Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni) - La Cour retient la première exception pr

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2016/31
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Site Internet : www.icj-cij.org Compte Twitter : @CIJ_ICJ

Communiqué de presse
Non officiel

N 2016/31
Le 5 octobre 2016

Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux

armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni)

La Cour retient la première exception préliminaire d’incompétence soulevée
par le Royaume-Uni et fondée sur l’absence de différend entre les Parties,
et dit qu’elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire au fond

LA HAYE, le 5 octobre 2016. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations Unies, a rendu aujourd’hui son arrêt sur les exceptions
préliminaires soulevées par le Royaume-Uni en l’affaire des Obligations relatives à des

négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire
(Iles Marshall c. Royaume-Uni).

Dans son arrêt, qui est définitif et sans recours, la Cour

1) Retient, par huit voix contre huit, par la voix prépondérante du président, la première exception
préliminaire d’incompétence soulevée par le Royaume-Uni et fondée sur l’absence de différend
entre les Parties ;

2) Dit, par neuf voix contre sept, qu’elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire au fond.

Raisonnement de la Cour

La Cour rappelle que les Iles Marshall ont déposé une requête contre le Royaume-Uni, dans
laquelle elles reprochent à celui-ci de manquer aux obligations relatives à des négotiations
concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire qui lui
incombent au titre de l’article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968,
ainsi qu’aux obligations de droit international coutumier correspondantes. Le Royaume-Uni a
soulevé cinq exceptions préliminaires à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la requête,
que les Iles Marshall ont prié la Cour de rejeter. Celle-ci se penche tout d’abord sur l’exception

préliminaire du Royaume-Uni fondée sur l’absence de différend entre les Parties au moment du
dépôt de la requête.

La Cour précise que l’existence d’un différend entre les Parties est une condition à sa
compétence et rappelle que, pour qu’un différend existe, les points de vue de celles-ci, quant à
l’exécution ou à la non-exécution de certaines obligations internationales, doivent être nettement - 2 -

opposés. Elle ajoute qu’un différend existe lorsque les éléments de preuve montrent que le
défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que ses vues se

heurtaient à l’opposition manifeste du demandeur. Enfin, elle souligne que l’existence d’un
différend doit en principe être appréciée à la date du dépôt de la requête.

La Cour s’intéresse ensuite à l’affirmation des Iles Marshall selon laquelle certaines
déclarations qu’elles ont faites dans des enceintes multilatérales montrent qu’un différend les
opposait au Royaume-Uni. Elle observe que les Iles Marshall se réfèrent en particulier à une
déclaration faite le 26 septembre 2013 par leur ministre des affaires étrangères lors de la réunion de

haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire, «appel[ant] instamment tous les
Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en vue
d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité» ; et à une déclaration faite le 13 février 2014
par leur représentant à Nayarit, au Mexique, dans le cadre de la deuxième conférence sur l’impact
humanitaire des armes nucléaires, et qui se lit comme suit :

«[L]es Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant
à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être

engagées depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un arsenal
nucléaire ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’œuvrer au
désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI du traité de
non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose l’ouverture
immédiate de telles négociations et leur aboutissement.»

La Cour estime que la première déclaration revêt un caractère d’exhortation et ne saurait être

considérée comme une allégation selon laquelle le Royaume-Uni manquait à l’une quelconque de
ses obligations juridiques. S’agissant de la seconde, la Cour relève qu’elle a été faite lors d’une
conférence à laquelle le Royaume-Uni n’a pas assisté et qui ne portait pas spécifiquement sur la
question de négociations en vue du désarmement nucléaire, mais sur celle, plus large, de l’impact
humanitaire des armes nucléaires. En outre, cette déclaration dénonce, d’une manière générale, le
comportement de l’ensemble des Etats possédant un arsenal nucléaire et ne précise pas le
comportement du Royaume-Uni qui serait à l’origine du manquement allégué. La Cour considère

que, étant donné son contenu très général et le contexte dans lequel elle a été faite, ladite
déclaration n’appelait pas de réaction particulière de la part du Royaume-Uni et que, partant,
aucune divergence de vues ne peut être déduite de cette absence de réaction. Elle observe
également qu’aucune des autres déclarations plus générales qu’invoquent les Iles Marshall n’atteste
l’existence d’un différend. La Cour conclut que l’on ne saurait affirmer, sur la base de ces
déclarations — prises individuellement ou ensemble —, que le Royaume-Uni avait connaissance,
ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que les Iles Marshall alléguaient qu’il manquait

à ses obligations. Ces déclarations ne suffisaient donc pas à faire naître un différend d’ordre
juridique entre les Parties.

