Opinion individuelle de M. le président Owada

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140-20110401-JUD-01-02-EN
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140-20110401-JUD-01-00-EN
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170

OpINION INdIvIdUELLE dE m. LE JUgE OWAdA,
pRÉSIdENT

[Traduction]

Tâche de la Cour lors de la phase de l’examen des exceptions pré▯liminaires —
Existence d’un « différend » à des fins juridictionnelles — Existence d’un différend
relatif à l’interprétation ou à l’application de la CIEDR▯ au moment du dépôt de la
requête — Nature même du différend porté devant la Cour par la Gé▯orgie.

Observations généraleps

1. J’ai voté contre la conclusion finale de l’arrêt dans laquelle la Cour

«[d]it qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la requête pdéposée
par la géorgie » (par 187, dispositif, point 2). La Cour est parvenue à
cette conclusion après avoir décidé a) de rejeter la première exception
préliminaire soulevée par le défendeur, mais b) de retenir la deuxième
exception préliminaire du défendeur (ibid., point 1).

2. Quoique je souscrive à la conclusion de la Cour concernant la pre -
mière exception préliminaire, telle qu’énoncée au point 1 a) du dispositif,
je suis, en revanche, en désaccord avec la conclusion concernant la
deuxième exception, telle qu’énoncée au point 1 b) du dispositif, conclu -
sion qui a trait à la condition de « négociation» aux termes de la clause

compromissoire contenue à l’article 22 de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (pci-après
«CIEdR»). C’est pourquoi j’ai décidé de rédiger une opinionp dissidente
commune avec quatre autres juges qui ne souscrivent pas à l’arrêt pour ce
même motif. La position conjointement adoptée par ces cinq juges, py

compris moi-même, relativement à la deuxième exception préliminaire
soulevée par le défendeur, est exposée dans cette opinion dissipdente com -
mune.
3. Outre mon désaccord avec l’arrêt en ce qui concerne cette deuxième
exception, je tiens également à préciser que je suis en désapccord avec cer -

tains aspects du raisonnement de la majorité en ce qui concerne la prpe -
mière exception préliminaire et, plus particulièrement, avec l’papproche
suivie relativement à l’objet du différend, y compris les quepstions de savoir
si la réclamation du demandeur permet d’établir l’existence pd’un différend
relatif à l’interprétation et à l’application de la CIEDR▯ en la présente

espèce et, dans l’affirmative, si ce différend opposait les pparties au moment
du dépôt de la requête.
4. Aussi ai-je décidé de joindre à l’arrêt la présente opinion indpivi -
duelle, dans laquelle sont exposées mes vues sur la tâche de la Copur à ce
stade de l’instance, à savoir l’examen des exceptions prélimpinaires soule -

104 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)171

vées par le défendeur, et sur la nature même de la réclamatipon présentée
par le demandeur en l’espèce.

La tâche de la Cour lorsp de la phase
de l’examen des excepptions préliminaires

5. Lorsque sont examinées des exceptions préliminaires d’incompép -
tence, la Cour doit déterminer si elle a compétence pour connaître de
l’affaire au fond. Lors de cette phase de l’instance, il ne lui pincombe

pas de s’interroger quant au bien-fondé des arguments des parties sur
le fond de l’affaire. La question de savoir si la réclamation du depman-
deur selon laquelle le défendeur a violé, au cours de la périodpe précédant
le dépôt de la requête, les obligations qui lui incombent au tiptre de la
CIEdR est une question qui demandait à être étayée par le deman-p

deur, en droit comme en fait, au stade de l’examen au fond. Lors
de la présente phase de l’instance, la Cour devait exclusivement recher -
cher si la réclamation relative à l’interprétation ou à lp’application de
la CIEdR, telle que formulée par le demandeur, entrait ou non, au
moment du dépôt de la requête, dans le champ de la compétencpe que
lui confère la clause compromissoire énoncée dans la Convention

(art. 22).
6. pour répondre à cette question ainsi circonscrite, il est importantp de
commencer par définir le motif d’action invoqué par le demandeupr. dans
sa requête, la géorgie a défini sa position comme suit :

«La République de géorgie, en son nom propre et en qualité de
parens patriae de ses citoyens, prie respectueusement la Cour de dire
et juger que la Fédération de Russie, par l’intermédiaire dep ses

organes et agents et d’autres personnes et entités exerçant unep
autorité gouvernementale, ainsi que par l’intermédiaire des forpces
séparatistes sud-ossètes et abkhazes et d’autres agents opérant sur
ses instructions ou sous sa direction et son contrôle, a violé les oblpi -
gations que lui impose la CIEdR :

a) en se livrant à des actes et pratiques de « discrimination raciale

contre des personnes, groupes de personnes ou institutions » et en
ne faisant pas « en sorte que toutes les autorités publiques et ins -
titutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette
obligation », en violation de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 2 de la Convention ;
b) en « encourageant, défendant ou appuyant la discrimination

raciale », en violation de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention ;
c) en n’«interdisant pas, par tous les moyens appropriés, y compris,
si les circonstances l’exigent, des mesures législatives, … la discri -
mination raciale … et en n’y mettant pas fin », en violation de

l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention ;

105 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)172

d) en ne condamnant pas la «ségrégation raciale » et en n’«éliminant
pas … toutes les pratiques de cette nature » en Ossétie du Sud et
en Abkhazie, en violation de l’article 3 de la Convention ;
e) en ne « condamnant pas toute propagande et toutes organisa -
tions … qui prétendent justifier ou encourager toute forme de
haine et de discrimination raciales » et en n’« adoptant pas immé-

diatement des mesures positives destinées à éliminer toute incipta-
tion à une telle discrimination », en violation de l’article 4 de la
Convention ;
f) en portant atteinte à la jouissance, par les populations de souches
géorgienne, grecque et juive d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, des
droits de l’homme fondamentaux énumérés à l’article 5 de la

Convention, en violation de cet article 5 ;
g) en n’assurant pas « une protection et une voie de recours effec -
tives » contre les actes de discrimination raciale, en violation de
l’article 6 de la Convention. » (Requête de la géorgie, par. 82.)

dans les conclusions finales exposées dans son mémoire du 2 sep -
tembre 2009, la géorgie a précisé sa demande comme suit :

«Sur la base des éléments de preuve et des arguments juridiques
soumis dans le présent mémoire, la géorgie prie la Cour de dire et
juger :

que la Fédération de Russie a, par l’intermédiaire de ses organes et
agents et d’autres personnes ou entités exerçant une autorité▯ gouverne -
mentale, ainsi que par l’intermédiaire des autorités gouvernemen ▯ tales
de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et des milices opérant dans ces

régions, violé les dispositions des alinéas a), b) et d) du paragraphe 1
de l’article 2, de l’article 3 et de l’article 5 de la convention de 1965 par
les actions suivantes: i) nettoyage ethnique à l’encontre des géorgiens
d’Ossétie du Sud; ii) déni du droit de retour des géorgiens en Ossétie
du Sud et en Abkhazie ; et iii) destruction de la culture et de l’iden -

tité géorgiennes en Ossétie du Sud et en Abkhazie. » (mémoire de la
géorgie, vol. I, p. 407 ; les italiques sont de moi.)
7. Il ressort clairement de cette conclusion présentée par la géorgie

que celle-ci accuse la Fédération de Russie d’avoir, par sa conduite, vioplé
les obligations que lui impose la CIEdR dans les régions de l’Ossétie du
Sud et de l’Abkhazie au cours de la période allant de l’entrépe en vigueur
de la Convention entre les deux Etats jusqu’au dépôt de la requpête en la
présente espèce. (Il est vrai que la géorgie se réfère également à certains

événements antérieurs à cette période, mais, ainsi qu’pelle le reconnaît
elle-même, ceux-ci sont sans pertinence d’un point de vue juridique aux
fins du présent différend — qui a été porté devant la Cour sur la base de
l’article 22 et, partant, est soumis à la limitation ratione temporis qui
découle de cette disposition —, sauf pour démontrer que le différend allé -
gué, qui s’est fait jour avant l’entrée en vigueur de la CIEpdR, a continué

d’exister après 1999.)

106 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)173

8. C’est au stade de l’examen au fond que la Cour devait trancher la
question de savoir si cette thèse de la géorgie consistant à tenir la Fédé -
ration de Russie pour responsable d’actes internationalement illicites au
regard de la CIEdR, y compris les actes ou omissions que le défendeur
aurait commis en participant à la force de maintien de la paix, est jpustifiée

en droit et en fait. Selon moi, la Cour ne devait pas — et ne pouvait d’ail -
leurs pas — se prononcer sur le bien-fondé de cette réclamation à ce stade
préliminaire de l’instance.
9. par conséquent, il incombait d’abord à la Cour de rechercher si
cette réclamation de la géorgie pouvait lui permettre d’établir l’exis -

tence d’un différend entre le demandeur et le défendeur, au sens générale -
ment admis que revêt ce terme en droit international général etp dans sa
jurisprudence constante et, en pareil cas, si ce différend constitupait un
différend « touchant l’interprétation ou l’application de la [CIEdR] »

(CIEdR, art. 22; requête, par. 18). dans l’affirmative, il lui fallait alors
rechercher si ce différend existait entre les parties au moment du dépôt de
la requête de la Géorgie.

Existence d’un « différend» à des fins juridictiponnelles

10. S’agissant de la première question, celle de savoir s’il existep entre
le demandeur et le défendeur un différend relatif à la CIEdR, l’arrêt

commence par un examen de ce qu’est un différend. A cet égard, la Cour
cite la définition bien connue que la Cour permanente de Justice intepr-
nationale (ci-après « CpJI ») a donnée dans l’affaire des Concessions Ma-
vrommatis en Palestine (arrêt n o2, 1924, C.P.J.I. série A n o 2 ; ci-après
«Mavrommatis »), selon laquelle « [u]n différend est un désaccord sur un

point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juri -
diques ou d’intérêts entre deux personnes » (arrêt, par. 30). Selon moi,
cette définition englobante et générale peut effectivement seprvir de point
de départ de l’analyse en la présente espèce.
La définition classique donnée par la CpJI a été précisée en 1962 dans

un dictum de la Cour dans les affaires du Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires
(ci-après «Sud-Ouest africain »). Après avoir cité le passage pertinent de
l’affaire Mavrommatis, l’arrêt de 1962 se poursuit comme suit :

«il ne suffit pas que l’une des parties à une affaire contentieuse
affirme l’existence d’un différend avec l’autre partie. Lpa simple affir -
mation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un différendp, tout

comme le simple fait que l’existence d’un différend est contepstée ne
prouve pas que ce différend n’existe pas. Il n’est pas suffipsant non
plus de démontrer que les intérêts des deux parties à une telle affaire
sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation de l’une des par -
ties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre. D’après ce critère,

107 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)174

l’existence d’un différend entre les parties devant la Cour [da▯ns cette
affaire] ne saurait faire de doute puisqu’il résulte clairement de▯ leurs
attitudes opposées à propos de l’accomplissement des obligations du
mandat par le défendeur, en sa qualité de mandataire. »
(C.I.J. Recueil 1962, p. 328 ; les italiques sont de moi.)

