Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) - Construction d'une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) - La Cour

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17334
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2013/10
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
Site Internet : www.icj-cij.org

Communiqué de presse
Non officiel

N 2013/10
Le 23 avril 2013

Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua)

Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica)

La Cour joint les instances dans les deux affaires

LA HAYE, le 23 avril 2013. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, par deux ordonnances distinctes en date
du 17 avril 2013, a joint les instances dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et dans l’affaire relative à la
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica).

Dans ses deux ordonnances, la Cour a souligné qu’elle estimait approprié de joindre les
instances dans ces affaires «conformément au principe de bonne administration de la justice et aux
impératifs d’économie judiciaire».

La suite de la procédure a été réservée.

Par le passé, la Cour a procédé à une jonction d’instances à deux reprises (affaires du
Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud) et affaires du Plateau
continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas)) alors que son Règlement ne prévoyait pas expressément cette possibilité.
Cette jonction a eu pour effet, notamment, la tenue d’une seule série d’audiences dans les affaires
concernées, ainsi que le prononcé d’un seul arrêt.

Raisonnement de la Cour

Dans son raisonnement, qui est identique dans les deux ordonnances, la Cour relève d’abord
que, aux termes de l’article 47 de son Règlement, elle «peut à tout moment ordonner que les
instances dans deux ou plusieurs affaires soient jointes» et que cette disposition lui laisse «une
large marge de discrétion». - 2 -

La Cour observe successivement :

1) que les deux affaires dont il s’agit opposent les mêmes Parties et portent sur la zone où la
frontière commune entre celles-ci suit la rive droite du fleuve San Juan ;

2) que les deux affaires sont l’une et l’autre fondées sur des faits en rapport avec des travaux
exécutés sur le fleuve San Juan, le long de ce fleuve ou à proximité immédiate de celui-ci, le
Nicaragua se livrant à des activités de dragage du fleuve et le Costa Rica ayant entrepris de
construire une route le long de sa rive droite ;

3) que les deux instances ont pour objet les conséquences de ces travaux pour la liberté de
navigation sur le San Juan et leur incidence sur l’environnement local et l’accès au fleuve, et
qu’à cet égard, les Parties font l’une et l’autre état d’un risque de sédimentation du San Juan ;

4) que, dans les deux affaires, les Parties mettent par ailleurs en avant les conséquences néfastes
qu’auraient les travaux menés sur le San Juan ou le long de sa rive pour l’écosystème fragile du
fleuve (qui comprend des réserves naturelles protégées) ; et enfin

5) que, dans les deux affaires, les Parties font état de violations du Traité de limites de 1858, de la
sentence Cleveland, des sentences Alexander et de la convention de Ramsar.

La Cour est d’avis qu’une décision de joindre ces instances lui permettrait d’examiner
simultanément la totalité des différents points en litige entre les Parties, qui sont liés les uns aux
autres, et notamment toutes questions de droit ou de fait communes aux deux différends qui lui ont
été soumis. Selon elle, le fait d’entendre et de trancher les deux affaires ensemble présenterait de

nombreux avantages. Enfin, la Cour indique ne pas escompter qu’une telle décision retarderait
indûment la procédure au terme de laquelle elle rendra son arrêt dans les deux affaires.

Historique des deux procédures

Il est rappelé que la première instance, assortie d’une demande en indication de mesures
conservatoires, avait été introduite par le Costa Rica contre le Nicaragua, le 18 novembre 2010, à
raison de «l’incursion en territoire costa-ricien de l’armée nicaraguayenne, [de] l’occupation et [de]

l’utilisation d’une partie de celui-ci». Le Costa Rica alléguait notamment que le Nicaragua avait,
«à l’occasion de deux incidents distincts, occupé le sol costa-ricien dans le cadre de la
construction d’un canal à travers le territoire du Costa Rica et de certaines activités connexes de
dragage menées dans le fleuve San Juan». Le demandeur faisait également grief au Nicaragua
d’avoir manqué à des obligations lui incombant à son égard au titre de plusieurs instruments et
autres règles de droit international applicables, ainsi que de certaines décisions arbitrales et

judiciaires.

Le 8 mars 2011, la Cour avait indiqué certaines mesures conservatoires à l’intention des
deux Parties.

