Déclaration conjointe de l'Allemagne, le Canada, le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Unis

Document Number
178-20231115-WRI-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File

1
DÉCLARATION D’INTERVENTION CONJOINTE
DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE, DU CANADA, DU ROYAUME
DU DANEMARK, DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, DU ROYAUME DES PAYSBAS
ET DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD
en application de l’article 63 du Statut de la Cour internationale de Justice
en l’affaire relative à
L’APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION ET LA
RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(Gambie c. Myanmar)
À Monsieur le Greffier de la Cour internationale de Justice (ci-après dénommée la
« Cour »), les soussignés, dûment autorisés par la République fédérale d’Allemagne, le Canada,
le Royaume du Danemark, la République française, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-
Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, déclarent ce qui suit :
1. Au nom de la République fédérale d’Allemagne (ci-après dénommée l’« Allemagne »),
du Canada, du Royaume du Danemark (ci-après dénommée le « Danemark »), de la
République française (ci-après dénommée la « France »), du Royaume des Pays-Bas (ci-après
dénommé les « Pays-Bas »), du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ciaprès
dénommé le « Royaume-Uni »), ci-après dénommés conjointement les « déclarants »,
nous avons l’honneur de soumettre à la Cour une déclaration d’intervention conjointe en vertu
du droit établi au paragraphe 2 de l’article 63 de son Statut (ci-après dénommé le « Statut ») en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Gambie c. Myanmar).
2. Selon le paragraphe 2 de l’article 82 du Règlement de la Cour (ci-après dénommé le
« Règlement »), un État qui désire se prévaloir du droit d’intervention que lui confère
l’article 63 du Statut doit préciser l’affaire et la convention concernées par sa déclaration,
laquelle doit contenir :
(a) des renseignements spécifiant sur quelle base l’État déclarant se considère
comme partie à la convention ;
(b) l’indication des dispositions de la convention dont il estime que l’interprétation
est en cause ;
(c) un exposé de l’interprétation qu’il donne de ces dispositions ;
(d) un bordereau des documents à l’appui, qui sont annexés.
3. Ces différents éléments sont abordés l’un après l’autre ci-dessous après quelques
observations préliminaires.
I. Observations préliminaires
4. Le 11 novembre 2019, la République de Gambie (ci-après dénommée la « Gambie ») a
introduit une instance contre la République de l’Union du Myanmar (ci-après dénommée le
2
« Myanmar ») relative à un différend concernant la violation par cette dernière de la
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide1 (ci-après dénommée la
« Convention sur le génocide »)2 .
5. Dans sa requête introductive d’instance, la Gambie considère que le Myanmar « est
responsable de violations des obligations mises à sa charge par la convention sur le génocide,
notamment celles qui sont énoncées aux articles premier, III, IV, V et VI3 ».
6. Le 24 janvier 2020, en application du paragraphe 1 de l’article 63 du Statut, le Greffier
a averti les déclarants, en leur qualité d’États parties à la Convention sur le génocide, que la
Gambie « entend fonder la compétence de la Cour sur la clause compromissoire figurant à
l’article IX de cet instrument […] et affirme que le défendeur a violé les articles I, III, IV, V
et VI de la Convention. Il semble, dès lors, que l’interprétation de cet instrument pourrait être
en cause en l’affaire4 ».
7. Par la présente déclaration, les déclarants se prévalent conjointement du droit
d’intervenir dans le différend entre la Gambie et le Myanmar en vertu du paragraphe 2 de
l’article 63 du Statut, en leur qualité d’États parties à la Convention sur le génocide.
8. La Cour a reconnu que l’article 63 confère un droit d’intervention5, lorsque l’État
concerné limite son intervention à « la question d’interprétation qui se pose dans l’affaire en
cause et que ce droit n’autorise pas une intervention générale en l’affaire6 ». La Cour a
également établi que, « dans les cas relevant de l’article 63 du Statut, l’objet limité de
l’intervention est de permettre à un État tiers au procès, mais partie à une convention dont
l’interprétation est en cause dans celui-ci, de présenter à la Cour ses observations sur
l’interprétation de ladite convention7 ».
9. En outre, conscientes du caractère de jus cogens de l’interdiction du génocide8 ainsi
que de la nature erga omnes partes des obligations découlant de la Convention sur le génocide,
tous les États parties ont un intérêt commun à la réalisation des fins supérieures de ladite
convention. Dans son ordonnance relative aux mesures conservatoires dans l’affaire d’espèce,
1 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, Nations Unies, Recueil
des Traités, vol. 78, p. 277 (entrée en vigueur le 12 janvier 1951).
2 Requête introductive d’instance enregistrée au Greffe de la Cour le 11 novembre 2019, Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar).
3 Ibid., par. 111.
4 Lettres du Greffier de la Cour en date du 24 janvier 2020 à l’attention des ambassadeurs de l’Allemagne, du
Canada, du Danemark, de la France et du Royaume-Uni auprès du Royaume des Pays-Bas et du ministre des
Affaires étrangères des Pays-Bas.
5 Haya de la Torre (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 76 ; Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981, p. 13, par. 21 ;
Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande,
ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 3, par. 7.
6 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1981,
p. 15, par. 26.
7 Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon), déclaration d’intervention de la Nouvelle-Zélande,
ordonnance du 6 février 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 3, par. 7.
8 Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), Compétence de la Cour et recevabilité de la requête, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64.
3
la Cour a fait la déclaration suivante concernant les intérêts de tous les États parties à la
Convention sur le génocide :
La Cour rappelle que, dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur les Réserves à la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, elle a observé que
« [d]ans une telle convention, les États contractants n’ont pas d’intérêts propres ; ils ont
seulement, tous et chacun, un intérêt commun, celui de préserver les fins supérieures qui
sont la raison d’être de la convention. » […] En raison des valeurs qu’ils partagent, tous
les États parties à la Convention sur le génocide ont un intérêt commun à assurer la
prévention des actes de génocide et, si de tels actes sont commis, à veiller à ce que leurs
auteurs ne bénéficient pas de l’impunité. Cet intérêt commun implique que les obligations
en question s’imposent à tout État partie à la Convention à l’égard de tous les autres États
parties9.
10. C’est dans ce contexte que les déclarants, en leur qualité d’États parties à la Convention
sur le génocide, présentent leur déclaration conjointe d’intervention. Compte tenu de leur
intérêt commun à la réalisation des fins supérieures de la Convention et de leur intérêt
subséquent à sa bonne interprétation, les déclarants souhaitent se prévaloir de leur droit
d’intervention en l’affaire d’espèce dans le seul but de faire valoir devant la Cour leur
interprétation des dispositions applicables de la Convention.
11. Dans une lettre au greffier en date du 11 novembre 2020, le Canada et les Pays-Bas ont
informé la Cour de leur intention d’intervenir conjointement et ont demandé que leur soient
communiquées des copies des pièces de procédure et documents qui seraient déposés en
l’affaire10. La Cour a décidé de ne pas accéder à cette demande11. Par conséquent, les déclarants
se réservent le droit de modifier ou de compléter la présente déclaration et toute observation
écrite y afférente s’ils le jugent nécessaire en fonction de l’évolution de la procédure.
12. La présente déclaration a été déposée le plus tôt possible, et en tout état de cause à une
date précédant largement celle fixée pour l’ouverture de la procédure orale, conformément au
paragraphe 1 de l’article 82 du Règlement.
II. Affaire en laquelle est déposée la déclaration et convention concernée
13. La présente déclaration conjointe concerne l’affaire Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide dont l’instance a été introduite
le 11 novembre 2019 par la Gambie contre le Myanmar. Cette affaire concerne l’interprétation,
l’application et le respect de la Convention sur le génocide.
9 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 3, par. 41. Voir aussi Application
de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar), exceptions
préliminaires, arrêt du 22 juillet 2022, C.I.J. Recueil 2022, p. 477, par. 106-107.
10 Lettre des gouvernements du Canada et des Pays-Bas en date du 11 novembre 2020 à l’attention du Greffier de
la Cour.
11 Lettre du Greffier de la Cour en date du 27 novembre 2020 à l’attention des gouvernements du Canada et des
Pays-Bas.
4
14. En leur qualité d’États parties à ladite convention, les déclarants ont un intérêt commun
à l’interprétation de la convention faisant l’objet de l’instance introduite par la Gambie.
Conformément au paragraphe 2 de l’article 63 du Statut, les déclarants exercent en
conséquence leur droit d’intervenir dans cette procédure. La déclaration conjointe s’intéresse
à la question de l’interprétation de la Convention sur le génocide qui se pose dans l’affaire
d’espèce.