11. Se fondant sur cet important dictum, la Cour examine ensuite dans
le présent arrêt les éléments de preuve concrets qui lui ontp été présentés
par le demandeur, précisant qu’« elle doit établir si la géorgie a formulé

une réclamation en ce sens et si celle-ci s’est heurtée à l’opposition mani -
feste de la Fédération de Russie, de sorte qu’il existe un différend au sens
de l’article 22 de la CIEdR » (arrêt, par. 31; les italiques sont de moi).
Ainsi que cela sera exposé ci-dessous de manière plus détaillée (voir les
paragraphes 22-24 de la présente opinion), cette approche donne lieu

dans l’arrêt à une analyse approfondie de chaque élément pde preuve pré-
senté par la géorgie afin de rechercher si celle-ci y a formulé des alléga -
tions suffisamment précises et si la Fédération de Russie a effpectivement
eu l’occasion de manifester concrètement son opposition à ces apllégations.
Selon moi, cela revient à considérer que, aux fins d’établirp l’existence d’un

différend entre les parties, le demandeur est tenu d’établir l’existence d’un
acte positif par lequel s’est manifestée l’opposition du défendeur ; il s’agit là
d’un nouveau critère fort strict, qui n’est énoncé dans apucun des deux
précédents cités ci-dessus. Or, pareil critère ne permettrait pas de discer -
ner l’existence d’un différend lorsque les réclamations sep heurtent, ainsi
que je le préciserai ci-dessous, à une dénégation pure et simple au motif

que les faits dont il est tiré grief ne concernent pas le défendeupr.
12. L’illogisme de cette approche suivie dans le présent arrêt apparaît à
la lecture de l’intégralité du passage pertinent des affairesp du Sud-Ouest
africain, replacé dans son contexte global. Il appert en effet de la dernièpre
phrase de l’extrait précité que la Cour a, dans les arrêts epn question, simple-

ment cherché à clarifier ce que sa devancière avait indiqué en l’affaire
Mavrommatis. Autrement dit, cette phrase, même si elle n’est pas suffisam-
ment bien formulée, a pour objet de préciser que, dans les affaipres où un
conflit d’intérêts entre les parties est en cause, il ne suffit pas que l’une
d’elles affirme que les intérêts des deux parties sont en conflit, mais il lui

faut démontrer que la réclamation formulée par le demandeur se heurte ▯ à une
attitude d’opposition manifeste du défendeur et ce, quel qu’en soit le
motif. Cela ne revient nullement à dire que le demandeur est tenu d’étpablir
l’existence d’« un acte positif par lequel s’est manifestée l’opposition »
du défendeur.

13. dans les arrêts qu’elle a rendus en 1962 dans les affaires dS uud-Ouest
africain, la Cour a d’ailleurs conclu que, « [d]’après ce critère, l’existence
d’un différend entre les parties devant la Cour ne saurait faire de doute
puisqu’il résulte clairement de leurs attitudes opposées » (C.I.JR. ecueil 1962,
p. 328 ; les italiques sont de moi). Il apparaît donc tout à fait clairepment

qu’elle n’entendait pas, par le prononcé précité figurantp dans son arrêt

108 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)175

de 1962, signifier qu’il convenait d’infléchir la définition pdonnée par la CpJI
en l’affaire Mavrommatis en allant jusqu’à imposer au demandeur de satis-
faire à la condition stricte consistant à établir l’existence d’un acte positif par
lequel s’est manifestée l’opposition de la partie adverse.

Existence d’un différpend relatif à l’interpprétation
ou à l’application de pla CIEdR au moment du dépôt
de la requête

14. même si l’existence d’un différend est établie, il convipent, afin de
satisfaire à la condition de compétence énoncée à l’article 22 de la CIEdR,

de démontrer que ce différend « touch[e] l’interprétation ou l’application
de [cette] convention » et qu’il existait au moment du dépôt de la requête.
dans le présent arrêt, la Cour a conclu qu’un tel différendp existait bel et
bien au moment du dépôt de la requête, mais seulement en ce quip concerne
la situation qui s’est fait jour à partir du 9 août. Selon moi, cette appré -

ciation est erronée. Je ne pense pas que la Cour, aux fins d’étpablir sa com-
pétence, soit tenue de déterminer avec précision le moment oùp le différend
s’est fait jour. Ce nonobstant, cette question de savoir si le diffpérend n’a
surgi qu’à l’égard d’événements postérieurs au 9 août, ou bien avant cette
date, revêt une grande importance juridique, puisqu’elle est liépe à celle de
la nature même du différend et, partant, à celle des négocpiations qui est

abordée dans le cadre de l’examen de la deuxième exception prépliminaire.
15. A cet égard, la Cour reconnaît dans le présent arrêt que «pdes diffé -
rends ont effectivement surgi entre le mois de juin 1992 et le mois d’août 2008
au sujet des événements en Abkhazie et en Ossétie du Su» d, mais précise que
«[c]es différends portaient sur une série de questions, parmi lespquelles le sta
tut de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, le déclenchement de conflits armés

ou des violations alléguées du droit international humanitaire et du droit
relatif aux droits de l’homme, y compris des droits des minorité» s. dès lors,
la Cour définit comme suit le cadre de son examen : « [c]’est … dans cette
situation complexe qu’il convient d’établir si le différend allégué par la géorgie
et nié par la Fédération de Russie existe» (arrêt, par. 32; les italiques sont
de moi). Cela étant posé, la Cour retrace l’évolution des cponflits en Abkhazie

et en Ossétie du Sud à partir du début des années 1990, en se penchant sur
les résolutions relatives au rétablissement de la paix dans la région adoptées
par le Conseil de sécurité au cours de cette décennie, et prépcise que ce cadre
historique forme «une part importante du contexte dans lequel les déclara -
tions invoquées par les parties ont été faites» (ibid., par. 39).

16. Cette approche, qui vise à définir le contexte dans lequel doiventp
être examinés les éléments de preuve concrets qui se rapportpent à l’exis -
tence d’un différend relatif à la CIEdR, paraît hautement problématique.
En effet, ainsi que cela ressort clairement de l’historique génépral de ce
tragique épisode qu’ont connu l’Abkhazie et l’Ossétie du pSud, le proces -
sus par lequel le différend s’est fait jour n’a pas étép statique ; il s’agit

au contraire d’un processus qui a évolué au fil des ans. C’est ppourquoi la

109 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)176

tentative de la Cour d’apprécier toute l’histoire des conflitps du début des
années 1990 en Abkhazie et en Ossétie du Sud, ainsi que l’évpolution de la
relation entre le demandeur et le défendeur, à travers le prisme upniforme
des « accords conclus dans les années 1990 et [des] résolutions que le
Conseil de sécurité a adoptées à partir de cette période » présentait le
risque de donner une image quelque peu déformée du contexte du diffpé -

rend. Le fait que soit entérinée dans l’arrêt l’idée spelon laquelle la Fédéra-
tion de Russie n’a agi qu’en qualité de « facilitateur» pendant toute la
durée du processus — processus au cours duquel la situation créée par les
parties s’est pourtant transformée considérablement — illustre parfaite -
ment cette approche. (Ainsi, il est fait référence dans l’arrêpt aux débats au

Conseil de sécurité où le défendeur était considérép comme un facilitateur et
où le demandeur a gardé le silence. Or, on pourrait au moins soutenir,
sans pour autant prendre position sur la question, que le silence que
celui-ci a observé à l’égard de l’objet du différend peut ps’expliquer par le
contexte dans lequel se déroulaient les débats en question, à spavoir celui de
l’enceinte multilatérale du Conseil de sécurité, qui s’inptéressait essentielle-

ment à la situation du point de vue du rétablissement et du maintipen de la
paix dans la région.)
17. Selon moi, il est aisé de discerner, dans les relations bilatéraleps entre
la géorgie et la Fédération de Russie, une cristallisation de plus pen plus
prononcée, au fil des ans, du différend relatif aux questions dup nettoyage

ethnique de la population dans la région et du traitement des réfupgiés et des
personnes déplacées. Ce différend a fini par être défini en des termes plus
clairs, en particulier dans la période qui a suivi la prise de fonctipons du
nouveau président de la géorgie en 2004. Il ressort des déclarations
publiques faites dans cette période que le contexte du différend dans
son ensemble a alors connu une transformation très importante. Ainsi, cerp -

tains des documents et déclarations ayant trait aux propos tenus par ple
président qui ont été présentés par le demandeur attestenpt clairement l’exis -
tence d’un différend opposant celui-ci au défendeur relativement à des
questions qui, sur le fond, entrent manifestement dans les prévisions de
la CIEdR.

18. Certes, la Convention n’est pas explicitement mentionnée dans ces p
déclarations du président, mais les références expresses à des actes de net -
toyage ethnique et au traitement des réfugiés et des personnes dépplacées
dans la région y abondent.
A cet égard, il est utile de rappeler que, ainsi que la Cour le reconnaît

elle-même dans son arrêt (par. 30), elle a toujours estimé que,
«parce qu’un Etat ne s’est pas expressément référé, dans des négocia -

tions avec un autre Etat, à un traité particulier qui aurait été violé
par la conduite de celui-ci, il n’en découle pas nécessairement que le
premier ne serait pas admis à invoquer la clause compromissoire
dudit traité » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et

recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83).

110 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)177

dans cette même affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nica -
ragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence
et recevabilité (ci-après «Activités militaires et paramilitaires »), la Cour a
en outre indiqué, au sujet de la situation alors à l’examen :

«Les Etats-Unis [le défendeur] savaient avant l’introduction de
la présente instance que le Nicaragua [le demandeur] affirmait que
leur comportement constituait une violation de leurs obligations

internationales ; ils savent maintenant qu’il leur est reproché d’avoir
violé [le] traité [dont la clause compromissoire est invoquée].p »
(C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83.)

Le raisonnement que la Cour a suivi dans cette affaire peut être apppliqué
presque mot pour mot en la présente espèce, si l’on remplace les noms du
demandeur et du défendeur par ceux des Etats concernés.

19. dans le présent arrêt, tout en reprenant ce raisonnement suivi en
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, la Cour soutient néan -
moins que, «dans ses échanges avec l’autre Etat … [un Etat] doit … s’être
référé assez clairement à l’objet du traité pour que lp’Etat contre lequel il
formule un grief puisse savoir qu’un différend existe ou peut expister à cet

égard», avant de préciser
«Une référence expresse ôterait tout doute quant à ce qui, selon

cet Etat, constitue l’objet du différend et permettrait d’en pinformer
l’autre Etat. Les parties conviennent qu’une telle référence n’a pas
été faite en la présente espèce. » (Arrêt, par. 30.)

