Observations écrites de l'Albanie (traduction du Greffe)

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Note verbale n o45/09datée du 17 juillet 2009, adressée par l’Ambassade de l’Albanie

à La Haye au greffier de la Cour internationale de Justice

[Traduction]

L’Ambassade de la République d’Albanie présente ses compliments au greffier de la Cour
internationale de Justice et a l’honneur de transm ettre à la Cour, sous ce pli, sa réponse dans la
procédure consultative en l’affaire de la Conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo

L’Ambassade de la République de l’Albanie à La Haye saisit cette occasion de renouveler à
Monsieur le greffier de la Cour internationa le de Justice les assurances de sa très haute

considération.

___________ O BSERVATIONS ECRITES DE LA R EPUBLIQUE D ’A LBANIE

[Traduction]

Table des Matières

Pages

Partie I Introduction ........................................................................
................................................... 1

Partie II Antécédents........................................................................
.................................................. 1

A) Questions d’ordre constitutionnel........................................................................
....................1

B) Conflit armé en Yougoslavie et au Kosovo........................................................................
..... 4

C) Questions démographiques........................................................................
............................ .. 5

D) Les institutions parallèles........................................................................
................................. 6

E) La violation des droits de l’homme au Kosovo ....................................................................... 7

F) Solution politique au problème posé par le statut du Kosovo.................................................. 8

G) Le statut du Kosovo en tant qu’élément du projet pour une Grande Serbie ............................ 9

H) Observations finales........................................................................
....................................... 10

Partie III Questions de compétence et d’opportunité....................................................................... 11

A) Questions concernant la compétence de la Cour ................................................................... 11

B) Questions relatives à l’opportunité de l’exercice de la fonction consultative........................ 12

C) Observations finales........................................................................
................................ ....... 14

Partie IV Questions relatives a la conformité au droit international de la déclaration
d’indépendance du Kosovo........................................................................
................................. 14

A)La Cour n’est pas saisie de la ques tion de l’indépendance du Kosovo, qui est
entièrement distincte de celle de la conformi té au droit international de la déclaration
d’indépendance........................................................................
.............................................. 14

B) Le principe de l’intégrité territoriale n’est pas applicable en l’espèce................................... 14

C)Le principe de l’intégrité territori ale ne limite d’aucune façon les processus

constitutionnels internes d’un Etat........................................................................
................. 15

D)La manière dont la question de l’autodé termination est traitée au chapitre VII de
l’exposé écrit de la Serbie est entièrement incorrecte............................................................ 17

E) Il est clair que le Kosovo constitue un peuple et une unité d’autodétermination................... 19 - 2 -

F) La résolution 1244 (1999), qui n’est pas une garantie de l’intégrité territoriale de la
Serbie, a laissé la porte ouverte à la questi on du statut final du Kosovo ainsi qu’à la

modalité de son expression........................................................................
............................ 20

G) Conformément au droit international contemporain, le consentement de la Serbie n’est
pas une condition nécessaire pour la validité de l’acte par lequel l’indépendance est

déclarée........................................................................
.......................................................... 21

H) Les autorités du Kosovo exercent les prérogatives souveraines d’une entité étatique........... 22

I) La déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international.................... 23

J) Garanties pour les minorités et traitement des Albanais de souche dans la République
de Serbie ........................................................................
........................................................ 24

K) Observations finales........................................................................
....................................... 27

Partie V Conclusions et demandes........................................................................
........................... 27

A) Conclusions........................................................................
.................................................... 27

B) Demandes........................................................................
............................................ ........... 29 LISTE DES ABREVIATIONS

ALK Armée de libération du Kosovo

EULEX Mission Etat de droit menée par l’Union européenne au Kosovo

KFOR Force de la paix au Kosovo (sous commandement de l’OTAN)

MINUK Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo

OSCE Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

RFY République fédérale de Yougoslavie

RFSY Républiqusocialiste fédérative de Yougoslavie P ARTIE I

INTRODUCTION

1. Sur la base de l’ordonnance de la Cour du 17 octobre 2008, la République d’Albanie

présente ses observations écrites sur les autres exposés écrits, conformément à l’article66,
paragraphe 4, du Statut.

2. L’Albanie a un certain nombre d’observations à formuler sur quelques-unes des questions

de fait et de droit qui ont été l’objet des exposés écrits présentés dans le délai qui a expiré le
17 avril 2009. Ces observations sont, principalement, en réponse à l’exposé écrit de la Serbie, étant
donné qu’en fait d’autres exposés écrits similaires ne contiennent pas d’arguments nouveaux. Elles
visent soit à compléter, soit à renforcer les vues exprimées dans l’exposé écrit de l’Albanie du

16 avril 2009.

3. La République d’Albanie réserve sa position au sujet de toutes questions et matières qui

ne sont pas traitées explicitement dans ses exposés écrits. En outre, l’Albanie réserve le droit de
formuler des commentaires ou observations complémentaires au cas où la Cour déciderait de traiter
de ces questions ou matières.

4. A l’effet de répondre aux divers argument s qui ont été avancés, l’Albanie maintiendra la
structure de son précédent exposé. Aussi comme ncera-t-elle par présenter quelques observations
initiales concernant certains éléments de fait et de droit relatifs à l’espèce. Font ensuite l’objet de

brefs commentaires des questions de juridiction et d’opportunité de l’exercice par la Cour de sa
compétence consultative. De là on passe à une an alyse détaillée de plusieurs questions juridiques
ayant trait à la question posée à la Cour. A la fin, avant de présenter à la Cour ses demandes,
l’Albanie tire un certain nombre de conclusions.

PARTIE II

A NTECEDENTS

5. L’Albanie considère nécessaire de faire quelques remarques d’ordre général concernant

les principaux événements qui se rapportent à l’éclatement violent de la Yougoslavie
et ont trait au
Kosovo. Ces remarques visent à éclaircir certaines interprétations incorrectes, de nature factuelle
et juridique, que l’on trouve dans l’exposé écrit de la Serbie et d’un faiblnombre d’autres pays.
En premier lieu l’Albanie voudrait observer, aux fins de la présente procédure, que ce n’est pas

avec la Serbie, mais avec la République du Kosovo qu’elle partage une frontière, le territoire de
cette république se trouvant entre elle et la Serbie.

A) Questions d’ordre constitutionnel

6. Les amendements constitutionnels de 196 8 ont amorcé la naissance de la province
autonome du Kosovo en tant que partie constitu ante de la RFSY. En même temps ces

amendements ont accordé au Kosovo le droit d’ét ablir son propre système judiciaire, à la tête
duquel se trouvait une cour suprême. Des ame ndements supplémentaires adoptés en 1971 ont
accordé au Kosovo le droit d’avoir des représen tants dans les organes fédéraux autres que
l’Assemblée fédérale, à savoir la présidence, le gouvernement fédéral et la Cour constitutionnelle - 2 -

fédérale. En 1972 l’Assemblée du Kosovo a cr éé la banque nationale du Kosovo et la Cour
constitutionnelle du Kosovo. Aux termes de la Constitution de la RFSY de 1974, les deux tiers des
membres de l’Assemblé e du Kosovo devaient donner leur consentement pour que des

amendements à la Constitution de la RFSY et la Constitution de la Serbie puissent être adoptés. La
Constitution de la RFSY de 1974 faisait du Kosovo une partie constituante de la Yougoslavie, avec
un statut à tous égards identique, sauf le nom, à celui des républiques.

7. En théorie les amendements apportés à la Constitution Serbe en mars 1989 pouvaient être
abrogés au niveau de la RFSY; mais c’était pour l’essentiel la Serbie qui contrôlait les autorités

fédérales, y compris la Cour constitutionnelle de la Yougoslavie. En pratique cela voulait dire que
ces changements affecteraient radicalement les pouvoi rs d’auto-administration et l’autonomie dont
avaient joui jusque-là le Kosovo et ses citoyens . Il faut souligner que l’exercice de leur droit de

vote par les représentants du Kosovo dans le parl ement serbe n’est pas important, car leur vote
n’aurait pas pu faire obstacle à l’ adoption des amendements proposés . Ce qui importe, c’est le
rejet total de ces amendements par la population du Kosovo, exprimé par la grève de la faim des

mineurs à Trepa (Mitrovica) et les démonstrations publiques qui eurent lieu dans de nombreuses
localités .

8. En commentant sur les manŒuvres politiques qui ont précédé les amendements apportés à
la constitution serbe en 1988-1989, Weller s’exprime en ces termes :

«Pour assurer l’adoption finale des propositions de réforme, on a d’abord écarté
les dirigeants de Voïvodine. On a égalem ent pris des mesures pour assurer que le

Monténégro ne s’opposerait pas non plus à l’action serbe au niveau fédéral. Alors que
la Slovénie, qui s’y opposait, était engouffrée dans une lutte de plus en plus intense
avec la Serbie et les organes fédéraux qu’e lle dominait toujours davantage, de même

Milosevic parvenait initialement à pe rsuader des leaders en Croatie et
Bosnie-Herzégovine de se tenir cois, ét ant entendu qu’ultérieurement la Serbie
s’abstiendrait d’agir à l’égard des Serbes qui vivaient dans ces deux républiques. La

Macédoine, où existait une minorité considérab le d’Albanais (d’environ 20 à 30 %), a
aussi été persuadée de ne pas s’opposer à ce que les Albanais du Kosovo fussent
écartés du pouvoir politique.» 4

9. Il faut noter au préalable qu’en traitant d’un certain nombre d’affaires tranchées par la

Cour constitutionnelle de la RFSY, la Serbie soulève des questi ons qui ne sont pas pertinentes en
l’espèce. Ce que ces affaires démontrent, c’est que, en s’occupant de la question de l’imminente
sécession des républiques yougoslaves, ladite cour a clarifié (dans l’affaire de l’amendement

constitutionnel en Slovénie) qu’il s’agissait d’une question qui rele vait de la Constitution fédérale
de la Yougoslavie et non de celle d’une seule république, l’approb ation de toutes les républiques

1 Voir entre autres la question écrite E-0432/98 posée par Leonie van Bladel (UPE) à la Commission
(24 février 1998) et la réponse de la Commission (Parlement européen), Journal officiel C 223, 17/07/1998 P. 0172. Une

partie de la réponse est conç ue en ces termes: «La notion d’autonomie iscrite dans la Constitution de 1990 de la
République serbe est très limité e, d’autant que toutes les décisions économiques sont centraliLes Albanais du
Kosovo ont perdu toutes les prérogatives législatives et exécutives qu’ils aacquises dans le cadre de la structure
fédérale de 1974.»
2
Voir l’exposé écrit de la Se rbie, par. 235, et M. Weller, The crisis in Kosovo 1989-1999. Documents and
Analysis Publishing Ltd., septembre 1999, p. 47 (ci-après «Weller»).
3 Voir, entre autres, l’exposé écrit de l’Albanie, p. 5 [de la traduction française] , par. 8; Weller, p. 47, et The
Kosovo Report: Conflict, International Response , Lessons Learned, the Independent International Commission on

Kosovo, Oxford University Press, 2000, p. 43.
4 Weller, supra note 2, p. 47. - 3 -

5
yougoslaves et provinces autonomes étant donc nécessaire . De même, dans l’affaire du Kosovo,
la cour constitutionnelle yougoslave a décidé de la procédure qui devait être appliquée dans un tel
cas . Une condition sine qua non qui devait être remp lie à cet effet était posée par la règle suivant

laquelle l’approbation de tout ame ndement de la Constitution de la RFSY requérait l’approbation
de toutes les républiques et provinces autonomes. Si tant est qu’elles sont pertinentes, ces affaires

démontrent la très considérable divergence existant alors entre le cadre juridique constitutionnel et
les changements qui sur le plan des réalités et revendications politiques se produisaient à l’intérieur
de la RFSY.

10. Pour apprécier le fonctionnement des institutions fédérales à l’époque et leur légitimité, il

faut garder à l’esprit que la décision de la Cour constitutionnelle fé dérale yougoslave du
19février1991 sur la déclaration par laquelle le Kosovo s’était lui-même érigé en république à
l’intérieur de la RFSY a été adoptée par une formation réduite de la cour, où ne siégeaient que neuf

des 14 magistrats composant la cour, c’est-à-dire sans la participation à la procédure de plus d’un
tiers des membres de la cour. Eu égard à ces circonstances, la commission Badinter, dans son avis
n 1, du 29 novembre 1991, conclut que la RFSY avait cessé d’être un Etat, du fait que les

institutions fédérales, Cour fédérale constitutionnelle comprise, «ne satisfont plus aux exigences de
participation et de représentativité inhérentes à un Etat fédéral» . 7

11. Les affaires dont traite l’exposé écrit de la Serbie, ne pouvant être comparées aux

questions que soulève la présente espèce, ne sont pas susceptibles d’apporter des orientations utiles
à cet égard. On ne peut, comme essaie de le faire la Serbie, comparer le Kosovo à la situation de la
population serbe de la Bosnie-Herzégovine ou de la Croatie. L’avis n o2 de la commission

Badinter s’est occupé de la question du droit à l’autodétermination de la population serbe en
Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Puisque le Kos ovo était partie intégrante de l’ex-Yougoslavie,
cet avis ne lui est pas applicable. En outre la situation n’est pas du tout comparable à celle de la

Slavonie orientale, région qui n’était qu’une unité administrative de la Croatie et non pas, comme
l’était la province autonome du Kosovo, partie cons tituante de la Yougosla vie (RFSY). De plus,
les entités qui étaient en cause là, à savoir la Républ ique de Croatie et les autorités locales croates

serbes en Slavonie orientale, étaient déjà parvenues à un accord. Le Conseil de sécurité établit une
administration intérimaire pour gouverner la région pendant la période transitoire de douze mois, et

autorisa la création d’une force in ternationale pour maintenir la paix et la sécurité durant cette
période. Ainsi l’ONU apporta son concours à l’ex écution d’un accord préalable entre les parties
intéressées . Comme le Kosovo n’était pas partie à l’accord de Dayton, et qu’il n’y en a pas été

question à Dayton, aucune référence y contenue à l’ intégrité territoriale de la RFY ne peut être
considérée comme applicable de manière contraignante au Kosovo.

