Juges ad hoc
En vertu des paragraphes 2 et 3 de l’article 31 du Statut, les Etats parties à une affaire devant la Cour qui ne comptent pas de juge de leur nationalité sur le siège disposent de la faculté de désigner un juge ad hoc aux fins de l’affaire qui les concerne dans les conditions fixées par les articles 35 à 37 du Règlement. Le juge ad hoc fait, avant d’entrer en fonctions, la même déclaration solennelle qu’un membre de la Cour élu. Il ne doit pas nécessairement avoir la nationalité de l’Etat qui le nomme (et souvent ne l’a pas).
Un juge ad hoc participe à toute décision concernant l’affaire pour laquelle il a été désigné sur un pied de complète égalité avec ses collègues et reçoit une indemnité pour chaque jour où il exerce ses fonctions, c’est-à-dire pour chaque journée qu’il passe à La Haye afin de participer aux travaux de la Cour, plus chacune des journées qu’il consacre à l’étude de l’affaire en dehors de La Haye.
Les parties doivent annoncer le plus tôt possible leur intention de désigner un juge ad hoc. Au cas, relativement fréquent, où plus de deux parties sont en litige, il est prévu que celles qui font en réalité cause commune ne peuvent désigner qu’un seul et même juge ad hoc - ou n’en peuvent désigner aucun si l’une d’elles a déjà un juge de sa nationalité en mesure de siéger. On peut ainsi concevoir plusieurs types de situations, dont les suivantes se sont réalisées dans la pratique : deux juges nationaux ; deux juges ad hoc ; un juge national et un juge ad hoc ; ni juge national ni juge ad hoc.
Il ressort de ce qui précède que la composition de la Cour varie d’une affaire à l’autre et que le nombre des juges appelés à connaître d’une affaire donnée n’est pas forcément de quinze. Il peut être inférieur si des juges réguliers ne siègent pas ou atteindre seize ou dix-sept du fait de la présence de juges ad hoc ; il pourrait même dépasser dix-sept s’il y avait plusieurs parties en litige ne faisant pas cause commune. La composition de la Cour se modifie aussi parfois d’une phase à l’autre d’une affaire, c’est-à-dire qu’elle peut ne pas être la même pour les mesures conservatoires, les exceptions préliminaires ou le fond. Cependant, une fois que la Cour est définitivement constituée pour une phase déterminée d’une affaire, c’est-à-dire à partir de l’ouverture de la procédure orale jusqu’au prononcé de la décision s'y rapportant, sa composition ne change plus.
Le maintien sur le siège des juges permanents ayant la nationalité de l’une des parties en cause dans une affaire n’est pas vraiment contesté par la doctrine. En se fondant simplement sur le résultat des votes et sur le texte des opinions individuelles ou dissidentes, on peut constater que ces juges ont souvent émis des votes contraires aux conclusions du pays les ayant désignés. En revanche, l’institution du juge ad hoc ne rallie pas l’unanimité. Alors que le comité interallié de 1943-1944 avait prévu que «les pays n’aur[aie]nt pas pleinement confiance dans une décision de la Cour relative à une affaire les concernant si la Cour ne compt[ait] aucun juge de leur nationalité, et cela surtout s’il y en a[vait] un de la nationalité de l’autre partie», certains membres de la Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies ont exprimé l’avis, lors du débat de 1970-1974 sur l’examen du rôle de la Cour, que l’institution du juge ad hoc, «survivance des anciennes procédures d’arbitrage, ne se justifiait que par le caractère extrêmement récent de la juridiction internationale et était sans nul doute appelée à disparaître lorsque cette juridiction serait plus solidement établie». Il reste que nombre de commentateurs considèrent comme utile que la Cour puisse bénéficier dans ses délibérations du concours d’une personne à qui le point de vue de l’une des parties est plus familier que ce ne sera parfois le cas de juges permanents.