III. Base sur laquelle les déclarants sont États parties à la Convention sur le
génocide
15. Conformément à l’article XI de la Convention sur le génocide :
(a) le Canada a signé la Convention le 28 novembre 1949 et a déposé son instrument
de ratification auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 3 septembre 1952 ;
(b) le Danemark a signé la Convention le 28 septembre 1949 et a déposé son instrument
de ratification auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 15 juin 1951 ;
(c) la France a signé la Convention le 11 décembre 1948 et a déposé son instrument de
ratification auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 14 octobre 1950 ;
(d) l’Allemagne a signé la Convention le 9 octobre 1954 et a déposé son instrument
d’adhésion auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 24 novembre 1954 ;
(e) les Pays-Bas ont déposé leur instrument d’adhésion à la Convention sur le génocide
auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 20 juin 1966 ; et
(f) le Royaume-Uni a déposé son instrument d’adhésion à la Convention sur le
génocide auprès du Secrétaire général des Nations Unies le 30 janvier 1970.
16. La Convention sur le génocide est entrée en vigueur pour les déclarants le quatre-vingtdixième
jour suivant la date de dépôt de leurs instruments de ratification ou d’adhésion. Dès
lors, les déclarants sont bel et bien États parties à ladite Convention. Aucun des déclarants n’a
déposé de réserve concernant la Convention.
IV. Dispositions de la Convention sur le génocide qui sont en cause en l’espèce
17. La Gambie affirme dans sa requête qu’il y a eu violation de la Convention sur le
génocide du fait d’« actes adoptés, accomplis ou tolérés par le Gouvernement du Myanmar
dont sont l’objet les membres du groupe rohingya12 ». Elle affirme en particulier ce qui suit :
aux alentours du mois d’octobre 2016, […] l’armée du Myanmar (connue sous le nom
de « Tatmadaw ») et d’autres forces de sécurité du pays ont commencé à mener contre
ce groupe des « opérations de nettoyage » — expression que le Myanmar lui-même
utilise — généralisées et systématiques. Les actes de génocide commis dans le cadre de
ces opérations visaient à détruire en tout ou en partie les Rohingya en tant que groupe
par des meurtres de masse, des viols et d’autres formes de violence sexuelle, ainsi que
par la destruction systématique de leurs villages par le feu, souvent alors que les
habitants étaient enfermés dans leur maison. Depuis août 2017, avec la reprise par le
12 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Gambie c. Myanmar),
requête introductive d’instance, 11 novembre 2019, par. 2.
5
Myanmar de ses « opérations de nettoyage », ces actes de génocide se poursuivent de
manière plus massive et à une plus grande échelle sur le plan géographique13.
18. Dans sa requête, la Gambie affirme également que le Myanmar « est responsable de
violations des obligations mises à sa charge par la convention sur le génocide, notamment celles
qui sont énoncées aux articles premier, III, IV, V et VI14 ».
19. Compte tenu de ce qui précède, se pose en l’espèce la question de la juste interprétation
des articles premier, II, IV, V et VI de la Convention sur le génocide, qui concerne directement
la résolution du différend soumis à la Cour par la Gambie.
20. Ces articles disposent ce qui suit :
Article premier
Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de
paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à
prévenir et à punir.
Article II
Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ciaprès,
commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa
destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Article IV
Les personnes ayant commis le génocide ou l’un quelconque des autres actes énumérés
à l’article III seront punies, qu’elles soient des gouvernants, des fonctionnaires ou des
particuliers.
Article V
Les Parties contractantes s’engagent à prendre, conformément à leurs constitutions
respectives, les mesures législatives nécessaires pour assurer l’application des
dispositions de la présente Convention, et notamment à prévoir des sanctions pénales
efficaces frappant les personnes coupables de génocide ou de l’un quelconque des
autres actes énumérés à l’article III.
Article VI
Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des autres actes énumérés
à l’article III seront traduites devant les tribunaux compétents de l’État sur le territoire
13 Ibid., par. 6.
14 Ibid., par. 111.
6
duquel l’acte a été commis, ou devant la Cour criminelle internationale qui sera
compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction.
V. Interprétation donnée par les déclarants des dispositions en cause
21. Les déclarants fondent leur interprétation de la Convention sur le génocide sur les règles
générales d’interprétation des traités figurant aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne
sur le droit des traités (ci-après dénommée la « CVDT »)15. Conformément à l’alinéa b) du
paragraphe 3 de l’article 31 de la CVDT, cette interprétation doit tenir compte des pratiques
ultérieurement suivies par les parties au traité dans la mesure où ces pratiques établissent
l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité, ainsi que de toute règle pertinente de
droit international applicable dans les relations entre les parties. Conformément à l’article 32
de la CVDT, il peut être fait appel, dans certaines circonstances, à des moyens complémentaires
d’interprétation, et notamment aux travaux préparatoires du traité.
22. Conformément à l’article 3 de l’article 31 de la CVDT, les déclarants appuieront leur
interprétation sur d’autres règles pertinentes de droit international applicables entre les parties
au différend, y compris le droit international conventionnel et le droit international coutumier.
Les déclarants s’appuieront également sur les décisions des cours et tribunaux internationaux
comme moyen auxiliaire d’interprétation, conformément à l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article 38 du Statut.
A. Interprétation de l’article II de la Convention sur le génocide
1. Actes sous-jacents au crime de génocide
(a) Des actes autres que le meurtre peuvent constituer un génocide
23. Correctement interprété, l’article II de la Convention sur le génocide dit clairement que
d’autres actes que le meurtre peuvent constituer un génocide.
24. Le litt. a) de l’article II de la Convention sur le génocide précise que l’un des actes
sous-jacents au crime de génocide est le « [m]eurtre de membres du groupe ». Les autres actes
abominables qui figurent aux litt. b) à e) constituent les autres actes sous-jacents au crime de
génocide. Le fait que le « meurtre » soit l’un des actes par lesquels, en vertu du litt. a) de
l’article II, le génocide peut être commis indique clairement que le meurtre n’est pas une
condition nécessaire pour que le génocide soit constitué ; il peut également s’entendre des actes
qui entrent dans le champ de l’un des autres litterae de l’article II. Partant, la Convention sur
le génocide s’applique à des actes autres que le meurtre, notamment à des actes de violence
sexuelle et sexiste, ainsi qu’à d’autres actes entraînant une atteinte grave à l’intégrité physique
ou mentale, tels que la torture et les déplacements forcés, pour autant que soient présents les
autres éléments constitutifs du crime de génocide. Ces actes doivent être considérés comme
faisant partie d’une campagne de génocide.
15 Convention de Vienne sur le droit des traités (Vienne, 1969), Recueil des traités des Nations Unies, v. 1155,
p. 331.
7
25. Il n’existe pas de hiérarchie entre les actes sous-jacents au crime de génocide et il faut
souligner la pertinence juridique de tous les actes commis à l’encontre d’un groupe protégé.
Une interprétation restrictive d’un acte sous-jacent au crime de génocide ne permet pas de
comprendre la manière dont les meurtres et les autres actes sous-jacents peuvent se cumuler
dans le cadre d’une stratégie coordonnée de destruction d’un groupe protégé. À cet égard, le
Tribunal pénal international pour le Rwanda (ci-après dénommé le « TPIR ») a établi dans
l’affaire le Procureur c. Akayesu (ci-après dénommée l’affaire « Akayesu ») que
« contrairement à l’idée couramment répandue, le crime de génocide n’est pas subordonné à
l’anéantissement de fait d’un groupe tout entier, mais s’entend dès lors que l’un des actes visés
à l’article 2(2)a) à 2(2)e) a été commis dans l’intention spécifique de détruire “tout ou partie”
d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux16 ».
(b) Les actes sous-jacents au crime de génocide peuvent prendre la forme de violences
sexuelles et sexistes
26. Il est clairement établi que les violences sexuelles et sexistes peuvent constituer des
actes sous-jacents au crime de génocide17. Dans l’affaire Akayesu, le TPIR a souligné que les
viols et les violences sexuelles peuvent constituer des actes sous-jacents au crime de génocide,
au même titre que d’autres actes entrant dans le champ de l’un des litterae de l’article II, s’ils
ont été commis dans l’intention spécifique de détruire, en tout ou en partie, un groupe
spécifique, ciblé en tant que tel18.