5
Voir, entre autres, P. Radan, Secession: Can it be a Legal Act? , dans Identity, Self-determination and
Secession, I. Primoratz et A. Pavkovic (dir. publ.), Ashgate, 2006, p. 158-160.
6 Cour constitutionnelle fédérale de la Yougoslavie, déci sion du 19 février 1991, Journal officiel de la RFSY,
o
n 37/1991.
7 Voir entre autres P. Radan, The Break-up of Yugoslavia and International Law , Routledge Publishers, London
and New York, 2002, p. 205; T. D. Musgrave, Self Determination and National Minorities , Clarendon Press, Oxford,
o
1997, p. 201. Le paragraphe pertinent de l’avis n 2 b) se lit comme suit: «La composition et le fonctionnement des
organes essentiels de la fédération, qu’il s’agisse de la présidence fédérale, du Conseil fédéral, du Conseil des
Républiques et des provinces, du Conseil exécutif fédéral, de la Cour constitutionnelle et de l’armée fédérale, ne satisfont
plus aux exigences de participation et de représentativité inhérentes à un Etat fédéral.» (C’est nous qui soulignons.)
8
Pour de plus amples renseignements sur la mission et la durée de l’administration transitoire des Nations Unies
pour la Slavonie orientale, voir l’ adresse http:www.un.org/De pts/dpko/co_mission/untaes.htm (dernier accès le
14juillet2009). (Une partie de l’inform ation qui y figure et qui est en anglaest disponible en français á l’adresse
http://www.un.org/french/peace/untae/_fp.htm.) - 4 -

B) Conflit armé en Yougoslavie et au Kosovo

12. Il faut garder à l’esprit qu’entre 1992 et 1995 la Serbie faisait la guerre à la Croatie et à la
Bosnie-Herzégovine, et ce malgré des résolutions du Conseil de sécurité par lesquelles il demandait

qu’il soit mis fin aux hostilités. Comme on l’a fa it observer à la réunion ministérielle de l’OTAN
de décembre 1992 :

«Les premiers responsables du conflit en Bosnie-Herzégovine sont l
es
dirigeants de la Serbie et des Serbes de Bosnie-Herzégovine. Ils ont cherché à obtenir
des gains territoriaux par la force et se sont livrés à des violations flagrantes et

systématiques des droits de l’homme et du droit humanitaire internati9nal, en
recourant notamment à la pratique barbare de la «purification ethnique.»

Une stratégie similaire n’allait être empl oyée par les autorités serbes au Kosovo que

quelques années plus tard.

13. En exprimant sa préoccupation devant une possible aggravation du conflit et son
extension au Kosovo, la réunion ministérielle s’exprima en ces termes :

«Nous jugeons extrêmement préoccupants le risque d’extension du conflit et la
situation au Kosovo. Nous exhortons toutes les parties à faire preuve de retenue et de
modération. Des négociations sérieuses sur le rétablissement de l’autonomie du
Kosovo au sein de la Serbie et sur la gara ntie de tous les droits de l’homme doivent

commencer immédiatement, dans le cadre de la Conférence internationale sur
l’ex-Yougoslavie. Nous sommes fa vorables à une présence préventive des
Nations Unies au Kosovo. Une explosion de violence dans cette région risquerait, en

provoquant une extension du conflit, de me nacer gravement la paix et la sécurité
internationales et exigerait une réponse appropriée de la communauté
internationale.» 10

14. Puisqu’une grande partie de ses ressources était absorbée par les conflits en

Bosnie-Herzégovine et en Croatie, la résistance pacifique des Albanais du Kosovo faisait bien
l’affaire de la Serbie à l’époque. La «tolérance» provisoire qu’avaient pratiquée les autorités serbes
disparut rapidement quand, en 1998-1999, l’armée, la police et les forc es paramilitaires serbes

entamèrent une campagne tous azi muts de nettoyage ethnique, pillage et destruction de propriétés
civiles et d’objets culturels et religieux. Il fa ut noter qu’un certain nombre de leaders politiques et
militaires serbes du plus haut rang ont été déclarés coupables de ces crimes par le Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie.

15. Contrairement à ce qu’affirme la Serbie 11, la période allant d’octobre 1998 à

janvier1999 a été caractérisée par un accroissemen t des moyens militaires, et ce en dépit des
recommandations du Conseil de sécurité et du groupe de contact en vue d’un retrait du Kosovo des

9Revue OTAN, décembre 1992, p. 31.
10
Ibid.
11Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 333. - 5 -

12
forces militaires et de police spéciale de la Serbie . L’Armée de libération du Kosovo (ALK) était
un mouvement de libération issu du peuple du Kosovo et qui s’opposait fortement à l’oppression

violente à laquelle il était soumis par le régime de Milosevi ć. Certes un faible nombre de militants
de l’ALK de rang inférieur ou aux tendances carré ment criminelles ont commis des violations du
droit des conflits armés. Mais les leaders po litiques et militaires serbes du plus haut rang qui

étaient actifs à l’époque en question ont été d éclarés coupables de guerre et de crimes contre
l’humanité perpétrés contre des civils albanais du Kosovo dans le but de promouvoir une politique
13
de l’Etat visant clairement à effectuer le nettoyage ethnique du Kosovo .

C) Questions démographiques

16. Le fait que la croissance économique était plus faible au Kosovo qu’ailleurs en

Yougoslavie, y compris la Serbie, et l’existence de meilleures opportunités en dehors du Kosovo
ont été les principaux facteurs ayant poussé un certain nombre de Serbes à quitter le Kosovo au
cours des décennies 70, 80 et 90. Le revenu par tête d’habitant au Kosovo, qui en 1954 s’élevait à
14
48 % du revenu moyen en Yougoslavie, était tombé à 33 % en 1975 et à 27 % en 1980 . La crise
politique allait de pair avec les difficultés d’ordre économique dont souffraient tous les habitants du

Kosovo; mais les plus durement touchés furent l es Albanais de souche. Aussi estime-t-on les
nombres des Albanais kosovars ayant quitté le Kosovo au cours des décennies 70, 80 et 90 à
environ 500000personnes, dont à peu près 300000 pendant la période de 1991 à 1995, durant

laquelle le niveau des difficultés économiques et des violations d es droits de l’homme s’est élevé
d’une manière exponentielle.

17. C’est une exagération considérable que d’estimer à plus de 200 000 personnes le nombre
des Serbes ayant fui le Kosovo après juin 1999 15. Selon le recensement serbe de 1991, le nombre
16
total des serbes habitant au Kosovo était alors d’environ 194 190 . Il faut noter que la population
serbe à cette époque était estimée à environ 9 % du total, alors qu’actuellement on l’estime à
17
6-7 % . Cela signifie que le nombre des Serbes ayan t quitté le Kosovo après juin1999 oscille
probablement entre environ 30 et 50 mille personnes au maximum. Bien qu’il soit considérable, ce
chiffre est bien en dessous de ce que prétendent l es autorités serbes. Il faut noter que des efforts

importants ont été déployés par les autorités du Kosovo, en coopération avec la MINUK et d’autres
organisations internationales, afin d’assurer le retour au Kosovo de cette par tie de la population.
Un certain nombre d’entre eux sont d’ailleurs déjà retournés.

12
Voir entre autres la transcription du témoignage donné par le général Wesley Clark, au procès de Milosevic, le
15décembre2003, p. 30467:13-20, notant que vers le 20 décembre 1998 des forces militaires serb es additionnelles
étaient en train d’être déployées et utilisées contre la population, ce qui était contraire à l’accord Holbrooke
d’octobre 1998, p. 30468 :18-25, notant aussi, entre autres chos es, ce qui suit : «Nous avons commencé à voir des forces
de plus en plus nombreuses en déplacem ents. Nous avons vu des actions tactique s en train d’être mises en Œuvre»;
disponible sur http://www.icty.org/x/cases /slobodan_milosevic/trans/en/031215ED.htm ; The Kosovo Report: Conflict,
International Response, Lessons Learned , The Independent International Commission on Kosovo, Oxford University
Press, 2000, p. 80 ; voir également Weller, supra note 2, p. 272-286.

13 Le procureur c. Milan Milutinovic, Nicola Sainov ic, Dragojub Ojdanic, Nebrojsa Pavkovic, Vladimir
Lazarevic, Sreten Lukic (ci-après Le procureur c. Milutinov et consorts , affaire n IT-05-87-T, arrêt du 26 février 2009),
vol. I-IV, disponible sur le site http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug (dernier accès le 14 juillet 2009).

14 Voir A. J. Bellamy, Human Wrongs in Kosovo: 1974-99, Interna tional Journal of Human Rights, Special
Issue: The Kosovo Tragedy: The Human Rights Dimensions , 2000, p. 111, où l’on cite D. Rusinow, Yugoslavia: A

fractured Federalism, Washington DC, Wilson Centre Press, 1988, p. 70.
15 Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 357 et 365-387.

16 Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 122.
17
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 110 et 122 et le CIA World Factbook on Kosovo , disponible sur
http://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/kv.html (dernier accès le 14 juillet 2009). - 6 -

18. Outre l’adoption d’un certain nombre de décrets visant à changer la composition
ethnique du Kosovo, on a aussi, dans le but de pa rvenir à la «serbianisation» du Kosovo, cherché à

réinstaller18es Serbes au Kosovo et supprimer l’av antage démographique des Kosovars de souche
albanaise . Ainsi la Serbie ne cessait de faire venir au Kosovo des réfugiés serbes fuyant d’autres
parties de la Yougoslavie où sévissait la guerre 19. Il est extrêmement probable que lorsque les

forces serbes se sont retirées en juin 1999 beaucoup de ces personnes sont parties avec elles.

D) Les institutions parallèles

19. La description de la situation des soi-di sant institutions parallèles au Kosovo dans la
20
période 1991-1998, telle qu’elle figure dans l’exposé écrit de la Serbie, est trompeuse . Le lecteur
mal informé pourrait en retirer l’impression que c’est par suite d’une politique de boycott par les

Albanais du Kosovo des institutions publiques existantes que les institutions parallèles ont été
créées. Or c’est en fait l’excl usion des Albanais du Kosovo de toutes les formes de vie publique
qui les a laissés sans autre choix. L’apartheid culturel, économique et politique a entraîné la

création d’institutions étatiques parallèles par Ibrahim Rugova et son parti, le parti démocratique du
Kosovo (LDK) . Ce sont les renvois massifs des travailleurs albanais du Kosovo et les politiques

discriminatoires des pouvoirs publics à leur égard qui les ont contraint à établir des institutions
parallèles, afin de satisfaire leurs besoins essentiels dans les domaines de l’éducation et des soins
de santé primaires . 22

20. L’établissement de ces institutions a donné du travail et quelques revenus à un nombre

considérable d’Albanais du Kosovo qui avaient pe rdu leurs postes, en leur permettant en même
temps de recevoir de l’éducation dans leur propre langue et d’avoir accès à quelques services
minimaux. Les autorités serbes continuèrent de financer quelques-uns des établissements de santé

et des écoles, puisque la plupart des personnes y employées étaient serbes. La Serbie viola les
principes les plus fondamentaux du droit du Kosovo à l’autodétermination in terne en forçant les

élèves albanais à recevoir leur enseignement en la ngue serbe. On ne saurait, comme le fait la
Serbie dans son exposé écrit, justifier cette politique, qui constitue une violation flagrante des droits
de la population du Kosovo de souc he albanaise, en alléguant le besoin d’avoir des «programmes

d’études uniformes pour l’enseignement primaire et secondaire sur l’ensemble du territoire de la
Serbie» en août 1990 . 23

21. Un certain nombre d’affirmations spéculatives sont présentées par la Serbie, d’après
laquelle la participation par les Albanais du Kos ovo aux élections organisées par elle aurait mis la
24
Serbie comme le Kosovo à l’abri d es politiques du régime de Milosevic . C’est de la spéculation

18 Voir A. J. Bellamy, Human Wrongs in Kosovo: 1974-99, International Journal of Human Rights, Special

Issue : The Kosovo Tragedy: The Human Rights Dimensions , 2000, p. 115. On y mentionne le décret pour la
colonisation du Kosovo de la République fé dérale de Yougoslavie, adopté par le Parlement serbe le 11 janvier 1995.
Voir aussi l’International Crisis Group Report, Kosovo Spring, 20 March 1998, p. 5, et International Response, Lessons
Learned, the Independent International Commission on Kosovo, Oxford University Press, 2000, p. 41-42.
19
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 293.
20 Voir l’exposé écrit de Serbie, p. 70 [de la traduction française].

21 Voir A. J. Bellamy, Human Wrongs in Kosovo: 1974-99, International Journal of Human Rights, Special
Issue : The Kosovo Tragedy: The Human Rights Dimensions, 2000, p. 122.

22 Pour davantage de détails voir, entre autres, l’International Crisis Group Report, Kosovo Spring, 20 mars 1998,
p. 5, et International Response, Lessons Learned , the Independent International Commission on Kosovo, Oxford
University Press, 2000, p. 45-46.

23 Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 267.

24 Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 642. - 7 -

que de prétendre qu’à un moment où le nationalisme et les politiques nationalistes étaient à leur
apogée aux Balkans, y compris la Serbie, la re vendication des Albanais du Kosovo aurait pu faire
pencher la balance dans ces élections. En outre aucun des partis politiques serbes bien établis ne

cherchait à tenir compte des intérêts légitimes des Albanais du Kosovo, ni des choix qui s’offraient
à eux; ces intérêts et choix étaient même entière ment ignorés par eux. Et les choses n’ont pas
changé depuis lors; à l’heure actuelle la situation des Albanais du Kosovo continue d’être à peu

près la même.

