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OBLIGATIONS DES ÉTATS EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Réponses de l’Union des Comores aux questions des juges Cleveland, Tladi, Aurescu et
Charlesworth
1. Question posée par Mme la juge Cleveland
“During these proceedings, a number of participants have referred to the production of fossil
fuels in the context of climate change, including with respect to subsidies. In your view, what
are the specific obligations under international law of States within whose jurisdiction fossil
fuels are produced to ensure protection of the climate system and other parts of the environment
from anthropogenic emissions of greenhouse gases, if any?”
1. L’Union des Comores rappelle qu’il est scientifiquement établi que les énergies fossiles
sont en grande partie responsables des dérèglements climatiques1. La maîtrise des
émissions de CO2 qui résultent de leur extraction et de leur utilisation est donc cruciale
pour la réalisation des objectifs fixés par le droit international. Les Comores soutiennent
qu’afin de s’acquitter de leur obligation de diligence issue des instruments du droit du
climat et du principe coutumier de prévention, tous les États ont l’obligation (i) de
réduire drastiquement et rapidement l’utilisation des énergies fossiles ; (ii) de mettre en
place une transition énergétique pour sortir des énergies fossiles et (iii) de cesser de
subventionner les énergies fossiles. Ces obligations sont des obligations primaires, mais
également des obligations secondaires.
Les obligations primaires
2. Ces obligations sont issues des objectifs tant collectifs qu’individuels fixés par l’Accord
de Paris. En effet, l’Accord fixe un objectif commun de ne pas dépasser les 1,5°C (art.
2) et impose aux Parties d’établir, de communiquer et d’actualiser leur contribution
déterminée au niveau national (art. 4, objectifs individuels). Si le contenu précis des
mesures devant être adoptées par les Parties pour réaliser ces deux objectifs n’est pas
prévu par l’Accord, il est certain qu’elles doivent permettre la réalisation des objectifs
précités. Comme le rappelle la France dans ses observations écrites, cette obligation
exige de toutes les Parties qu’elles fassent leur maximum, de bonne foi, lorsqu’elles
prennent les mesures internes nécessaires pour atteindre leur objectif national et
l’objectif commun des 1.5°C. En effet, il n’y aurait pas de sens à exiger de l’État qu’il
fixe sa contribution « au niveau le plus élevé possible » s’il n’était pas attendu de lui
qu’il cherche ensuite à l’atteindre2. Or, il est scientifiquement établi qu’il est impossible
d’atteindre ces objectifs sans une réduction drastique et immédiate du recours aux
énergies fossiles3 en raison du lien de causalité entre le réchauffement climatique d’une
1 GIEC, Résumé à l’attention des décideurs, 2021.
2 Exposé écrit de la France, §55.
3 Le groupe de travail III du GIEC, dans sa contribution au sixième rapport d'évaluation 2022, note avec un « degré
élevé de confiance » la nécessité de réductions « rapides, profondes et dans la plupart des cas immédiates » des
émissions de GES « dans tous les secteurs ». V. Exposé écrit de la République démocratique du Congo, §209.
Comme le rappelle la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte
des changements climatiques « la notion d'atténuation des changements climatiques renvoie aux mesures visant à
s'attaquer aux causes de ces changements par la diminution du volume d'émissions de gaz à effet de serre rejetées
dans l'atmosphère […] », Conseil des droits de l’homme, A/HRC/56/46, 24 juillet 2024, Rapport préliminaire
Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte des
changements climatiques, Elisa Morgera, §5.
2
part et la production de gaz à effet de serre et de leur concentration excessive dans
l’atmosphère d’autre part. Dès lors, l’action climatique implique avant tout, pour être
en conformité avec les obligations internationales posées par le principe coutumier de
prévention et les obligations conventionnelles issues des accords climatiques, d’agir sur
la source du réchauffement et de réguler la production et la concentration des gaz à effet
de serre4 afin d’assurer leur réduction. Cette transition vers d’autres modes d’énergie
n’est pas possible si les États continuent de subventionner le secteur des énergies
fossiles5.
