La Guinée équatoriale introduit une instance contre la France au sujet d'un différend relatif à «l'immunité de juridiction pénale [de son] second vice-président chargé de la défense et de la sécurité

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2016/18
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Communiqué de presse
Non officiel

N 2016/18
Le 14 juin 2016

La Guinée équatoriale introduit une instance contre la France au sujet d’un différend relatif
à «l’immunité de juridiction pénale [de son] second vice-président chargé de la défense
et de la sécurité de l’Etat, ainsi qu[’au] statut de l’immeuble qui abrite
[son] ambassade en France»

LA HAYE, le 14 juin 2016. La République de Guinée équatoriale (ci-après la «Guinée
équatoriale») a introduit hier devant la Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire

principal de l’Organisation des Nations Unies, une instance contre la République française
(ci-après la «France»), au sujet d’un différend ayant trait à «l’immunité de juridiction pénale du
second vice-président de la République de Guinée équatoriale chargé de la défense et de la sécurité
de l’Etat [M. Teodoro Nguema Obiang Mangue], ainsi qu[’au] statut juridique de l’immeuble qui
abrite l’ambassade de Guinée équatoriale en France».

Dans sa requête, la Guinée équatoriale indique que l’affaire tire son origine de procédures
pénales engagées contre M. Teodoro Nguema Obiang Mangue devant la justice française à partir

de 2007, à la suite de plusieurs plaintes déposées par des associations et par des personnes privées
contre certains chefs d’Etat africains et les membres de leurs familles, pour des faits de
«détournements de fonds publics dans leur pays d’origine, dont les produits auraient été investis en
France». Selon la Guinée équatoriale, ces procédures «constituent une atteinte à l’immunité à
laquelle [M. Teodoro Nguema Obiang Mangue] a droit en vertu du droit international». Elle
estime en effet que, en sa qualité de second vice-président chargé de la défense et de la sécurité de
l’Etat, l’intéressé représente l’Etat et agit en son nom. Or la Guinée équatoriale fait valoir que, tout
au long des procédures en cause, «les tribunaux français ont refusé de donner effet à l’immunité de

juridiction pénale à laquelle le second vice-président a droit». Elle précise notamment que
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international le
13 juillet 2012, qu’il a été mis en examen le 18 mars 2014 et que, le 23 mai 2016, le procureur de la
République a pris un réquisitoire définitif «aux fins de disjonction, de non-lieu et de renvoi partiels
devant le tribunal correctionnel». Le procureur y conclut que l’intéressé «ne bénéficie d’aucune
immunité susceptible de faire obstacle à des poursuites». En conséquence, fait observer la Guinée
équatoriale, à compter du 25 juin 2016, les magistrats instructeurs pourront rendre une ordonnance
de renvoi de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue devant le tribunal correctionnel de Paris pour y

être jugé.

En outre, dans sa requête, la Guinée équatoriale précise que l’affaire porte sur la
question du statut juridique d’un immeuble sis avenue Foch à Paris. Elle indique que
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, ancien propriétaire des lieux, a vendu ce bâtiment à l’Etat
équato-guinéen en septembre 2011 et que, depuis lors, l’ensemble immobilier «est affecté à la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale». La demanderesse considère donc que ce bâtiment
doit jouir des immunités reconnues aux locaux officiels par le droit international. Elle fait toutefois - 2 -

observer que, estimant qu’il avait été financé par le produit des infractions dont ils suspectent
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, les juges d’instruction français ont ordonné la saisie pénale

de l’immeuble en 2012 et que, dans son réquisitoire du 23 mai 2016, le procureur de la République
a souligné qu’il n’était «pas protégé par l’immunité dans la mesure où il ne fait pas partie de la
mission diplomatique de la République de Guinée équatoriale en France».

La Guinée équatoriale indique enfin que «de multiples échanges ont eu lieu entre [elle] et la
France au sujet de l’immunité du second vice-président chargé de la défense et de la sécurité de
l’Etat ainsi qu’au sujet du statut juridique de l’ensemble immobilier [susvisé]», mais que «toutes

les tentatives de règlement initiées par [elle] ont échoué».

En conséquence, la Guinée équatoriale «prie respectueusement la Cour :

a) En ce qui concerne le non-respect de la souveraineté de la République de Guinée
équatoriale par la République française :

i) de dire et juger que la République française a manqué à son obligation de
respecter les principes de l’égalité souveraine des Etats et de la

non-intervention dans les affaires intérieures d’autres Etats à l’égard de la
République de Guinée équatoriale, conformément au droit international, en
permettant que ses juridictions engagent des procédures judiciaires pénales
contre son Second Vice-Président pour des allégations qui, lors même
qu’elles auraient été établies, quod non, relèveraient de la seule compétence
des juridictions équato-guinéennes, et qu’elles ordonnent la saisie d’un
immeuble appartenant à la République de Guinée équatoriale et utilisé aux

fins de la mission diplomatique de ce pays en France ;

b) En ce qui concerne le Second Vice-Président de la République de Guinée
équatoriale chargé de la Défense et de la Sécurité de l’Etat :