E) La violation des droits de l’homme au Kosovo

22. Dans son exposé écrit la Serbie affirme corr ectement que la situation existant au Kosovo
25
en matière des droits de l’homme était très sérieuse . Mais ce document n’en explique pas les
raisons. En observant que sur le plan des droits de l’homme la situation régnant alors dans le reste
de la Serbie n’était guère meilleure, la Serbie tâche d’éluder la nécessité d’accepter qu’à l’époque

la violation des droits de l’homme des Albana is du Kosovo était une partie intégrante et
indissociable de la politique de l’Etat. Chercher à établir une comparaison entre, d’une part, la
situation difficile qui en matière des droits de l’homme était celle d’environ 1 800 000 Albanais du

Kosovo et procédait d’une politique d’Etat discriminat oire et fermement établie, et, d’autre part, la
répression dont faisaient l’objet un petit nombre de dissidents politiques serbes s’opposant aux
politiques de Milosević, c’est à l’évidence un effort pour détourner l’attention des violations graves

et systématiques des droits de l’homme commises contre les Albanais de souche du Kosovo. Il
convient de rappeler ici qu’au moins un des memb res de chaque famille albanaise du Kosovo fut

convoqué par la police pour participer à ce qu’on appelait «entretiens info 26atifs», avait passé
quelque temps en prison ou attendait l’ouverture d’un procès à son encontre . Ces «entretiens»
n’étaient autre chose que des séances au cours desquelles des personnes étaient soumises à de

l’intimidation psychologique et bien souvent à des actes de torture aux mains de la police serbe.

23. Les violations des droits de l’homme perpétrés contre des Albanais de27ouche au Kosovo
tout au long des années 90 sont bien connues et bien documentées . C’est donner une vue
entièrement fausse de la situation de fait existant à l’époque que de dresser une liste des moyens de

protection théoriquement disponibles en vertu d es lois du pays, en ignorant le fait que des
violations graves et systématiques des droits de l’homme des Albanais de souche étaient commises
avec une virtuelle impunité. Comme l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité l’ont noté dans

de nombreuses résolutions, la répression subie au Kosovo par la population albanaise de souche
était notoire et bien documentée, ce qui faisa it de cette répression l’objet d’une condamnation
internationale . Malheureusement les autorités judiciaires serbes hésitent, même à l’heure

actuelle, à accorder des réparations pour les viola tions du droit humanitaire commises au Kosovo

25Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 71 [de la traduction française], par. 270.
26
Voir The Kosovo Report : Conflict, International Re sponse, Lessons Learned , the Independent International
Commission on Kosovo, Oxford University Press, 2000, p. 42.
27
Voir entre autres les rapports de Human Rights Watch intitulés Humanitarian Law Violations in Kosovo ,
octobre 1998, Rape as a Weapon of Ethnic Cleansing , mars 2000, disponibles sur
http://www.hrw.org/legacy/reports/2000/fry/index.htm#TopOfPage (dernier accès le 14 juillet 2009); le rapport de
Human Rights Watch intitulé Under Orders: War Crimes in Kosovo, 2001, disponible sur
http://www.hrw.org/legacy/reports/2001/kosovo/part_two.pdf (dernier accès le 14juillet 2009); les rapports de la
Commission des droits de l’homme de l’ONU, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le
Rapporteur spécial pour l’ex-Yougosla vie, dans Weller, p.158-185; The Kosovo Report: Conflict, International
Response, Lessons Learned, the Independent International Commission on Kosovo, Oxford Univ ersity Press, 2000,
p. 364-366.

28Voir l’exposé écrit de l’Albanie, partie II, sect. B, p. 5-12 [de la traduction française]. - 8 -

29
par des forces serbes du ministère de l’intérieur . Ainsi un procès en réparation intenté par le
Humanitarian Law Center pour le compte des quatorze femmes et enfants des familles Bogujevci et

Duriqi victimes du crime commis, le 28 mars 1999, dans la cour de la ma ison de Halim Gashi à
Podujveo, et en liaison avec l’expulsion de la popul ation de souche albanaise, a été rejeté par un
juge au motif que l’action était tombée sous le coup de la prescription.

24. L’Albanie voudrait maintenant rectifier la position prise dans la note introductive du

dossier préparé par le Secrétariat des Nations Unies dans le sens que c’est en mars 1998 que l’ONU
a commencé à s’occuper du Kosovo 30. Comme en témoignent les nombreuses résolutions de

l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité en rapport avec la très sérieuse situation en matière
de droits de l’homme régnant au Kosovo et le besoin d’une solution politique, les Nations Unies
ont suivi la situation au Kosovo dès bien avant mars 1998 31. Même pour la Cour internationale de

justice la déplorable situation régnant au Kosovo en matière de droits de l’homme a été un sujet de
préoccupation, particulièrement au début de 1999. Ainsi, par une ordonnance de cette année-là elle
s’est déclarée «profondément préoccupée par le drame humain, les pertes en vies humaines et les

terribles souffrances que connaît le Kosovo et qui constituent la toile de fond du présent
différend…» . 32

F) Solution politique au problème posé par le statut du Kosovo

25. Il y a eu certes des cas où les dirigeants albanais du Kosovo se sont mis en rapport avec
les autorités serbes par le biais de médiations internationales, un exemple en étant l’accord de Saint

Egidio relatif à l’éducation. Mais de tels accord s n’ont été qu’un trompe-l’Œil à l’intention de la
communauté internationale et en fait ils n’ont jamais été appliqués par les autorités serbes 33. Le
boycott contre les élections organisées par la Se rbie au Kosovo de 1991 à 1998 constituait la

réaction des Albanais du Kosovo au total non-respect par l’administration serbe du statut dont ils
jouissaient en vertu de la Constitution de 1974 et que cette administration avait supprimé. Les

Albanais du Kosovo avaient leurs propres institutions et dirigeants qui étaient vus par la population
comme les légitimes représentants du Kosovo. D’ai lleurs, même s’ils voulaient participer à la vie
politique de la Serbie, il n’existait pas de forces politiques qui représenteraient leurs aspirations

légitimes, y compris le respect du droit du Kosovo à l’autodétermination. Malheureusement les
partis politiques actuellement bien établis en Serbie n’ont guère changé leur attitude vis-à-vis du
statut du Kosovo depuis le temps de Milosević . 34

29 Voir le communiqué de presse du 21 mai 2009 du Huma nitarian Law Centre, Belg rade, Serbie, intitulé

Compension Lawsuit for Victims from Podujvo Dismissed, disponible sur http ://www.hlc-rdc.org/Sopstenja/1712.en.html
(dernier accès le 14 juillet 2009).
30 Dossier de l’ONU, note introductive, p. 2.

31 Voir les résolutions de l’Assemblée généra le 47/147 (1992), 48/153 (1993), 49/196 (1994), 49/204 (1994),
50/190 (1995), 50/193 (1995), 51/116 (1996), 52/147 (1997), 52/1
39 (1997), 53/163 (1998), 53/164 (1998), dans

H. Krieger, The Kosovo Conflic and International Law: an Analytical Documentation 1974-1999 (Cambridge
International Documents Series), Cambridge University Press, 2001, p. 15-25, Weller, p. 125-132.
32 Affaire concernant la Licéité de l’emploi de la force (Yougoslav ie c.Belgique), mesures conservatoires,

ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 131, par. 16. La même inquiétude a été exprimée par la Cour dans
les neuf autres affaires concernant la licéité de l’emploi de la force.
33
Voir, entre autres, Parlement européen, compte rendu de la séanco du je udi 12 mars 1998 partie II ⎯ Textes
adoptés par le Parlement européen, 5. Situation au Kosovo, Journal officiel n C 104, 1998, point 4 (1998/C 104/04-6).
Ce document contient le passage suivant: «conscient que la suppression de l’autonomie culturelle et politique de la
région du Kosovo par les autorités serbes en 1989 est à la basde la crise dans la région et regrettant que les autorités
serbes n’aient même pas appliqué l’accord de 1996, pourtant relativement sommaire, sur l’enseignement».
34
La seule exception notable est Cedomir Jovanovic, lead er du parti démocratique libéral, qui a gagné environ
5-6 % des voix aux élections de 2007 et a douze siéges au Parlement serbe. - 9 -

26. Un des éléments suscep tibles d’amener une solution à la crise du Kosovo est la
déclaration du président de la réunion des ministre s des affaires étrangères du G-8 tenue au centre
Petersberg en mai 1999. En adoptant un certain nombre de principes généraux sur la solution

politique à la crise du Kosovo, les ministres ont, entre autres choses, demandé :

«un processus politique conduisant à l’établissement d’un accord sur un cadre

politique intérimaire prévoyant un degré s ubstantiel d’auto-administration pour le
Kosovo, compte dûment tenu des accords de Rambouillet et des principes de la
souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République socialiste fédérative de
35
Yougoslavie et des autres pays de la région» .

27. Afin de clarifier la question d’un règlement politique pour le statut du Kosovo qui serait
mutuellement acceptable, il convient de se reporter au document commun MINUK/RFY du
5novembre2001. Il est hors de doute que, bi en qu’un règlement politique mutuellement

acceptable fût le dénouement désiré, un tel règlem ent devait être acceptable avant tout pour le
peuple du Kosovo 36. Comme l’a fait observer le représentant spécial Hans Haekkerup, le but du
document commun UNMIK/RFY était d’»obtenir l’a ppui de Belgrade pour la participation serbe
37
dans les institutions du Kosovo» . En répondant à une question sur le point de savoir si le
document visait à assurer que le Kosovo n’accè derait pas à l’indépendance, M.Haekkerup
observa : «Comme sous le savez, ce document, ainsi que la résolution 1244, est neutre au regard de
38
ce que va être le statut final et n’exclut aucune possibilité.»

G) Le statut du Kosovo en tant qu’élément du projet pour une Grande Serbie

28. Les événements qui se sont produits, à l’intérieur de la RFY, au Kosovo et aux alentours,

avant la révocation de l’autonomie en 1989 et par la suite jusqu’au printemps 1999, n’avaient
absolument rien de fortuit. En notant les développements qui ont précédé la dissolution de
l’ex-Yougoslavie, la Chambre de première instance dans l’affaire Tadić a fait observer :

«Dans la seconde moitié des années 80, la République de Serbie avait déjà pris
des mesures destinées à priver de leur identité distincte les deux provinces autonomes,
39
la Voïvodine et le Kosovo, en les intégrant à la République.»

29. Dans le jugement Celebici, la Chambre de première instance observa :

«Dès 1988, l’objectif du gouvernement serbe était la pleine intégration des deux

provinces autonomes à la Serbie. En octobre de cette même année, les dirigeants de la
Voïvodine furent destitués et, en mars 1989, la Serbie adopta une nouvelle
Constitution mettant fin à l’autonomie de la province du Kosovo. Ainsi, avec le

soutien des dirigeants monténégrins, la Serb ie s’arrogeait un pouvoir considérable au

35
Déclaration du président à la clôture de la réunion des ministres des affaires étrangères des G-8 tenue au Centre
Petersberg le 6 mai 1999.
36
Déclaration du groupe de contact pour le Kosovo, Londres, le 31 janvier 2006, par. 7.
37Conférence de presse donnée par Hans Haekkerup, représentant spécial du Secrétaire général, pour annoncer la
signature du document commun MINUK/ RFY, 5 novembre 2001, disponible sur http://www.unmikonline.org/press

/2001/trans/tr0511pm.html (dernier accès le 14 juillet 2009).
38Ibid.

39 Le procureur c. Tadic , affaire noIT-94-1-T, 7 mai 1997, par. 69, disponible sur http://www.un.org
/icty/tadic/trialc2/judgement/index.htm (dernier accès le 14 juillet 2009). - 10 -

sein de la Présidence fédérale, suscitant l’inquiétude des représentants des autres
40
républiques.»

30. Ces efforts faisaient en fait partie du projet plus large pour une Grande Serbie. Comme
noté dans le jugement Tadić :

«La notion de grande Serbie a une longue histoire. Elle s’est frayé un chemin
pendant 150 ans, sous une forme très proc he de sa forme moderne, pour parvenir au
premier plan de la prise de conscience politique et acquérir un poids accru entre les
deux guerres. Tenue en échec durant les années où Tito était aux commandes, elle a

repris son essor après sa mort. La créati on d’une grande Serbie présentait deux volets
distincts : l’intégration, déjà évoquée, des deux provinces autonomes de Voïvodine et
du Kosovo à la Serbie; et l’extension d’une Serbie ainsi agrandie, associée au

Monténégro, par apport des parties de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine abritant
une forte proportion de Serbes.

Le premier volet a conduit les Serbes à remettre en cause la représentation égale
de toutes les Républiques au plan fédéral, nonobstant l’importance de leur population.
Cette disposition, de même que l’existence des deux provinces autonomes, a provoqué

une grande effervescence, à laquelle a gra ndement participé l’Académie serbe des
lettres et des sciences qui, dans la deuxi ème moitié des années 80, devait publier un
mémorandum officieux, mais largement di ffusé, prônant d’importants changements

constitutionnels. Comme cela a déjà été dit, les deux provinces ont bien été intégrées
à la Serbie en 1990, mais l’introduction d’un élément démographique dans le mode de
représentation des Républiques, qui eût accru le pouvoir dévolu à la Serbie, ne s’est
41
pas faite avant l’éclatement de la Fédération.» .

31. La phase finale de ces efforts a été la ca mpagne de nettoyage ethnique effectuée par les

forces armées serbes en 1998-1999, laquelle a am ené l’intervention militaire de la communauté
internationale et l’établissement de la MINUK par la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.

