellestentativesd'obtenir par la forcecequifait l'objet même du
différend est totalement destructeur de la procédure de règlement
pacifiquedesdifférends que constitue la saisine de la Cour. La reprise
et le déroulement du procèsdans la sérénité est de l'intérêt aussi bien
d'une bonne justice que des Parties et de leurs peuples.
7) Le Gouvernement du Mali estime qu'il n'ya pas lieu de prendre
d'autres mesures conservatoires.
8) En particulier, la demande du Burkina Faso, relative a un retrait
des forces sur la ligneproposéepar lasous-commissionjuridique de la
commission de médiationde l'OUA, consiste en fait à demander à la
Courde lui octroyer immédiatement cequi fait l'objetde sa demande
contentieuse. Par son objet, une telle demande n'a rien de conserva-
toire.
Au surplus, cette demande est incompatible avec la déclaration si-
gnéepar lesdeuxchefsd'Etat du Burkina Faso et du Mali le 31décem-
bre 1985 par laquelle ils ont arrêtéles modalités du cessez-le-feu.
La réunion extraordinaire des ministres des affaires étrangèresde
I'ANAD, à laquelle étaient présentsles ministres des affaires étran-
gèresdu Burkina Faso etdu Mali, s'est mised'accord pour renvoyer la
question du retrait des troupes a une prochaine réunion des chefs
d'Etat. Il serait inapproprié que la Cour seprononce sur un aspect du
conflit qui fait l'objet d'une entente directe entre les chefsEtat des
deux Parties dans le cadre de I'ANAD.
9) Quoique le Gouvernement du Mali n'ait aucune opposition de
principe à l'idéeque les Parties devraient s'abstenir de tout acte ou
action qui pourrait entraver la réunion desélémentd se preuve dans la
présente instance, il n'aperçoit pas ce que cela peut signifier concrè-
tement et s'abstient donc de le reprendre à son compte ;
7. Ayant entendu les observations orales qui ont étéprésentées à I'au-
dience du 9janvier 1986 par les représentants suivants : au nom du Bur-
kina Faso, S. Exc.M.Salembere,coagent,MM. Cot et Pellet ;au nom dela
République du Mali, S. Exc. M. Diarra, coagent, et M. Salmon ;
8. Ayant noté qu'àl'audience le Burkina Faso a conclu comme suit :
(<Le Gouvernement du Burkina Faso et le Conseil national de la
révolutionprient respectueusement la Chambre de la Cour de bien
vouloir indiquer les mesures conservatoires suivantes : (6) The requests submitted in paragraph 4 above are justified by
the incidents of December through which, following the invasion of
its territory on 14 December and its vain efforts through the diplo-
matic channel to securefrom Burkina Faso awithdrawal of thelatter's
forces, Mali was compelled, as a measure of self-defence, to repulse
the Burkinabe troops by force.
Such attempts to secure by force what constitutes the actual sub-
ject-matter of the dispute are wholly destructive of the peaceful dis-
pute-settlement procedure represented by the seisinof the Court. The
resumption and pursuit of the proceedings in a calm atmosphere isin
the interest both of justice and of the Parties themselves and their
peoples.
(7) The Government of Maliconsiders that there are no grounds to
take any other provisional measures.
(8) In particular, Burkina Faso's request relating to a withdrawal
of forces to the line proposed by the Legal Sub-Commission of the
Mediation Commission of the OAU is in fact tantamount to request-
ing the Court to grant immediately its claim on the merits. Given its
object, a request of this nature cannot be seen as provisional.
Moreover, this request is incompatible with the declaration signed
by the two Heads of State of Burkina Faso and Mali on 31December
1985,whereby they concluded the terms of the ceasefire.
The extraordinary meeting of the Ministers for Foreign Affairs of
the ANAD, attended by the Ministersfor Foreign Affairs of Burkina
Faso and Mali, has agreed on the postponement of the question of
troop withdrawal to a future meeting of the Heads of State. It would
be inappropriate for the Court to rule upon an aspect of the conflict
which isthe subject of direct agreement between the Heads of State of
the two Parties in the context of the ANAD.