3. De surcroît, les Comores rappellent à la Cour que l’obligation de cesser le financement
public des énergies fossiles est également affirmée par les organes de protection des
droits humains6 ainsi que le Rapporteur spécial sur le droit humain à un environnement
propre, sain et durable7. Ce dernier enjoint par ailleurs les États développés à
« interdi[re] toute nouvelle activité d’exploration de gisements de combustibles fossiles,
puisqu’il est impossible d’utiliser les réserves actuelles sans manquer aux engagements
pris au titre de l’Accord de Paris »8 et à interdire aux banques de financer les projets liés
aux combustibles fossiles9.
4. Soutenir l’extraction et l’utilisation de ces énergies constitue une violation de
l’obligation de diligence requise en matière de lutte contre le changement climatique. In
fine, l’action climatique en matière d’atténuation doit aboutir à l’abandon de la
production et de l’utilisation de l’énergie fossile10.
Les obligations secondaires
5. Les Comores soutiennent, avec d’autres11, que les obligations (i) de réduire
drastiquement et rapidement l’utilisation des énergies fossiles ; (ii) de mettre en place
une transition énergétique pour sortir des énergies fossiles et (iii) de cesser de
subventionner les énergies fossiles sont également des obligations secondaires au titre
de l’obligation de cessation du fait illicite et de sa non-répétition.
6. Les États responsables doivent retirer toutes les mesures administratives, législatives et
autres, y compris les aides, subventions et autres incitations à la production ou à la
4 V. Exposé écrit de Tuvalu, §61; Amor-Jürgenssen, T., Chowdhury, J., Khatri, U., Lennon, E., Morgenthau, T.,
Prasad, V., Reisch, N., Shetye, A., Climate Justice Proceedings at the ICJ Top Arguments to Watch forin the
Written Submissions, Center for International Environmental Law, 2024, pp. 22-24.
5 V. Exposé écrit de Maurice, §§53-58.
6 Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, HRI/2019/1, 14 mai 2020, Déclaration sur les droits
de l’homme et les changements climatiques Déclaration conjointe du Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité pour la
protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, du Comité des droits de
l’enfant et du Comité des droits des personnes handicapées, §§11-12 ; Comité des droits de l’enfant,
CRC/C/GC/26, 22 août 2023, Observation générale no 26 (2023) sur les droits de l’enfant et l’environnement,
mettant l’accent en particulier sur les changements climatiques, §99.
7 Assemblée générale des Nations Unies, A/74/161, 15 juillet 2019, Rapport du Rapporteur spécial sur la question
des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr,
propre, sain et durable, §77.
8 Ibid., §78.
9 Ibid., §79.
10 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, E/C.12/GC/26, 24 janvier 2023, Observation générale n o
26 (2022) sur la terre et les droits économiques, sociaux et culturels, §56
11 V. par exemple les Exposés écrits du Sri Lanka (§70), du Vanuatu (§§567 ; 572-575), du Melanesian group (§§
295-297 ; 314 ; 332-336), du Burkina Faso (§351) ou de la Colombie (§4.10).
3
consommation de combustibles fossiles. Ils doivent également prendre toutes les
mesures nécessaires pour s'assurer que les activités se déroulant sur leur territoire, en
particulier celles des compagnies pétrolières, ne causent pas de dommages à des tiers, y
compris des États, des peuples et des individus. Enfin, ils doivent prendre toutes les
mesures nécessaires pour fournir l'assistance technique et financière dont les pays en
développement ont besoin pour relever les défis du changement climatique.
2. Question posée par M le juge Tladi
“In their written and oral pleadings, participants have generally engaged in an interpretation
of the various paragraphs of Article 4 of the Paris Agreement. Many participants have, on the
basis of this interpretation, come to the conclusion that, to the extent that Article 4 imposes any
obligations in respect of Nationally Determined Contributions, these are procedural
obligations. Participants coming to this conclusion have, in general, relied on the ordinary
meaning of the words, context and sometimes some elements in Article 31 (3) of the Vienna
Convention on the Law of Treaties.
I would like to know from the participants whether, according to them, “the object and
purpose” of the Paris Agreement, and the object and purpose of the climate change treaty
framework in general, has any effect on this interpretation and if so, what effect does it have?”
