COURINTERNATIONALEDEJUSTICE
AFFAIRE AHMADOU SADIO DIALLO
REPUBLIQUEDEGUINEE cREPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
DUPLIQUE
DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
5 juin 2009 TABLEDESMATIERES
Introduction .........................................................................
......................................
..............................1
Chapitre 1-Laprétendue violation par la ROCdes droits de M. Oiallo en tant qu'individu .................3
Section 1- Traitements inhumains et dégradants que la ROCaurait infligés à M. Oiallo
pendant son arrestation et sa détention en 1995-1996 .....................,.....................................3.
section 2. Leprétendu caractère illicite des détentions et des arrestations de M. Oiallo......................5 .
§1. L'arrestation et la détention de 1988-1989.........................................................................
5
§2. L'arrestation et la détention de 1995-1996................................................................
3.....1
Chapitre Il- Laprétendue violation par la ROCdes droits propres de M. Oiallo
en tant qu'associédes sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-Zaïre .............................1 . 6
Section 1- Laréparation des dommages subis par les sociétésAfricom-Zaïre
et Africontainers-Zaïre .........................................................................
....................................1
Section 2- Ledroit au reliquat de l'actif des sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ................17
Section 3- Lesdroits propres de M. Oiallo en tant que prétendu associé
de la sociétéAfricom-Zaïre .........................................................................
.............................1
Section 4- Laprétendue violation des droits propres de M. Oiallo en tant
qu'associédans la sociétéAfricontainers-Zaïre ..................................................................
1
§ 1. Laprétendue violation du droit de prendre part aux assembléesgénérales
et de choisir un nouveau gérant.........................................................................
..................2
§2 . Laprétendue violation du droit de M. Oiallo de surveiller et de contrôler
les actes accomplis par la géranceet les opérations des sociétés .............................2......2
§3. Laprétendue violation du droit de propriété de M. Oiallo
sur les parts sociales dans la sociétéAfricontainers-Zaïre ....................................................3
Chapitre Ill. Coclusions.........................................................................
......................................................2 Introduction
01. Après le prononcé de l'arrêt du 24 mai 2007 sur les exceptions
préliminaires, la République démocratique du Congo (ci-après : « RDC »),a
déposé son contre-mémoire en date du 27 mars 2008 sur le fond du
différend concernant les deux questions retenues par la Cour : 1°) violation
alléguéedes droits de M. Diallo en tant qu'individu et 2°) violation alléguée
des droits propres de M. Diallo en tant qu'associé des sociétésAfricom
Zaïre et Africontainers-Zaïre.
02. Le 19 novembre 2008, la République de Guinée a déposésa réplique
devant la Cour pour rencontrer les développements et les conclusions
exposéspar la RDCdans son contre-mémoire.
03. La RDC dépose la présente duplique en application de l'ordonnance
rendue par la Cour en date du 5 mai 2008 par laquelle celle-ci lui a donné la
possibilité d'introduire une duplique dans le présentdifférend dans un délai
expirant le 5juin 2009.
04. En rédigeant la présente duplique, la RDC est consciente des
dispositions de l'article 49, paragraphe 3, du Règlement de la Cour 1.Elle
rappelle à ce sujet que les deux points retenus par la Cour dans son arrêtdu
24 mai 2007 sur les exceptions préliminaires pour êtretraités sur le fond par
les deux parties avaient déjà fait l'objet d'un débat sérieux au cours de la
procédure sur lesdites exceptions. La RDC est revenue encore
abondamment sur les deux points concernésdans le cadre de son contre
mémoire du 27 mars 2008. Pour éviterdes répétitionsinutiles à ce stade de
la procédure,elle se limitera à faire quelques observations afin de repousser
certaines affirmations de l'Etat demandeur. Elle se réserve néanmoins le
droit de préciseret de commenter certains arguments lors de la phase orale
de la procédure.
05. La RDC estime important de souligner qu'elle sera extrêmement
vigilante pour repousser toute tentative de la part de l'Etat demandeur
d'introduire par la petite fenêtre dans le débat judiciaire sur le fond du
différend ce que la Cour a déjà rejeté clairement par la grande porte au
terme de son arrêtdu 24 mai 2007. Ainsi, l'affirmation de la Guinée selon
laquelle «toute atteinte portée aux droits des sociétésne pouvait manquer
1La répliqueet la duplique( ...) ne répètentpas simplement les thèsesdàfaireties mais s'attachent
ressortir les points qui les divisent encore.
1 d'exercer un effet sur les droits de l'associé unique, et réciproquemene »
montre que l'Etat demandeur tente de revenir sur la question des créances
des sociétéscongolaises Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre que la Cour a
refusée d'examiner et interprète l'arrêtde la Cour de manière biaisée et
intéressée.
06. Ces précisions apportées, la RDC répondra à certaines allégations de la
Guinée exposéesdans sa réplique suivant le plan ci-après: les prétendues
atteintes aux droits de M. Diallo en tant qu'individu (Chapitre 1) et les
prétendues atteintes aux droits propres de M. Diallo en tant qu'associédes
sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-Zaïre (Chapitre Il). Elle présentera
enfin sesconclusions (Chapitre III).
2
Voir R Gp.3.
2 Chapitre 1
LAPRETENDUE VIOLATION PARLAROCDESDROITSDEM.
DIALLO ENTANTQU'INDIVIDU.
Section 1. Traitements inhumains et dégradants que la ROC
aurait infligésà M. Diallo pendant son arrestation
et sa détention en 1995-1996.
1.01. A la page 30 de son mémoire, l'Etat demandeur a accusé la RDC
d'avoir infligé des traitements inhumains et dégradantà M. Diallo dans les
termes suivants:
« M. Diallo passa au total 75jours de détention. Malgré ses32 années
passéesen RDC,il y a ététraité au mépris de sesdroits et libertés les
plus élémentaires. Il a dû supporter des conditions de détention
précaires, aussi bien matérielles que morales, mais également des
actes de mauvais traitements ainsi que des menaces de mort de la
part des personnes en charge de sa détention. M. Diallo s'est
également retrouvé dans l'impossibilitéde rencontrer ou de
communiquer avec des membres de l'ambassade de Guinéeou avec
ses avocats. Aucune ration alimentaire ne lui a étéapportée par le
3
centre de détention ».
1.02.Il précisà la page 51 que
«les forces de l'ordre zaïroises ont emmené M. Diallo sur le champ; il
a étémis en détention dans les Servicesde l'Immigration sansaucune
forme de procès ni mêmed'interrogatoire, et il est restéemprisonné
sans aucune visite de ses avocats ni même des membres de
l'ambassade de la Guinéejusqu'au 10janvier 1996 4».
3
Voir MGp.30
4Voir MGp.51.