20. Selon moi, cette proposition formulée dans l’arrêt est non seulpe -
ment dépourvue de pertinence puisque pareille « référence expresse » ne
constitue pas une exigence juridique aux fins d’établir l’existpence du diffé -

rend, mais elle risque même d’induire en erreur si elle est interpprétée
comme laissant entendre que l’absence de « référence expresse» en la pré -
sente espèce pourrait constituer un élément revêtant une certaine perti -
nence juridique, contrairement à ce qui appert du passage précitép de
l’arrêt en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires.
21. Il est incontestable que le demandeur a, à maintes reprises, indiqué

tout à fait clairement que, selon lui, les questions en litige avec lpe défen -
deur étaient le « nettoyage ethnique » et le « retour des réfugiés » — qui
constituent à l’évidence d’importantes questions relevant dep la CIEdR —
dans la région, même si ces questions ont été soulevées dpans le cadre des
problèmes plus généraux de l’intégrité territoriale dep la géorgie, du statut
juridique de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, et du déclenchement de

conflits armés dans cette région. Le fait que les protestations pélevées par
la géorgie dans ses communications diplomatiques ou dans le cadre d’enp -
ceintes multilatérales portaient essentiellement sur ces problèmes d’ordre
plus général ne signifie pas nécessairement que, selon le demanpdeur, les
questions du nettoyage ethnique et du statut des réfugiés n’étaient pas
importantes en elles-mêmes, dès lors qu’elles pouvaient être incorporées

111 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)178

dans ces protestations globales en tant qu’éléments faisant parptie inté -
grante de la réclamation formulée à l’encontre du défendepur relativement
à la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
22. L’observation formulée ci-dessus est importante particulièrement
pour apprécier la nature du différend en la présente espècpe, étant donné la
manière dont la Cour a, dans son arrêt, tenté de déterminer pla valeur pro -

bante d’un certain nombre de documents et de déclarations publics prelatifs à
la période allant de 1999 à 2008 qui ont été présentés par le demandeur
comme se rapportant à l’objet de ce différend. En effet, ceps très nombreux
éléments de preuve ont, pour l’essentiel, été considérpés isolément et ont fait
l’objet d’une analyse minutieuse. par cette méthode, la Cour a tenté de
déterminer si chacun de ces éléments suffisait à démontrper que le demandeur

avait formulé une réclamation concrète entrant dans le champ dep la CIEdR
et si le fait auquel renvoyait l’élément en question avait ou npon donné lieu à
un acte positif par lequel se manifesterait l’opposition du défendpeur.
23. A cet égard, il convient cependant de soulever un important point
de droit. dans le cadre de son examen de la valeur probante de différents

documents et déclarations publics relatifs à la position des autorités géor -
giennes, la Cour semble considérer que ceux-ci ont pu ne pas être portés
à la connaissance du défendeur par le demandeur ou que ce dernier n’a
présenté aucun élément indiquant que le défendeur en avait eu connais -
sance (voir arrêt, par. 104).

24. Or, il n’existe aucune règle de droit international imposant à pla partie
requérante, en tant que condition juridique pour établir l’exisptence d’un dif -
férend, de notifier au préalable sa réclamation à la partie padverse. pour
qu’un différend existe entre deux parties, la partie adverse doipt, de toute évi
dence, avoir connaissance de la position opposée du requérant sur la ques-
tion en cause. En la présente espèce, je considère que cet éplément, selon lequel

«la partie adverse doit avoir connaissance de la position opposée du rpequé -
rant», a été amplement démontré par l’attitude du défenpdeur consistant à
rejeter clairement la réclamation formulée par le demandeur relatipvement au
nettoyage ethnique et au statut des réfugiés et des personnes dépplacées dans
la région. Le défendeur a fondé ce rejet sur le motif apparent pqu’il s’agissait
d’une question qui ne le concernait pas d’un point de vue juridiqupe. Aussi

devait-il avoir parfaitement connaissance de la position opposée du deman -
deur, tout en contestant la validité juridique de la réclamation epn ce qu’elle
était formulée à son encontre. Si le principe selon lequel la ppartie adverse
doit avoir connaissance de la position opposée du requérant est vaplide en soi,
cela ne justifie pas pour autant celui, totalement différent, selonp lequel le

requérant serait, pour que le différend prenne naissance, juridipquement tenu
de porter la question, en tant que constituant un différend entre lpes deux
parties, à la connaissance de la partie adverse. Ainsi que la Cour l’pa précisé
dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur l’Interprétation des traités de paix
conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, a ▯ vis
consultatif,la question de savoir s’il existe un différend demande en effept à

être établie objectivement par la Cour (C.I.J. Recueil 1950, p. 74).

112 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)179

La nature même du diffpérend porté devant la pCour
par la géorgie

25. Ainsi qu’il appert de sa requête et de son mémoire (voir para.p 6,
ci-dessus), la géorgie soutient que la Fédération de Russie a violé les oblip -
gations que lui impose la CIEdR, notamment en «se livrant à des actes et

pratiques de «discrimination raciale… »et en ne faisant pas « en sorte que
toutes les autorités publiques et institutions publiques … se conforment à
cette obligation », en violation de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention » ;en « « encourageant, défendant ou appuyant la discri -
mination raciale », en violation de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention » ;et en «n’«interdisant pas … la discrimination raciale …

et en n’y mettant pas fin », en violation de l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article 2 de la Convention »(requête, par. 82). La géorgie a développé ces
points lorsqu’elle a explicité sa position pendant la procédure orale, préci -
sant qu’elle tenait la Fédération de Russie pour responsable nopn seulement
de son propre comportement en tant qu’Etat partie à la CIEdR agissant en

son nom propre, mais aussi de sa conduite — actes ou omissions — en tant
que membre de la force de maintien de la paix de la Communauté des Etats
indépendants (ci-après «CEI »), agissant dans le cadre du mandat autorisé
par l’Organisation des Nations Unies.
26. Autrement dit, la géorgie tient la Fédération de Russie pour res -
ponsable de ses actes ou omissions qui, selon elle, constituent des violpa -

tions d’obligations au titre de la CIEdR, que le défendeur ait agi en son
propre nom ou en sa qualité de membre de la force de maintien de la ppaix
de la CEI. Cette réclamation repose sur la thèse du demandeur selopn
laquelle le défendeur doit être tenu pour responsable de tous acteps ou
omissions constitutifs de violations d’obligations au titre de la CIEpdR
qui auraient été commis par les forces auxquelles participait la Fpédération

de Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie, dès lors que les actesp ou
omissions dont il est tiré grief sont juridiquement imputables aux auptori -
tés de cet Etat. Le défendeur, quant à lui, rejette cet argumenpt en faisant
valoir que les actes ou omissions dont il est tiré grief sont avant tpout
attribuables aux autorités séparatistes d’Ossétie du Sud et pd’Abkhazie, et
qu’il s’agit donc de questions qui doivent être réglées ppar la géorgie et

lesdites autorités. Le défendeur soutient en outre que ces questiopns ne
concernent nullement la Fédération de Russie en tant que partie à la
CIEdR, étant donné que ses forces agissaient dans le cadre des mandatsp
qu’elles s’étaient vu conférer pour participer au maintien dpe la paix et que
la Fédération de Russie jouait le rôle de facilitateur, conformément aux

résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
27. Nul ne conteste que les deux parties puissent apprécier différemment
les circonstances factuelles de l’affaire. Il est cependant importapnt de relever
que ces vues opposées du demandeur et du défendeur reflètent pdes concep -
tions différentes de la nature des activités qu’ont menéesp les forces de la
Fédération de Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie pendant lpa période

considérée et, partant, de la nature même du différend. Cette divergence de

113 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)180

positions juridiques sur ce qui constitue le différend en la prépsente espèce
apparaît clairement comme un «désaccord sur un point de droit » et « une
opposition de thèses juridiques » (Mavrommatis, arrêt, par. 30) entre les
deux parties touchant l’interprétation et l’application de la CIEdR.

28. Il va sans dire qu’il s’agit là de questions totalement ouverteps qui

devaient être examinées lors de la phase du fond, notamment sous lp’angle
de la responsabilité de l’Etat à raison des violations allégpuées de certaines
obligations découlant de la CIEdR et de l’imputabilité de ces violations
aux membres d’une mission de maintien de la paix agissant dans le cadre
d’un mandat des Nations Unies ou de la CEI. Si l’affaire s’était poursui -
vie, la Cour aurait dû se pencher sur ces questions en élaborant spa déci -

sion au fond. Quoi qu’il en soit, cet aspect de l’affaire relèpve du fond de la
demande telle que formulée par le demandeur. Certes, les deux parties
ont, au cours de la présente phase consacrée à l’examen des pexceptions
préliminaires d’incompétence, exposé certains arguments relaptifs à leur
position sur ce point, touchant ainsi au fond de la demande principale

dans la mesure qui leur semblait nécessaire pour faire valoir leur thpèse
relative à la question de la compétence. Ce nonobstant, la Cour nep pou -
vait et ne devait pas, afin d’assurer une bonne administration de la pjustice,
se pencher sur cet aspect de la demande à ce stade, sans que les parties
n’aient pleinement exposé leurs positions. S’il ne lui étaitp pas possible de
se prononcer sur la question de sa compétence sans se livrer à parpeil exa -

men, elle aurait dû faire usage de la possibilité que lui offre ple para -
graphe 9 de l’article 79 de son Règlement en déclarant que « [cette
exception (c’est-à-dire la première exception préliminaire soulevée en la
présente espèce)] n’a[vait] pas dans les circonstances de l’pespèce un carac -
tère exclusivement préliminaire ». En dernière analyse, je considère donc
que, à ce stade de la présente instance, la Cour ne devait, ni mêpme ne

pouvait, se pencher plus avant sur cette question qui relève clairemepnt du
fond de l’affaire, et qu’elle devait se contenter de confirmer l’existence
d’un différend relatif à l’interprétation et à l’papplication de la CIEdR
entre le demandeur et le défendeur.
29. pour toutes ces raisons, je suis d’avis que la méthode d’analysep qui
a été suivie dans l’arrêt en ce qui concerne la première pexception prélimi -

naire a sensiblement transformé la nature du différend porté pdevant la
Cour par le demandeur et conduit celle-ci à abréger indûment la durée
constatée de l’existence de ce différend. de toute évidence, cela n’a pas été
sans conséquence pour la période qui a été considérée paux fins de l’exa -
men de la deuxième exception préliminaire. Je suis donc au regret de ne

pouvoir souscrire à l’approche adoptée par la Cour en ce qui copncerne la
première exception préliminaire.

(Signé) Hisashi Owada.

114

Bilingual Content

170

SEpARATE OpINION OF pRESIdENT OWAdA

Task of the Court at the preliminary objections proceedings — Existence of a
“dispute” for jurisdictional purposes — Existence of a dispute relating to the
interpretation or application of CERD at the time of filing — Essential nature of
the dispute brought by Georgia.

general Observations

1. I have voted against the final conclusion of the Judgment that it

“[f]inds that it has no jurisdiction to entertain the Application filed by
georgia” (dispositif, para. 187 (2)). The Judgment has come to this con -
clusion on the basis of its findings that (a) it rejects the first preliminary
objection raised by the Respondent, but that (b) it upholds the second
preliminary objection of the Respondent (ibid., para. 187 (1)).

2. While I concur with the Judgment on its conclusion on the first pre -
liminary objection as stated in paragraph 187 (1) (a), I do not agree
with the Judgment on its conclusion on the second preliminary objection
as stated in paragraph 187 (1) (b), relating to the requirement of “nego -
tiations” under the compromissory clause, Article 22, of the Inter-

national Convention on the Elimination of All Forms of Racial
discrimination (hereinafter “CERd”). Consequently, I decided to write a
joint dissenting opinion together with four other judges who dissented fpor
the same reason. The joint dissenting opinion states the common positionp
of the five judges, myself included, on the Judgment with respect to thep

second preliminary objection advanced by the Respondent.

3. Apart from my disagreement with the Judgment on the second pre -
liminary objection, I wish also to record my disagreement with some

aspects of the reasoning of the Judgment on the first preliminary objec -
tion, especially in relation to its approach to the subject-matter of the
dispute, including the issues of whether the alleged claim of the Applicpant
constitutes a dispute relating to the interpretation and the application of the
CERD in the present case and, if so, whether such a dispute existed

between the parties at the time of the filing of the Application of the case.