(9) The Government of Mali, while having no objection in princi-
ple to the idea that the Parties should refrain from any act or action
which rnight impede the gathering of evidence in the present pro-
ceedings, fails to see what it may mean in practical terms, and there-
fore refrains from joining in any request to that effect."
7. Havingheard the oral observationspresented at a public sitting on 9
January 1986by the following representatives of the Parties :on behalf of
Burkina Faso, His ExcellencyMr. Salembere, Co-Agent, Mr. Cot and Mr.
Pellet ;on behalf of the Republic of Mali, His Excellency Mr. Diarra,
Co-Agent, and Mr. Salmon ;
8. Having taken note that Burkina Faso, at the hearing, submitted as
follows :
[Translation]
"The Government of Burkina Fasoand the National Council of the
Revolution respectfully request the Chamber of the Court to indicate
the following provisional measures : 1) Les deux Parties s'abstiendront de tout acte ou action sur le
terrain qui pourrait empêcher ouentraver l'exécutionde l'arrêt qui
sera rendu par la Chambre de la Cour sur la base des conclusions des
Parties.
2) Lesdeux Parties s'abstiendront de tout acte ou action quipour-
rait entraver la réunion des élémentsde preuve dans la présente
instance.
3) Chacune des Parties retirera, sice n'estdéjà fait,ses forces de la
zone revendiquée par le Mali telle qu'elle est délimitéepar les pré-
tentions énoncéesdans leurs mémoires respectifsdéposés auGreffe
de la Cour le 3 octobre dernier.
4) Chacune des Parties s'abstiendra de tout acte d'administration
territoriale au-delà de la ligneretenue en 1975par la sous-commission
juridique de la commission de médiation de l'OUA ));
9. Ayant noté qu'à l'audience la République du Mali a réitéré les
demandes figurant au paragraphe 4 de sa lettre du 7janvier 1986citée au
paragraphe 6 de la présenteordonnance ;
10. Considérant que, dans la présenteespèce, laChambre, constituée
pour connaître du fond de l'affaire à la suite de la notification d'un
compromis conclu par lesdeux Parties, et saisieen outrede leursdemandes
parallèles en indication de mesures conservatoires, tient pour manifeste-
ment acquise sa compétencepour indiquer de telles mesures ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 41 du Statut la Cour ne peut
indiquer de mesures conservatoires que sielleestime que lescirconstances
l'exigent pour sauvegarder les droits de chacune des Parties ;
12. Considérant les faits qui ont étéalléguéspar les deux gouverne-
ments, tant dans leurs demandes en indication de mesures conservatoires
que dans leurs plaidoiries, qui. selon eux, exigent l'indication de mesures
conservatoires en l'espèce ;
13. Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires
conféré à la Cour par l'article 41 du Statut présuppose qu'un préjudice
irréparable risque d'être causé auxdroits en litige dans une procédure
judiciaire et a donc pour objet de sauvegarder le droit de chacune des
Parties en attendant que la Cour rende sa décisionau fond ;
14. Considérant que la question posée à la Chambre par l'article pre-
mier du compromis signépar les Parties le 16 septembre 1983 est la
suivante :
Quel est le tracéde la frontière entre la République de Haute-
Volta[Burkina Faso]etla Républiquedu Mali dans la zonecontestée
telle qu'elle est définie ci-aprés? )) (1) Both Parties shall refrain from any act or action on theground
likely to prevent or impede the implementation of suchjudgment as
the Chamber of the Court may deliver on the basis of the Parties'
submissions.
(2) Both Parties shall abstain from any act or action likely to
impede the gathering of evidence in the present case.
(3) Each of the Parties, if it has not alreadydone so, shall withdraw
its forces from the area claimed by Mali as delimited in the conten-
tions set forth in their respective Memorials filed inthe Registry of the
Court on 3 Oclober 1985.
(4) Each Party shall refrain from any act of territorial administra-
tion beyond the line adopted in 1975bythe Legal Sub-Commission of
the OAU Mediation Commission."