1. L’Union des Comores estime que l’interprétation de l’Accord de Paris à la lumière de
son objet et de son but au sens de l’article 31§1 de la Convention de Vienne sur le droit
des traités est pertinente dans la mesure où elle fait écho à la ratio legis du texte dont
l’interprétation est requise, c’est-à-dire sa raison d’être. Cette technique d’interprétation
est bien établie en droit international puisque déjà utilisée par la CPJI en 1922 dans son
avis consultatif sur la Compétence de l’OIT pour la réglementation des conditions du
travail dans l’agriculture dans lequel elle fait appel « à l’énoncé de l’objet et du but du
traité dans le préambule pour interpréter une disposition donnée »12. Toutefois, le
recours à l’objet et au but du traité n’est pas exclusif de la mobilisation des autres
éléments d’interprétation prévues par l’article 31 de la Convention de Vienne. En effet,
tous les éléments qui y sont mentionnés sont liés les uns aux autres et forment, selon la
Commission du droit international « une seule règle, étroitement intégrée »13. Ainsi,
« l’opération d’interprétation doit être considérée comme un tout »14.
L’objet et le but de l’Accord de Paris
2. L’objet et le but de la Convention-cadre sur les changements climatiques sont énoncés
dans son préambule et dans son article 2. La Convention a pour objectif de « préserver
le système climatique pour les générations présentes et futures » (préambule), mais aussi
de
« stabiliser […] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un
niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système
climatique » et ce dans « un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent
12 CPJI, Compétence de l’OIT pour la réglementation des conditions du travail dans l’agriculture, 1922, p.241.
V. CDI, Projet d’articles sur le droit des traités et commentaires, 1966, Annuaire de la Commission du droit
international, 1966, vol. II. p.240
13 Ibid., p. 239
14 Cour interaméricaine des droits de l’homme, Panel Blanca (Paniagua Morales et autres c. Guatemala),
exceptions préliminaires, arrêt du 25 janvier 1996, série C no 23, par. 40. V. également SA, Affaire du Lac Lanoux
(Espagne c. France), sentence du 16 novembre 1957.
4
s’adapter naturellement aux changements climatiques, que la production
alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se
faire d’une manière durable » (article 2).
3. Le préambule de l’Accord de Paris affirme que les États parties ont adopté celui-ci
« soucieu[x] d’atteindre l’objectif de la [Convention-cadre], et guidées par ses
principes ». L’objet et le but de l’Accord et celui de la Convention-cadre doivent donc
être lus conjointement et de manière intégrée. Le but de l’Accord est explicitement
énoncé à son article 2 :
« renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques […]
notamment en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète
nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et en
poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C
par rapport aux niveaux préindustriels […] ; renforçant les capacités
d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant
la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à
effet de serre, d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ;
rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un
développement de faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux
changements climatiques ».
4. Par ailleurs, les Comores rappellent que l’identification de l’objet et du but d’un traité
requiert une vue d’ensemble de ses dispositions substantielles, même si un certain
nombre d’éléments (le titre, le préambule ou autres) peuvent renseigner à première vue
sur l’intention des parties. Il s’ensuit que pour déterminer les obligations des États au
titre de l’Accord de Paris et de la CCNUCC, notamment en ce qui concerne leurs
« contributions déterminées au niveau national », il importe d’avoir une vue globale des
deux instruments et des autres règles du droit international applicables.
L’effet de l’objet et du but de l’Accord sur l’interprétation de l’article 4
5. L’ensemble des dispositions de la Convention-cadre et de l’Accord de Paris doivent être
interprétées à la lumière de leur objet et de leur but, ce qui inclut l’article 4 de l’Accord
de Paris. Par ailleurs, la nécessité d’interpréter les obligations contenues dans l’article 4
à la lumière de son objet et de son but ressort également de la lettre de l’article lui-même
qui indique que ses dispositions ont pour but « d'atteindre l'objectif de température à
long terme énoncé à l’article 2 ».