La Cour examine ensuite l’argument des Iles Marshall selon lequel le dépôt de la requête et
les positions qu’ont exposées les Parties au cours de l’instance attestent l’existence d’un différend
entre ces dernières. Elle précise que, bien que des déclarations ou réclamations formulées dans la
requête, voire après le dépôt de celle-ci, puissent être pertinentes à diverses fins — et, en
particulier, pour préciser la portée du différend qui lui est soumis —, elles ne sauraient créer un

différend de novo, c’est-à-dire un différend qui n’existe pas déjà.

La Cour en vient à l’argument des Iles Marshall selon lequel l’existence d’un différend peut
être établie par les votes exprimés par les Parties dans diverses enceintes multilatérales traitant du
désarmement nucléaire. Elle estime qu’il faut faire preuve d’une grande prudence avant de
conclure, au vu de votes exprimés sur des résolutions d’organes politiques tels que l’Assemblée
générale, à l’existence d’un différend. Elle conclut que le vote d’un Etat sur des résolutions

contenant de nombreuses propositions ne saurait en soi être considéré comme attestant l’existence
d’un différend entre cet Etat et un autre Etat concernant l’une de ces propositions. - 3 -

Enfin, la Cour se penche sur l’argument des Iles Marshall selon lequel l’existence d’un
différend opposant les Parties peut être déduite du comportement du Royaume-Uni. Elle rappelle
qu’aucune des déclarations faites par les Iles Marshall dans un cadre multilatéral ne concernait
spécifiquement ce comportement. Dès lors, elle considère que celui-ci ne saurait démontrer de
divergence de vues et ne permet pas de conclure à l’existence d’un différend entre les deux Etats.

Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la première exception préliminaire
soulevée par le Royaume-Uni doit être retenue. Elle conclut en outre que, n’ayant pas compétence
au titre du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire
au fond. En conséquence, elle estime qu’il n’est pas nécessaire pour elle de se pencher sur les
autres exceptions préliminaires soulevées par le Royaume-Uni.

*

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice-président ;
MM. Owada, Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue, M. Gaja,
Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian, juges ; M. Bedjaoui, juge
ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge A BRAHAM , président, joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge YUSUF ,
vice-président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; MM. lesWADAeset TOMKA
joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; MM. les juges B ENNOUNA
et CANÇADO T RINDADE joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion dissidente ; Mmes les
juges XUE et DONOGHUE , ainsi que M. le jugeAJA joignent des déclarations à l’arrêt ; Mme la

juge SEBUTINDE et M. le juge B HANDARI joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
individuelle ; MM. les jugesOBINSON et CRAWFORD joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
dissidente ; M. le juge ad hoEDJAOUI joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

*

Un résumé de l’arrêt figure dans le document intitulé «Résumé 2016/5». Le présent
communiqué de presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte intégral de celui-ci sont disponibles
sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous la rubrique «Affaires».

___________

Note : Les communiqués de presse de la Cour ne constituent pas des documents officiels.

___________

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé

ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends - 4 -

d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les

questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat
de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre
secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect
administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour
mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la
procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (ou CPI, première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui

n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de
sécurité de l’Organisation des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé
de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (ou CPA, institution
indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement,
conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)

M. Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information (+31 (0)70 302 2337)
M. Avo Sebag Garabet, attaché d’information adjoint (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni) - La Cour retient la première exception préliminaire d'incompétence soulevée par le Royaume-Uni et fondée sur l'absence de différend entre les Parties, et dit qu'elle ne peut procéder à l'examen de l'affaire au fond

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