27. Les violences sexuelles sont souvent un élément fondamental des campagnes de
génocide en raison de leurs conséquences dévastatrices sur les femmes, les familles et les
populations. Les victimes sont souvent très stigmatisées et ce type de violences peut être utilisé
pour humilier, dominer, intimider, disperser ou réinstaller de force les membres d’un groupe
visé19.
28. De toute évidence, lorsque des violences sexuelles et sexistes entraînent la mort, elles
peuvent entrer dans le champ du litt. a) de l’article II de la Convention sur le génocide dès lors
qu’elles s’accompagnent ou qu’elles apportent la preuve de l’intention spécifique requise. Les
observations présentées ci-dessous concernent les violences sexuelles et sexistes en tant
qu’actes sous-jacents au crime de génocide visés aux litt. b) à d) de l’article II.
16 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 497 [nous soulignons].
17 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 158 et 166 ; Application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie et Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 43, par. 300-
302 ; Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 731.
18 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 731.
19 La résolution 1820 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité
du 19 juin 2008 constate que les femmes et les filles sont « particulièrement victimes de la violence sexuelle
utilisée notamment comme arme de guerre pour humilier, dominer, intimider, disperser ou réinstaller de force les
membres civils d’une communauté ou d’un groupe ethnique » (alinéa 4 du préambule). La résolution reconnaît
que le viol et d’autres formes de violence sexuelle « peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre
l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide » (par. 4).
8
Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale (litt. b) de l’article II de la Convention sur le
génocide)
29. Selon le litt. b) de l’article II de la Convention sur le génocide, l’« [a]tteinte grave à
l’intégrité physique ou mentale de membre du groupe » constitue un type d’actes sous-jacents
au crime de génocide. Les déclarants estiment que, pour ce qui est de l’interprétation, les
violences sexuelles et sexistes sont susceptibles d’entrer dans le champ de cette disposition, en
particulier pour les raisons suivantes : (a) les violences sexuelles et sexistes constituent
incontestablement une « atteinte » ; (b) cette atteinte peut être « physique », « mentale » ou les
deux à la fois ; et (c) cette atteinte est, par définition, presque toujours « grave ».
30. La Cour a également reconnu que « le viol et d’autres actes de violence sexuelle sont
susceptibles de constituer l’élément matériel du génocide au sens du litt. b) de l’article II de la
Convention20 ». Dans l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro, la Cour s’est
référée, à l’appui de cette interprétation, à un passage de l’affaire Akayesu où le TPIR a reconnu
spécifiquement que le viol et la violence sexuelle peuvent entraîner une « grave » atteinte
« physique » et « mentale » au sens du litt. b) de l’article II :
En effet, les viols et violences sexuelles constituent indubitablement des atteintes graves
à l’intégrité physique et mentale des victimes et sont même, selon la Chambre, l’un des
pires moyens d’atteinte à l’intégrité des victimes, puisque cette dernière est doublement
attaquée : dans son intégrité physique et dans son intégrité mentale21.
31. Dans l’affaire Akayesu, le TPIR a également affirmé que « le viol est utilisé à des fins
d’intimidation, de dégradation, d’humiliation, de discrimination, de sanction, de contrôle ou de
destruction d’une personne22 » et souligné que de tels actes constituent une atteinte grave à
l’intégrité mentale.
Conditions d’existence devant entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe
(litt. c) de l’article II de la Convention sur le génocide)
32. Selon le litt. c) de l’article II, la « [s]oumission intentionnelle du groupe à des
conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » constitue
un type d’actes sous-jacents au crime de génocide. Les déclarants estiment que le fait de
commettre des violences sexuelles et sexistes est susceptible d’entrer dans le champ de cette
disposition, comme la Cour l’a déjà reconnu23.
33. Prise dans son sens ordinaire, l’expression « destruction physique » utilisée au litt. c)
de l’article II ne renvoie pas uniquement au cas où la soumission de membres du groupe à ces
20 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 158. Voir également Application de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie et Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 43,
par. 300-302.
21 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 731
22 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 597.
23 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 161 et 166.
9
« conditions d’existence » entraîne leur mort de manière immédiate. En effet, dans l’affaire
Kayeshima, le TPIR a déterminé que, même si le viol « n’entraîn[e] pas immédiatement la mort
des membres du groupe », il peut malgré tout constituer un moyen de soumettre le groupe à
des conditions d’existence devant entraîner sa destruction totale ou partielle au sens du litt. c)
de l’article II24.
Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe (litt. d) de l’article II de la
Convention sur le génocide)
34. En vertu du litt. d) de l’article II, les « [m]esures visant à entraver les naissances au sein
du groupe » constituent un acte sous-jacent au crime de génocide. La Cour a clairement établi
que le viol et les violences sexuelles pouvaient constituer des mesures visant à entraver les
naissances au sens du litt. d) de l’article II de la Convention sur le génocide25.
35. De toute évidence, il peut être dit d’une mesure créant des obstacles d’ordre physique
à la reproduction qu’elle « entrav[e] les naissances ». Les tribunaux pénaux internationaux ont
établi que les mesures visant à diminuer la capacité du groupe à « se reproduire
normalement26 » entrent dans le champ du litt. d) de l’article II, ce qui doit également être le
cas des mesures portant atteinte aux capacités reproductives d’ordre physique.
36. En outre, les tribunaux pénaux internationaux ont déterminé que les « [m]esures »
figurant au litt. d) de l’article II « peuvent être d’ordre physique, mais aussi d’ordre mental27 »,
raison pour laquelle, dans l’affaire Akayesu, le TPIR a dressé la liste des mesures visant à
entraver les naissances au sein du groupe, liste composée de mesures ciblant non seulement la
capacité physique de procréer mais également, sur le plan mental, la volonté de le faire. Le
TPIR inclut dans cette liste le viol, la mutilation sexuelle, la pratique de la stérilisation,
l’utilisation forcée de moyens contraceptifs, la séparation des sexes, l’interdiction des
mariages, l’ensemencement d’une femme dans le but de priver son enfant de l’appartenance au
groupe de sa mère (grossesse forcée) et les traumatismes mentaux amenant la victime à ne plus
vouloir procréer28. Le TPIR a notamment fait observer que « le viol peut être une mesure visant
à entraver les naissances lorsque la personne violée refuse subséquemment de procréer, de
même que les membres d’un groupe peuvent être amenés par menaces ou traumatismes infligés
à ne plus procréer29 ».
37. Les déclarants estiment également qu’il faut prendre en considération, lorsque l’on
détermine le rôle joué par le viol et les violences sexuelles en tant que mesures visant à entraver
les naissances, l’environnement culturel et social dans lequel ils sont commis. Le contexte
culturel et social peut être pertinent pour déterminer les conséquences des viols et des violences
24 Procureur c. Kayeshima et Ruzindana, (affaire no ICTR-95-1-T), 21 mai 1999, par. 116.
25 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 166
26 Procureur c. Popović, (affaire n° IT-05-88-T), 10 juin 2010, par. 855.
27 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 508. Voir également Procureur
c. Rutaganda, (affaire no ICTR-96-3-T), 6 décembre 1999, par. 53.
28 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 507-508.
29 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 508.
10
sexuelles sur les victimes et le rôle qu’ils jouent dans le cadre de mesures visant à entraver les
naissances30.
(c) Les actes sous-jacents au crime de génocide doivent être évalués différemment
lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’enfants
38. Pour déterminer si un acte spécifique constitue un acte sous-jacent au crime de génocide
lorsqu’il est commis à l’encontre d’enfants, il faut prendre en compte les répercussions
spécifiques de cet acte sur les enfants. Les déclarants expriment, dans leur argumentaire cidessous,
leur point de vue quant à la manière dont l’article II devrait être interprété lorsque des
enfants sont concernés.
« Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale » d’enfants (litt. b) de l’article II de la
Convention sur le génocide)
39. Les déclarants soutiennent que l’expression « atteinte grave à l’intégrité physique ou
mentale » devrait, lorsqu’il s’agit d’enfants, être interprétée compte tenu des besoins et des
vulnérabilités qui leur sont propres. La Cour a établi que, pour que l’atteinte puisse être
qualifiée de « grave », elle « doit être telle qu’elle contribue à la destruction physique ou
biologique du groupe, en tout ou en partie31. » Le Tribunal pénal international pour l’ex-
Yougoslavie (ci-après dénommé le « TPIY ») a adopté une approche similaire dans l’affaire le
Procureur c. Tolimir32. Les déclarants estiment que, lorsqu’il est question d’apprécier la
« gravité » d’un acte ou de savoir s’il contribue à la destruction physique ou biologique d’un
groupe, il est nécessaire de prendre en compte non seulement la nature de cet acte, mais
également la situation ou la position spécifique dans laquelle se trouvent les victimes, en
particulier lorsqu’il s’agit d’enfants, dont le degré de vulnérabilité est plus élevé. Cette plus
grande vulnérabilité est reconnue dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de
l’enfant : « Ayant présent à l’esprit que, comme indiqué dans la Déclaration des droits de
l’enfant, “l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin
d’une protection spéciale et de soins spéciaux” ».