9. Having taken note that, at the hearing, the Republic of Mali reite-
rated the requests submitted in paragraph 4 of its letter of 7January 1986,
as quoted above in paragraph 6 of this Order ;
10. Whereas. in thepresent instance, the Chamber. having been formed
to deal with the merits of the case following the notification of a Special
Agreement concluded between the Parties, and being moreover seised of
their parallel requests for the indication of provisional measures, regards
itsjurisdiction to indicate such measures as manifestly established ;
11. Whereas, under Article 41 of the Statute, the Court may only indi-
cate provisional measures if it considers that the circumstances so require
for the preservation of the rights of either Party ;
12. Whereas account must be taken of the facts alleged by both Gov-
ernments, both in their requests forthe indication of provisional measures
and in their oral arguments, which facts, in their view, cal1for the indi-
cation of provisional measures in the present instance ;
13. Whereas the power to indicate provisional measures which is con-
ferred on the Court by Article 41 of the Statute presupposes the possibility
of irreparable damage being caused to the rights at issue in judicial pro-
ceedings and has therefore as its purpose to safeguard the rights of each
Party pending the delivery of the Court's decision on the merits :
14. Whereas the question put to the Chamber in Article 1of the Special
Agreement signed by the Parties on 16 September 1983is as follows :
"What is the line of the frontier between the Republic of Upper
Volta [Burkina Faso] and the Republic of Mali in thedisputed area as
defined below?"et que ladite zone est définiepar le même articledu compromis comme
<tconstituéepar une bande de territoire qui s'étenddu secteur Koro
(Mali) Djibo (Haute-Volta [Burkina Faso]) jusques et y compris la
régiondu Beli ;
15. Considérant que, dans les mémoiresdéposéspar les deux Parties le
3 octobre 1985,chacune d'ellesdemande à la Chambre de déciderque la
frontièreen question suivele tracédéfinipar elledans sesconclusions ;de
sorte que les droits en litige dans la présente instance sont les droits
souverains des Parties sur leur territoire de part et d'autre de la fron-
tière telle qu'elle sera définie par l'arrêtque la Chambre est appelée A
rendre ;
16. Considérant que les actions armées qui sont à l'origine des de-
mandes en indication de mesures conservatoires dont la Chambre est
saisie ont eu lieu à l'intérieurou à proximité de la zone contestée telle
qu'elle est définiepar le compromis ;
17. Considérant que. conformément au principe énoncépar la Cour
permanente de Justice internationale dans son ordonnance du 3 août 1932
en l'affaire relative aStatut juridique du rerriroiredusud-est du Groenland,
des incidents susceptibles d'aggraver ou d'étendrele différend
ne peuvent en aucun caset en aucune mesure préjugerl'existenceou
la valeur des droits souverains revendiqués par [l'une ou l'autre des
Parties]sur le territoire dontils'agit.à supposer que ces droits soient
dûment reconnus par la [Chambre] dans son arrêtfutur sur lefond du
litige))(C.P.J./. sérieA/ B no48. p. 285) ;
18. Considérantque,indépendammentdesdemandes présentéespar les
Parties en indication de mesures conservatoires, la Cour ou, par consé-
quent. la Chambre dispose en vertu de l'article 41 du Statut du pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empêcherl'aggravation
ou l'extension du différend quand elle estime que les circonstances
l'exigent ;
19. Considérant en particulier que, lorsque deux Etats décident. d'un
commun accord. de saisir une chambre de la Cour, organe judiciaire
principal desNations Unies. en vuedu règlementpacifiqued'un différend.