H) Observations finales

32. Le conflit du Kosovo est une composante significative des événements dramatiques qui

ont entouré l’éclatement violent de la Yougoslavie. Entre autres, le projet de création d’une
Grande Serbie a été un facteur qui a stimulé consid érablement les conflits armés qui ont ravagé le
territoire de la Yougoslavie, enge ndrant une pauvreté extrême et d’indicibles souffrances. Il est

bien documenté qu’à partir des débuts de 1989 et jusqu’en juin 1999 les droits des albanais du
Kosovo ont été violés avec impunité par les autor ités de l’Etat serbe. L’apartheid culturel,
économique et politique auquel les Albanais du Ko sovo ont été soumis les a amenés à créer leurs

propres institutions parallèles. Il est malheureux que depuis le commencement de la crise
yougoslave et jusqu’en 1998 le Kosovo ait été vu, en termes d’urgence et de son statut, comme un
élément secondaire par rapport à la situation d’ensemble.

40 Le procureur c. Delalic et consorts, affaire n IT-96-21-T, 16 novembre 1998, par.97, disponible sur

http://www.un.org/icty/celebici/trialc2/judgement/index.htm (dernier accès le 14 juillet 2009).
41 Le procureur c. Tadic , affaire no IT-94-1-T, 7 mai 1997, par. 85. 86, 88, disponible sur
http://www.un.org/icty/tadic/trialc2/judgement/index.htm (dernier accès le 14 juillet 2009). - 11 -

33. Jusqu’en 1998, année où la situation a brusquement débouché sur un conflit arm42 la
communauté internationale a omis de pr endre des mesures préventives adéquates . Confrontée à
une campagne de nettoyage ethni que de grande envergure, la communauté internationale est

finalement intervenue fin mars 1999 et aux débuts de juin de cette année elle avait contraint les
forces armées serbes de quitter le Kosovo. Le Kosovo fut placé sous l’administration intérimaire de
la MINUK, qui devait établir des institutions auto nomes d’auto-administration démocratiques et

provisoires et en superviser le développement, jusqu’à ce qu’une solution définitive fût adoptée
pour le statut du Kosovo. Un processus politique sous la direction des Nations Unies devait
amener une solution telle. Le long processus de négociations lancé en novembre 2005 et conduit

par le représentant spécial du Secrétaire général, M.Ahtisaari, aboutit, en mars 2007, à la
proposition globale pour le règlement du statut du Kosovo, laquelle fut endossée par la déclaration

d’indépendance qu’adoptèrent les représentants démocratiquement élus du peuple du Kosovo.
Davantage d’information sur cette question est fournie à la partie IV ci-dessous.

PARTIE III

Q UESTIONS DE COMPETENCE ET D ’OPPORTUNITE

34. Comme l’Albanie l’a déjà indiqué, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on doit

considérer que la Cour est sans compétence en l’espèce ou, subsidiairement, qu’elle devrait user de
son pouvoir discrétionnaire à cet égard et ne pas donner d’avis consultatif. En particulier la France
a présenté un certain nombre d’objections à la compétence de la Cour en l’espèce . D’autres Etats

ont également mis en avant des raisons pour lesque lles à leur avis la Cour ne devrait pas rendre
l’avis consultatif demandé . 44

A) Questions concernant la compétence de la Cour

35. La Cour doit garder à l’esprit que la déclaration d’indépendance est une question interne,
relevant de la compétence nationale des Etats et non régie par le droit international. La question
n’est pas élevée au niveau du droit international par cela seul que les mots «conformité au droit

international» figurent dans le libellé de la ques tion sur laquelle l’avis de la Cour est sollicité.
Comme l’a fait observer un auteur :

«La sécession est une affaire d’ordre national, raison pour laquelle elle constitue
un acte juridiquement neutre au plan du droit international… Bien que la sécession ait
des conséquences dans le droit international lorsqu’un nouvel Etat est formé, l’acte de
45
sécession par lui-même est essentiellement politique plutôt que juridique» .

La déclaration d’indépendance ne tombe pas s ous le coup d’une interdiction décrétée par le

droit international. Il n’en serait autrement que si elle violait une norme péremptoire. Ni le

42Pour ce qui est des aspects généraux de la question, il convient de se reporter à The Kosovo Report: Conflict,
International Response, Lessons Learned, the Independent International Commi ssion on Kosovo, Oxford University
Press, 2000, p. 55-61. Aux pages 55-56 de ce rapport on note qu’«avant 1998 le Kosovo n’était pas une priorité pour la
communauté internationale. Les troubl es qui sévissaient dans la province apparaissaient presque comme un

inconvénient, une source de complications additionnellesdes négociations portant sules guerres en Slovénie, la
Croatie et la Bosnie. La situation au Kosovo semble avoir été vue comme secondaire par rapport à ces conflits, aussi bien
en termes d’urgence que sur le plan institutionnel.»
43Exposé écrit de la France, p. 18-33, par. 1.1-1.42.

44Voir l’exposé écrit de la République tchèque, p. 3-5 [de la traduction française], formulant des réserves sur le
plan de l’opportunité ; l’exposé écrit des Etats-Unis d’Amérique, p. 41-45 [de la traduction française] ; et l’exposé écrit
de l’Irlande, par. 8-12.

45T. D. Musgrave, Self Determination and National Minorities, Clarendon Press : Oxford, 1997, p. 210. - 12 -

Conseil de sécurité ni l’Assemblé e générale n’a fait état d’une telle violation et partant la question
de la légalité de la déclaration d’indépendance re lève essentiellement du droit national, au regard
duquel la Cour n’a aucune juridiction.

36. Pris dans son ensemble, le traitement de la question contenu dans l’exposé écrit de la

Serbie ne fait que confirmer la position de l’Albanie suivant laquelle la question est de par sa
nature nationale et la Cour internationale de Ju stice ne pourrait s’en occuper sans s’ériger en cour
constitutionnelle nationale, ce qui ne rentre pas dans ses attributions. Il est clair, sous cet éclairage,

que l’on n’est guère dans le domaine du droit international.

37. Un autre point important concerne l’ar ticle 12, paragraphe 1, de la Charte des
NationsUnies, disposition qui, en principe, fait obstacle à ce que l’Assemblée générale demande
un avis juridique à la Cour sur une question tant que le Conseil de sécurité en demeure activement
46
saisi . L’Albanie estime que l’Assemblée générale ne peut pas demander un avis juridiq47 au
mépris des restrictions posées par les articles 12 et 10 de la Charte des Nations Unies . La Cour
doit, plutôt, étudier chaque affaire séparément, sur la base de l’ensemble de son contexte et en

gardant à l’esprit le principe de la coopération fonctionnelle dans la réalisation des objectifs
communs de l’Organisation 48. Les pouvoirs de l’Assemblée gé nérale sont larges et l’Albanie
sympathise certainement avec l’idée qu’un usage plus large doit être fait de la Cour; mais ses

procédures et son intégrité judiciaire doivent être mises à l’abri de possibles abus.

38. Il semble que l’initiative prise par la Serbie, seul Etat ayant parrainé le projet de
résolution adopté par l’Assemblée générale en tant que résolution 63/3 et visant à porter la question
correspondante devant la Cour, fait partie d’une stratégie cherchant à influencer les décisions que

les Etats prendront de reconnaître ou non la République du Kosovo. Etant donné que la Cour est la
gardienne ultime de son intégrité judiciaire, c’est là une considération dont on doit tenir compte.
Comme la Cour l’a elle-même fait observer il y a déjà longtemps: «Il peut ainsi y avoir

incompatibilité entre, d’un côté, les désirs d’un demandeur ou même des deux parties à une
instance et, de l’autre, le devoir de la Cour de conserver son caractère judiciaire. C’est à la Cour

elle-même e49non pas aux parties qu’il appartient de veiller à l’intégrité de la fonction judiciaire de
la Cour.»

B) Questions relatives à l’opportunité de l’exercice de la fonction consultative

39. L’Albanie voudrait souligner que la Serbie s’est déclaré être l’«Etat intéressé» 50. Par

ailleurs la Cour a décidé d’inviter les autorités kosovares à présenter une contribution écrite dans le
cadre de la procédure. Il est évident, toutefois, que ce dont il s’agit en réalité, c’est d’un différend
entre l’Etat prédécesseur, à savoir la Serbie, et l’ Etat nouvellement indépendant du Kosovo. Or le

46
La question est traitée de mani ère plus ample dans l’exposé écrit de l’Albanie, p. 21[de la traduction
française], par. 50-53
47
Voir l’exposé écrit de l’Albanie, p. 21-22 [de la traduction française], par. 48-53.
48Pour un traitement plus approfondi, voir Vera Gowlland- Debbas, dans A. Zimmerman et d’autres (dir. publ.),

The Statute of the International Court of Justice: A Commentary (Oxford Commentaries on International Law), Oxford
University Press, 2006, p. 89-91.
49Cameroun septentrional, C.I.J. Recueil 1963, p. 29-30.

50Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 28 [de la traduction française]. - 13 -

Kosovo n’a pas accepté la juridiction de la Cour en l’espèce. Dès lors la Cour doit faire usage de
sa discrétion et ne pas rendre un avis consultatif dans ce différend bilatéral, car en faire autant
équivaudrait à permettre qu’un différe nd soit soumis au règlement judiciaire sans le consentement
51
d’un Etat, en l’espèce celui du Kosovo .

40. Contrairement à ce que soutient la Serbie dans son exposé écrit, la question dont il s’agit
52
n’est pas «d’un intérêt particulièrement aigu pour les Nations Unies» . D’ailleurs, s’il en avait été
ainsi, l’Assemblée générale aurait demandé à la Cour de rendre l’avis avec un certain degré
d’urgence. Or ce n’est certainement pas le cas ici. Par ailleurs, si le Conseil de sécurité l’avait

estimé utile pour l’exercice de ses fonctions, il aurait pu solliciter l’avis juridique de la Cour. Bien
que le Conseil de sécurité ait demandé à la Cour de rendre un avis juridique en deux occasions, il
s’est abstenu de ce faire en l’espèce. De pl us, la Cour est un des organes principaux des

NationsUnies qui peut donner des avis aux au tres organes principaux et aux institutions
spécialisées. A un moment où la déclaration d’indépendance du Kosovo a été reconnue par tous les
Etats voisins sauf la Serbie, il est évident que cette déclaration est vue comme un facteur de paix et

de stabilité dans toute la région de l’Europe du su d-est. Il s’ensuit que l’allégation de la Serbie
suivant laquelle la déclaration d’indépendance du Kosovo est un motif de préoccupation n’est pas
justifiée .

41. Sur un point la position de la Serbie n’est guère conséquente: aux fins de justifier la

compétence de la Cour en l’espèce elle soutient que la déclaration d’indépendance constitue un
grave défi à l’autorité des Nations Unies et de son administration au Kosovo 54 ; mais lorsqu’elle
traite de la question de l’opportunité de l’exerci ce par la Cour de ses fonctions consultatives, elle

déclare que la République du Kosovo est loin d’exercer une autorité gouvernementale
indépendante, car le Kosovo demeure un territoire gouverné par une administration internationale,
laquelle continue de détenir le pouvoir suprême dans la province 55. Ces deux affirmations ne

peuvent pas être vraies en même temps. La position de l’Albanie est que la déclaration
d’indépendance ne pose un défi ni à la présence ni à l’activité des Nations Unies au Kosovo.
D’ailleurs, comme le Secrétaire général l’a noté :

«Les autorités du Kosovo se sont toutefois félicitées du maintien de la présence
des Nations Unies au Kosovo, et se sont engagées à applique r intégralement la

proposition globale de règlement portant st atut du Kosovo élaborée par mon envoyé
spécial sur le statut futur du Kosovo, et transmis au Conseil de sécurité le
26 mars 2007 (S/2007/168/Add. 1).» 56

42. Il est vrai aussi que depuis l’adoption de la déclaration d’indépendance les autorités du
Kosovo exercent les pouvoirs souverains d’un Etat tout en invitant et
acceptant, de leur propre gré,

l’assistance internationale tant qu’ils la considèrent nécessaire. En ce qui concerne certaines
allégations de la Serbie concernant l’exercice de l’autorité éta tique, il convient de préciser que la
KFOR, EULEX et la MINUK sont au Kosovo sur invitation des autorités kosovares et

conformément à la résolution 1244. Il s’agit d’une invitation qui leur a été clairement faite dans la
déclaration d’indépendance adoptée par les représe ntants démocratiquement élus du Kosovo le
17 février 2008.

51
Voir l’exposé écrit de l’Albanie, p. 27-28 [de la traduction française], par. 65-67.
52Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 72.

53Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 74.
54
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 53, 87 et 92.
55Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 99.

56Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies
au Kosovo du 15 juillet 2008, Nations Unies, doc. S/2008/458, par. 4. - 14 -

43. Comme il a été indiqué dans l’exposé écrit de l’Albanie, il existe des raisons

supplémentaires pour lesquelles la Cour devrait s’ abstenir d’exercer sa compétence consultative en
l’espèce . En particulier un avis prononcé par la Cour serait dépourvu d’utilité pour ce qui est des
actions futures des Nations Unies ou de ses Etats Membres. La requête n’indique pas comment

l’avis demandé pourrait guider les actions futures de l’Assemblée générale. Il faut garder à l’esprit
que c’est aux Etats Membres qu’il appartient de se décider sur la reconnaissance du Kosovo. A ce
propos il convient de souligner de nouveau que 60 Etats ont déjà reconnu le Kosovo, y compris

trois membres permanents du Conseil de sécurité et un grand nombre des Etats membres de
l’Union européenne.

C) Observations finales

44. L’Albanie estime que pour les raisons énum érées dans son exposé écrit, la Cour est sans

compétence en l’espèce. Elle considère que, subsid iairement, la Cour devrait faire usage de son
pouvoir discrétionnaire de ne pas prononcer un avis consultatif en l’espèce.

