Déclaration de M. le juge Skotnikov

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136-20080604-JUD-01-07-EN
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136-20080604-JUD-01-00-EN
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284

DÉCLARATION DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

C OMPÉTENCE

1. La Cour a jugé que les Parties avaient accepté sa compétence pour
connaître des demandes formulées dans la requête de Djibouti dans son
ensemble. Je souscris à cette conclusion.

2. Je ne puis cependant souscrire à l’interprétation que fait la Cour de
la lettre par laquelle la France a consenti à sa compétence, selon laquelle
seraient exclus des faits découlant directement des questions qui consti-
tuent l’objet de la requête mais ayant eu lieu après le dépôt de celle-ci.
3. La France précise que son acceptation «ne vaut qu’aux fins de

l’affaire», pour «le différend qui fait l’objet de la requête et dans les
strictes limites des demandes formulées dans celle-ci». Il ressort selon
moi de la simple lecture des termes mêmes de la lettre de la France que
le défendeur n’a pas exclu de la compétence de la Cour les faits nou-
veaux s’inscrivant dans l’affaire telle que celle-ci a été présentée dans
la requête.

4. En exprimant son consentement, la France n’a pas «gelé» le diffé-
rend alors en cours. A l’évidence, les demandes formulées dans la requête
de Djibouti à l’égard desquelles, ainsi que l’a indiqué la Cour, la France
a consenti à sa compétence se rapportent au différend en cours. Par
exemple, dans les demandes formulées au paragraphe 4 de sa requête,

Djibouti prie la Cour de dire et juger:
«e) que la République française a l’obligation juridique interna-
tionale de veiller à ce que le chef d’Etat de la République

de Djibouti en tant que chef d’Etat étranger ne soit pas l’objet
d’offenses et d’atteintes à sa dignité sur le territoire français;
f) que la République française a l’obligation juridique de veiller
scrupuleusement au respect au regard de la République de Dji-
bouti des principes et règles relatifs aux privilèges, prérogatives
et immunités diplomatiques tels que reflétés dans la convention

de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques».
5. Il est clair que ces demandes se rapportent à des faits tant passés
que présents ou futurs. En outre, Djibouti prie la Cour de dire et juger:

«h) que la République française est tenue de mettre fin immédiate-
ment à la violation des obligations susmentionnées, et qu’à ce

titre elle doit notamment:
.............................
ii) retirer et mettre à néant les convocations en qualité de

111 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 285

témoins assistés du chef d’Etat de la République de Dji-
bouti et de ressortissants djiboutiens jouissant d’une protec-
tion internationale pour subornation de témoins dans

l’Affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de
Bernard Borrel » (les italiques sont de moi).

6. A l’évidence, les convocations ne sont mentionnées dans la requête
qu’à titre d’exemples des violations alléguées auxquelles la France doit

remédier. La demande de Djibouti selon laquelle la France a l’obligation
juridique de «mettre fin» à la violation des obligations mentionnées dans
la requête ne se réduit certainement pas à cela.
7. La Cour ayant conclu que la France avait accepté sa compétence à
l’égard des demandes formulées dans la requête de Djibouti dans son

ensemble, elle aurait dû juger qu’elle avait compétence pour connaître des
faits ultérieurs — lesquels font partie du différend — et ce, même s’ils
sont survenus après le dépôt de la requête. Cela aurait été conforme à sa
jurisprudence (voir Compétence en matière de pêcheries (République

fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 203,
par. 72; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2001, p. 483-484, par. 45; voir également Certaines terres à phos-
phates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 264-267, par. 69-70; et Mandat d’arrêt du 11 avril

2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 16, par. 36), jurisprudence qu’elle a écartée aux paragra-
phes 87 et 88 de l’arrêt au motif que sa compétence en l’espèce était fon-
dée sur la règle du forum prorogatum.