conformémentaux articles 2.paragraphe 3,et 33 de la Charte des Nations
Unies et que par la suitesurviennent des incidentsqui. non seulement sont
susceptibles d'étendre ou d'aggraver le différend. mais comportent un
recours à la force inconciliable avec leprincipe du règlement pacifiquedes
différends internationaux. le pouvoir et le devoir de la Chambre d'indi-
quer. le cas échéant,des mesures conservatoires contribuant àassurer la
bonne administration de lajustice ne sauraient faire de doute :
20. Considéranten outre que, d'aprèsles indications fournies par I'une
des Parties, des actions armées surle territoire en litige pourraient entraî-
ner la destruction d'éléments de preuve pertinents aux fins de la décision à
rendre par la Chambre ;and whereas the area in question is defined in that same Article of the
Special Agreement as :
"consist[ing] of a band of territory extending from the sector Koro
(Mali) Djibo (Upper Volta [Burkina Faso]) up to and including the
region of the Beli" ;
15. Whereas in the Memorials filed by the Parties on 3 October 1985
each of them requests the Chamber to decide that the frontier in question
follows the line defined by its own submissions ; sothat the rights at issue
in these proceedings are the sovereign rights of the Parties over their
respective territories oneither side of the frontier as eventually defined by
the judgment which the Chamber is called upon to give ;
16. Considering that thearmed actions that gave rise to therequests for
the indication of provisional measures submitted to the Chamber took
place within or near the disputed area as defined by the Special Agree-
ment ;
17. Whereas, in accordance with the principle set forth by the Perma-
nent Court of International Justice in its Order of 3August 1932in thecase
concerning the Legul Status of the South-Eastern Territory of Greenland,
incidents likely to aggravate or extend the dispute
"cannot in any event, or toany degree, affect the existence or value of
thesovereign rights claimed by[either of the Parties] overtheterritory
in question, were these rights to be duly recognized by the[Chamber]
in its futurejudgment on the merits of the dispute" (P.C.I.J., Series
A/B, No. 48. p. 285) ;
18. Considering that, independently of the requests submitted by the
Parties for the indication of provisional measures, the Court or, accord-
ingly. the chamber possesses by virtue of Article 41 of the Statute the
power to indicate provisional measures with a view to preventing the
aggravatioii or extension of the dispute whenever it considers that circum-
stances so require ;
19. Whereas. in particular, when two States jointly decide to have
recourse to a chamber of the Court, the principal judicial organ of the
United Nations, with a view to the peaceful settlement of a dispute. in
accordance with Article 2,paragraph 3,and Article 33of the Charter of the
United Nations, and incidents subsequently occur which not merely are
likely to extend or aggravate the dispute but comprise a resort to force
which is irreconcilable with the principle of the peaceful settlement of
international disputes, there can be no doubt of the Chamber's power and
duty to indicate, if need be. such provisional measures as may conduce to
the due administration of justice ;
20. Whereasfurthermore. according to theindications furnished by one
of the Parties, armed actions within the territory in dispute could result in
the destruction of evidence material to the Chamber's eventual decision ; 21. Considérantque lesfaits qui sont àl'originedes demandes desdeux
Parties en indication de mesures conservatoires exposent les personnes et
les biens se trouvant dans la zone litigieuse, ainsi que les intérêdes deux
Etats dans cette zone,à un risque sérieuxde préjudiceirréparable ;et qu'en
conséquencelescirconstances exigent que la Chambreindique lesmesures
conservatoires appropriées, conformément à l'article 41 du Statut;
22. Considérant que le Burkina Faso a demandé àla Chambre d'indi-
quer à titre de mesure conservatoire, entre autres. que
<(chacune des Parties retirera, si ce n'estdéjàfait, sesforces de la zone
revendiquéepar le Mali telle qu'elle est délimitéepar les prétentions
énoncéesdans leursmémoiresrespectifs déposésau Greffe de la Cour
le 3 octobre dernier O ;
23. Considérantque le Mali fait valoir que la demande du Burkina Faso
relative à un retrait des forces serait incompatible avec la déclaration
signéepar lesdeux chefs d'Etat du Burkina Fasoetdu Mali le31décembre