6. Afin d’atteindre cet objectif, chaque Partie à l’accord de Paris doit établir, communiquer
et actualiser sa contribution déterminée au niveau national. Comme les Comores l’ont
démontré dans leur exposé oral, il s’agit d’une obligation procédurale de résultat. Les
contributions nationales doivent, aux termes de l’article 4§3 viser un « niveau
d’ambition le plus élevé possible » et une « progression » par rapport aux contributions
nationales précédentes. L’Union des Comores conteste avec force la position de certains
participants à la procédure selon laquelle l’article 4 ne contiendrait que des obligations
procédurales. Une telle interprétation viderait l’Accord de son objet et de son but. En
effet, il n’y aurait pas de sens à exiger de l’État qu’il fixe sa contribution au niveau le
5
plus élevé possible s’il n’était pas requis de lui qu’il mette en oeuvre les mesures
nécessaires pour l’atteindre15.
7. En effet, les Comores rappellent que l’article 4§2 contient également une obligation
substantielle de moyen, qui est une obligation de diligence de requise d’adopter les
« mesures internes pour l'atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites
contributions ». L’interprétation de cette disposition à la lumière de l’objet et du but de
l’Accord, à savoir la limitation de l’élévation de la température à 1.5 °C requiert de
considérer, comme l’a déjà fait le Tribunal international du droit de la mer dans son avis
du 21 mai 2024, qu’il s’agit d’une obligation de diligence renforcée16. Elle impose à
chaque État « de faire tout son possible, selon ses capacités et ses ressources »17, pour
prévenir, réduire et maîtriser la pollution résultant des émissions anthropiques de GES.
3. Question posée par M le juge Aurescu
« Certains participants ont fait valoir, dans leurs écritures et/ou lors de la phase orale de la
procédure, que le droit à un environnement propre, sain et durable existe en droit international.
Pourriez-vous expliciter, de votre point de vue, quel est le contenu juridique de ce droit et quelle
est sa relation avec les autres droits de l'homme que vous considérez pertinents aux fins du
présent avis consultatif ? »
Existence du droit à un environnement sain
1. Le droit à un environnement propre, sain et durable a, en droit international positif, un
fondement conventionnel et un fondement coutumier.
2. Tout d’abord, un nombre important de conventions internationales tant universelles que
régionales consacrent ce droit. Au plan universel, le droit à un environnement propre,
sain et durable est protégé par l’article 12, paragraphe 2(b) du Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 tel qu’interprété par le Comité des
droits économiques sociaux et culturels18. Il est également protégé par l’article 4§1 de
la Convention 169 de l’Organisation internationale de travail relative aux peuples
indigènes dans les pays indépendants et par la Convention relative aux droits de l’enfant
qui consacre en son article 24, le droit des enfants « au meilleur état de santé possible,
y compris compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel » et en
son article 29, leur droit à l’éducation au « respect de l’environnement naturel »19.
3. Au plan régional, le droit à un environnement propre, sain et durable est consacré à
l’article 24 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 ;
à l’article 11 du Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de
l'homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels du 17 novembre 1988 ; à
l’article 19 de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones du 15
15 Exposé écrit de la République Française, §55; de la Colombie, §3.30 ou encore des Seychelles, §54.
16 TIDM, Demande d'avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement
climatique et le droit international, Avis du 21 mai 2024, §241.
17 TIDM, Demande d'avis consultatif soumise par la Commission des petits États insulaires sur le changement
climatique et le droit international, Avis du 21 mai 2024, §241.
18 Observation générale n°14 du Comité relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 11 août 2000.
19 V. l’Observation générale n°26 du Comité des droits de l’enfant du 22 août 2023 énoncent l’obligation des États
d’adopter une approche de protection de l’environnement fondée sur les droits de l’enfant, en raison de sa situation
particulière de vulnérabilité face aux effets néfastes des changements climatiques.
6
juin 2016 ; à l’article 28(f) de la Déclaration des droits humains de l’Association des
nations d’Asie du Sud-Est du 18 novembre 2012 ; puis à l’article 38 de la Charte arabe
des droits de l’homme du 15 septembre 1994, telle que révisée le 15 janvier 2004.