8. Je ne vois pas pourquoi cette jurisprudence ne serait pas pertinente
en la présente affaire ou, d’une manière générale, dans les affaires en les-
quelles la règle du forum prorogatum s’applique.
9. Pour ces raisons, je suis en désaccord avec la décision de la Cour de
ne pas s’estimer compétente à l’égard des mandats d’arrêt décernés à

l’encontre de deux hauts fonctionnaires djiboutiens le 27 septembre 2006.
10. Pour des raisons rigoureusement identiques, j’approuve la conclu-
sion de la Cour selon laquelle celle-ci a compétence pour statuer sur le
différend relatif à la convocation en tant que témoin adressée le 14 février

2007 au président de Djibouti (soit après le dépôt de la requête). Toute-
fois, il est bien évident que je ne souscris pas au raisonnement de la Cour
sur ce point.
11. La Cour a estimé avoir compétence à l’égard de cette convocation
au motif qu’il s’agissait d’une simple répétition de la précédente — laquelle

est mentionnée dans la requête —, quoique la forme en eût été recti-
fiée. La Cour estime qu’il «s’agit en substance de la même convoca-
tion» (arrêt, par. 95). Il est sous-entendu que la deuxième convocation
était donc «manifeste» pour la France lorsque celle-ci a donné son
consentement et que la Cour, partant, a compétence à l’égard de cette

convocation.

112 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 286

12. La deuxième convocation n’était cependant pas une répétition de
la première. La France a indiqué, au sujet de la première, que «cet acte de
procédure, auquel aucune suite n’a[vait] été donnée, [était] en droit fran-

çais nul et non avenu» (CR 2008/5, p. 28, par. 17). Or, peut-il y avoir
«répétition» d’un acte nul et non avenu?
13. A l’évidence, la convocation du 14 février 2007 est un nouvel acte
juridique qui, selon la France, «par contraste avec la convocation du
17 mai 2005, ... respecte scrupuleusement les dispositions de l’article 656

du Code de procédure pénale» (ibid., p. 37, par. 39).
14. Le fait d’étendre la compétence de la Cour à ce nouvel acte serait
conforme à sa jurisprudence mentionnée au paragraphe 7 ci-dessus, puis-
que cela ne modifierait pas la nature du différend. En effet, la continuité
et la connexité avec la convocation précédente sont évidentes.

15. Paradoxalement, l’insistance que met la Cour à considérer la
seconde convocation comme une répétition de la première ne fait que
confirmer la pertinence et l’applicabilité de sa jurisprudence relative à la
continuité et à la connexité (la répétition n’est-elle pas une manifestation

de la continuité et de la connexité?), qui, d’après la conclusion formulée
au paragraphe 88 de l’arrêt, serait pourtant dépourvue de pertinence en
l’espèce.

FOND

16. La Cour a jugé que les deux invitations à témoigner adressées au
président de Djibouti ne constituaient pas une atteinte, de la part de la
France, aux immunités de juridiction pénale dont jouit le chef de l’Etat.

17. Par ailleurs, aux paragraphes 175 et 180 de l’arrêt, la Cour a
conclu que, s’il avait été prouvé que les informations relatives à ces actes
de procédure, lesquels ne portaient pas atteinte aux immunités du prési-
dent de Djibouti, avaient été communiquées à la presse par des instances
judiciaires françaises, cela aurait pu constituer une violation par la France

de ses obligations internationales.
18. A cet égard, la Cour rappelle la règle de droit international coutu-
mier codifiée à l’article 29 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques. Cet article, qui est a fortiori applicable au chef de l’Etat,

se lit comme suit:
«La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut

être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’Etat
accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes
mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité.»

19. Il est vrai que l’article 29 «se traduit par des obligations positives à
la charge de l’Etat d’accueil, pour ce qui est des actes de ses propres auto-
rités» (arrêt, par. 174). Cependant, je ne vois pas en quoi la communica-

tion aux médias d’informations concernant un acte de procédure — lequel,

113 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 287

ainsi que l’a indiqué la Cour, ne constitue pas une violation de l’article 29
de la convention de Vienne — pourrait être considérée comme une viola-

tion de cette même disposition.
20. Pour l’essentiel, Djibouti tire grief d’une campagne médiatique
menée par la partie civile et les instances judiciaires françaises contre son
président. Certes, la couverture médiatique peut effectivement avoir été

préjudiciable au président de Djibouti. Toutefois, l’article 29 se rapporte
à l’inviolabilité de la personne du chef de l’Etat. Il ne protège pas les inté-
ressés contre des commentaires défavorables dans les médias.
21. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans le présent arrêt, «pour apprécier

s’ilyaeuatteinteounonàl’immunitéduchefdel’Etat,ilfautvérifiersi
celui-ci a été soumis à un acte d’autorité contraignant; c’est là l’élément
déterminant» (arrêt, par. 170). Une campagne médiatique dirigée contre
un chef d’Etat étranger, quand bien même elle serait fondée sur des fuites

des autorités de l’Etat d’accueil, ne saurait en elle-même être considérée
comme un acte d’autorité contraignant.
22. Dès lors, selon moi, s’il avait été prouvé que les informations en
question avaient été communiquées à la presse par les instances judi-

ciaires françaises, cela aurait pu, compte tenu des circonstances de la
présente espèce, constituer un manquement par la France à son obliga-
tion d’agir selon la courtoisie due à un chef d’Etat étranger et non une
violation des obligations lui incombant en vertu du droit international.