3 1.03. Dans son contre-mémoire du 27 mars 2008, la RDC a demandé à la
Cour de rejeter ces allégations pour manque de crédibilité et de preuves 5.
1.04. Alors que la RDCattendait les preuves des accusations portées contre
elle par la Guinée, elle est surprise de voir l'Etat demandeur déclarer à ce
sujet ce qui suit dans sa réplique:
«Au Zaïre, à l'époque des faits, les contacts entre les
prisonniers et des personnes extérieures aux prisons étaient
fréquentes, réguliers, et même à certains égards
institutionnalisés puisque les autorités s'appuyaient
habituellement sur eux pour assurer la subsistance des
détenus. En effet, « en règle générale, ce sont les
organisations non gouvernementales, les associations
religieuses et les familles mêmes des détenus qui se
chargent de nourrir les prisonniers, selon un rapport sur la
situation des droits de l'homme au Zaïre du 19 décembre
1994. De fait, durant toute sa détention, M. Diallo n'a été
nourri que grâce à l'aide que lui apportait sa famille. C'est
également parce qu'il avait des contacts avec l'extérieur qu'il
a pu donner instruction de rédiger les lettres du 30
6
novembre et qu'il a pu les signer ». Il ajoute que d'autres
voies ont étéutilisées pour alerter l'opinion publique tandis
que « le 21 décembre [1995], l'ambassadeur de Guinée à
Kinshasarendait compte de la situation à sa hiérarchie7 ».
1.05. La RDC ne peut que prendre acte, avec plaisir, de ce revirement
spectaculaire de la Guinée concernant les graves accusations de mauvais
traitements qui auraient étéinfligés à M. Diallo pendant sa détention au
Service d'Immigration. En effet, la Guinée reconnaît, face aux arguments
solides développés par la RDC, que son ressortissant a éténormalement
nourri pendant sa détention, qu'il avait des contacts avec des personnes à
l'extérieur du cachot, y compris ses avocats, et que l'ambassadeur de
Guinée à Kinshasaétait au courant de sa situation.
5Voir CMRDC, pp. 13-14.
6
Voir RG,p.17.
7Voir RGp.17.
4 1.06. L'Etat défendeur prie en conséquence la Cour de bien vouloir prendre
acte de ce revirement spectaculaire de l'Etat demandeur qui reconnaît ainsi
avoir porté de graves accusations sans preuves, mêmesi ce revirement est
accompagnéd' une phraséologie qui ne saurait tromper personne.
Section 2. Le prétendu caractère illicite des détentions
et des arrestations de M. Diallo
§1. L'arrestation et la détention de 1988-1989.
1.07. L'Etat demandeur reproche à la RDCde ne pas avoir consacréun seul
mot dans son contre-mémoire à l'arrestation et à la détention dont M.
Diallo a étévictime en 1988 et que cette posture ne saurait faire oublier que
l'arrestation et l'incarcération de M. Diallo en 1988 sont totalement illicites
et engagent la responsabilité internationale de la RDC 8.
1.08.A vrai dire, c'est l'Etat demandeur lui-mêmequi n'a dit aucun mot et a
oublié d'accuser la RDCd'avoir arrêté et détenu arbitrairement M. Diallo en
1988. Dans ces conditions, l'Etat défendeur ne pouvait pas se défendre
contre une accusation qui n'avait éténi portée à sa connaissance ni établie
en fait et en droit.
1.09. Eneffet, dans son mémoire de 109 pages déposé à la Cour le 23 mars
2001, la Guinéen'a exposé nulle part les faits relatifs à l'arrestation et à la
détention de M. Diallo en 1988 et rendu la RDC responsable de ces faits
illicites allégués.La RDCle démontrera dans les lignes qui suivent.
1.10. La première phrase du mémoire de la Guinéeconcerne la saisine et la
procédure et commence par« le 31janvier 1996... », date de l'expulsion de
M. Diallo de la RDC.Par la suite, la Guinéeconsacre 23 pages pour exposer
les faits pertinents qui sont à la base du présentdifférend Aucun mot n'est
dità propos des événementsde 1988. Et lorsque l'Etat demandeur fait état
de l'arrestation et de la détention de M. Diallo, il ne parle uniquement que
10
de l'arrestation et de la détention des années1995-1996 .
8Voir RG,p.6.
9Voir MG, pp.10 - 33.
10
Voir MG,pp. 29-33.
5 1.11. Dans les conclusions exposéesà la fin de son mémoire, la Guinée ne
fait allusion qu'à l'arrestation et à la détention des années 1995-1996 et
demande que la Cour rende la RDC responsable de ces prétendus faits
internationalement illicites. Rien sur les événementsde 1988.
1.12. Par ailleurs, aux termes de son arrêtdu 24 mai 2007, la Cour elle
mêmen'a examinéque le casde l'arrestation et de la détention de M. Diallo
des années1995-1996 au regard des écritureset des plaidoiries des
parties11.Aucun débat n'a étéconsacréaux événementsde 1988.
1.13.Ce n'est que dans sa réplique déposéeà la Cour le 19 novembre 2008,
que la Guinéeexpose pour la première fois devant la Cour les faits relatifs
aux événementsde 1988, soit 20 ans après leur survenance et 10 ans après
le dépôt de la requêteintroductive d'instance, et tente de rendre la RDC
responsable desdits faits sur le plan juridique. Il y a manifestement
introduction d'une nouvelle demande par le biais de la réplique et
changement subséquent de la requête à un stade inapproprié de la
procédure. Cette nouvelle demande qui n'a aucun lien avec la demande
principale relative aux événements de 1995-1996 qui sont à la base du
présent différend, ouvre à l'Etat demandeur le droit d'invoquer ici
l'exception de non-épuisement des voies de recours internes disponibles
dans l'ordre juridique congolais en ce qui concerne l'arrestation et la
détention de 1988-1989.
La RDCprie donc la Cour de rejeter ce nouveau chef de demande introduit
par la Guinéeen violation des dispositions pertinentes du Règlement de la
Cour et qui soulève singulièrement des complications sur le plan procédural
compte tenu de son caractère manifestement tardif.
1.14. Sous la réservede ce qu'elle vient de dire ci-dessus, la RDC montrera
ci-dessous, à toutes fins utiles, que l'objet de demande relatif aux
événementsde 1988 n'est pas fondé ni en fait ni en droit.
1.15. La RDCcommence par reproduire ici la version des faits exposée par
l'ambassade de Guinéeà Kinshasa, une semaine environ après l'arrestation
de M. Diallo, dans une lettre envoyée au Ministre guinéen des Affaires
étrangèresà Conakry en date du 3 février 1988:
11Voir arrêtdu 24 mai 2§§15-19.