PARTIE IV

Q UESTIONS RELATIVES A LA CONFORMITE AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DECLARATION
D ’INDEPENDANCE DU K OSOVO

A) La Cour n’est pas saisie de la question de l’indépendance du Kosovo, qui est entièrement
distincte de celle de la conformité au droit international
de la déclaration d’indépendance

45. Il faut noter en premier lieu que l’intitulé de la partie III de l’exposé écrit de la Serbie est
entièrement trompeur. Il y est dit que «le droit international général ne fournit aucune base pour
58
l’indépendance du Kosovo» . Or ce dont il s’agit, c’est de sav oir s’il existe une règle de droit
international public qui aurait été violée par la déclaration d’indépendance du Kosovo. Dans son
exposé écrit, la Serbie a affirmé que la requête pour un avis consultatif se limite aux questions

juridiques et concerne la légalité de la déclarati on unilatérale d’indépendance59ur le plan des règles
applicables du droit international, «n’étant rien de plus ni de moins que cela» . Dans son exposé
écrit l’Albanie a déjà démontré et que la décl aration d’indépendance est conforme au droit

international et que le peuple du Kosovo a droit à l’ indépendance. Ceci fera l’objet d’explications
complémentaires plus bas.

B) Le principe de l’intégrité territoriale n’est pas applicable en l’espèce

46. L’Albanie est entièrement d’accord que le principe de l’intégrité territoriale a un

caractère fondamental en droit international. De l’avis de l’Albanie, il est, en outre, louable et
important qu’après avoir fait la guerre directement ou par personne interposée contre d’autres
républiques de l’ex-Yougoslavie, la Serbie en so it venue à accepter l’importance du principe de

l’intégrité territoriale. Le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies interdit aux
Etats Membres de menacer ou d’employer la force contre l’intégrité territoriale de tout Etat. Cette

57
Pour un traitement plus approfondi, l’exposé écrit de l’Albanie, p. 1[de la traduction française] ,
par. 41-72.
58
Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 100 [de la traduction française].
5Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 18 [de la traduction française], par. 19. - 15 -

prohibition ne s’applique que da ns les rapports entre Etats. Comme l’a fait observer un auteur

reconnu: «La sécession, par contraste, a lieu d’or dinaire à l’intérieur d’ un seul Etat et par
conséquent échappe à la portée du paragraphe 4 de l’article 2.» 60

47. Ce dont il s’agit ici n’a rien à voir avec le principe de l’intégrité territoriale. Le sixième
principe directeur pour le règlement du statut du Kosovo se lit ainsi :

«Le règlement du statut du Kosovo devra renforcer la sécurité et la stabilité
régionales, garantissant ainsi que le Kosovo ne reviendra pas à la situation d’avant
mars 1999. Toute solution unilatérale r ésultant de l’emploi de la force sera

inacceptable. Le territoire actuel du Kosovo ne sera pas modifié ; il n’y aura donc ni
partition ni union avec un pays ou une partie d’un pays. L’intégrité territoriale et la
stabilité interne des voisins régionaux seront pleinement respectées.» 61

48. Rien dans ce principe directeur pour le règlement du statut final du Kosovo ne requiert la

préservation de l’intégrité territoriale de la RFY vis-à-vis du peuple du Kosovo. Au contraire,
l’intégrité territoriale du Kosovo est assurée. En outre le principe dispose clairement qu’il n’y
aurait pas de retour à la situation existant avan t l’intervention militaire de l’OTAN en mars 1999.

L’obligation de respecter l’intégrité territoriale de la RFY ne s’imposait directement qu’aux Etats
Membres des Nations Unies. Puisqu’il a été démont ré clairement que le principe de l’intégrité
territoriale n’est pas applicable en l’espèce, il n’ est pas nécessaire de se demander si ce principe

s’étend au-delà des Etats pour atteindre des acteurs non étatiques.

C) Le principe de l’intégrité territoriale ne limite d’aucune façon les processus

constitutionnels internes d’un Etat

49. L’intitulé du chapitre VI de l’exposé écrit de la Serbie et les développements suivants

prêtent à confusion et sont sans pertinence ici. Comme on l’a déjà indiqué, il n’y a pas le moindre
doute que le principe de l’intégrité territoriale est un des principes les plus importants du droit
international. L’intégrité territoriale joue un rôle important en ce qui concerne l’exercice de leur

souveraineté par les Etats. Mais le princi pe ne limite d’aucune manière les processus
constitutionnels internes d’un Etat.

50. Le principe de l’intégrité territoriale ne garantit pas l’existence d’un Etat ou de son
territoire contre des événements qui ont leur origine dans des processus se déroulant à l’intérieur de
l’Etat. Comme un auteur de renom l’a dit :

«Toutefois, le seul effet des règles de l’ uti possidetis est d’empêcher Krajina et
Nagorno-Karabakh de réclamer un droit à fair e sécession; elles ne prohibent pas au

peuple d’62e telle région de faire acte de sécession effectif. Elles sont neutres à cet
égard.»

60
Thomas D. Musgrave, Self Determination and National Minorities, Oxford Monographs in International Law,
Clarendon Press, Oxford, 1997, p. 181.
61Groupe de contact, principes directeu rs établis par le groupe de contact en vue d’un règlement du statut du

Kosovo, novembre 2005, Nations Unies, doc. S/2005/709.
62Thomas M. Franck, Fairness in the International Legal and Institutional Sys, Recueil des cours, 240
(1993-III), p. 148. - 16 -

51. Le principe de l’intégrité territoriale ne peut être entendu comme une garantie dont jouit
un Etat à l’encontre de son propre peuple ou des portions de ce peuple. Par conséquent les longs

développements que l’exposé écrit de la Serbie consacr e au principe de l’intégrité territoriale sont
dépourvus de pertinence en l’espèce 63. En particulier les longues observations sur le principe qui

son64formulées dans le cadre des conflits internes ne concernent pas la question qui est pertinente
ici . On souligne correctement que de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité ont confirmé
le principe de l’intégrité territoriale à propos de certains Etats. Mais ces résolutions doivent être

placées dans leur contexte. Chacune d’elles a une toile de fond spéciale et porte sur une situation
où la menace existait que des Etats tiers puissent désirer intervenir aux fins de réaliser la

désintégration d’un Etat dans le but de créer un Etat fantoche sur son territoire. Voilà la toile de
fond contre laquelle se profile la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité sur la situation en
Georgie . Il en va de même pour la situation concernant la République démocratique du Congo 66,
67
ainsi que pour la situation au Soudan .

52. On ne peut nier, certes, que le Conseil de sécurité peut, en vertu du chapitre VII de la
Charte, agir dès que surgit une menace contre la pa ix par suite d’interventions d’Etats tiers visant à
68
déstabiliser un Etat donné . Mais dans le cas en question ici le Conseil de sécurité n’a pas perçu
de menace telle et n’a donc pas pris de mesures en vertu du chapitre VII au regard de la déclaration
d’indépendance. Ceci est d’une importance cr uciale du fait que de puis l’adoption de la

résolution 1244 le Conseil est activement saisi de la question.

53. Comme déjà expliqué dans l’exposé écrit de l’Albanie, dans la littérature du droit
international on s’accorde généralement à considérer que la sécession est une question appartenant
69
à la sphère politique interne de l’Etat et n’est ni régie ni limitée par le droit international . Comme
il ressort clairement de l’analyse correspondante cont enue dans le plus important traité français de
droit international, la sécession est un fait po litique non régi par le droit international 70. Crawford

fait observer que «la manière correcte de voir la question est de considérer que la sécession n’est ni
légale ni illégale en droit inte rnational, mais plutôt un acte juridiquement neutre dont les

conséquences sont réglées internationalement». C’est seulement lorsqu’il y a intervention de la
part d’un Etat tiers qu’il est hors de doute que le droit international a été violé et que les
organisations internationales prennent des mesures pour assurer l’intégrité territoriale de l’Etat à

l’encontre duquel une intervention a eu lieu. Ceci ressort du fait que les organisations
internationales s’abstiennent d’agir dans les ca s de différends prolongés relatifs à la sécession,

tandis que dans une affaire comme celle du Chyp re les Nations Unies ont clairement défendu
l’intégrité territoriale de la République de Chypre contre l’intervention de la Turquie. Il est
significatif que l’exposé écrit de la Serbie laisse de côté cette question.

63
Voir, entre autres, l’exposé écrit de la Suisse, par. 98 c), ainsi que les par. 46-48 du présent document.
64Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 106-115 [de la traduction française].

65Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 110-111, [de la traduction française], par. 457-458.

66Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 459 et suiv.
67
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 464 et suiv.
68
Voir à cet égard, entre autres, J. Frowein et N. Krisch, Chapter VII. Action with respect to Threats to the Peace,
Breaches of the Peace, and Acts of Aggression et Article 39, dans B. Simma et d’autres (dir. publ.), The Charter of the
United Nations: A Commentary, Oxford University Press, 2002, p. 701-739.
69
Voir entre autres l’exposé écrit del’Albanie, p. 29-30, par. 73-74 et les notes de bas de page 101 et 102;
A. Tancredi, «A NormativeDue Process» in the Creation of States through Secession , dans M. G. Kohen (dir. publ.),
Secession: International Law Perspectives , Cambridge University Press, 2006, p. 172 et note de bas de page 3, où sont
énumérées un certain nombre de sources.
70 e
Voir P. Daillier et A. Pellet, Droit international public, 7 éd., Paris. LGDJ, 2002, p. 526 et suiv. - 17 -

54. Au cours du long processus de sécession dont fut l’objet l’ex-Union soviétique, personne
n’a soutenu que le principe de l’intégrité territoriale pouvait limiter la sécession des Etats baltes, de
l’Arménie, de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan et d’autres Etats en cause. Ce processus de sécession

par rapport à l’Union soviétique met en relief l’ inexistence d’un quelconque principe de droit
international qui d’une manière ou d’une autre interd irait la sécession d’une partie d’un Etat. Dès
lors on ne saurait absolument pas prétendre que pour une raison ou une autre la déclaration

d’indépendance du Kosovo pourrait être considérée co mme une violation du principe de l’intégrité
territoriale de la Serbie.

D) La manière dont la question de l’autodétermination est traitée au chapitre VII de l’exposé
écrit de la Serbie est entièrement incorrecte

55. L’intitulé du chapitre VII de l’exposé écrit de la Serbie est également erroné. La
question qui se pose n’est pas celle de savoir si l’autodétermination four nit une base pour la

déclaration d’indépendance. Ce dont il s’agit, c’est de savoir si le principe de l’autodétermination
peut constituer une limitation à la déclaration d’indépendance ou si cette déclaration était conforme
au principe de l’autodétermination, tel qu’il est reconnu en droit international. La manière dont la

Serbie interprète le droit à l’auto détermination s’oppose tant à la réa lité qu’à la pratique des Etats.
Il est vrai que le droit à l’autodétermination n’ équivaut pas à une règle générale légitimant la
sécession d’une partie du territoire d’un Etat indé pendant. Toutefois, dans des circonstances
71
exceptionnelles, le droit à l’autodé termination donne lieu à la sécession . Il ne pourrait pas être
plus clair que toutes ces circonstances sont présentes, et ce d’une manière cumulative, dans le cas
72
du Kosovo .

56. Le débat, en termes généraux, du princi pe de l’autodétermina tion dans le contexte

colonial est sans pertinence ici. Si l’opinion à laquelle on se rallie est que l’autodétermination
n’autorise pas la sécession , on ne se trompe pas, car cette vue correspond à la règle formulée dans

la déclaration relative aux principes du droit inte rnational touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats (Déclaration sur les re lations amicales), dont le dernier paragraphe
rejette, en principe, l’idée que la sécession pourrait être autorisée par le principe de

l’autodétermination. Ce paragraphe se lit comme suit :

71
Voir entre autres l’exposé écrit de l’Albanie, p. 32 [de la traduction française], par. 81. Thomas D. Musgrave,
Self Determination and National Minorities, Oxford Monographs in International Law, Clarendon Press, Oxford, 1997, p.
76, 182-183 et 188-1999; A. Buchanan, Justice, Legitimacy, and Self-Determiiation: Moral Foundations for
International Law , Oxford University Press, 2007, p. 357-359; L. Buchheit, Secession : The Legitimacy of
Self-Determination, Yale University Press, 1978, p. 92-97; Thomas M. Franck, Postmodern Tribalism and the Right to
Secede, dans Peoples and Minorities , C. M. Brömann et d’autres (dir. publ. ), 1993, p. 13-14. Sur la question de la
“sécession corrective” voir, entre autres, C. Tomuschat, Secession and Self-Determination , dans M. G. Kohen
(dir. publ.), Secession : International Law Perspectives, Cambridge University Press, 2006, p. 38-42 ; J. Dugard and D.

Raic, The Role of Recognition in the Law and Practice , dans M. G. Kohen (dir. publ.),Secession: International Law
Perspectives, Cambridge University Press, 2006, p. 176 et note de bas de page 13, où figure une liste des très nombreux
auteurs partageant cet avis.
72 J. Dugard and D. Raic, The Role of Recognition in the Law and Practice , dans M. G. Kohen (dir. publ.),

Secession: International Law Perspectives, Cambridge University Press, 2006, p. 109 et note de bas de page 42. Comme
Dugard et Raic le font observer, dans le cadre de la do ctrine de la sécession qualifi ée on s’accorde généralement à
considérer que les paramètres du droit de sécession sont les suivants: a)Il doit y avoir un peuple, lequel, tout en
constituant une minorité numérique par rapport au reste de la po pulation de l’Etat parent, forme une majorité à l’intérieur
d’une partie du territoire de cet Etat ; b) L’Etat par rapport auquel le peuple en question désire faire sécession doit avoir
infligé de graves méfaits à ce peuple (carence de souveraineté)consistant en soit i) une grave violation ou le déni du
droit d’autodétermination interne du peuple en question (moyennant, par exemple, une discrimination systématique),
et/ou ii) des violations graves et étendues des droits de l’homme f ondamentaux des membres de ce peuple ; c)il ne doit
pas exister d’autres moyens réalistes et effectifs de régler pacifiquement le conflit.

73 Voir l’exposé écrit de la Serbie, p. 137 [de la traduction française]. - 18 -

«Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou

encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l’intégrité te rritoriale ou l’unité politique de tout Etat
souverain et indépendant se conduisant confor mément aux principes de l’égalité des
droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi

d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans
distinction de race, de croyance ou de couleur.»