(Signé) Leonid S KOTNIKOV .

114

Bilingual Content

284

DECLARATION OF JUDGE SKOTNIKOV

JURISDICTION

1. The Court has determined that the Parties accepted its jurisdiction
to examine the claims contained in Djibouti’s Application as a whole. I
concur with that conclusion.

2. However, I cannot agree with the Court’s reading of France’s letter
of acceptance of the Court’s jurisdiction as excluding developments aris-
ing directly out of the questions which constitute the subject-matter of
the Application but which occurred after it was filed.
3. France specifies that its consent is valid “only for the purposes of

the case”, regarding “the dispute forming the subject of the Application
and strictly within the limits of the claims formulated therein”. In my
view, on the basis of a plain reading of the text of France’s letter, the
Respondent has not excluded from the Court’s jurisdiction new develop-
ments within the case as it was framed in the Application.

4. By giving its consent, France has not “frozen” the ongoing dispute.
It is evident that the claims contained in Djibouti’s Application, for
which, as found by the Court, France accepted adjudication by the
Court, refer to the dispute in progress. For example, in the submissions
contained in paragraph 4 of its Application, Djibouti requests the Court

to adjudge and declare:
“(e) that the French Republic is under an international legal obli-
gation to ensure that the Head of State of the Republic of Dji-

bouti, as a foreign Head of State, is not subjected to any
insults or attacks on his dignity on French territory;
(f) that the French Republic is under a legal obligation scrupu-
lously to ensure respect, vis-à-vis the Republic of Djibouti, of
the principles and rules concerning diplomatic privileges, pre-
rogatives and immunities, as reflected in the Vienna Conven-

tion on Diplomatic Relations of 18 April 1961”.
5. It is clear that these submissions are relevant to events occurring in
the past, in the present and in the future. Moreover, Djibouti asks the

Court to adjudge and declare:
“(h) that the French Republic is under an obligation immediately
to cease and desist from breaching the obligations referred to

above and, to that end, shall in particular:
...........................
(ii) withdraw and cancel the summonses of the Head of State

111 284

DÉCLARATION DE M. LE JUGE SKOTNIKOV

[Traduction]

C OMPÉTENCE

1. La Cour a jugé que les Parties avaient accepté sa compétence pour
connaître des demandes formulées dans la requête de Djibouti dans son
ensemble. Je souscris à cette conclusion.

2. Je ne puis cependant souscrire à l’interprétation que fait la Cour de
la lettre par laquelle la France a consenti à sa compétence, selon laquelle
seraient exclus des faits découlant directement des questions qui consti-
tuent l’objet de la requête mais ayant eu lieu après le dépôt de celle-ci.
3. La France précise que son acceptation «ne vaut qu’aux fins de

l’affaire», pour «le différend qui fait l’objet de la requête et dans les
strictes limites des demandes formulées dans celle-ci». Il ressort selon
moi de la simple lecture des termes mêmes de la lettre de la France que
le défendeur n’a pas exclu de la compétence de la Cour les faits nou-
veaux s’inscrivant dans l’affaire telle que celle-ci a été présentée dans
la requête.

4. En exprimant son consentement, la France n’a pas «gelé» le diffé-
rend alors en cours. A l’évidence, les demandes formulées dans la requête
de Djibouti à l’égard desquelles, ainsi que l’a indiqué la Cour, la France
a consenti à sa compétence se rapportent au différend en cours. Par
exemple, dans les demandes formulées au paragraphe 4 de sa requête,

Djibouti prie la Cour de dire et juger:
«e) que la République française a l’obligation juridique interna-
tionale de veiller à ce que le chef d’Etat de la République

de Djibouti en tant que chef d’Etat étranger ne soit pas l’objet
d’offenses et d’atteintes à sa dignité sur le territoire français;
f) que la République française a l’obligation juridique de veiller
scrupuleusement au respect au regard de la République de Dji-
bouti des principes et règles relatifs aux privilèges, prérogatives
et immunités diplomatiques tels que reflétés dans la convention

de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques».
5. Il est clair que ces demandes se rapportent à des faits tant passés
que présents ou futurs. En outre, Djibouti prie la Cour de dire et juger:

«h) que la République française est tenue de mettre fin immédiate-
ment à la violation des obligations susmentionnées, et qu’à ce

titre elle doit notamment:
.............................
ii) retirer et mettre à néant les convocations en qualité de

111285 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (DECL .SKOTNIKOV )

of the Republic of Djibouti and of internationally pro-
tected Djiboutian nationals to testify as témoins assistés
[legally represented witnesses] in respect of subornation of
perjury in the ‘Case against X for the murder of Ber-

nard Borrel’” (emphasis added).