6 « M. Diallo (...) est accuséd'escroquerie pour un montant de
170 700 000 zaïres au profit de la sociétéAfricom-Zaïre,
dont M. Diallo est le PDG (...). Cette accusation a été
longuement commentée à la radio et à la télévisiondans
l'émissiondu 20janvier 1988, longuement diffusée,elle était
à la une de tous lesjournaux de la capitale zaïroise (...). M.
Diallo qui jusqu'au 22 janvier 1988 n'était ni inquiété, ni
arrêté,a cru devoir bien faire en réunissant des documents
en sa possession pour se défendre en saisissant la presse
comme pour défier l'Etat (...). Le vase a débordé,le lundi 25
janvier 1988 par un mandat d'emmener confié à deux
agents de la sécurité,M. Diallo a étéconduit au Parquet
généralde Kinshasa aux fins d'enquêteet le mercredi le 27
janvier 1988 il a ététransféré à la grande prison de Makala
situéeà 8 km de la ville de Kinshasa». Le 28 janvier 1989, le
Procureur généralde Kinshasa ordonne la libération de M.
Diallo et lui écrit pour dire que «le dossier judiciaire émargé,
ouvert à votre charge, a étéclassépour inopportunité des
poursUites » .
1.16. La RDC fait observer d'abord que de l'aveu mêmede la Guinée, M.
Diallo avait étéincarcéréen 1988 dans le cadre d'une enquêtejudiciaire
confiée aux magistrats du Parquet généralde Kinshasa pour élucider des
faits d'escroquerie mis, à tort ou à raison, à sa charge. Cette enquête
judiciaire a été classée sans suite plus tard pour inopportunité des
poursuites. M. Diallo a étéen conséquence libérésur ordre du Procureur
généralde Kinshasa.
1.17. La RDC relève ensuite que ce qui est arrivé à M. Diallo se passe tous
les jours en Guinée et dans tous les pays du monde où toute personne
suspectée d'avoir commis une infraction peut être placée en détention
provisoire pour des raisons·d'enquêtejudiciaire.
1.18. Enfin, la Guinée a consacré 5 pages de sa réplique à l'analyse du
caractère illicite de l'arrestation et de la détention de M. Diallo en 1988 en
s'appuyant essentiellement sur les dispositions de l'article 9 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques (ci-après« Pacte»). La
RDCmontrera ci-dessous que l'Etat demandeur n'a pas réussi à démontrer
de manière convaincante le caractère internationalement illicitede
12Voir Observations de la Guinéesur les exceptions préliminaires de la RDC,pp. 18-19.
7 l'arrestation et de la détention de M. Diallo en 1988 au regard des
dispositions pertinentes du Pacte.
1.19. Eneffet, selon l'article 9, alinéa1, du Pacte,
«Tout individu a droit à la liberté et à la sécuritéde sa
personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou
d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa
liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la
procédure prévuspar la loi ».
1.20. Dans la présenteaffaire, M. Diallo a étéarrêté et détenu dans le cadre
d'une enquêtejudiciaire pour des motifs d'escroquerie et conformément à
la procédure pénale congolaise. La Guinée le fait quotidiennement sur
propre territoire tant à l'égard de ses propres nationaux que des étrangers.
Contrairement aux allégations de la Guinée,rien ne peut êtrereproché à la
RDCsur ce point. Le Pacte n'a en conséquencepas étéviolé par la RDC.
1.21.Selon l'article 9, alinéa2, du Pacte,
«Tout individu arrêtésera informé, au moment de son
arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra
notification, dans le plus court délai, de toute accusation
portéecontre lui ».
L'Etatdéfendeur soutient ainsi qu'
«à aucun moment [M. Diallo] n'a été informé par les
13
autorités [congolaises] des faits qui lui étaient reprochés » .
1.22. La RDCavoue ne pas comprendre une telle affirmation de la part de
l'Etat demandeur puisqu'il reconnaît lui-même dans ses écritures que M.
Diallo a étéprésentéau bureau de l'inspecteur judiciaire qui lui a indiqué
que son interpellation était liée au communiqué de presse du [Premier
ministre] (escroquerie mise à sacharge) et que [M. Diallo]
« a alors produit des piècesjustificatives 1».
13Voir RG,p.12.
14
Voir RG,p.13.
8 Il est en effet établi que M. Diallo n'était pas un joueur de football interpellé
au Parquet généralde Kinshasa pour expliquer comment il joue au football
pour marquer des buts contre le camp adverse. Si M. Diallo ne savait pas
qu'il était interpellé au Parquet général de Kinshasa pour des faits
d'escroquerie, l'Etat demandeur n'explique pas comment et pourquoi son
ressortissant a pu préparer des pièces justificatives (et contre quoi?) qu'il a
produites devant l'inspecteur judiciaire.
1.23. Eu égard à ce qui précède, la RDC prie la Cour de constater que
l'article 9, alinéa 2, du Pacte a étérespecté en l'espèce et de rejeter en
conséquenceles allégations de la Guinéepour manque de fondement.
1.24. La Guinée reproche également à l'Etat défendeur d'avoir violé les
dispositions de l'article 9, paragraphe 3, du Pacte qui disposent que:
«Tout individu arrêtéou détenu du chef d'une infraction
pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge
ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des
fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai
raisonnable ou libéré».
1.25. L'Etat demandeur fait une interprétation erronée de cette disposition
conventionnelle en soutenant que la RDC aurait violé le Pacte du fait que
« les personnes devant lesquelles M. Diallo avait étédéférén'étaient n1
indépendantes de l'exécutif,ni habilitéesà relâcher M. Diallo 15».
1.26. La RDCfait remarquer que M. Diallo a étéarrêtéle 25 janvier 1988 et
traduit dans le délai le plus court, c'est-à-dire le mêmejour, devant une
autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, en
l'occurrence l'inspecteur judiciaire attaché au Parquet généralde Kinshasa
qui est chargé par la loi de déclencher des poursuites pénales contre des
personnes suspectées d'avoir enfreint les dispositions du Code pénal
congolais. Le Pacte ne dit nulle part que l'autorité visée doit être
indépendante du pouvoir exécutif dans la mesure où, par exemple, dans les
pays comme la Belgique, la France, la Guinée et la RDC, le Parquet ou le
Ministère public est un organe du pouvoir exécutif en ce qui concerne la
mise en mouvement de l'action publique.
15Voir RG,p.13.
9 1.27. Il est vrai que le Premier ministre Mabi (Premier commissaire d'Etat)
avait demandé au Ministre de la Justice (Conseil Judiciaire), qui est le chef
du Parquet dans le système judiciaire congolais, de poursuivre M. Diallo en
justice pour escroquerie. La Guinée s'appuie sur cette demande pour
conclure qu'il y a eu une ingérence de l'exécutif dans le cours de la justice.