La deuxième instance avait été introduite par le Nicaragua contre le Costa Rica, le
22 décembre 2011. Dans sa requête, le Nicaragua précisait que l’affaire avait trait à des «atteintes
à [s]a souveraineté … et [à des] dommages importants à l’environnement sur son territoire». Le

demandeur soutenait en particulier que le Costa Rica réalisait, sur la majeure partie de la frontière
entre les deux pays, le long du fleuve San Juan, de vastes travaux visant à construire une route et
ayant de graves conséquences pour l’environnement. Le Nicaragua se réservait également le droit
de demander la jonction des deux instances. - 3 -

Le 6 août 2012, le Nicaragua avait déposé quatre demandes reconventionnelles dans la
première affaire (Costa Rica c. Nicaragua). Le Costa Rica avait élevé certaines objections à la

recevabilité des trois premières demandes. Il affirmait notamment que, en agissant ainsi, le
Nicaragua «cherch[ait] de fait à obtenir la jonction des deux instances» et qu’une telle jonction ne
serait ni opportune ni équitable.

Dans une lettre datée du 19 décembre 2012 accompagnant son mémoire en la deuxième
affaire (Nicaragua c. Costa Rica), le Nicaragua avait formellement demandé à la Cour d’examiner
la nécessité de procéder à la jonction des instances, en la priant de se prononcer sur la question

dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Par lettre datée du 7 février 2013, le Costa
Rica avait réaffirmé qu’à son sens une telle jonction ne serait ni opportune ni équitable, soutenant
notamment qu’il n’existait entre les deux affaires aucun lien étroit qui puisse justifier une jonction.

*

Composition de la Cour

Dans la première affaire (Costa Rica c. Nicaragua), la Cour était composée comme suit :
M. Tomka, président ; M. Sepúlveda-Amor, vice-président ; MM. Owada, Abraham, Keith,
Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, Mmes Xue et Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, M. Bhandari, juges ; MM. Guillaume et Dugard, juges ad hoc ; M. Couvreur,
greffier.

Dans la deuxième affaire (Nicaragua c. Costa Rica), la Cour était composée comme suit :
M. Tomka, président ; M. Sepúlveda-Amor, vice-président ; MM. Owada, Abraham, Keith,
Bennouna, Skotnikov, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, Mmes Xue et Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, M. Bhandari, juges ; MM. Guillaume et Simma, juges ad hoc ; M. Couvreur,
greffier.

M. le juge Cançado Trindade joint aux deux ordonnances l’exposé de son opinion
individuelle. Un résumé de cette opinion est annexé au présent communiqué.

*

Le texte des deux ordonnances pourra être consulté prochainement sur le site Internet de la
Cour (www.icj-cij.org) dans le dossier des deux affaires concernées, à la rubrique «Affaires
contentieuses».

*

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé
ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est

le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les - 4 -

questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat

de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre secrétariat international,
dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect administratif. Les langues
officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour mondiale», elle est la seule
juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la

procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (CPI, la première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire indépendant composé de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente

d’arbitrage (CPA, institution indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et
facilitant leur fonctionnement, conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396) Annexe au communiqué de presse 2013/10

Opinion individuelle de M. le juge Cançado Trindade

Dans son opinion individuelle (en sept parties) jointe aux ordonnances sur la jonction
d’instances rendues par la Cour en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et en l’affaire relative à la Construction
d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
le juge Cançado Trindade examine le fond de la question, en étudiant premièrement la question
des «pouvoirs implicites» ou «inhérents» et en apportant certaines précisions relatives à l’exercice
de la fonction judiciaire internationale. Deuxièmement, il traite la question de la compétence de la

compétence (Kompetenz Kompetenz), qui est intrinsèquement liée à l’exercice de la fonction
judiciaire internationale, et, troisièmement, celle de la bonne administration de la justice en
s’intéressant particulièrement aux jonctions d’instances ordonnées par la Cour de La Haye (CPJI et
CIJ) avant la lettre. Quatrièmement, le juge Cançado Trindade expose sa conception de l’idée de
justice présidant à la bonne administration de la justice, et, cinquièmement, examine cette notion
sous l’angle de l’égalité procédurale entre les parties. Enfin, dans ses considérations finales, il
insiste sur l’importance des principes généraux de droit dans le traitement des questions de

procédure internationale.

___________

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