40. En particulier, les déclarants estiment que le degré requis pour caractériser une
« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale » est inférieur lorsque la victime est un enfant.
Ainsi, certains actes, dont le degré de « gravité » ne serait pas suffisant ou dont on estimerait
qu’ils ne contribuent pas à la destruction physique ou biologique d’un groupe lorsqu’ils sont
commis à l’encontre d’adultes, pourraient être qualifiés de grave ou de facteur contribuant à
une telle destruction lorsque les victimes sont des enfants. Il importe de recourir à une
interprétation tenant compte du fait qu’une atteinte « hypoth[équant] gravement et durablement
30 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 507. Dans cette affaire, le TPIR a
également souligné les conséquences sociales et culturelles du viol au Rwanda, en déclarant que « [d]ans le
contexte de sociétés patriarcales, où l’appartenance au groupe est dictée par l’identité du père, un exemple de
mesure visant à entraver les naissances au sein d’un groupe est celle du cas où, durant un viol, une femme dudit
groupe est délibérément ensemencée par un homme d’un autre groupe, dans l’intention de l’amener à donner
naissance à un enfant, qui n’appartiendra alors pas au groupe de la mère ».
31 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 157.
32 Procureur c. Tolimir, (affaire no IT-05-88/2-A), Chambre d’appel, 8 avril 2015, par. 201-202, et (affaire no IT-
05-88/2-T), Chambre de première instance, 12 décembre 2012, par. 738.
11
la capacité de la victime à mener une vie normale et fructueuse33 » peut-être différente pour un
enfant et pour un adulte.
Enfants et soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle (litt. c) de l’article II de la Convention sur le
génocide)
41. La Cour a déjà établi que le « litt. c) de l’article II de la Convention concerne les modes
de destruction physique, autres que le meurtre, par lesquels l’auteur vise, à terme, la mort des
membres du groupe34 ». De tels moyens comprennent, de l’avis du TPIR, « la soumission d’un
groupe de personnes à un régime alimentaire de subsistance, l’expulsion systématique des
logements, la réduction des services médicaux nécessaires en deçà du minimum35 ».
42. Les déclarants affirment que, à l’instar du litt. b) de l’article II de la Convention sur le
génocide, les conditions de vie entraînant la destruction physique de membres du groupe
dépendent des caractéristiques des membres dudit groupe. Concernant la question de la
privation de nourriture ou l’imposition d’un régime alimentaire de subsistance, il conviendrait
d’observer que les quantités de nourriture qui conduiraient au décès d’un adulte sont différentes
de celles qui conduiraient à celui d’un enfant. De même, les besoins médicaux d’un enfant
diffèrent de ceux d’un adulte, et il est nécessaire de prendre en compte ces différences afin
d’estimer si l’absence de certains services médicaux est constitutive de la soumission à des
conditions de vie entraînant la destruction de membres spécifiques du groupe.
43. S’agissant des déplacements forcés, si le déplacement forcé de membres d’un groupe
ne constitue pas, de manière isolée, un acte sous-jacent au crime de génocide (voir infra), la
Cour a estimé que de tels déplacements peuvent « interv[enir] dans des conditions telles qu’ils
[doivent] entraîner la destruction physique du groupe », et affirmé que « [l]es circonstances
dans lesquelles se sont réalisés les déplacements forcés en question sont déterminantes à cet
effet36 ». Les circonstances du déplacement forcé peuvent être telles qu’il apparaît finalement
évident qu’il doit entraîner et qu’il entraînera la mort et la destruction physique de membres du
groupe, même dans le cas où un tel déplacement n’a pas entraîné la mort d’adultes. En outre,
une situation où des enfants ne peuvent pas survivre est susceptible d’entraîner l’incapacité du
groupe à se régénérer, ce qui entre dans le champ du litt. c) de l’article II.
(d) Les déplacements forcés peuvent conduire à un acte sous-jacent au crime de
génocide
44. Les déplacements forcés comprennent les déplacements physiques et la déportation de
membres du groupe par l’auteur, ainsi que le déplacement de membres du groupe provoqué par
d’autres actes de l’auteur. Les actes de l’auteur tels que les mauvais traitements, les
33 Procureur c. Krajišnik (affaire no IT-00-39-T, Chambre de première instance, 27 septembre 2006, par. 862, cité
dans Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 157.
34 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 161.
35 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 506.
36 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 163.
12
persécutions ou des formes de violence comme la violence sexuelle et sexiste, qui incitent des
membres du groupe à fuir un endroit peuvent constituer un déplacement forcé. Selon les
circonstances, ce déplacement peut conduire à un acte sous-jacent au crime de génocide (voir
infra) et constituer une preuve d’intention spécifique comme énoncé au litt. e de la section 2
de la présente déclaration conjointe.
45. Si le déplacement forcé de personnes ne constitue pas en soi l'un des actes sous-jacents
au crime de génocide énumérés, les déclarants affirment que, en interprétant correctement la
Convention sur le génocide, le déplacement forcé peut, en fonction des faits, conduire à des
actes sous-jacents au crime de génocide énoncés aux litt. b) et c) de l’article II de la Convention
sur le génocide.
46. Concernant le litt. b) de l’article II, le TPIY a fait observer que les déplacements forcés
peuvent, en fonction des circonstances de l’espèce, provoquer une atteinte grave à l’intégrité
mentale, en hypothéquant gravement et durablement la capacité de la victime à mener une vie
normale et fructueuse, de telle sorte que cette atteinte contribue, ou tend à contribuer, à la
destruction du groupe ou d’une partie de celui-ci37.
47. S’agissant du litt. c) de l’article II, la Cour a déterminé que la soumission intentionnelle
du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle concerne les modes de destruction physique, autres que le meurtre, par lesquels
l’auteur vise, à terme, la mort des membres du groupe, notamment par l’expulsion de leurs
logements38. Il convient de souligner que la possibilité de détruire un groupe protégé ne repose
pas uniquement sur les effets immédiats des actes d’un auteur. L’auteur peut autoriser certains
membres du groupe à fuir, mais si ces membres sont par la suite soumis à des conditions de vie
devant entraîner leur destruction physique, ces actes peuvent relever du champ du litt. c) de
l’article II de la Convention sur le génocide.
2. Intention spécifique de détruire un groupe en tant que tel, en tout ou en partie
(a) Cadre permettant d’établir l’intention spécifique
48. Le génocide se distingue d’autres crimes par le critère que l’auteur doit, lorsqu’il
commet un ou plusieurs actes sous-jacents au crime de génocide, avoir l’intention de détruire
un groupe protégé, en tout ou en partie. Comme l’a noté la Cour, l’intention spécifique est « la
composante propre du génocide, qui le distingue d’autres crimes graves39 ». Dans sa
jurisprudence, la Cour a recensé des facteurs qui participent à l’interprétation de cette
37 Procureur c. Tolimir, (affaire no IT-05-88-A), 8 avril 2015, par. 209. De manière similaire, dans l’affaire
Procureur c. Karadžić, (affaire no IT-95-5/18-T), 24 mars 2016, la Chambre de première instance a établi que,
bien que le transfert forcé ne constitue pas en soi un acte de génocide, il est susceptible, en fonction des
circonstances de l’espèce, d’entraîner une atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale constitutive d’un acte
de génocide en vertu de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’article 4 (par. 545).
38 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 161. Voir également Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T),
2 septembre 1998, par. 506.
39 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 132.
13
« caractéristique spécifique ». Trois aspects énumérés ci-dessous revêtent une importance
particulière.