1985par laquelle ils ont arrêté les modalitésdu cessez-le-feu ;qu'en effet
les ministres des affaires étrangèresde l'accord de non-agression et d'as-
sistance en matière de défense (ANAD) ont décidé,au cours de leur
réunionextraordinaire tenue le 30décembre1985, à Abidjan, et à laquelle
étaientprésentslesministresdesaffairesétrangèresdu Burkina Faso et du
Mali, de renvoyer la question du retrait des troupes à une prochaine
réuniondes chefs d'Etat ; qued'aprèsleMali ilserait doncinappropriéque
la Chambre se prononce sur un aspect du conflit qui fait l'objet d'une
entente directe entre les chefs d'Etat des deux Parties dans le cadre de
I'ANAD ;
24. Considérant que les Etats sont toujours libres de négocier oude
réglercertains aspects d'un différend soumis à la Cour ;que cette liberté
n'estpas incompatible avec l'exercicede la fonction propre de la Cour ;et
que le fait que les deux Parties ont chargéun autre organe de définirles
modalitésdu retrait des troupes ne prive nullement la Chambre des droits
et devoirs qui sont les siens dans l'affaire portéedevant elle ;
25. Considérant que la Chambre, tout en se félicitant du fait que les
Parties ont pu parvenir à un accord prévoyant un cessez-le-feu et ainsi
mettre fin aux actions arméesqui ont donnélieu aux demandes en indi-
cation de mesures conservatoires. ne s'en trouve pas moins confrontéeau
devoir que lui impose l'article 41 du Statut de rechercher par elle-même
quelles mesuresconservatoires dudroit dechacun doivent êtreprises à titre
provisoire ;
26. Considérant d'ailleurs que les chefs d'Etat des Parties et les mi-
nistres des affaires étrangères de I'ANAD n'ont en aucune façon rejeté
l'idéed'un retrait des troupes mais ont tout simplement ajournéla ques-
tion des modalités de ce retrait ;
27. Considérantque lesmesures dont la Chambre envisage l'indication,
en vue d'éliminerle risque de toute action future tendant à aggraver ou à
étendreledifférend,devraient nécessairementinclure leretrait des troupes 21. Whereasthefactsthat have givenrise to the requests of both Parties
forthe indication ofprovisional measures exposethepersons and property
in the disputedarea, as wellasthe interests of both States within that area,
to serious risk of irreparable damage ; and whereas the circumstances
consequently demand that the Chamber should indicate appropriate pro-
visional measures in accordance with Article 41 of the Statute :
22. Whereas Burkina Faso has requested the Chamber to indicate, inter
aliu, by way of provisional measure, that
"each of the Parties, if it has not already done so, shall withdraw its
forces from the area claimed by Mali as delimited in the contentions
set forth in their respective Memorials filed in the Registry of the
Court on 3 October 1985" ;
23. Whereas Mali maintains that Burkina Faso's request for a with-
drawal of forceswould be incompatible with the declaration signed bythe
two Heads of State of Burkina Faso and Malion 31 December 1985, where-
by they concluded the terms of the ceasefire ; whereas the Ministers for
Foreign Affairs of the Accordde non-agressionet d'assistance enmatièrede
défense (ANAD) decided, at theif extraordinary meeting at Abidjan on
30 December 1985, which was attended by the Ministers for Foreign
Affairs of Burkina Faso and Mali, to postpone the question of troop
withdrawal to a future meeting of the Heads of State ; and whereas
according to Mali it would consequently beinappropriate for the Chamber
to rule upon an aspect of the conflict which is the subject of direct
agreement between the Heads of State of the two Parties in the context of
the ANAD ;
24. Whereas States remain at liberty to negotiate or resolve particular
aspects of adispute broughtbeforethe Court ;whereas their freedom to do
so is not incompatible with the Court's exerciseof itsown functions :and
whereas the fact that the two Parties have entrusted another body with the
task of defining the terms of the troop withdrawal in no way deprives the
Chamber of the rights and dutiespertaining to it in the case brought before
it;
25. Whereas the Chamber, while welcoming the fact that the Parties
have been able to reach agreement on a ceasefire, and have thus brought to
anend the armed actions which gave rise to the requests for theindication
ofprovisional measures, isnonetheless facedwith its duty under Article 41
of the Statute to ascertain for itself what provisional measuresought to be
taken to preserve the respective rights of either Party ;
26. Whereas. moreover, the Heads of State of the Parties and the Mini-