Mais ceci ne met pas fin au débat. Ce dont il s’agit, c’est de savoir si le droit international
contient une règle qui prohibe la sécession dans les circonstances du Kosovo. De l’avis de
l’Albanie tel n’est pas le cas.

57. Comme, en s’expliquant sur le princi pe de l’autodétermination des peuples, la
Déclaration sur les relations amicales le signale, le principe peut s’appliquer de plusieurs manières.
La création d’un Etat souverain et indépendant, la libre association ou l’intégration avec un Etat

indépendant ou l’acquisition de tout autre st atut politique librement décidé par un peuple
constituent autant de moyens pour ce peuple d’exercer son droit à l’autodétermination.

58. L’avant-dernier paragraphe du principe con tient la clause de sauvegarde suivant laquelle
les paragraphes précédents ne doivent pas être interprétés comme autorisant ou encourageant des
actions contre l’intégrité territoriale d’un Etat s ouverain. On ne doit pas voir dans cette formule

une prohibition absolue de toute sécession par un peuple constituant une partie de la population
d’un Etat. Le paragraphe n’est pas une garantie de l’intégrité territoriale de tout Etat, quel qu’il
soit, contre des mouvements sécessionnistes de la part d’un peuple constituant une partie de

l’ensemble de la population.

59. Il est, par ailleurs, de la plus grande impor tance de constater que la partie finale de la

clause en question reconnaît la possibilité de la sécession corrective dans des situations où le
gouvernement pratique une discrimination systémati que et ne représente pas la totalité de sa
population. La littérature juridique appuie largemen t l’opinion suivant laquelle, bien qu’il ne soit
applicable que dans des circonstances exceptionnelles, un tel droit existe bien . L’argument selon

lequel la réalisation de la sécession dans ces circonstances pourrait être contraire au principe de
l’autodétermination est contredit par le passage du principe auquel référence a été faite et qui
concerne la sécession corrective. Cette interpréta tion empêche que l’on puisse recourir à la clause

de sauvegarde pour faire valoir cet argument contre la sécession dans une situation comme celle du
Kosovo.

60. Il est impossible d’interpréter la clause de sauvegarde de manière à en faire un argument
contre la sécession dans une situation comme celle du Kosovo. C’est précisément ce que le
paragraphe cherche à éviter, en limitant son app licabilité aux situations où les Etats se conduisent

conformément au principe de l’égalité des droits et du droit des peuples à l’autodétermination et
agissent par le biais de gouvernements représentant l’ensemble du peuple sans distinction de race,
de croyance ou de couleur. Dans une situation comme celle qui règne au Kosovo, où un système
de discrimination et de traitement inégal sancti onné officiellement a été mis en place et maintenu

par la force et la suppression des droits de l’homme fondamentaux, il ne peut exister de

74Voir, entre autres, J. Dugard and D. Raic, The Role of Recognition in the Law and Practice, dans M. G. Kohen
(dir. publ.), Secession: International Law Perspectives, Cambridge University Press, 2006, p. 106 et note de bas de page
36, où figure une liste d’un certain nom bre de sources; F. R. Teson, Ethnicity, Human Righst, and Self-Determination ,
dans D. Wippman (dir. publ.), International Law and Ethnic Conflict , Cornell University Press, 1998, p. 86-111. Voir
aussi la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire concernant la séce ssion du Québec, disponible sur

http://scc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217/1998rcs2-217.html. - 19 -

revendication absolue du maintien du statu quo, territorial ou non. Ceci ressort d’une manière

parfaitement claire de la clause de sauvegarde.

E) Il est clair que le Kosovo constitue un peuple et une unité d’
autodétermination

61. Comme on l’a déjà fait observer, les Nations Unies ont à juste titre reconnu que le peuple

du Kosovo est un peuple aux fins des règles relatives à l’autodétermination. Mais, de l’avis de
l’Albanie, il n’est pas nécessaire que la Cour qua lifie le peuple du Kosovo en tant que peuple aux
fins de la règle de l’autodéterm ination. Ce n’est pas ce que l’Assemblée générale a demandé. Ce
qu’elle a demandé, c’est un avis consultatif sur la conformité au droit international de la déclaration

d’indépendance du 17février2008. Or le principe d’autodétermination n’interdit absolument pas
une déclaration d’indépendance adoptée dans les circonstances actuelles.

62. L’Albanie tient à ajouter que la popul ation du Kosovo a été reconnue comme un peuple
et qualifiée comme tel dans plusieurs instruments importants. Des références en ce sens sont
contenues dans les accords de Rambouillet, dont la disposition pertinente , contenue dans le

chapitre8, intitulé «Amendement, évaluation d’en semble et dispositions finales», se lit comme
suit :

«Trois ans après l’entrée en vigueur du présent Accord, une réunion
internationale sera convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement
définitif pour le Kosovo, sur la base de la volonté du peuple , de l’avis des autorités

compétentes, de l’effort accompli par chacune des Parties dans la mise en Œuvre du
présent Accord, et de l’Acte final d’Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation
d’ensemble de la mise en Œuvre du présent Accord et d’examiner les propositions de
75
mesures complémentaires formulées par les Parties.»

63. Il est clair qu’en se référant à la volonté du peuple, les auteurs de ce texte ont entendu se

référer à celle du peuple du Kosovo. Une autre référence claire à celui-ci est contenue dans la
déclaration du 31 janvier 2006 des ministres du gr oupe de contact, laquelle est conçue en ces
termes :

«Les Ministres s’attendent à ce que Belgrade garde à l’esprit que le règlement
doit, entre autres choses, être acceptable pour le peuple du Kosovo . Les politiques
désastreuses du passé sont au cŒur des problèmes actuels. A l’heure actuelle c’est sur

les dirigeants de Belgrade que pèse une part importante de responsabilité pour ce qui
est en train de se passer et pour ce qui se passera à l’avenir. Le Groupe de contact,
l’UE et l’OTAN sont prêtes à appuyer les forces démocratiques de la Serbie dans leurs
76
efforts pour saisir la présente opportunité de faire progresser la Serbie.»

64. Aux termes du cadre constitutionnel adopté par la MINUK le 15 mai 2001 :

75
Accords de Rambouillet du 23 février 1999, texte dans, Nations Unies, doc. S/1999/648.
76Déclaration du groupe de contact du Kosovo, Londres, le 31 janvier 2006, par. 7 (les italiques sont de nous). - 20 -

«Le Kosovo est une entité sous admini stration internationale provisoire qui,

ainsi que son peuple, présente des caractéristiques historiques, juridiques, culturelles
et linguistiques uniques.» 77

65. Ces références indiquent clairement que le peuple du Kosovo a été reconnu en tant que
tel à plusieurs reprises, y compris par les Nations Unies elles-mêmes, à travers le représentant

spécial du Secrétaire général. Il ne fait au cun doute que la population du Kosovo, en tant que
peuple, constitue une unité titulaire du droit à l’autodétermination.

F) La résolution 1244 (1999), qui n’est pas une garantie de l’intégrité territoriale de la Serbie,
a laissé la porte ouverte à la question du statut final du Kosovo ainsi
qu’à la modalité de son expression

66. Il a déjà été expliqué que la résolution 1 244 (1999) n’est pas une garantie de l’intégrité
territoriale de la Serbie à l’encontre d’une décl aration d’indépendance du Kosovo. La résolution a

été formulée de manière a ne pas préjuger de l’ aboutissement final du cours que prendraient les
choses après l’établissement de l’administration in ternationale du territoire. Elle envisageait un
processus politique qui conduirait au statut final «en tenant compte des accords de Rambouillet»,

admettant ainsi la possibilité de l’indépendance du Kosovo si telle était la volonté du peuple. Ceci
est clairement confirmé par l’emploi d’expressions différentes, telles que «règlement définitif»,
«règlement politique» et «statut futur du Kosovo» . 78

67. Puisque, malgré leur longueur, les négoc iations sous supervisi on internationale qui
eurent lieu ne parvinrent pas à une solutio n mutuellement acceptable, la déclaration

d’indépendance s’avéra comme le seul moyen de déterminer le statut du Kosovo d’une manière
définitive. Cette déclaration d’indépendance résultait de l’exercice du pouvoir constituant du
peuple du Kosovo, soit une question interne à l’Etat nouvellement fondé. Une déclaration

d’indépendance ne viole aucune règle de droit intern ational relative à la souveraineté et l’intégrité
territoriale de l’Etat parent. Elle peut, certes, être contraire au droit constitutionnel de l’Etat parent.
Mais ceci n’a rien à voir avec la question sur laquelle l’Assemblée générale a demandé l’avis de la

Cour. Lorsqu’un état membre d’un Etat fédéral ou une autre collectivité territoriale déclare son
indépendance, il n’y a violation d’aucun principe du droit international concernant la souveraineté
et l’intégrité territoriale.

68. Georges Abi-Saab, spécialiste bien connu du droit international, a observé que, sauf dans
les cas où il est créé en violation d’un principe fondamental du droit international :

«l’Etat est considéré comme un «fait primaire» qui doit être reconnu par le droit
international une fois que ce fait s’est matérialisé, quel que soit le processus par lequel
il est devenu réalité. Cependant, si ce processus est le résultat d’une expression claire

de la volonté du peuple en question, le caractère démocratique du processus peut

77
Cadre constitutionnel provisoire UNMIK/REG/2001/9 du 15 mai 2001 ⎯ art.1.1. NationsUnies,
doU.NMIK/REG/2001/;9texte disponible sur http:/ /www.icj-cij.org/docket/files/141/15033.pdf?PHPSESSID
=1c0a151ac7aa2acd4bfbbd6dec6b1860.
78Exposé écrit de l’Albanie, p. 33 [de la traduction française], par. 85. - 21 -

constituer un facteur positif plus tard, en conférant une plus grande légitimité politique
au nouvel Etat, ce qui renforcera son existe nce juridique et facilitera sa rapide
reconnaissance par d’autres Etats.» 79

G) Conformément au droit international contemporain, le consentement de la Serbie n’est

pas une condition nécessaire pour la validité de l’acte
par lequel l’indépendance est déclarée

69. Dans la partieV de son exposé écrit, la Serbie essaie de faire rétrograder le droit
international au XVIII siècle, en prétendant que le consentement de l’Etat parent est nécessaire
pour qu’une sécession puisse s’effectuer. La que stion a donné lieu à de longues discussions après
e
la déclaration d’indépendance des Etats-Unis et il était déjà clair au début du XIX siècle que les
Etats tiers étaient libres de reconnaître un Etat qui était indépendant dans les faits. L’avis auquel se

ralliaient de nombreux auteurs jusqu’en 1800 environ et suivant lequel il était nécessaire que
l’ancien Etat parent fasse un transfert de souveraineté à l’Etat nouvellement indépendant a été alors
nettement rejeté par la pratique des Etats et l’ opinio juris . On ne peut pas faire reculer l’horloge

à l’époque antérieure au droit international contemporain. Comme le montre clairement la pratique
instaurée par 62 Etats, un nombre croissant d’Etat s considèrent que la reconnaissance du Kosovo
comme Etat indépendant est conforme au droit international.

70. Dans son exposé écrit la Serbie essaie de contester l’indépendance du Kosovo. Mais ceci

est juridiquement impossible. L’indépendance est entièrement compatible avec un certain type de
tutelle juridique internationale de nature tr ansitoire ou intérimaire établie par un accord
international ou par le Conseil de sécurité des Na tions Unies. A cet égard des exemples notables

sont les cas du Cambodge, du Timor-Leste et de la Bosnie-Herzégovine. De plus, l’existence d’une
assistance internationale visant à l’établissement et à la consolidation ulté rieure d’institutions
démocratiques et de la prééminence du droit ne remet pas en question l’indépendance d’un Etat.

Les représentants du Kosovo ont clairement sollic ité une assistance telle, qu’ils ont par la suite
reçue avec satisfaction, comme en témoigne d’ailleurs la déclaration d’indépendance.

71. Il n’est pas nécessaire que l’ancien Etat parent donne son consentement à la sécession.
Au contraire, le concept de sécession se réfère à la situation où un nouvel Etat est établi et reconnu
81
sans le consentement de l’Etat «parent» . Il est vrai que la pratique des Etats montre que dans la
plupart des cas un Etat parent en est venu ultérieurement à accepter et reconnaître l’existence du

nouvel Etat. Mais l’absence ou le refus de consenteme nt par l’Etat parent n’exclut pas la qualité
d’Etat. Comme le note Crawford :

79Georges Abi-Saab, dans M. G. Cohen (dir.publ.), Secession, International Law Perspectives , Cambridge
University Press, 2006, p. 473.

80Voir J. A. Frowein, Transfer or Recognition of Sovereignty – some Early Problems in Connection with
Dependent Territories, American Journal of International Law, vol. 65, 1971, p. 568-571.

81S. Wheatley, Democracy, Minorities and International Law , Cambridge University Press, 2005, p. 85-86, où
est cité l’ouvrage de Crawford intitulé State Practice and International Law in Relation to Secession , British Year Book
of International Law, 1998, p. 85-86. - 22 -

«Au cas où le territoire en question cons titue une unité d’autodétermination, il
pourrait être présumé que tout gouvernement issu d’une sécession compte sur l’appui
général du peuple : la sécession dans un tel cas, où l’autodétermination est déniée par

la force, sera présumée viser à promouvoir l’ application de l’autodét82mination au
territoire en question ou au moins ne pas être incompatible avec elle.»

72. Il est vrai que la reconnaissance de la part d’Etats tiers en tant que telle n’accorde pas la
légalité ; et elle ne purge pas l’illégalité. Mais ce n’est pas de ces questions-là qu’il s’agit ici. Dans

les cas où une intervention de la part d’Etats tie rs a eu lieu, la reconnaissance n’a pas purgé
l’illégalité. Cela ressort de la pratique des Etat s dans les cas du Chypre du Nord, de l’Abkhazie ou
de l’Ossétie du Sud. Dans ces cas la reconnaissance a été limitée à l’Etat intervenant.