49. Premièrement, les déclarants soutiennent que l’intention spécifique peut être établie sur
le fondement d’une preuve circonstancielle. Dans ce contexte, dans l’affaire Croatie c. Serbie,
la Cour a noté l’accord des Parties sur le fait que « le dolus specialis peut être établi par preuve
indirecte, c’est-à-dire déduit ou inféré de certains comportements40 ». Aussi bien dans cette
affaire que dans l’affaire Bosnie c. Serbie, la Cour est allée très loin pour déterminer si cette
intention spécifique pouvait être inférée. L’approche de la Cour dans ces deux affaires reflète
une caractéristique générale de la jurisprudence concernant le génocide : si des « plans
généraux » ou des mesures officielles du gouvernement peuvent établir une preuve directe,
l’intention génocidaire est rarement formulée de manière expresse. Dans l’affaire Croatie c.
Serbie, les Parties « estiment qu’une telle intention s’exprimera rarement de manière
expresse41 ». De même, les chambres de première instance et d’appel du TPIY ont noté
respectivement que « [l]es signes de l’intention génocidaire sont rarement manifestes42, » et
que « de par sa nature même, l’intention génocidaire est généralement difficile à établir de
façon directe43 ».
50. Les déclarants s’accordent sur ces observations, qui soulignent à juste titre que la
preuve circonstancielle aura en général une grande importance s’agissant de déduire l’intention
spécifique. Les cours et tribunaux internationaux doivent garder cela à l’esprit lorsqu’ils
statuent sur des allégations de génocide et doivent s’appuyer dans leur approche sur les critères
régissant l’évaluation de la preuve. À cet égard, la Cour a identifié des éléments du critère
permettant de déduire l’intention spécifique, en soulignant que « pour déduire l’existence du
dolus specialis d’une ligne de conduite, il faut et il suffit que cette conclusion soit la seule qui
puisse raisonnablement se déduire des actes en cause »44.
51. Deuxièmement, les déclarants notent que l’approche de la Cour a entraîné des réactions
divergentes parmi les commentateurs, certains d’entre eux estimant que le critère de « la seule
conclusion qui puisse raisonnablement se déduire » place la barre inutilement haut45. Les
déclarants soutiennent que, précisément parce que la preuve directe de l’intention génocidaire
40 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 143.
41 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 143. Voir aussi la déclaration de M. le juge Bennouna jointe à l’arrêt dans
l’affaire Bosnie c. Serbie, C.I.J. Recueil 2007, p. 362 : « Il est rare en effet qu’un État annonce sans détour son
intention de détruire partiellement ou totalement un groupe ethnique, culturel ou religieux, ou qu’il fasse état de
sa connaissance qu’un tel crime allait advenir ou encore qu’il admette l’avoir commis. »
42 Procureur c. Zdravko Tolimir, (affaire n° IT-05-88/2-T), jugement de la Chambre de première instance,
12 décembre 2012, par. 745.
43 Procureur c. Karadžić (affaire n° IT-95-5/18-T), arrêt de la Chambre d’appel, article 98 bis du règlement,
11 juillet 2013, par. 80.
44 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 148. Voir également Application de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie et Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 43,
par. 373.
45 Voir aussi opinion dissidente de M. le juge Cançado Trindade dans l’affaire Croatie c. Serbie, C.I.J. Recueil
2015, pp. 360-361, par. 467, qui soutient que la Cour internationale de Justice « semble avoir imposé un seuil trop
élevé pour la détermination de la mens rea du génocide, qui ne paraît pas être conforme à la jurisprudence
constante des tribunaux pénaux internationaux en la matière ».
14
sera rarement manifeste, il est essentiel que la Cour adopte une approche équilibrée qui
reconnaisse la gravité exceptionnelle du crime de génocide sans rendre la déduction de
l’intention génocidaire si difficile qu’il serait quasiment impossible d’établir un génocide. Les
déclarants estiment que le critère adopté par la Cour dans Croatie c. Serbie peut, s’il est
appliqué correctement, constituer la base de cette approche équilibrée.
52. À cet égard, les déclarants notent que la référence expresse de la Cour à un critère
« raisonnable » est essentielle à une approche équilibrée. La Cour souligne l’importance
cruciale de ce critère en faisant observer que « [l]a notion de “raisonnable” doit nécessairement
être considérée comme se trouvant implicitement incluse dans le raisonnement de la Cour46 »,
ne serait-ce que pour éviter une approche qui « rendrait impossible de tirer des conclusions par
voie de déduction47 ». Ainsi, pour déterminer si une intention spécifique peut ou non être
déduite d’une conduite, la cour ou le tribunal doit apprécier la preuve dont il dispose et éliminer
les déductions qui ne sont pas raisonnables. En d’autres termes, le test de la « seule conclusion
raisonnable » qui puisse se déduire ne s’applique qu’entre diverses explications dont il a été
établi qu’elles étaient raisonnablement étayées par la preuve.
53. En outre, il convient d’observer que la Cour a déclaré que le test de la « seule conclusion
raisonnable » devait être utilisé uniquement pour déduire une intention spécifique d’une
« ligne » de conduite. Cela ne peut être le critère applicable lorsque d’autres méthodes de
déduction existent, par exemple en examinant le champ ou de la gravité la conduite d’un auteur
afin d’établir l’intention spécifique.
54. Troisièmement, pour déterminer si une intention spécifique peut ou non être déduite, la
cour ou le tribunal doit apprécier la preuve dont il dispose de manière globale et complète. La
jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux montre que cette approche n’est pas
seulement souhaitable, mais qu’elle constitue un élément important d’une bonne administration
de la justice. Dans ce contexte, les déclarants approuvent l’approche de la chambre d’appel du
TPIY, qui a demandé aux chambres de première instance d’examiner « si tous les éléments de
preuve, pris ensemble, établissaient l’existence d’une intention génocidaire », tout en notant
qu’une « approche fragmentaire rend[rait] l’analyse confuse48 ».
55. Au-delà de ces considérations générales, la jurisprudence de la Cour a clarifié la
pertinence d’un certain nombre de facteurs qui peuvent aider à établir l’intention spécifique.
Les déclarants soutiennent que ces facteurs, comme précisé ci-dessous, doivent guider la Cour
dans l’interprétation du critère d’intention spécifique énoncé à l’article II de la Convention sur
le génocide.
(b) Le nombre de victimes tuées ne détermine pas l’intention spécifique d’un État
56. Les meurtres de grande ampleur de membres d’un groupe sont la manifestation
immédiate la plus évidente de l’intention de détruire un groupe en tout ou en partie. Néanmoins,
46 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 148.
47 Ibid.
48 Procureur c. Stakić, (affaire n° IT-97-24-A), 22 mars 2006, par. 55.
15
les déclarants soutiennent que les actions non létales telles que la blessure, la stérilisation ou
l’ensemencement de membres du groupe visé peuvent aussi établir solidement l’intention de
détruire le groupe auquel ces personnes appartiennent. Au-delà du fait de tuer, la preuve de la
commission d’autres actes à l’encontre d’un groupe visé peut être tout aussi pertinente pour
établir l’intention spécifique. En outre, l’existence conjointe de plusieurs actes sous-jacents au
crime de génocide peut également manifester l’intention génocidaire. De ce fait, les déclarants
soutiennent que le critère de l’intention spécifique visé à l’article II doit être interprété de
manière à prendre en compte l’ensemble des faits plutôt qu’un incident isolé ou un acte allégué
particulier sous-jacent au crime de génocide49.
57. Les déclarants soutiennent également que les éléments de contexte, notamment
l’ampleur et la nature des atrocités, constituent des indicateurs de l’intention spécifique.
Comme indiqué ci-dessus, l’intention spécifique est rarement établie par la preuve directe et
est souvent déduite de tous les faits et circonstances50. À cet égard, le TPIY a fait observer :
« [f]aute de preuve directe, l’intention de détruire peut être déduite d’un certain nombre
de faits et de circonstances, tels le contexte général, la perpétration d’autres actes
répréhensibles systématiquement dirigés contre le même groupe, l’ampleur des
atrocités commises, le fait de viser systématiquement certaines victimes en raison de
leur appartenance à un groupe particulier, ou la récurrence d’actes destructifs et
discriminatoires51 ».
58. La Cour a également fait observer que, en l’absence de preuve directe de l’intention,
« il doit exister suffisamment d’actes qui démontrent non seulement l’intention de viser
certaines personnes, en raison de leur appartenance à un groupe particulier, mais aussi celle de
détruire, en tout ou en partie, le groupe lui‑même52 ». Pour déterminer l’ampleur et la nature
des actes pertinents, les tribunaux internationaux ont pris en compte un certain nombre de
facteurs en sus du nombre de personnes grièvement blessées ou tuées53, notamment le nombre
des assaillants impliqués54, le nombre d’actes interdits ou répréhensibles perpétrés en étroite
proximité géographique et temporelle55, l’intensité de l’attaque ainsi que son caractère
systémique et discriminatoire56.