Mais l'Etat demandeur passe sous silence les termes pertinents de la lettre
du 4 juillet 1988 du nouveau Premier ministre N'sambwa adressée au
Ministre de la Justice, six mois après l'arrestation de M. Diallo, pour lui
apporter des précisionset lui demander de faire instruire l'affaire Diallo par
le Parquet en toute indépendance et impartialité 16.
1.28. En outre, c'est le Parquet généralde Kinshasa qui avait interpellé M.
Diallo en date du 25janvier 1988, et c'est également le mêmeParquet qui a
ordonné sa libération le 28 janvier 1989 après clôture de l'enquête
judiciaire.
1.29. Par ailleurs, la Guinée invoque la deuxième phrase de l'article 9,
paragraphe 3, du Pacte qui prévoit que :
« La détention de personnes qui attendent de passer en
jugement ne doit pas êtrede règle, mais la mise en liberté
peut être subordonnée à des garanties assurant la
comparution de l'intéressé à l'audience, à tous les autres
actes de la procédure et, le cas échéant,pour l'exécution du
jugement».
L'Etat demandeur prétend que la RDC a violé cette disposition parce que:
1°) Diallo n'a éténi jugé ni libéréimmédiatement, 2°) la détention d'un an
ne peut trouver aucune justification, 3°) la libération immédiate de Diallo ne
présentaitaucun risque puisque rien ne pouvait lui êtrereproché,etc. 17•
1.30. La RDC constate que la Guinée fait encore une fois une mauvaise
lecture de la disposition qu'elle invoque et soulève des critiques qui n'ont
rien à voir avec la disposition concernée. En effet, l'article 9, alinéa 3,
deuxième phrase, du Pacte ne parle ni d'un jugement ni d'une libération qui
doit intervenir immédiatement. Le Pacte n'interdit pas non plus aux Etats
16
Voir lettre reproduite dans la RG,p. 9.
17
Voir RG,p. 14.
10 parties d'organiser la détention provisoire des personnes pour des raisons
d'enquête judiciaire et n'indique nulle part la durée maximum d'une
détention provisoire. La RDCa, conformément au Pacte, placéM. Diallo en
détention provisoire pour des raisons d'enquêteet n'étaittenue par aucune
règle de droit international de le mettre en liberté provisoire en attendant
son jugement. Le temps passéen détention par M. Diallo était strictement
nécessairepour terminer l'enquêtejudiciaire ouverte contre un spécialiste
de première classeen matière de simulation et de dissimulation.
1.31. Au total, la RDC soutient qu'elle n'a pas violé les dispositions de
l'article 9, alinéa3 du Pacteet que la guinée n'a pas démontréle contraire.
1.32. L'Etat demandeur accuse également la RDC d'avoir violé l'article 9,
paragraphe 4, du Pacte qui reconnaît à tout individu privéde sa liberté par
arrestation ou détention
«le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que
celui-ci statue sans délai sur la légalitéde sa détention et
ordonne sa libération si la détention est illégale».
1.33. A ce sujet, la Guinéeaffirme en une seule phrase, comme preuve de
sesaccusations contre l'Etat défendeur, que
« M. Diallo n'a pas été mis en situation d'introduire un
quelconque recours afin qu'il soit statuésur la légalitéde sa
détention » 18.
La RDC éprouve de sérieuses difficultés pour se défendre contre une
accusation aussi légère et arbitraire dans la mesure où l'accusateur n'est
mêmepas capable d'indiquer un seul acte qu'elle aurait posé pour mettre
M. Diallo en situation de ne pas introduire un recours contre sa détention
proVISOire.
1.34. L'Etat défendeur relève à ce sujet qu'il existe en droit congolais un
Code de procédure pénale qui prévoit en détail un recours spécifique en
faveur de toute personne placéeen détention provisoire pour solliciter sa
mise en liberté provisoire auprès du juge compétent. La Guinéen'a produit
aucune preuve montrant que son ressortissant a étéempêchépar la RDC
18
Voir RGp.14.
11 d'introduire un tel recours. Il s'agit donc d'une accusation faite avec
beaucoup de légèreté.LaRDCprie donc la Cour de ne pas y avoir égard.
1.35. Sur la liste des accusations portées par la Guinée contre l'Etat
défendeur, il y a celle relative à la violation alléguée de l'article 9,
paragraphe 5, du Pacte qui prévoit que « [t]out individu victime
d'arrestation ou de détention illégalea droit à réparation ».
1.36. L'Etatdemandeur affirme que
« M. Diallo n'a obtenu aucune réparation pour son
arrestation et sa détention illégales »19.
Ce qui impliquerait, selon la Guinée, la violation de la disposition
conventionnelle par l'Etat défendeur.
1.37. La RDCobserve d'abord que le caractère illégal de l'arrestation ou de
la détention devait d'abord êtredémontrépar M. Diallo devant les cours et
tribunaux congolais après sa libération en 1989 afin de justifier et de
réclamerune réparation. L'intéressén'a rien fait à ce sujet jusqu'au moment
de son expulsion en janvier 1996, soit 7 ans après. S'il avait introduit un tel
recours dans l'ordre juridique interne congolais, il aurait reçu une réponse
appropriée.
En outre, avant de poser ce problème dans l'ordre international devant la
Cour, la Guinéedoit d'abord montrer que son ressortissant avait les mains
propres et qu'il avait épuisésur ce point les voies de recours internes qui
existent dans l'ordre juridique interne congolais. Or la Guinée n'est pas en
mesure de le faire et ne peut êtreautorisée à le faireà ce stade de la
procédure.
1.38. En définitive, la RDC affirme que l'arrestation et la détention de M.
Diallo en 1988 ont étéopéréesdans le cadre d'une enquêtejudiciaire
conduite conformément au droit congolais. Elles n'étaient pas illégales et
ne pouvaient donc donner lieu à aucune réparation en faveur de M. Diallo.
1.39. Au total, la RDC n'a violé aucune disposition du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques lors de l'arrestation et de la détention de
M. Diallo en 1988. Elle n'a pas non plus violé les droits de M. Diallo en tant
qu'individu au cours de son arrestation et de sadétention en 1995-1996.
19Voir RGp.14.
12 § 2. L'arrestationet la détention de 1995-1996.
1.40. La RDCa déjàexpliqué longuement dans ses écritures la situation de
l'arrestation et de la détention de M. Diallo en 1995-1996. Elle a ainsi
consacré à cette question 4 pages dans le cadre de la procédure sur les
20
exceptions préliminaires et 14 pages dans son contre-mémoire du 27
mars 2008 21. Elle prie la Cour de bien vouloir se référer à ces
développements antérieurs dans la mesure où la réplique de la Guinéesur
cette question ne contient aucun argument nouveau et sérieuxdans les 36
pages consacréesà cette question.