4. Ensuite, les Comores soutiennent que le droit à un environnement propre, sain et durable
a désormais acquis une valeur coutumière. Il existe en effet une pratique claire et
concordante au sein des États et des organisations internationales : plus de 155 États ont
reconnu ce droit dans leur droit national dont 110 dans leur constitution20. Au total, plus
de 80% des États membres de l’ONU reconnaissent ce droit, définissant des obligations
contraignantes pour les gouvernements. David Boyd, ancien Rapporteur spécial sur la
question des obligations en matière de droits de l'homme liées à la jouissance d'un
environnement sûr, propre, sain et durable note qu’aucun autre droit humain n’a fait
l’objet d’une consécration nationale aussi rapide21. Par ailleurs nombre d’organisations
internationales le consacrent dans des instruments de droit interne22. Cette pratique
incontestable est complétée par l’opinio juris déduite de l’adoption et de la formulation
d’instruments relatifs à l’environnement ou aux droits humains qui consacrent le droit
à un environnement propre, sain et durable. L’Union des Comores cite à cet effet les
Déclarations de Stockholm de 1972 et de Rio de 1992, les résolutions du Conseil des
droits de l’homme, du 8 octobre 2021 ainsi que la résolution 76/300 du 28 juillet 2022
de l’Assemblée générale des Nations Unies qui proclament ce droit sans ambiguïté23.
Nature du droit à un environnement sain
5. Comme le rappelle la Cour interaméricaine des droits de l’homme, le droit à un
environnement propre, sain et durable est un droit subjectif autonome. Ce droit a par
essence, non seulement une dimension individuelle, mais également une dimension
collective et intergénérationnelle dans la mesure où il est dû aux individus, aux peuples,
mais également aux générations présentes et futures24. La mise en oeuvre du droit à un
environnement sain exige ainsi une prise en compte des intérêts des générations à venir
dans la détermination des mesures adéquates25.
6. Même s’il s’agit d’un droit autonome, il entretient avec les autres droits fondamentaux
une relation d’interdépendance. En effet, l’effectivité de ce droit est un « un élément
important de la jouissance des droits de l’homme »26. L’Assemblée générale des Nations
Unies a noté dans sa résolution 76/300 du 28 juillet 2022 que le droit à un environnement
propre, sain et durable ne fait pas simplement partie des droits humains. Il est également
20 Conseil des droits de l’homme, résolution 48/13 du 8 octobre 2021 et David Boyd, The human right to a clean,
healthy and sustainable environment: a catalyst for accelerated action to achieve the Sustainable Development
Goals, 10 August 2022, UN Doc A/77/284, 24-26.
21 David Boyd, “Catalyst for Change: Evaluating Forty Years of Experience in Implementing the Right to a Healthy
Environment” in John Knox and Ramin Pejan (eds), The Human Right to a Healthy Environment, CUP 2018, p.
18.
22 Par exemple Union européenne – Charte des droits fondamentaux art. 37 ; Nations Unies - Résolution de 2022
résolution 76/300 du 28 juillet 2022.
23 V. également les nombreuses résolutions sur l’environnement et les droits humains les autres résolutions sur
l’environnement et les droits de l’homme, notamment : Résolution 44/7 du 16 juillet 2020 ; Résolution 45/17 du
6 octobre 2020 ; Résolution 45/30 du 7 octobre 2020 ; Résolution 46/7 du 23 mars 2021.
24 Cour IADH, Environnement et droits humains, avis consultatif du 15 novembre 2017, OC-23/17,§§55-59.
25 Conseil des droits de l’homme, Droit à un environnement propre, sain et durable, 8 octobre 2021, UN Doc
A/HRC/RES/48/13, Préambule.
26 Conseil des droits de l’homme, Droit à un environnement propre, sain et durable, 8 octobre 2021, UN Doc
A/HRC/RES/48/13, Préambule.
7
« lié à d’autres droits et au droit international existant »27, en raison de
l’interdépendance et de l’indivisibilité des droits de l’homme. À cet égard, le Conseil
des droits de l’homme rappelle que :
« La protection de l’environnement, y compris les écosystèmes, facilitent et
favorisent le bien-être et la réalisation des droits humains des générations
actuelles et futures, notamment le droit à la vie, le droit de bénéficier du meilleur
état de santé physique et mentale possible et les droits à un niveau de vie
suffisant, à une nourriture suffisante, au logement, à l’eau potable et à
l’assainissement et à la participation à la vie culturelle »28.