49 Dans l’affaire Procureur c. Stakić, (affaire n° IT-97-24-A), 22 mars 2006, la Chambre d’appel du TPIY a
estimé : « Au lieu de se demander si l’Appelant était animé de l’intention de détruire le groupe au travers de
chacun des actes de génocide qui tombaient sous le coup de l’article 4 1) a), b) et c), la Chambre de première
instance aurait dû expressément examiner si tous les éléments de preuve, pris ensemble, établissaient l’existence
d’une intention génocidaire. » (par. 55). Voir aussi Procureur c. Karadžić, (affaire n° IT-95-5/18-T), 24 mars
2016, par. 550.
50 Procureur c. Karadžić, (affaire n° IT-95-5/18-T), 24 mars 2016, par. 550 et 5825. Voir aussi Procureur c.
Jelisic, (affaire n° IT-95-10-A), 5 juillet 2001, par. 47 ; Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T),
2 septembre 1998, par. 523.
51 Procureur c. Popović, (affaire n° IT-05-88-T), 10 juin 2010, par. 823. Voir aussi Procureur c. Popović, (affaire
n° IT-05-88-A), 30 janvier 2015, par. 503.
52 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 139.
53 Procureur c. Muhimana, (affaire n° ICTR-95-1B-T, jugement en première instance), 28 avril 2005, par. 516.
54 Procureur c. Muhimana, (affaire n° ICTR-95-1B-T, jugement en première instance), 28 avril 2005, par. 516.
55 Procureur c. Mladic (affaire n° IT-09-92-T, jugement en première instance), 22 novembre 2017, par. 3515.
56 Ibid.
16
59. Les déclarants soutiennent que la question de l’ampleur des atrocités dont devrait être
déduite l’intention ne concerne pas seulement les meurtres. Le nombre de victimes tuées est
seulement un point de départ pour l’étude de l’ampleur et de la nature des atrocités commises57.
De fait, pour procéder à l’évaluation quantitative des autres facteurs pertinents, le nombre de
personnes concernées ne doit pas se limiter aux personnes tuées, mais comprendre toutes les
victimes visées par les divers actes sous-jacents au crime de génocide.
60. La Convention sur le génocide ne prévoit pas que, pour établir l’intention spécifique de
détruire, le nombre de victimes tuées soit pris en compte au premier chef, et ce facteur n’a
jamais été déterminant pour les tribunaux pénaux internationaux. En effet, les circonstances
peuvent être telles que l’auteur des faits ne puisse pas ou décide de ne pas utiliser les moyens
les plus rapides ou les plus directs pour accomplir la destruction physique ou biologique du
groupe protégé. Dans l’affaire Krstić, la Chambre d’appel du TPIY a fait observer :
« le génocide n’exige pas la preuve que son auteur ait choisi le mode d’action le plus
efficace qui soit pour parvenir à son objectif qui était de détruire la partie du groupe
visée. Même si le mode d’action choisi ne traduit pas pleinement l’intention de l’auteur,
la destruction demeurant incomplète, cela ne signifie pas pour autant que l’on ne peut
conclure à l’existence d’une intention génocidaire58 ».
61. Ainsi, l’établissement de l’intention d’un État de détruire un groupe ne dépend pas du
nombre de personnes tuées.
62. Enfin, une autre raison de ne pas prendre en compte au premier chef le nombre de
personnes tuées pour établir l’intention spécifique est que les chiffres peuvent être trompeurs :
ils risquent de ne pas prendre en compte les morts à long terme qui entraînent la destruction
d’un groupe, ni la destruction biologique du groupe. Il convient de noter que le champ
d’application de la Convention sur le génocide couvre non seulement la destruction physique
mais aussi la destruction biologique d’un groupe visé, comme détaillé ci-dessous.
(c) Les violences sexuelles et sexistes peuvent jouer un rôle important pour établir
l’intention spécifique
63. Dans le contexte de l’article II, le terme « détruire » peut s’appliquer aussi bien à la
destruction physique qu’à la destruction biologique du groupe visé59. Si la destruction
physique porte sur l’anéantissement du groupe existant, la destruction biologique vise la
capacité du groupe à se régénérer. La Cour a confirmé qu’une intention de détruire le groupe,
en tout ou en partie, peut se manifester par des mesures qui ont « des conséquences sur sa
capacité à se renouveler et, partant, à assurer à terme sa pérennité60 ». D’autres tribunaux ont
déduit l’intention spécifique des implications à long terme des actes sous-jacents au crime de
57 Procureur c. Krstić, (affaire n° IT-98-33-A), arrêt, 19 avril 2004, par. 12. Voir aussi Procureur c. Mladic,
(affaire n° MICT-13-56-A), 8 juin 2021, par. 576.
58 Procureur c. Krstić, (affaire n° IT-98-33-A), arrêt, 19 avril 2004, par. 32.
59 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 136.
60 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 136.
17
génocide à l’encontre d’un groupe visé, y compris sa capacité de reproduction et de survie à
long terme61. Les déclarants soutiennent que les violences sexuelles et sexistes peuvent affecter
la capacité d’un groupe à se reproduire. Elles peuvent affecter directement la capacité physique
de procréation et créer d’autres obstacles à la procréation, notamment via les effets de la
stigmatisation sociale.
64. Les déclarants soutiennent également que, comme les violences sexuelles et sexistes ne
permettent pas de mettre en oeuvre un quelconque objectif militaire, elles peuvent fournir une
preuve décisive de l’intention spécifique de détruire un groupe protégé62. En outre, les
déclarants soutiennent que les violences sexuelles et sexistes peuvent manifester une intention
de détruire physiquement ou biologiquement un groupe protégé eu égard à ses conséquences
non seulement sur des personnes données, mais aussi sur le groupe. Les violences sexuelles,
lorsqu’elles sont utilisées comme stratégie de génocide, visent à détruire les victimes dans le
cadre d’une démarche progressive pour anéantir un groupe, comme cela a été confirmé dans
l’affaire Akayesu63 . C’est à la fois une attaque contre la victime et contre l’existence du groupe,
qui peut donc être utilisée comme stratégie de génocide.
65. Comme reconnu par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans sa
résolution 1820 (2008), la violence sexuelle et sexiste peut être utilisée pour humilier, dominer
et détruire des communautés entières64. Elle cause le chaos et la terreur, incite la population à
fuir, assure la domination du groupe auteur de la violence et ostracise les survivants par rapport
à leur communauté. De ce fait, la violence sexuelle et sexiste peut conduire à la destruction
d’un groupe protégé, manifester une intention spécifique et donc constituer un crime de
génocide.
66. Dans ce contexte, dans l’affaire Akayesu, le TPIR a estimé que « [l]a violence sexuelle
faisait partie intégrante du processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes
Tutsies et ayant contribué de manière spécifique à leur anéantissement et à celui du groupe tutsi
considéré comme tel65 ». Le TPIR a ajouté que « [l]a violence sexuelle était une étape dans le
processus de destruction du groupe tutsi, destruction de son moral, de la volonté de vivre de
ses membres, et de leurs vies elles-mêmes66 ». Les déclarants soutiennent que cette conclusion
doit se refléter dans l’interprétation de l’article II de la Convention sur le génocide dans les cas
où la violence sexuelle et sexiste est documentée à une grande échelle. La continuité d’un
système planifié de violence sexuelle généralisée, de la crainte qu’elle génère aux séquelles
physiques et psychologiques qu’elle induit, et des grossesses qu’elle peut entraîner à la
stigmatisation des victimes, peut permettre de démontrer l’intention de leurs auteurs de
détruire, tant au plan physique que biologique, un groupe protégé.
61 Procureur c. Karadžić, (affaire no IT-95-5/18-T), 24 mars 2016, par. 5671.
62 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 413.
63 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 731-732.
64 Résolution 1820 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, 19 juin 2008,
sixième alinéa du préambule.
65 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 731.
66 Procureur c. Akayesu, (affaire no ICTR-96-4-T), 2 septembre 1998, par. 732.
18
(d) Les actes commis à l’encontre d’enfants peuvent jouer un rôle important dans
l’établissement de l’intention spécifique
67. Les déclarants soutiennent que la Cour doit examiner le fait que des enfants aient été
visés, y compris le meurtre de ces derniers, sous au moins trois angles différents dans son
interprétation de l’exigence d’intention spécifique prévue à l’article II.