6. It is obvious that the summonses are mentioned in the Application
only as specific instances of the alleged breaches to be corrected by
France. These instances certainly do not exhaust Djibouti’s claim that

France is under a legal obligation to “desist” from breaching the obliga-
tions referred to in the Application.
7. Since the Court has concluded that France had accepted its jurisdic-
tion to examine the claims contained in Djibouti’s Application as a
whole, it should have decided that it has jurisdiction to pronounce on the

developments which form part of the dispute even if these developments
occurred after the date when the Application was filed. This would have
been in line with the Court’s jurisprudence (see Fisheries Jurisdiction
(Federal Republic of Germany v. Iceland), Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 1974, p. 203, para. 72; LaGrand (Germany v. United States of

America), Judgment, I.C.J. Reports 2001 , pp. 483-484, para. 45; see also
Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992 , pp. 264-267, paras. 69-70;
and Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the
Congo v. Belgium), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 16, para. 36),

which has been dismissed by the Court in paragraphs 87 and 88 of the
Judgment on the grounds that its jurisdiction in the present case is
founded on forum prorogatum.
8. I do not see why this jurisprudence would not be pertinent in the
present case or in a forum prorogatum case in general.

9. For these reasons I oppose the Court’s decision that it has no juris-
diction in respect of the arrest warrants issued against two senior Djibou-
tian officials on 27 September 2006.
10. For exactly the same reasons I support the Court’s finding that it

has jurisdiction to adjudicate upon the dispute concerning the summons
to testify as witness addressed to the President of Djibouti on 14 Febru-
ary 2007 (after the date the Application was filed). Understandably, how-
ever, I do not agree with the Court’s reasoning on that subject.

11. The Court has decided that it has jurisdiction in respect of this

summons because it is a mere repetition, corrected as to the form, of the
first summons which had been mentioned in the Application. The Court
considers that “it is the same summons in its substance” (Judgment,
para. 95). It is implied that for that reason the second summons was “vis-
ible” to France when it gave its consent and therefore the Court has juris-

diction with respect to it.

112 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 285

témoins assistés du chef d’Etat de la République de Dji-
bouti et de ressortissants djiboutiens jouissant d’une protec-
tion internationale pour subornation de témoins dans

l’Affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de
Bernard Borrel » (les italiques sont de moi).

6. A l’évidence, les convocations ne sont mentionnées dans la requête
qu’à titre d’exemples des violations alléguées auxquelles la France doit

remédier. La demande de Djibouti selon laquelle la France a l’obligation
juridique de «mettre fin» à la violation des obligations mentionnées dans
la requête ne se réduit certainement pas à cela.
7. La Cour ayant conclu que la France avait accepté sa compétence à
l’égard des demandes formulées dans la requête de Djibouti dans son

ensemble, elle aurait dû juger qu’elle avait compétence pour connaître des
faits ultérieurs — lesquels font partie du différend — et ce, même s’ils
sont survenus après le dépôt de la requête. Cela aurait été conforme à sa
jurisprudence (voir Compétence en matière de pêcheries (République

fédérale d’Allemagne c. Islande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 203,
par. 72; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2001, p. 483-484, par. 45; voir également Certaines terres à phos-
phates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 264-267, par. 69-70; et Mandat d’arrêt du 11 avril

2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J.
Recueil 2002, p. 16, par. 36), jurisprudence qu’elle a écartée aux paragra-
phes 87 et 88 de l’arrêt au motif que sa compétence en l’espèce était fon-
dée sur la règle du forum prorogatum.