1.41. Cependant, la RDC formulera ci-dessous quelques brèves
observations.
1.42. La Guinéeaffirme que le motif de l'arrestation, de la détention et de
l'expulsion de M. Diallo de la RDC par le Gouvernement congolais était de
l'empêcherde récupérerles créancesdues à sessociétés.Mais elle fait elle
mêmeétat d'un communiqué officiel diffusé à la radio et à la télévision
congolaises émanant du Ministre de la Justice, donc du Gouvernement,
«indiquant que les créances des sociétésde M. Diallo étaient dues et
devraient leurs êtreréglées » 22.L'Etat défendeur n'explique pas comment
un Gouvernement qui veut empêcherM. Diallo de recouvrer les créances
dues à ses sociétés,demande par ailleurs officiellement que lesdites
créancesdoivent êtrepayéesaux sociétésconcernées.Cette contradiction
montre clairement que la thèse défendue par la Guinée selon laquelle
l'expulsion de M. Diallo visait à l'empêcherde récupérerles créancesdues à
sessociétésne repose sur aucune preuve sérieuseet crédible.
1.43. L'Etat demandeur soutient dans sa réplique que le décret d'expulsion
de M. Diallo du 31 octobre 1995 serait illégal parce qu'il a étépris par le
Premier ministre au lieu du Présidentde la Républiqueen violation de la loi
de 1983 sur la police des étrangers 23•
20
Voir EPRDC,pp. 39-42.
21Voir CMRDC, pp. 8-21.
22Voir RG,p.21.
23Voir, RGp.22.
13 1.44. L'Etat défendeur répond à cette affirmation erronée en indiquant que
la loi de 1983 a étépromulguée sous l'empire de la Constitution de 1974
fondée sur la dictature du parti unique qui était à la mode en Afrique à
l'époque de la guerre froide et qui donnait tous les pouvoirs à un seul
homme, le Président-Fondateur du parti unique de la RDC, le Maréchal
Mobutu Sese Seko. Une nouvelle Constitution a étépromulguée le 9 avril
1994 dans le cadre de la démocratisation de la RDC et qui prévoyait le
partage du pouvoir exécutif entre le Président de la République et le
Gouvernement. Le Premier ministre, chef du Gouvernement, détenait le
pouvoir réglementaire et était donc habilité à prendre des décrets pour
exécuterles lois de la République.
1.45. Ainsi, le décret du 31 octobre 1995, adopté sous l'empire de la
Constitution de 1994, était donc conforme aux dispositions de la loi de
1983 relativeà la police des étrangers.
1.46. La Guinéeprétend également dans sa réplique que la RDC n'a pas le
pouvoir d'apprécier de manière discrétionnaire la menace à sa sécurité
nationale lorsqu'elle a procédé à l'expulsion de M. Diallo et que la Cour est
en droit de contrôler l'existence d'une telle menace. Elle invoque à ce sujet
la jurisprudence de la Cour dans l'Affaire Nicaragua. Dans cette affaire, il y
avait un traité bilatéral entre les Etats-Unis et le Nicaragua qui prévoyait
l'exception de la sécurité nationale dont la Cour pouvait contrôler
l'existence. Il n'existe aucun traité de ce genre entre la RDC et la Guinée
dont la Cour devait vérifier les clauses relatives aux mesures protectrices de
la sécuriténationale. La jurisprudence invoquée par la Guinée n'est donc
pas pertinente pour la présenteespèce.
1.47. La Guinée accuse enfin la RDC d'avoir porté atteinte au droit de
propriétéde M. Diallo
«s'agissant des biens personnels qu'il a dû laisser derrière
lui sans que l'opportunité lui soit laisséed'en organiser le
rapatriement ou la vente avant son expulsion brutale 24».
1.48. La RDCrelève d'abord que la Guinéese comporte comme un naufragé
qui veut s'accrocher à n'importe quoi pour tenter de sortir de l'eau et
s'enfonce dans des confusions inextricables. En effet, dans son mémoire, la
Guinée a déclaré à propos de biens personnels de M. Diallo qu'un
24Voir RGp.54.
14 inventaire a étédressé de ces biens peu de temps après l'expulsion de
l'intéressé.Elle a conclu elle-mêmeconcernant les biens personnels de M.
Diallo que
« cette catégorie de biens ne pose pas de problèmes
juridiques particuliers 25 ».
Lacauseétaitdonc entendue pour ce type de biens.
1.49. La RDCne comprend pas ce qui a changé ou ce qui s'est passépour
que l'Etat demandeur revienne dans sa réplique, soit 8 ans plus tard, pour
se contredire et affirmer qu'il y a des problèmes pour les biens personnels
de M Diallo. La RDC s'étonne de voir la Guinée se comporter de manière
aussi puérile devant la Cour internationale de Justice. Elle prie la Cour de
prendre acte de ce comportement contradictoire de la Guinéeet de rejeter
en conséquencesesaffirmations relatives à sesbiens personnels.
25Voir MG.,p.55.§3. 36.
15 Chapitre Il.
LAPRETENDUE VIOLATION PARLAROCDESDROITSPROPRESDEM.
DIALLO ENTANTQU'ASSOCIE DESSOCIETES AFRICOM-ZAIRE ET
AFRICONTAINERSZ -AIRE
2.01. La question des droits propres de M. Diallo en tant qu'associéa été
abondamment traitée par la RDC au cours de la phase de la procédure
relative aux exceptions préliminaires en expliquant clairement sur 12 pages
que ces droits n'ont jamais étéviolésà la suite de l'expulsion de l'intéressé
du territoire congolais en janvier 1996 2• La RDC ne trouve donc pas
nécessaire de répéter ici ce qu'elle avait déjà bien exposé dans ses
exceptions préliminaires sur le sujet et prie la Cour de bien vouloir s'y
référer.L'Etat défendeur est également revenu sur cette question dans son
contre-mémoire du 27 mars 2008 2. Il maintient donc l'ensemble de sa
thèse sur le sujet telle qu'il l'a exposée dans toutes ses écritures
précédentes.
2.02. Ainsi, dans le cadre de la présente duplique, l'Etat défendeur se
limitera à faire quelques brèves observations sur certains points qui
continuent à diviser encore les deux parties.
Section 1. La réparation des dommages subis par les
sociétésAfricom -Zaïre et Africontainers -Zaïre
2.03. Dans sa réplique, la Guinéeaffirme que
« D'une part, les préjudices subis par M. Diallo, tout en ne
s'assimilant pas complètement à ceux de ses sociétés,les
recouvrent largement en ce sens que les actions dirigées
contre la personne de celui-ci - et en particulier son
expulsion illicite-ont eu pour conséquence directe les
difficultés puis la cessation d'activités de celles-ci qui, à son
tour, a très directement causéun préjudice considérable à
M. Diallo; d'autre part, comme selon la RDC, les deux
sociétésauraient été radiées du registre des sociétéset
auraient, dès lors, cesséd'exister, c'est bien l'intégralité des
26
Voir EPRDpp.76-87.