68. Premièrement, le fait de viser les enfants peut contribuer à démontrer que les membres
du groupe ont été visés en raison de leur appartenance au groupe protégé. La preuve que les
enfants ont été visés à une échelle importante entraînerait probablement le rejet d’une défense
arguant que les membres d’un groupe protégé ont été visés pour d’autres raisons uniquement,
par exemple parce qu’ils représentaient une menace pour la sécurité.
69. Deuxièmement, la Cour a établi que, pour conclure à un génocide, il faut que l’intention
ait été de détruire « au moins une partie substantielle du groupe visé ». Comme indiqué ciavant,
la notion de « partie substantielle du groupe visé » dépend de l’ensemble des
circonstances, notamment de la question de savoir si une portion donnée du « groupe est
représentative de l’ensemble du groupe, ou essentielle à sa survie67 ». Les déclarants
soutiennent que les enfants représentent une partie substantielle des groupes protégés par la
Convention sur le génocide, et que le fait qu’ils ont été visés permet d’établir l’intention de
détruire un groupe en tant que tel, au moins en partie. Les enfants sont essentiels à la survie de
tout groupe en tant que tel, étant donné que si celui-ci n’est pas en mesure de se régénérer, sa
destruction physique est assurée.
70. Troisièmement, lorsque des enfants sont visés par des actes sous-jacents au crime de
génocide, cela peut contribuer à démontrer l’existence de l’intention requise. Étant donné
l’importance des enfants dans la survie d’un groupe, la preuve d’un préjudice à leur encontre
peut permettre de conclure que les auteurs avaient l’intention de détruire une partie
substantielle du groupe protégé. Dans l’affaire Akayesu, par exemple, le TPIR a souligné que
les éléments attestant le fait que « même les nouveau-nés n’ont pas été épargnés » montraient
que les auteurs « voulai[ent] se débarrasser du groupe tutsi dans sa totalité68 ».
71. Les déclarants soutiennent ainsi que le fait que des enfants aient été visés est pertinent
aux fins de l’établissement de l’intention spécifique.
(e) Les déplacements forcés peuvent jouer un rôle important dans l’établissement de
l’intention spécifique
72. Les déclarants soutiennent que les déplacements forcés, outre qu’ils peuvent conduire
à des actes sous-jacents au crime de génocide (tel qu’exposé au point d) de la section 1 de la
présente déclaration conjointe), peuvent également constituer une preuve de l’existence d’une
intention spécifique, et ce même dans les cas où les membres du groupe touchés ne sont pas
67 Voir Procureur c. Krstić (Affaire n° IT-98-33-A), arrêt, Chambre d’appel, 19 avril 2004, par. 12.
68 Procureur c. Akayesu (affaire n° ICTR-96-4-T), Chambre de première instance, 2 septembre 1998, par. 121.
Voir aussi Procureur c. Kayeshima et Ruzindana (affaire n° ICTR-95-1), Chambre de première instance I,
21 mai 1999, par. 532-533.
19
transférés vers un lieu où ils sont soumis à des conditions entraînant leur mort ou leur
destruction69.
73. Dans l’affaire Bosnie c. Serbie, la Cour a affirmé que « la déportation ou le déplacement
de membres appartenant à un groupe, même par la force, n’équivaut pas nécessairement à la
destruction dudit groupe, et [qu’]une telle destruction ne résulte pas non plus automatiquement
du déplacement forcé », mais elle a toutefois reconnu que « des actes de “nettoyage ethnique”
peuvent se produire en même temps que des actes prohibés par l’article II de la Convention, et
permettre de déceler l’existence d’une intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à
l’origine des actes en question70 ».
74. Les déclarants font également valoir qu’une opération militaire violente déclenchant le
déplacement forcé des membres d’un groupe visé peut aussi contribuer à prouver l’existence
d’une intention spécifique de détruire le groupe protégé, que les actes déclenchant ledit
déplacement forcé relèvent ou non de l’une des cinq catégories d’actes sous-jacents au crime
de génocide.
3. Conclusion
75. Comme indiqué ci-avant, les déclarants affirment que le crime de génocide, tel que
défini à l’article II de la Convention sur le génocide, ne se limite pas aux meurtres et que le
nombre de victimes tuées n’est pas un facteur déterminant dans l’établissement de l’intention
spécifique d’un État. Les actes sous-jacents au crime de génocide peuvent prendre la forme de
violences sexuelles et sexistes. Les déplacements forcés peuvent également conduire à un acte
sous-jacent au crime de génocide. En outre, les actes sous-jacents au crime de génocide doivent
être examinés différemment lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’enfants, en tenant compte
des répercussions particulières qu’ils peuvent avoir sur ces derniers. Enfin, les violences
sexuelles et sexistes, les actes commis à l’encontre d’enfants et les déplacements forcés jouent
un rôle important dans l’établissement de l’intention spécifique requise conformément à
l’article II.
76. Pour finir, les déclarants soutiennent qu’il est particulièrement important que la Cour
tienne compte de la valeur probante de certains documents dans son interprétation de l’article II
de la Convention sur le génocide, en gardant à l’esprit la nature erga omnes partes des
obligations découlant de cette convention. Plus précisément, certaines sources doivent être
considérées comme ayant une valeur probante particulière lors de l’établissement des éléments
69 Procureur c. Tolimir (affaire n° IT-05-88/2-A), 8 avril 2015, par. 254. Voir aussi Application de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3,
par. 434, dans lequel la Cour a déclaré « que le déplacement forcé massif auquel ont été soumis les Croates est un
élément important pour apprécier l’existence ou non d’une intention de détruire totalement ou partiellement le
groupe ». Bien que la Cour ait conclu que la Croatie n’avait pas démontré que ce déplacement forcé constituait
un élément matériel du génocide au sens du litt. c) de l’article II de la Convention sur le génocide, elle a néanmoins
estimé que « le fait qu’un déplacement forcé se produise en même temps que des actes relevant de l’article II de
la Convention peut permettre “de déceler l’existence d’une intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à
l’origine des actes en question” ».
70 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie et Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 43, par. 190 ; voir aussi Application de la Convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p. 3, par. 434.
20
requis pour démontrer l’existence d’un génocide, notamment les faits permettant à la Cour de
tirer des conclusions par voie de déduction quant à l’intention spécifique71. À cet égard, les
déclarants font valoir que les rapports établis par les Nations Unies, tels que les rapports
produits par des missions d’établissement des faits, des commissions d’enquête et les rapports
que peut préparer le Secrétaire général des Nations Unies pour le Conseil de sécurité ou
l’Assemblée générale des Nations Unies, peuvent revêtir une importance toute particulière. Ces
rapports peuvent en effet être particulièrement probants, étant donné qu’ils émanent de
« témoins désintéressés », à savoir des personnes « qui ne sont pas parties au litige et n’ont rien
à y gagner ni à y perdre72 ».
B. Interprétation des articles IV à VI de la Convention sur le génocide
77. À l’article premier de la Convention sur le génocide, les États Parties ont confirmé que
le génocide est un « crime du droit des gens, qu’elles s’engagent à prévenir et à punir ». Les
déclarants soutiennent que ce devoir de punir prévu à l’article premier doit être interprété à la
lumière des articles IV à VI de la Convention sur le génocide, et de ce fait interprété comme
une obligation d’enquêter sur les personnes accusées de génocide, de les poursuivre et de punir
celles qui ont été reconnues coupables de génocide. Les déclarants estiment que, conformément
à ces dispositions, un État Partie s’acquitte de son obligation de punir un crime de génocide en
poursuivant les personnes relevant de sa juridiction pénale devant ses propres tribunaux
pénaux, en coopérant avec les tribunaux internationaux compétents lorsqu’il en a reconnu la
juridiction, et en extradant les personnes accusées de génocide pour qu’elles soient jugées dans
d’autres États, le cas échéant.
78. L’article VI exige que toute personne accusée de génocide ou d’autres actes punis en
vertu de la Convention sur le génocide soit traduite devant les « tribunaux compétents de l’État
sur le territoire duquel l’acte a été commis, ou devant la cour criminelle internationale qui sera
compétente à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction ».
Les déclarants affirment que cette disposition présuppose que l’État a l’obligation de mener
une enquête préalablement à l’engagement de poursuites.
79. Bien que la Convention sur le génocide ne précise pas la manière dont les poursuites et
le procès doivent être menés pour s’acquitter de l’obligation d’enquêter, de poursuivre et de
traduire les personnes devant un « tribunal compétent », les déclarants soutiennent que la
disposition en cause doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend des garanties de procès
équitable, notamment le fait que ledit tribunal soit indépendant et impartial73. Il s’agit là
d’exigences fondamentales reconnues par le droit international des droits de l’homme74 et par
71 Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie et Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007, par. 227-230.