4. For this reason, I have decided to attach this separate opinion,
which focuses on my views on the task of the Court at the present stage p
of the proceedings on the preliminary objections raised by the Respon -

104 170

OpINION INdIvIdUELLE dE m. LE JUgE OWAdA,
pRÉSIdENT

[Traduction]

Tâche de la Cour lors de la phase de l’examen des exceptions pré▯liminaires —
Existence d’un « différend » à des fins juridictionnelles — Existence d’un différend
relatif à l’interprétation ou à l’application de la CIEDR▯ au moment du dépôt de la
requête — Nature même du différend porté devant la Cour par la Gé▯orgie.

Observations généraleps

1. J’ai voté contre la conclusion finale de l’arrêt dans laquelle la Cour

«[d]it qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la requête pdéposée
par la géorgie » (par 187, dispositif, point 2). La Cour est parvenue à
cette conclusion après avoir décidé a) de rejeter la première exception
préliminaire soulevée par le défendeur, mais b) de retenir la deuxième
exception préliminaire du défendeur (ibid., point 1).

2. Quoique je souscrive à la conclusion de la Cour concernant la pre -
mière exception préliminaire, telle qu’énoncée au point 1 a) du dispositif,
je suis, en revanche, en désaccord avec la conclusion concernant la
deuxième exception, telle qu’énoncée au point 1 b) du dispositif, conclu -
sion qui a trait à la condition de « négociation» aux termes de la clause

compromissoire contenue à l’article 22 de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (pci-après
«CIEdR»). C’est pourquoi j’ai décidé de rédiger une opinionp dissidente
commune avec quatre autres juges qui ne souscrivent pas à l’arrêt pour ce
même motif. La position conjointement adoptée par ces cinq juges, py

compris moi-même, relativement à la deuxième exception préliminaire
soulevée par le défendeur, est exposée dans cette opinion dissipdente com -
mune.
3. Outre mon désaccord avec l’arrêt en ce qui concerne cette deuxième
exception, je tiens également à préciser que je suis en désapccord avec cer -

tains aspects du raisonnement de la majorité en ce qui concerne la prpe -
mière exception préliminaire et, plus particulièrement, avec l’papproche
suivie relativement à l’objet du différend, y compris les quepstions de savoir
si la réclamation du demandeur permet d’établir l’existence pd’un différend
relatif à l’interprétation et à l’application de la CIEDR▯ en la présente

espèce et, dans l’affirmative, si ce différend opposait les pparties au moment
du dépôt de la requête.
4. Aussi ai-je décidé de joindre à l’arrêt la présente opinion indpivi -
duelle, dans laquelle sont exposées mes vues sur la tâche de la Copur à ce
stade de l’instance, à savoir l’examen des exceptions prélimpinaires soule -

104171 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

dent, and on the essential nature of the case submitted by the Applicantp
in the instant case.

The Task of the Court
at the preliminary Objectionsp proceedings

5. In the proceedings on preliminary objections to the jurisdiction of
the Court raised by the Respondent, what the Court has to do is to deterp -
mine whether it has jurisdiction to deal with the case on the merits. Atp

this stage of the proceedings, it is not the task of the Court to examine the
well-foundedness (bien-fondé) of the contentions of the parties on the
merits of the case. The issue of whether the alleged claim of the Applicpant
that the Respondent has violated its obligations under CERd during the
period preceding the Application is a matter to be substantiated by the p

Applicant both in law and in fact at the merits stage of the proceedingsp.
The Court, at this phase of the proceedings, is to focus exclusively on pthe
issue of whether or not the alleged claim relating to the interpretationp or
the application of CERd as advanced by the Applicant falls within the
scope of jurisdiction accorded to the Court by the compromissory clause p
of CERd (Art. 22) as of the time of the filing of the Application.

6. In order to answer this limited question, it is important first to iden -
tify what the Applicant claims as its cause of action. In its Application in
filing this case, georgia defined its position in the following way :

“The Republic of georgia, on it own behalf and as parens patriae
for its citizens, respectfully requests the Court to adjudge and declarep
that the Russian Federation, through its State organs, State agents,

and other persons and entities exercising governmental authority, and
through the South Ossetian and Abkhaz separatist forces and other
agents acting on the instructions of or under the direction and control p
of the Russian Federation, has violated its obligations under CERd
by :

(a) engaging in acts and practices of ‘racial discrimination against

persons, groups of persons or institutions’ and failing ‘to ensurep
that all public authorities and public institutions, national and
local, shall act in conformity with this obligation’ contrary to
Article 2 (l) (a) of CERd ;

(b) ‘sponsoring, defending and supporting racial discrimination’ con-

trary to Article 2 (l) (b) of CERd ;

(c) failing to ‘prohibit and bring to an end, by all appropriate means,
including legislation as required by circumstances, racial dis-
crimination’ contrary to Article 2 (l) (d) of CERd ;

105 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)171

vées par le défendeur, et sur la nature même de la réclamatipon présentée
par le demandeur en l’espèce.

La tâche de la Cour lorsp de la phase
de l’examen des excepptions préliminaires

5. Lorsque sont examinées des exceptions préliminaires d’incompép -
tence, la Cour doit déterminer si elle a compétence pour connaître de
l’affaire au fond. Lors de cette phase de l’instance, il ne lui pincombe

pas de s’interroger quant au bien-fondé des arguments des parties sur
le fond de l’affaire. La question de savoir si la réclamation du depman-
deur selon laquelle le défendeur a violé, au cours de la périodpe précédant
le dépôt de la requête, les obligations qui lui incombent au tiptre de la
CIEdR est une question qui demandait à être étayée par le deman-p

deur, en droit comme en fait, au stade de l’examen au fond. Lors
de la présente phase de l’instance, la Cour devait exclusivement recher -
cher si la réclamation relative à l’interprétation ou à lp’application de
la CIEdR, telle que formulée par le demandeur, entrait ou non, au
moment du dépôt de la requête, dans le champ de la compétencpe que
lui confère la clause compromissoire énoncée dans la Convention

(art. 22).
6. pour répondre à cette question ainsi circonscrite, il est importantp de
commencer par définir le motif d’action invoqué par le demandeupr. dans
sa requête, la géorgie a défini sa position comme suit :

«La République de géorgie, en son nom propre et en qualité de
parens patriae de ses citoyens, prie respectueusement la Cour de dire
et juger que la Fédération de Russie, par l’intermédiaire dep ses

organes et agents et d’autres personnes et entités exerçant unep
autorité gouvernementale, ainsi que par l’intermédiaire des forpces
séparatistes sud-ossètes et abkhazes et d’autres agents opérant sur
ses instructions ou sous sa direction et son contrôle, a violé les oblpi -
gations que lui impose la CIEdR :

a) en se livrant à des actes et pratiques de « discrimination raciale

contre des personnes, groupes de personnes ou institutions » et en
ne faisant pas « en sorte que toutes les autorités publiques et ins -
titutions publiques, nationales et locales, se conforment à cette
obligation », en violation de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’ar -
ticle 2 de la Convention ;
b) en « encourageant, défendant ou appuyant la discrimination

raciale », en violation de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention ;
c) en n’«interdisant pas, par tous les moyens appropriés, y compris,
si les circonstances l’exigent, des mesures législatives, … la discri -
mination raciale … et en n’y mettant pas fin », en violation de

l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention ;

105172 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

(d) failing to condemn ‘racial segregation’ and failing to ‘eradicapte
all practices of this nature’ in South Ossetia and Abkhazia, con -
trary to Article 3 of CERd ;
(e) failing to ‘condemn all propaganda and all organizations . . .
which attempt to justify or promote racial hatred and discrimi -
nation in any form’ and failing ‘to adopt immediate and positive

measures designed to eradicate all incitement to, or acts of, such
discrimination’, contrary to Article 4 of CERd ;

(f) undermining the enjoyment of the enumerated fundamental
human rights in Article 5 by the ethnic georgian, greek and
Jewish populations in South Ossetia and Abkhazia, contrary to

Article 5 of CERd ;
(g) failing to provide ‘effective protection and remedies’ against apcts
of racial discrimination, contrary to Article 6 of CERd.” (Appli-
cation of georgia, para. 82.)

georgia in the final submissions of its memorial of 2 September 2009
specified its claim as follows :

“On the basis of the evidence and legal argument presented in this
Memorial, georgia requests the Court to adjudge and declare :

that the Russian Federation, through its State organs, State agents
and other persons and entities exercising governmental authority, and
through the de facto governmental authorities in South Ossetia and
Abkhazia and militias operating in those areas, is responsible for vio -

lations of Articles 2 (1) (a), 2 (1) (b), 2 (1) (d), 3 and 5 of the
1965 Convention by the following actions : (i) the ethnic cleansing of
georgians in South Ossetia ; (ii) the frustration of the right of return
of georgians to their homes in South Ossetia and Abkhazia ; and
(iii) the destruction of georgian culture and identity in South Ossetia

and Abkhazia.” (memorial of georgia, vol. I, p. 407 ; emphasis
added.)
7. It is clear from this submission of georgia that what it charges the

Russian Federation with on the alleged violation of obligations under
CERd is the behaviour of the Respondent in relation to its obligations
under that Convention in the regions of South Ossetia and Abkhazia dur-
ing the period after the entry into force of CERd between the Applicant
and the Respondent until the filing of the Application in the present capse.

(It is true that georgia also refers to events during the period before this
date, but georgia itself acknowledges that these events are legally irrele -
vant for the purposes of the present dispute brought within the jurisdicp -
tional limitation ratione temporis under Article 22, except for the purpose
of demonstrating that the alleged dispute, having originated before the p
entry into force of CERd, continued to exist after 1999.)

106 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)172

d) en ne condamnant pas la «ségrégation raciale » et en n’«éliminant
pas … toutes les pratiques de cette nature » en Ossétie du Sud et
en Abkhazie, en violation de l’article 3 de la Convention ;
e) en ne « condamnant pas toute propagande et toutes organisa -
tions … qui prétendent justifier ou encourager toute forme de
haine et de discrimination raciales » et en n’« adoptant pas immé-

diatement des mesures positives destinées à éliminer toute incipta-
tion à une telle discrimination », en violation de l’article 4 de la
Convention ;
f) en portant atteinte à la jouissance, par les populations de souches
géorgienne, grecque et juive d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, des
droits de l’homme fondamentaux énumérés à l’article 5 de la

Convention, en violation de cet article 5 ;
g) en n’assurant pas « une protection et une voie de recours effec -
tives » contre les actes de discrimination raciale, en violation de
l’article 6 de la Convention. » (Requête de la géorgie, par. 82.)

dans les conclusions finales exposées dans son mémoire du 2 sep -
tembre 2009, la géorgie a précisé sa demande comme suit :

«Sur la base des éléments de preuve et des arguments juridiques
soumis dans le présent mémoire, la géorgie prie la Cour de dire et
juger :

que la Fédération de Russie a, par l’intermédiaire de ses organes et
agents et d’autres personnes ou entités exerçant une autorité▯ gouverne -
mentale, ainsi que par l’intermédiaire des autorités gouvernemen ▯ tales
de facto d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie et des milices opérant dans ces

régions, violé les dispositions des alinéas a), b) et d) du paragraphe 1
de l’article 2, de l’article 3 et de l’article 5 de la convention de 1965 par
les actions suivantes: i) nettoyage ethnique à l’encontre des géorgiens
d’Ossétie du Sud; ii) déni du droit de retour des géorgiens en Ossétie
du Sud et en Abkhazie ; et iii) destruction de la culture et de l’iden -

tité géorgiennes en Ossétie du Sud et en Abkhazie. » (mémoire de la
géorgie, vol. I, p. 407 ; les italiques sont de moi.)
7. Il ressort clairement de cette conclusion présentée par la géorgie

que celle-ci accuse la Fédération de Russie d’avoir, par sa conduite, vioplé
les obligations que lui impose la CIEdR dans les régions de l’Ossétie du
Sud et de l’Abkhazie au cours de la période allant de l’entrépe en vigueur
de la Convention entre les deux Etats jusqu’au dépôt de la requpête en la
présente espèce. (Il est vrai que la géorgie se réfère également à certains

événements antérieurs à cette période, mais, ainsi qu’pelle le reconnaît
elle-même, ceux-ci sont sans pertinence d’un point de vue juridique aux
fins du présent différend — qui a été porté devant la Cour sur la base de
l’article 22 et, partant, est soumis à la limitation ratione temporis qui
découle de cette disposition —, sauf pour démontrer que le différend allé -
gué, qui s’est fait jour avant l’entrée en vigueur de la CIEpdR, a continué

d’exister après 1999.)