27Voir CMRDCpp.25-32.
16 actifs et des créancesde celles-ci qui doit faire l'objet de la
réparation que la Cour est appeléeà ordonner » 2•
2.04. Cette allégation de l'Etat demandeur montre clairement la confusion
qu'elle continue d'entretenir entre « Diallo et ses sociétés»et sa tentative
de réintroduire dans le débat judiciaire la question des créances des
sociétés congolaises que la Cour a déclaréeirrecevable dans son arrêtdu 24
mai 2007. La RDCdemande à la Guinée,pour bien comprendre la différence
entre les droits des associésen tant que tels et les droits des sociétésde
relire encore attentivement l'affaire Barcelona Traction, les analyses et
commentaires de la RDC dans les exceptions préliminaires et l'arrêtdu 24
mai 2007 sur les exceptions préliminaires.
2.05. La RDC rappelle à la Guinée qu'à ce stade de la procédure, il est
question d'indiquer clairement les droits propres de M. Diallo en tant
qu'associédes sociétéscongolaises Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre et
de démontrer la violation de ces droits par la mesure d'expulsion prise par
l'Etat congolais à l'encontre de l'intéresséen janvier 1996. Il est inapproprié
après l'arrêtsur les exceptions préliminaires de consacrer 6 pages de la
réplique pour reposer le problème de la réparation des dommages subis
par les sociétésconcernéesque la Cour a clairement rejetédans ledit arrêt.
Section 2. Ledroit au reliquat de l'actif des sociétés Africom-Zaïre
et Africontainers-Zaïre
2.06. L'Etat demandeur soutient que la RDC aurait privé M. Diallo de son
droit au reliquat de l'actif des sociétésprécitéespour avoir procédéà la
dissolution et à la liquidation de ces deux sociétéssubrepticement. Il est
utile d'expliquer à la Guinéela différence qui existe entre la radiation d'une
sociétédu registre du commerce et la dissolution d'une société,suivie de sa
liquidation. La première est une simple mesure administrative qui constate
simplement la cessation d'activités d'une société.Celle-ci continue à exister
juridiquement et peut toujours reprendre plus tard ses activités en
sollicitant un nouveau numéro d'immatriculation au greffe du registre du
commerce. Laseconde peut découler d'une décisionvolontaire des associés
(dissolution volontaire) ou d'une décision rendue par un tribunal
(dissolution judiciaire). La dissolution (mort juridique) entraîne la liquidation
(mort physique) de la société.Lesdeux sociétésconcernéesétaient dans un
étatde faillite non déclaréeau moment mêmeoù M. Diallo vivait encore en
28Voir RG,p.92.
17 ROC. Pour l'Etat défendeur, ces deux sociétéscommerciales privées n'ont
encore fait l'objet d'aucune dissolution régulière qui relève de la
compétence exclusive des associés et continuent à exister sur le plan
juridique.
2.07. Euégard à ce qui précède,la ROClance un défi à la Guinéed'apporter
la moindre preuve que: 1°) les deux sociétésont étédissoutes par l'Etat
défendeur, 2°) il y a eu un boni de liquidation après paiement des impôts et
des dettes éventuelles et 3°) M. Oiallo a étéempêchépar les autorités
congolaises d'encaisser sa part dans ledit boni de liquidation.
2.08. Pour le reste, l'Etat défendeur considère que le prétendu droit de M.
Oiallo au reliquat de l'actif des deux sociétésconcernéesrelève de la pure
imagination de la Guinée et ne repose sur aucune preuve crédible et
sérieuse.
Section 3. Lesdroits propres de M. Diallo en tant que prétendu
associéde la sociétéAfricom-Zaïre
2.09. A propos de la sociétéAfricom-Zaïre, la Cour a réservésa position sur
cette sociétéen déclarantce qui suit dans son arrêtdu 24 mai 2007:
« LaCour commencera par noter l'existence d'un désaccordentre les
Parties quant aux circonstances ayant entouré la création d'Africom
Zaïre et l'exercice de ses activités ainsi que la poursuite de ces
activités après les annéesquatre-vingt, et quant aux conséquences
qui pourraient en être tirées en droit congolais. Elle estime
néanmoins que ce désaccord relève essentiellement du fond et qu'il
est sans incidence sur la question de la recevabilité de la requêtede
la Guinée telle que mise en cause par les exceptions congolaises »29•
2.10. La ROCfait observer àce stade de l'examen du fond du différend que
depuis plus de 10 ans, la Guinée n'a pas étéen mesure de produire les
statuts de la sociétéAfricom-Zaïre pour permettre àla Cour de vérifier si M.
Oiallo en était associéet pour combien de parts sociales. On ne connaît
mêmepas les autres associésde cette sociétédans la mesure où le droit
commercial congolais ne prévoit pas l'existence d'une société
unipersonnelle. On ne connaît ni le nombre de son personnel ni l'adresse
29Voir arrêtdu 24 mai 2007, § 59.
18de son siège socialà Kinshasa.Tout ce qu'on sait de cette sociétéest qu'elle
est elle-mêmeassociéedans la sociétéAfricontainers-Zaïre.
2.11. Le greffe du registre de commerce de Kinshasa ne renseigne aucun
dépôt de bilan annuel et aucune déclaration d'impôts depuis le milieu des
années1980. Aucune trace d'une quelconque autre activité commerciale n'a
été relevéedepuis la commande du papier-listing par l'Etat au début des
années 1980. La Guinée et son ressortissant Diallo eux-mêmes restent
totalement silencieux dans toutes les langues concernant les activités de
cette sociétéau cours de huit dernières annéesqui ont précédél'expulsion
de M. Diallo enjanvier 1996.
2.12. Dansces conditions, la RDCne peut s'empêcherde conclure que cette
sociétése trouvait dans un état de faillite non déclaréedepuis plusieurs
annéesavant l'expulsion de M. Diallo du territoire congolais.
2.13. Eu égard à ce qui précède, il devient dès lors inconcevable, voire
indécent,de soulever devant la Cour la question d'une prétendue violation
par la RDC des droits propres de M. Diallo en tant qu'associé dans une
sociétéqui n'avait aucune activité commerciale avéréedepuis plusieurs
années,se trouvait dans un état de faillite non déclarée,ne tenait plus des
assembléesgénérales,n'employait aucun travailleur congolais, ne payait
pas des impôts et d'introduire une demande de réparation financière pour
indemniser l'intéressé. Il s'agit clairement d'une tentative inadmissible
destinée à utiliser la Couà des fins d'enrichissement illicite et mercantilistes
et àspolier le Trésorpublic congolais.