7. Dès lors, en application des principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits de
l’homme, l’Union des Comores considère que les États responsables du dérèglement
climatique peuvent se voir opposer les obligations découlant du droit à un
environnement sain en ce que la garantie et le respect de ce droit conditionnent la
jouissance et l’exercice des autres droits de l’homme.
Contenu du droit à un environnement sain
8. Les obligations de respecter, de protéger et de réaliser le droit à un environnement
propre, sain et durable impliquent pour les États deux types d’obligations : des
obligations substantielles et des obligations procédurales.
Obligations substantielles
9. Le droit à un environnement propre, sain et durable implique des obligations négatives
d’abstention, exigeant pour les autorités de l’État de ne pas nuire à l’environnement,
mais également des obligations positives de prendre des mesures adéquates pour
garantir ce droit. Comme le rappelle la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples, les États doivent :
« take reasonable and other measures to prevent pollution and ecological
degradation, to promote conservation, and to secure an ecologically sustainable
development and use of natural resources ».29
10. Ces mesures contiennent l’adoption des normes internes pour prévenir les dommages à
l’environnement et réguler des activités potentiellement dommageables ; l’instauration
de mécanismes de suivi et de contrôle des activités conduites sous leur juridiction qui
seraient dangereuses pour l’environnement ; l’adoption de mécanismes de réaction
lorsque des dommages surviennent afin d’en atténuer les conséquences30.
11. Il s’agit d’obligations de moyens dont l’étendue est déterminée par le standard de
diligence31, c’est-à-dire en fonction des connaissances scientifiques, du niveau de risque
et des capacités à agir.
Obligations procédurales
27 Assemblée générale, Droit à un environnement propre, sain et durable, 28 juillet 2022, UN Doc A/RES/76/300,
§2.
28 Conseil des droits de l’homme, Droit à un environnement propre, sain et durable, 8 octobre 2021, UN Doc
A/HRC/RES/48/13, Préambule.
29 Commission ADHP, SERAC v Nigeria, §52.
30 Cour IADH, Environnement et droits humains, avis consultatif préc.
31 Cour IADH, Avis consultatif sur le droit à un environnement sain, §182 ; Cour IADH, Lhaka Honhat c.
Argentine, §208 ; Commentaires écrits du Chili, §50.
8
12. Au titre des obligations procédurales, le droit à un environnement propre, sain et durable
implique l’obligation de diligenter des études d’impact pour les activités susceptibles
de causer un dommage à l’environnement ; la participation des parties prenantes aux
processus de prise de décision ; l’information du public et la garantie des voies de
recours32.
4. Question posée par Mme la juge Charlesworth
“In your understanding, what is the significance of the declarations made by some States on
becoming parties to the UNFCCC and the Paris Agreement to the effect that no provision in
these agreements may be interpreted as derogating from principles of general international law
or any claims or rights concerning compensation or liability due to the adverse effects of
climate change?”
La valeur juridique des déclarations
1. L’Union des Comores rappelle que les articles 24 de la Convention-cadre et 27 de
l’Accord de Paris interdisent les réserves. Dès lors, les déclarations unilatérales
formulées par certains petits Etats insulaires et auxquelles la juge Charlesworth fait
référence dans sa question, ne peuvent être qualifiée que de déclarations interprétatives
au sens du guide de la pratique de la Commission du droit international de 201133. Elles
visent à préciser ou à clarifier le sens ou la portée de certaines dispositions de la
Convention-cadre et de l’Accord de Paris et non à en exclure ou modifier l’effet
juridique.
La complémentarité du régime général de responsabilité et du régime des pertes et préjudices
2. La plupart des participants à la procédure considèrent que le régime général de
responsabilité devrait trouver à s’appliquer en matière de dommages climatiques.
Néanmoins, une minorité considère au contraire qu’il existe en la matière une lex
specialis – composée notamment de l’article 8 de l’Accord de Paris – qui fait échec à
l’application du régime général34.