Pratiquement aucun autre Etat n’a reconnu ces prétendus Etats comme Etats indépendants.

73. Dans des cas de ce genre on a soutenu qu’il existe un devoir collectif de

non-reconnaissance. Ce devoir s’impose à tout Etat lorsque la naissance d’un nouvel Etat enfreint
des règles péremptoires de droit international 83. Depuis l’adoption de sa déclaration

d’indépendance, le Kosovo a été reconnu comme Etat par 62 Etats Membres des Nations Unies. Il
en ressort clairement que pour un nombre considér able d’Etats la déclaration d’indépendance du
Kosovo est conforme au droit international. Il en ressort aussi qu’il n’existe pas de

non-reconnaissance collective à l’égard du Kosovo.

H) Les autorités du Kosovo exercent les prérogatives souveraines d’une entité étatique

74. En commentant sur des événements postérieurs à la déclaration d’indépendance du
Kosovo, le Secrétaire générale a rapporté que :

«Outre l’adoption de la constitution et de la législation connexe, l’Assemblée du
Kosovo a adopté le 10 juin un hymne national, et le Gouvernement du Kosovo a

autorisé le 17 juin la création de neuf «ambassades» dans les Etats Membres ayant
reconnu sa déclaration d’indépendance.» 84

75. Aucun règlement n’a été publié dans le Journal officiel de la MINUK depuis le
14juin2008, c’est-à-dire depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du Kosovo, qui eut lieu le

15juin2008. A partir du 15 juin 2008 les institu tions kosovares fonctionnent sur la base de leur
Constitution démocratique, adoptée par l’Assemblée du Kosovo à la suite d’une large campagne de
consultations publiques. Ce fait a été reconnu pa r le Secrétaire général dans ses rapports au

Conseil de sécurité.

76. L’Albanie tient, en outre, à attirer l’ attention sur de nouveaux événements survenus
depuis la clôture de la première phase de la pr ésente procédure. Sont à signaler de nouvelles

82J. Crawford, The Creation of States in International Law, 2 éd., Oxford University Press : New York, 2007, p.
384.

83Voir entre autres l’exposé écrit de l’Albanie, p. 24 [de la traduction française] , par. 57; J. Dugard,
Recognition and the United Nations , Cambridge: Grotius Publicatioins Limited, 1987, p. 135; Vera Gowlland-Debbas,
Collective Responses to Illegal Acts in International Law: United Nations Ac tion in the Question of Southern Rhodesia ,
Nijhoff Publishers: Dordrecht, 1990; J. Dugard and D. Raic, The Role of Recognition in the Law and Practice , dans
M. G. Kohen (dir. publ.), Secession: International Law Perspectives, Cambridge University Press, 2006, p. 100-101.

84Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies
au Kosovo du 15 juillet 2008, Nations Unies, doc. S/2008/458, par. 4. - 23 -

reconnaissances ainsi que de nouveaux accords bila téraux et internationaux conclus par le
Gouvernement kosovar. Il faut également noter que le 8 mai 2009 le Fonds monétaire international
a invité la République du Kosovo à devenir membre 85. D’ailleurs le Kosovo participe à cette

institution internationale sur la base d’une quote-part qui est plus élevée que celles de ses deux
voisins, l’Albanie et le Monténégro. Par ailleurs le 29 juin la République du Kosovo est devenue le
plus récent membre des cinq institutions du groupe de la Banque mondiale 86. Qu’ils soient pris

individuellement ou collectivement, ces événements montrent que les autorités du Kosovo exercent
les prérogatives d’un Etat souverain et que le Kosovo constitue une entité étatique séparée,

entièrement indépendante de la République de Serbie.

77. A ce jour le Kosovo a été reconnu par 62 Etats 87. Quatorze Etats ont reconnu

l’indépendance du Kosovo après la transmission à la Cour de la requête pour avis consultatif, cinq
de ces derniers l’ayant reconnu après le 17 avril 2 009, soit la date d’expiration du délai pour la

remise des exposés écrits des Etats.

I) La déclaration d’indépendance du Kosovo est conforme au droit international

78. La déclaration d’indépendance du Kosovo s’inscrit dans la droite ligne des buts et
principes énoncés dans la Charte des Nations Unies. Dans le courant de leurs activités les autorités

kosovares ont montré le plus grand respect aux or ganes des Nations Unies, bien que le Kosovo ne
soit pas encore Membre de l’Organisation. Par ailleurs les autorités kosovares ont agi en
conformité avec les règles du droit international et les principes touchant les relations amicales

entre les Etats. Elles ont de leur propre mouvement accepté un nombre considérable d’obligations
de nature juridique, particulièrement dans le domaine du droit international humanitaire.

79. Il convient de souligner que ni avant, ni après l’adoption de la déclaration
d’indépendance du Kosovo, ni au cours de son ad option, le représentant spécial du Secrétaire

général n’a réagi à celle-ci. Aussi n’a-t-il ni déclaré la nullité de l’instrument, ni pris des mesures
pour dissoudre l’Assemblée du Kosovo. Or non seulement avait-il, en vertu du cadre
constitutionnel, le pouvoir de ce faire, mais encore le Gouvernement serbe lui a demandé,

expressément, d’agir ainsi. Il est raisonnable d’en inférer que le représentant spécial du Secrétaire
général considérait la déclar ation d’indépendance comme n’étant pas incompatible avec la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et qu’à son avis, en adoptant la déclaration

d’indépendance, l’Assemblée du Koso vo agissait, non en vertu de pouvoi rs dont elle était investie
par le cadre constitutionnel, en tant qu’institution d’auto-administration provisoire, mais en tant que
corps de représentants démocratiquement élus par le peuple du Kosovo à une réunion spéciale, où

ils exerçaient leur pouvoir constituant.

80. Etant donné le contexte général de la dissolution non c onsensuelle de l’ex-Yougoslavie
88
(y compris la dissolution de la RFY elle-même en 2006) , les actes, tristement notoires, de
suppression physique et discrimination institutionnalisées dont furent objet les Albanais de souche

85
Press Release No. 09/158, IMF Offers Membership to Republic of Kosovo , disponible sur
http://www.imf.org/external/np/sec/pr/2009/pr09158.htm.
86Voir entre autres Press Release No. 2009/448/ECA, disponible sur http://go.worldbank.org/K2KVNDA7Z0

(dernier accès le 14 juillet 2009).
87La liste complète est disponible sur http://www.ks-gov.net/MPJ/Njohjet/tabid/93/Default.aspx (dernier accès le
14 juillet 2009).

88Pour une chronologie du conflit en Yougoslavie, voir, entre autres, D. Bethlehem et M. Weller (dir. publ.) The
«Yougoslav» Crisis in International Law; General Issues Part I , Cambridge International Documents Series Volume5,
Cambridge University Press, 1997, p. xix-lvii ; une chronologie générale est donnée par Weller, supra note 2, p. 15-23. - 24 -

au Kosovo pendant la période 1989-1999, l’admini stration provisoire du territoire par les Nations
Unies pendant plus de huit ans, l’impasse à laquelle avaient abouti les négociations sous
supervision internationale qui avaient été menées en vue de l’adoption d’un statut définitif pour le

Kosovo et, finalement et comme facteur primordial, la volonté du peuple du Kosovo, la déclaration
d’indépendance, tout en étant un exercice légitime du droit du peuple du Kosovo à
l’autodétermination, était en fait un dernier ressort. Comme un auteur de renom l’a fait observer :

«Il se peut que l’on en vienne à un point où il est possible d’estimer que le droit
international doit considérer comme fait ce qui doit être fait, si la raison pour laquelle

cette abstention s’est produite est une incondu ite grave de la part d’une partie et que
les conséquences de l’abstention consistent en un préjudice grave causé à une autre
partie. Le principe suivant lequel un Etat ne peut pas faire valoir sa propre conduite

illicite pour éluder les conséquences de ses ob ligations internationales est susceptible
d’applications innovantes et l’on peut imaginer des circonstances où la communauté
internationale aurait le droit de traiter un nouvel Etat comme existant sur un certain
89
territoire, nonobstant les faits.»

J) Garanties pour les minorités et traitement des Albanais de souche
dans la République de Serbie

81. Bien que de l’avis de l’Albanie cette question, présentée dans l’exposé écrit de la Serbie

comme pertinente en l’espèce, ne puisse pas être considérée comme telle, l’Albanie estime qu’il est
néanmoins important d’indiquer sa position en ce qui concerne les droits que, en tant que membres
d’une minorité, devraient pouvoir réclamer les pers onnes de souche albana ise se trouvant dans la

République de Serbie. L’amélioration de la situation de la minorité albanaise à Presevo (Presheve),
Bujanovac (Bujanovc) et Medvedja (Medvegje) figure parmi les obligations juridiques

internationales du gouvernement de la Serbie. Mais, malheureusement, jusqu’ici il s’en est fallu de
beaucoup que les droits de la minorité albanaise en Serbie soient entièrement respectés en mis en
Œuvre.

82. D’après le recensement effectué par les autorités serbes en 2002, 61 647 personnes de
souche albanaise vivaient en Serbie. Mais un chiffre différent est donné dans le rapport de 2002 du

Humanitarian Law Center, qui estime le nombre total de ces personnes dans les trois municipalités
susmentionnées à plus de 100 000 90. Les municipalités de Presevo, Bujanovac et Medvedja,
91
situées au sud de la Serbie, sont habitées à 90 % par des Albanais de souche vivant en Serbie . La
Serbie n’a pas assuré le respect des droits de l’ homme des Albanais de souche vivant dans ces
municipalités. Par ailleurs la rhétorique qu’ad opte le gouvernement serbe a empiré les rapports

entre Serbes et Albanais.

83. Dans son rapport de 2004 le Helsinki Committee for Human Rights in Serbia a noté que :

«Eu égard à la nature du régime de Milosevi ć, les minorités peuvent être
classées en fonction de la répression dont elles sont l’objet. En d’autres termes, le

régime n’a pas traité toutes les communautés minoritaires de la même manière:
quelques-unes ont été employées comme instruments de sa légitimité (tels les

89 e
J. Crawford, The Creation of States in International Law , 2 éd., Oxford University Press, New York, 2007,
p. 447-448.
90Humanitarian Law Center, Albanians in Serbia Presevo, Bujanovac and Medveda, Report of 2002, p.2,
disponible sur http://www.hlc-rdc.org/uploads/editor/Albanians%20in%20Servia.pdf (dernier accès le 14 juillet 2009).

91Voir le rapport du commissaire aux droits de l’homme, M. Thomas Hammarberg, sur sa visite en Serbie (13-17
octobre 2008) CommDH(2009)8, 11 mars 2009, p. 33, par. 165. - 25 -

Slovaques), tandis que la répression contre les autres (Croates, Albanais ou
Bosniaques) a été encouragée ou tolérée. La guerre, la violence, la persécution à
motivation ethnique, la pauvreté massive et de piètres perspectives d’avenir ont obligé

un certain nombre des citoyens (appartenant aussi bien à des communautés
majoritaires qu’à celles qui sont en mi norité) à quitter la Serbie. Cet exode des
cerveaux a touché particulièrement les communautés minoritaires, car il les a privées

de leurs «intellectuels organiques», dont le rôle pour la sauvegarde et le
développement d’une culture minoritaire est extrêmement important.» 92

84. En mettant en relief le double standard auque l la Serbie a recours dans le traitement des

minorités, l’Helsinki Committee for Human Rights in Serbia a noté :

«Il existe encore une autre institution que les membres des communautés

minoritaires perçoivent comme un instrument juridique majeur pour la promotion et la
protection de leurs droits. Il s’agit de l’autonomie, sous ses diverses formes,
culturelle, personnelle et territoriale, ou bi en d’un statut spécial adéquat. Des

propositions en ce sens ont déjà été avancées par certaines communautés minoritaires,
comme les communautés croate, hongroise ou bosniaque. Mais, pour dire le moins, les
organes de l’Etat les ont ignorées. Les autorités serbes, tout en se tenant sur leur garde

pour ce qui est de l’autonomie territoriale su r la base de l’ethnicité, ont proposé ce
modèle comme étant le plus approprié pour la protection de la minorité serbe au
Kosovo. Certes, la situation au Kosovo ne peut guère se comparer à celle en

Voïvodine. On ne peut cependant pas se sous traire à l’impression qu’il s’agit ici de
doubles standards.» 93

85. Dans son rapport de mars 2009 sur la situ ation des droits de l’homme en Serbie, le
commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, M. Thomas Hammarberg, a observé

que, dans la pratique, le respect et la protection des droits des minorités paraissent être
inadéquats . La loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales prévoit

l’établissement de conseils nationaux pour les minorités. Néanmoins la minorité albanaise était la
seule à ne pas avoir encore établi un conseil de ce genre au moment de la visite de
M. Hammarberg 95. Dans le rapport il est signalé que : «[l]’adoption de la loi régissant l’élection de

ces conseils et définissant leurs compétences et leur financement accuse un retard de près de six
ans» 96.

86. Le rapport de 2007 de la Commission eur opéenne contre le racisme et l’intolérance

(ECRI) nota avec inquiétude que la minorité albanaise à Presevo (Presheve), Bujanovac (Bujanovc)
et Medjedva (Medvegje) était l’objet de discr imination dans des domaines tels que l’accès à

92
Helsinki Committee for Human Rights in Serbia, National Minorities in Serbia: In Conflict with a State Ethnic
Identity, Annual Report 2004, p. 2-3.
93
Helsinki Committee for Human Rights in Serbia, National Minorities in Serbia: In Conflict with a State Ethnic
Identity, Annual Report 2004, p. 5-6.
94Voir le rapport du Commissaire aux droits de l’homme , M. Thomas Hammarberg, su r sa visite en Serbie

(13-17 octobre 2008) CommDH(2009)8, 11 mars 2009, p.31, pa r. 157. Pour les activités du commissaire voir, entre
autres, http://www.coe.int/t/commissioner/default_en.asp (dernier accès le 14 juillet 2009)..
95Ibid., p. 31, par. 158.