2.14. La RDCprie donc la Cour de constater qu'en ordonnant l'expulsion de
M. Diallo en janvier 1996, elle n'a porté atteinte à aucun droit propre de
l'intéresséen tant que prétendu associéde la sociétéAfricom-Zaïre.
Section 4. La prétendue violation des droits propres de M. Diallo
en tant qu'associédans la sociétéAfricontainers- Zaïre
2.15. La qualité d'associéet la question des droits propres de M. Diallo en
cette qualité dans la sociétéAfricontainers-Zaïreà la différence du casde la
sociétéAfricom-Zaïre, ne posent pas de problèmes factuels ou juridiques
particuliers. Dans sa réplique, la Guinée prétend que l'Etat défendeur, en
expulsant M. Diallo en janvier 1996, aurait violé les droits propres ci-après
de l'intéresséen tant qu'associé de la sociétéAfricontairiers-Zaïre: 1°) le
19 droit de prendre part aux assembléesgénéraleset de choisir un nouveau
gérant 30 et 2°) le droit de surveiller et de contrôler les actes accomplis par la
31
gérance et les opérations de la société et 3°) le droit de propriétésur les
parts sociales 32• Ce sont donc seulement ces trois droits propres M. Diallo
en tant qu'associé, en abandonnant tous les autres droits, que la Guinée
présente dans sa réplique devant la Cour comme ayant étéviolés par la
ROC. L'Etat défendeur présentera ainsi ci-dessous quelques observations
sur la prétendue violation alléguéedes droits indiqués ci-dessus.
§. 1. La prétendue violation du droit de prendre part aux
assembléesgénéraleset de choisir un nouveau gérant.
2.16. La RDCs'est déjà expliquée sur cette question dans son contre-mémoire et
maintient tout ce qu'elle a dit à ce sujee3•A propos du droit de choisir un nouveau
gérant, la Guinée fait preuve d'amnésie totale, et pour cause, en passant sous
silence la nomination de M. N'KANZA comme gérant de la sociétéAfricontainers
Zaïre après l'expulsion de M. Diallo de la RDC.La preuve de cette nomination a été
pourtant produite par la Guinéeelle-mêmeen annexe de son mémoire sous la cote
201 et signalée par la RDClors des plaidoiries sur les exceptions préliminaires en
novembre-décembre 2006.
Si l'on reste dans la logique de la Guinéeselon laquelle Diallo c'est Africontainers
Africontainers c'est Diallo,le nouveau gérant d'Africontainers, M. N'KANZA, a donc
éténommé par M. Diallo lui-mêmequi lui donnait des instructions. Ce nouveau
gérantétaitdonc un gérantissu d'un choix libre de M. Diallo.
Affirmer dans ces conditions, comme le fait la Guinée,qu'un gérant de son choix
ne peut êtreque Diallo lui-mêmeest un argument pour rire et qui relève de la pure
fantaisie.
2.17. Concernant le droit de M. Diallo de prendre part aux assembléesgénérales,
l'Etat défendeur précise que le droit commercial congolais n'impose aucune
obligation aux sociétéscommerciales en ce qui concerne le lieu où doit se tenir
une assemblée généraled'une sociétécommerciale. La seule obligation légale
concerne le lieu où doit êtreétabli le siège social d'une sociétéde droit congolais,
à savoir le territoire congolais. Ainsi, une société de droit congolais peut
valablement tenir une assemblée généraleà l'étranger. Dans ce cas, le procès
verbal de cette assemblée générale,pour des raisons d'authenticité, doit être
30Voir RG, pp.59-65.
31Voir RG, pp. 65-68.
32Voir RG, pp. 69-90.
33Voir CMRDC, pp. 28-29 et 31-32.
20 authentifié par les services de l'ambassade de la RDCdans le pays concerné pour
permettre son dépôt officiel au greffe du registre de commerce dans le ressort
duquel est situé le siège social de ladite sociétésur le territoire congolais.
2.18.Ainsi, puisque, selon la Guinée, M. Diallo c'est Africontainers, celui-ci pouvait
valablement tenir une assemblée généraleà Conakry et envoyer le procès-verbal
authentifié à Kinshasa sans qu'il soit nécessaire d'être physiquement présent en
RDC.C'est dans ces conditions qu'il a pu nommer un nouveau gérant de la société
Africontainers en la personne de M. N'KANZA.
2.19.L'Article1er de la loi no66-341 invoqué qui dispose que «les sociétésdont le
principal siège d'exploitation est situé au Congo doivent avoir au Congo leur siège
administratif» a été promulguée dans un contexte particulier, six ans après
l'indépendance de la RDC,pour obliger les sociétéscoloniales belges qui gardaient
encore leurs sièges sociaux en Belgique tout en ayant leurs principaux sièges
d'exploitation au Congo de transférer les premiers sur le territoire congolais. Cette
législation particulière n'impose aucune obligation à toutes les sociétés
commerciales de droit congolais de tenir leurs assemblées générales sur le
territoire congolais. Ainsi, l'interprétation qu'en fait l'Etat demandeur est
totalement erronée et doit êtrerejetée.
2.20.La RDC ne peut manquer de faire remarquer à la Cour que tout au long de
cette procédure la Guinée n'a cesséde soutenir que l'expulsion de M. Diallo en
janvier 1996 visait à l'empêcherde recouvrer les créancesdues à ses sociétés,c'est
à-dire à lui-même.L'Etat demandeur l'a également rappelé dans sa réplique en ces
termes:
«Il convient de ne pas oublier que l'expulsion de M. Diallo n'a pas eu
d'autre finalité que de l'empêcher de bénéficier de l'exécution des
décisionsjudiciaires rendues en faveur de sessociétés ».4
2.21. Ainsi, de l'aveu mêmede la Guinée,la mesure d'expulsion prise contre M. Diallo
n'avait pas pour finalité de l'empêcherde nommer un nouveau gérant ou de prendre
part aux assemblées générales de la société Africontainers. Cette mesure n'avait
qu'une seule finalité, exclusive de toute autre finalité selon les propres termes de la
Guinée: empêcherM. Diallo de gagner de l'argent.
2.22. A la lumière de ce qui vient d'êtredit, la RDCprie la Cour de constater qu'elle n'
a pas violé le droit de M. Diallo de prendre part aux assemblées généralesde la
sociétéAfricontainers- Zaïre, qui du reste n'ont jamais étéconvoquées, ou celui de
nommer un nouveau gérant de son choix.
34Voir RG,p.63.
21 § 2. La prétendue violation du droit de M. Diallo de surveiller et de
contrôler les actes accomplis par la géranceet les opérations des
sociétés.