3. Or, comme les Comores l’ont démontré dans leur exposé oral, le droit du climat ne peut
pas être qualifié de lex specialis. En effet, votre Cour a, à deux reprises dans ses avis
sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires en 1996 et sur les
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé
en 2004, précisé que le principe de la lex specialis ne trouve à s’appliquer que dans le
cas de deux normes ayant une même valeur et portant sur le même sujet, mais entrant
en « véritable contradiction » l’une avec l’autre. En effet, comme l’a rappelé la
Commission du droit international :
32 V. notamment Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et
l'accès à la justice en matière d'environnement, Aarhus, 25 juin 1998 ; Accord régional sur l’accès à l’information,
la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et
dans les Caraïbes, Escazú, 4 mars 2018.
33 CDI, Guide de la pratique sur les réserves aux traités, 2011, Directive 1.2, Annuaire de la CDIl, 2011, vol.
II(2)
34 Voir notamment l’Observation écrite du Royaume-Uni, §§133-138.
9
« pour que le principe de la lex specialis s’applique, il ne suffit pas que le même
sujet soit traité par deux dispositions ; il doit y avoir une incohérence réelle entre
elles, ou alors une intention perceptible qu’une disposition exclut l’autre »35.
4. Tel n’est pas le cas ici dans la mesure où ni l'article 8 de l’Accord de Paris, ni les
décisions de COP ne prévoient de régime de responsabilité spécifique ni ne règle les
questions d’indemnisation et de réparation. Par ailleurs ces textes n'écartent pas
l’invocation du régime général de responsabilité36.
5. Dès lors, les Comores soutiennent que le mécanisme de pertes et préjudices issu du droit
du climat et le régime général de responsabilité pour fait internationalement illicite sont
complémentaires et s’appliquent simultanément.
6. Cette lecture est confortée par l’intention des parties à la Convention-cadre et à l’Accord
de Paris. L’intention des Parties à l’Accord de Paris est nettement exprimée dans la
décision n°1 de la COP 21 : « l’article 8 de l’Accord ne peut donner lieu ni servir de
fondement à aucune responsabilité ni indemnisation »37. Cette intention de créer un
régime de pertes et préjudices distinct du régime général de responsabilité ressort
également des déclarations formulées par certains États insulaires à l’occasion de leur
signature ou de leur ratification de la Convention-cadre38 ou de l’Accord de Paris39.
Dans ces déclarations, les auteurs expriment clairement qu’aucune disposition de ces
instruments « ne peut être interprétée comme dérogeant aux principes du droit
international général ou à toute réclamation ou à tout droit concernant l’indemnisation
en raison des effets des changements climatiques »40. Par ailleurs, aucune déclaration
soutenant l’idée inverse n’a été formulée au moment de la signature ou de la ratification
de ces instruments, démontrant sans équivoque un consensus sur cette question.
35 CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y
relatifs, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II(2), p. 385.
36 Conférence des États Parties, Décision 2/CP.19 - Mécanisme international de Varsovie relatif aux pertes et
préjudices liés aux incidences des changements climatiques, FCCC/CP/2023/10/Add.1, 2013, §5 et Conférences
des États Parties, Décision 1/CP.21 - Adoption de l’Accord de Paris, FCCC/CP/2015/10/Add.1, 2015, §51.
37 Conférences des États Parties, Décision 1/CP.21 - Adoption de l’Accord de Paris, FCCC/CP/2015/10/Add.1,
2015, §51.
38 V. les Déclarations formulées par les Fidji, le Kiribati, Nauru, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Tuvalu.
39 V. les Déclarations formulées par les Îles Cook, les Îles Marshall, les Îles Salomon, la Micronésie (États fédérés
de), Nauru, Nioué, les Philippines, Tuvalu et le Vanuatu.
40 V. la Déclaration formulée par les Îles Cook.
Réponse écrite des Comores aux questions posées par Mme la juge Cleveland, MM. les juges Tladi et Aurescu et Mme la juge Charlesworth au terme de l'audience tenue le 13 décembre 2024