sters for Foreign Affairs of the ANAD have by no means rejected the
notion of a troop withdrawal, but have merely postponed the question of
the terms of such a withdrawal :
27. Whereasthe measureswhich the Chamber contemplates indicating,
for the purpose of eliminating the risk of any future action likely to
aggravate or extend thedispute,must necessarily include the withdrawal ofdes deux Parties sur despositions tellesqu'ilne se produiseplus d'incident
fâcheux ;mais que lechoix de tellespositions requerrait uneconnaissance
du cadre géographiqueetstratégiqueduconflit que la Chambre ne possède
pas, et dont en toute probabilité ellene pourrait disposer sans procéder à
une expertise ; que dans ces circonstances la Chambre, tout en restant
saisie de la question, note que les chefs d'Etat, agissant dans le cadre de
I'ANAD, doivent prochainement définiravec précisionles modalités du
retrait des troupes que la Chambre croit devoir indiquer comme mesure
conservatoire ;
28. Considérant que le Burkina Faso a d'putre part demandé a la
Chambre d'indiquer que
chacune des Parties s'abstiendra de tout acte d'administration ter-
ritoriale au-delà de la ligne retenue en 1975par la sous-commission
juridique de la commission de médiation de l'OUA O ;
considérant cependant que le Mali a fait valoir que la ligne en question
correspondrait, pour partie ou en totalité, à la frontière telle qu'elle résul-
terait des conclusions du Burkina Faso énoncéesdans son mémoiredu
3 octobre 1985 :
29. considérant que, en ce qui concerne l'administration du territoire
contesté,la Chambre n'estime pas, au stade des mesures conservatoires,
pouvoir modifier lasituationantérieure aux actions arméesqui ont conduit
au dépôtdes demandes des Parties ;et qu'ilconvient en tout étatdecause
de ne pas préjuger à cet égard l'existenced'une ligne quelconque ;
30. Considérantque la décisionrendueen la présenteprocédurenedoit
préjuger aucune question relative au fond de l'affaire portée devant la
Chambre, et qu'elle doit laisser intacts les droits des Parties a cet
égard ;
31. Considérant que la Chambre doit indiquer maintenant les mesures
qu'elle estime nécessaires en laprésente espèce ;
32. En conséquence,
à l'unanimité,
1. Indique à titre provisoire, en attendant son arrêtdéfinitifdans I'ins-
tance introduite le 20octobre 1983par la notification du compromisentre
le Gouvernement de la Républiquede Haute-Volta (aujourd'hui Burkina
Faso) et leGouvernement de la République du Mali signéle 16septembre
1983et portant sur ledifférendfrontalier entre lesdeux Etats, les mesures
conservatoires suivantes, tendant à ce que :
A. Le Gouvernement du Burkina Faso et le Gouvernement de la Répu-
blique du Mali veillent l'un et l'autre a évitertout acte qui risquerait
d'aggraver ou d'étendrele différenddont la Chambre est saisie ou dethe troops of both Parties to such positions as to avoid the recrudescence of
regrettable incidents ;whereas. however, the selection of these positions
would requireaknowledge of thegeographical and strategiccontext of the
conflict which the Chamber does not possess, and which in al1probability
it could not obtain without undertaking an expert survey ;and whereas in
these circumstances the Chamber, while remaining seised of the question,
notes that the Heads of State,acting in the framework of the ANAD, are
shortly to define the detailed terms of the troop withdrawal which the
Chamber considers it should indicate as a provisional measure ;
28. Whereas Burkina Faso has also requested the Chamber to indicate
that
"each Party shall refrain from any act of territorial administration
beyond the line adopted in 1975by the Legal Sub-Commission of the
OAU Mediation Commission" ;
whereas, however, Mali has claimed that the line in questioncorresponds
in part or wholly to the frontier which would emergefrom the submissions
of Burkina Faso set out in its Memorial of 3 October 1985 ;
29. Whereas, so far as the administration of the disputed area is con-
cerned, the Chamber does not, at the stage of provisional measures, con-
sider itself empowered to modify the situation which prevailed before the
armed actions leading to the filing of the Parties' requests ;and whereas it
is necessary at al1events to avoid prejudging in that connection the exis-
tence of any specific line ;
30. Whereas the decision rendered in these present proceedings must
not prejudge any question relating tothe merits of thecasebrought before
the Chamber, and must leave intact the rights of the Parties in that
respect ;
31. Whereas the Chamber must now indicate the measures which it