2.23. Comme la RDCl'a souligné ci-dessus, l'expulsion de M. Diallo n'avait pas
pour finalité de porter atteinteà son droit de surveiller et de contrôler les actes
accomplis par la gérance et les opérations de ses sociétés.Cette mesure ne
visait nullement ce droit.
2. 24. La Guinée a reproduit sans sa réplique les dispositions pertinentes du
droit commercial congolais concernant le droit de surveillance et de contrôle
dans les sociétésSPRL 3• Mais elle en tire des conclusions déraisonnables.
2. 25. Eneffet, l'économie des articles 71 et 75 du décretdu 27 février 1887 sur
les sociétés commerciales et 19 des statuts sociaux de la société
Africontainers-Zaïre montre clairement que la mission de contrôle et de
surveillance de la gestion d'une sociétéSPRLest confiée, non pas à un associé
pris individuellement, mais plutôt à des experts financiers appelés
commissaires aux comptes. Ces derniers agissent pour le compte des associés
auxquels ils rendent compte annuellement de l'exécution de leur mandat lors
de la tenue d'une assembléegénéralede la société.Le droit et la pratique des
affaires en RDCne permettent pas à un associéde procéder lui-même à titre
personnel au contrôle financier ou autre de la sociétéen dehors d'un rapport
établi par des commissaires aux comptes ou des auditeurs mandatés à cet
effet. Dans ce contexte, le droit de l'associé se limite à participer à la
désignation d'un ou de plusieurs commissaires aux comptes au cours de
l'assembléegénéralede la société.
2.26. Dans la présente affaire, la RDC n'a jamais effectué une quelconque
ingérence dans les relations entre M. Diallo et la sociétéAfricontainers- Zaïre
pour l'empêcher d'exercer son droit d'associé relatif à la désignation d'un
commissaire aux comptes chargé de surveiller et de contrôler la gestion de
cette sociétépour le compte des associés.L'Etat défendeur n'avait du reste
aucun intérêt à le faire d'autant plus que M. Diallo avait désignéun nouveau
35Voir RG, pp. 65-67.
22gérant à la têtede la sociétéafricontainers-Zaïre sans avoir poséd'obstacle à
cette nomination.
2. 27. Parconséquent, l'Etat défendeur soutient qu'il n'a pas violé le droit de M.
Diallo de surveiller et de contrôler la sociétéAfricontainers-Zaïre qui était
d'ailleurs dans un étatde faillite non déclarée.
§.3. Laprétendue violation du droit de propriétéde M. Diallo
sur les parts socialesdans la sociétéAfricontainers-Zaïre.
2.28. Dans sa réplique, la Guinée revient abondamment sur ce qu'elle qualifie
d'expropriation indirecte ou de facto des parts sociales de M. Diallo dans les
sociétésAfricom-Zaïre et Africontainers-Zaïre à la suite de son expulsion de la
RDC en janvier 1996. Elle soutient que même si M. Diallo est resté
juridiquement titulaire de ses parts sociales, cette expulsion a néanmoins
détruit la valeur économique de ces parts sociales qui sont ainsi devenues une
coquille vide. Elle en conclut que la RDCaurait ainsi violé le droit de propriété
de M. Diallo sur ses parts sociales et réclameen conséquence réparation de ce
fait internationalement illicite.
2.29. LaRDCfait remarquer à la Cour que s'agissant de l'expropriation alléguée
des parts sociales de M. Diallo, la Guinéedéclaredans sa réplique que:
« l'expropriation des parts sociales a étéréaliséepar l'expulsion
illicitede M. Diallo [expulsion] dont la seule motivation était,
d'évidence, (....), de l'empêcher de poursuivre, au nom de ses
sociétés,les différentes procéduresjudiciaires entamées »36•
2.30.Il est clair, encore une fois, que de l'aveu mêmede la Guinée,l'expulsion
de M. Diallo ne constituait pas une ingérencedans sesrelations avec la société
Africontainers-Zaïre en tant qu'associéen vue de lui arracher directement ou
indirectement son droit de propriétésur sesparts sociales dans cette société.Il
s'agissait bien au contraire de l'empêcher,selon la Guinée, d'agir en justice
pour le recouvrement des créancesdues à sessociétés.On ne voit dès lors pas
en quoi l'expulsion de M. Diallo pourrait constituer une violation de son droit
de propriétésur ses parts sociales ni une expropriation de celles-ci. La RDCn'a
jamais donné l'ordre à la sociétéAfricontainers de ne pas rémunérerles parts
socialesde M. Diallo lors du partage annuel des dividendes.
36Voir RG, pp. 88-89.
232.31. La RDC conteste également la logique selon laquelle la présence ou
l'absence de M. Diallo sur le territoire congolais aurait un impact positif ou
négatif sur la valeur de ses parts sociales. En effet, la valeur en bourse des
actions de plusieurs grandes sociétéscommerciales ne dépend pas de la
présence ou non de leurs dirigeants et actionnaires sur le territoire où ces
sociétéssont établies. Dans le cas de la sociétéAfricontainers-Zaïre, il est
mêmeétabli qu'elle était déjà dans un état de faillite non déclaréeet sans
aucune activitécommerciale enregistrée à l'époque, ayant seulement quelques
dizaines de conteneurs frappés par la rouille et dispersésà certains endroits de
la ville de Kinshasa, alors que M. Diallo en était gérant et vivait en RDC.Il
n'existe en effet aucune trace du dépôt des bilans annuels ou de déclaration
des impôts au cours de dernières années ayant précédél'expulsion de M.
Diallo.
2.32. Au total, l'Etat défendeur soutient qu'il n'a posé aucun acte constituant
une ingérence dans les relations entre M. Diallo en sa qualité d'associéet la
sociétéAfricontainers en vue de porter atteinte à son droit de propriétésur ses
parts sociales.
24 Chapitre Ill
CONCLUSIONS
Sous la réserve expresse de compléter et de commenter davantage ses
moyens de fait et de droit et sans reconnaître aucune déclaration qui lui serait
préjudiciable, l'Etat défendeur prie la Cour de dire et dejuger que:
r) - La République démocratique du Congo n'a pas commis de faits
internationalement illicites envers la Guinée en ce qui concerne les droits
individuels de M. Diallo en tant que personne;
2°) - La République démocratique du Congo n'a pas commis de faits
internationalement illicites envers la Guinée en ce qui concerne les droits
propres de M. Diallo en tant qu'associéde la sociétéAfricontainers- Zaïre
ou de prétendu associéde la sociétéAfricom-Zaïre;
3°) - Enconséquence,la requêtede la République de Guinéen'est pas fondée
en fait et en droit.
Le 5juin 2009.
Professeur Tshibangu Kalala
Coagent de la Républiquedémocratique du Congo
25
Duplique de la République démocratique du Congo