106173 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

8. Whether this contention of georgia to hold the Russian Federation
to account for internationally wrongful acts under CERd, including
those acts or omissions that the Respondent allegedly committed as part p
of peacekeeping forces is justified in law and in fact is an issue to bep dete-
mined by the Court when the Court reaches the stage of dealing with the p
merits of the dispute. In my view, at this preliminary stage of the procpeed -

ings the Court does not have to, and indeed cannot, pass a judgment on
the merits (bien-fondé) of this claim by georgia.
9. Thus the first question that the Court has to determine at this pre -
liminary stage is whether the Court can identify in this claim of georgia
a dispute between the Applicant and the Respondent within the accepted

notion of that term as defined under general international law as well aps
under the established jurisprudence of this Court, and if so whether sucph
a dispute qualifies as a dispute “with respect to the interpretation por
application of [CERd]” (CERd, Art. 22 ; Application, para. 18). If the
answer to this first question is in the affirmative, then the second popint of

enquiry will be whether such a dispute existed between the parties at the
time of filing of the Application by Georgia.

Existence of a “dispute” for Jurisdictpional purposes

10. On the first question of whether there is a dispute between the
Applicant and the Respondent with respect to CERd, the Judgment
starts with an analysis of the question of what constitutes a dispute. Ipt
quotes a famous definition by the permanent Court of International Jus -
tice (hereinafter “pCIJ”) in the Mavrommatis Palestine Concessions case

(Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2 ; hereinafter“Mavromma -
tis”), to the effect that “[a] dispute is a disagreement on a point of law or
fact, a conflict of legal views or of interests between two persons”p (Judg -
ment, para. 30). I accept that this all-inclusive and comprehensive defini -
tion can be a useful starting point for our enquiry in the present case.p

This classical definition of a dispute was further elaborated in a dictupm
in the Judgments of the Court on the South West Africa (Ethiopia v.
South Africa ; Liberia v. South Africa), Preliminary Objections cases in
1962 (hereinafter “South West Africa”). After quoting the relevant pas -
sage in the Mavrommatis case, the 1962 Judgment states as follows :

“it is not sufficient for one party to a contentious case to assert pthat
a dispute exists with the other party. A mere assertion is not sufficient

to prove the existence of a dispute any more than a mere denial of the
existence of the dispute proves its non-existence. Nor is it adequate
to show that the interests of the two parties to such a case are in
conflict. It must be shown that the claim of one party is positively
opposed by the other. Tested by this criterion there can be no doubt

about the existence of a dispute between the Parties before the Court

107 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)173

8. C’est au stade de l’examen au fond que la Cour devait trancher la
question de savoir si cette thèse de la géorgie consistant à tenir la Fédé -
ration de Russie pour responsable d’actes internationalement illicites au
regard de la CIEdR, y compris les actes ou omissions que le défendeur
aurait commis en participant à la force de maintien de la paix, est jpustifiée

en droit et en fait. Selon moi, la Cour ne devait pas — et ne pouvait d’ail -
leurs pas — se prononcer sur le bien-fondé de cette réclamation à ce stade
préliminaire de l’instance.
9. par conséquent, il incombait d’abord à la Cour de rechercher si
cette réclamation de la géorgie pouvait lui permettre d’établir l’exis -

tence d’un différend entre le demandeur et le défendeur, au sens générale -
ment admis que revêt ce terme en droit international général etp dans sa
jurisprudence constante et, en pareil cas, si ce différend constitupait un
différend « touchant l’interprétation ou l’application de la [CIEdR] »

(CIEdR, art. 22; requête, par. 18). dans l’affirmative, il lui fallait alors
rechercher si ce différend existait entre les parties au moment du dépôt de
la requête de la Géorgie.

Existence d’un « différend» à des fins juridictiponnelles

10. S’agissant de la première question, celle de savoir s’il existep entre
le demandeur et le défendeur un différend relatif à la CIEdR, l’arrêt

commence par un examen de ce qu’est un différend. A cet égard, la Cour
cite la définition bien connue que la Cour permanente de Justice intepr-
nationale (ci-après « CpJI ») a donnée dans l’affaire des Concessions Ma-
vrommatis en Palestine (arrêt n o2, 1924, C.P.J.I. série A n o 2 ; ci-après
«Mavrommatis »), selon laquelle « [u]n différend est un désaccord sur un

point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juri -
diques ou d’intérêts entre deux personnes » (arrêt, par. 30). Selon moi,
cette définition englobante et générale peut effectivement seprvir de point
de départ de l’analyse en la présente espèce.
La définition classique donnée par la CpJI a été précisée en 1962 dans

un dictum de la Cour dans les affaires du Sud-Ouest africain (Ethiopie
c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires
(ci-après «Sud-Ouest africain »). Après avoir cité le passage pertinent de
l’affaire Mavrommatis, l’arrêt de 1962 se poursuit comme suit :

«il ne suffit pas que l’une des parties à une affaire contentieuse
affirme l’existence d’un différend avec l’autre partie. Lpa simple affir -
mation ne suffit pas pour prouver l’existence d’un différendp, tout

comme le simple fait que l’existence d’un différend est contepstée ne
prouve pas que ce différend n’existe pas. Il n’est pas suffipsant non
plus de démontrer que les intérêts des deux parties à une telle affaire
sont en conflit. Il faut démontrer que la réclamation de l’une des par -
ties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre. D’après ce critère,

107174 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

[in this case], since it is clearly constituted by their opposing attitudes
relating to the performance of the obligations of the mandate by the
Respondent as mandatory.” (I.C.J. Reports 1962, p. 328 ; emphasis
added.)

11. Based on the strength of this dictum, the present Judgment pro -
ceeds to examine the concrete evidence presented by the Applicant, stat -
ing that “[the Court] needs to determine whether georgia made such a

claim and whether the Russian Federation positively opposed it with the
result that there is a dispute between them in terms of Article 22 of
CERd” (Judgment, para. 31 ; emphasis added). By this approach, as will
be discussed later in greater detail (see paragraphs 22-24 of this opinion),
the Judgment scrutinizes each of the pieces of evidence presented by geor-

gia to see whether the latter was making allegations specific enough, wipth
the Russian Federation having the opportunity to demonstrate a positive p
concrete reaction of opposition to what georgia was claiming. Such an
approach, in my view, amounts to suggesting that in order to establish
the existence of a dispute between the parties the Applicant is requiredp to

establish a positive act of manifestation of opposition from the Respon -
dent — a new stringent requirement, not contained in either of the two
precedents quoted above, for the existence of a dispute between the par -
ties. Such a high threshold would make it impossible to discern the exisp -
tence of a dispute when the complaints are met, as explained later, by flat
denial on the basis that the acts complained of did not concern the

Respondent.
12. The fallacy of this logic of the Judgment will be apparent, if one
reads the entire passage in the South West Africa cases in its entire context.
The last sentence of the quote above from the South West Africa cases
makes it clear that what the Court in these Judgments tries to introduce is

nothing more than a clarification of what the permanent Court of Interna-
tional Justice pronounced in the Mavrommatis case. In other words, the
purport of that particular sentence, while not sufficiently well articuplated,
is to state that in cases where the conflict of interests is in issue pbetween the
parties, it is not enough for one party merely to assert that the interests of

the two parties involved are in conflict but that that party has to show that
there exists in fact a situation in which the claim advanced by the Applicant
party is positively met with an attitude of opposition, on whatever ground,
by the Respondent. This is not at all synonymous with a proposition thatp
“a positive act of manifestation of opposition” by the Respondent pparty
has to be established by the Applicant party.

13. In fact, in the South West Africa cases, the 1962 Judgments conclude
that “[t]ested by this criterion there can be no doubt about the existence of a
dispute between the parties before the Court, since it is clearly constituted
by their opposing attitudes . . .” (I.C.J. Reports 1962, p. 328 ; emphasis
added). It is thus quite clear that what the Court in its 1962 Judgment

intended to signify by the statement quoted earlier was not that any chapnge

108 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)174

l’existence d’un différend entre les parties devant la Cour [da▯ns cette
affaire] ne saurait faire de doute puisqu’il résulte clairement de▯ leurs
attitudes opposées à propos de l’accomplissement des obligations du
mandat par le défendeur, en sa qualité de mandataire. »
(C.I.J. Recueil 1962, p. 328 ; les italiques sont de moi.)

11. Se fondant sur cet important dictum, la Cour examine ensuite dans
le présent arrêt les éléments de preuve concrets qui lui ontp été présentés
par le demandeur, précisant qu’« elle doit établir si la géorgie a formulé

une réclamation en ce sens et si celle-ci s’est heurtée à l’opposition mani -
feste de la Fédération de Russie, de sorte qu’il existe un différend au sens
de l’article 22 de la CIEdR » (arrêt, par. 31; les italiques sont de moi).
Ainsi que cela sera exposé ci-dessous de manière plus détaillée (voir les
paragraphes 22-24 de la présente opinion), cette approche donne lieu

dans l’arrêt à une analyse approfondie de chaque élément pde preuve pré-
senté par la géorgie afin de rechercher si celle-ci y a formulé des alléga -
tions suffisamment précises et si la Fédération de Russie a effpectivement
eu l’occasion de manifester concrètement son opposition à ces apllégations.
Selon moi, cela revient à considérer que, aux fins d’établirp l’existence d’un

différend entre les parties, le demandeur est tenu d’établir l’existence d’un
acte positif par lequel s’est manifestée l’opposition du défendeur ; il s’agit là
d’un nouveau critère fort strict, qui n’est énoncé dans apucun des deux
précédents cités ci-dessus. Or, pareil critère ne permettrait pas de discer -
ner l’existence d’un différend lorsque les réclamations sep heurtent, ainsi
que je le préciserai ci-dessous, à une dénégation pure et simple au motif

que les faits dont il est tiré grief ne concernent pas le défendeupr.
12. L’illogisme de cette approche suivie dans le présent arrêt apparaît à
la lecture de l’intégralité du passage pertinent des affairesp du Sud-Ouest
africain, replacé dans son contexte global. Il appert en effet de la dernièpre
phrase de l’extrait précité que la Cour a, dans les arrêts epn question, simple-

ment cherché à clarifier ce que sa devancière avait indiqué en l’affaire
Mavrommatis. Autrement dit, cette phrase, même si elle n’est pas suffisam-
ment bien formulée, a pour objet de préciser que, dans les affaipres où un
conflit d’intérêts entre les parties est en cause, il ne suffit pas que l’une
d’elles affirme que les intérêts des deux parties sont en conflit, mais il lui

faut démontrer que la réclamation formulée par le demandeur se heurte ▯ à une
attitude d’opposition manifeste du défendeur et ce, quel qu’en soit le
motif. Cela ne revient nullement à dire que le demandeur est tenu d’étpablir
l’existence d’« un acte positif par lequel s’est manifestée l’opposition »
du défendeur.