8. Je ne vois pas pourquoi cette jurisprudence ne serait pas pertinente
en la présente affaire ou, d’une manière générale, dans les affaires en les-
quelles la règle du forum prorogatum s’applique.
9. Pour ces raisons, je suis en désaccord avec la décision de la Cour de
ne pas s’estimer compétente à l’égard des mandats d’arrêt décernés à

l’encontre de deux hauts fonctionnaires djiboutiens le 27 septembre 2006.
10. Pour des raisons rigoureusement identiques, j’approuve la conclu-
sion de la Cour selon laquelle celle-ci a compétence pour statuer sur le
différend relatif à la convocation en tant que témoin adressée le 14 février

2007 au président de Djibouti (soit après le dépôt de la requête). Toute-
fois, il est bien évident que je ne souscris pas au raisonnement de la Cour
sur ce point.
11. La Cour a estimé avoir compétence à l’égard de cette convocation
au motif qu’il s’agissait d’une simple répétition de la précédente — laquelle

est mentionnée dans la requête —, quoique la forme en eût été recti-
fiée. La Cour estime qu’il «s’agit en substance de la même convoca-
tion» (arrêt, par. 95). Il est sous-entendu que la deuxième convocation
était donc «manifeste» pour la France lorsque celle-ci a donné son
consentement et que la Cour, partant, a compétence à l’égard de cette

convocation.

112286 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (DECL . SKOTNIKOV )

12. The second summons was not, however, a repetition of the first
one. France has declared in respect of the first summons that “[t]hat pro-
cedural act, which was not followed up, is null and void under French

law...”(CR2008/5,p.28,para.17).Cantherebea“repetition”ofan
act which is null and void?
13. The summons of 14 February 2007 clearly is a new legal act which,
according to France, “in contrast to the summons of 17 May 2005 . . .
scrupulously obeys the provisions of Article 656 of the Code of Criminal

Procedure” (ibid., p. 37, para. 39).
14. Extending the Court’s jurisdiction to this new act would be in line
with the Court’s case law referred to in paragraph 7 above since it would
not alter the nature of the dispute. The continuity and the connexity with
the preceding summons are evident.

15. Ironically, the Court’s insistence that the second summons is a rep-
etition of the first one only supports the relevance and the applicability of
the Court’s jurisprudence relating to continuity and connexity (is repeti-
tion not a manifestation of continuity and connexity?) which, according

to the Court’s finding in paragraph 88 of the Judgment, is of no perti-
nence in this case.

M ERITS

16. The Court has found that the two invitations to testify addressed
to the President of Djibouti do not represent an attack by France on the
immunities from criminal jurisdiction enjoyed by a Head of State.

17. At the same time, in paragraphs 175 and 180 of the Judgment the
Court has concluded that if it was established that information concern-
ing these procedural acts, which did not affect the immunities of the
President of Djibouti, had been passed to the press from the offices of the
French judiciary, it could have constituted a violation by France of its

international obligations.
18. In this connection, the Court points to the rule of customary inter-
national law codified in Article 29 of the Vienna Convention on Diplo-
matic Relations. This Article, which is necessarily applicable to Heads of

State, reads as follows:
“The person of a diplomatic agent shall be inviolable. He shall not

be liable to any form of arrest or detention. The receiving State shall
treat him with due respect and shall take all appropriate steps to pre-
vent any attack on his person, freedom or dignity.”

19. It is true that Article 29 “translates into positive obligations for the
receiving State as regards the actions of its own authorities” (Judgment,
para. 174). However, I do not see how providing the media with informa-

tion about a procedural act, which, as it has been already found by this

113 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 286

12. La deuxième convocation n’était cependant pas une répétition de
la première. La France a indiqué, au sujet de la première, que «cet acte de
procédure, auquel aucune suite n’a[vait] été donnée, [était] en droit fran-

çais nul et non avenu» (CR 2008/5, p. 28, par. 17). Or, peut-il y avoir
«répétition» d’un acte nul et non avenu?
13. A l’évidence, la convocation du 14 février 2007 est un nouvel acte
juridique qui, selon la France, «par contraste avec la convocation du
17 mai 2005, ... respecte scrupuleusement les dispositions de l’article 656

du Code de procédure pénale» (ibid., p. 37, par. 39).
14. Le fait d’étendre la compétence de la Cour à ce nouvel acte serait
conforme à sa jurisprudence mentionnée au paragraphe 7 ci-dessus, puis-
que cela ne modifierait pas la nature du différend. En effet, la continuité
et la connexité avec la convocation précédente sont évidentes.

15. Paradoxalement, l’insistance que met la Cour à considérer la
seconde convocation comme une répétition de la première ne fait que
confirmer la pertinence et l’applicabilité de sa jurisprudence relative à la
continuité et à la connexité (la répétition n’est-elle pas une manifestation

de la continuité et de la connexité?), qui, d’après la conclusion formulée
au paragraphe 88 de l’arrêt, serait pourtant dépourvue de pertinence en
l’espèce.