considers to be necessary in the present instance ;
32. Accordingly,
unanimously,
1. Indic,ates,pending its final decision in the proceedings instituted on
20 October 1983by the notification of the Special Agreement between the
Government of the Republic of Upper Volta (now Burkina Faso) and the
Government of the Republic of Mali, signed on 16September 1983and
relative to the frontier dispute between the two States. the following
provisional measures :
A. The Governrnent of Burkina Faso and theGovernment of the Republic
of Mali should each of them ensure that no action of any kind is taken
which might aggravate or extend the disputesubmittedtothe Chamber porter atteinte au droit de l'autre Partià obtenir l'exécutionde tout
arrêtque la Chambre pourrait rendre en I'affaire;
B. Les deux gouvernements s'abstiennent de tout acte qui risquerait
d'entraver la réuniondes élémentsde preuve nécessaires àla présente
instance ;
C. Lesdeuxgouvernements continuent a respecter lecessez-le-feuinstitué
par accord entre les deux chefs d'Etat le 31 décembre 1985 ;
3.Les deux gouvernementsretirent leurs forces armées sur des positions
ou à l'intérieur des lignesqui seront, dans les vingt jours suivant le
prononcé de la présente ordonnance, déterminéespar accord entre
lesdits gouvernements, étantentendu que les modalitésdu retrait des
troupes seront fixéespar ledit accord et que, àdéfaut d'untel accord,
la Chambre indiquera elle-même cesmodalités par voie d'ordon-
nance ;
E. En ce qui concerne l'administration du territoire contesté. lasituation
antérieure aux actions armées qui sont à l'origine des demandes en
indication de mesures conservatoires ne soit pas modifiée ;
2. Invite les agents des Parties à notifier sans délai auGreffier tout
accord viséau point 1 D ci-dessus qui serait conclu entre leurs gouverne-
ments :
3. Décideque, jusqu'à ce que la Chambre rende son arrêtdéfinitifen
l'espèce,et sans préjudicede l'application de l'article 76 du Règlement,
elle demeurera saisie des questions qui font l'objet de la présenteordon-
nance.
Fait en françaiset en anglais, letexte françaisfaisant foi, au palais de la
Paix, à La Haye, le dix janvier mil neuf cent quatre-vingt-six, en quatre
exemplaires. dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et dont les
autres seront transmis respectivement au Gouvernement du Burkina Faso,
au Gouvernement de la Républiquedu Mali et au Secrétairegénéralde
l'organisation des Nations Unies pour transmission au Conseil de sécu-
rité.
Le présidentde la Chambre,
(Signé)Mohammed BEDJAOUI.
Le Greffier,
(Signé)Santiago TORRES BERNARDEZ. or prejudice the right of the other Party to compliance with whatever
judgment the Chamber may render in the case ;
B. Both Governments should refrain from any act likely to impede the
gathering of evidence material to the present case ;
C. Both Governments should continue to observe the ceasefire instituted
by agreement between the two Heads of State on 31 December
1985 ;
D. Both Governments should withdraw their armed forces to such posi-
tions, or behind suchlines,asmay,within twenty days of the date of the
present Order, be determined by an agreement between those Gov-
ernments, it being understood that the terms of the troop withdrawal
will be laid down by the agreement in question and that, failing such
agreement, the Chamber will itself indicate them by means of an
Order ;
E. In regard to the administration of the disputed areas, the situation
which prevailed before the armed actions that gave rise to the requests
for provisional measures should not be modified ;
2. Calls uponthe Agents of the Parties to notify the Registrar without
delay of any agreement concluded between their Governments within the
scope of point 1 D above ;
3. Decidesthat,pending its finaljudgment, and without prejudice to the
application of Article 76 of the Rules, the Chamber will remain seised of
the questions covered by the present Order.
Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this tenth day of January, one thousand nine
hundred and eighty-six, in four copies, of which one will be placed in the
archives of the Court, and the others transmitted respectively to the Gov-
ernment of Burkina Faso, to the Government of Mali,and to the Secretary-
General of the United Nations for transmission to the Security Coun-
cil.
(Signed) Mohammed BEDJAOUI,
President of the Chamber
(Signed) Santiago TORRES BERNARDEZ.
Registrar.
Demandes en indication de mesures conservatoires
Ordonnance du 10 janvier 1986