13. dans les arrêts qu’elle a rendus en 1962 dans les affaires dS uud-Ouest
africain, la Cour a d’ailleurs conclu que, « [d]’après ce critère, l’existence
d’un différend entre les parties devant la Cour ne saurait faire de doute
puisqu’il résulte clairement de leurs attitudes opposées » (C.I.JR. ecueil 1962,
p. 328 ; les italiques sont de moi). Il apparaît donc tout à fait clairepment

qu’elle n’entendait pas, par le prononcé précité figurantp dans son arrêt

108175 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

in what the pCIJ stated in the Mavrommatis case has to be expanded
to include a stringent requirement to be placed upon the Applicant to
establish a positive act of manifestation of opposition by the other party.

Existence of a dispute relating to thpe Interpretation
or Application of CERd at the Time
of Filing

14. Even if the existence of a dispute is identified, it has to be shown
that that dispute is one “with respect to the interpretation or applipcation

of CERd”, in order to satisfy the jurisdictional requirement under its
Article 22 and that it existed at the time of filing of the case. The Judg -
ment comes to the conclusion that such a dispute did exist at the time opf
filing of the case, but only in relation to the situation that developedp since
9 August. I believe that this assessment of the situation is not accurate.p I

do not believe that for the purpose of constituting the jurisdiction of pthe
Court a chronological determination of exactly when the dispute in ques -
tion emerged. However, this question of whether the dispute arose only ipn
relation to events after 9 August or much earlier has an important legal
significance, as the issue relates to the question of the essential nature of
the dispute, and consequently to the question of negotiations in the conp -

text of the second preliminary objection.
15. On this point, the Judgment acknowledges that “disputes undoubt -
edly did arise between June 1992 and August 2008 in relation to events
in Abkhazia and South Ossetia”, but points out that “[t]hose disputes
involved a range of matters including the status of Abkhazia and South
Ossetia, outbreaks of armed conflict and alleged breaches of internatiponal

humanitarian law and of human rights, including the rights of minori -
ties”. In this situation the Judgment concludes, as its framework of
enquiry, that “[i]t is within that complex situation that the dispute which
georgia alleges to exist and which the Russian Federation denies is to be
identified” (Judgment, para. 32; emphasis added). On this basis, the Judg -
ment traces the history of evolving conflicts in Abkhazia and South Osse -

tia from the early 1990s, including the Security Council resolutions
relating to the restoration of peace in the region in the 1990s, and idepnti -
fies this historical framework as “an important part of the context ipn
which the statements which the parties invoke were made” (ibid.,
para. 39).

16. This approach, intended to set up the context for examining the
concrete evidence for the existence of a dispute relating to CERd, seems
highly problematical. As is clear from the overall review of the historyp of
this tragic episode relating to Abkhazia and South Ossetia, the process of
the emergence of the dispute has not been a static one but an evolving
process extending over a period of years. An attempt to evaluate the

entire history of the conflicts in Abkhazia and South Ossetia in the early

109 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)175

de 1962, signifier qu’il convenait d’infléchir la définition pdonnée par la CpJI
en l’affaire Mavrommatis en allant jusqu’à imposer au demandeur de satis-
faire à la condition stricte consistant à établir l’existence d’un acte positif par
lequel s’est manifestée l’opposition de la partie adverse.

Existence d’un différpend relatif à l’interpprétation
ou à l’application de pla CIEdR au moment du dépôt
de la requête

14. même si l’existence d’un différend est établie, il convipent, afin de
satisfaire à la condition de compétence énoncée à l’article 22 de la CIEdR,

de démontrer que ce différend « touch[e] l’interprétation ou l’application
de [cette] convention » et qu’il existait au moment du dépôt de la requête.
dans le présent arrêt, la Cour a conclu qu’un tel différendp existait bel et
bien au moment du dépôt de la requête, mais seulement en ce quip concerne
la situation qui s’est fait jour à partir du 9 août. Selon moi, cette appré -

ciation est erronée. Je ne pense pas que la Cour, aux fins d’étpablir sa com-
pétence, soit tenue de déterminer avec précision le moment oùp le différend
s’est fait jour. Ce nonobstant, cette question de savoir si le diffpérend n’a
surgi qu’à l’égard d’événements postérieurs au 9 août, ou bien avant cette
date, revêt une grande importance juridique, puisqu’elle est liépe à celle de
la nature même du différend et, partant, à celle des négocpiations qui est

abordée dans le cadre de l’examen de la deuxième exception prépliminaire.
15. A cet égard, la Cour reconnaît dans le présent arrêt que «pdes diffé -
rends ont effectivement surgi entre le mois de juin 1992 et le mois d’août 2008
au sujet des événements en Abkhazie et en Ossétie du Su» d, mais précise que
«[c]es différends portaient sur une série de questions, parmi lespquelles le sta
tut de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, le déclenchement de conflits armés

ou des violations alléguées du droit international humanitaire et du droit
relatif aux droits de l’homme, y compris des droits des minorité» s. dès lors,
la Cour définit comme suit le cadre de son examen : « [c]’est … dans cette
situation complexe qu’il convient d’établir si le différend allégué par la géorgie
et nié par la Fédération de Russie existe» (arrêt, par. 32; les italiques sont
de moi). Cela étant posé, la Cour retrace l’évolution des cponflits en Abkhazie

et en Ossétie du Sud à partir du début des années 1990, en se penchant sur
les résolutions relatives au rétablissement de la paix dans la région adoptées
par le Conseil de sécurité au cours de cette décennie, et prépcise que ce cadre
historique forme «une part importante du contexte dans lequel les déclara -
tions invoquées par les parties ont été faites» (ibid., par. 39).

16. Cette approche, qui vise à définir le contexte dans lequel doiventp
être examinés les éléments de preuve concrets qui se rapportpent à l’exis -
tence d’un différend relatif à la CIEdR, paraît hautement problématique.
En effet, ainsi que cela ressort clairement de l’historique génépral de ce
tragique épisode qu’ont connu l’Abkhazie et l’Ossétie du pSud, le proces -
sus par lequel le différend s’est fait jour n’a pas étép statique ; il s’agit

au contraire d’un processus qui a évolué au fil des ans. C’est ppourquoi la

109176 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

1990s and to assess this evolving process of the changing nature of the p
relationship between the Applicant and the Respondent in this mono -
chromatic framework created by “the agreements reached in the 1990s anpd
the Security Council resolutions adopted from the 1990s” could presenpt
a somewhat distorted picture of the situation relating to the dispute. This
approach is typically demonstrated in the Judgment’s acceptance of thpe

status of the Russian Federation exclusively as “facilitator” thropughout
the entire process in which the situation created by the parties went
through a substantive transformation. (The Judgment makes reference to p
the debate in the Security Council in which the Applicant was treated as
facilitator and in which the Respondent kept silent. It could at least bpe

arguable, without taking a position on this matter, that in the multilatperal
forum of the Security Council, which was looking at the situation largelpy
from the viewpoint of the restoration and maintenance of peace in the
region, the silence of the Applicant in this situation on the subject-matter
of that dispute could be explained in that context.)

17. In my view, it is easy to discern, in the bilateral relations between
georgia and the Russian Federation, a growing crystallization of the dis -
pute relating to the issue of ethnic cleansing of the population in the p

region and of the treatment of refugees and internationally displaced per -
sons (hereinafter “Idps”), as years went by. This dispute came to be more
clearly articulated especially in the period after the new president of
georgia came into office in 2004. The context of the whole dispute went p
through a major transformation as far as the public pronouncements are
concerned. Some of the documents and statements submitted by the

Applicant relating to the president’s pronouncements clearly bear testi -
mony to the existence of a dispute between the Applicant and the Respon-
dent relating to those issues which are in substance clearly covered by p
CERd provisions.

18. It is true that in these pronouncements of the president, no specific
reference to CERd by name was made, though express references to acts
of ethnic cleansing and to the treatment of refugees and Idps in the
region were abundant in these documents and statements.
In this regard it is useful to recall, as the Judgment itself acknowledgpes

(para. 30), that the Court has always taken the position that,
“because a State has not expressly referred in negotiations with anotpher

State to a particular treaty as having been violated by conduct of
that other State [it does not follow that], it is debarred from invok -
ing a compromissory clause in that treaty” (Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports

1984, p. 428, para. 83).

110 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)176

tentative de la Cour d’apprécier toute l’histoire des conflitps du début des
années 1990 en Abkhazie et en Ossétie du Sud, ainsi que l’évpolution de la
relation entre le demandeur et le défendeur, à travers le prisme upniforme
des « accords conclus dans les années 1990 et [des] résolutions que le
Conseil de sécurité a adoptées à partir de cette période » présentait le
risque de donner une image quelque peu déformée du contexte du diffpé -

rend. Le fait que soit entérinée dans l’arrêt l’idée spelon laquelle la Fédéra-
tion de Russie n’a agi qu’en qualité de « facilitateur» pendant toute la
durée du processus — processus au cours duquel la situation créée par les
parties s’est pourtant transformée considérablement — illustre parfaite -
ment cette approche. (Ainsi, il est fait référence dans l’arrêpt aux débats au

Conseil de sécurité où le défendeur était considérép comme un facilitateur et
où le demandeur a gardé le silence. Or, on pourrait au moins soutenir,
sans pour autant prendre position sur la question, que le silence que
celui-ci a observé à l’égard de l’objet du différend peut ps’expliquer par le
contexte dans lequel se déroulaient les débats en question, à spavoir celui de
l’enceinte multilatérale du Conseil de sécurité, qui s’inptéressait essentielle-

ment à la situation du point de vue du rétablissement et du maintipen de la
paix dans la région.)
17. Selon moi, il est aisé de discerner, dans les relations bilatéraleps entre
la géorgie et la Fédération de Russie, une cristallisation de plus pen plus
prononcée, au fil des ans, du différend relatif aux questions dup nettoyage

ethnique de la population dans la région et du traitement des réfupgiés et des
personnes déplacées. Ce différend a fini par être défini en des termes plus
clairs, en particulier dans la période qui a suivi la prise de fonctipons du
nouveau président de la géorgie en 2004. Il ressort des déclarations
publiques faites dans cette période que le contexte du différend dans
son ensemble a alors connu une transformation très importante. Ainsi, cerp -

tains des documents et déclarations ayant trait aux propos tenus par ple
président qui ont été présentés par le demandeur attestenpt clairement l’exis -
tence d’un différend opposant celui-ci au défendeur relativement à des
questions qui, sur le fond, entrent manifestement dans les prévisions de
la CIEdR.