FOND

16. La Cour a jugé que les deux invitations à témoigner adressées au
président de Djibouti ne constituaient pas une atteinte, de la part de la
France, aux immunités de juridiction pénale dont jouit le chef de l’Etat.

17. Par ailleurs, aux paragraphes 175 et 180 de l’arrêt, la Cour a
conclu que, s’il avait été prouvé que les informations relatives à ces actes
de procédure, lesquels ne portaient pas atteinte aux immunités du prési-
dent de Djibouti, avaient été communiquées à la presse par des instances
judiciaires françaises, cela aurait pu constituer une violation par la France

de ses obligations internationales.
18. A cet égard, la Cour rappelle la règle de droit international coutu-
mier codifiée à l’article 29 de la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques. Cet article, qui est a fortiori applicable au chef de l’Etat,

se lit comme suit:
«La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il ne peut

être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’Etat
accréditaire le traite avec le respect qui lui est dû, et prend toutes
mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à sa personne, sa
liberté et sa dignité.»

19. Il est vrai que l’article 29 «se traduit par des obligations positives à
la charge de l’Etat d’accueil, pour ce qui est des actes de ses propres auto-
rités» (arrêt, par. 174). Cependant, je ne vois pas en quoi la communica-

tion aux médias d’informations concernant un acte de procédure — lequel,

113287 QUESTIONS OF MUTUAL ASSISTANCE (DECL .SKOTNIKOV )

Court, is not a violation of the terms of Article 29 of the Vienna Conven-
tion, could be considered a violation of these very same terms.

20. Essentially, what Djibouti complains about is a media campaign
against its President conducted by la partie civile and the French judicial
authorities. The media coverage may indeed have been damaging for the
President of Djibouti. However, the terms of Article 29 relate to the

inviolability of the person of a Head of State. They do not provide for
protection from negative media reports.
21. As the Court stated in this Judgment “the determining factor in
assessing whether or not there has been an attack on the immunity of the

Head of State lies in the subjection of the latter to a constraining act of
authority” (Judgment, para. 170). A media campaign directed against a
foreign Head of State, even if it is based on leaks from the authorities of
the receiving State, cannot in itself be seen as a constraining act of
authority.

22. Accordingly, in my view, had it been proven that the relevant
information was passed to the press from the offices of the French judi-
ciary, this, under the circumstances of the present case, could have con-
stituted a failure by France to act in accordance with the courtesy due to

a foreign Head of State rather than a violation of its obligations under
international law.

(Signed) Leonid S KOTNIKOV .

114 QUESTIONS CONCERNANT L ’ENTRAIDE JUDICIAIRE (DÉCL .SKOTNIKOV ) 287

ainsi que l’a indiqué la Cour, ne constitue pas une violation de l’article 29
de la convention de Vienne — pourrait être considérée comme une viola-

tion de cette même disposition.
20. Pour l’essentiel, Djibouti tire grief d’une campagne médiatique
menée par la partie civile et les instances judiciaires françaises contre son
président. Certes, la couverture médiatique peut effectivement avoir été

préjudiciable au président de Djibouti. Toutefois, l’article 29 se rapporte
à l’inviolabilité de la personne du chef de l’Etat. Il ne protège pas les inté-
ressés contre des commentaires défavorables dans les médias.
21. Ainsi que la Cour l’a indiqué dans le présent arrêt, «pour apprécier

s’ilyaeuatteinteounonàl’immunitéduchefdel’Etat,ilfautvérifiersi
celui-ci a été soumis à un acte d’autorité contraignant; c’est là l’élément
déterminant» (arrêt, par. 170). Une campagne médiatique dirigée contre
un chef d’Etat étranger, quand bien même elle serait fondée sur des fuites

des autorités de l’Etat d’accueil, ne saurait en elle-même être considérée
comme un acte d’autorité contraignant.
22. Dès lors, selon moi, s’il avait été prouvé que les informations en
question avaient été communiquées à la presse par les instances judi-

ciaires françaises, cela aurait pu, compte tenu des circonstances de la
présente espèce, constituer un manquement par la France à son obliga-
tion d’agir selon la courtoisie due à un chef d’Etat étranger et non une
violation des obligations lui incombant en vertu du droit international.

(Signé) Leonid S KOTNIKOV .

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Déclaration de M. le juge Skotnikov

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