96Ibid., p. 31, par. 159. - 26 -

l’éducation et à la fonction publique, particuliè rement en ce qui concerne la police et la
magistrature . Après l’adoption de la déclaration d’indépendance du Kosovo, le gouvernement

serbe n’a pas protégé la minorité albanaise vivant en Serbie contre la violence.

87. Le rapport de Human Rights Watch de no vembre 2008 a noté que quatre ans après une
vague de violence contre les minorités, la réaction de la Serbie à la violence contre les minorités
avait de nouveau été inadéquate en février 2008 et qu’il était difficile de ne pas conclure que les

autorités co98inuent de ne pas prendre suffisamment au sérieux les attaques contre les minorités et
leurs biens . Comme il a été noté dans ce rapport :

«Les attaques contre des ambassades et les émeutes à Belgrade ont été
largement couvertes par les médias nationaux et internationaux. Ce qui a néanmoins
échappé à l’attention, c’est le fait que les jours suivants des actes de harcèlement et

d’intimidation contre des Albanais de souche ont eu lieu partout en Serbie,
particulièrement dans la province de Voïvodine. En février et mars 2008, la police a
enregistré 221 incidents en rapport avec le s protestations relatives au Kosovo, y

compris ceux sans motivation ethnique, dont 190 se sont produits à Voïvodine.
Ciblant avant tout les commerces et les maisons appartenant à des Albanais, beaucoup
de ces incidents ont causé des dégâts sanctionnés par le droit criminel : bris de fenêtres

et tentatives d’incendies, projections de gr affiti incitant à la haine, protestations
intimidantes devant des maisons et des commerces, et, dans un cas, un boycott
organisé contre un commerce albanais et la distribution de tracts incendiaires.

Quelques-uns des incidents eurent lieu pendant ou immédiatement après des
protestations publiques, parfois de manière répétée, alors que d’autres sont survenus
les jours suivants, parfois en séries, et d’ordinaire la nuit.»

Ce genre de violence contre des minorités n’est pas une nouveauté en Serbie. Les Albanais
de souche ont été particulièrement vulnérables, surtout lorsque des événements au Kosovo

exacerbent la tension. Les Albanais de souche ont été ciblés, par exemple, durant la campagne de
bombardements de l’OTAN en 1999. Une vague de violence qui comprenait des attaques contre
les commerces appartenant à des membres de minorités et contre des mosquées a déferlé entre peu

avant la fin de 2003 et 2005, atteignant son pa roxysme en mars 2004, lorsqu99les passions
nationalistes ont réagi à des émeutes contre les Serbes et les Roms au Kosovo .

97
Commission européenne contre le ra cisme et l’intolérance (ECRI), rappo rt sur la Serbie CRI(2008)25, 2007,
p.18, par. 43. Il y avait au total quatre juges albaen Serbie, dont un à Bujanovac (Bujanovc) et trois à Presevo
(Presheve). Voir le tableau aux pages 49 et 50.
98
Human Rights Watch, Hostages of Tension: Intimidation and Harassment of Ethnic Albanians in Serbia after
Kosovo’s Declaration of Independence, report of November 2008, p. 4.
99
Le rapport s’exprime en ces termes : «Le gouvernement doit faire preuve d’un plus grand empressement à
mener des enquêtes sur les crimes à motivation ethnique, en poursuivre les individus coupables, condamner la violence et
prendre des mesures pour protéger les minor ités et leurs biens contre des attaques. Les autorités doivent aussi aider les
victimes à se protéger et à se prévaloir des recours que la lo i met à leur disposition, y comp ris des actions civiles contre
les individus coupables. Tant que les autorités n’auront pas coopéré comme il se doit pour que les attaques contre les
minorités comme celles décrites dans ce rapport donnent lieu à des mesures de prévention et à des enquêtes et, lorsque les
circonstances le demandent, des actions pénales, les minorités habitant la Serbie continue ront d’être otages des tensions
sociétales, par suite desquelles elles se sentent menacées, intimidées et mal vues.» - 27 -

88. Un précédent rapport de Human Rights Watch fait état de problèmes d’ordre systémique
touchant le respect des droits des minorités et la protection de leurs vies et leurs biens 100. Amnesty
International a fait appel aux pl us hauts responsables du gouvernem ent pour qu’ils prennent des

mesures afin de protéger la minorité albanaise et les activistes des droits de l’homme contre des
attaques à la suite de l’adoption de la déclaration d’indépendance du Kosovo 101.

K) Observations finales

89. A la lumière de ce qui précède, on peut conclure que, contrairement à ce que la Serbie
prétend dans ses écritures, le gouvernement serbe n’assure pas encore la protection des droits de la

minorité albanaise en Serbie. Des mesures concrè tes doivent dès lors être prises pour assurer le
respect des droits de la minorité albanaise en Se rbie. L’Albanie croit fermement que les minorités
au Kosovo et en Serbie, loin d’être utilisées pour remporter des succès politiques ou fomenter la

discorde, doivent être renforcées et servir de ponts pour la création de relations amicales entre les 102
deux nations. Bien que, malgré ce que prévoit l’article 75 de la Constitution serbe de 2006 ,
aucun Conseil national n’ait été créé pour les Albanais de souche, la Serbie devrait conclure un

accord bilatéral aussi bien avec la République du Kosovo qu’avec l’Albani e sur la protection des
minorités constituées par les Albanais de souche vivant en Serbie.

P ARTIE V

C ONCLUSIONS ET DEMANDES

A) Conclusions

90. En adoptant la déclaration d’indépendance du Kosovo, les autorités du Kosovo ont agi en
conformité avec les principes régissant le processus né gociateur devant mener au statut final. Ces
autorités n’agissaient pas en tant qu’institutions provisoires d’auto-administration, mais en tant

qu’assemblée constituante composée des représen tants démocratiquement élus du peuple du
Kosovo exprimant la volonté de ce peuple, c’est-à-dire exerçant son pouvoir constituant afin d’être
indépendant de la Serbie 103.

91. La déclaration d’indépendance du Kosovo doit être vue dans son contexte, car les

circonstances de son adoption, le caractère du prob lème du Kosovo, conformé par la désintégration
de la Yougoslavie et les conflits qui s’ensuivirent, le nettoyage ethnique et les événements de 1999,

100
Human Rights Watch, Dangerous Influences , octobre 2005, disponible sur http://www.hrw.org/
en/reports/2005/10/09/dangerous-indifference (dernier accès le 14 juillet 2009). D’après le rapport : «D’une analyse de la
réponse du gouvernement à la violence cont re les minorités en Serbie depuis 2003 il ressort que les autorités n’ont pas
pris le phénomène au sérieux. Plutôt que d’attaquer le problème de front, les autorités ont cherché à le minimiser. Il est
arrivé certes que quelques incidents dont on prétendait qu’ils étaient à motivation et hnique se sont par la suite avérés
avoir eu lieu pour des raisons entièrement différentes. Mais les autorités se so nt empressées de nier que les incidents
aient été à motivation ethnique, et ce même avant que des enquêtes sérieuses aient été menées à bien à leur égard. Le fait

que le gouvernement n’ait pas pris ces incidents au sérieu x suscite de l’hostilité chez les communautés minoritaires et
augmente leur crainte que le gouvernement n’assurera pas leur protecticas où une nouvelle flambée de violence
viendrait à se produire.»
101Voir le communiqué de pre sse d’Amnesty International Serbia: Stop Attacks on Human Rights Activists and

on Minorities, disponible sur : http://amnestyusa,org.php?id=ENGUSA20080220003&lang=e.
102Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 217.

103Voir l’exposé écrit de l’Albanie, p. 28-29 [de la traduction française] , par. 71, et l’exposé écrit du Royaume
de Norvège, par. 13-15. - 28 -

ainsi que la période prolongée d’administration in ternationale conformément à la résolution 1244

(1999) du Conseil de sécurité, font de cette déclaration un événement qui est clairement sui
generis.

92. L’indépendance du Kosovo est un facteur de paix et de stabilité aux Balkans. Dans sa
déclaration d’indépendance, le Kosovo a forme llement reconnu un certain nombre d’obligations
concernant les droits de l’homme et les libert és fondamentales de tous ses citoyens. Le Kosovo a
affirmé qu’il respectera les principes de la Charte des Nations Unies, l’acte final d’Helsinki,

d’autres actes de l’OSCE, ainsi que les obligations juridiques internationales et les principes du
droit sur lesquels reposent les rapports entre les Etats.

93. Au lieu d’accepter la responsabilité des viola tions graves et systématiques des droits de
l’homme perpétrées contre les Albanais du Kosovo, la Serbie a essayé de les minimiser, en les
représentant comme normales, alors qu’en réalité ce sont des violations graves des droits de

l’homme internationalement reconnus ainsi que du droit humanitaire international. En outre
l’attitude récalcitrante et obstructionniste de la Serbie envers les autorités et institutions du Kosovo
constitue encore une entrave sérieuse à la stabilité dans les Balkans. De plus la Serbie ne s’est pas

pliée aux appels qui lui ont été faits par la comm unauté internationale pour qu’elle mette fin à son
obstruction à la participation des Serbes kosovars aux institutions du Kosovo, attitude contraire aux
accords qu’elle a conclus à cet effet avec la MINUK et les institutions provisoires
104
d’auto-administration du Kosovo . L’Albanie tient à attirer l’attention de la Cour sur ces faits. A
un moment où la Serbie a ouvertement découragé la participation de la minorité serbe à la conduite
des affaires publiques au Kosovo, se plaindre devant la Cour de ce que cette participation est à un
niveau bas équivaut à un abus de la présente procédure.

94. Il est frappant que dans le livre de M. Zimmermann que la Serbie cite dans son exposé
écrit, l’auteur, ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’ex-Yougoslavie, ait indiqué que les abus
105
commis par les Serbes contre les Albanais n’ont jamais été avoués par des fonctionnaires serbes .
Cette attitude imprègne également l’exposé écrit soumis par l’actuel gouvern ement de la Serbie.
Le fait de passer pratiquement sous silence la catastrophe humanitaire et les souffrances indicibles

que le régime de Milosevi ć a infligées aux Albanais du Ko sovo depuis 1989 montre que pour la
Serbie la longue période de viol ation systématique de leurs droits est encore vue comme quelque
chose de normal. L’Albanie tient à souligner qu’une attitude aussi inconsidérée n’est pas de nature

à encourager les relations amicales entre les nations.

95. Le peuple de la République du Kosovo est déterminé à bâtir un avenir meilleur et à

établir de bonnes relations avec ses voisins, y compris la Serbie. Les autorités kosovares ont
exprimé leur ferme intention de c onstruire une société qui respecte les droits de l’homme et les
libertés fondamentales de tous les citoyens du Kosovo. L’indépendance du Kosovo est et

continuera d’être une réalité. C’est à la Serbie à décider comment elle voudra s’accommoder à
cela.

96. La déclaration d’indépendance du Kosovo ne viole d’aucune manière le droit
international, dont l’objectif fondamental consis te à promouvoir la paix et la stabilité entre les
Etats. Elle est, plutôt, en harmonie avec le princi pe de l’autodétermination, tel qu’il est proclamé

104
Voir entre autres la déclaration ministérielle du groupe de contact, New York, le 20 septembre 2006, par.4,
disponible sur http://www.unosek.org/unosek/en/docref.html (dernier accès le 14 juillet 2009) ; et le document commun
RFY-MINUK du 5 novembre 2001.
105
Voir l’exposé écrit de la Serbie, par. 226. - 29 -

par, entre autres textes, l’importante réso lution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale du
24octobre1970. Les autorités kosovares exer cent les prérogatives et les fonctions d’un

gouvernement légalement constitué, représentant la population du Kosovo, en pleine conformité
avec la Charte des Nations Unies et le droit international.

B) Demandes

97. L’Albanie est d’avis que les exposés présenté s par la Serbie et un faible nombre d’autres
Etats qui prennent des positions similaires ne peuvent d’aucune manière prévaloir sur les vues des

nombreux Etats suivant lesquels la déclara tion d’indépendance du Kosovo était en pleine
conformité avec le droit international.

98. Comme elle l’a indiqué plus haut, l’Alba nie considère que la Cour n’a pas compétence

en l’espèce ou que, subsidiairement, elle devrait user de son pouvoir discrétionnaire et refuser de
prononcer un avis consultatif en l’espèce. Pour les raisons exposées plus haut, la déclaration
d’indépendance n’est pas une question régie par le droit international. En outre un tel avis
n’aiderait pas l’Assemblée générale à exercer ses fonctions et ne serait pas de nature à favoriser les

relations amicales entre les Etats.

99. Si toutefois la Cour en vient à considérer qu’il est opportun et nécessaire de prononcer un

avis consultatif, l’Albanie demande à la Cour, r espectueusement, de conclure que la déclaration
d’indépendance du Kosovo est en pleine conformité avec le droit international, étant donné qu’elle
est l’expression du droit à l’autodétermination du pe uple du Kosovo, ou, subsidiairement, de dire
que la déclaration d’indépendance du Kosovo n’ enfreint aucune règle applicable du droit

international.

100. Il convient, finalement, de souligner que s’efforcer d’obstruer le développement et le

progrès du peuple du Kosovo en entravant ses choix lé gitimes, comme la Serbie l’a fait jusqu’ici,
ne favorise pas la paix et la sécurité dans les Balkans. Pour cette raison, l’Albanie demande à la
Cour, respectueusement, de dire que la Serbie doit respecter le droit du Kosovo à
l’autodétermination et se conduire en conformité avec les principes géné ralement acceptés des

relations amicales et de la c oopération entre les Etats, pour le bien des deux peuples et dans
l’intérêt commun du maintien et de la consolidation de la paix dans la région des Balkans.

___________

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Observations écrites de l'Albanie (traduction du Greffe)

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