18. Certes, la Convention n’est pas explicitement mentionnée dans ces p
déclarations du président, mais les références expresses à des actes de net -
toyage ethnique et au traitement des réfugiés et des personnes dépplacées
dans la région y abondent.
A cet égard, il est utile de rappeler que, ainsi que la Cour le reconnaît

elle-même dans son arrêt (par. 30), elle a toujours estimé que,
«parce qu’un Etat ne s’est pas expressément référé, dans des négocia -

tions avec un autre Etat, à un traité particulier qui aurait été violé
par la conduite de celui-ci, il n’en découle pas nécessairement que le
premier ne serait pas admis à invoquer la clause compromissoire
dudit traité » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et

recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83).

110177 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

In this case concerning Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Jurisdiction and
Admissibility (hereinafter “Military and Paramilitary Activities”), the
Court further pointed out in relation to the situation that was at issuep that

“The United States [the Respondent] was well aware that Nicara -
gua [the Applicant] alleged that its conduct was a breach of inter-
national obligations before the present case was instituted ; and it is

now aware that specific articles of the . . . Treaty [of which the com -
promissory clause is being invoked] are alleged to have been violated.”p
(I.C.J. Reports 1984, p. 428, para. 83.)

The above reasoning of the Court in that case can be applied almost word
for word to the present case, if one replaces the concrete names of the p
Applicant and the Respondent by those involved in the present case.

19. The present Judgment, while acknowledging this reasoning of the
Court in the Military and Paramilitary Activities case, asserts that “the
exchanges must refer to the subject-matter of the treaty with sufficient
clarity to enable the State against which a claim is made to identify thpat
there is, or may be, a dispute with regard to that subject-matter”, and

supplements this by suggesting that :
“An express specification would remove any doubt about one

State’s understanding of the subject-matter in issue and put the other
on notice. The parties agree that that express specification does not
appear in this case.” (Judgment, para. 30.)

20. In my view, this suggestion of the Judgment is not only irrelevant
to the extent that such “[a]n express specification” is not a legapl require -
ment for the existence of the dispute ; it can even be misleading to the

extent that the passage could be seen as suggesting that the lack of
“express specification” in this case were a point of some legal sipgnificance,
contrary to what is clearly stated in the quoted passage in the Military
and Paramilitary Activities case.

21. An indisputable fact is that the Applicant time and again made it

abundantly clear that what was at issue in the mind of the Applicant in p
relation to the Respondent was the issue of “ethnic cleansing” and the
issue of “return of refugees” — plainly important subject-matters of
CERd — in the region, even if these issues were raised as part of the
broader and more general problems of the territorial integrity of georgia,
the legal status of Abkhazia and South Ossetia, and the outbreak of

armed conflicts in the area. The fact that the representations of georgia
in its diplomatic communications or at multilateral fora focused primar -
ily on these broader issues does not necessarily exclude that the Applicant
regarded the issues of ethnic cleansing and the status of refugees as impor -
tant issues by themselves, subsumed as they may be in the representations
of the Applicant of the broader picture in the overall context of these p

111 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)177

dans cette même affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nica -
ragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence
et recevabilité (ci-après «Activités militaires et paramilitaires »), la Cour a
en outre indiqué, au sujet de la situation alors à l’examen :

«Les Etats-Unis [le défendeur] savaient avant l’introduction de
la présente instance que le Nicaragua [le demandeur] affirmait que
leur comportement constituait une violation de leurs obligations

internationales ; ils savent maintenant qu’il leur est reproché d’avoir
violé [le] traité [dont la clause compromissoire est invoquée].p »
(C.I.J. Recueil 1984, p. 428, par. 83.)

Le raisonnement que la Cour a suivi dans cette affaire peut être apppliqué
presque mot pour mot en la présente espèce, si l’on remplace les noms du
demandeur et du défendeur par ceux des Etats concernés.

19. dans le présent arrêt, tout en reprenant ce raisonnement suivi en
l’affaire des Activités militaires et paramilitaires, la Cour soutient néan -
moins que, «dans ses échanges avec l’autre Etat … [un Etat] doit … s’être
référé assez clairement à l’objet du traité pour que lp’Etat contre lequel il
formule un grief puisse savoir qu’un différend existe ou peut expister à cet

égard», avant de préciser
«Une référence expresse ôterait tout doute quant à ce qui, selon

cet Etat, constitue l’objet du différend et permettrait d’en pinformer
l’autre Etat. Les parties conviennent qu’une telle référence n’a pas
été faite en la présente espèce. » (Arrêt, par. 30.)

20. Selon moi, cette proposition formulée dans l’arrêt est non seulpe -
ment dépourvue de pertinence puisque pareille « référence expresse » ne
constitue pas une exigence juridique aux fins d’établir l’existpence du diffé -

rend, mais elle risque même d’induire en erreur si elle est interpprétée
comme laissant entendre que l’absence de « référence expresse» en la pré -
sente espèce pourrait constituer un élément revêtant une certaine perti -
nence juridique, contrairement à ce qui appert du passage précitép de
l’arrêt en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires.
21. Il est incontestable que le demandeur a, à maintes reprises, indiqué

tout à fait clairement que, selon lui, les questions en litige avec lpe défen -
deur étaient le « nettoyage ethnique » et le « retour des réfugiés » — qui
constituent à l’évidence d’importantes questions relevant dep la CIEdR —
dans la région, même si ces questions ont été soulevées dpans le cadre des
problèmes plus généraux de l’intégrité territoriale dep la géorgie, du statut
juridique de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, et du déclenchement de

conflits armés dans cette région. Le fait que les protestations pélevées par
la géorgie dans ses communications diplomatiques ou dans le cadre d’enp -
ceintes multilatérales portaient essentiellement sur ces problèmes d’ordre
plus général ne signifie pas nécessairement que, selon le demanpdeur, les
questions du nettoyage ethnique et du statut des réfugiés n’étaient pas
importantes en elles-mêmes, dès lors qu’elles pouvaient être incorporées

111178 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

general problems, as an integral element of the claim addressed to the
Respondent by the Applicant relating to the situation in Abkhazia and
South Ossetia.
22. The above point has a particular significance in assessing the nature
of the dispute in the present case, in view of the way in which the prespent
Judgment tries to examine the probative value of a number of public

documents issued and statements presented by the Applicant as relating
to the subject-matter of the dispute during the period between 1999
and 2008. The Judgment treats this mass of evidence largely by dissecting
each of the evidence on a piecemeal basis. Through this methodological
approach, the Judgment tries to determine whether each of these pieces opf
evidence in itself sufficiently demonstrated that the Applicant made a pcon -

crete claim relating to CERd and that a positive act of manifestation of
opposition to the event in question by the Respondent does or does not
exist.
23. There is, however, one important issue of law that has to be raised.
In the course of evaluating for their probative value various public docpu -

ments and statements relating to the position of the georgian authorities,
the Judgment seems to take the position that these documents and state -
ments may not have been brought to the notice of the Respondent by the
Applicant or that no evidence has been presented by the Applicant, so
that the Respondent was made aware of these documents and statements
(see Judgment, para. 104).

24. It has to be pointed out that there is no such rule of international
law as to make a prior notification of the claim of the claimant party tpo
the opposing party a legal requirement for the existence of a dispute. Ipt
can no doubt be accepted that for a dispute to exist between two partiesp,
the opposing party must be aware of the opposing position of the claim -
ant party on the issue involved. In the present case, in my view, this eple -

ment that “the opposing party must be aware of the opposing position pof
the claimant party” has been more than amply demonstrated by the attip -
tude of the Respondent made so clearly in its flat rejection of the clpaim of
the Applicant relating to the ethnic cleansing and the status of refugees
and Idps in the region. The Respondent based its rejection on the osten -
sible ground that this was a matter which did not legally concern the

Respondent. The Respondent thus must have been amply aware of the
opposing position of the Applicant, disagreeing on the legal validity ofp
the claim as being one addressed to the Respondent by the Applicant. If p
the proposition that the opposing party must be aware of the opposing
position of the claimant party is valid in itself, it does not justify an alto-

gether different proposition that there is a legal obligation for the pclaim -
ant party to bring the subject-matter to the notice of the opposing party
as a dispute between the two parties, in order for the dispute to come ipnto
existence. As the Court has stated in the Advisory Opinion of this Courtp
on the Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Roma -
nia, First Phase, Advisory Opinion, the existence of a dispute is a matter

for objective determination by the Court (I.C.J. Reports 1950, p. 74).

112 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)178

dans ces protestations globales en tant qu’éléments faisant parptie inté -
grante de la réclamation formulée à l’encontre du défendepur relativement
à la situation en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
22. L’observation formulée ci-dessus est importante particulièrement
pour apprécier la nature du différend en la présente espècpe, étant donné la
manière dont la Cour a, dans son arrêt, tenté de déterminer pla valeur pro -

bante d’un certain nombre de documents et de déclarations publics prelatifs à
la période allant de 1999 à 2008 qui ont été présentés par le demandeur
comme se rapportant à l’objet de ce différend. En effet, ceps très nombreux
éléments de preuve ont, pour l’essentiel, été considérpés isolément et ont fait
l’objet d’une analyse minutieuse. par cette méthode, la Cour a tenté de
déterminer si chacun de ces éléments suffisait à démontrper que le demandeur

avait formulé une réclamation concrète entrant dans le champ dep la CIEdR
et si le fait auquel renvoyait l’élément en question avait ou npon donné lieu à
un acte positif par lequel se manifesterait l’opposition du défendpeur.
23. A cet égard, il convient cependant de soulever un important point
de droit. dans le cadre de son examen de la valeur probante de différents

documents et déclarations publics relatifs à la position des autorités géor -
giennes, la Cour semble considérer que ceux-ci ont pu ne pas être portés
à la connaissance du défendeur par le demandeur ou que ce dernier n’a
présenté aucun élément indiquant que le défendeur en avait eu connais -
sance (voir arrêt, par. 104).

24. Or, il n’existe aucune règle de droit international imposant à pla partie
requérante, en tant que condition juridique pour établir l’exisptence d’un dif -
férend, de notifier au préalable sa réclamation à la partie padverse. pour
qu’un différend existe entre deux parties, la partie adverse doipt, de toute évi
dence, avoir connaissance de la position opposée du requérant sur la ques-
tion en cause. En la présente espèce, je considère que cet éplément, selon lequel

«la partie adverse doit avoir connaissance de la position opposée du rpequé -
rant», a été amplement démontré par l’attitude du défenpdeur consistant à
rejeter clairement la réclamation formulée par le demandeur relatipvement au
nettoyage ethnique et au statut des réfugiés et des personnes dépplacées dans
la région. Le défendeur a fondé ce rejet sur le motif apparent pqu’il s’agissait
d’une question qui ne le concernait pas d’un point de vue juridiqupe. Aussi

devait-il avoir parfaitement connaissance de la position opposée du deman -
deur, tout en contestant la validité juridique de la réclamation epn ce qu’elle
était formulée à son encontre. Si le principe selon lequel la ppartie adverse
doit avoir connaissance de la position opposée du requérant est vaplide en soi,
cela ne justifie pas pour autant celui, totalement différent, selonp lequel le

requérant serait, pour que le différend prenne naissance, juridipquement tenu
de porter la question, en tant que constituant un différend entre lpes deux
parties, à la connaissance de la partie adverse. Ainsi que la Cour l’pa précisé
dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur l’Interprétation des traités de paix
conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, a ▯ vis
consultatif,la question de savoir s’il existe un différend demande en effept à

être établie objectivement par la Cour (C.I.J. Recueil 1950, p. 74).