72 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique),
Fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, par. 69.
73 Conformément à l’article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « [un] traité doit être interprété
de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but ».
74 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 14, par. 1 ; Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples, art. 7, par. 1, alinéa d ; Convention américaine relative aux droits de l’homme, art. 8, par. 1 ;
Convention européenne des droits de l’homme, art. 6, par. 1 ; Déclaration universelle des droits de l’homme,
art. 10 ; Déclaration des droits de l’homme de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, art. 20, par. 1.
21
le droit international humanitaire75 et, comme indiqué ci-avant, les obligations découlant de la
Convention sur le génocide doivent, conformément à l’alinéa c du paragraphe 3 de l’article 31
de la CVDT, être interprétées en tenant compte des autres règles pertinentes et applicables du
droit international. En outre, les déclarants affirment que le non-respect des standards du procès
équitable serait contraire à l’objet et au but de la Convention sur le génocide, étant donné que,
dans ces circonstances, ce procès ne resterait qu’une vaine promesse, incapable d’atteindre
l’objectif de lutte contre l’impunité. Un système judiciaire qui, dans les faits, entretient
l’impunité ou se livre à des simulacres de procès destinés uniquement à soustraire l’accusé à la
justice, ne répond pas à l’objectif de la Convention sur le génocide, à savoir « libérer
l’humanité » du « fléau odieux » que représentent les génocides76.
80. Un autre critère de pertinence a trait à la transparence suffisante des poursuites et du
procès. Les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme
et les décisions rendues par les tribunaux régionaux en matière de droits de l’homme ont établi
que les devoirs en matière d’enquête, de poursuites et de répression prévus par leurs traités
respectifs comprennent également un devoir de transparence, pour veiller à ce que la société
soit dûment et adéquatement informée afin d’être en mesure d’évaluer l’intégrité de la
procédure et pour préserver la confiance du public à l’égard du processus judiciaire77.
VI. Documents fournis à l’appui de la déclaration
81. Liste des documents fournis à l’appui de la déclaration conjointe et annexés à la
présente :
(a) Lettres du Greffier de la Cour internationale de Justice en date du 24 janvier 2020 à
l’attention des ambassadeurs de l’Allemagne, du Canada, du Danemark, de la France
et du Royaume-Uni auprès du Royaume des Pays-Bas, et du ministère des Affaires
étrangères des Pays-Bas ;
(b) Lettre du Canada et des Pays-Bas en date du 11 novembre 2020 demandant la
transmission de copies des pièces de procédure ainsi que des documents annexés en
l’affaire relative à l’Application de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Gambie c. Myanmar) ;
(c) Lettre du Greffier en date du 13 novembre 2020 accusant réception de la demande
du Canada et des Pays-Bas de recevoir des copies des pièces de procédure et des
documents annexés versés à l’affaire ;
75 Voir par exemple l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 3, commun aux Conventions de Genève de 1949, qui
prohibe « les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un
tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples
civilisés ». Cette disposition reflète les « considérations élémentaires d’humanité » qui sont applicables
indépendamment des réserves formulées au sujet des Conventions de Genève ; voir Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), Fond, arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 14, par. 218.
76 Convention sur le génocide, alinéa 3 du préambule.
77 Voir par exemple Observation générale n° 36 portant sur l’article 6 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, relatif au droit à la vie, Conseil des droits de l’homme, 30 octobre 2018, CCPR/C/GC/36,
par. 28 ; Massacre de Mapiripán c. Colombie (Fond, réparations et dépens), Cour interaméricaine des droits de
l’homme, série C, n° 134 (15 septembre 2005), par. 219 ; El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine
(ERYM), Cour européenne des droits de l’homme, 13 décembre 2012, Requête n° 39630/09, par. 191-193.
22
(d) Lettre du Greffier en date du 27 novembre 2020 informant le Canada et les Pays-
Bas que la Cour a jugé qu’il ne serait pas approprié d’accéder à la demande
susmentionnée ;
(e) Instrument de ratification de la Convention sur le génocide par le Gouvernement du
Canada ;
(f) Instrument de ratification de la Convention sur le génocide par le Gouvernement du
Danemark ;
(g) Instrument de ratification de la Convention sur le génocide par le Gouvernement de
la France ;
(h) Instrument de ratification de la Convention sur le génocide par le Gouvernement de
l’Allemagne ;
(i) Instrument d’adhésion des Pays-Bas à la Convention sur le génocide ;
(j) Instrument d’adhésion du Royaume-Uni à la Convention sur le génocide ;
VII. Conclusion
82. Se fondant sur les informations exposées ci-avant, les déclarants se prévalent du droit
que leur confère le paragraphe 2 de l’article 63 du Statut d’intervenir en tant que non-parties
dans l’instance engagée par la Gambie contre le Myanmar en l’espèce.
83. Le Gouvernement du Canada a nommé le soussigné, M. Alan H. Kessel, comme agent
aux fins de la présente déclaration.
84. Le Gouvernement du Danemark a nommé la soussignée, Mme Vibeke P. Jørgensen,
comme agente aux fins de la présente déclaration.
85. Le Gouvernement de la France a nommé le soussigné, M. Diégo Colas, comme agent
aux fins de la présente déclaration.
86. Le Gouvernement de l’Allemagne a nommé la soussignée, Mme Tania von Uslar-
Gleichen, comme agente aux fins de la présente déclaration.
87. Le Royaume des Pays-Bas a nommé le soussigné, M. René Lefeber, comme agent aux
fins de la présente déclaration.
88. Le Gouvernement du Royaume-Uni a nommé la soussignée, Mme Sally Langrish,
comme agent aux fins de la présente déclaration.
89. Il est demandé que toutes les communications en l’espèce soient envoyées aux adresses
suivantes :
Ambassade du Canada
Sophialaan 7, La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
[email protected]
23
Ambassade du Danemark
Koninginnegracht 30
2514 AB La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
[email protected]
Ambassade de France
Anna Paulownastraat 76
2518 BJ La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Ambassade de la République fédérale d’Allemagne
Groot Hertoginnelaan 18-20
2517 EG La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Ministère des Affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas
Direction du droit international
Rijnstraat 8
2515XP La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
Ambassade du Royaume-Uni
Lange Voorhout 10
2514 ED La Haye
Royaume des Pays-Bas
[email protected]
Respectueusement,
Alan H. Kessel
Sous-ministre adjoint et jurisconsulte
Affaires mondiales Canada
Agent du Canada
/;JJ 􀀃V'V\.
Sally Langrish
Directrice des Affaires juridiques
Bureau des Affaires Etrangeres et du
Commonwealth
Agente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord
Directrice de aires juridiques
Ministere des Affaires etrangeres
Agente du Danemark
Rene Lefeber
Directeur des Affaires juridiques
Ministere des Affaires etrangeres
Agent du Royaume des Pays-Bas
Tania von Uslar-Gleichen
Directrice des Affaires juridiques
Ministere federal des Affaires etrangeres
Agente de la Republique federate
d' Allemagne
Diego Colas
Directeur des Affi ires juridiques
Ministere de l'Europe
et des Affaires etrangeres
Agent de la Republique fram;aise
CERTIFICAT
René Lefeber
Directeur des Affairesjuridiques
Ministére des Affaires étrangêres
Agent du Royaume des Pays-Bas
Fc.L4a L’
Tania von Uslar-Gleichen
Directrice des Affairesjuridiques
Ministêre fédéral des Affaires étrangères
Agente de la République fédérale
d’Allemagne
Diego Colas
Directeur des Affairesjuridiques
Ministère de l’Europe
et des Affaires étrangêres
Agent de la République française
Je certifie que es documents annexes a a présente declaration sont des copies conformes des
originaux de ces documents.
Alan H. Kessel
Sous-ministre adjoint et j urisconsulte
Affaires mondiales Canada
Agent du Canada
JaL
Sally Langrish
Directrice des Affaires juridiques
Bureau des Affaires Etrangères et du
Commonwealth
Agente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord
ibeke P. Jø g nsen
Directrice des Affairesjuridiques
Ministêre des Affaires étrangères
Agente du Danemark

Document file FR
Document Long Title

Déclaration conjointe de l'Allemagne, du Canada, du Danemark, de la France, des Pays-Bas et du Royaume-Uni

Order
10
Links