i) de dire et juger qu’en engageant des procédures pénales contre le Second
Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la Défense
et la Sécurité de l’Etat, Son Excellence M. Teodoro Nguema Obiang Mangue,

la République française a agi et agit en violation de ses obligations en vertu
du droit international, notamment la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et le droit international général ;

ii) d’ordonner à la République française de prendre toutes les mesures
nécessaires pour mettre fin à toutes les procédures en cours contre le Second
Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la Défense

et de la Sécurité de l’Etat ;

iii) d’ordonner à la République française de prendre toutes les mesures pour
prévenir de nouvelles atteintes à l’immunité du Second Vice-Président de la
Guinée équatoriale chargé de la Défense et de la Sécurité de l’Etat, et
notamment s’assurer qu’à l’avenir, ses juridictions n’engagent pas de
procédures pénales contre le second Vice-Président de Guinée équatoriale ; - 3 -

c) En ce qui concerne l’immeuble sis au 42 avenue Foch, à Paris :

i) de dire et juger que la République française, en saisissant l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris, propriété de la République de Guinée équatoriale et
utilisé aux fins de la mission diplomatique de ce pays en France, agit en
violation de ses obligations en vertu du droit international, notamment la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et la Convention des
Nations Unies, ainsi qu’en vertu du droit international général ;

ii) d’ordonner à la République française de reconnaître à l’immeuble sis au

42 avenue Foch à Paris, le statut de propriété de la République de Guinée
équatoriale ainsi que de locaux de sa mission diplomatique à Paris, et de lui
assurer en conséquence la protection requise par le droit international ;

d) En conséquence de l’ensemble des violations par la République française de ses
obligations internationales dues à la République de Guinée équatoriale :

i) de dire et juger que la responsabilité de la République française est engagée

du fait du préjudice que les violations de ses obligations internationales ont
causé et causent encore à la République de Guinée équatoriale ;

ii) d’ordonner à la République française de payer à la République de Guinée
équatoriale une pleine réparation pour le préjudice subi, dont le montant sera
déterminé à une étape ultérieure.»

*

Le demandeur invoque, comme base de compétence de la Cour, deux instruments auxquels
les deux Etats sont parties. Le premier est le protocole de signature facultative concernant le
règlement obligatoire des différends relatif à la convention de Vienne sur les relations
diplomatiques du 18 avril 1961 ; le second est la convention des Nations Unies contre la criminalité

transnationale organisée du 15 novembre 2000.

___________

Remarque : Les communiqués de presse de la Cour sont établis par son Greffe à des fins
d’information uniquement et ne constituent pas des documents officiels.

___________

Le texte intégral de la requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale sera
prochainement disponible sur le site Internet de la Cour (www.icj-cij.org).

___________ - 4 -

La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des
Nations Unies (ONU). Elle a été instituée en juin 1945 par la Charte des Nations Unies et a entamé

ses activités en avril 1946. La Cour a son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas). C’est
le seul des six organes principaux de l’ONU dont le siège ne soit pas à New York. La Cour a une
double mission, consistant, d’une part, à régler conformément au droit international les différends
d’ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats (par des arrêts qui ont force obligatoire et sont
sans appel pour les parties concernées) et, d’autre part, à donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques qui peuvent lui être soumises par les organes de l’ONU et les institutions du
système dûment autorisées à le faire. La Cour est composée de quinze juges, élus pour un mandat

de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies. Indépendante du
Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies, elle est assistée par un Greffe, son propre
secrétariat international, dont l’activité revêt un aspect judiciaire et diplomatique et un aspect
administratif. Les langues officielles de la Cour sont le français et l’anglais. Aussi appelée «Cour
mondiale», elle est la seule juridiction universelle à compétence générale.

Il convient de ne pas confondre la CIJ, juridiction uniquement ouverte aux Etats (pour la

procédure contentieuse) et à certains organes et institutions du système des Nations Unies (pour la
procédure consultative), avec les autres institutions judiciaires, pénales pour la plupart, établies à
La Haye et dans sa proche banlieue, comme par exemple le Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (ou TPIY, juridiction ad hoc créée par le Conseil de sécurité), la Cour pénale
internationale (ou CPI, première juridiction pénale internationale permanente, créée par traité, qui
n’appartient pas au système des Nations Unies), le Tribunal spécial pour le Liban (ou TSL, organe
judiciaire international doté d’une personnalité juridique indépendante, établi par le Conseil de

sécurité de l’Organisation des Nations Unies à la demande du Gouvernement libanais et composé
de juges libanais et internationaux), ou encore la Cour permanente d’arbitrage (ou CPA, institution
indépendante permettant de constituer des tribunaux arbitraux et facilitant leur fonctionnement,
conformément à la Convention de La Haye de 1899).

___________

Département de l’information :

M. Andreï Poskakoukhine, premier secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)
M Boris Heim, attaché d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information (+31 (0)70 302 2394)
Mme Genoveva Madurga, assistante administrative (+31 (0)70 302 2396)

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