112179 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

The Essential Nature ofp the dispute Brought
by georgia

25. As is clear from the Application and the memorial of georgia
(see para. 6, above), georgia contends that these violations of CERd
obligations by the Russian Federation consist, inter alia, in “engaging in

acts and practices of ‘racial discrimination . . .’ and failing ‘to ensure that
all public authorities and public institutions . . . shall act in conformity
with this obligation’ contrary to Article 2 (1) (a) of CERd” ; in “‘spon -
soring, defending and supporting racial discrimination’ contrary to Arti -
cle 2 (1) (b) of CERd” ; and in “failing to ‘prohibit and bring to an
end . . . racial discrimination’ contrary to Article 2 (1) (d) of CERd”

(Application, para. 82). georgia further elaborates these points by clari -
fying its position at the stage of oral proceedings that it was holding pthe
Russian Federation to account not simply for its behaviour as a State
party to CERd acting on its own, but also for its behaviour — acts or
omissions — as a member of the peacekeeping forces of the Common -

wealth of Independent States (hereinafter “CIS”), acting under the man -
date authorized by the United Nations.

26. In other words, the position of georgia is to hold the Russian
Federation responsible for its act or omission which would in its view

amount to the violation of obligations under CERd, irrespective of whether
the Respondent was acting in its own name or in its capacity as a memberp
of the peacekeeping forces of the CIS. This claim of the Applicant standps on
its argument that the Respondent is to be held accountable for whatever p
acts or omissions allegedly committed by the forces that involved the
Russian Federation in South Ossetia and Abkhazia if they amount to vio -

lations of obligations under CERd, as long as the acts or omissions com -
plained of are legally attributable to the authorities of the latter. The
Respondent rejects this argument of the Applicant by claiming that the
acts or omissions complained of are primarily attributable to the separap-
tist authorities of South Ossetia and Abkhazia and that this is a matter
to be dealt with between georgia and the separatist authorities. The

Respondent further contends that these matters have nothing to do with
the Russian Federation as a party to CERd, inasmuch as the forces of
the Russian Federation were acting within the mandates given to them as
peacekeepers and as the Russian Federation was acting as facilitator
under relevant Security Council resolutions.

27. It is accepted that the facts surrounding the situation may well
have been perceived differently by the two parties. However, it is impor -
tant to note that these two opposing perceptions held by the Applicant
and the Respondent reflect the difference in the conception on the npature
of activities of the forces of the Russian Federation in South Ossetia and

Abkhazia during the relevant period and therefore the difference in the

113 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)179

La nature même du diffpérend porté devant la pCour
par la géorgie

25. Ainsi qu’il appert de sa requête et de son mémoire (voir para.p 6,
ci-dessus), la géorgie soutient que la Fédération de Russie a violé les oblip -
gations que lui impose la CIEdR, notamment en «se livrant à des actes et

pratiques de «discrimination raciale… »et en ne faisant pas « en sorte que
toutes les autorités publiques et institutions publiques … se conforment à
cette obligation », en violation de l’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention » ;en « « encourageant, défendant ou appuyant la discri -
mination raciale », en violation de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 2
de la Convention » ;et en «n’«interdisant pas … la discrimination raciale …

et en n’y mettant pas fin », en violation de l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article 2 de la Convention »(requête, par. 82). La géorgie a développé ces
points lorsqu’elle a explicité sa position pendant la procédure orale, préci -
sant qu’elle tenait la Fédération de Russie pour responsable nopn seulement
de son propre comportement en tant qu’Etat partie à la CIEdR agissant en

son nom propre, mais aussi de sa conduite — actes ou omissions — en tant
que membre de la force de maintien de la paix de la Communauté des Etats
indépendants (ci-après «CEI »), agissant dans le cadre du mandat autorisé
par l’Organisation des Nations Unies.
26. Autrement dit, la géorgie tient la Fédération de Russie pour res -
ponsable de ses actes ou omissions qui, selon elle, constituent des violpa -

tions d’obligations au titre de la CIEdR, que le défendeur ait agi en son
propre nom ou en sa qualité de membre de la force de maintien de la ppaix
de la CEI. Cette réclamation repose sur la thèse du demandeur selopn
laquelle le défendeur doit être tenu pour responsable de tous acteps ou
omissions constitutifs de violations d’obligations au titre de la CIEpdR
qui auraient été commis par les forces auxquelles participait la Fpédération

de Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie, dès lors que les actesp ou
omissions dont il est tiré grief sont juridiquement imputables aux auptori -
tés de cet Etat. Le défendeur, quant à lui, rejette cet argumenpt en faisant
valoir que les actes ou omissions dont il est tiré grief sont avant tpout
attribuables aux autorités séparatistes d’Ossétie du Sud et pd’Abkhazie, et
qu’il s’agit donc de questions qui doivent être réglées ppar la géorgie et

lesdites autorités. Le défendeur soutient en outre que ces questiopns ne
concernent nullement la Fédération de Russie en tant que partie à la
CIEdR, étant donné que ses forces agissaient dans le cadre des mandatsp
qu’elles s’étaient vu conférer pour participer au maintien dpe la paix et que
la Fédération de Russie jouait le rôle de facilitateur, conformément aux

résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
27. Nul ne conteste que les deux parties puissent apprécier différemment
les circonstances factuelles de l’affaire. Il est cependant importapnt de relever
que ces vues opposées du demandeur et du défendeur reflètent pdes concep -
tions différentes de la nature des activités qu’ont menéesp les forces de la
Fédération de Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie pendant lpa période

considérée et, partant, de la nature même du différend. Cette divergence de

113180 convention on racialp discrimination (sep. pop. owada)

conception on the essential nature of the dispute. This difference of plegal
views of the two parties on what constitutes the dispute in the present case
clearly amounts to “a disagreement on a point of law” and “a copnflict of
legal views” (Mavrommatis, Judgment, para. 30) between the parties with
respect to the interpretation and application of CERd.
28. Needless to say, these are issues which are totally open and have to

be examined at the merits stage of the case, including in the context of the
question of State responsibility for the alleged violations of obligatiopns
under CERd and their attributability to members of a peacekeeping mis -
sion acting within the confines of the mandate of the United Nations or
of the CIS. The Court would have to examine them in arriving at its con -
clusion at the merits stage of the case, if it should get to that stage.p How-

ever, this is an issue which belongs to the merits of the claim as advanpced
by the Applicant. It is true that in the present proceedings on preliminpary
objections to jurisdiction, both of the parties developed some substantive
arguments on their position on this point, going into the merits of the p
principal claim as they thought necessary in order to argue their case

on the issue of jurisdiction. However, the Court cannot and should
not, for the fair administration of justice, go into this aspect of the claim
at this stage, without hearing the full exposition of the parties’ positions
with regard to the merits of the case. If the Court could not decide on pthe
issue of jurisdiction without going into an examination of this aspect opf
the case, the proper course of action for the Court to take would have

been to resort to an alternative open to the Court under Article 79, para -
graph 9, of the Rules of Court and declare that “[this objection (i.pe., the
first preliminary objection in the instant case)] does not possess, in pthe
circumstances of the case, an exclusively preliminary character”. It pis my
considered view that the Court should not, and indeed cannot, get into
this issue which clearly belongs to the merits of the case at this stagep of

the present proceedings, beyond confirming that there is a dispute betwepen
the Applicant and the Respondent with respect to the interpretation and p
application of CERd.

29. For all these reasons, I believe that the method of analysis of the
Court on the first preliminary objection has resulted in a significant tprans-

formation of the nature of the dispute submitted by the Applicant and anp
undue limitation on the temporal scope of the existence of the dispute. It
is plain that this in turn had a parallel consequence on the time frame that
was the subject of analysis for the second preliminary objection. For thpese
reasons, I regret that I cannot associate myself with the approach takenp

by the Court with regard to the first preliminary objection.

(Signed) Hisashi Owada.

114 convention sur la dispcrimination racialep (op. ind. owada)180

positions juridiques sur ce qui constitue le différend en la prépsente espèce
apparaît clairement comme un «désaccord sur un point de droit » et « une
opposition de thèses juridiques » (Mavrommatis, arrêt, par. 30) entre les
deux parties touchant l’interprétation et l’application de la CIEdR.

28. Il va sans dire qu’il s’agit là de questions totalement ouverteps qui

devaient être examinées lors de la phase du fond, notamment sous lp’angle
de la responsabilité de l’Etat à raison des violations allégpuées de certaines
obligations découlant de la CIEdR et de l’imputabilité de ces violations
aux membres d’une mission de maintien de la paix agissant dans le cadre
d’un mandat des Nations Unies ou de la CEI. Si l’affaire s’était poursui -
vie, la Cour aurait dû se pencher sur ces questions en élaborant spa déci -

sion au fond. Quoi qu’il en soit, cet aspect de l’affaire relèpve du fond de la
demande telle que formulée par le demandeur. Certes, les deux parties
ont, au cours de la présente phase consacrée à l’examen des pexceptions
préliminaires d’incompétence, exposé certains arguments relaptifs à leur
position sur ce point, touchant ainsi au fond de la demande principale

dans la mesure qui leur semblait nécessaire pour faire valoir leur thpèse
relative à la question de la compétence. Ce nonobstant, la Cour nep pou -
vait et ne devait pas, afin d’assurer une bonne administration de la pjustice,
se pencher sur cet aspect de la demande à ce stade, sans que les parties
n’aient pleinement exposé leurs positions. S’il ne lui étaitp pas possible de
se prononcer sur la question de sa compétence sans se livrer à parpeil exa -

men, elle aurait dû faire usage de la possibilité que lui offre ple para -
graphe 9 de l’article 79 de son Règlement en déclarant que « [cette
exception (c’est-à-dire la première exception préliminaire soulevée en la
présente espèce)] n’a[vait] pas dans les circonstances de l’pespèce un carac -
tère exclusivement préliminaire ». En dernière analyse, je considère donc
que, à ce stade de la présente instance, la Cour ne devait, ni mêpme ne

pouvait, se pencher plus avant sur cette question qui relève clairemepnt du
fond de l’affaire, et qu’elle devait se contenter de confirmer l’existence
d’un différend relatif à l’interprétation et à l’papplication de la CIEdR
entre le demandeur et le défendeur.
29. pour toutes ces raisons, je suis d’avis que la méthode d’analysep qui
a été suivie dans l’arrêt en ce qui concerne la première pexception prélimi -

naire a sensiblement transformé la nature du différend porté pdevant la
Cour par le demandeur et conduit celle-ci à abréger indûment la durée
constatée de l’existence de ce différend. de toute évidence, cela n’a pas été
sans conséquence pour la période qui a été considérée paux fins de l’exa -
men de la deuxième exception préliminaire. Je suis donc au regret de ne

pouvoir souscrire à l’approche adoptée par la Cour en ce qui copncerne la
première exception préliminaire.

(Signé) Hisashi Owada.

114

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Opinion individuelle de M. le président Owada

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